Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé, un employé en cours de stage, a allégué que la décision de le licencier était empreinte de mauvaise foi - l’arbitre de grief a conclu qu’elle avait compétence pour entendre les griefs relatifs à un renvoi en cours de stage uniquement si le fonctionnaire s'estimant lésé arrivait à prouver que la décision de le licencier reposait de façon factice sur la LEFP, qu'elle était un subterfuge ou un camouflage - le fonctionnaire s’estimant lésé a admis avoir contrevenu aux normes et aux directives du milieu de travail - le fonctionnaire s’estimant lésé n’a pas été en mesure de prouver la mauvaise foi de l’administrateur général - l’arbitre de grief a conclu que l’administrateur général avait suivi le processus qu’il prévoyait utiliser et dont il avait fait part au fonctionnaire s’estimant lésé, et que la procédure était équitable dans les circonstances- l’arbitre de grief a décliné compétence pour entendre les griefs. Compétence non assumée. Dossiers clos par ordonnance.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2012-11-09
  • Dossier:  566-02-3426 et 3427
  • Référence:  2012 CRTFP 122

Devant un arbitre de grief


ENTRE

JOEL BHIKOO

fonctionnaire s'estimant lésé

et

ADMINISTRATEUR GÉNÉRAL
(Service correctionnel du Canada)

défendeur

Répertorié
Bhikoo c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada)

Affaire concernant des griefs individuels renvoyés à l’arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Deborah M. Howes, arbitre de grief

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Ariane Pelletier et Andrea Tait, Union of Canadian Correctional Officers – Syndicat des agents correctionnels du Canada – CSN

Pour le défendeur:
Adrian Bieniasiewicz, avocat

Affaire entendue à Calgary (Alberta),
du 12 au 14 octobre 2010.
Arguments écrits déposés les 11, 24 et 26 septembre et le 2 octobre 2012.
(Traduction de la CRTFP)

I. Griefs renvoyés à l’arbitrage

1 Joel Bhikoo, le fonctionnaire s’estimant lésé (le « fonctionnaire ») était agent correctionnel pour le Service correctionnel du Canada (le « Service ») à l’Établissement Drumheller (l’« établissement ») et ce, jusqu’au 15 octobre 2009. Le Service l’a renvoyé en cours de stage en vertu de l’article 62 de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (la « LEFP »), édictée par les articles 12 et 13 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, au motif qu’il avait contrevenu aux Règles de conduite professionnelle du Service correctionnel du Canada (les « Règles de conduite ») et n’était pas apte à continuer d’exercer les fonctions de son poste.

2 Le fonctionnaire a présenté deux griefs, lesquels ont ensuite été renvoyés à l’arbitrage en vertu de l’alinéa 209(1)b) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la « LRTFP »), édictée par l’article 2 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique. Les deux griefs font référence à son renvoi en cours de stage. Durant l’audience, le fonctionnaire a précisé qu’un de ses griefs avait trait à sa suspension pendant le déroulement d’une enquête, qui s’était conclue par son renvoi en cours de stage. Lors de sa plaidoirie finale, le fonctionnaire a demandé que je traite les deux griefs suivant leur libellé et que je considère les deux comme étant des griefs contestant son renvoi en cours de stage, parce que la suspension était une question subsidiaire à son licenciement. Ainsi, la présente décision ne porte pas sur la question de la suspension du fonctionnaire, en raison de son commentaire à cet égard durant sa plaidoirie finale et parce qu’il n’a pas traité de la question de la suspension dans sa plaidoirie finale.

3 Le Service a soulevé une objection préliminaire contestant ma compétence à instruire les griefs visant le renvoi en cours de stage du fonctionnaire.

4 Afin de statuer sur la question de la compétence, je dois m’attacher à répondre plus particulièrement aux deux questions suivantes, à savoir :

  1. Est-ce que le Service a respecté les exigences de la LEFP lorsqu’il a renvoyé le fonctionnaire en cours de stage?
  2. Est-ce que le licenciement du fonctionnaire reposait de façon factice sur la LEFP, ou était un subterfuge ou un camouflage?

Afin de répondre à ces deux questions, j’ai dû entendre toute la preuve présentée par les parties.

II. Résumé de l’argumentation

A. Pour le Service

5 Le Service a présenté sa cause en premier. Il a fait valoir que la LRTFP interdit le renvoi à l’arbitrage d’un grief portant sur un licenciement effectué en vertu de la LEFP. Or, le renvoi en cours de stage du fonctionnaire a effectivement été effectué sous le régime de la LEFP. Lorsque l’employeur procède au renvoi en cours de stage d’un fonctionnaire et lui donne le préavis prévu par la loi ou lui verse l’indemnité tenant lieu de préavis, le renvoi à l’arbitrage n’est pas permis.

6 Lorsqu’un fonctionnaire conteste le motif de son renvoi en cours de stage, il suffit que l’employeur établisse que le renvoi en cours de stage était fondé sur un motif lié à l’emploi pour que l’arbitre de grief n’ait pas la compétence pour instruire un grief à cet égard. Le Service a déclaré que le renvoi en cours de stage du fonctionnaire était fondé sur un motif lié à l’emploi, notamment en raison des déclarations faites par le fonctionnaire pendant et après une affectation à l’escorte d’un détenu. Sa conduite à cette occasion a constitué un manquement au Code de valeurs et d’éthique de la fonction publique (le « Code »), à la Directive du commissaire 060 – Code de discipline (la « Directive 060 »), ainsi qu’aux Règles de conduite. Le Service m’a donc demandé que je rejette les deux griefs pour manque de compétence. Au soutien de son argumentation, le Service m’a renvoyée aux 14 cas suivants :

  • Owens c. Conseil du Trésor (Gendarmerie royale du Canada), 2003 CRTFP 33;
  • Ross c. Conseil du Trésor (Service correctionnel Canada), 2003 CRTFP 97;
  • Boyce c. Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale), 2004 CRTFP 39;
  • Arnould c. Conseil du Trésor (Pêches et Océans), 2004 CRTFP 80;
  • Chaudhry c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2005 CRTFP 72, et Chaudhry c. Canada (Procureur général), 2007 CF 389;
  • Wright c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2005 CRTFP 139;
  • Melanson c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2009 CRTFP 33;
  • Maqsood c. Conseil du Trésor (ministère de l’Industrie), 2009 CRTFP 175;
  • Bilton c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2010 CRTFP 39;
  • La Reine c. Ouimet, [1979] 1 C.F. 55 (C.A.);
  • Tipple c. Canada (Conseil du Trésor), [1985] A.C.F. no 818 (C.A.) (QL);
  • Canada (Procureur général) c. Penner, [1989] 3 C.F. 429 (C.A.);
  • Canada (Procureur général) c. Leonarduzzi, 2001 A.C.F. 529.

B. Pour le fonctionnaire s’estimant lésé

7 Le fonctionnaire a admis son inconduite grave, tout en faisant valoir que le Service n’a pas mis en œuvre un processus équitable à son égard avant de le licencier. Il s’attendait à une sanction moins sévère. Il s’attendait à ce que le Service lui impose des mesures disciplinaires, mais pas à ce qu’il soit renvoyé en cours de stage.

