Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La fonctionnaire s’estimant lésée a contesté son renvoi en cours de stage, alléguant qu’il constituait une mesure disciplinaire - l’employeur a justifié le renvoi en alléguant que la fonctionnaire s’estimant lésée n’avait pas atteint les objectifs de rendement exigés par son poste - des lacunes ont été identifiées peu de temps après son embauche et un plan d’action a été mis en place - une des améliorations à apporter était d’éviter de faire un suivi papier et d’utiliser seulement le Système automatisé pour les recouvrements et les retenues à la source (SARSS) de l’employeur - le plan d’action prévoyait un suivi hebdomadaire - la moyenne d’heures consacrées par la fonctionnaire s’estimant lésée à chaque dossier est demeurée beaucoup plus élevée que celle des autres agents - une formation exclusive lui a été donnée en plus de la formation initiale qui lui avait été offerte - l’employeur était toujours d’avis que la fonctionnaire s’estimant lésée ne maîtrisait pas sa charge de travail, et ce, même si ses tâches étaient toujours allégées; de plus, elle ne maîtrisait pas les systèmes informatiques - selon l’employeur, l’évolution de la fonctionnaire s’estimant lésée stagnait et la décision a été prise de ne pas continuer son emploi - l’employeur s’est opposé à la compétence d’un arbitre de grief - la fonctionnaire s’estimant lésée a été renvoyée en cours de stage pour des motifs valables liés à l’emploi et non pour un motif disciplinaire - sa perception selon laquelle le plan d’action était une mesure disciplinaire ne constituait pas une preuve suffisante - la preuve de la fonctionnaire s’estimant lésée s’appuyait surtout sur son mécontentement à l’égard de son évaluation, un motif qui n’est pas arbitrable - l’employeur a agi de bonne foi en concluant qu’elle n’avait pas les aptitudes pour satisfaire les exigences du poste - l’arbitre de grief n’a pas compétence pour instruire cette décision. Dossier fermé.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2012-11-19
  • Dossier:  566-34-2990
  • Référence:  2012 CRTFP 124

Devant un arbitre de grief


ENTRE

JOCELYNE LAVOIE

fonctionnaire s'estimant lésée

et

AGENCE DU REVENU DU CANADA

employeur

Répertorié
Lavoie c. Agence du revenu du Canada

Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Steven B. Katkin, arbitre de grief

Pour la fonctionnaire s'estimant lésée:
Elle-même

Pour l'employeur:
Michel Girard, avocat

Affaire entendue à Montréal (Québec),
du 7 au 10 février 2012.

I. Grief individuel renvoyé à l'arbitrage

1 La fonctionnaire s’estimant lésée, Jocelyne Lavoie (« la fonctionnaire »), était une employée de l’Agence du revenu du Canada (l’« employeur » ou l’ « Agence ») à Brossard, Québec. Elle a été embauchée à titre d’agente de contacts aux recouvrements au groupe et au niveau PM-01 pour la période du 28 mai 2007 au 31 mars 2008 (pièce E-1, onglet 2). Dans une lettre en date du 2 novembre 2007, alors que la fonctionnaire était en cours de stage, l’employeur l’a avisée qu’il la licenciait, et ce, à compter du 16 novembre 2007 en vertu de l’alinéa 51(1)g) de la Loi sur l’Agence du revenu du Canada (la « LARC ») (pièce E-1, onglet 1). L’employeur a donné comme motif du licenciement le fait que la fonctionnaire n’avait pas atteint les objectifs de rendement exigés par son poste, et ce, « malgré tous les efforts faits de part et d’autre ». La fonctionnaire a déposé un grief contestant son renvoi le 28 février 2008; celui-ci se lit comme suit : « Je conteste la décision de l’employeur de m’avoir congédié le 2 novembre 2007 avec prise d’effet le 16 novembre 2007. » Dans le formulaire de renvoi à l’arbitrage soumis à la Commission des relations de travail dans la fonction publique, la fonctionnaire a renvoyé son grief à l’arbitrage en vertu de l’alinéa 209(1)b) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP).

2 Dans une décision antérieure (Lavoie c. Agence du revenu du Canada, 2011 CRTFP 91), j’ai décidé que la fonctionnaire avait le droit de déposer un grief contre son licenciement et de le renvoyer à l’arbitrage.

II. Résumé de la preuve

A. Pour l’employeur

1. Témoignage de Liette Paradis

3 À l’époque pertinente, Liette Paradis était chef d’équipe au bureau de l’Agence de la Montérégie et occupait ce poste depuis environ sept ans. Ses tâches principales étaient la gestion des ressources humaines d’une équipe d’employés, plus particulièrement dans la section du Bassin national T1. Il s’agissait du recouvrement de recettes de comptes de contribuables particuliers.

4 Mme Paradis a rencontré la fonctionnaire pour la première fois lors du processus d’embauche, car elle faisait partie du comité de sélection. Mme Paradis a dit qu’en plus de la fonctionnaire, deux autres personnes avaient été embauchées en même temps à titre d’agent de contacts aux recouvrements. Le formulaire de gestion de personnel signé par la fonctionnaire (pièce E‑1, onglet 2) indique que sa période d’emploi était du 28 mai 2007 au 31 mars 2008 et qu’elle était assujettie à une période de stage.

5 Mme Paradis a supervisé la fonctionnaire du 28 mai au 16 novembre 2007, exception faite de sa période de vacances du 24 juin au 6 août 2007, et deux semaines en septembre 2007. Son bureau était adjacent à celui de la fonctionnaire. Les fonctions de la fonctionnaire consistaient principalement en la perception des soldes dus à l’Agence en établissant un contact avec les contribuables (par lettre ou par téléphone). Souvent, les agents doivent percevoir les soldes par voie de mesures légales, principalement par saisie-arrêt; dans ce cas, ils doivent agir rapidement.

6 Mme Paradis a expliqué que le terme « inventaire » voulait dire la charge de travail assignée à chaque agent, et que chaque inventaire comprenait 325 comptes. L’expression « travailler un compte » pour un agent consistait à faire l’analyse du compte et de son historique, d’établir un plan d’action et de faire des transactions (soit de prendre une décision à savoir si l’agent devait procéder par téléphone, par lettre ou par saisie-arrêt).

