Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La fonctionnaire s’estimant lésée a contesté son renvoi en cours de stage de son poste d’adjointe administrative pour une période déterminée - elle a été renvoyée après avoir donné son avis de démission pour prendre un autre poste au sein d’un autre ministère, ce qui a fait en sorte que le nouveau ministère n’a pu honorer son entente d’emploi avec elle - l’employeur a soulevé trois objections préliminaires - il a soumis que le grief était tardif car il avait été déposé au-delà des 25 jours après que la fonctionnaire s’estimant lésée avait été avisée de son renvoi - l’employeur a aussi soumis que le renvoi à l’arbitrage était prématuré car le grief n’avait pas été entendu à aucun des paliers de la procédure de règlement des griefs - finalement, il s’est opposé à la compétence de l’arbitre de grief d’entendre et de trancher le grief au motif qu’il s’agit d’un renvoi en cours de stage et que l’article 211 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique interdit les renvois à l’arbitrage de licenciements prévus sous le régime de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique - la fonctionnaire s’estimant lésée a contesté les allégations de l’employeur et a soumis une demande de prorogation de délai - elle ne s’est pas présentée à l’arbitrage et n’a pas communiqué avec la Commission afin de justifier son absence - la preuve de l’employeur a démontré que l’employeur avait décidé de la renvoyer en raison de son rendement insatisfaisant et que la lettre de démission n’avait rien changé à sa décision - le grief a été déposé au-delà des 25 jours à partir de la date où la fonctionnaire s’estimant lésée a pris connaissance de son renvoi - aucune preuve n’a été soumise justifiant une prorogation du délai et l’arbitre de grief a rejeté la demande - le grief devait aussi être rejeté parce qu’il n’a pas été soumis à tous les paliers internes requis avant d’être soumis à l’arbitrage - la preuve a démontré que la raison du renvoi est une raison liée à l’emploi et n’était pas arbitraire ou motivée par de la mauvaise foi - l’arbitre de grief n’avait pas compétence pour trancher le grief. Demande de prorogation rejetée. Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2012-01-26
  • Dossier:  568-02-208 et 566-02-3083
  • Référence:  2012 CRTFP 11

Devant un arbitre de grief


ENTRE

LYNE BRASSARD

fonctionnaire s'estimant lésée

et

ADMINISTRATEUR GÉNÉRAL (MINISTÈRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU
COMMERCE INTERNATIONAL)

défendeur

Répertorié
Brassard c. Administrateur général (ministère des Affaires étrangères et du Commerce international)

Affaires concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Linda Gobeil, vice-présidente

Pour la fonctionnaire s'estimant lésée:
Elle-même

Pour l'employeur:
Michel Girard, avocat

Affaire entendue à Ottawa (Ontario),
le 21 novembre 2011.

Grief individuel renvoyé à l’arbitrage

1  Lyne Brassard, la fonctionnaire s’estimant lésée (la « fonctionnaire ») était adjointe administrative pour une période déterminée au ministère des Affaires étrangères et du Commerce international (l’« employeur ») du 6 janvier 2009 au 31 août 2009. Le 27 mai 2009 la fonctionnaire a avisé son employeur qu’elle quittait son emploi le 10 juin 2009. Le 29 mai 2009, l’employeur l’a renvoyée en cours de stage. Le 21 juillet 2009, la fonctionnaire a déposé le grief suivant :

[Traduction]

Le 26 mai 2009, j’ai donné mon avis de démission à Affaires étrangères et Commerce international Canada (AECIC), car Pêches et Océans Canada m’avait offert un emploi commençant tôt en juin 2009. J’ai donné deux semaines d’avis à mon superviseur à AECIC (JL0), et il m’a dit « merci ». Le 29 mai 2009, ce dernier m’a donné un avis de cessation d’emploi à AECIC. J’étais confuse et je ne comprenais pas pourquoi. 

Le 26 mai 2009 – J’ai donné mon avis (deux semaines).

Le 29 mai 2009 – J’ai reçu un avis de cessation d’emploi.

J’ai demandé qu’on me redonne mon poste ou qu’on me verse une indemnité pour les dommages subis.

2 Le 18 août 2009, la fonctionnaire a renvoyé son grief devant la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la « Commission »). Elle a demandé à ce que son grief soit entendu à Ottawa en français.

3 Le 17 septembre 2009, l’employeur a soumis que la fonctionnaire a été renvoyée en cours de stage en raison de son rendement insatisfaisant. L’employeur soutient que le grief de la fonctionnaire d’une part était tardif car il a été déposé au-delà des 25 jours prescrits dans la convention collective, et d’autre part, que le renvoi à l’arbitrage devant la Commission était prématuré compte tenu du fait que le grief n’avait pas été présenté aux paliers internes de la procédure de règlement des griefs avant d’être renvoyé à l’arbitrage.

4 Le 15 janvier 2010, dans une lettre à la Commission, l’avocate de la fonctionnaire a contesté les allégations de l’employeur et a soutenu que le renvoi de la fonctionnaire était injustifié. Une demande de prorogation de délai faisait également partie de la lettre qui se lit comme suit :

Introduction

Nous sommes les avocats de la plaignante, Mme Lyne Brassard.

Nous accusons réception de votre lettre en date du 21 décembre 2009 réclamant les soumissions de notre cliente quant aux objections préliminaires du Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada, au nom du Ministère des Affaires Étrangères (« l’Employeur»).

D’après la réponse de l’Employeur, celui-ci  allège  que la plainte de Mme Brassard devant la Commission des relations de travail dans la fonction publique («CRTFP») est prématurée parce  que le grief de Mme Brassard n’a pas été entendu à aucun des paliers de la procédure de grief. L'Employeur soutient aussi que le grief de Mme Brassard est intempestif.