8 Le fonctionnaire a soutenu que j’avais compétence pour instruire ces griefs s’il établit que le Service avait agi de mauvaise foi, ce qui contreviendrait à la LEFP. Il a allégué que la décision du Service de le licencier était empreinte de mauvaise foi. Il a reconnu que la bonne foi du Service se présume, et qu’il lui revient donc de faire la preuve de la mauvaise foi qu’il allègue.

9 Le fonctionnaire a fait valoir que le Service avait décidé de le licencier après un processus disciplinaire qui ne lui offrait aucun recours qu’il ne s’était pas conformé ou n’avait pas suivi les Lignes directrices concernant la discipline prescrites par le Conseil du Trésor (les « lignes directrices »), et qu’il ne lui avait pas pleinement communiqué tous les documents pertinents. Il a soutenu que cette absence de diligence raisonnable établissait la mauvaise foi du Service, ce qui donnerait compétence à l’arbitre de grief. De plus, il a fait valoir que le Service lui avait imposé une sanction trop sévère, compte tenu du fait que le Service n’appliquait pas les Règles de conduite de manière systématique, et qu’il avait tenté de régler l’affaire tôt dans le processus et avait admis sa conduite. Le fonctionnaire a demandé qu’il soit réintégré et que, le cas échéant, sa réintégration prenne effet soit le 25 septembre 2009 (la date de sa suspension), soit le 15 octobre 2009 (la date de son licenciement), avec dédommagement intégral. Subsidiairement, il m’a demandé de réduire la sanction.

10 Au soutien de son argumentation, le fonctionnaire a invoqué deux cas : Nicholson c. Haldimand-Norfolk Regional Police Commissioners, [1979] 1 R.C.S. 311; Dhaliwal c. Conseil du Trésor (Solliciteur général Canada – Service correctionnel), 2004 CRTFP 109.

III. Motifs

A. Cadre législatif et jurisprudentiel

11 Un fonctionnaire peut renvoyer à l’arbitrage un grief portant sur son licenciement si l’affaire s’inscrit dans les paramètres énoncés dans la législation pertinente, en l’occurrence l’alinéa 209(1)b) de la LRTFP, lequel dit ceci :

209. (1) Après l’avoir porté jusqu’au dernier palier de la procédure applicable sans avoir obtenu satisfaction, le fonctionnaire peut renvoyer à l’arbitrage tout grief individuel portant sur :

[…]

b) soit une mesure disciplinaire entraînant le licenciement, la rétrogradation, la suspension ou une sanction pécuniaire […]

12 Les arbitres de grief n’ont pas compétence pour instruire tous les types de licenciement. Ainsi, il est précisé à l’alinéa 211a) de la LRTFP qu’un arbitre de grief ne peut instruire un grief portant sur un licenciement prévu sous le régime de la LEFP. Cet alinéa se lit comme suit :

211. L’article 209 n’a pas pour effet de permettre le renvoi à l’arbitrage d’un grief individuel portant sur :

a) soit tout licenciement prévu sous le régime de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique […]

13 Le renvoi en cours de stage est un type de licenciement prévu sous le régime de la LEFP. Ainsi, en vertu des articles 61 et 62 de la LEFP, l’employeur peut établir une période de stage pour ses fonctionnaires et les renvoyer en cours de stage. Ces articles se lisent comme suit :

61. (1) La personne nommée par nomination externe est considérée comme stagiaire pendant la période :

a) fixée, pour la catégorie de fonctionnaires dont elle fait partie, par règlement du Conseil du Trésor dans le cas d’une administration figurant aux annexes I ou IV de la Loi sur la gestion des finances publiques;

b) fixée, pour la catégorie de fonctionnaires dont elle fait partie, par l’organisme distinct en cause dans le cas d’un organisme distinct dans lequel les nominations relèvent exclusivement de la Commission.

(2) Une nouvelle nomination ou une mutation n’interrompt pas la période de stage.

62. (1) À tout moment au cours de la période de stage, l’administrateur général peut aviser le fonctionnaire de son intention de mettre fin à son emploi au terme du délai de préavis :

a) fixé, pour la catégorie de fonctionnaires dont il fait partie, par règlement du Conseil du Trésor dans le cas d’une administration figurant aux annexes I ou IV de la Loi sur la gestion des finances publiques;

b) fixé, pour la catégorie de fonctionnaires dont il fait partie, par l’organisme distinct en cause dans le cas d’un organisme distinct dans lequel les nominations relèvent exclusivement de la Commission.

Le fonctionnaire perd sa qualité de fonctionnaire au terme de ce délai.

(2) Au lieu de donner l’avis prévu au paragraphe (1), l’administrateur général peut aviser le fonctionnaire de la cessation de son emploi et du fait qu’une indemnité équivalant au salaire auquel il aurait eu droit au cours de la période de préavis lui sera versée.

14 Les dispositions de l’alinéa 209(1)b) et de l’article 211 de la LRTFP ainsi que des dispositions législatives antérieures portant sur la question du renvoi en cours de stage ont été interprétées tant par des arbitres de grief que par la Cour fédérale. Les cas auxquels les parties m’ont renvoyée durant l’audience constituent certes une récapitulation de la jurisprudence traitant de la question du renvoi en cours de stage. Toutefois, au moment de ces affaires, la décision n’avait pas encore été rendue dans Tello c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2010 CRTFP 134.

15 Tello ne vient pas modifier les principes fondamentaux sur lesquels se fondent les arbitres de grief pour statuer sur les cas de ce type. Cependant, la décision rendue dans Tello vient certes modifier un des aspects à considérer quant à la preuve requise. Dans la jurisprudence établie avant Tello, les arbitres de grief exigeaient de l’employeur que celui-ci établisse qu’il avait un « motif lié à l’emploi » justifiant le renvoi en cours de stage. Au paragraphe 111 de Tello, l’arbitre de grief a statué que dorénavant, il incombait au fonctionnaire s’estimant lésé d’établir que l’employeur avait agi pour un motif autre qu’un « motif lié à l’emploi » ou pour un motif autre qu’un motif lié à une insatisfaction quant aux aptitudes de l’employé d’occuper son emploi. Les parties ne se sont pas opposées à l’application de Tello relativement aux griefs dont je suis saisie.

