Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé a allégué qu’on lui avait injustement refusé la rémunération des heures supplémentaires qu’il avait travaillées lors de quatre journées distinctes - le fonctionnaire s’estimant lésé avait toujours été considéré comme étant un employé << autre que d’exploitation >>, mais en vue des Jeux olympiques et paralympiques d’hiver de 2010 de Vancouver, il a été avisé en janvier 2010 que sa situation d’employé serait changée à employé << d’exploitation >> pour la durée des Jeux, ce qui aurait pour résultat de modifier ses horaires et ses heures de travail - durant les quatre journées en cause, il a été affecté au poste de l’après-midi au lieu de son poste habituel de jour - le fonctionnaire s’estimant lésé a allégué que l’employeur devait, en vertu de la convention collective, consulter son agent négociateur avant de procéder à un tel changement, et que l’employeur ne l’avait pas fait - lors d’une réunion du comité consultatif patronal-syndical en mai 2009, l’employeur a soulevé la question du changement de la situation des employés, les faisant passer d’employé << autre que d’exploitation >> à employé << d’exploitation >> - en octobre 2009, l’employeur a envoyé un courriel à l’agent négociateur ainsi qu’à tous les employés touchés pour les aviser officiellement du changement qui serait apporté sous peu à leur horaire de travail - en novembre 2009, l’employeur a envoyé un autre courriel à l’agent négociateur ainsi qu’à tous les employés afin d’apporter des précisions au sujet du changement de leur situation - en février 2010, après des discussions avec l’agent négociateur au sujet de l’horaire, l’employeur a communiqué à l’agent négociateur une version révisée de l’horaire des postes de travail, dans lequel il était indiqué que le fonctionnaire s’estimant lésé serait appelé à travailler un quart d’après-midi - l’arbitre a conclu que la nature de la consultation requise en vertu de la disposition de la convention collective n’était pas clairement définie et qu’aucune procédure particulière n’y était prévue - une consultation a été entreprise au début du mois de mai 2009 et s’est poursuivie pendant plusieurs mois - une forme de consultation a donc eu lieu - l’objet de la disposition sur les consultations avait été atteint - le fonctionnaire s’estimant lésé ne s’est pas acquitté du fardeau qui lui incombait, soit d’établir que l’employeur avait manqué à son obligation de consulter l’agent négociateur - quoi qu’il en soi, l’obligation de consulter était exigible à l’égard de l’agent négociateur et non du fonctionnaire s’estimant lésé. Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2012-11-19
  • Dossier:  566-02-5239
  • Référence:  2012 CRTFP 123

Devant un arbitre de grief


ENTRE

ROBERT SCOTT REID

fonctionnaire s'estimant lésé

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(ministère de l’Industrie)

employeur

Répertorié
Reid c. Conseil du Trésor (ministère de l’Industrie)

Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Stephan J. Bertrand, arbitre de grief

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Jim Shields, avocat

Pour l'employeur:
Richard Fader, avocat

Affaire entendue à Vancouver (Colombie-Britannique),
les 21 et 22 août 2012.
(Traduction de la CRTFP)

Grief individuel renvoyé à l’arbitrage

1 Robert Scott Reid, le fonctionnaire s’estimant lésé (le « fonctionnaire »), a présenté un grief le 5 mars 2010. Il allègue qu’on lui a injustement refusé le paiement de ses heures supplémentaires, dont il avait réclamé le remboursement en vertu des clauses 23.04 et 23.08 de la convention collective conclue entre le Conseil du Trésor et la section locale 2228 de la Fraternité internationale des ouvriers en électricité pour le groupe Électronique (EL), échue le 31 août 2010 (la « convention collective »). Il a réclamé le remboursement des sommes dues pour les heures de travail qu’il a effectuées entre 16 h et 20 h, les 14, 15, 21 et 22 février 2010. À l’époque pertinente, le fonctionnaire était un agent de la gestion du spectre, un poste classifié à l’échelon EL-05, auprès du ministère de l’Industrie (l’« employeur »), à Surrey, en Colombie-Britannique.

