Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Les plaignants ont déposé une plainte en vertu de l’alinéa 190(1)g) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la <<Loi>>) contre les défendeurs, alléguant qu'ils avaient violé l'article 187 de la Loi en tenant des discussions avec l'employeur dans le but de conclure un accord sur le transfert de plusieurs fonctionnaires provinciaux au-delà d’une période précise, en concluant un accord qui était essentiellement pareil aux modalités d’un article proposé précédemment dans la convention collective que les membres avaient rejeté, en ne divulguant pas les modalité de l'accord aux membres avant qu'il ne soit signé et en signant l'accord sans scrutin de ratification - les défendeurs ont prétendu que la Commission n'avait pas compétence pour instruire la plainte car celle-ci concernait des questions syndicales internes - l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada (l'<<Institut>>) a négocié avec l'Agence du revenu du Canada dans le but de renouveler la convention collective du groupe VFS - un accord préliminaire a été conclu incluant l'article 35 traitant du transfert de fonctionnaires de plusieurs gouvernements provinciaux au gouvernement fédéral - le groupe VFS a rejeté l'accord préliminaire en grande partie en raison du libellé et des répercussions potentielles de l'article 35 - l'Institut a repris les négociations et a conclu un autre accord préliminaire, lequel incluait une lettre d'entente qui offrait un délai de 60 jours pour conclure un accord sur la question du transfert - cette convention collective a été ratifiée - aucun accord n'a été conclu durant la période précisée -quelques mois plus tard, les parties ont conclu un accord sur la question et un protocole d'entente (PE) a été signé - les plaignants ont contesté non pas le bien-fondé du PE mais bien la façon dont il avait été conclu - la Commission a déterminé que le PE était très différent de l'article 35 proposé - la recommandation des plaignants voulant que l'Institut avait l'obligation de faire ratifier le PE n'a pas été appuyée par les règlements administratifs de l'Institut, ceux des dirigeants du groupe VFS, la jurisprudence ou les dispositions de la Loi - le devoir de représentation équitable ne s'applique pas à la relation entre un agent négociateur et un employé de l'unité de négociation - le devoir devait s'appliquer exclusivement aux différends concernant la relation entre un employeur et ses employés membres d'une unité de négociation - même si la Commission avait compétence pour trancher des questions syndicales internes en cas de comportement arbitraire ou de mauvaise foi prouvés, ni l’un ni l’autre n’a été prouvé par les plaignants. Plainte rejetée.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2012-10-22
  • Dossier:  561-34-487
  • Référence:  2012 CRTFP 114

Devant une formation de la
Commission des relations de
travail dans la fonction publique


ENTRE

KULWANT SAHOTA ET AL.

plaignants

et

INSTITUT PROFESSIONNEL DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA,
DAVID GRAY, RAY LAZZARA et WALTER BELYEA

défendeurs

Répertorié
Sahota et al. c. Institut professionnel de la fonction publique du Canada et al.

Affaire concernant une plainte visée à l’article 190 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Stephan J. Bertrand, une formation de la Commission des relations de travail dans la fonction publique

Pour les plaignants:
Nao Fernando

Pour les défendeurs:
Steven Welchner, avocat

Affaire entendue à Vancouver (Colombie-Britannique),
le 18 octobre 2011 et les 12 et 13 juin 2012.
(Traduction de la CRTFP)

I. Plainte devant la Commission

1 Le 24 septembre 2010, Kulwant Sahota et environ 35 autres personnes (les « plaignants ») ont présenté une plainte en vertu de l’alinéa 190(1)g) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la « Loi ») contre David Gray, Ray Lazzara, Walter Belyea et l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada(les « défendeurs »). Selon la plainte, les défendeurs avaient violé l’article 187 de la Loi, qui est libellé comme suit :

187. Il est interdit à l’organisation syndicale, ainsi qu’à ses dirigeants et représentants, d’agir de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi en matière de représentation de tout fonctionnaire qui fait partie de l’unité dont elle est l’agent négociateur.

2 À l’appui de leur plainte, les plaignants ont formulé plusieurs allégations que j’ai résumées comme suit :

