Décisions de la CRTESPF

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Résumé :

Selon le plaignant, l’intimé aurait utilisé une définition inexacte de la qualification « engagement » et l’un des membres du comité d’évaluation aurait fait preuve de parti pris contre lui en prêtant à tort une connotation négative aux réponses qu’il a fournies à l’entrevue. Il a ajouté que le président du comité d’évaluation avait fait preuve de favoritisme personnel à l’égard de la personne nommée dans son rôle de répondant de celle-ci. Il a fait valoir d’autre part que l’intimé aurait dû se conformer aux lignes directrices établies par la Commission de la fonction publique par rapport à la vérification des références. L’intimé a soutenu que le comité d’évaluation avait choisi et utilisé une définition valide pour la qualification « engagement »; qu’il n’y avait pas de parti pris de la part d’un membre du comité d’évaluation, ni de favoritisme personnel de la part d’un autre membre du comité qui était l’un des répondants de la personne nommée. Enfin, l’intimé a indiqué que la vérification des références avait été menée conformément aux procédures courantes. Décision Le Tribunal a jugé que la définition du terme « engagement » issue des lignes directrices du Conseil du Trésor et celle donnée par l’intimé étaient équivalentes. La définition de la qualification « engagement » n’était donc entachée d’aucun abus de pouvoir. Le Tribunal a établi en outre qu’il n’y avait aucun abus de pouvoir dans la façon dont l’intimé avait mené la vérification des références. L’intimé s’est même prévalu de son pouvoir discrétionnaire pour demander au plaignant de lui communiquer le nom d’un troisième répondant, ayant constaté que les renseignements fournis par les deux autres répondants sur la qualification « engagement » ne suffisaient pas. Le seul fait que le président du comité était aussi le superviseur de la personne nommée ne saurait faire conclure automatiquement au favoritisme personnel. Il n’y avait donc pas de favoritisme personnel dans la décision de nommer le candidat retenu. S’agissant de la question de parti pris, le Tribunal a jugé que l’intimé n’était pas tenu de consigner mot pour mot les réponses du plaignant. En conséquence, le Tribunal a conclu qu’un observateur relativement bien informé ne percevrait pas de parti pris de la part du membre du comité qui avait évalué la candidature du plaignant. Plainte rejetée.

Contenu de la décision

Coat of Arms - Armoiries
Dossier :
2010-0341
Décision
rendue à :
Ottawa, le 24 novembre 2011

GORDON SPROULE
Plaignant
ET
LE SOUS-­MINISTRE DES TRANSPORTS, DE L’INFRASTRUCTURE ET DES COLLECTIVITÉS
Intimé
ET
AUTRES PARTIES

Affaire :
Plainte d’abus de pouvoir en vertu de l’article 77(1)a) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique
Décision :
La plainte est rejetée
Décision rendue par :
Eugene F. Williams, membre
Langue de la décision :
Anglais
Répertoriée :
Sproule c. le sous-ministre des Transports, de l’Infrastructure et des Collectivités
Référence neutre :
2011 TDFP 0034

Motifs de décision


Introduction


1 Le plaignant, Gordon Sproule, a participé à un processus de nomination interne annoncé visant à doter divers postes au niveau AS-02 à divers endroits en Ontario.

2 Selon le plaignant, l'intimé, le sous-ministre des Transports, de l'Infrastructure et des Collectivités, aurait utilisé une définition erronée, trompeuse et inexacte pour l'évaluation de la qualification essentielle « engagement »; l'un des membres du comité d'évaluation aurait fait preuve de parti pris contre lui en prêtant à tort une connotation négative aux réponses qu'il a fournies à l'entrevue; le fait qu'un membre du comité d'évaluation assume également le rôle de répondant constituerait un conflit d'intérêts. Il ajoute que ses répondants étaient désavantagés, car l'intimé n'aurait pas suivi les lignes directrices de la Commission de la fonction publique (CFP) quand il a vérifié les références des candidats. À son avis, l'élimination de sa candidature a entraîné son exclusion du bassin de candidats qualifiés.