7 Mme Paradis a affirmé que la fonctionnaire avait eu la même formation que les autres agents. Elle a suivi 5 jours de formation sur le fonctionnement des bassins nationaux et 20 jours dans le cadre du plan d’apprentissage pour tous les agents. Dans les équipes des bassins nationaux, les nouvelles personnes embauchées ont la même charge de travail que les agents travaillant déjà pour l’Agence, sauf qu’on allège leur inventaire les premières semaines de travail. Mme Paradis a dit que le bassin national était le bassin le plus facile à travailler, car il consiste majoritairement en des comptes de contribuables qui sont des salariés; les sources sont donc facilement accessibles.

8 Mme Paradis a fait référence à un courriel en date du 2 août 2007 qu’elle avait reçu de Claude Decelles, le conseiller technique aux recouvrements (pièce E-1, onglet 6), et dont elle a pris connaissance à son retour de vacances le 6 août 2007. M. Decelles était la personne-ressource pour ce qui est de l’aide technique aux agents. Le courriel consistait en un compte-rendu des trois nouveaux employés, dont la fonctionnaire. Pour ce qui est de la fonctionnaire, M. Decelles a écrit ce qui suit :

[…]

Rencontre avec Jocelyne le 25 juillet : Revue du travail et des comptes notés. Je lui mentionne que je suis très surpris de ne pas avoir reçu de saisie à vérifier de sa part. Elle me dit qu’à date elle ne sentait pas le besoin d’en faire pour les clients qu’elle avait contacté. Elle n’a envoyé que très peu de lettre de mesures légales. Après la revu des dossiers et des corrections à faire, je lui demande de planifier son inventaire pour la semaine suivante et de faire les sommaires de chaque compte qu’elle devra travailler, car à date elle n’a fait aucun sommaire de compte. J’ai revu Jocelyne le 2 août, elle avait encore plusieurs questions et je lui ai remis un plan de travail. Les comptes sont planifiés mais pas travaillé. Je dois te dire que ça m’inquiète car elle ne prend pas d’appels (Log IN).

[…]

Je pense que les trois devraient commencer à prendre des appels comme tout le monde c’est-à-dire être en LOG IN.

[…]

[Sic pour l’ensemble de la citation]

9 Mme Paradis a expliqué que les lettres de mesures légales et les saisies-arrêts sont au centre même du travail d’un agent, car sans ces mesures, il n’y aurait pas de résultats de recouvrement. De plus, le sommaire des comptes est important pour donner un portrait de l’évolution du compte et d’en faire un plan. Mme Paradis a dit que le fait d’être en ouverture de session ou « log in » est un système qui permet à un contribuable de communiquer avec l’agent directement ou de parler avec un autre agent disponible. L’agent doit appuyer sur un bouton pour accepter l’appel. Si un agent n’accepte pas un appel, la répartition du travail est plus difficile et se fait avec moins d’agents.

10 Mme Paradis a dit qu’elle était très préoccupée par les constats de M. Decelles apropos de la fonctionnaire. Elle a rencontré les trois employés individuellement pour discuter du courriel du 2 août 2007. En ce qui concerne l’encadrement, Mme Paradis a dit que cela comprenait l’évaluation de ce qui avait été donné en formation, si l’agent avait besoin de formation supplémentaire ou de soutien technique ou voulait revoir certaines parties de la formation donnée. Mme Paradis a dit que la fonctionnaire avait reçu de l’encadrement en août 2007, principalement du conseiller technique et de collègues de travail.

11 Au moment de son départ pour ses vacances au début de septembre 2007, Mme Paradis a dit à la fonctionnaire que M. Decelles viendrait travailler son inventaire avec elle. La fonctionnaire a refusé, disant qu’il la ralentissait dans son travail. La fonctionnaire a prétendu que M. Decelles l’avait mal informée dès le début et c’est la raison pour laquelle elle n’avait pas de résultats. Mme Paradis a dit que la fonctionnaire avait accepté certaines parties de l’aide offerte, dont l’aide de Sylvie Séguin, une chef d’équipe au bassin national.

12 Le 21 septembre 2007, Mme Séguin a fait parvenir un courriel à Mme Paradis (pièce E-1, onglet 11) dans lequel elle fait une revue du travail de la fonctionnaire que Mme Paradis a qualifié d’inquiétant. Le courriel signalait que la fonctionnaire modifiait unilatéralement des lettres de mesures légales bien que Mme Séguin lui avait donné des instructions claires seulement quelques jours auparavant de ne pas le faire. Le courriel faisait état de la réponse de la fonctionnaire à Mme Séguin, à savoir « […] que cela lui prend parfois plusieurs interventions claires pour qu’elle puisse identifier ce qu’elle peut ou ne pas faire […] » Mme Séguin avait dit à la fonctionnaire qu’il fallait recommencer avec elle et qu’un plan d’encadrement serait dressé à cet égard.

13 La réaction de Mme Paradis au courriel a été de penser qu’un encadrement plus serré de la fonctionnaire était requis. À cet égard, après des rencontres avec la fonctionnaire et une discussion avec elle le 25 septembre 2007, un plan d’action pour améliorer son rendement a été établi et signé par la fonctionnaire, ainsi que par Mmes Paradis et Séguin le 27 septembre 2007 (pièce E-1, onglet 7). Le plan d’action comprenait l’avertissement suivant pour la fonctionnaire : « […] Une décision sera prise sur la progression faite après 4 semaines à savoir si nous poursuivons l’apprentissage ou si nous cessons en mettant fin à la période de stage. » Le plan d’action a limité les intervenants au niveau de l’encadrement du soutien technique à Mme Séguin et Lucie Gill car la fonctionnaire disait que les conseils techniques ne l’aidaient pas. Mme Gill faisait partie du bassin national et elle a donné une formation exclusive à la fonctionnaire. Selon Mme Paradis, Mme Séguin était considérée comme une référence technique; elle avait développé la formation à cet égard et assurait la cohérence dans toute l’équipe. De plus, un code spécial de formation serait utilisé à raison de 10 heures par semaine afin de réduire la moyenne d’heure par dossier du groupe. Afin d’aider la fonctionnaire à satisfaire aux rendements demandés dans le plan d’action, elle pouvait demeurer en « log-out » du 27 septembre au 15 octobre 2007, c’est-à-dire qu’elle n’avait pas à répondre aux appels des contribuables. Le plan prévoyait un suivi hebdomadaire avec la fonctionnaire.