  1. L’Institut professionnel de la fonction publique du Canada(l’« Institut ») n’était pas autorisé à tenir des discussions avec l’employeur des plaignants, l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC »), dans le but de conclure un accord sur le transfert de fonctionnaires de plusieurs gouvernements provinciaux (principalement de la Colombie‑Britannique et de l’Ontario) au-delà d’une période visée de 60 jours.
  2. Les membres de l’Institut, incluant les plaignants, n’ont pas été prévenus ou avisés de la tenue de ces discussions.
  3. Les modalités incluses dans l’accord conclu avec l’ARC étaient sensiblement les mêmes que celles retrouvées dans un article proposé antérieurement pour la convention collective du groupe Vérification, finances et sciences (VFS) (article 35), et qui avait été rejeté par les membres du groupe VFS.
  4. Les modalités de l’accord n’ont été révélées aux membres qu’après la signature de celui-ci.
  5. L’accord a été approuvé et signé de manière supposément arbitraire, notamment le fait que les défendeurs n’ont pas tenu de scrutin de ratification.
  6. Les séances conjointes de discussion ouverte organisées entre l’Institut et l’ARC pour communiquer les modalités de l’accord ont jeté un froid sur les membres de l’Institut, incluant les plaignants, qui n’ont pas eu l’occasion d’exprimer leur désaccord ou de poser des questions pertinentes sur les enjeux qui les préoccupaient.
  7. Les membres n’ont reçu une copie de l’accord qu’après la tenue des séances conjointes de discussion ouverte et ont dû se familiariser avec ses modalités par l’entremise d’une présentation PowerPoint.

3 Dans leur réponse datée du 14 octobre 2010, les défendeurs ont soulevé les trois objections préliminaires suivantes : i) la plainte était hors délai : elle n’a pas été déposée dans le délai prescrit; ii) la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la « Commission ») n’a pas compétence pour trancher des questions syndicales internes; iii) les plaignants n’ont pas établi de preuve prima facie d’un manquement à leur devoir de représentation équitable.

4 L’objection relative au délai de présentation de la plainte a finalement été retirée et une audience a été prévue pour traiter les deux autres objections des défendeurs. La présente décision porte exclusivement sur ces objections, non sur le bien‑fondé de la plainte.

II. Résumé de la preuve

5 À la demande conjointe des parties, j’ai traité la preuve documentaire de la manière suivante. Le formulaire de plainte et tous les documents connexes ont été identifiés, par consentement, comme étant la pièce 1. La réponse des défendeurs et tous les documents connexes, soit les annexes « A » à « M », ont été identifiés, par consentement, comme étant la pièce 2. La réplique des plaignants et tous les documents connexes, soit les annexes 1 à 4, ont été identifiés, par consentement, comme étant la pièce 3.

6 Les plaignants ont cité trois témoins à comparaître : M. Sahota, Paul Skinner et Andrew Adolph. Les défendeurs n’ont cité aucun témoin à comparaître. Ils ont décidé de s’en tenir à la preuve documentaire déposée lors de l’audience.

7 Selon les plaignants, en avril 2009, l’Institut a négocié avec l’ARC dans le but de renouveler la convention collective du groupe VFS. Un accord préliminaire a été conclu et incluait l’article 35, intitulé [traduction] « Acquisitions liées aux nouvelles affaires », portant sur le transfert de fonctionnaires de plusieurs gouvernements provinciaux (principalement de la C.‑B. et de l’Ontario) qui ont opté pour la taxe de vente harmonisée (TVH). Essentiellement, l’article 35 présentait les conditions d’emploi de ces nouveaux fonctionnaires, incluant les calculs relatifs aux années de service, aux vacances et au solde des congés de maladie, aux taux de rémunération et aux augmentations économiques. Selon M. Sahota, les membres du groupe VFS ont rejeté l’accord préliminaire principalement en raison du libellé et des répercussions potentielles de l’article 35.

8 L’Institut a par la suite repris les négociations et a conclu un autre accord préliminaire avec l’ARC en septembre 2009, cette fois sans l’article 35, qui a été soumis à un scrutin de ratification. De plus, l’Institut et l’ARC avaient signé une [traduction] « lettre d’entente » (la « Lettre ») qui leur offrait la possibilité de négocier une solution de rechange à l’article 35. La Lettre indiquait que l’Institut et l’ARC feraient tout en leur pouvoir pour conclure un accord sur le transfert de fonctionnaires provinciaux dans les 60 jours suivant la signature de la convention collective. L’existence et le contenu de la Lettre étaient connus des membres du groupe VFS, incluant les plaignants, avant la tenue du scrutin de ratification pour la nouvelle convention collective, puisque la Lettre était annexée à l’accord préliminaire.

9 La convention collective, à la suite d’un vote, a été ratifiée par les membres du groupe VFS qui avaient été informés que, même si l’article 35 ne faisait plus partie de la convention collective, une solution de rechange serait négociée dans le cadre de la Lettre. Cependant, l’Institut et l’ARC n’ont pu conclure un accord relativement à une solution de rechange à l’article 35 dans les 60 jours prescrits et les négociations ont été rompues. Quelques mois plus tard, M. Gray, un vice‑président de l’Institut, M. Lazzara, président du groupe VFS, et M. Belyea, un membre du personnel de l’Institut, ont discuté avec l’ARC et ils se sont entendus sur une solution de rechange à l’article 35, connue par les parties sous le nom de « protocole d’entente » (PE). Le PE a été signé le 23 avril 2010.