2 L’employeur a rejeté la demande de remboursement du fonctionnaire aux trois paliers de la procédure de règlement des griefs, au motif que sa situation avait changé de celle d’employé autre que d’exploitation à celle d’employé d’exploitation à l’époque visée par sa demande. Selon l’employeur, le changement à son horaire de travail a été effectué conformément aux dispositions pertinentes de la convention collective.

3 Insatisfait de la décision de l’employeur, le fonctionnaire a renvoyé le grief à l’arbitrage le 7 avril 2011.

Résumé de la preuve

4 Le fonctionnaire a témoigné qu’il était au service de l’employeur depuis 2003. À l’époque pertinente, il travaillait au sein du secteur du Spectre, des technologies d’information et des télécommunications (SITT) de l’employeur pour la région du Pacifique. En bref, le SITT est responsable de divers processus réglementaires intervenant dans le secteur des communications radiophoniques, notamment en ce qui a trait aux enquêtes et à l’application de la réglementation visant l’octroi des licences d’exploitation.

5 Le fonctionnaire a souligné qu’il avait toujours, jusqu’en 2010, été considéré comme étant un employé autre que d’exploitation. Toutefois, en vue des Jeux olympiques et paralympiques d’hiver de 2010 de Vancouver, en Colombie-Britannique, il a été avisé au début du mois de janvier 2010 que la situation de tous les employés affectés au SITT faisant partie du groupe EL de la région du Pacifique serait changée, passant de celle d’employé autre que d’exploitation à celle d’employé d’exploitation pour la durée des Jeux. Ainsi, il y aurait un ajustement des horaires de poste et des heures de travail du fonctionnaire. Dans le cas du fonctionnaire, selon l’horaire de poste du mois de février 2010, il devait travailler de 12 h à 20 h, soit le [traduction] « poste d’après-midi », au lieu de ses heures normales d’employé autre que l’exploitation, soit de 8 h à 16 h. Il a dû travailler le poste d’après-midi à quatre occasions distinctes, soit les 14, 15, 21 et 22 février 2010.

6 Après avoir effectué ses deux premiers postes d’après-midi de 12 h à 20 h, le fonctionnaire a été informé par un collègue que, selon la clause 23.08 de la convention collective, l’employeur devait consulter la section locale du fonctionnaire avant de changer ses heures de poste de travail. Cela a amené le fonctionnaire à écrire au représentant local de son agent négociateur, Christopher Davies, le 16 février 2010, pour lui demander si une telle consultation avait eu lieu.  

7 Le fonctionnaire a précisé que, peu après avoir abordé M. Davies à ce sujet, il a effectué les deux autres quarts de 12 h à 20 h à l’horaire, mais qu’il avait été avisé par la suite qu’il ne serait plus affecté à des postes d’après-midi et qu’il reviendrait dorénavant à son horaire normal de travail d’employé autre que d’exploitation. 

8 Par la suite, le fonctionnaire a présenté un grief, demandant à être rémunéré au tarif des heures supplémentaires pour le travail effectué de 16 h à 20 h pendant les quatre quarts en question, soit une somme totale de 874 $, selon ses estimations.

9 M. Davies est représentant de la section locale 2228 de la Fraternité internationale des ouvriers en électricité (FIOE). Il a témoigné qu’il avait été avisé le 12 mai 2009, lors d’une réunion du comité consultatif patronal-syndical, de l’intention de l’employeur de changer la situation des employés du groupe EL d’employés autres que d’exploitation à employés d’exploitation pour la durée des Jeux olympiques d’hiver de 2010 de Vancouver. Avant cette rencontre, il n’avait pas eu vent de quelque discussion au sujet des Jeux olympiques ou de la nécessité de modifier la situation des employés du groupe EL. À ce moment-là, on anticipait que tous les employés affectés au SITT de la région du Pacifique passeraient à la situation d’employés d’exploitation pour la période de janvier à mars 2010.