16 Il convient d’appliquer les deux principes juridiques suivants lorsqu’un arbitre de grief est appelé à établir s’il a la compétence pour instruire une affaire concernant un renvoi en cours de stage :

  • En premier lieu, l’arbitre de grief doit décider si le fonctionnaire était en période de stage, si son renvoi a eu lieu pendant sa période de stage et, le cas échéant, si l’employeur a donné le préavis requis ou versé l’indemnité tenant lieu de préavis, selon le cas. L’employeur n’est pas tenu de faire la preuve du motif du renvoi.
  • Deuxièmement, une fois que l’employeur a établi qu’il s’est conformé aux exigences de la LEFP, le fardeau de la preuve retombe sur le fonctionnaire s’estimant lésé. Il incombe alors à ce dernier de s’acquitter du fardeau de la preuve, au plan juridique, et d’établir que la décision de l’employeur de le renvoyer en cours de stage reposait de façon factice sur la LEFP, ou était un subterfuge ou un camouflage. Ce fardeau impose au fonctionnaire s’estimant lésé un degré ou un seuil très élevé de preuve à surmonter, celui-ci devant démontrer que son renvoi ne reposait pas sur une insatisfaction de bonne foi quant à ses aptitudes à exercer les fonctions de son poste (dans les cas antérieurs à Tello, il était question d’un « motif lié à l’emploi »).

Dans les deux cas, il s’agit d’établir une preuve selon la prépondérance des probabilités. Je vais tout d’abord vérifier si le Service a satisfait aux exigences de la LEFP. Je traiterai ensuite de la question de savoir si sa décision reposait de façon factice sur la LEFP, ou était un subterfuge ou un camouflage.

B. Application de la législation et des principes jurisprudentiels à la décision de renvoyer en cours de stage

1. Est-ce que le Service a satisfait aux exigences de la LEFP?

17 Le Service doit prouver que le fonctionnaire était en période de stage, que son renvoi a eu lieu pendant sa période de stage, et que le préavis requis a été donné ou que l’indemnité tenant lieu de préavis a été versée. Le Service n’est pas tenu de prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu’il avait un motif justifiant le renvoi en cours de stage du fonctionnaire; il ne s’agit pas ici d’un cas de motif valable de licenciement.

18 Il n’est pas contesté que le fonctionnaire était en période de stage. Le fonctionnaire a commencé son emploi pour une durée indéterminée au poste d’agent correctionnel auprès du Service le 29 mai 2009. Sa période probatoire était d’une durée de 12 mois, devant prendre fin le 28 mai 2010. Par ailleurs, il n’est pas non plus contesté que le renvoi du fonctionnaire a effectivement eu lieu pendant sa période de stage.

19 Le préavis de renvoi en cours de stage donné au fonctionnaire n’est pas non plus contesté. Le 15 octobre 2009, le directeur de l’établissement, Mike Hanly, a remis au fonctionnaire une lettre de licenciement dans laquelle il précisait les motifs pour lesquels il renvoyait le fonctionnaire :

[Traduction]

[…]

Avant d’en arriver à ma décision, j’ai tenu compte des facteurs suivants :

  • votre conduite le 14 septembre 2009 et le 19 septembre 2009, dont on a conclu que vous avez contrevenu à la Directive du commissaire 060;
  • le défaut de votre part de saisir la gravité de vos actes et le fait que vous ayez cherché à minimiser la gravité de vos actes;
  • des préoccupations quant à votre aptitude à vous conformer aux Règles de conduite professionnelle.

Il est attendu des agents correctionnels du Service correctionnel du Canada qu’ils se comportent de manière professionnelle et responsable. Pendant le programme de formation d’agent correctionnel que vous avez récemment suivi et votre formation en milieu de travail, on vous a fait connaître à plusieurs reprises les fonctions spécifiques relevant du poste que vous occupiez, les exigences s’y rapportant, les normes de rendement et la conduite attendue des agents correctionnels. De plus, au moment de recevoir votre offre d’emploi, on vous a remis un exemplaire du Code de valeurs et d’éthique du SCC et des Règles de conduite professionnelle du SCC.

Ayant tenu compte de tout ce qui précède, j’ai conclu que vous n’êtes pas apte à occuper le poste d’agent correctionnel au sein du Service correctionnel du Canada et que je n’ai d’autre choix que de procéder à votre renvoi en cours de stage.

Je dois donc vous aviser qu’il est mis fin à votre emploi d’agent correctionnel au sein du Service correctionnel du Canada et ce, dès aujourd’hui le 15 octobre 2009. Vous recevrez un mois de salaire en guise de préavis […].

[…]

20 En somme, le fonctionnaire était en période de stage, son renvoi a eu lieu pendant sa période de stage, et le préavis requis lui a été donné. Le Service a satisfait aux exigences de la LEFP.

2. Est-ce que le licenciement du fonctionnaire reposait de façon factice sur la LEFP, était un subterfuge ou un camouflage?

21 J’aborde maintenant les allégations voulant que le Service ait renvoyé le fonctionnaire en cours de stage pour un motif autre qu’un « motif lié à l’emploi » ou qu’il ait agi de mauvaise foi, ce qui a été reformulé depuis Tello comme étant une décision reposant de façon factice sur la LEFP, ou comme étant un subterfuge ou un camouflage de la part du Service. Le fardeau, tant juridiquement qu’au plan de la preuve, incombe alors au fonctionnaire quant à l’établissement en preuve de l’existence de l’un ou l’autre de ces deux éléments. Je souligne encore une fois la lourdeur de ce fardeau.

22 Le fonctionnaire n’a fait valoir aucune autre raison ayant pu motiver la décision prise par le Service. Il a plutôt laissé entendre que le Service l’avait sans doute renvoyé pour trois motifs qu’il regroupe collectivement sous le vocable « mauvaise foi ». Tout d’abord, il allègue que le Service aurait agi de manière discriminatoire envers lui en exigeant un degré plus élevé de conformité de sa part que de la part des autres agents, et en lui appliquant les Règles de conduite sans systématiquement appliquer ces mêmes règles à l’égard des autres agents. Deuxièmement, le Service ne lui avait pas mis à sa disposition un processus juste pendant l’enquête, n’avait pas suivi les lignes directrices en matière d’enquête, et ne lui avait pas pleinement communiqué tous les documents pertinents. Troisièmement, lors de la décision sur les mesures à prendre en réponse à l’inconduite, le Service n’a pas pris en compte, comme facteur atténuant, le fait que le fonctionnaire avait aussitôt reconnu son inconduite; s’il avait tenu compte de l’aveu du fonctionnaire, le Service ne l’aurait pas renvoyé en cours de stage. Ces trois éléments sont les principaux arguments avancés par le fonctionnaire au soutien de son argument que j’ai compétence pour instruire ses griefs. Pour les motifs exposés ci-après, je rejette chacune des allégations du fonctionnaire voulant que la décision de le licencier repose de façon factice sur la LEFP, ou était un subterfuge ou un camouflage. Je vais aborder tout d’abord les motifs de renvoi formulés par le Service, et ensuite chacun des arguments avancés par le fonctionnaire voulant que la décision de le licencier repose de façon factice sur la LEFP, ou qu’elle soit un subterfuge ou un camouflage de la part du Service.

a. Motifs du renvoi

23 Les motifs donnés par le Service pour renvoyer le fonctionnaire en cours de stage sont formulés dans la lettre de licenciement. Le rapport d’enquête rédigé par Tracey Farmer, directeur adjoint, Opérations, de l’établissement, ainsi que le témoignage rendu par le directeur Hanly appuient le bien-fondé des motifs donnés.