3 L'intimé soutient que le comité d'évaluation a choisi et utilisé une définition et des critères d'évaluation valides pour la qualification essentielle « engagement »; qu'il n'y avait pas de parti pris de la part des membres du comité d'évaluation – dans la mesure où ils ont adopté une approche uniforme et objective pour évaluer tous les candidats et utilisé les mêmes outils et les mêmes échelles de cotation pour chacun d'eux – ni de favoritisme personnel de la part d'un autre membre du comité, qui était l'un des répondants de la personne nommée. Enfin, l'intimé soutient que la vérification des références a été effectuée conformément aux procédures et processus courants.

4 La CFP n'était pas représentée à l'audience, mais elle a fourni des observations écrites concernant son document Série d'orientation – Évaluation, sélection et nomination, en rapport avec l'argumentation du plaignant. Elle a indiqué que ses lignes directrices exigent que les personnes proposées en vue d'une nomination et les personnes nommées possèdent toutes les qualifications essentielles ainsi que toute qualification constituant un atout et répondent aux exigences opérationnelles et aux besoins organisationnels précisés pour la nomination.

Contexte


5 En mai 2009, l'intimé a lancé un processus de nomination afin de doter immédiatement deux postes et de créer un bassin de candidats qualifiés pour divers postes administratifs de niveau AS‑02. Le plaignant a passé l'étape de la présélection par le truchement d'un examen écrit; toutefois, sa candidature a été éliminée parce qu'il n'a pas obtenu la note de passage pour la qualification essentielle « engagement », laquelle a été évaluée au moyen d'une entrevue tenue le 21 octobre 2009 et d'une vérification des références menée en mars 2010.

6 Le 9 juin 2010, l'intimé a publié sur Publiservice une notification de nomination ou de proposition de nomination concernant le poste d'administrateur des capitaux et des ressources communes, Services généraux, Toronto (Ontario). Cette notification faisait suite à un processus au cours duquel 235 personnes ont posé leur candidature et 60 entrevues ont été réalisées. Des 29 personnes jugées qualifiées, 2 ont été nommées et 27 ont été placées dans un bassin. La plainte en l'espèce ne se rapporte qu'à la nomination de Lisa Iazzetta.

7 Le 14 juin 2010, le plaignant a présenté sa plainte au Tribunal de la dotation de la fonction publique (le Tribunal) en vertu de l'article 77(1)a) de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13 (la LEFP).

Questions en litige


8 Le Tribunal doit trancher les questions suivantes :

  1. L'intimé a-t-il abusé de son pouvoir dans sa façon de définir la qualification essentielle « engagement »?
  2. L'intimé a-t-il abusé de son pouvoir dans sa façon de mener la vérification des références?
  3. La présidente du comité d'évaluation a-t-elle abusé de son pouvoir en faisant preuve de favoritisme personnel à l'endroit de la personne nommée?
  4. Un des membres du comité d'évaluation a-t-il fait preuve de parti pris contre le plaignant?

Analyse


9 L'abus de pouvoir n'est pas défini dans la LEFP. Cependant, selon l'article 2(4), « [i]l est entendu que, pour l'application de la présente loi, on entend notamment par "abus de pouvoir" la mauvaise foi et le favoritisme personnel ».

10 Dans la décision Tibbs c. Sous-ministre de la Défense nationale, 2006 TDFP 0008, le Tribunal a établi que l'abus de pouvoir comprend toujours une conduite irrégulière, mais la mesure dans laquelle la conduite est irrégulière peut déterminer si elle constitue un abus de pouvoir ou non.

11 L'abus de pouvoir peut également être causé par des erreurs (voir la décision Kane c. le Procureur général du Canada et la Commission de la fonction publique, 2011 CAF 19, para. 64). Le fait qu'une erreur constitue ou non un abus de pouvoir dépend de la nature et de la gravité de l'erreur en question.

Question I :  L'intimé a-t-il abusé de son pouvoir dans sa façon de définir la qualification essentielle « engagement »?