10 Selon MM. Sahota, Skinner et Adolph, le PE a été conclu après la période de 60 jours et sans d’abord consulter les membres du groupe VFS ou procéder à un scrutin de ratification. Toutefois, M. Skinner, qui était alors le représentant régional du groupe VFS de la C.‑B. et membre du comité de négociation de l’Institut, a précisé qu’il avait reçu une copie du PE et qu’il avait été consulté à ce sujet la journée avant la signature.

11 Les modalités du PE ont été communiquées aux membres lors des séances de discussion ouverte organisées conjointement par l’Institut et l’ARC par l’entremise d’une présentation PowerPoint détaillée présentée à l’aide de projecteurs. La présentation décrivait tous les principaux éléments du PE du 23 avril 2010. Selon les plaignants, ces événements ont jeté un froid sur les membres du groupe VFS, qui sentaient qu’ils ne pouvaient pas exprimer leur désaccord ni poser de questions pertinentes sur les enjeux qui les préoccupaient. Une copie du PE a été remise aux membres du groupe VFS quelque temps après la fin des séances conjointes de discussion ouverte.

12 Insatisfaits de la manière dont le PE avait été conclu, les plaignants ont déposé une plainte. M. Skinner a aussi indiqué qu’il avait déposé des plaintes internes auprès du président de l’Institut et de son conseil d’administration. Les deux plaintes ont été rejetées lors de leur premier examen.

13 Lors de l’audience, les plaignants ont reconnu, par l’entremise de leur représentant, qu’ils ne remettaient pas en question le bien‑fondé du PE et qu’ils n’affirmaient pas que celui-ci ne constitue pas une solution de rechange appropriée à l’article 35 initialement proposé. Les plaignants n’ont présenté aucune preuve connexe.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour les défendeurs

14 Les défendeurs ont indiqué que les allégations des plaignants concernaient exclusivement deux questions syndicales internes : le processus choisi par l’Institut pour conclure un PE et la manière dont il a communiqué le PE à ses membres. Ils ont affirmé que la Commission et son prédécesseur, l’ancienne Commission des relations de travail dans la fonction publique (l’« ancienne CRTFP »), avaient toujours soutenu que le devoir de représentation équitable ne concernait pas les questions syndicales internes et que, sans disposition législative précise, la Commission n’était pas autorisée à régir les affaires internes d’un agent négociateur. Pour appuyer leurs arguments, les défendeurs m’ont renvoyé à : Mangat c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2010 CRTFP 52, au paragraphe 46; Shutiak et al. c. Syndicat des employé(e)s de l’impôt - Bannon, 2008 CRTFP 103, aux paragraphes 10 à 12; Bracciale c. Alliance de la Fonction publique du Canada (Syndicat des employé(e)s de l’impôt, section locale 00048), 2000 CRTFP 88, aux paragraphes 22 à 29; St-James et al. c. Syndicat de l’emploi et de l’immigration du Canada (Élément de l’Alliance de la Fonction publique du Canada) et Cres Pascucci, dossier de la CRTFP 100-1 (19920331); Tucci c. Hindle, dossier de la CRTFP 161-02-840 (19971229); Martel c. Alliance de la Fonction publique du Canada, dossier de la CRTFP 161-02-669 à 671 (19931027); White c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2000 CRTFP 62.

15 Essentiellement, les défendeurs ont soutenu que comme des questions syndicales internes étaient au cœur de la plainte, ces dernières ne relevaient pas du devoir légal de représentation équitable de l’Institut. Invoquant Bracciale, ils ont déclaré que le devoir de représentation équitable ne devrait pas s’appliquer à la relation entre un fonctionnaire membre d’une unité de négociation et l’agent négociateur qui le représente, mais plutôt uniquement aux conflits qui concernent directement la relation avec l’employeur du fonctionnaire.

16 Les défendeurs ont ajouté que la plainte portait exclusivement sur la relation des plaignants avec l’Institut et ses agents. Ils ont ajouté que la plainte n’avait absolument rien à voir avec la représentation des plaignants par l’Institut vis-à-vis de leur employeur. Invoquant St‑James, Kilby et al. c. l’Alliance de la Fonction publique du Canada et Daryl Bean, dossiers 161-02-808 et 150-02-44 de la CRTFP (19980427) et Bracciale, les défendeurs ont affirmé que le devoir de représentation équitable concernait les relations entre les fonctionnaires et les employeurs, et qu’ils n’ont pas de lien avec le règlement du fonctionnement interne de l’agent négociateur.