24 Je conclus que le manquement aux Règles de conduite, dûment admis par le fonctionnaire, a fourni au Service un motif d’insatisfaction de bonne foi quant aux aptitudes du fonctionnaire à exercer les fonctions de son poste. Il a reconnu la gravité de sa conduite et son caractère inconvenant. Il a reconnu que sa conduite constituait un manquement aux Règles de conduite et que cela avait mis en péril sa propre sécurité comme celle de son collègue. Je vais exposer maintenant les détails des motifs et des conclusions de fait que j’ai pu tirer à cet égard dans la présente affaire.

25 Depuis le moment de son embauche, le fonctionnaire était au courant de ses obligations à titre d’agent correctionnel et avait convenu de s’acquitter de ces obligations dans toute la mesure des attentes à son égard. Le fonctionnaire a dûment signé et retourné sa lettre d’offre, cochant la partie de cette lettre dans laquelle il est écrit qu’il acceptait [traduction] « […] la présente offre et les conditions d’emploi s’y rapportant ». La lettre faisait état des diverses conditions d’emploi, notamment celle voulant que le fonctionnaire doive maintenir son statut d’agent de la paix et qu’il était tenu de respecter le Code.

26 Au cours de cette même journée, le fonctionnaire a signé un exemplaire des Règles de conduite et s’est engagé à maintenir le degré de professionnalisme et d’intégrité prescrit dans les Règles de conduite. Il y est prévu que le fonctionnaire est tenu, à titre d’employé, de s’assurer en tout temps que sa conduite manifestait qu’il était en tout temps digne de confiance et que son travail contribuait à la protection de la société. Il devait également respecter des normes élevées d’honnêteté et d’intégrité.

27 Le fonctionnaire a également participé au programme de formation des agents correctionnels de février à mai 2009. Il s’est ensuite présenté au travail à l’établissement désigné. Il a fini sa formation en milieu de travail le 29 mai 2009. La formation qu’il a reçue portait entre autres sur le maniement sécuritaire des armes à feu et le travail d’escorte de sécurité. Le fonctionnaire était dûment formé et était au courant des responsabilités et des obligations qui lui incombaient.

28 La preuve au sujet des deux principaux événements, les incidents d’inconduite survenus le 14 septembre et le 19 septembre 2009, n’a pas été contestée, pour l’essentiel. Le fonctionnaire a reconnu une partie de l’inconduite qui lui est reprochée. Il a présenté une perspective différente de certains aspects de ces incidents, n’était pas d’accord avec la manière que ses intentions avaient été décrites par les témoins et dans les documents présentés par le Service.

29 Le 14 septembre 2009, le fonctionnaire et un autre agent correctionnel, Jeremy Ahearn, ont été affectés à une mission d’escorte de sécurité pour accompagner un détenu à un rendez-vous médical à l’extérieur de l’établissement. L’agent Ahearn était armé, mais pas le fonctionnaire. Les deux avaient participé à l’exposé d’information sur l’escorte et à l’évaluation du risque ou de la menace, et signé le formulaire d’instructions sur l’escorte. Le fonctionnaire s’est engagé à assurer la garde sécuritaire du détenu sans mettre indûment dans l’embarras ce dernier. Le formulaire d’instructions se lit en partie comme suit :

[Traduction]

[…]

2. Les agents d’escorte sont chargés d’assurer la garde sécuritaire et la discipline relativement à ce(s) détenu(s), et en sont responsables […].

[…]

14. Les agents d’escorte doivent s’efforcer d’assurer la garde sécuritaire du(des) détenu(s), ainsi que la sécurité du public, tout en ne mettant pas indûment dans l’embarras le(les) détenu(s) […].

[…]

16. Les agents d’escorte autorisés à porter une arme peuvent faire usage de ces armes conformément au modèle de gestion de situation, seulement si cela est nécessaire et si aucun moyen moins violent n’est à leur disposition afin d’empêcher l’évasion d’un détenu qui pose un risque de menace imminente ou éventuelle de causer la mort d’autrui ou de causer des blessures graves à quiconque.

[…]

30 L’agent Ahearn et le fonctionnaire ont escorté le détenu à son rendez-vous et l’ont attendu pendant l’intervention médicale. Le personnel médical les a informés qu’il se pouvait que le détenu doive uriner pendant le voyage de retour et qu’il pouvait alors avoir de la difficulté à uriner en raison de son état médical.

31 Durant le voyage de retour, l’agent Ahearn et le fonctionnaire ont fait un arrêt à Calgary pour permettre au détenu d’utiliser les toilettes. Près de Strathmore, le détenu a demandé un autre arrêt. L’agent Ahearn a choisi de s’arrêter sur un chemin près d’un champ en dehors du village. Le fonctionnaire se tenait le plus près du détenu, à une distance d’environ trois à six mètres de lui, ce dernier se tenant debout près de la porte arrière du fourgon. L’agent Ahearn se tenait un peu plus loin, à une distance d’environ trois à sept mètres du détenu, avec son arme à feu, et se trouvait alors à une distance d’environ un à trois mètres du fonctionnaire.

32 Le détenu bougeait lentement et avait de la difficulté à faire ce qu’il devait faire. Il a suggéré au fonctionnaire qu’il faudrait peut-être que celui-ci lui fasse peur.

33 Le fonctionnaire a alors dit à l’agent Ahearn qu’il [traduction] « connaissait un moyen de faire peur [au détenu] » et a demandé à l’agent Ahearn de lui prêter son arme à feu pour qu’il puisse [traduction] « faire pisser le détenu ». Tout en souriant (et en trouvant cela drôle), le fonctionnaire a dit à l’agent Ahearn qu’il était sérieux. Le détenu s’est excusé du fait que cela lui prenait aussi longtemps. L’agent Ahearn a encouragé le détenu à prendre tout le temps qu’il lui fallait, parce que les agents effectuaient du travail en heures supplémentaires. Pendant cet arrêt, le fonctionnaire a continuellement demandé à l’agent Ahearn de lui prêter son arme à feu pour qu’il puisse inciter le détenu à uriner.

34 L’agent Ahearn a essayé de ne pas tenir compte des demandes du fonctionnaire lui réclamant son arme à feu. Il ne voulait pas de contact avec le détenu à cet endroit et ne voulait pas non plus faire des plaisanteries devant le détenu. Il savait que la politique du Service interdisait qu’il sorte son arme à moins d’une situation où il y avait un risque de blessures graves à autrui. À un certain moment, le fonctionnaire s’est penché vers l’agent Ahearn, a sorti sa main et lui a dit [traduction] « Je suis sérieux. Donne-moi ton arme. » L’agent Ahearn lui a répondu [traduction] « arrête », et s’est placé de manière à ce que son corps soit entre le fonctionnaire et l’arme, de façon à empêcher le fonctionnaire de lui enlever son arme. L’agent Ahearn a dit qu’il ne pensait pas que le détenu avait entendu toutes les demandes du fonctionnaire de lui prêter son arme.