10  Le 7 octobre 2009, M. Davies a reçu une copie d’un courriel envoyé par l’employeur à tous les employés du SITT pour la région du Pacifique les avisant du changement qui serait apporté sous peu à leur situation. Selon M. Davies, aucune rencontre patronale-syndicale n’a eu lieu vers cette date, bien que l’employeur l’ait informé du fait que les horaires de poste étaient en voie d’élaboration et qu’ils seraient bientôt communiqués. Le courriel du 7 octobre 2009 faisait également état des exigences opérationnelles que l’employeur s’affairait à mettre en place pour honorer son engagement d’assurer les services de gestion du spectre en tout temps durant les Jeux olympiques d’hiver de 2010.

11 M. Davies a également témoigné que le 27 novembre 2009 l’employeur lui avait envoyé un courriel, ainsi qu’à tous les fonctionnaires du SITT affectés aux Jeux olympiques d’hiver de 2010, précisant que la modification de la situation des fonctionnaires du groupe EL les faisait passer de la situation d’employés autres que d’exploitation à celle d’employés d’exploitation seulement pour la période comprise entre le 1er février et le 26 mars 2010. Le courriel précisait également que les horaires de poste pour cette période, incluant des horaires de travail variables, seraient affichés.

12 Le 21 décembre 2009, M. Davies a reçu un courriel de Gary Paugh, alors directeur de l’exploitation de l’employeur pour les Jeux d’hiver de 2010; la version préliminaire de l’horaire de poste pour le mois de février 2010 y était jointe. M. Davies était préoccupé par le fait que cet horaire ne semblait pas prévoir une répartition équitable des postes de travail parmi les employés et n’incluait que les horaires de poste pour un cycle de 28 jours. Le 11 janvier 2010, il a rencontré M. Paugh afin de discuter de ces questions. Toutefois, lors de son témoignage, M. Paugh a indiqué qu’il s’était engagé lors de cette rencontre à revoir prochainement l’horaire de poste pour le mois de février en vue d’y préciser les heures de début et de fin du deuxième quart de travail des employés du bureau de district du Lower Mainland situé à Surrey, lequel devait à l’origine débuter à 15 h et se terminer à 23 h.

13 M. Davies a témoigné que M. Paugh lui avait transmis, le 18 janvier 2010, l’horaire de poste révisé pour le mois de février 2010. Bien que des éléments de l’horaire avaient été surlignés en rose pour indiquer que le fonctionnaire et plusieurs autres employés devaient travailler certaines journées selon l’horaire de l’après-midi prévu, soit de 12 h à 20 h, plus précisément les 14, 15, 21 et 22 février 2010 en ce qui concerne le fonctionnaire, M. Davies a témoigné que, selon lui, les éléments surlignés en rose ne concernaient que des employés autres que le fonctionnaire et les autres employés du groupe EL. Lors du contre-interrogatoire, M. Davies a reconnu que certains quarts du fonctionnaire étaient clairement surlignés en rose dans l’horaire du mois de février, ce qui, selon la légende, signifiait qu’il s’agissait d’un quart de 12 h à 20 h. Il a également reconnu ne pas avoir cherché à obtenir, lors de sa rencontre avec M. Paugh ni à quelque autre moment, des explications ou des précisions de la part de celui-ci au sujet de ces postes d’après-midi de 12 h à 20 h et des employés auxquels ces postes s’appliquaient; il a aussi souligné que rien ne l’empêchait de faire connaître ses préoccupations à cet égard à M. Paugh à l’époque. De plus, selon un courriel daté du 17 février 2010, M. Davies avait parlé le jour même à M. Hal Hickey, le supérieur immédiat de M. Paugh, au sujet du changement de la situation des employés du groupe EL, mais aucun élément de preuve n’a été présenté pouvant laisser croire que leurs discussions avaient porté sur la question du poste d’après-midi de 12 h à 20 h, bien que le fonctionnaire ait informé M. Davies la veille de la mise en place de ce quart.  