17 En qui concerne l’allégation des plaignants selon laquelle l’Institut devait veiller à ce que le PE soit d’abord ratifié par les membres du groupe VFS, les défendeurs ont allégué que les commissions des relations de travail ont toujours conclu que la ratification était une question syndicale interne qui ne concernait pas le devoir de représentation équitable, qu’elle soit exigée ou non par les statuts du syndicat. Les défendeurs ont indiqué que, si les plaignants étaient préoccupés en principe par l’absence de consultation ou par la ratification, ils devaient intenter un recours auprès de l’Institut plutôt qu’auprès de la Commission. À ce sujet, les défendeurs m’ont renvoyé à : Connolly (1998), 107 di 120 (C.C.R.T.), au paragraphe 107; Burrows et autres (1984), 57 di 205 (C.C.R.T.); Laking (1996), 101 di 71 (C.C.R.T.), au paragraphe 11; Air Canada, 2010 CCRI 539, au paragraphe 49; Threlfall (Re), [2001] B.C.L.R.B.D. No. 37 (QL); King (Re), [2006] B.C.L.R.B.D. No. 61 (Q.L.).

18 Les défendeurs m’ont aussi renvoyé à deux décisions récentes du Conseil canadien des relations industrielles (CCRI), Air Canada, 2010 CCRI 539, et Air Canada, 2010 CCRI 539, dans lesquelles le CCRI mentionne qu’il n’est pas du ressort des commissions des relations de travail d’instruire une plainte relative au devoir de représentation équitable qui porte sur le non-respect, de la part de l’agent négociateur, des règlements administratifs internes ou sur le fait qu’il n’a pas tenu de scrutin de ratification.

19 Enfin, les défendeurs ont indiqué que le devoir légal de représentation équitable de l’Institut n’avait aucun lien avec l’affaire en instance, étant donné que toutes les allégations des plaignants portaient exclusivement sur leur objection relative au processus de négociation interne des défendeurs et la signature d’un PE, lesquels ont été communiqués par la suite aux membres. Selon les défendeurs, ces mesures concernaient des questions syndicales internes qui n’étaient pas visées par l’article 187 de la Loi, ce qui signifie que je n’ai pas compétence pour les entendre.

20 L’avocat des défendeurs a aussi présenté des arguments détaillés à propos du fait que les plaignants n’avaient pas établi de preuve prima facie. Pour des motifs qui deviendront évidents plus loin dans la présente décision, je ne les ai pas résumés.

B. Pour les plaignants

21 Les plaignants ont allégué que les défendeurs avaient agi de manière arbitraire : premièrement parce qu’ils n’étaient pas autorisés à négocier avec l’ARC après l’expiration du délai de 60 jours, après avoir omis de présenter une demande de prorogation du délai auprès des membres; deuxièmement, parce que le PE a été signé secrètement et sans scrutin de ratification. Selon les plaignants, l’exigence visant à obtenir l’approbation des membres à l’égard du PE par l’entremise d’un scrutin de ratification était essentielle, et le fait que les défendeurs n’aient pas tenu de scrutin de ratification indique clairement le caractère arbitraire du processus.

22 Le représentant des plaignants était d’accord avec l’état actuel du droit présenté par les défendeurs concernant les questions syndicales internes. Toutefois, il a affirmé que sa plainte ne portait pas sur des questions syndicales internes, et que les défendeurs n’avaient pas réussi à prouver le contraire par leur témoignage de vive voix.

23 Selon les plaignants, la signature d’une entente relative à une question qui avait été rejetée plus tôt par les membres, sans scrutin de ratification et dans le secret, ne pouvait être qu’arbitraire.

24 Les plaignants ont aussi affirmé que le PE faisait partie de la convention collective que les membres avaient déjà ratifiée et que, par conséquent, il nécessitait un scrutin de ratification pour être considéré comme légitime.

25 Les plaignants ont indiqué que, même si dans l’affaire en instance il était question de ratification, je devrais tout de même avoir compétence pour l’entendre si les actions des défendeurs étaient arbitraires ou de mauvaise foi.

26 Les plaignants m’ont renvoyé à : Bracciale; Shutiak; La Guilde de la marine marchande du Canada c. Gagnon et autres, [1984] 1 R.C.S. 509; Ontario (Ministry of the Environment and Energy), [2005] O.L.R.D. No. 2337 (QL); Abitibi-Consolidated Co. of Canada, [2004] O.L.R.D. No. 1472 (QL); Boshra c. Association canadienne des employés professionnels, 2009 CRTFP 100.