14 Parmi les aspects de son rendement que la fonctionnaire devait améliorer était d’éviter le suivi papier et d’utiliser seulement la planification au Système automatisé pour les recouvrements et les retenues à la source (SARRS) de l’Agence. Mme Paradis a dit que la fonctionnaire ne faisait pas de suivi sur le SARRS et qu’il était impossible de faire le suivi de 325 comptes manuellement sur papier. De plus, l’absence de suivi quotidien de toute action effectuée dans le dossier d’un contribuable dans le SARRS rendait impossible l’accès aux comptes de la fonctionnaire par un autre agent, affectant ainsi l’efficacité des recouvrements.

15 Mme Paradis a fait référence à un document qui fait état de la formation exclusive donnée à la fonctionnaire par Mme Gill en plus de la formation initiale qui lui avait été offerte (pièce E-1, onglet 8). Un total de 15.50 heures de formation exclusive a été donné à la fonctionnaire au cours des semaines du 29 septembre, du 5, du 12 et du 19 octobre 2007. Le document mentionne que la formation initiale de la fonctionnaire et les autres employés en mai 2007 comprenait la création d’une lettre en utilisant le Système de composition électronique de lettres (SCEL) de l’Agence à partir du système SARRS. Un document de référence a été remis aux employés (pièce E-1, onglet 8). Il n’est aucunement question de modification d’une lettre SCEL.

16 Dans son courriel à la fonctionnaire en date du 23 octobre 2007 (pièce E-1, onglet 9), Mme Paradis lui a fourni une copie des revues de son travail effectuées le 4 octobre 2007. Mme Paradis a affirmé que la revue de travail est un des éléments qu’elle considère parmi tant d’autres. Selon elle, la fonctionnaire n’avait pas le contrôle de sa charge de travail et ne maîtrisait pas les systèmes informatiques. Elle conversait trop avec les contribuables au lieu de les diriger au service approprié.

17 Mme Paradis a soutenu que la troisième rencontre avec la fonctionnaire dans le cadre du plan d’action a eu lieu le 23 octobre 2007 après que la fonctionnaire ait reçu le courriel à propos de la revue de son travail. La fonctionnaire lui a montré plusieurs papiers afin de lui démontrer qu’elle était en contrôle de ses comptes. La fonctionnaire avait eu des retours de courrier qui nécessitaient des ajustements aux dossiers des contribuables. La fonctionnaire n’avait toujours pas le contrôle de son inventaire même si ses tâches étaient toujours allégées et elle n’était pas en mesure d’ajouter l’ouverture de session. Malgré les efforts de la part de la fonctionnaire et de l’employeur, Mme Paradis s’est demandé si l’employeur devait continuer à investir dans la formation de la fonctionnaire.

18 Dans la semaine du 22 octobre 2007, Mme Paradis a demandé à M. Decelles de faire un portrait de l’inventaire de la fonctionnaire. Ses constatations, qui lui ont été transmises dans un courriel en date du 26 octobre 2007 (pièce E-1, onglet 10), se lisent comme suit :

[…]

En vérifiant son inventaire en date du 26 octobre 2007 il y avait 187 DR [date de rappel] du jour dont 130 n’avait pas encore été travaillé. Il y avait aussi 45 nouveaux dossiers dans son inventaire. Lors de ma dernière vérification à 14h15, il y avait seulement 8 dossier de travailler aujourd’hui. Il y a aussi dans son inventaire plusieurs comptes avec l’indication « Suivi de dossier » mais qui n’ont pas encore été touché (environ 25).

[…]

[Sic pour l’ensemble de la citation]

19 De plus, sur trois des comptes de la fonctionnaire vérifiés au hasard, elle n’avait pas pris l’action appropriée dans deux d’entre eux, et dans le troisième, l’avait travaillé alors qu’il n’était pas encore dû.

20 Mme Paradis a soutenu que le 26 octobre 2007, elle a entendu une conversation téléphonique que la fonctionnaire avait avec un contribuable. Elle a constaté que la fonctionnaire n’avait aucun contrôle de la conversation, qui n’était pas orientée vers le recouvrement. Un des collègues de la fonctionnaire a dû intervenir pour prendre contrôle de la conversation.

21 Mme Paradis a témoigné qu’elle voyait que l’évolution de la fonctionnaire n’avançait pas. Elle était déterminée à ne pas continuer l’emploi de la fonctionnaire et à cet égard, elle a consulté les ressources humaines ainsi que la directrice adjointe. Mme Paradis a recommandé à son gestionnaire, Michel Beausoleil, de mettre fin au stage de la fonctionnaire. Elle a soutenu qu’en mettant fin au stage de la fonctionnaire, l’employeur n’avait pas imposé une mesure disciplinaire. Le but de la formation supplémentaire donnée à la fonctionnaire était d’atteindre les objectifs recherchés et de la maintenir en poste, car on avait besoin d’agents de recouvrement.

22 En contre-interrogatoire, Mme Paradis a dit que bien qu’elle n’avait pas travaillé comme agent de contacts aux recouvrements, elle avait été chef d’équipe aux recouvrements pendant six ans avant de devenir chef d’équipe au bassin national.

23 Lorsque questionnée au sujet des deux autres personnes embauchées en même temps que la fonctionnaire, Mme Paradis a dit que l’un d’entre eux venait du domaine bancaire et que l’autre avait travaillé dans un centre d’appels. Elle a mentionné que ces deux employés s’amélioraient en ce qui a trait aux inventaires et qu’ils avaient assez bien intégré le travail.

24 Mme Paradis a été référée à ses notes manuscrites de sa rencontre avec la fonctionnaire le 4 octobre 2007 dans le cadre du plan d’action (pièce F-1). Entre autres, ces notes contenaient les constatations suivantes :

[…]

Éliminer les mauvaises habitudes de la gestion manuelle

[…]

Mandat : éliminer tout suivi fait manuellement

[…]

Une replanification de l’inventaire est requise afin qu’elle reprenne le contrôle

[…]

25 En ce qui concerne ses notes de sa rencontre avec la fonctionnaire du 23 octobre 2007 (pièce F-2), Mme Paradis s’est dite étonnée de voir que la fonctionnaire avait un suivi mensuel de son inventaire qu’elle avait fait manuellement, alors que le suivi manuel était interdit. Lors de cette rencontre, la fonctionnaire a été avisée qu’il fallait réduire le nombre d’heures par dossier.

26 À la question de la fonctionnaire, Mme Paradis a affirmé que le suivi hebdomadaire dans le cadre du plan d’action avait été respecté, à l’exception d’une occasion où elle a dû reporter la date prévue. Mme Paradis a souligné que le fait qu’il n’y avait pas eu de rencontre ne voulait pas dire qu’il n’y avait pas eu de suivi.