14 M. Paugh n’a pas pu confirmer avoir envoyé à M. Davies une demande écrite en vue d’une réunion de consultation officielle pour discuter des modifications apportées au poste d’après-midi. Il a toutefois déclaré qu’ils avaient été régulièrement en contact et avaient discuté de la question de l’établissement des horaires entre le mois de juin 2009 et le mois de janvier 2010. Selon M. Paugh, ces discussions fréquentes et, plus particulièrement, les courriels concernant l’établissement des horaires dont une copie conforme était toujours envoyée à M. Davies, témoignaient de ses efforts de consultation avec la section locale 2228 de la FIOE durant cette période.  

15 Selon M. Davies, il n’a jamais été consulté par l’employeur au sujet de la mise en place d’un poste d’après-midi commençant à 12 h et se terminant à 20 h pour les employés du groupe EL, lequel dérogeait, selon lui, des heures de travail des postes s’appliquant normalement aux employés d’exploitation aux termes de la clause 23.08 de la convention collective. Cette clause prévoit en outre que les heures de début et de fin des postes de travail normaux des employés d’exploitation sont respectivement de 0 h à 8 h, de 8 h à 16 h, et de 16 h à 24 h.

16 Après que le fonctionnaire eut signalé à l’attention de M. Davies la mise en place du poste d’après-midi de 12 h à 20 h, ce dernier a tenté de communiquer avec M. Paugh vers le 16 février 2010, mais celui-ci n’était pas disponible. Dans un courriel ultérieur de M. Paugh, daté du 22 février 2010, il est indiqué que tous les postes d’après-midi, soit de 12 h à 20 h, seraient remplacés par un poste de 9 h à 17 h à compter du 23 février 2010.

17 À l’occasion de son témoignage, M. Philip Fleming, directeur exécutif des Jeux d’hiver de 2010 à l’époque pertinente, a précisé qu’après les deux premières semaines des Jeux, la charge de travail des employés du SITT avait considérablement diminué, les problèmes d’ordre technique étant alors réglés pour la plupart, et qu’il avait donc été décidé de mettre fin aux postes d’après-midi pour les employés du bureau de Surrey parce que cela n’était plus requis sur le plan opérationnel. M. Paugh a corroboré cet élément lors de son témoignage.  

18 M. Davies a répondu au courriel de M. Paugh daté du 22 février 2010 le même jour. Il lui a demandé d’approuver les demandes d’heures supplémentaires pour toutes les heures de travail effectuées par les employés du groupe EL après 16 h durant le mois de février 2010, sans succès. Il a alors conseillé au fonctionnaire et à tous les autres employés du groupe EL touchés par cette décision de présenter un grief pour obtenir le remboursement des heures supplémentaires auxquelles ils estimaient avoir droit. 

19  Dans un courriel daté du 26 février 2010, M. Paugh a laissé entendre qu’il s’était entendu avec M. Davies quant à la mise en place d’un poste d’après-midi dérogeant aux postes de travail habituels des employés d’exploitation, surtout pour des raisons de sécurité de ces employés. Selon les témoins de l’employeur, soit M. Paugh et M. Fleming, le poste de travail qui avait été proposé à l’origine, prévoyant un horaire de 15 h à 23 h, avait suscité de la part d’employés du SITT travaillant au bureau de Surrey certaines préoccupations quant à leur sécurité personnelle, car un tel horaire les aurait contraints à se rendre à leur voiture ou à prendre le transport en commun à une heure tardive, et ce, dans un secteur qu’ils considéraient comme peu sécuritaire. M. Fleming a témoigné qu’afin de tenir compte de ces inquiétudes, l’employeur avait accepté, après avoir consulté la FIOE, de modifier l’horaire du poste d’après-midi afin qu’il commence à 12 h à se termine à 20 h. Lors du contre-interrogatoire, M. Davies a été interrogé pour déterminer s’il avait effectivement consenti à la mise en place du poste d’après-midi de 12 h à 20 h pour des motifs de sécurité. M. Davies a nié avoir conclu une telle entente avec M. Paugh avant la mise en place de ce poste. Contre toute attente, lors du témoignage de M. Paugh, aucun des deux avocats n’a jugé bon de lui demander des précisions quant à l’entente alléguée. M. Paugh a tout de même confirmé l’exactitude des trois premiers paragraphes de son courriel du 26 février 2010, lesquels renvoient à l’entente alléguée.