Nature de la plainte

Le cas en l’espèce traite essentiellement du renvoi de Mme Brassard par son Employeur suite au dépôt de son avis de départ pour un autre emploi. Mme Brassard soutient que son renvoi était injustifié et que l’Employeur a exercé des représailles contre  elle lorsqu’il a appris qu’elle allait quitter pour poursuivre un emploi dans un nouveau ministère. A quelques reprises dans le cadre de son emploi, Mme Brassard a exprimé son désaccord avec les directives de ses superviseurs quant aux abus dans les comptes de dépenses.

En raison des positions exprimées par Mme  Brassard, son Employeur était  mécontent avec elle et ainsi, trois (3) jours après qu’elle donne son avis de départ, on lui remet une lettre lui indiquant qu'elle est licenciée immédiatement.

Son licenciement par l’Employeur fait en sorte que le nouveau ministère pour lequel elle devait travailler n’a pu honorer son entente d’emploi avec elle.

Question des Délais

Mme Brassard est licenciée par son Employeur le 29 mai 2009. Elle apprend le 10 juillet, 2009 que le nouveau ministère ne peut continuer à honorer son entente initiale  en raison de son licenciement par l’Employeur. Ainsi, le 21 juillet 2009, elle dépose un grief auprès de Mme St-Hilaire, du département des ressources humaines de l’Employeur. Le 22 juillet 2009, afin de s’acquitter de l’obligation d’assurer le suivit au dépôt de son grief, elle fait acheminer le grief à sa représentante syndicale chez l’Employeur, en vertu de l’article 18.08 de la convention collective (voir pièces jointes).

L’article 18.15 de  la convention collective soutient qu’un(e)  employé(e) qui s’estime lésé(e) peut  présenter  un grief à l'intérieur  de  vingt-cinq (25) jours après la  date à laquelle il(elle) prend connaissance de l’action ou des circonstances donnant lieu au grief.

Mme Brassard reconnait que son grief fut présenté à l’extérieur des délais imposés par la convention collective, soit vingt-huit  (28) jours de  plus que  le délai  prescrit par  la convention collective.  Toutefois, celle-ci soutient qu’elle  a agit  avec  diligence raisonnable, justifiant une prorogation des délais.

L’article 63 des Règlements et règles de procédure de la CRTFP permet la prorogation du délai pour déposer  un grief au terme d’une convention collective, par l’entremise du pouvoir  discrétionnaire  de cette  entité.   Afin de déterminer  si une prorogation du délai  devrait  être ordonnée, l’arbitre  doit  examiner les motifs du retard, la durée, tout comme le préjudice qui pourrait  être causé aux parties1.

En l’espèce, si l’entente de Mme Brassard avec  son nouvel employeur n'avait pas été résiliée par ce dernier (en raison des représailles et du licenciement par l’Employeur), celle-ci n’aurait  pas  présenté le grief  en  question.   Lorsqu’on lui a communiqué les circonstances entourant la raison pour  laquelle son nouvel employeur ne pouvait honorer les termes  de l’entente  (incluant  son désaccord  à suivre  des  directives contraires aux politiques de son Employeur), elle a pris toutes les mesures nécessaires afin  de  présenter son grief.  Son grief a été présenté onze (11) jours après que son nouvel employeur l’ait avisé du refus d’honorer les termes de l’entente préalable des parties, soit le 10 juillet 2009.

Dans les circonstances, il est raisonnable de conclure  que le délai a été encouru  de bonne foi et qu’aucun préjudice n’a été subit par l’Employeur en raison de ce dernier. Plutôt, c’est Mme  Brassard qui risque de subir le plus grand préjudice si l’affaire est rejetée en raison de la prescription des délais d’une vingtaine de journée seulement, surtout qu’il n’y existe aucun autre recours suffisant dont pourrait se prévaloir Mme Brassard.

________________________

1Rattew (149-2-107)

Finalement, Mme Brassard soutient que la nature de sa plainte et de son licenciement injustifié par l’Employeur est de type «whistleblower». Outre, son désaccord d’obéir aux directives de ses superviseurs qui allaient à l’encontre des politiques de l’Employeur, on ne pouvait  lui reprocher aucun autre manquement à ses tâches. Ainsi, Mme Brassard soutient que les chances du grief d’être accueilli sont bonnes et nécessitent vraisemblablement un examen approfondi par l’entité appropriée.

Grief Prématuré

Tel qu’indiqué plus haut, le grief de Mme  Brassard fut acheminé à l’Employeur  le 21 juillet, 2009. L’Employeur ne lui a fait parvenir aucune réponse formelle au grief, ni ne lui a  communiqué les délais ou la  procédure de  la présentation  d’un grief. Dans les circonstances, une certaine  diligence aurait dû être exercé par l’Employeur  parce qu’il ne  pouvait partir  du  principe qu’il  avait  affaire  à une  employée expérimentée ou « connaissante » dans  le  traitement  de  griefs. Plutôt que de s’acquitter de son obligation de  garantir un  traitement  du  grief  de Mme  Brassard, l’Employeur  l’ignore plutôt.

Ainsi, lorsque Mme  Brassard ne reçoit aucune réponse  de l’Employeur, elle présente erronément un renvoi à l’arbitrage par  peur  que ses droits s’éteignent. Même à ce stage, l’Employeur ne s’acquitte pas  de  son obligation de  traiter  du  grief  de  Mme Brassard, mais présente plutôt  des soumissions formelles quant à l’effet que l’instance devrait  être rejeté parce qu'elle  est prématurée.