27 Mme Paradis a été référée à un document qu’elle avait préparé et qui étale les mesures de soutien et d’encadrement offertes à la fonctionnaire jusqu’au 31 octobre 2007 (pièce F-4). À la question de la fonctionnaire concernant l’objectif de 1,8 heure par dossier, Mme Paradis a répondu que le même critère s’appliquait à tous les employés et qu’il s’agissait d’un indicatif parmi d’autres.

28 À la question de la fonctionnaire concernant leur discussion du 7 août 2007, Mme Paradis s’est souvenue que la fonctionnaire lui avait dit avoir l’impression que M. Decelles lui avait transmis des informations erronées.

29 En ce qui a trait à l’ouverture de session, Mme Paradis a dit que cela faisait partie de sa discussion avec la fonctionnaire le 7 août 2007. La fonctionnaire lui avait dit qu’elle trouvait très difficile de prendre une décision dans un dossier qui ne lui appartenait pas.

30 À l’affirmation de la fonctionnaire selon laquelle la période des vacances estivales a engendré une situation où la correspondancea été répartieentre moins d’agents, Mme Paradis a répondu que c’est pour cela que l’employeur a embauché des agents en mai, puisqu’il pressentait l’urgence d’avoir suffisamment de personnel pour l’été.

31 La fonctionnaire a demandé à Mme Paradis si elle se souvenait qu’à son retour de vacances, le 6 août 2007, elle l’avait intercepté pour discuter de son inventaire qui lui causait de l’anxiété et qu’elle voulait être retirée de l’ouverture de session. Mme Paradis se souvenait du fait que la conversation avait eu lieu, mais a dit ne pas se souvenir de sa réponse.

32 À la question de la fonctionnaire concernant l’aide technique qui lui avait été offerte, Mme Paradis a affirmé que le soutien technique était disponible en tout temps. Elle a dit que la formation officielle était terminée et chacun des agents avait ses inventaires. En ce qui a trait à M. Decelles, Mme Paradis a dit qu’il était fiable, qu’il connaissait bien son travail et qu’elle n’avait jamais douté de ses compétences. M. Decelles n’a jamais exprimé son inconfort de travailler avec la fonctionnaire. De plus, les deux autres agents embauchés en même temps que la fonctionnaire n’ont jamais parlé à Mme Paradis de mauvaises informations transmises par M. Decelles et les agents qui l’ont consulté ont accompli leur travail.

33 Mme Paradis a dit qu’elle n’avait jamais fait des démarches pour muter la fonctionnaire à un autre groupe.

2. Témoignage de Sylvie Séguin

34 Mme Séguin a occupé le poste de chef d’équipe au bassin national d’août à septembre 2007. Elle était responsable de la gestion des ressources humaines et de la livraison des programmes. D’avril à août 2007, elle était chef d’équipe aux cas complexes. Depuis 2000, elle a occupé les postes de PM-01, PM-02 et PM-03 aux recouvrements. En raison de son expérience, on a ajouté l’aspect technique à ses responsabilités.

35 Mme Séguin a témoigné qu’elle et Mme Paradis géraient les mêmes équipes de recouvrement aux particuliers et que les résultats des deux équipes étaient toujours examinés ensemble. Mme Séguin a géré la fonctionnaire pendant l’absence de Mme Paradis.

36 Mme Séguin a dit que la période de stage de la fonctionnaire était pour la période de son contrat, tel que prévu au paragraphe 8.1-1(d) du Programme de dotation de l’Agence (pièce E-2), qui se lit comme suit : « Les employés temporaires sont en stage probatoire pendant la période de leur contrat ou jusqu’à un maximum de 12 mois. »

37 Mme Séguin a témoigné que la fonctionnaire travaillait maintenant au centre d’appels régional pour le Québec de l’Agence. Elle a expliqué que ce travail consiste à offrir un service à la clientèle et des renseignements aux particuliers et a ajouté que selon elle, les employés du centre d’appels ne font pas d’ententes de recouvrement.

38 Mme Séguin a dit qu’en 2004, elle a créé un manuel de formation pour tous les employés au bassin national dans le but de rendre les personnes embauchées indépendantes le plus rapidement possible. Ce manuel faisait partie de la formation de la fonctionnaire. À cet égard, Mme Séguin a fait référence au plan d’apprentissage des nouveaux employés au bassin national (pièce E-1, onglet 3) qui comprend les documents qu’elle avait préparés. Mme Séguin a formé 40 nouveaux employés au centre fiscal de l’Agence à Shawinigan et a affirmé que les attentes du point de vue technique du travail de l’agent de contacts aux recouvrements sont communiquées pendant la formation, tel que prévu dans le plan d’apprentissage.

39 Mme Séguin a été référée à son courriel envoyé en date du 21 septembre 2007 à Mme Paradis au sujet de la fonctionnaire (pièce E-1, onglet 11). Elle a expliqué que la raison du courriel était qu’elle avait intercepté à l’imprimante une lettre de mesures légales que la fonctionnaire avait modifiée, alors que cela n’était pas permis. Elle a expliqué à la fonctionnaire pourquoi elle ne devait pas modifier ces lettres et cette dernière lui a dit qu’elle comprenait. Mme Séguin a témoigné que la fonctionnaire lui avait dit qu’elle avait « l’esprit divergent » et devait se faire reprendre. Dans son courriel, Mme Séguin a suggéré à Mme Paradis un plan d’encadrement pour la fonctionnaire parce que celle-ci lui avait dit qu’elle « sortait facilement des sentiers. »

40 Le rôle de Mme Séguin dans le plan d’encadrement de la fonctionnaire était de s’asseoir avec elle chaque matin et de la guider dans le traitement des comptes. Lors de la première session, la fonctionnaire lui a dit qu’elle ne voulait pas que Mme Séguin s’assoie avec elle et qu’elle la nuirait dans son travail.

41 Mme Séguin a été référé à une chaîne de courriels entre elle et la fonctionnaire (pièce E-1, onglet 12). Le premier de ces courriels, en date du 28 septembre 2007 et provenant de la fonctionnaire, ne comprenait aucun texte; il avait comme objet « Lavoie_2007-2008.xls. ». Mme Séguin a dit présumer qu’il s’agissait d’une fiche de statistiques. Dans sa réponse du 1er octobre 2007, Mme Séguin félicitait la fonctionnaire pour une amélioration de ses résultats, qu’elle croyait être la moyenne d’heures par dossier. Mme Séguin a souligné que, dans le cadre du plan d’action, un code spécial avait été attribué au temps de formation de la fonctionnaire afin que ce temps n’affecte pas les statistiques du bassin national.