35 Une fois de retour dans le fourgon, le détenu étant assis à l’arrière derrière l’écran protecteur vitré, le fonctionnaire est revenu sur le sujet. Il a suggéré que cela aurait été drôle, et que [traduction] « si l’agent Ahearn lui avait donné l’arme, il l’aurait pointé vers le détenu et l’aurait fait uriner ». De retour à l’établissement, le fonctionnaire a répété ce qu’il avait dit. L’agent Ahearn n’en a pas tenu compte.

36 Le 19 septembre 2009, le fonctionnaire et l’agent Ahearn se trouvaient dans la salle de contrôle de l’unité 8 de l’établissement, en présence d’autres employés. Le fonctionnaire a encore parlé de l’affaire du détenu et de l’arme, affirmant que sa demande était sérieuse au moment de l’événement en cause, et dit que cela aurait été très drôle.

37 Le 23 septembre 2009, l’agent Ahearn a demandé conseil à ce sujet auprès du gestionnaire correctionnel, Dave Weiss. La principale préoccupation de l’agent Ahearn était que le fonctionnaire lui avait demandé de lui remettre son arme. M. Weiss a recommandé qu’il dresse alors une déclaration d’agent et un rapport d’observation. Le rapport a déclenché une enquête.

38 Le 23 septembre 2009, l’agent Ahearn a informé le fonctionnaire qu’il avait déposé un rapport au sujet des commentaires du fonctionnaire. Le fonctionnaire a appelé Steve Briggs, un représentant de son agent négociateur, le Union of Canadian Correctional Officers – Syndicat des agents correctionnels du Canada – CSN (l’« agent négociateur »). M. Briggs lui a dit qu’il s’en occuperait. Le fonctionnaire a su qu’une enquête était en cours par l’entremise de son frère, un agent correctionnel supérieur. Le fonctionnaire savait alors qu’il avait commis une bévue et qu’il serait réprimandé. Il savait qu’il avait contrevenu à [traduction] « certaines règles ». Il avait menacé quelqu’un et mis en péril sa propre sécurité ainsi que celle de son collègue.

39 Le 25 septembre 2009, M. Briggs et le fonctionnaire se sont rendus au bureau de M. Farmer, le directeur adjoint de l’établissement. Le fonctionnaire a dit à celui-ci qu’il voulait lui parler parce qu’il s’était conduit de manière stupide et inappropriée. M. Farmer n’a pas voulu laisser parler le fonctionnaire; il lui a plutôt lu une lettre émanant de M. Hanly, le directeur de l’établissement, le suspendant de ses fonctions pendant l’enquête, et lui a demandé de rentrer à la maison.

40 Le directeur Hanly avait ordonné la tenue d’une enquête et suspendu le fonctionnaire parce que deux questions au sujet des incidents qui lui avaient été signalés le préoccupaient particulièrement. La première était que le fonctionnaire puisse trouver drôle le fait d’humilier un détenu aux prises avec une situation de détresse de nature médicale. La deuxième était que le fonctionnaire, un agent correctionnel dûment formé, puisse demander à un autre agent correctionnel de lui rendre son arme à feu dans le seul but de mettre dans l’embarras et d’humilier un détenu pour le simple plaisir que cela procurerait au fonctionnaire. Si le fonctionnaire pouvait faire manifester un tel manque de jugement, il posait alors un risque autant pour lui-même, les autres employés et les détenus de l’établissement.

41 L’enquête s’en est suivie, et le directeur adjoint Farmer a recueilli les divers rapports rédigés par l’agent Ahearn, M. Weiss et Pat Hummel, le premier à rencontrer le détenu pour l’interroger. Il a également obtenu la plainte écrite de la part du détenu. L’enquête menée par le directeur adjoint Farmer s’est fondée sur ces rapports et la plainte déposée par le détenu. Son rapport d’enquête a confirmé les événements survenus les 14 et 19 septembre 2009. Le rapport a notamment révélé que le détenu avait entendu les commentaires faits par le fonctionnaire le 14 septembre. Le directeur adjoint Farmer a conclu dans son rapport que le fonctionnaire avait contrevenu à la Directive 060 de quatre manières différentes, soit :

[Traduction]

[…]

a) Il a manqué à son devoir de s’acquitter de manière responsable de ses fonctions aux termes du paragraphe 5g), en demandant de façon répétée que l’autre agent lui donne son arme à feu afin qu’il puisse contraindre le détenu à uriner. Cela contrevient en outre à la politique sur l’emploi de la force, aux enseignements du programme de formation sur l’utilisation sécuritaire des armes à feu, et au modèle de gestion de situation, exigeant que le personnel adopte une réaction appropriée au comportement des détenus.

b) Ses actes et ses paroles tendant à considérer les événements comme étant drôles sont de nature à déconsidérer le Ministère, la fonction publique et le professionnalisme de l’ensemble des agents correctionnels, et contreviennent à ses obligations en matière de conduite et d’apparence édictées au paragraphe 6c).

c) Ses actes et ses tentatives visant à contraindre l’agent Ahearn, par ses exhortations répétées, constituent un manquement à la politique, à la formation et aux pratiques sécuritaires en lien avec l’usage des armes à feu. Lorsque le détenu a entendu ces paroles, cela a mis en péril les deux agents, le détenu pouvant croire à ces paroles et décider de se venger. Cela constitue une violation du paragraphe 7f) portant sur les relations avec les autres employés, et aussi des procédures établies en matière de sécurité.

d) Il a contrevenu au paragraphe 8a) portant sur les relations avec les délinquants, interdisant en outre les mauvais traitements, l’humiliation, le harcèlement ou toute autre forme d’abus envers un délinquant dans le cadre de son travail ou par ses gestes. Lorsque le détenu a entendu les paroles du fonctionnaire, il a été soumis à des mauvais traitements et à l’humiliation en raison de son incapacité à uriner, dans des circonstances qui avaient été portées à la connaissance des agents par le personnel médical.

[…]

42 Enfin, le directeur adjoint Farmer a conclu que, bien que l’intention du fonctionnaire était de plaisanter, sa conduite générale manifestait son absence de compréhension de la loi, des politiques et des relations appropriées à entretenir à l’égard tant des autres employés que des détenus.

43 Le directeur Hanly a ensuite fixé une rencontre avec le fonctionnaire et l’agent négociateur pour avoir le point de vue du fonctionnaire. Le fonctionnaire a reconnu avoir dit ses paroles par plaisanterie, admettant que cela était un manque de jugement de sa part. Il a nié avoir voulu prendre l’arme à feu, tout en reconnaissant avoir l’habitude de parler en gesticulant, et a admis que l’agent Ahearn ait pu interpréter cela d’une autre manière. Ils ont convenu de se rencontrer deux jours plus tard pour connaître la décision définitive du directeur Hanly.