Résumé de l’argumentation

20 Les arguments des parties étaient très concis.

21 Selon le fonctionnaire, l’employeur est tenu de consulter l’agent négociateur avant d’établir des horaires de poste qui commencent plus d’une heure avant ou plus d’une heure après les horaires de poste de travail habituels prévus à la clause 23.08 de la convention collective.

22 Le fonctionnaire a soutenu que l’employeur n’avait pas respecté son obligation à cet égard. Selon lui, même si son agent négociateur et l’employeur ont discuté d’autres questions, ces discussions n’ont jamais porté sur quelque changement apporté à l’horaire de poste de travail des employés d’exploitation, et aucune demande écrite en vue d’une réunion de consultation n’a été envoyée à son agent négociateur.

23 Le fonctionnaire a déclaré que l’employeur avait cessé d’affecter les employés du groupe EL à des postes de 12 h à 20 h dès qu’il a été mis au courant des préoccupations de la FIOE; l’employeur s’est alors de nouveau tourné vers les postes de 9 h et à 17 h, et ce, à compter du 23 février. Selon le fonctionnaire, cette décision de l’employeur est la preuve qu’il a enfreint la clause 23.08 de la convention collective.

24 Selon le fonctionnaire, la réparation appropriée devrait comprendre tout d’abord une déclaration que l’employeur a omis de consulter la section locale 2228 de la FIOE, contrairement au libellé de la clause 23.08 de la convention collective, et ensuite le paiement de 16 heures de supplémentaires.

25 Le fonctionnaire a par ailleurs fait valoir que l’employeur ne pouvait pas s’appuyer sur quelque consultation qu’il aurait pu avoir mené auprès de ses employés afin de justifier le genre de modification évoquée à la clause 23.08c) de la convention collective, car l’obligation de consulter était à l’égard de l’agent négociateur plutôt que de ses membres.   

26 Le fonctionnaire m’a renvoyé à Longo Brothers Fruit Market Inc. v. United Food and Commercial Workers’ Union, Local 633 (1995), 52 L.A.C. (4e) 113, Giant Yellowknife Mines Ltd. v. C.A.S.A.W., Loc. 4 (1990), 15 L.A.C. (4e) 52, Paynter et al. c. Canada (Conseil du Trésor – Agriculture et Agroalimentaire Canada), dossiers de la CRTFP 166-02-27186, 27378 et 27379 (19970912) et Horner c. Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale), 2012 CRTFP 33.

27 Selon l’employeur, il incombait au fonctionnaire d’établir l’existence d’une violation de la convention collective par l’employeur; le fonctionnaire ne s’est pas acquitté de ce fardeau. 

28 L’employeur a fait valoir que le processus de consultation dans le cadre du dossier des Jeux d’hiver de 2010 de Vancouver avait été lancé plusieurs mois avant que des changements à l’horaire soient mis en place. Selon lui, l’employeur et les représentants des agents négociateurs, y compris ceux de la section locale 2228, avaient des communications et des discussions sur une base continue et pendant plusieurs mois au sujet des changements prévus aux heures de travail et aux postes des employés.