Tout  au  long  de cette période, Mme Brassard se  représente  elle-même, sans l’assistance de l’unité syndicale qui la représentait.

Mme  Brassard reconnait maintenant que  le  grief  qu’elle  a  présenté  aurait  du  être entendu aux divers paliers (en vertu de la convention collective)  au lieu d’être renvoyé directement à l’arbitrage.  Son erreur fut encore  une fois de  bonne  foi et n’a causé aucun préjudice aux parties.

Mme Brassard soutient ainsi que la CRTFP devrait  suspendre le présent renvoi (jusqu’à avis contraire des parties) et enjoindre l’Employeur à retourner le grief de Mme Brassard au premier palier, afin qu’elle puisse se pourvoir des mécanismes appropriés pour faire entendre sa cause.

Dans l’alternative, Mme  Brassard soutient  que  la CRTFP  devrait  rejeter  son renvoi  à l’arbitrage sans préjudice à son droit  de  soumettre  son grief  à nouveau au  premier palier du processus de résolution des différends.

La CRTFP a le pouvoir de remédier  aux lacunes  techniques2; elle devrait s’en prévaloir en l’espèce parce que si le grief de Mme Brassard ne peut  être entendu aux paliers décrits  dans la  convention collective ou, plus  tard, au  niveau  de  la  CRTFP, il en résulterait une grave injustice.

Si la CRTFP nécessite plus d’informations sur certaines des informations présentées, nous nous  ferons un plaisir de  vous les faire parvenir.   De plus, veuillez nous indiquer  si la CRTFP désire des représentations orales sur les soumissions ci-incluses.

Veuillez agréez, cher(ère) Monsieur/Madame, nos sincères salutations.

Chantal Beaupré

__________________________

2Enns c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2004 CRTFP 171

[Sic pour l’ensemble de la citation]

5 Le 4 février 2010, l’employeur a réitéré sa position quant à ses objections préliminaires dans une lettre à la Commission qui se lit comme suit :

Madame,

Suite à votre lettre en date du 2 décembre 2009 dans laquelle vous avisiez les parties que les objections seront traitées par voie d’arguments écrits, la présente constitue la position du défendeur dans ce dossier.

Voici les faits tels que nous les comprenons :

Le 6 janvier 2009 Mme Brassard sétait fait offrir une nomination pour une période déterminée à un poste d’adjointe administrative (AS-1) aux Affaires Étrangères du 6 janvier 2009 au 31 août 2009 (copie jointe). A plusieurs reprises Mme Brassard a été avisée par son superviseur que son rendement laissait à désirer et qu’elle pourrait être renvoyée en période de stage.

Le 27 mai 2009 Mme Brassard a laissé une note dans le pigeonnier de son superviseur lui indiquant que sa dernière journée au travail serait le 10 juin (copie jointe). Durant cette semaine, Mme Brassard a commis deux sérieuses erreurs dans son travail et la gestion a décidé de la renvoyer en période de stage le 29 mai 2009. Sa lettre de démission du 27 mai n’a rien changé à la position de la gestion.

Mme Brassard a déposé son grief le 21 juillet 2009, et le 27 juillet 2009, elle a avisé la gestion que sa représentante syndicale, Mme Andrée Lemire, allait faire un suivi au sujet de son grief. Le 1 décembre 2009, Mme Lemire communiqua avec le ministère pour aviser qu’elle avait fermé son dossier et qu’elle considérait que le grief était abandonné. Entre temps, Mme Brassard avait décidé d’accepter un poste à Pêches et Océans.

Dans sa lettre du 17 septembre 2009, l’Employeur avait soulevé deux objections préliminaires que nous traiterons séparément :

GRIEF HORS DELAI :

L’Employer  est de l’avis que le grief de Mme Brassard est hors délai car il n’a pas été déposé dans les délais prescrits à l’article 18.15 de la convention collective PA, soit dans les 25 jours qui suivent la date à laquelle elle a été informé ou a pris connaissance de l’action ou des circonstances donnant lieu à son grief contre son renvoi en période de stage. Elle a déposé son grief le 21 juillet 2009, alors que l’Employeur l’a avisé le 29 mai 2009 de son renvoi en période de stage, date qu’elle confirme elle-même dans son libellé de grief. Son grief est donc hors délai.

Cette objection concernant les délais pour déposer le grief est faite pour la première fois puisqu’il n’y a eu aucune audition de grief à l’interne, même si l’Employeur était tout à fait disposé à avoir une audition de grief.  La Commission est donc la première occasion que l’Employeur a de s’objecter aux délais.

Madame  Brassard n’a pas donné de raisons claires, logiques et convaincantes pour justifier le retard du dépôt de son grief. Non seulement son grief est hors délai mais elle n’a pas fait non plus de demande de prorogation des délais. Cependant,  nous allons quand même commenter sur les chances de succès d’une telle demande.

Cinq critères doivent être pris en compte lorsqu’il s’agit de déterminer s’il convient d’accorder une prorogation de délai (Schenkman 2004 CRTFP 1):

  • Le retard est justifié par des raisons claires, logiques et convaincantes
  • La durée du retard
  • La diligence raisonnable du demandeur
  • L’équilibre entre l’injustice causée au demandeur et le préjudice que subit l’employeur  si la prorogation est accordée
  • Les chances de succès du grief.

Le retard n’est pas excessif, cependant Mme Brassard, étant une employée syndiquée, aurait dû contacter immédiatement sa représentante syndicale dès qu’elle avait reçu sa lettre de congédiement pour obtenir des conseils. En fait, c’est seulement lorsqu’elle a su en juillet 2009 qu’elle n’obtiendrait pas un autre emploi pour une période déterminée au Ministère des Pêches et des Océans, que Mme Brassard a décidé de déposer son grief contre les Affaires Étrangères.