12 Le plaignant soutient que sa candidature a été injustement exclue en raison de l'utilisation par l'intimé d'une définition de l'engagement qui ne correspondait pas à celle qui figure dans le document Compétences clés en leadership produit par le Secrétariat du Conseil du Trésor (les Lignes directrices). Il avance qu'il existe d'innombrables façons de manifester des qualités telles que l'engagement. Or, selon lui, l'intimé a limité le nombre de comportements par lesquels les candidats pouvaient démontrer qu'ils possédaient cette qualification. En outre, le plaignant soutient que la question relative à l'engagement était inéquitable, car elle pénalisait un bon employé qui n'était jamais entré en conflit avec les autres. Ses répondants n'avaient ainsi aucun conflit à signaler. Le plaignant avance qu'il est injuste d'interpréter négativement l'absence d'indicateurs prescrits sans poser de questions à cet égard à l'entrevue et à la vérification des références.

13 Les membres du comité d'évaluation ont posé aux répondants la question de vérification des références suivante au sujet de l'engagement :

ENGAGEMENT

Donnez-nous un exemple de cas où le candidat a su tisser des liens avec quelqu'un au travail même quand la situation était difficile.

  • Quelle était la situation et quel était le rôle du candidat?
  • Comment le candidat a-t-il réagi?

[traduction]

14 Afin d'illustrer son point de vue, le plaignant a indiqué qu'un de ses répondants avait affirmé qu'il entretenait de bonnes relations avec son groupe de travail. Un autre répondant a indiqué que le plaignant se comportait toujours de manière professionnelle, alors qu'un troisième a déclaré qu'il n'avait jamais posé de problème. En dépit de ces commentaires positifs, le plaignant n'a pas obtenu la note de passage pour la question portant sur l'engagement.

15 La présidente du comité d'évaluation, Natalie Lalonde, a décrit son rôle. Elle a expliqué qu'elle avait fait passer une entrevue aux candidats, qu'elle avait vérifié leurs références et qu'elle leur avait attribué une note provisoire. Une fois les entrevues terminées, elle a rencontré les trois autres membres du comité afin d'examiner les résultats des entrevues et de la vérification des références. Le comité a ensuite attribué une note finale à tous les candidats. La qualification « engagement » a donc été évaluée au moyen de l'entrevue et de la vérification des références.

16 Mme Lalonde a déclaré que le comité avait tiré les questions et les critères utilisés d'une base de données nationale créée à Ottawa. Elle a fait valoir que ces questions et ces critères étaient conformes aux lignes directrices du Conseil du Trésor et que le comité les avait choisis en fonction du fait que les candidats retenus devaient être en mesure de travailler efficacement avec autrui.

17 Le plaignant a affirmé que la définition de l'engagement utilisée par l'intimé ne correspondait pas à celle du dictionnaire et ne tenait pas compte de tous les critères énoncés dans les Lignes directrices. Le plaignant a indiqué qu'il y avait huit facteurs à prendre en considération dans les Lignes directrices, alors que l'intimé n'en avait utilisé que six dans le processus de nomination. Il a déclaré qu'il n'a pu trouver qu'un seul mot en commun entre la définition du dictionnaire et celle que l'intimé a utilisée. Il a également fait valoir que certains indicateurs négatifs, ou « signes de lacunes » ne ressemblaient pas à ceux qui figuraient dans les définitions du Conseil du Trésor.

18 L'intimé affirme avoir consulté la section des Ressources humaines et s'être assuré que la définition était conforme aux Lignes directrices. L'intimé soutient qu'à titre de délégué de l'employeur, il dispose du pouvoir discrétionnaire lui permettant de choisir et de définir les qualifications essentielles, les critères s'y rapportant et les outils appropriés pour les évaluer. L'intimé avance que le fait de ne pas informer les candidats d'une définition particulière se rapportant au mérite ne constitue pas un abus de pouvoir.