C. Réplique des défendeurs

27 Les défendeurs ont réitéré que la question de déterminer si la ratification des membres était nécessaire devrait être prise à l’interne et par l’agent négociateur concerné. De même, la question de savoir si les défendeurs auraient pu ou auraient dû tenter d’obtenir une prorogation du délai de 60 jours auprès des membres pour négocier une solution de rechange à la question de l’article 35 est une question syndicale interne.

28 Les défendeurs ont affirmé que les plaignants n’avaient jamais été privés de recours, puisqu’ils auraient pu poursuivre leurs démarches auprès des statuts de l’Institut plutôt que devant cette Commission.

IV. Motifs

29 En plus de prendre en considération les témoignages qui ont été présentés lors de l’audience, j’ai aussi tenu compte de la preuve documentaire qui a été déposée par consentement par les parties.

30 Selon plusieurs procès-verbaux des réunions des dirigeants du groupe VFS et du conseil d’administration de l’Institut, peu après la fin des discussions entre les dirigeants du groupe VFS et l’ARC, l’ARC a annoncé que les fonctionnaires transférés des provinces seraient placés dans une unité de négociation différente et que les membres de l’Institut qui effectuaient alors des vérifications de la TVH ou de la taxe de vente provinciale seraient aussi placés dans cette unité. Devant un tel scénario, les dirigeants du groupe VFS croyaient que le groupe VFS perdrait des milliers de membres. Le fait que l’Institut ait poursuivi les discussions avec l’ARC au‑delà de la période de 60 jours établie par la Lettre était connu et autorisé par les dirigeants du groupe VFS, lesquels avaient organisé un vote officiel pour autoriser la signature du PE lors de la réunion du 22 avril 2012. Les dirigeants du groupe VFS ont approuvé le PE et un accord est intervenu avec l’ARC le jour suivant.

31 Contrairement aux allégations des plaignants, le PE était très différent de l’article 35 proposé que les membres avaient rejeté. L’article 35 proposé établissait certaines conditions d’emploi pour les fonctionnaires provinciaux qui seraient transférés à l’unité de négociation VFS. Mis à part une exigence pour l’ARC de [traduction] « consulter l’Institut en temps opportun », aucune protection concrète ne semblait être offerte aux membres existants de l’unité de négociation. Selon une [traduction] « mise à jour sur les négociations » des VFS, cela n’était pas suffisant pour protéger les membres du groupe VFS. En revanche, le PE qui a finalement été signé par l’Institut et l’ARC offrait d’importantes mesures de protection aux membres de l’unité de négociation du groupe VFS. Je n’ai pas dressé de liste des mesures de protection additionnelles puisque les plaignants n’ont pas contesté le bien‑fondé du PE ou n’ont pas affirmé que le PE n’était pas une solution de rechange appropriée à l’article 35 initialement proposé. Quoi qu’il en soit, on peut aisément les remarquer simplement en comparant le libellé de l’article 35 proposé et celui du PE (annexes « A » et « H » de la pièce 2).

32 De plus, les statuts de l’Institut, ceux des dirigeants du groupe VFS, la jurisprudence et la LRTFP ne semblent pas appuyer l’observation des plaignants selon laquelle il faut ratifier une lettre ou un PE qui n’est pas conclu dans le cadre de la négociation d’une convention collective.

33 Comme il est mentionné ci-dessus, l’article 187 de la Loi établit le devoir de représentation équitable, comme suit :

187. Il est interdit à l’organisation syndicale, ainsi qu’à ses dirigeants et représentants, d’agir de manière arbitraire ou discriminatoire ou de mauvaise foi en matière de représentation de tout fonctionnaire qui fait partie de l’unité dont elle est l’agent négociateur.

34 À mon avis, le devoir de représentation équitable ne s’applique pas à la relation entre un agent négociateur et un fonctionnaire membre d’une unité de négociation qu’il représente. L’ancienne CRTFP et la Commission actuelle ont toutes deux traité de cette question à plusieurs reprises. Dans Bracciale, les plaignants se sont plaints à la présidente nationale de leur unité de négociation et de l’Alliance de la Fonction publique du Canada (l’« AFPC ») d’irrégularités relatives à l’élection des membres de l’exécutif de la section locale de leur unité de négociation ainsi que du déroulement quotidien des activités de cette section locale. La section locale de leur unité de négociation a décidé de faire enquête sur une violation possible de ses règlements administratifs. En réponse à la plainte sur le devoir de représentation équitable déposée par les plaignants dans cette affaire, l’AFPC a contesté la compétence de l’ancienne Commission pour instruire la plainte – elle a allégué que l’objet de la plainte portait sur des affaires syndicales internes. L’ancienne CRTFP a convenu que la question ne relevait pas du devoir de représentation équitable de l’AFPC et a conclu que le devoir de représentation équitable ne s’appliquait pas à la relation entre un fonctionnaire membre d’une unité de négociation et l’agent négociateur qui le représente. L’ancienne CRTFP a plutôt conclu que ce devoir devait s’appliquer exclusivement aux litiges concernant directement la relation entre un employeur et ses fonctionnaires membres d’une unité de négociation. Aux paragraphes 28 et 29 de Bracciale, l’ancienne CRTFP a déclaré ce qui suit :