44 Le directeur Hanly a pris en considération le rapport d’enquête et les rapports d’observation au dossier, ainsi que la réplique présentée par le fonctionnaire à cet égard. Il a conclu que l’incident avait bel et bien eu lieu, et que le fonctionnaire avait demandé une arme à feu pour pouvoir s’en servir dans le but d’intimider ou de faire peur au détenu pour le forcer à uriner. Le directeur Hanly a conclu que le fonctionnaire ne saisissait pas la gravité de ses gestes, et s’inquiétait du fait que le fonctionnaire ne se conformerait peut-être pas aux règles et aux consignes à l’avenir. Il a tenu compte des dispositions du Code, des Règles de conduite et de la Directive 060. Il a conclu que le fonctionnaire avait contrevenu aux dispositions suivantes des Règles de conduite et de la Directive 060 :

  • Règles de conduite professionnelle
    • Règle 1 : responsabilité dans l’exécution des tâches – avoir une conduite qui rejaillit positivement sur la fonction publique.
    • Règle 2 : conduite et apparence – se comporter d’une façon qui projette une bonne image professionnelle, tant par ses paroles que par ses actes.
    • Règle 3 : relations avec les autres employés – ne pas entraver le travail d’autres employés ou inciter d’autres employés à participer à une activité illégale ou à commettre des fautes de conduite.
    • Règle 4 : relations avec les délinquants – contribuer à créer un lieu de travail sûr et sécuritaire et respecter les droits civils et juridiques des délinquants.
  • Directive 060
    • Paragraphe 5g) : le fonctionnaire était prêt à utiliser une arme à feu, en contravention aux politiques sur l’emploi de la force et l’utilisation sécuritaire d’une arme à feu, dans le but de forcer un détenu à uriner.
    • Paragraphe 6c) : il a discrédité le Service, terni son image et miné la confiance du public par ses gestes, et affecté négativement son aptitude à exercer ses fonctions à l’avenir.
    • Paragraphe 7f) : il a demandé à un collègue de travail de lui remettre son arme à feu et a fait fi des consignes de sécurité établies.
    • Paragraphe 8a) : le détenu a entendu les paroles du fonctionnaire, résultant en des mauvais traitements, l’humiliation, l’embarras et l’abus envers le détenu.
    • La valeur principale sous-tendant la Directive 060 : les employés doivent respecter la dignité des détenus et leur capacité d’évoluer.

45 Le 15 octobre 2009, le directeur Hanly a informé le fonctionnaire de son renvoi en cours de stage.

46 Lors de l’audience, le fonctionnaire a reconnu que ses paroles étaient [traduction] « stupides, inappropriées, et contrevenaient au Code et à l’éthique. » Il a reconnu avoir répété ses paroles à plus d’une reprise le 14 septembre 2009, et encore le 19 septembre 2009. Cela étant, il a néanmoins réitéré que cela n’était que pour plaisanter. Il a qualifié ses paroles d’[traduction] « humour noir », auquel les employés de l’établissement avaient recours pour relâcher la pression. Il croyait que l’agent Ahearn l’avait vu comme étant de l’humour. Le fonctionnaire a nié avoir voulu prendre l’arme à feu, tout en disant avoir l’habitude de parler en gesticulant. Au début, il savait que sa conduite était inconvenante, mais il croyait que cela serait oublié avec le temps.

47 En résumé, le Service a décidé que le fonctionnaire était inapte à occuper le poste d’agent correctionnel. La conduite du fonctionnaire a fourni au Service des raisons pour conclure à une insatisfaction de bonne foi quant à l’aptitude du fonctionnaire à exercer les fonctions de son poste. Il incombe alors au fonctionnaire de démontrer qu’il existait un autre motif pour lequel il avait été licencié.

b. Discrimination

48 Le fonctionnaire allègue tout d’abord que le Service aurait agi de manière discriminatoire envers lui en exigeant un degré plus élevé de conformité de sa part que de la part des autres agents, et n’appliquait pas systématiquement les Règles de conduite à l’égard de tous les agents. En tentant d’expliquer sa propre conduite, il a relevé des occasions où il estimait que l’agent Ahearn et d’autres agents ne s’étaient pas rigoureusement conformés aux règles ou aux consignes mais n’avaient pas été réprimandés. Aux yeux du fonctionnaire, cela signifiait que le Service lui avait réservé un traitement plus sévère qu’aux autres agents. Je ne suis pas d’accord.

49 Aucun de ces autres agents n’était en période de stage, et aucune des occasions dont il est question ne s’est présentée pendant que ces agents étaient en période de stage. Cela distingue la situation du fonctionnaire de celles des cas qu’il voulait utiliser à des fins de comparaison. Une telle analyse comparative pourrait certes être applicable dans un cas visant un licenciement pour un motif valable; cependant, il pouvait être mis fin à l’emploi du fonctionnaire en cours de stage simplement en donnant un préavis, sinon en versant une indemnité tenant lieu de préavis, sans avoir à justifier le renvoi par quelque motif que ce soit. Il n’était pas dans la situation d’un fonctionnaire pouvant être licencié uniquement en invoquant un motif valable. Comme l’a souligné le juge De Granpré dans Jacmain c. Procureur général (Can.) et al., [1978] 2 R.C.S. 15, l’objet de la période de stage est de donner l’occasion à l’employeur d’évaluer l’aptitude d’un employé à exercer les fonctions d’un poste. Le Service pouvait choisir de maintenir le fonctionnaire à son poste et utiliser des mesures disciplinaires afin de tenter de modifier son comportement, ou il pouvait choisir de le renvoyer en cours de stage. Le fait que le Service ait choisi cette dernière façon de procéder ne démontre pas en soi qu’il ait fait preuve de discrimination à l’égard du fonctionnaire; ou que son licenciement reposait de façon factice sur la LEFP, était un subterfuge ou un camouflage de la part du Service.

c. Processus équitable

50 Le fonctionnaire a ensuite allégué que le Service avait agi de mauvaise foi, car il avait pris sa décision de le licencier après un processus quasi disciplinaire qui ne lui avait laissé aucun recours, qu’il ne s’était pas conformé ou n’avait pas suivi les lignes directrices concernant les enquêtes disciplinaires, et qu’il ne lui avait pas pleinement communiqué tous les documents pertinents. Il estimait qu’il n’avait pas eu droit à un processus équitable qui lui aurait donné l’occasion de présenter sa version des faits, qui respectait les règles en matière d’enquête, et qui aurait permis d’apprécier les divers éléments d’information pouvant influer sur la décision du Service. Il estimait que sa rencontre avec le directeur Hanley avait été expéditive et qu’il n’avait pas eu l’occasion de se faire entendre. Il estimait également que le Service n’aurait pas dû expurger les documents qui lui avaient été remis, car cela avait nui à sa capacité d’y répondre. Il prétend que le processus était à ce point inéquitable que cela entachait de nullité la décision de le renvoyer en cours de stage.

51 Aux fins de rendre une décision en l’espèce, je n’ai pas à me prononcer sur la question de savoir si un fonctionnaire en période de stage a droit à un processus équitable dans le cadre d’un renvoi en cours de stage. Cependant, j’ai examiné le processus suivi par le Service, tel qu’il l’avait laissé entendre au fonctionnaire, de même que les dispositions pertinentes des conventions collectives et des lignes directrices fournies par le fonctionnaire, et je n’y vois aucun élément pouvant justifier le bien-fondé des prétentions du fonctionnaire.