29 Selon l’employeur, le dernier horaire de poste de travail proposé qui a été communiqué aux employés et à M. Davies avait été modifié afin de tenir compte des préoccupations au plan de la sécurité dont plusieurs intervenants avaient fait part à l’employeur. Bien que l’employeur ait invité les intéressés à lui faire part de leurs questions lors de la distribution de l’horaire de poste de travail, aucune question ne lui a été posée et aucune demande de précision ne lui a été faite. 

30 L’employeur m’a incité à privilégier la version des faits de M. Paugh relativement à l’existence d’une entente visant la mise en place d’un poste d’après-midi de 12 h à 20 h, dont il est question notamment dans son courriel du 26 février 2010 et dont la véracité a été confirmée lors de son témoignage, plutôt que la version des faits de M. Davies, lequel a nié l’existence même d’une telle entente.

31 Enfin, l’employeur a fait valoir que le type de consultation visé par la clause 23.08c) de la convention collective n’était pas précisé, qu’il n’existait aucune obligation voulant qu’une telle consultation doive nécessairement être demandée par écrit et que le défaut de remplir une telle obligation ne saurait être sanctionné par quelque mesure de réparation eu égard au fonctionnaire. À cet égard, l’employeur m’a renvoyé à Spacek c. Agence du revenu du Canada, 2006 CRTFP 104, et plus particulièrement aux paragraphes suivants de la décision :

[…]

[13] Le paragraphe 24.01 de la convention collective est libellé comme suit :

24.01 L’Employeur continue de prévoir toute mesure raisonnable concernant la sécurité et l’hygiène professionnelles des employés. L’Employeur fera bon accueil aux suggestions faites par l’Institut à ce sujet, et les parties s’engagent à se consulter en vue d’adopter et de mettre rapidement en œuvre la procédure et les techniques raisonnables destinées à prévenir ou à réduire le risque d’accident et de maladie professionnels.

[…]

[31] La question de compétence que je dois trancher en l’espèce est la suivante : est–ce que le paragraphe 24.01 de la convention collective a pour but d’accorder un recours « […] à [l’]endroit [de la fonctionnaire] […] »? Si la réponse est non, l’arbitre de grief n’a pas compétence en vertu de l’ancienne Loi pour instruire et trancher le grief.

[32] L’interprétation juste du paragraphe 24.01 de la convention collective est bien établie dans un certain nombre de décisions rendues sous le régime de l’ancienne Loi. Ainsi, dans Institut professionnel du Service public du Canada, la Commission a conclu que le recours qui s’offrait en cas de dérogation à une disposition prévoyant la tenue de consultations analogue au paragraphe 24.01 était celui prévu par ce qui est devenu l’article 99 de l’ancienne Loi. La Commission a déterminé que la disposition de la convention collective contenait une obligation de tenir des consultations.

[…]

[35] Dans Kolski, la présumée dérogation à la convention collective concernait un libellé analogue à celui du paragraphe 24.01 de la convention collective que j’ai devant moi. L’arbitre de grief a écrit ce qui suit:

[…]

          Encore une fois, je crois que cette allégation n'a aucun fondement. L'article en question porte sur la consultation. En vertu de celui-ci, les parties s'engagent à se consulter sur les mesures destinées à améliorer la sécurité sur les lieux de travail. L'employeur a une obligation envers l'agent négociateur et non envers un employé en particulier.

[…]

[36] La jurisprudence est limpide et me semble constante depuis 1973 je dirais, à en juger par les décisions qui ont été déposées. Le paragraphe 24.01 de la convention collective est une disposition prévoyant la tenue de consultations qui accorde des droits à l’agent négociateur.