28. Comme on peut le constater à la lumière de ce qui précède, la Commission n’a pas d’autres pouvoirs que ceux que lui confère la Loi. Le paragraphe 10(2) de la Loi a toujours été interprété par la Commission comme s’appliquant exclusivement à la représentation, par un agent négociateur, de ses membres dans des affaires touchant directement leurs relations avec l’employeur. Je ne vois aucune raison de m’écarter de ce raisonnement.

29. En l’espèce, les plaignants remettent en cause la façon habituelle dont le conseil exécutif de la section locale 00048 dirige les activités de ladite section locale ainsi que d’autres affaires internes du syndicat. Leur litige concerne directement les relations qu’ils entretiennent avec leur agent négociateur et non avec leur employeur. En d’autres termes, leur litige concerne exclusivement leur adhésion à l’agent négociateur et non leur emploi auprès de l’employeur.

35 Le même principe a été appliqué dans d’autres décisions de la CRTFP. Dans St‑James, on mentionne :

[…]

Il est généralement reconnu qu’une commission de relations de travail, du moins en l’absence de dispositions précises dans sa loi habilitante, n’a pas le pouvoir de contrôler ou de régir les affaires internes d’un agent négociateur. Par exemple, Me George Adams, ex-président de la Commission des relations de travail de l’Ontario (maintenant le juge Adams), affirme ce qui suit dans Canadian Labour Law (1985) Canadian Law Book, page 721 :

[Traduction]

Les commissions des relations de travail ont clairement indiqué que le devoir de représentation juste prévu par la loi ne s’appliquait pas aux affaires internes des syndicats. Il ne s’applique qu’à la représentation des membres du syndicat du point de vue de leurs relations avec l’employeur. C’est pourquoi les commissions de relations de travail refusent de statuer sur: la tenue des votes de ratification; la suspension de membres par les syndicats, l’interdiction aux non-membres de voter sur des questions contractuelles pendant les négociations collectives; les procédures d’appel des syndicats concernant la décision de donner ou non suite à un grief; les procédures prévues par les statuts d’un syndicat à l’égard des élections; le droit d’un membre de se porter candidat à un poste de délégué syndical; les méthodes utilisées pour choisir les délégués qui participent aux congrès des syndicats et les dérogations éventuelles d’un syndicat à son propre règlement; le retrait injustifié d’un plaignant d’un poste syndical ou son exclusion du syndicat dans les cas où il était clair qu’il ne faisait pas partie de l’unité de négociation; et la présumée omission d’un syndicat d’offrir un régime de retraite convenable..

La Commission des relations de travail dans la fonction publique n’a pas d’autres pouvoirs que ceux que lui confère la loi. Or, il est tout à fait clair que la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique ne lui donne pas le droit de régir les affaires internes des agents négociateurs. Le fait d’avoir été accrédité en vertu de l’article 28 de la Loi impose sans aucun doute des obligations à l’agent négociateur. Cependant, comme l’a fait remarquer le représentant des défendeurs, à moins que les mesures de l’agent négociateur ne touchent les relations employeurs-employés, la Commission ne peut intervenir […]

[…]

[Le passage souligné l’est dans l’original]

36 Dans Kilby et al., les plaignantes ont contesté le processus utilisé par leur agent négociateur pour traiter des plaintes de harcèlement qu’elles avaient déposées contre un de ses agents. L’ancienne CRTFP a refusé d’instruire l’affaire faute de compétence :

[…]

En ce qui concerne la plainte fondée sur le paragraphe 10(2), il saute aux yeux que la Commission n’a pas compétence pour régler ce différend aux termes de cette disposition. Le représentant des plaignantes a reconnu qu’il n’existe au mieux qu’un lien très ténu entre les plaintes et les relations des plaignantes avec l’employeur. En fait, il est clair comme de l’eau de roche que la plainte concerne exclusivement les relations des plaignantes avec l’agent négociateur et ses dirigeants; elle n’a rien à voir avec la représentation de l’organisation syndicale au nom des plaignantes face à l’employeur.