Dans ce cas-ci les chances de succès du grief est la considération la plus importante.  Mme Brassard était une employée en période de stage, à période déterminée, dont l’emploi se serait terminé de toute façon le 31 août 2009 au plus tard, soit à la fin de son terme.  Ce n’est qu’en juillet 2009 que le ministère a appris qu’elle voulait démissionner pour accepter un poste ailleurs dans la fonction publique.

RENVOI PRÉMATURÉ DU GRIEF A L’ARBITRAGE :

Madame Brassard a déposé son grief le 21 juillet 2009 et a signé le renvoi de ce même grief à l’arbitrage le 17 août 2009.  La CRTFP accuse réception de ce renvoi le 26 août 2009.

Dans sa lettre du 15 janvier 2010, l’avocate de Mme Brassard indiqua qu’elle reconnait que le renvoi de son grief a l’arbitrage est prématuré.  Étant donné ce fait, l’Employeur demande que le grief soit rejeté et que le dossier soit fermé.

Finalement, les mesures correctives demandées, soit de ravoir son poste aux Affaires Étrangères ainsi que des dommages ne peuvent être accordées par un arbitre puisqu’elle était une employée à terme.

Pour toutes ces raisons, l’Employeur vous demande bien respectueusement d’allouer les deux objections préliminaires et donc de rejeter le grief.

Veuillez agréer, Madame, l’expression de mes sentiments distingués.

Patrick Brunet

Représentation patronale

Décision

6 Initialement, l’audience portant sur le grief relatif au renvoi en cours de stage et la demande de prorogation de délai devait avoir lieu du 16 au 18 août 2010 à Ottawa.

7 L’avocate de la fonctionnaire a toutefois informée la Commission, le 31 mars 2010, qu’elle n’était pas disponible du 16 août au 18 août 2010; elle était en congé de maternité. L’employeur a consenti à la demande de remise.

8 Après avoir consulté les parties, la Commission a informé celles-ci, le 13 mai 2010, que l’audience portant sur le grief traitant du renvoi en cours de stage et la demande de prorogation de délai avait été fixée du 13 au 15 décembre 2010. 

9 Le 19 août 2010, l’avocate de la fonctionnaire a informé la Commission qu’elle ne représentait plus la fonctionnaire.

10 À la suite d’une lettre de la Commission en date du 23 août 2010, la fonctionnaire a précisé qu’elle voulait continuer les procédures, qu’elle se  représentait dorénavant elle-même et que toute correspondance devait lui être acheminée à son adresse personnelle.

11 Le 16 novembre 2010, la Commission a réitéré auprès des parties que l’audience du grief sur le renvoi en cours de stage, de même que la demande de prorogation de délai, aurait lieu du 13 au 15 décembre 2010 à Ottawa.

12 Le 17 novembre 2010, l’avocat de l’employeur a avisé la Commission que l’employeur s’opposait également à la compétence de l’arbitre de grief d’entendre et de trancher le grief de la fonctionnaire au motif qu’il s’agit d’un renvoi en cours de stage conformément à l’article 62(1) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (LEFP) et que l’article 211 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la « Loi ») interdit les renvois à l’arbitrage de licenciements prévus sous le régime de la LEFP.

13 En réponse à la lettre de l’employeur en date du 17 novembre 2010, la fonctionnaire a répondu ce qui suit le 1 décembre 2010 :

[Traduction]

La présente se rapporte à la correspondance du 17 novembre 2010 provenant de Patrick Brunet, et à celle du 18 novembre 2010 provenant de la Commission.

Énoncé de mes motifs :

1.- Un employé en stage probatoire peut procéder avec un grief de licenciement s’il peut démontrer que l’employeur a agi de mauvaise foi, ou s’est conduit de manière arbitraire ou abusive, ou pour des motifs qui ne sont pas liés à son emploi;

2.- En me licenciant malgré la lettre de démission que je lui ai fait parvenir deux jours plus tôt, Stephen de Boer a montré de la mauvaise foi et s’est conduit de manière arbitraire;

3.- Mon grief est assez éloquent pour englober ces allégations;

4.- En revanche, l’offre d’emploi que j’ai reçue de Pêches et Océans Canada m’a laissée avec une situation d’emploi indéterminée, alors que mon statut réel le jour de mon licenciement était celui d’employé permanent;

5.- Les problèmes de compétence ne peuvent se résoudre au moyen d’arguments écrits. Il est nécessaire de tenir une audience pour résoudre la présente question et pour déterminer le bien-fondé de mon grief.

Lyne Brassard

14 Le 3 décembre 2010, la fonctionnaire a demandé une remise de l’audience prévue du 13 au 15 décembre 2010 au mois de janvier 2011, au motif qu’elle voulait obtenir des avis juridiques et être représentée, et qu’après avoir fait une demande en vertu de la Loi sur l’accès à l’information, elle n’avait toujours pas reçu les documents demandés.

15 Le 6 décembre 2010, l’employeur s’est opposé à la demande de remise de la fonctionnaire au motif qu’une remise avait déjà été accordée en avril 2010 à la demande de l’avocate de la fonctionnaire, que depuis août 2010  la fonctionnaire savait qu’elle n’était plus représentée par l’avocate.

16 Le 6 décembre 2010, la Commission a informé les parties que la demande de remise de l’audience faite par la fonctionnaire était refusée mais qu’elles étaient convoquées pour une téléconférence préparatoire le 7 décembre 2010.