52 Le fonctionnaire m’a renvoyé à trois documents décrivant le processus auquel le Service aurait dû suivre, à son avis. Ces documents énoncent le processus et les règles régissant la tenue des enquêtes et la prise de mesures disciplinaires. Que cela soit ou non voulu, le processus suivi par le Service et communiqué au fonctionnaire dans les lettres émanant du directeur Hanly correspondent aux diverses étapes et exigences se rapportant à ce processus telles qu’indiquées dans ces documents.

53 L’article 17 de la convention collective conclue entre le Conseil du Trésor et l’agent négociateur le 26 juin 2006 relativement à l’unité de négociation du groupe des Services correctionnels prévoit notamment ce qui suit :

  • l’employé reçoit au minimum deux (2) jours de préavis d’une réunion tenue dans le cadre d’une audition disciplinaire le concernant ou à une réunion à laquelle doit être rendue une décision concernant une mesure disciplinaire le touchant, et a le droit d’être accompagné par un représentant syndical à ces occasions;
  • lors de toute enquête administrative, audition ou enquête menée par l’employeur, où les actions de l’employé peuvent influer sur les événements ou les circonstances y afférentes, l’employé peut se faire accompagner par un représentant syndical;
  • l’employé a le droit d’avoir accès à l’information ayant servi au cours de l’enquête disciplinaire le concernant;
  • sur demande, l’employé peut enregistrer les rencontres tenues dans le cadre d’une enquête disciplinaire.

54 Par ailleurs, la section C de la partie III de l’[traduction] « Accord global » conclu entre le Service et l’agent négociateur traite en particulier de la suspension d’un fonctionnaire avec ou sans salaire pendant le déroulement de l’enquête, si la présence continue du fonctionnaire dans ses fonctions pose un risque sérieux ou immédiat à d’autres employés, aux détenus, au public, ou risque d’entacher la réputation du Service. Il y est en outre prévu qu’un suivi doit être donné au fonctionnaire toutes les trois semaines relativement à la suspension dont il fait l’objet.

55 L’annexe 1 des lignes directrices fournit des conseils en matière de sanctions disciplinaires à l’intention des gestionnaires. Ces lignes directrices n’excluent pas les fonctionnaires en période de stage de leur application, et ne mentionnent pas le renvoi en cours de stage comme résultat possible du processus d’enquête. Je résume ci-après les exigences précisées dans ce document en ce qui a trait à la tenue des enquêtes disciplinaires :

  • mener une enquête au sujet de l’inconduite présumée aussitôt que possible après l’incident en question;
  • mener l’enquête de manière équitable et objective tenant compte des renseignements généraux sur la situation ayant mené à l’incident en question, comprenant notamment les observations des témoins, la réponse de l’employé aux allégations, une analyse des faits, et la conclusion indiquant s’il y a effectivement eu des actes répréhensibles;
  • dans le contexte de la procédure administrative établie, l’employé a le droit d’être informé de l’inconduite présumée qu’on lui reproche et de pouvoir répondre aux allégations en privé;
  • se conformer aux exigences pertinentes de la convention collective;
  • les documents sur les résultats de l’entrevue, notamment le rapport d’enquête, le cas échéant, doivent être conservés et mis à la disposition de l’employé;
  • établir s’il y a eu manquement aux règles de conduite avant de décider de prendre les mesures qui s’imposent;
  • une fois prise la décision portant sur les mesures disciplinaires, en informer l’employé dans les meilleurs délais.

56 Je conclus que le Service s’est conformé au processus auquel il aurait dû se conformer selon le fonctionnaire.

57 Le 23 septembre 2009, l’agent Ahearn a signalé la conduite du fonctionnaire à M. Weiss, et a ensuite produit un rapport d’observation. Le directeur Hanly a ordonné la tenue d’une enquête dès qu’il a eu connaissance des événements en cause.

58 Le 25 septembre 2009, le directeur Hanly a suspendu le fonctionnaire sans salaire en attendant le résultat de l’enquête. Il a envoyé une lettre au fonctionnaire au sujet d’une [traduction] « suspension sans salaire en attendant la fin de l’examen des allégations », dans laquelle il est notamment indiqué ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Par conséquent, je vais officiellement procéder à l’examen des allégations et des circonstances entourant cette affaire et toute autre information pertinente obtenue dans le cadre de cet examen. Cet examen peut entraîner des mesures disciplinaires pouvant aller jusqu’à la rétrogradation ou au licenciement. Vous avez le droit d’être représenté tout au long du processus par la personne de votre choix.

[…]

Le directeur Hanly y précisait qu’il suspendait le fonctionnaire sans salaire et lui interdisait l’accès à l’établissement car sa présence posait un risque sérieux à d’autres employés ou aux détenus, ou à la réputation du Service. La lettre décrivait notamment les allégations visant le fonctionnaire. La section C de la partie III de l’Accord global prévoit en outre la suspension sans salaire pour les motifs précités.

59 L’examen des allégations, ou l’enquête, a commencé aussitôt que possible après la date des incidents, et le directeur adjoint Farmer était un enquêteur objectif chargé de procéder à l’examen des allégations. Celui-ci a produit son rapport, intitulé le [traduction] « Rapport circonstanciel relatif à l’audience disciplinaire », en cinq jours. Qu’il s’agisse d’une enquête disciplinaire ou d’un examen des allégations d’inconduite, le Service a suivi les étapes et les règles établies dans la convention collective ainsi que les lignes directrices. Le fonctionnaire a été avisé des allégations, a eu l’occasion de se faire représenter, et a vu l’événement faire l’objet d’un examen dans les meilleurs délais par un enquêteur objectif. L’examen a notamment tenu compte du récit de tous les témoins.

60 Le 2 octobre 2009, après que le directeur adjoint Farmer eut présenté son rapport, le directeur Hanly a transmis au fonctionnaire un [traduction] « avis d’audience disciplinaire », avisant par écrit le fonctionnaire de la tenue d’une audience disciplinaire le 9 octobre 2009, accompagnée d’une copie expurgée du rapport d’enquête (comprenant en outre une copie des rapports d’observation et de la plainte du détenu). Le fonctionnaire y était notamment avisé qu’il pouvait également être accompagné d’un représentant lors de cette rencontre, qu’il aurait l’occasion de discuter des constats de l’enquête et de ses actions, et pourrait y présenter des précisions ou une réfutation de la conclusion voulant qu’il ait contrevenu au Code. Il était également informé dans cet avis que sa suspension se poursuivrait pendant trois semaines encore. À la demande du fonctionnaire, le directeur Hanly a reporté la tenue de l’audience au 13 octobre 2009. En prenant les mesures précitées, le Service a satisfait à toute obligation prescrite par l’article 17 de la convention collective ou les lignes directrices de communiquer au fonctionnaire des informations se rapportant aux allégations et de lui fournir l’occasion de présenter son récit des événements en privé. Il a notamment eu droit au préavis de deux jours avant la tenue de la rencontre et aussi l’occasion d’être accompagné par un représentant de son choix.