19 Dans ses Lignes directrices, le Conseil du Trésor énonce les différents facteurs à prendre en considération en ce qui a trait à l'engagement :

Engagement – mobilisation des gens, des organisations et des partenaires

  • Partage l'information de façon générale tout en respectant les politiques applicables;
  • Collabore avec son entourage et établit des relations efficaces en mettant en application, en valorisant et en appuyant la diversité des personnes, et en encourageant le respect et l'équité au travail, sans distinction par rapport aux valeurs, aux personnalités, aux antécédents culturels ou générationnels;
  • Encourage l'excellence et reconnaît la contribution et la réussite des autres;
  • Consulte les collègues, les partenaires, les clients, les utilisateurs et autres intervenants et agit en conséquence face à leurs préoccupations;
  • Inspire confiance en adoptant lui-même des comportements efficaces, comme honorer ses engagements.

20 Dans le formulaire de vérification des références de l'intimé, intitulé Dotation collective, divers postes administratifs AS-02, processus no 08-MOT-IA-TOR-66952 [traduction], cinq critères sont indiqués pour la qualification « engagement » :

  • Tente activement de comprendre le point de vue des autres et les encourage à exprimer leurs opinions; est capable d'établir des rapports avec les autres et de se mettre à leur place;
  • Collabore afin de régler les problèmes, au besoin; fait des compromis en vue d'atteindre un consensus;
  • Encourage les autres à exprimer leurs points de vue afin que chaque personne comprenne mieux les différentes possibilités d'action;
  • Comprend les besoins et les sentiments de personnes ayant des valeurs ou des antécédents culturels différents; fait preuve de sympathie et de tolérance à l'égard des différents besoins et points de vue; manifeste de la considération, de l'intérêt et du respect à l'égard des autres;
  • Autres réponses acceptables.

[traduction]

21 Le Tribunal observe que les définitions des Lignes directrices sont beaucoup plus vastes que les définitions du dictionnaire fournies par le plaignant.

22 L'article 36 de la LEFP accorde aux administrateurs généraux un vaste pouvoir discrétionnaire relativement au choix et à l'utilisation des méthodes d'évaluation des qualifications des candidats (voir la décision Denny c. le sous-ministre de la Défense nationale, 2009 TDFP 0029). Après avoir examiné la définition de l'engagement figurant dans les Lignes directrices et celle qu'a utilisée l'intimé, le Tribunal conclut que les deux définitions sont semblables. Bien que l'intimé utilise des mots différents, sa définition porte sur des actions visant à établir des relations de travail efficaces par l'échange d'information, la collaboration et le respect de l'opinion des autres.

23 Le Tribunal conclut que le plaignant n'a pas établi la preuve d'un abus de pouvoir dans sa façon de définir la qualification essentielle « engagement ».

Question II :  L'intimé a-t-il abusé de son pouvoir dans sa façon de mener la vérification des références?

24 Le plaignant avance que l'intimé n'a pas suivi les étapes décrites dans le guide de la CFP intitulé Vérification structurée des références : Guide des pratiques exemplaires. À la section 2 du guide, les gestionnaires sont invités à amorcer le processus en expliquant au répondant chacun des indicateurs de comportement associés aux qualifications évaluées avant de lui demander des exemples de la façon dont le candidat a affiché ces comportements au travail. Ni l'énoncé des critères de mérite (ECM) ni les indicateurs de comportement relatifs à l'engagement n'ont été fournis aux répondants au cours du processus. Mme Lalonde – qui a effectué la vérification des références auprès des répondants du plaignant – a déclaré qu'elle leur avait posé toutes les questions incitatives et qu'elle avait consigné par écrit toutes les réponses qu'ils ont fournies au cours de l'entretien.

25 Étant donné que les instructions que devaient suivre les membres du comité pour vérifier les références n'indiquaient pas de fournir l'ECM aux répondants, le plaignant soutient qu'elles n'étaient pas conformes au guide de la CFP. De plus, le plaignant souligne l'absence de remarques concernant les valeurs et l'éthique et affirme que celles-ci auraient dû figurer dans les documents envoyés aux répondants.