17 L’employeur a confirmé le même jour sa disponibilité pour une téléconférence le 7 décembre 2010.  La fonctionnaire a informé la Commission le 6 décembre 2010 par courriel de ce qui suit :

Je ne suis pas disponible pour un appel téléphonique et je ne suis pas disponible pour aller en audience les 13 et 15 décembre prochain.

18 Le 7 décembre 2010, la Commission a envoyé une lettre aux parties dans laquelle elle confirmait que l’audience du grief de la fonctionnaire aurait lieu tel que prévu, soit du 13 au 15 décembre 2010 et elle réitérait aux parties l’avertissement qui apparaît sur l’avis d’audience du 16 novembre 2010 à savoir :

[…] « qu’à défaut de comparaître à l’audience […] l’arbitre de grief peut statuer sur la question au vu de la preuve et des observations qui lui seront alors présentées sans vous adresser de nouvel avis. »

19 Le 7 décembre 2010, la fonctionnaire a communiqué avec la Commission pour demander si la téléconférence pouvait avoir lieu le 8 ou le 9 décembre 2010 et a informé la Commission qu’elle avait un certificat médical pour justifier la remise de l’audience.

20 Le 8 décembre 2010, la Commission, n’ayant pu obtenir de réponse de la fonctionnaire quant à l’heure à laquelle la téléconférence devait avoir lieu, a de nouveau communiqué avec les parties afin de fixer la téléconférence préparatoire au 9 décembre 2010.

21 À la suite de la téléconférence tenue le 9 décembre 2010, la Commission a remis l’audience prévue du 13 au 15 décembre 2010 au motif que la fonctionnaire ne pouvait être à l’audience pour des  raisons médicales. La fonctionnaire a fourni à l’appui à la Commission une copie d’un certificat médical daté du 7 décembre 2010.

22 La Commission a avisé les parties le 16 juin 2011 que l’audience aurait lieu du 21 au 23 novembre 2011 et que ces dates étaient considérées finales.

23 Le 5 octobre 2011, la Commission a informé les parties que l’employeur refusait de participer à une médiation dans le cadre du dossier. Il suggérait toutefois de tenir une conférence préparatoire. Le 10 octobre 2011, la fonctionnaire a décliné la tenue d’une conférence préparatoire et a suggéré la médiation.

24 La Commission a avisé les parties le 12 octobre 2011 qu’une conférence préparatoire serait  tenue, aux choix des parties, soit le 27 ou le 28 octobre 2011 ou le 9 novembre 2011.

25 Le 12 octobre 2011, la fonctionnaire a répondu qu’elle n’était pas disponible à ces dates; elle n’a  fourni aucune autre date ni raison pour laquelle elle ne pouvait se présenter à ces dates.

26 Le 18 octobre 2011, la Commission a avisé officiellement les parties que l’audience sur le grief et la demande de prorogation de délai aurait lieu du 21 novembre au 23 novembre 2011. L’avis d’audience a été signifié par poste prioritaire et par courriel à la dernière adresse fournie par la fonctionnaire.

27 La fonctionnaire a communiqué avec la Commission le 20 octobre 2011 pour s’enquérir de l’état de son dossier et pour réitérer qu’elle n’était pas disponible pour une conférence préparatoire.

28 Le jour même, la Commission a informé les parties qu’une conférence préparatoire afin de discuter du déroulement de l’audience prévue du 21 au 23 novembre 2011, aurait lieu le 9 novembre 2011. L’avis a été envoyé à la fonctionnaire par courriel de même que par courrier recommandé.

29 La fonctionnaire a informé la Commission le 26 octobre 2011 qu’elle n’avait pas reçu d’avis par courrier recommandé et que le courriel qui lui avait été adressé ne contenait pas de pièce jointe. Le 26 octobre 2011, la Commission a renvoyé par courriel à la fonctionnaire la lettre du 21 octobre 2011 convoquant les parties à la conférence préparatoire le 9 novembre 2011.

30 Le 27 octobre 2011, Postes Canada a confirmé la livraison de la lettre du 21 octobre 2011 à la fonctionnaire.

31 La fonctionnaire ne s’est pas présentée à la conférence préparatoire du 9 novembre 2011 et ce, sans fournir de justification. Les représentants de l’employeur y étaient présents.

32 La Commission a fait parvenir la lettre qui suit aux parties le 10 novembre 2011:

Objet :         Renvoi à l’arbitrage  et
                   Demande de prorogation de délai -
                   Lyne Brassard

Ceci fait suite à ma lettre du 21 octobre 2011. Les parties avaient été convoquées à participer à une conférence préparatoire en personne le 9 novembre 2011 à 8h30. La fonctionnaire s’estimant lésée ne s’est pas présentée et n’a pas fournie la raison justifiant son absence.

Dans les circonstances, l’audience prévue du 21 au 23 novembre 2011 à Ottawa procédera comme prévu et les parties doivent être prêtes à procéder sur les objections soulevées par l’employeur et sur le fond de l’affaire.

Veuillez également noter qu’à défaut par vous de comparaître à l’audience ou à toute reprise d’audience éventuelle, l’arbitre de grief peut statuer sur la question au vu de la preuve et des observations qui lui seront alors présentées sans vous adresser de nouvel avis.

[…]

[Les passages en évidence le sont dans l’original]

33 Le 10 novembre 2011, la fonctionnaire a fait suivre à la Commission une copie de son courriel en date du 12 octobre 2011 dans lequel elle indiquait ne pas être disponible pour une conférence préparatoire.

34 Le 15 novembre 2011, Postes Canada a informé la Commission que la lettre du 10 novembre 2011 envoyée par poste prioritaire aux parties n’a pas été réclamée par la fonctionnaire.