61 Le fonctionnaire et M. Briggs ont assisté à l’audience disciplinaire du 13 octobre 2009. Le directeur Hanly ainsi que le directeur adjoint Farmer étaient également présents. La rencontre avec le fonctionnaire a duré 30 minutes. Bien que la rencontre ait été qualifiée « d’audience disciplinaire », aucune mesure disciplinaire n’a été imposée. Le fonctionnaire a reçu une copie de l’enregistrement de la rencontre et du compte rendu, dont il a reconnu qu’il était essentiellement fidèle aux discussions ayant eu lieu à cette occasion. À l’écoute de l’enregistrement et à la lecture du compte rendu, je suis convaincue que le fonctionnaire et son représentant ont eu l’occasion de présenter des informations se rapportant aux événements en cause, les aveux et les objections du fonctionnaire relativement à n’importe quelle information se rapportant à ces événements, au processus d’enquête, et relativement aux suites à y donner. Le directeur Hanly a demandé à plus d’une occasion si le fonctionnaire avait quelque autre information qu’il souhaitait communiquer. Si le fonctionnaire et M. Briggs se sont sentis pressés par le temps, ils n’ont aucunement fait part de leurs préoccupations à cet égard lors de la rencontre ni au cours des deux journées suivant la rencontre avec le directeur Hanly avant que ce dernier ne les rencontre de nouveau dans son bureau. À mon avis, le rôle de représentation de l’agent négociateur ne peut se limiter à celui d’un observateur silencieux s’il estime que le processus est vicié. Il lui incombe de faire part de ses préoccupations relativement au processus en temps opportun durant le déroulement du processus.

62 Sur la question de la communication des documents pertinents, le Service a communiqué au fonctionnaire une copie de tous les documents sur lesquels il s’est fondé à l’audience que j’ai présidée. Lorsque le Service a tout d’abord fourni au fonctionnaire une copie des documents, dans le cadre de son processus d’examen des allégations, il a expurgé les copies remises au fonctionnaire, notamment en y supprimant les noms du détenu, de l’agent Ahearn et de M. Hummel, de même que tout autre renseignement d’identification, par exemple les dates de naissance. Le fonctionnaire a indiqué que cette expurgation avait nui à sa capacité de répondre adéquatement aux allégations. Je ne puis souscrire à cette position. Le fonctionnaire était au courant des événements sous enquête et connaissait les personnes impliquées. Les seules fonctions qu’il a exercées le 14 septembre 2009 étaient celles d’agir à titre d’escorte. L’événement avait une portée limitée et n’impliquait que quelques individus. L’expurgation a consisté en la suppression d’identifiants personnels, non d’informations se rapportant aux événements en cause. Le fonctionnaire était en principe au courant de tous les détails se rapportant à ces événements. Il savait d’ailleurs, et ce, depuis au moins le 23 septembre 2009, que l’agent Ahearn avait signalé l’incident et qu’une enquête avait été entreprise. Sachant cela, le fonctionnaire a eu l’occasion de se remémorer personnellement les événements et de conserver le souvenir des détails s’y rapportant. Il était tout à fait capable d’intervenir lors de la rencontre du 13 octobre 2009 et d’ailleurs, il l’a fait en reconnaissant la plupart des gestes qui lui étaient reprochés. Les documents expurgés n’ont pas nui à sa capacité de participer aux rencontres ni de justifier sa conduite.

63 Le 13 octobre 2009, les parties ont convenu de se rencontrer deux jours après pour une audience au cours de laquelle ils seraient informés de la décision définitive du directeur Hanly. Le 15 octobre 2009, le directeur Hanly, le fonctionnaire et M. Briggs se sont donc rencontrés de nouveau, et le directeur Hanly a alors renvoyé le fonctionnaire en cours de stage. Encore une fois, le Service a respecté ses obligations de donner un préavis au fonctionnaire et de lui permettre d’être accompagné d’un représentant.

64 Dès le début de l’examen des allégations, le directeur Hanly avait indiqué que diverses possibilités s’offraient à lui. Il n’a pas décidé de la voie qu’il suivrait avant que l’enquête et les propres aveux du fonctionnaire aient permis d’établir que le fonctionnaire avait effectivement contrevenu aux Règles de conduite. Encore là, cela est conforme aux lignes directrices, en ce qu’il ne faut prendre une décision qu’une fois toutes les informations pertinentes obtenues. Ce n’est que rendu à ce stade du processus que le directeur Hanly a décidé de renvoyer le fonctionnaire en cours de stage, au lieu de lui imposer des mesures disciplinaires.

65 En résumé, je conclus que la preuve n’étaye pas les allégations quant à l’absence de processus équitable (mauvaise foi) soulevée par le fonctionnaire. La preuve n’établit pas non plus d’irrégularités dans le processus suivi par le Service pour décider de renvoyer le fonctionnaire en cours de stage.

d. Effet de l’aveu d’inconduite

66 Le fonctionnaire a ensuite fait valoir que le Service aurait dû prendre en compte le fait qu’il avait admis sa conduite. Si j’étais saisie d’une affaire mettant en cause le bien-fondé de mesures disciplinaires entraînant le licenciement du fonctionnaire, où l’existence d’un motif valable serait le seul critère (ce qui n’est pas le cas ici), je prendrais en compte la preuve relative à l’aveu de la conduite reprochée dans l’évaluation du caractère proportionnel de la mesure disciplinaire. Cela ne se fait pas dans les cas de renvoi en cours de stage, tels que les griefs en l’espèce. En réponse à la conduite du fonctionnaire, le Service pouvait se prévaloir d’une gamme de solutions. Il a choisi une solution applicable uniquement aux fonctionnaires en cours de stage. Ce choix ne permet pas à un arbitre de grief d’apprécier le caractère proportionnel du choix ainsi exercé.

C. Conclusion

67 Les faits de ce cas s’inscrivent parfaitement dans les deux principes juridiques qui s’appliquent lorsqu’un arbitre de grief est appelé à établir s’il a compétence pour instruire une affaire concernant un renvoi en cours de stage, issus de la LRTFP et de la jurisprudence citée en l’espèce. Je conclus que l’article 211 de la LRTFP interdit à un arbitre de grief d’instruire les griefs en l’espèce, car les événements en cause dans ces deux griefs ont trait à un licenciement (renvoi en cours de stage) effectué sous le régime de la LEFP. Le renvoi en cours de stage dont il s’agit satisfait aux exigences de la LEFP, et le fonctionnaire n’a pas établi que la décision reposait de façon factice sur la LEFP, ou était un subterfuge ou un camouflage. Par conséquent, je n’ai pas compétence pour instruire davantage ces griefs.

68 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

IV. Ordonnance

69 Je déclare que je n’ai pas compétence pour entendre ces griefs.

70 J’ordonne la fermeture des dossiers.

Le 9 novembre 2012.

Traduction de la CRTFP

Deborah M. Howes,
arbitre de grief

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