[…]

Motifs

32 La seule question à trancher en l’espèce est de savoir si l’employeur s’est conformé aux dispositions de la clause 23.08c) de la convention collective en consultant la section locale 2228 de la FIOE avant d’établir des horaires ne correspondant pas aux heures normales de début et de fin des postes pour les employés d’exploitation tel qu’il est prévu à la clause 23.08a) de la convention collective. La clause 23.08 de la convention collective se lit intégralement comme suit :

23.08 Heures des postes de travail - Employé-e-s d'exploitation

  1. Les heures de début et de fin des postes de travail normaux sont les suivantes;
    0 h 00 -   8 h 00 heure locale
    8 h 00 - 16 h 00 heure locale
    16 h 00 - 24 h 00 heure locale
  2. L'Employeur peut établir des horaires de poste qui ne commencent pas plus d'une (1) heure avant ou plus d'une (1) heure après les horaires indiqués ci-dessus.
  3. Avant d'établir les horaires de poste qui commencent plus d'une (1) heure avant ou plus d'une (1) heure après les horaires indiqués ci-dessus, l'Employeur consulte le syndicat.
  4. Il doit se faire une distribution équitable du travail par poste parmi les employé-e-s qualifiés disponibles.
  5. Lorsque les heures de poste d'horaire sont modifiées conformément aux alinéas 23.08b) et c), la journée définie au paragraphe 23.01 est modifiée en conséquence.

33 Je suis d’accord avec l’employeur que la nature de la consultation évoquée dans la clause précitée n’est pas clairement définie. Aucune procédure liée à la consultation n’a été prévue aux termes de cette clause. Je conviens également avec l’employeur qu’un processus de consultation avait été entrepris depuis déjà le mois de mai 2009, lorsque des modifications envisagées à l’horaire de travail des employés touchés avaient fait l’objet de discussions à l’occasion d’une réunion du comité consultatif patronal-syndical et que d’autres discussions et rencontres, dont celle du 11 janvier 2010 entre M. Davies et M. Paugh, ont eu lieu au cours des sept mois suivants au sujet de questions se rapportant à la clause 23.08 de la convention collective.

34 L’horaire des postes de travail communiqué le 18 janvier 2010 ne se voulait pas la version définitive de cet horaire ni un document coulé dans le béton. En fait, la première version de cet horaire avait déjà été révisée après des discussions avec les gestionnaires, les employés et aussi avec M. Davies; selon l’employeur, la nouvelle version avait pour but de répondre aux préoccupations légitimes soulevées tant par des employés touchés que des gestionnaires. Par ailleurs, le fait que cette version de l’horaire des postes de travail ait également été transmise à l’avance à M. Davies témoigne de l’ouverture de l’employeur à recevoir les commentaires ou les opinions de la section locale à ce sujet avant de mettre en place les modifications envisagées. L’employeur a en outre précisé à qui adresser les questions au sujet de l’horaire des postes de travail.

35 Bien que l’horaire des postes de travail prévoie en outre que le fonctionnaire et plusieurs autres employés seraient appelés à travailler selon un poste d’après-midi de 12 h à 20 h certains jours, en particulier les 14, 15, 21 et 22 février 2010 en ce qui a trait au fonctionnaire (selon les passages surlignés en rose), M. Davies a témoigné qu’il avait compris que les passages surlignés en rose ne s’appliquaient qu’aux autres employés, et non au fonctionnaire en l’espèce ni aux autres fonctionnaires du groupe EL. Compte tenu de la preuve présentée et du contexte propre à l’époque pertinente, cette position n’est tout simplement pas crédible. En fait, cette position n’a pas été évoquée par M. Davies dans sa réponse au courriel de M. Paugh daté du 26 février 2010. De surcroît, comme je l’ai mentionné précédemment, après avoir été informé par le fonctionnaire de la mise en place de cet horaire de postes de travail, M. Davies a parlé à M. Hickey le lendemain, le 17 février 2010, afin de discuter du changement de la situation des employés du groupe EL. Aucune preuve de quelque discussion sur ce malentendu manifeste de sa part n’a été présentée à l’audience.

36 Bien que l’existence d’une entente entre M. Davies et M. Paugh au sujet de l’intention et de l’objet des modifications apportées aux heures de début et de fin du poste d’après-midi puisse en soi constituer une preuve concluante de l’existence d’une consultation à cet égard, le contraire ne serait pas pour autant la preuve qu’aucune consultation n’a eu lieu.