26 Mme Lalonde a déclaré que les répondants avaient reçu les questions de vérification des références avant l'entretien par téléphone. La décision de ne pas leur fournir l'ECM ou les critères relatifs à l'engagement a été prise par les membres du comité avant la vérification des références. Ceux-ci ont choisi de ne communiquer aux répondants que les questions et les interrogations incitatives, car ils jugeaient que ces renseignements étaient suffisamment clairs et leur permettraient de recueillir assez d'information pour évaluer les candidats.

27 Le plaignant soutient qu'étant donné que l'un de ses répondants n'était pas un employé de la fonction publique, le fait que l'intimé n'ait pas respecté le guide de la CFP désavantageait celui-ci par rapport aux fonctionnaires ou à toute autre personne connaissant la méthodologie et les indicateurs relatifs au critère « engagement ».

28 Selon le plaignant, le processus était inéquitable du fait que l'intimé n'avait pas remis les indicateurs de comportement et l'ECM aux répondants avant la vérification des références.

29 Mme Lalonde s'est entretenue avec les répondants du plaignant. Elle a parlé à la première répondante le 1er mars 2010 et a appris que celle-ci avait recommencé à superviser le plaignant le 9 février 2010. En 2008, la répondante avait également supervisé le plaignant pendant une période d'environ quatre à six mois. Au cours de ces périodes, la répondante n'avait observé aucune situation permettant d'évaluer le comportement du plaignant par rapport à l'engagement. En outre, la répondante a indiqué à Mme Lalonde que le plaignant travaillait efficacement au sein du groupe d'employés qu'elle supervisait.

30 Mme Lalonde a décrit son entretien téléphonique avec le deuxième répondant. Celui-ci avait supervisé le plaignant pendant environ deux mois en 2006-2007. En réponse à la question sur l'engagement, ce répondant a indiqué que vu la très courte période de travail du plaignant, celui-ci n'avait pas rencontré de difficultés et n'avait pas eu le temps d'établir de liens avec ses collègues. Mme Lalonde a alors conclu que les renseignements fournis par les répondants n'étaient pas suffisamment détaillés pour couvrir tous les points figurant à la rubrique « Engagement ». Par conséquent, le comité a cherché à obtenir d'autres références et a demandé au plaignant de fournir le nom d'un troisième répondant.

31 Le troisième répondant a informé Mme Lalonde que le plaignant avait travaillé à l'Université de Toronto 12 ans plus tôt durant le printemps et l'été. Il a indiqué que le plaignant avait eu un superviseur difficile quand il a commencé à travailler à la réception. Quand Mme Lalonde lui a demandé un exemple d'une situation où le plaignant avait su tisser des liens avec quelqu'un au travail, le répondant n'a pas été en mesure de fournir beaucoup de détails, mais a souligné que le plaignant était posé et très professionnel. À la suite de cette conversation téléphonique, Mme Lalonde a provisoirement attribué au plaignant une note inférieure à la note de passage, car ses références ne contenaient pas suffisamment de renseignements concernant l'engagement.

32 Ainsi, au terme de la vérification des références, les membres du comité d'évaluation ont passé en revue, au regard du guide de cotation, les réponses que le plaignant avait fournies à l'entrevue ainsi que les renseignements émanant des références. Ils ont alors conclu que les renseignements fournis par les répondants, de même que les réponses que le plaignant avait données à l'entrevue, ne permettaient pas à celui-ci d'obtenir la note de passage pour la qualification « engagement ».

33 Selon l'article 16 de la LEFP, les administrateurs généraux sont tenus de se conformer aux lignes directrices établies par la CFP. Or, les directives telles que le guide de la CFP ne sont pas des politiques; elles n'ont pas la même valeur ou incidence. Les directives sont des outils visant à aider les administrateurs généraux dans les processus de nomination. Par conséquent, le fait que l'intimé n'ait pas suivi à la lettre les directives du guide ne s'apparentait pas à un manque d'équité dans le processus de vérification des références pas plus qu'il ne constituait un abus de pouvoir.