[…]

37 D’autres commissions des relations de travail ont aussi examiné cette question. Dans Burrows, l’ancien Conseil canadien des relations du travail (CCRT) a mentionné ce qui suit (partie V de la décision) :

[…]

[…] Le présent Conseil estime qu’il n’a pas le pouvoir de s’ingérer dans des affaires syndicales aussi internes que le mode de ratification ou l’existence même d’une ratification. Faisons remarquer cependant que le manque de consultation ou l’absence d’une ratification, qui jouent un si grand rôle dans la plainte de M. Burrows, n’est pas incompatible avec le processus normal de négociation du syndicat dans le secteur des pipelines. Si M. Burrows s’oppose en principe au manque de consultation ou à l’absence d’une ratification, il doit s’adresser non pas au présent Conseil, mais au syndicat lui-même. Il pourrait faire une campagne auprès de la Section locale et se rendre même au congrès de l’Association unie pour faire adopter une règle exigeant des consultations ou une ratification. Le présent Conseil outrepasserait les limites de sa compétence s’il se chargeait lui-même d’imposer une telle règle.

[…]

38 Au paragraphe 107 de Connolly, le CCRI a aussi fait la déclaration suivante :

107. Dans des décisions antérieures, le présent Conseil a indiqué qu’il n’était pas habilité à intervenir dans les affaires internes du syndicat comme la méthode de ratification ou, en fait, la décision de faire ratifier ou non une entente par les membres (Nelson G. Burrows et autres, précitée, page 215; Raymond M. Laking (1996), 101 di 71 (CCRT no 1161), pages 73-74; et Dennis Dohm (1983), 52 di 160 (CCRT no 439), page 164). La décision de faire ratifier ou non une entente par les membres et la méthode de ratification concernent essentiellement les syndicats. Ce n’est que s’il est prouvé que le syndicat a agi de façon malhonnête ou de mauvaise foi que le Conseil peut intervenir […]

39 Dans l’affaire en instance, aucune des parties n’a présenté d’éléments de preuve laissant croire que les actions de l’Institut concernaient directement la relation des plaignants avec leur employeur. De plus, même si j’approuvais la déclaration des plaignants selon laquelle j’ai compétence pour trancher des questions syndicales internes en cas de comportement arbitraire ou de mauvaise foi démontré, les plaignants n’ont pas réussi à prouver la malhonnêteté ou la mauvaise foi des défendeurs. Ils ont simplement allégué que le défaut de tenir un scrutin de ratification avant la signature du PE était arbitraire.

40 Il ne s’agit pas d’une affaire dans laquelle les défendeurs ont promis de soumettre la solution de rechange à l’article 35 à un scrutin de ratification en vue d’obtenir un mandat pour négocier une telle solution, uniquement pour ensuite manquer à leur promesse et signer un PE qui inclut une telle solution de rechange. En effet, les actions des défendeurs, comme l’illustre la preuve documentaire, semblaient tout sauf malhonnêtes, et rien ne prouve que celles-ci aient été arbitraires ou empreintes de mauvaise foi. Ils avaient comme objectif de négocier le meilleur accord possible pour les membres du groupe VFS. Dans les faits, leurs efforts ont mené à un meilleur résultat que celui que proposait initialement l’article 35. Cela dit, je ne dis pas que si l’agent négociateur avait fait de telles observations, il serait dans l’obligation de les mettre à exécution, ni que le fait de manquer à sa promesse constituerait automatiquement un comportement empreint de mauvaise foi. J’affirme simplement que, contrairement aux allégations des plaignants, les actions du syndicat n’étaient nullement arbitraires.

41 Tel qu’il a été suggéré par les défendeurs, le CCRI a également conclu qu’une commission des relations de travail ne devrait pas contribuer à l’examen d’une décision interne d’un syndicat concernant un scrutin de ratification. Au paragraphe 67 de 2010 CCRI 539, on peut lire ce qui suit :

67 Comme il est mentionné dans la partie V de la présente décision, le Conseil n’a normalement pas compétence en vertu de l’article 37 pour faire enquête sur les affaires internes d’un syndicat. Le Conseil n’a donc pas compétence pour traiter les diverses allégations soulevées dans les plaintes de manquement au devoir de représentation juste relatives au non-respect par le syndicat des règlements de l’AIM 140, ou au défaut de tenir un vote de ratification. Par conséquent, le Conseil ne tire aucune conclusion quant à ces questions.