42 Mme Séguin a été référée à un extrait du plan d’action de la fonctionnaire d’octobre 2007 (pièce E-3). Ce document comprend le sommaire des revues de travail de chaque agent dans l’équipe de Mme Paradis et les commentaires qui y apparaissent ont été formulés par Mme Séguin. Le document démontre que la moyenne d’heures par dossier de la fonctionnaire est de beaucoup plus élevée que celle des autres agents. De plus, Mme Séguin a constaté, entre autres, que la fonctionnaire n’avait pas le contrôle de la planification de son inventaire. À cet égard, Mme Séguin a fait les commentaires suivants :

[…]

La planification de l’inventaire n’est pas en contrôle. La planification est faite à l’aide d’un système parallèle au SARRS car l’agent dénotait une difficulté à utiliser le système. Elle utilise un suivi papier, pour le suivi de lettres de mesures légales transmises, seulement [Sic] elle peut savoir qu’elle est rendue à la saisie.

[…]

43 Mme Séguin a expliqué l’importance de l’utilisation du SARRS, qui agit comme un agenda électronique. Si un agent donne au contribuable 14 jours pour répondre à une demande de recouvrement, sinon il y aura saisie, le système fait un rappel automatiquement dans 14 jours. D’où l’importance de tout inscrire dans le SARRS.

44 Mme Séguin a déclaré que le rendement de la fonctionnaire après quatre mois de travail n’était pas satisfaisant et qu’elle n’était pas au niveau que la gestion s’attendait d’une personne avec quatre mois d’expérience.

45 En contre-interrogatoire, Mme Séguin a dit que s’il n’était pas possible d’effectuer une saisie, le compte sortait de l’inventaire de l’agent et était transféré à un agent régional. Elle a dit qu’un compte ne pouvait demeurer au bassin national pour plus de deux ans. Un compte devenait une production dès qu’il y avait une entente de paiement ou sur réception du premier paiement. S’il n’y avait pas d’entente, cela devenait un compte brisé qui était retourné au bassin national. Par la suite, ce compte était transféré au premier agent qui avait moins de 325 comptes dans son inventaire.

46 Lorsque renvoyée à un document démontrant l’inventaire de la fonctionnaire en date du 23 octobre 2007 (pièce F-8) indiquant qu’elle avait 171 DR, Mme Séguin a dit que cela démontrait un manque de contrôle de l’inventaire, car il y avait trop de DR dans une journée. Mme Séguin a témoigné que les agents devaient travailler entre 25 et 30 comptes par jour.

47 Mme Séguin a dit que l’objectif de 1,8 heure par dossier avait été fixé pour le bassin national T1 et que cela avait été communiqué aux agents en septembre 2007 dans un document qui comprenait une méthode pour y arriver (pièce F-10). Mme Séguin a expliqué que la gestion avait fixé cet objectif afin de tenter d’améliorer les résultats du bassin national T1 et d’atteindre la statistique nationale pour les cinq bassins nationaux de 3 heures par dossier. Selon Mme Séguin, si les objectifs n’étaient pas satisfaits, le travail de bassin national pouvait être retiré de leur bureau et placé ailleurs au Québec ou au pays.

48 Mme Séguin a témoigné que les agents atteignaient facilement l’objectif de 1,8 heure par dossier. Dans un courriel envoyé aux agents en date du 19 septembre 2007 (pièce F‑11), Mme Séguin a transmis les statistiques manuelles de chacun de façon anonyme pour la période d’avril à août 2007. Pour le mois de juillet 2007, la fonctionnaire avait une moyenne de 10,71 heures par dossier et de 10,02 heures par dossier pour le mois d’août 2007. À la suggestion de la fonctionnaire que ce courriel démontrait que certains agents n'atteignaient pas l’objectif de 1,8 heure par dossier, Mme Séguin a répondu que des ajustements avaient été communiqués en septembre 2007. De plus, les objectifs avaient été communiqués de nouveau aux agents lors d’une réunion tenue le 17 octobre 2007 (pièce F-12).

49 En ce qui a trait à l’ouverture de session, Mme Séguin a dit qu’il s’agissait d’un distributeur uniforme d’appels et que tous les agents devaient y être connectés afin de ne pas pénaliser l’équipe. Elle a dit que les nouveaux employés n’étaient pas sur ce système pendant leur première semaine de travail. Lorsqu’un agent travaille une ouverture de session, cela devient une production au dossier par l’agent à qui il appartient. Mme Séguin a dit que les ouvertures de session ne sont pas reflétées dans les statistiques, mais qu’elles s’appliquent à tous les agents.

50 Mme Séguin a été référée à un extrait du plan d’action de la fonctionnaire qu’elle a préparé en octobre 2007 (pièce F-13). Il y est noté que l0 heures par semaine seraient comptabilisées pour la fonctionnaire sous un code d’apprentissage afin d’éviter que son temps par dossier n’augmente la moyenne de l’équipe. Mme Séguin a dit que les commentaires positifs qu’elle avait inclus au sujet de la fonctionnaire reflètent l’amélioration de la première semaine du plan d’action. Elle avait constaté une amélioration dans son courriel à la fonctionnaire du 1er octobre 2007 (pièce E-1, onglet 12). Mme Séguin a affirmé qu’elle avait préparé les revues du travail de la fonctionnaire qui se trouvent dans la pièce E-1, onglet 9.

51 Mme Séguin a dit qu’elle avait préparé le plan de développement de la fonctionnaire (pièce F-14) vers le 20 septembre 2007 et qu’elle l’avait présenté à Mme Paradis et à M. Beausoleil.

52 On a présenté un fichier Excel de statistiques de la fonctionnaire pour la période de juin à octobre 2007 (pièce F-15) à Mme Séguin et elle a dit qu’il s’agissait d’un document incomplet. Selon elle, il manquait les heures par dossier, les profils des saisies et le nombre d’heures réelles effectués. Mme Séguin a expliqué que la colonne « montant perçu » indique les montants générés par la fonctionnaire. Mme Séguin a mentionné que, dans la colonne « nombre de production », lorsqu’il est indiqué une production zéro pour une semaine, il se pouvait que la fonctionnaire eût fait du travail sans le comptabiliser. Comme il manque une partie du document, les heures réelles n’apparaissent pas. Lorsqu’il n’y a pas de production pendant une semaine, cela fait augmenter le temps par dossier. Mme Séguin a dit que la planification de l’inventaire fait partie de la charge de travail. Si un agent ne travaille pas sur les DR, ils sont soit reportés automatiquement, soit par l’agent.