35 Le 15 novembre 2011, la Commission a de nouveau fait parvenir par courriel et par poste prioritaire à la fonctionnaire l’avis d’audience prévu du 21 au 23 novembre 2011. Le 17 novembre 2011, Postes Canada  a informé la Commission que l’avis d’audience qui avait été renvoyé le 15 novembre 2011 n’avait toujours pas été réclamé par la fonctionnaire, en indiquant que la destinataire ne demeurait pas à l’adresse indiquée.

36 Le 17 novembre 2011, la Commission a demandé par courriel à la fonctionnaire sa nouvelle adresse. La fonctionnaire n’a pas donné suite à la demande de la Commission.

L’audience du 21 novembre 2011

37 Comme prévu, l’audience a commencé à 9h30 le 21 novembre 2011 en présence des représentants de l’employeur, mais en l’absence de la fonctionnaire. À ma demande, l’audience a été ajournée jusqu’à 10h00 afin de tenter une dernière fois de joindre la fonctionnaire. Une agente du greffe de la Commission a laissé en vain un message téléphonique à la fonctionnaire et lui a également envoyé un courriel lui enjoignant de communiquer avec le greffe de la Commission immédiatement. La fonctionnaire n’a toujours pas communiqué avec la Commission.

38 Puisque la fonctionnaire a été informée plusieurs fois de la date de l’audience et qu’elle n’a fourni aucune raison justifiant son absence, j’ai décidé de poursuivre l’audience et de disposer du grief et de la demande de prorogation sur la base de la preuve présentée par l’employeur.

Objections préliminaires de l’employeur

39 À l’audience, l’employeur a réitéré ses trois objections. Dans un premier temps, l’avocat de l’employeur plaide que le grief est en retard car il a été déposé au-delà des 25 jours prescrits à la clause 18.15 de la convention collective intervenue entre le Conseil du Trésor et l’Alliance de la Fonction publique du Canada, pour le groupe Services des programmes et de l’administration, (date d’expiration 20 juin 2014). L’avocat soutient en effet que la fonctionnaire a été informée de son renvoi en cours de stage le 29 mai 2009 et que son grief a été soumis le 21 juillet 2009, soit au-delà des 25 jours prescrits.

40 L’avocat de l’employeur m’a renvoyée à la décision de la Commission Grouchy c. Administrateur général (Pêches et Océans), 2009 CRTFP 92, paragraphe 44, qui reprend les 5 critères à évaluer pour décider si une demande de prorogation de délai doit être accordée. L’avocat de l’employeur a passé en revue les 5 critères énoncés dans l’affaire Grouchy et a précisé que le poids à donner à chacun de ces critères pourrait varier selon le contexte.

41 Selon l’avocat de l’employeur, la fonctionnaire n’a donné aucune justification quant aux raisons justifiant le retard. La fonctionnaire n’a pas fait preuve de diligence dans cette affaire. L’avocat ajoute que si l’on considère le critère « chance de succès du grief », on doit se rendre à l’évidence que compte tenu de la loi applicable et des faits donnant lieu au grief, les chances de succès du grief sont très minces.

42 L’avocat de l’employeur maintient également que la seule référence au retard du grief se trouve dans la lettre de l’avocate de la fonctionnaire, en date du 15 janvier 2010, qui indique qu’à l’époque, la représentante syndicale de la fonctionnaire avait demandé de mettre les griefs en attente. Toutefois, selon l’avocat de l’employeur, même cette demande de la représentante syndicale était tardive car elle avait été effectuée après le dépôt du grief.

43 Comme autre objection préliminaire, l’avocat de l’employeur soutient également que le renvoi à l’arbitrage est prématuré; car le grief de la fonctionnaire n’a pas été soumis aux divers paliers internes de la procédure de règlement des griefs. L’avocat de l’employeur m’a renvoyée à l’affaire Brown c. Administrateur général (ministère du Développement social), 2008 CRTFP 46, paragraphe 26, ainsi qu’à l’affaire Laferrière c. Administrateur général (Agence spatiale canadienne), 2008 CRTFP 53. Il soutient également que les articles 209 et 225 de la Loi sont clairs quant à l’intention du législateur que les griefs doivent d’abord être renvoyés aux paliers internes de la procédure de grief avant de pouvoir être renvoyés à l’arbitrage et qu’il ne s’agit clairement pas ici d’un seul vice de forme ou de procédure.

44 Finalement, l’avocat de l’employeur soumet comme troisième objection à ma compétence que, comme la preuve va le démontrer, je n’ai pas compétence pour trancher ce grief puisqu’il s’agit d’un renvoi en cours de stage et que l’alinéa 11(1)(a) de la Loi interdit le renvoi à l’arbitrage des licenciements prévus sous le régime de la LEFP.

Résumé de la preuve de l’employeur

45 L’employeur a fait entendre un témoin et a déposé six documents en preuve.

46 M. Stephen de Boer a témoigné pour l’employeur en anglais.

47 M. de Boer a déclaré lors de son témoignage qu’il avait joint la fonction publique en 2005 et qu’il était actuellement directeur général, Changements climatiques, à Environnement Canada. En mai 2009, il était directeur, Droit de la mer et de l’environnement, au ministère des Affaires étrangères et du Commerce international. Son mandat était de conseiller le gouvernement et son ministère sur les questions de droit international. Il gérait une équipe composée de onze avocats et deux adjoints administratifs.