42 Dans 2010 CCRI 540, le CCRI réitère ce principe au paragraphe 49, en affirmant ce qui suit :

49 Le Conseil conclut que la décision du syndicat de tenir un vote de ratification complémentaire le 14 juin 2009 relativement à l’entente de principe après la publication des quatre lettres de clarification par l’employeur est seulement une question d’affaires internes du syndicat. Le pouvoir, conféré au Conseil par le Code, de trancher des plaintes alléguant qu’un syndicat a manqué à son devoir de représentation juste envers ses membres ne s’étend pas, dans les présentes circonstances, à un examen de la question de savoir si la décision de syndicat de tenir un autre vote se conformait ou non à ses statuts ou à ses règlements. […]

43 Les faits indiquent clairement que la présente plainte concerne exclusivement les affaires internes du syndicat. La Lettre a établi que l’Institut et l’ARC feraient tout leur possible pour conclure un accord sur le transfert des fonctionnaires provinciaux dans les 60 jours suivant la signature de la convention collective. Cela a permis à l’Institut de négocier une solution de remplacement à l’article 35. L’existence et le contenu de cette solution de remplacement étaient bien connus par les membres du groupe VFS, incluant les plaignants, avant la ratification de la convention collective. Selon les allégations du représentant des plaignants, une plainte aurait tout de même été déposée si le PE avait été signé dans la période de 60 jours prescrite par la Lettre, puisque la ratification du PE était requise dans tous les cas.

44 À mon avis, rien n’empêchait l’Institut et l’ARC de conclure un accord au‑delà du délai de 60 jours, et rien n’obligeait la ratification du PE, que celui-ci ait été conclu à l’intérieur ou au‑delà de la période de 60 jours. Puisque l’Institut est l’agent négociateur certifié, il a le droit et l’obligation de négocier au nom de ses membres à tout moment. Aucun statut ni disposition législative n’indique que la ratification est obligatoire. De plus, même s’il avait été prescrit par les statuts de l’Institut que la ratification était nécessaire, le défaut de tenir un scrutin de ratification n’aurait pas forcément fait en sorte que l’affaire en instance aurait relevé du cadre de l’article 187 de la Loi.

45 En ce qui a trait à l’argument des plaignants selon lequel le PE faisait partie intégrante de la convention collective qui avait déjà été ratifiée par les membres, et que, par conséquent, il nécessitait un scrutin de ratification pour être considéré comme légitime, il ne tient pas compte du fait qu’il était clairement indiqué au dernier paragraphe de la Lettre qui a menée au PE qu’elle ne faisait pas partie de la convention collective, ni du fait qu’il n’est pas mentionné dans le PE, lequel a été signé après l’entrée en vigueur de la convention collective, que la Lettre faisait partie ou était incorporée à la convention collective. De plus, rien dans la Lettre ne garantissait ou ne promettait qu’un scrutin de ratification serait tenu relativement à la solution de remplacement négociée. La Lettre indiquait plutôt ce qui suit :

[Traduction]

[…]

L’objectif de la présente lettre d’entente est de confirmer qu’une entente a été conclue entre l’unité de négociation du groupe Vérification, finances et sciences de l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada (VFS de l’IPFPC) et l’Agence du revenu du Canada (ARC) concernant un engagement de tenir une consultation pour conclure un accord sur des questions relatives aux employés en place de l’ARC et aux nouveaux employés qui se joignent à l’ARC après avoir pris en charge de nouvelles responsabilités au nom des gouvernements de la Colombie‑Britannique et de l’Ontario, incluant la reconnaissance des années de service.

[…]

Conformément à la présente lettre d’entente, les parties acceptent de s’engager totalement et de bonne foi à faire tout leur possible pour conclure un accord par l’entremise d’un processus de consultation qui traite des intérêts mutuels des parties et des préoccupations des employés en poste de l’ARC et des nouveaux employés en ce qui a trait aux employés provinciaux qui se sont joints à l’ARC en raison du mandat de l’Agence qui consiste à gérer de nouvelles exigences opérationnelles et de nouvelles responsabilités au nom des gouvernements provinciaux de la Colombie‑Britannique et de l’Ontario, incluant la reconnaissance des années de services. Les parties conviennent d’entamer les discussions dans les deux semaines suivant la signature de la présente lettre d’entente dans l’intention de conclure un accord au plus tard 60 jours civils suivant le début des discussions.

[…]

La présente lettre d’entente ne fait pas partie de la convention collective.

46 Je conclus sans hésitation que les allégations des plaignants et la nature de leur plainte portent exclusivement sur des questions syndicales internes et qu’elles ne s’appliquent pas au devoir de représentation équitable des défendeurs. Par conséquent, je n’ai pas compétence pour entendre cette affaire.

47 Puisque j’ai conclu que je n’ai pas compétence pour entendre cette affaire, étant donné qu’elle porte sur des questions syndicales internes, je ne me pencherai pas sur la deuxième objection des défendeurs, soit le défaut d’établir une preuve prima facie.

48 Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

49 La plainte est rejetée.

Le 22 octobre 2012.

Traduction de la CRTFP

Stephan J. Bertrand,
Une formation de la Commission des
relations de travail dans la fonction publique

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