53 Lorsque présentée avec le document intitulé « Liste de vérification pour l’évaluation du travail » pour la fonctionnaire (pièce F-17), Mme Séguin a mentionné qu’il s’agissait de la liste de vérification de travail utilisée par tous les agents. Ce document correspond au document Word joint au courriel en date du 23 octobre 2007 que Mme Paradis avait envoyé à la fonctionnaire (pièce E-1, onglet 9).

3. Témoignage de Michel Beausoleil

54 Pendant la période d’emploi de la fonctionnaire à l’Agence, M. Beausoleil était le gestionnaire aux recettes des comptes clients. Il était responsable de 6 à 7 chefs d’équipe et de 85 employés, dont la fonctionnaire.

55 M. Beausoleil a mentionné qu’il avait émis la lettre de renvoi en cours de stage à la fonctionnaire à la suite du suivi effectué par les chefs d’équipe. Il avait pris connaissance du parcours de la fonctionnaire ainsi que du suivi des deux autres personnes embauchées en même temps qu’elle. Il avait posé des questions aux chefs d’équipe et s’était assuré de l’encadrement donné aux trois nouveaux employés. M. Beausoleil a affirmé que la fonctionnaire n’avait pas démontré qu’elle pouvait remplir les fonctions du poste pour lequel elle avait été embauchée.

56 En contre-interrogatoire, M. Beausoleil a dit qu’il n’y avait pas d’autre alternative que le renvoi, puisque l’employeur y avait mis tous les efforts et en plus il avait offert un support supplémentaire à la fonctionnaire. Il a témoigné qu’il n’était pas dans l’intérêt de l’employeur de se départir de la fonctionnaire, puisqu’il avait besoin d’employés. M. Beausoleil a dit qu’il avait lu le plan d’action et était satisfait des actions qui avaient été prises à l’égard de la fonctionnaire.

B. Pour la fonctionnaire s’estimant lésée

57 La fonctionnaire a débuté son témoignage en renvoyant au document intitulé « Évaluation générale de l’activité d’apprentissage » (pièce F-20) qu’elle avait complété avec ses commentaires sur la formation de base du 28 mai au 4 juin 2007 et le complément de formation du 20 juin 2007. La fonctionnaire a renvoyé à ses commentaires en réponse à la question 7 du document qui se lit comme suit : « Est-ce que la méthode d’apprentissage était adéquate pour vous? Justifiez au besoin. » En réponse à cette question, la fonctionnaire avait écrit, entre autres, ce qui suit :

[…]

Parce que j’ai un esprit divergent et que j’ai tendance à m’étendre trop, j’ai eu besoin de Lucie [Gill] pour me faire voir ce qui était important de visualiser sur les divers écrans. En rétrospective, il aurait mieux valu recevoir ce coaching plus tôt dans le processus d’apprentissage.

58 La fonctionnaire a affirmé que le fait qu’elle avait un esprit divergent devait être un facteur atténuant qui affectait son rendement. Elle a aussi mentionné qu’elle n’avait « […] aucune expérience à écrire dans des systèmes informatiques avec de multiples fonctions et des tabulations pour les retours de lignes ».

59 En ce qui a trait à la supervision, la fonctionnaire a soulevé le fait que Mme Paradis avait pris des vacances et que la chef d’équipe Geneviève Samson était absente pour six semaines. La chef d’équipe Johanne Allard était donc responsable des deux équipes pour un certain temps.

60 La fonctionnaire a dit que vers le 19 ou le 20 juin 2007, Mme Allard avait discuté des inventaires avec elle et un des autres nouveaux employés. Selon la fonctionnaire, le troisième nouvel employé avait un inventaire qui avait été travaillé par un agent précédent, donc il pouvait démontrer une production pour les dossiers déjà commencés. Quant à son inventaire, la fonctionnaire a dit que dans 95 % des dossiers, aucun travail n’avait été accompli. Pour chaque dossier, il lui fallait faire un sommaire, un tracé bancaire, un plan d’action et prendre des actions.

61 La fonctionnaire a mentionné que puisqu’elle n’avait pas l’habilité de mettre l’information sur un écran, elle a donc fait un suivi manuel sur papier. Sa façon de travailler était que lorsqu’elle avait pris connaissance du dossier, son premier contact avec le contribuable était par téléphone. Elle suggérait fortement le paiement total par voie électronique. La fonctionnaire a ensuite renvoyé à un tableau de paiements totaux concernant ses dossiers de juin à octobre 2007 (pièce F-21). Selon la fonctionnaire, les paiements rentraient dans le système dans les 24 ou 48 heures, ce qui répondait aux consignes de Mme Allard d’agir rapidement.

62 En ce qui a trait à la formation, la fonctionnaire a dit que le 21 juin 2007, Mme Gill a passé deux à trois heures avec elle à son bureau pour la guider comment chercher de l’information avec l’ordinateur et à faire des appels téléphoniques. Selon la fonctionnaire, cela était le seul suivi dont elle avait bénéficié jusqu’à sa rencontre avec M. Decelles le 25 juillet 2007. La fonctionnaire a maintenu que personne n’avait porté à son attention qu’elle ne devait pas faire un suivi manuel de ses dossiers.

63 Selon la fonctionnaire, lorsque M. Decelles lui a dit de faire sept dossiers par jour, elle a répondu que Mme Gill lui avait dit d’en faire entre trois et cinq dossiers par jour, sauf le vendredi. Quand M. Decelles lui a dit de suivre ses consignes, la fonctionnaire a dit qu’elle n’avait pas l’habilité à l’ordinateur pour travailler tant de dossiers par jour. Il lui a alors dit de ne faire que des sommaires et des tracés bancaires. Selon la fonctionnaire, cela a arrêté ses productions. Selon les directives de M. Decelles, elle devait traiter 35 dossiers par semaine, plutôt qu’environ 20 dossiers selon ce que Mme Gill lui avait dit. La fonctionnaire a dit que dans ses revues de travail, le problème était qu’elle faisait des sommaires sans prendre d’actions. La fonctionnaire a affirmé que ce défaut est dû aux instructions qu’elle avait reçues de M. Decelles et que cela a causé un désavantage dans son inventaire pour le reste de ses fonctions.