34 Le Tribunal fait remarquer que les candidats devaient fournir le nom de seulement deux répondants. Or, quand le comité s'est rendu compte que les renseignements fournis par les deux répondants n'étaient pas suffisants pour évaluer le plaignant, il a exercé son pouvoir discrétionnaire et demandé à celui-ci de lui communiquer le nom d'un troisième répondant. Ici, la lacune ne réside pas dans le processus de vérification des références, mais bien dans le choix des répondants du plaignant. En effet, celui-ci a fourni le nom de personnes n'ayant pas travaillé avec lui suffisamment longtemps pour fournir des références complètes et significatives. Son dernier répondant avait travaillé avec lui il y a 12 ans et n'a pas pu fournir beaucoup de détails. En l'espèce, l'intimé a fait preuve de diligence dans la manière dont il a mené la vérification des références; il n'était pas tenu de consulter répondant après répondant jusqu'à ce qu'il obtienne suffisamment de renseignements pour évaluer une qualification donnée.

35 Le fait de transmettre l'ECM aux répondants n'aurait pas pallié la principale cause du manque d'information concernant la qualification essentielle « engagement », étant donné que ceux-ci n'ont eu que très peu d'occasions d'observer les relations de travail du plaignant, ou qu'il s'était écoulé trop de temps pour qu'ils puissent fournir les détails requis.

36 Le Tribunal conclut donc que l'intimé n'a pas abusé de son pouvoir dans sa façon de mener la vérification des références. Il était raisonnable de la part du comité d'évaluation de fournir aux répondants seulement les questions et les interrogations incitatives, étant donné qu'il estimait que ces renseignements étaient suffisamment clairs et qu'ils lui permettraient d'obtenir assez d'information pour évaluer les candidats. En outre, l'intimé a exercé son pouvoir discrétionnaire et demandé au plaignant de lui communiquer le nom d'un autre répondant après avoir constaté que les deux autres références ne contenaient pas suffisamment de renseignements concernant l'engagement. Par ailleurs, en l'espèce, l'évaluation de la qualification « engagement » ne se fondait pas uniquement sur les références, mais également sur les réponses fournies à l'entrevue.

Question III :  La présidente du comité d'évaluation a-t-elle abusé de son pouvoir en faisant preuve de favoritisme personnel à l'endroit de la personne nommée?

37 Le plaignant affirme qu'il y a eu favoritisme personnel dans la mesure où Mme Lalonde, la présidente du comité, était également une répondante de l'une des personnes nommées, Mme Iazzetta. Par ailleurs, le plaignant soutient que Mme Lalonde était l'amie de Mme Iazzetta : elles avaient travaillé ensemble auparavant et avaient toutes deux assisté au mariage d'un autre employé. Selon lui, le fait que Mme Lalonde avait contribué à la préparation des questions de vérification des références et du barème de correction aurait conféré un avantage à la personne nommée car Mme Lalonde connaissait les critères et était donc en mesure de fournir de meilleures réponses.

38 Conformément aux instructions fournies dans le cadre du processus de nomination, les postulants devaient indiquer le nom de deux répondants : leur superviseur actuel et une autre personne. L'intimé soutient que Mme Lalonde a assumé le rôle de répondante parce qu'elle était la superviseure de la personne nommée. Mme Lalonde n'a accepté de jouer ce double rôle qu'après avoir obtenu l'approbation des Ressources humaines. Dans ses observations, l'intimé affirme que les actions de Mme Lalonde ne concourent pas à établir la preuve d'un favoritisme personnel.

39 L'intimé avance que le plaignant et les autres candidats ont tous été évalués de la même manière. Il affirme que le plaignant n'a pas démontré que la personne nommée ne répondait pas aux critères de nomination pour le poste visé. Il ajoute que le plaignant n'a pas fourni de preuve convaincante permettant au Tribunal de conclure au favoritisme personnel.