48 Le 6 janvier 2009, une lettre d’offre de contrat pour une période déterminée a été envoyée à la fonctionnaire. Le contrat allait du 6 janvier au 31 août 2009. M. de Boer a indiqué que deux de ses collègues et lui-même avaient interviewé la fonctionnaire et lui avait offert le poste. M. de Boer a expliqué qu’il s’agissait d’un « poste de permutant » qui devait être occupé par un « employé permutant » de son ministère. Toutefois, comme aucun employé du ministère n’était disponible à l’époque, les responsables des ressources humaines ont autorisé le recrutement d’un employé externe nommé pour une période déterminée. L’idée était de faire en sorte qu’à la fin de la période de l’emploi, il y aurait un employé permutant disponible pour occuper le poste. M. de Boer a aussi indiqué que la fonctionnaire relevait directement de lui.

49 M. de Boer a déposé en preuve un courriel qu’il a envoyé à la fonctionnaire le 24 mars 2009. Ce courriel résumait certains problèmes que M. de Boer et certains de ses employés avaient à l’égard du rendement de la fonctionnaire. M. de Boer a déclaré qu’avant d’envoyer ce courriel, ses deux adjoints et lui-même ont rencontré Mme Brassard afin d’essayer d’améliorer la situation.

50 M. de Boer a déclaré lors de son témoignage que la fonctionnaire ne démontrait pas un esprit d’équipe et qu’elle ne prenait pas les conseils visant à l’aider à faire des réservations de voyage. La majeure partie de son travail était d’effectuer des réservations et elle avait reçu la formation pertinente. La fonctionnaire n’acceptait pas les conseils sur la façon de traiter des documents sécurisés. Elle s’adressait rarement aux autres et n’informait pas ses collègues de ses activités.

51 Plus précisément, M. de Boer a fait référence à un incident au cours duquel la fonctionnaire, contrairement à ses instructions, a annulé son voyage à Toronto. Cette erreur a coûté 130$ supplémentaires au ministère. M. de Boer a aussi mentionné un autre incident visant des réservations de voyage à la suite desquelles un billet d’avion qui, aux dires de la fonctionnaire devait coûter 3 500$, a finalement coûté 6 400$, à la surprise de M. de Boer et de ses directeurs adjoints. M. de Boer a par ailleurs mentionné un autre incident au cours duquel la fonctionnaire avait acheté un billet d’avion pour Paris sans son consentement. Le ministère a dû faire des changements, ce qui lui a occasionné des coûts supplémentaires.

52 En plus d’autres incidents relatifs aux réservations de voyage, M. de Boer a fait référence à une situation dans laquelle la fonctionnaire a envoyé, contrairement à la procédure, un document protégé à une résidence privée par courrier régulier.

53 M. de Boer a aussi relaté un incident survenu alors que l’on avait demandé à la fonctionnaire de remplacer un collègue absent. Or, elle a quitté plus tôt que prévu ce jour-là sans en avertir son superviseur.

54 Le 20 avril 2009, M. de Boer a envoyé un autre courriel à la fonctionnaire, faisant référence au courriel du 24 mars 2009, dans lequel il lui rappelait que son rendement faisait l’objet d’une surveillance et qu’elle était toujours en stage.

55 M. de Boer a déclaré lors de son témoignage que le 28 mai 2009, il a trouvé dans sa boîte de courrier électronique une note provenant de la fonctionnaire datée du 27 mai 2009, dans laquelle elle l’informait que le 10 juin prochain serait son dernier jour au sein de la Direction. Le courriel se lit comme suit :

[Traduction]

Monsieur :

Veuillez prendre note que mon dernier jour au sein de la Direction JLO sera le 10 juin 2009.

Salutations distinguées,

Lyne Brassard

56 M. de Boer a déclaré que la fonctionnaire ne lui avait jamais donné plus d’information que ce qui figurait dans le courriel du 27 mai 2009. Il a aussi indiqué qu’après en avoir discuté avec les responsables des ressources humaines, il avait décidé de la renvoyer en cours de stage en vigueur le 29 mai 2009, avec une indemnité de deux semaines. En réponse à une question sur les raisons l’ayant motivé à mettre fin au contrat de la fonctionnaire alors qu’elle avait déjà démissionné,  M. de Boer a indiqué que la note du 27 mai 2009 n’était pas très claire. De plus, en raison des difficultés que lui-même et son personnel avaient eues avec la fonctionnaire, il voulait s’assurer qu’elle ne demeurerait pas une employée du ministère. M. de Boer a déclaré qu’il n’était pas au courant de la possibilité qu’elle travaille au ministère des Pêches et Océans. 

57 M. de Boer a déclaré qu’il avait remis à la fonctionnaire la lettre datée du 29 mai 2009, l’informant de son renvoi en cours de stage en raison d’un rendement insatisfaisant. La lettre l’informait qu’elle cesserait d’être une employée du ministère le 29 mai 2009 et qu’elle aurait droit à une indemnité équivalant à deux semaines de salaire.

Résumé de l’argumentation

58 Selon l’avocat de l’employeur, le témoignage de M. de Boer démontre clairement que la fonctionnaire a été avisée à plusieurs reprises que l’employeur avait des problèmes avec son rendement. La lettre de démission de la fonctionnaire n’a rien changé à la décision de l’employeur de mettre fin à son emploi pour rendement insatisfaisant. L’employeur n’a jamais été mis au courant d’un emploi potentiel pour la fonctionnaire dans un autre ministère.

59 L’avocat de l’employeur soutient également que le renvoi en cours de stage est assujetti à l’article 62 de la LEFP qui confère à l’employeur le droit d’imposer une période d’essai à un employé. L’avocat de l’employeur m’a renvoyée également à l’article 211 de la Loi qui précise qu’un licenciement prévu sous le régime de la LEFP ne peut être renvoyé à l’arbitrage.