64 Pour ce qui est des ouvertures de session, la fonctionnaire a dit qu’elle trouvait difficile de réagir aux appels concernant les dossiers des autres agents. Au retour de vacances de Mme Paradis, la fonctionnaire lui a demandé d’être exemptée des ouvertures de session, mais celle-ci a refusé en disant qu’il fallait aider l’équipe.

65 La fonctionnaire a témoigné que le 23 août 2007, M. Decelles lui a montré comment faire des lettres de mesures légales et des saisies. M. Decelles lui a dit qu’il ne regardait pas les DR, donc la fonctionnaire n’avait pas besoin de reporter les dossiers. Selon la fonctionnaire, si un suivi concernant les lettres de mesures légales avait été fait auparavant, elle aurait pu poursuivre son stage. Elle a dit que certaines lettres devaient être modifiées, selon ce que Mme Samson lui avait montré.

66 La fonctionnaire a dit que la première revue de travail qu’elle avait vue était le 4 octobre 2007 pendant le plan d’action et c’est alors qu’elle a réalisé l’importance de la DR. Elle a affirmé que c’est pour cela qu’elle a refusé l’offre de Mme Paradis voulant que M. Decelles lui fournisse de l’encadrement.

67 En ce qui a trait à la rencontre concernant son plan d’action, la fonctionnaire a dit qu’elle avait suggéré que son encadrement soit fait par Mme Gill, avec qui elle avait un bon rapport. Elle a trouvé la clause de renvoi draconienne, mais elle a accepté le plan d’action parce qu’elle croyait que Mme Gill pouvait l’aider et le voyait comme une possibilité d’avoir de l’encadrement. Avant cette rencontre, Mme Séguin lui avait montré les statistiques (pièce F-11) et lui avait demandé ce qui se passait. La fonctionnaire lui a répondu qu’elle n’était pas habituée à être la dernière et qu’elle ferait les efforts nécessaires. Pendant cette rencontre, la fonctionnaire a négocié des heures de travail qui lui convenaient.

68 La fonctionnaire s’est dite satisfaite avec la première semaine du plan d’action. Lors de sa rencontre avec Mmes Paradis et Gill, ces dernières ont soulevé qu’elle devait améliorer sa planification de l’inventaire afin de reprendre le contrôle.

69 La fonctionnaire a témoigné que pendant leur rencontre du 4 octobre 2007, Mme Paradis lui a dit qu’elle devait porter attention à sa production. Cela l’a surpris et elle lui a demandé quel chiffre elle devait atteindre. Selon la fonctionnaire, Mme Paradis n’a pas répondu. Elle a dit que pour la première fois, elle avait senti qu’il y avait des critères de mesure auxquels elle n’avait pas satisfaits.

70 À la réunion du 4 octobre 2007, Mme Paradis a remis à la fonctionnaire le document comportant les objectifs, dont le taux horaire manuel de 1,8 heure par dossier. La fonctionnaire a témoigné qu’elle ne pouvait pas atteindre cet objectif.

71 La fonctionnaire a dit qu’à la réunion du 23 octobre 2007, elle a apporté un profil d’inventaire coloré lui donnant les échéances possibles de production pour que Mme Paradis puisse voir les statistiques possibles pour les prochaines semaines.

72 En ce qui a trait aux écoutes téléphoniques notées sur le document de revue de travail par M. Decelles (pièce E-1, onglet 10), soit que la conversation n’était pas orientée vers la résolution et que la fonctionnaire n’avait pas le contrôle de la conversation, la fonctionnaire a dit qu’elle était consciente de la situation. Elle a dit que le contexte était de deux appels en ouverture de session pour le même agent. Pour la première ouverture de session, le contribuable devait aussi des taxes municipales et ne voulait pas perdre sa maison. C’est pour cela qu’elle parlait d’hypothèque. La fonctionnaire a dit que la deuxième ouverture de session s’est conclue avec un arrangement de paiement.

73 La fonctionnaire a reçu la lettre de renvoi lors de sa rencontre avec Mme Paradis le 2 novembre 2007. Mme Paradis lui a montré un graphique avec une colonne de son rendement par rapport aux exigences du poste. La fonctionnaire a dit qu’elle a répondu que cela correspondait à la période du fin juillet au début août où elle devait refaire son inventaire.

74 En contre-interrogatoire, la fonctionnaire a reconnu qu’elle n’avait pas demandé de l’encadrement de juin à la fin juillet 2007. Elle a dit qu’elle posait des questions sur certains points et que l’employeur aurait pu suggérer un encadrement.

75 À la question de savoir pourquoi elle n’avait pas porté ses problèmes avec M. Decelles à l’attention de Mme Allard, la fonctionnaire a répondu que cette dernière était en vacances et était remplacée par une autre chef d’équipe qui venait d’une autre section. Elle a affirmé en avoir parlé à Mme Allard à son retour de vacances.

76 La fonctionnaire a reconnu qu’elle était plus orientée vers le service à la clientèle et que le milieu du centre d’appels de l’Agence où elle travaille actuellement lui convient mieux. Elle a dit que l’employeur aurait peut-être pu suggérer sa réaffectation au centre d’appels au lieu de l’avoir licencié.

77 La fonctionnaire a dit qu’elle avait apporté un profil de son inventaire et non pas un suivi manuel à la réunion avec Mme Paradis du 23 octobre 2007. Selon elle, Mme Paradis ne semblait pas être une personne technique, et c’est la raison pour laquelle il fallait lui présenter l’information pour qu’elle la comprenne. Elle a coloré l’information sur le profil d’inventaire pour faire ressortir les échéances et ses estimations de production future.

C. Contre-preuve de l’employeur

78 Mme Paradis a soutenu que la fonctionnaire avait choisi de travailler un horaire comprimé de 7 h 30 à 17 h afin d’avoir une semaine plus courte.

III. Résumé de l’argumentation

79 Pour des raisons qui seront évidentes dans les motifs de cette décision, je n’ai pas résumé les arguments des parties ayant trait aux détails de l’emploi de la fonctionnaire.