40 Mme Lalonde a déclaré qu'en raison de ses réticences à l'idée de jouer le double rôle de répondante et de présidente du comité d'évaluation, elle a consulté les conseillers en ressources humaines avant le début du processus de nomination. Ceux-ci l'ont assurée qu'elle pouvait assumer les deux rôles. Elle était l'un des quatre membres du comité chargé d'évaluer les résultats; toutefois, elle n'a pas reçu la personne nommée en entrevue et n'a pas compilé ses résultats d'entrevue ni ceux de la vérification des références.

41 Le favoritisme personnel a fait l'objet d'autres décisions du Tribunal. Dans la décision Glasgow c. Sous-ministre de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, 2008 TDFP 0007, para. 39, le Tribunal a conclu ce qui suit :

Il convient de noter que le mot « favoritisme » est qualifié par l'adjectif « personnel », ce qui met en évidence l'intention du législateur de faire en sorte que les deux mots soient lus ensemble, et que c'est le favoritisme personnel, non pas tout autre type de favoritisme, qui constitue un abus de pouvoir.

[gras dans le texte original]

42 Au paragraphe 41 de la même décision, le Tribunal a conclu ce qui suit :

Lorsqu'il faut choisir parmi plusieurs candidats qualifiés, l'alinéa 30(2)b) de la LEFP prévoit que la sélection peut reposer sur les qualifications constituant un atout, les exigences opérationnelles et les besoins organisationnels. La sélection ne doit jamais être teintée de favoritisme personnel. Des intérêts personnels indus, comme une relation personnelle entre la personne chargée de la sélection et la personne nommée, ne devraient jamais constituer le motif d'une nomination. De la même façon, la sélection d'une personne à titre de faveur personnelle ou pour obtenir la faveur de quelqu'un serait un autre exemple de favoritisme personnel.

43 Le plaignant n'a fourni aucun élément de preuve démontrant que Mme Lalonde était plus que la superviseure de Mme Iazzetta. Il n'a pas été démontré en preuve que les deux femmes avaient des rapports sociaux à l'extérieur du milieu de travail, sauf à une occasion où elles ont toutes deux assisté au mariage d'un autre employé. Cet événement ponctuel ne suffit pas pour démontrer qu'elles entretenaient une relation personnelle. La preuve montre que les candidats devaient fournir le nom de leur superviseur actuel, ce qui a mis Mme Lalonde en situation d'assumer le double rôle de répondante et de présidente du comité d'évaluation. Dans ce cas précis, Mme Lalonde n'a pas participé à l'entrevue de Mme Iazzetta ni à l'évaluation des résultats de la vérification des références. Le seul fait que Mme Lalonde était la superviseure de la personne nommée ainsi que la présidente du comité d'évaluation ne permet pas de conclure automatiquement au favoritisme personnel. Dans ses décisions, le Tribunal a établi que les membres du comité peuvent avoir recours à leur connaissance personnelle d'un candidat dans un processus d'évaluation (voir par exemple la décision Visca c. Sous-ministre de la Justice, 2007 TDFP 0024, para. 53). Mme Lalonde a répondu aux questions de vérification des références, mais elle n'a pas compilé les résultats. Clay Cervoni, le membre du comité qui a interviewé Mme Iazzetta et effectué la vérification de ses références, a déclaré que la présidente n'avait pas tenté d'influencer les autres membres.

44 Le Tribunal conclut que le plaignant n'a pas établi la preuve d'un favoritisme personnel dans la décision de nommer Mme Iazzetta.

Question IV :  Un des membres du comité d'évaluation a-t-il fait preuve de parti pris contre le plaignant?

45 Le Tribunal s'est penché sur la question du parti pris dans plusieurs décisions. Dans la décision Denny, le Tribunal a adopté le critère de crainte raisonnable de partialité établi par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Newfoundland Telephone Company c. Terre-Neuve (Board of Commissioners of Public Utilities), [1992] 1 R.C.S. 623. Ainsi, en l'espèce, il faut se demander si, en examinant le processus, un observateur relativement bien informé pourrait raisonnablement percevoir de la partialité de la part d'une ou de plusieurs personnes ayant évalué la candidature du plaignant.