37 Lorsque l’horaire des postes de travail pour le mois de février a été communiqué aux employés du bureau de district Lower Mainland le 18 janvier 2010, tous les destinataires, dont M. Davies, étaient invités à faire part de leurs questions à cet égard à M. Paugh; le document indiquait clairement les postes d’après-midi de 12 h à 20 h du fonctionnaire à quatre endroits distincts. Ce courriel, lu dans le contexte dans lequel il s’inscrit, pourrait certes également être interprété comme constituant une autre initiative de l’employeur visant à obtenir, sinon à tenir compte, des informations, des conseils ou des commentaires de la part des employés et de leur agent négociateur. Il appert toutefois qu’aucune question n’a été formulée à l’intention de M. Paugh, ni même de la part de M. Davies. Bien que le courriel daté du 18 janvier 2010 ne puisse peut-être pas, en soi, constituer le meilleur mode de consultation qui soit, il s’agissait là malgré tout, si l’on considère l’ensemble de la preuve et le contexte des événements ayant mené à la dérogation envisagée à la clause 23.08c) de la convention collective, d’une forme de consultation.

38 Il s’agissait de circonstances exceptionnelles, nées de ces occasions qui ne se présentent qu’une seule fois dans la vie, qui ont nécessité la concertation de tous les intervenants participant à l’événement. La section locale 2228 a été invitée à participer au dialogue qui avait été amorcé et qui s’est poursuivi pendant plusieurs mois avant le début des Jeux olympiques d’hiver de 2010 de Vancouver. Le fait qu’elle ait choisi de maintenir son mutisme après que la version révisée de l’horaire des postes de travail du mois de février a été communiquée le 18 janvier 2010, malgré le fait qu’elle proposait clairement un horaire de poste d’après-midi de 12 h à 20 h, et que l’employeur y invitait les intéressés à lui faire part de leurs commentaires, est révélateur du fait qu’elle ne s’est pas pleinement investie dans le processus de consultation plus large qui se poursuivait depuis déjà plusieurs mois.

39 Selon moi, l’intention et l’objet de la clause 28.03c) de la convention collective est de s’assurer que l’agent négociateur, sinon la section locale de celui-ci et ses membres, sont dûment informés de toute modification envisagée à l’horaire des postes de travail de ses membres et qu’il ou elle, selon le cas, a l’occasion de participer à un dialogue avec l’employeur et de lui faire part de ses préoccupations à cet égard. Étant donné le contexte et les faits en l’espèce, j’estime que l’objet précité a été réalisé. Le fardeau d’établir que l’employeur a manqué à son obligation de consulter incombait au fonctionnaire, et il ne s’est pas acquitté de ce fardeau.

40 Enfin, l’argument du fonctionnaire quant à savoir envers qui l’employeur était redevable de son obligation de consulter était particulièrement digne d’intérêt. En effet, il a avancé que l’employeur ne pouvait se fonder sur le fait qu’il avait consulté ses employés sur son intention de procéder au type de changements envisagés à la clause 23.08c) de la convention collective, car l’employeur était redevable de l’obligation de consulter envers l’agent négociateur et non envers les membres de l’unité de négociation qu’il représente. Pour ce même motif, même si j’avais conclu qu’aucune négociation n’avait eu lieu, contrairement aux termes de la clause précitée, je ne suis pas convaincu que le fonctionnaire aurait eu droit à quelque mesure de réparation ou que j’aurais eu compétence pour ordonner une telle réparation, le cas échéant, puisque l’obligation créée par la clause 23.08c) est à l’égard de l’agent négociateur, et non du fonctionnaire s’estimant lésé.

41 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

Ordonnance

42 Le grief est rejeté.

Le 19 novembre 2012.

Traduction de la CRTFP

Stephan J. Bertrand,
arbitre de grief

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