A. Pour l’employeur

80 L’employeur s’est opposé à ma compétence d’entendre le grief de la fonctionnaire. Il a souligné que la fonctionnaire avait déposé son grief en vertu de l’alinéa 209(1)b) de la LRTFP, qui s’applique à un grief individuel portant sur une mesure disciplinaire entraînant le licenciement, la rétrogradation, la suspension ou une sanction pécuniaire. L’employeur a fait valoir que la fonctionnaire avait été licenciée en cours de stage pour des motifs valables liés à l’emploi, soit son rendement insuffisant, et non pas pour un motif disciplinaire.

81 L’employeur a soumis qu’il n’avait qu’à prouver que la fonctionnaire avait été licenciée pour un motif lié à l’emploi. Une fois cette preuve faite, le fardeau est renversé et la fonctionnaire doit démontrer que son renvoi en cours de stage était pour un motif disciplinaire ou que le renvoi était un subterfuge ou un camouflage d’une mesure disciplinaire. À l’appui de son argument, l’employeur a cité les décisions suivantes : Monette c. Agence Parcs Canada, 2010 CRTFP 89; Hajjage c. Agence du revenu du Canada, 2011 CRTFP 5; Lundin c. Agence des douanes et du revenu du Canada, 2004 CRTFP 167.

B. Pour la fonctionnaire s’estimant lésée

82 La fonctionnaire a soumis que son renvoi en cours de stage était une mesure disciplinaire et qu’elle a perçu le plan d’action comme étant une mesure disciplinaire. La fonctionnaire m’a renvoyé au texte de Brown et Beatty, Canadian Labour Arbitration, 4e édition, paragraphe 7:5020.

83 La fonctionnaire a soumis que les mesures prises par l’employeur étaient irréalistes et déraisonnables et que la période de stage était trop courte.

IV. Motifs

84 Le contrat d’embauche de la fonctionnaire (pièce E-1, onglet 2) précise qu’elle était assujettie à une période de stage pour la durée de son emploi du 28 mai 2007 au 31 mars 2008 et que l’employeur pouvait mettre fin à son emploi sur préavis de deux semaines. La lettre de renvoi (pièce E-1, onglet 1) indique que la fonctionnaire a effectivement reçu ce préavis.

85 Le paragraphe 209(1) de la LRTFP précise comme suit le type de griefs qui peuvent être renvoyés à l’arbitrage :

209. (1) Après l’avoir porté jusqu’au dernier palier de la procédure applicable sans avoir obtenu satisfaction, le fonctionnaire peut renvoyer à l’arbitrage tout grief individuel portant sur :

  1. soit l’interprétation ou l’application, à son égard, de toute disposition d’une convention collective ou d’une décision arbitrale;
  2. soit une mesure disciplinaire entraînant le licenciement, la rétrogradation, la suspension ou une sanction pécuniaire;
  3. soit, s’il est un fonctionnaire de l’administration publique centrale :
    1. la rétrogradation ou le licenciement imposé sous le régime soit de l’alinéa 12(1)d) de la Loi sur la gestion des finances publiques pour rendement insuffisant, soit de l’alinéa 12(1)e) de cette loi pour toute raison autre que l’insuffisance du rendement, un manquement à la discipline ou une inconduite,
    2. la mutation sous le régime de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique sans son consentement alors que celui-ci était nécessaire;
  4. soit la rétrogradation ou le licenciement imposé pour toute raison autre qu’un manquement à la discipline ou une inconduite, s’il est un fonctionnaire d’un organisme distinct désigné au titre du paragraphe (3).

86 Le cadre juridique résumé comme suit par l’arbitre de grief dans Hajjage au paragraphe 12 de sa décision s’applique également à la fonctionnaire :

12 Puisque l’Agence du revenu du Canada ne fait pas partie de l’administration publique centrale et que M. Hajjage n’est pas un fonctionnaire d’un organisme distinct désigné au titre du paragraphe 209(3) de la Loi, je n’ai compétence pour entendre le grief de M. Hajjage que si son grief porte sur l’interprétation ou l’application de la convention collective ou sur une mesure disciplinaire telle que stipulé aux alinéas 209(1)a) et b) de la Loi. Parce que M. Hajjage n’est pas représenté par son agent négociateur, le grief ne peut porter sur l’application ou l’interprétation de la convention collective. Reste à établir […] si le grief porte sur une mesure disciplinaire.

87 Tout comme M. Hajjage, la fonctionnaire n’était pas représentée par son agent négociateur.

88 Pour ce qui est de savoir si le grief porte sur une mesure disciplinaire, il est vrai que dans le libellé de son grief, la fonctionnaire a dit que l’employeur l’avait « congédiée ». De plus, la fonctionnaire a renvoyé son grief à l’arbitrage en vertu de l’alinéa 209(1)b) de la LRTFP, qui s’applique aux griefs contre des sanctions disciplinaires. Lors de son argumentation, la fonctionnaire a soumis qu’elle avait perçu le plan d’action mis en place par l’employeur comme une mesure disciplinaire. Cependant, la perception de la fonctionnaire ne constitue pas une preuve suffisante que l’employeur l’avait licenciée pour un motif disciplinaire. Il faut une preuve réelle de l’imposition d’une mesure disciplinaire ou que son renvoi était un subterfuge ou un camouflage d’une mesure disciplinaire. Outre sa perception, la fonctionnaire n’a pu signaler un incident, un document, ou un commentaire émanant de l’employeur ayant le moindre rapport avec un motif disciplinaire.

89 La fonctionnaire a concentré sa preuve et son argumentation sur son mécontentement de l’évaluation de son travail par l’employeur. Il s’agit là d’un domaine sous l’égide de la dotation et par conséquent n’est pas arbitrable.

90 La preuve a clairement démontré que l’employeur était sincère et de bonne foi lorsqu’il est venu à la conclusion que la fonctionnaire n’avait pas les aptitudes pour remplir les exigences du poste pour lequel elle avait été embauchée.

91 Après avoir analysé la preuve, j’estime que la fonctionnaire n’a fourni aucune preuve pour appuyer son argument voulant que la décision de l’employeur de la renvoyer en cours de stage ait eu un caractère disciplinaire. De plus, il n’y a aucune preuve que l’employeur a agi de façon arbitraire ou discriminatoire en mettant fin au stage de la fonctionnaire. Je suis donc d’avis qu’il ne s’agit pas d’un grief arbitrable.

92 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

93 Je déclare que je n’ai pas compétence pour entendre le présent grief.

94 J’ordonne la fermeture du dossier.

Le 19 novembre 2012.

Steven B. Katkin,
arbitre de grief

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