46 À l'appui de son allégation de parti pris, le plaignant affirme que M. Cervoni, un des membres du comité ayant évalué ses réponses à l'entrevue, a prêté à tort des connotations négatives à celles-ci et a omis de noter intégralement sa réponse à la question portant sur l'engagement.

47 Le plaignant a déclaré que les notes d'entrevue montrent que la personne qui les a prises n'avait pas consigné avec exactitude sa réponse à la question concernant le conflit en milieu de travail. Alors que dans les notes, il est indiqué qu'il a affirmé « J'ai dit qu'il n'était pas un vrai employé » [traduction], le plaignant soutient qu'il a plutôt répondu « J'ai dit qu'il avait été embauché à contrat par un organisme non gouvernemental » [traduction]. Il a indiqué que M. Cervoni n'avait pas consigné la totalité de ses explications. Il a ajouté que M. Cervoni avait écrit dans ses notes qu'il fallait l'inciter à fournir des précisions, ce qui, selon lui, présente une connotation négative.

48 M. Cervoni a déclaré qu'il avait dû inciter le plaignant à fournir des précisions au cours de l'entrevue. Toutefois, en dépit des questions incitatives, le plaignant n'a pas fourni beaucoup de détails. M. Cervoni a donné des exemples dans lesquels les réponses du plaignant ne démontraient pas qu'il répondait aux critères concernant l'engagement. Ainsi, les renseignements fournis par les répondants, de même que les réponses que le plaignant a données à l'entrevue, ont amené le comité à conclure que celui-ci n'avait pas démontré qu'il répondait aux critères liés à la qualification essentielle « engagement ».

49 Le plaignant affirme par ailleurs que les réponses fournies par la personne nommée ne démontraient pas toutes qu'elle possédait la qualification « engagement ». Le Tribunal fait remarquer que la preuve fournie par l'intimé montre que la note finale a été déterminée par l'ensemble des membres du comité, après l'entrevue et la vérification des références. D'après l'ensemble de la preuve, le Tribunal est convaincu que le comité disposait de suffisamment de renseignements pour déterminer que la personne nommée possédait cette qualification.

50 Le Tribunal s'est penché sur les préoccupations du plaignant à l'égard de l'exhaustivité des notes prises par M. Cervoni relativement à l'allégation de parti pris. L'intimé n'était pas tenu de consigner mot pour mot les réponses du plaignant. Le Tribunal a entendu le témoignage de M. Cervoni, dans lequel il a déclaré que les réponses du plaignant à la question portant sur l'engagement ne lui permettaient pas d'obtenir la note de passage. De plus, M. Cervoni a écrit qu'il a fallu inciter le plaignant à fournir plus de détails; ces notes constituaient un aide-mémoire. Son témoignage n'a pas été remis en question par le plaignant. Par conséquent, le Tribunal est convaincu que les notes prises par M. Cervoni correspondaient aux réponses fournies par le plaignant. Le Tribunal conclut donc qu'un observateur relativement bien informé ne percevrait pas de parti pris de la part de M. Cervoni en sa qualité de membre du comité ayant évalué la candidature du plaignant.

51 Par conséquent, le plaignant n'a pas établi la preuve d'un parti pris de la part du membre du comité.

52 À la lumière d'un examen objectif de tous les éléments de preuve, le Tribunal conclut que selon la prépondérance des probabilités le plaignant n'a pas apporté la preuve d'un abus de pouvoir dans l'application du mérite, ni de favoritisme personnel ou parti pris dans le processus de nomination.

Décision


53 Pour tous les motifs susmentionnés, la plainte est rejetée.


Eugene F. Williams
Membre

Parties au dossier


Dossier du Tribunal :
2010-0341
Intitulé de la cause :
Gordon Sproule et le sous-ministre des Transports, de l’Infrastructure et des Collectivités
Audience :
Le 7 juin 2011
Toronto (Ontario)
Date des motifs :
Le 24 novembre 2011

COMPARUTIONS

Pour le plaignant :
Larry Teslyk
Pour l'intimé :
Pierre Marc Champagne
Pour la Commission
de la fonction publique :
John Unrau (observations écrites)
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