60 Selon l’avocat de l’employeur, ma compétence est limitée lorsqu’un licenciement est un subterfuge ou fait de mauvaise foi. En l’espèce, le motif du renvoi est clairement lié à l’emploi. Il n’y a aucun subterfuge ou mauvaise foi. La preuve de l’employeur a clairement montré que la fonctionnaire a été renvoyée pour un motif lié à l’emploi soit, dans ce cas-ci, pour rendement insatisfaisant. La fonctionnaire avait été avisée que sa performance serait évaluée et on lui a rappelé qu’elle était en cours de stage. La décision de l’employeur était justifiée.

61 L’avocat de l’employeur m’a renvoyée aux décisions de la Commission dans Tello c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2010 CRTFP 134; Dyck c. Administrateur général (ministère des Transports), 2011 CRTFP 108; McMath c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2011 CRTFP 42.

Motifs de la décision

62 Je dois décider du bien-fondé des objections préliminaires de l’employeur quant à ma compétence. L’employeur a en effet soulevé les trois objections suivantes quant à ma compétence comme arbitre d’entendre le grief de la fonctionnaire :

• Le grief a été soumis au-delà des 25 jours de la date où la fonctionnaire a été informée de son renvoi en cours de stage, le tout, contrairement à la clause 18.15 de la convention collective applicable;

• Le grief n’a pas été renvoyée aux paliers internes de la procédure de grief contrairement aux articles 209 et 225 de la Loi;

• Je n’ai pas compétence sur la décision prise en vertu de la LEFP de renvoyer la fonctionnaire en cours de stage en vertu des articles 62 de la LEFP et 211 de la Loi.

63 Il ne fait pas de doute que le grief a été déposé au-delà des 25 jours à partir de la date où la fonctionnaire a pris connaissance de son renvoi. La fonctionnaire a été renvoyée le 29 mai 2009 et son grief a été déposé le 21 juillet 2009. C’est à partir de la date où l’employeur a mis fin à l’emploi, soit le 29 mai 2009, qu’il faut calculer le délai de 25 jours. L’avocate de la fonctionnaire a d’ailleurs admis dans sa lettre du 15 janvier 2010 que le grief était en retard et bien qu’une demande de prorogation ait été faite par l’avocate, aucune preuve n’a été soumise justifiant la prorogation du délai. Le grief et la demande de prorogation sont donc rejetés.

64 Bien que j’aie déjà disposé du grief et de la demande de prorogation, je traiterai également des deux autres objections préliminaires de l’employeur.

65 La preuve montre que le grief de la fonctionnaire n’a pas été soumis à tous les paliers internes requis avant d’être soumis à l’arbitrage.

225. Le renvoi d’un grief à l’arbitrage de même que son audition et la décision de l’arbitre de grief à son sujet ne peuvent avoir lieu qu’après la présentation du grief à tous les paliers requis conformément à la procédure applicable.

66 L’article 225 de la Loi est clair, le grief de la fonctionnaire doit donc être rejeté aussi pour cette raison.

67 Finalement l’employeur soutient que je n’ai pas compétence puisqu’il s’agit d’un renvoi en cours de stage. La preuve de l’employeur montre que la fonctionnaire a été embauchée pour une durée déterminée terme de six mois couvrant la période du 6 janvier 2009 au 31 août 2009. Le témoin de l’employeur a témoigné de plusieurs manquements dans le rendement au travail de la fonctionnaire. Elle a commis plusieurs erreurs ayant un impact financier malgré la formation reçue. De même, M. de Boer a témoigné à savoir que la fonctionnaire avait de la difficulté à travailler avec ses collègues et que les procédures liées aux heures de travail ainsi qu’au traitement de documents classifiés causaient problème.

68 La preuve entendue est également que la fonctionnaire avait été informée que son travail était évalué et on lui a rappelé qu’elle était en cours de stage.

69 Finalement, il a été démontré que la fonctionnaire avait décidé de quitter son emploi en date du 10 juin 2009, et que bien que l’employeur ait décidé de la renvoyer en cours de stage le 29 mai 2009, la fonctionnaire a été payée jusqu’au 10 juin 2009.

70 Les dispositions suivantes de la LEFP sur lesquelles l’employeur s’est appuyé pour renvoyer la fonctionnaire en cours de stage permettent à l’employeur d’imposer une période de stage à un fonctionnaire et de la renvoyer:

61. (1) La personne nommée par nomination externe est considérée comme stagiaire pendant la période :

a) fixée, pour la catégorie de fonctionnaires dont elle fait partie, par règlement du Conseil du Trésor dans le cas d’une administration figurant aux annexes I ou IV de la Loi sur la gestion des finances publiques;

b) fixée, pour la catégorie de fonctionnaires dont elle fait partie, par l’organisme distinct en cause dans le cas d’un organisme distinct dans lequel les nominations relèvent exclusivement de la Commission.

Précision

(2) Une nouvelle nomination ou une mutation n’interrompt pas la période de stage.

Renvoi

62. (1) À tout moment au cours de la période de stage, l’administrateur général peut aviser le fonctionnaire de son intention de mettre fin à son emploi au terme du délai de préavis :

a) fixé, pour la catégorie de fonctionnaires dont il fait partie, par règlement du Conseil du Trésor dans le cas d’une administration figurant aux annexes I ou IV de la Loi sur la gestion des finances publiques;

b) fixé, pour la catégorie de fonctionnaires dont il fait partie, par l’organisme distinct en cause dans le cas d’un organisme distinct dans lequel les nominations relèvent exclusivement de la Commission.

Le fonctionnaire perd sa qualité de fonctionnaire au terme de ce délai.

Indemnité tenant lieu de préavis

(2) Au lieu de donner l’avis prévu au paragraphe (1), l’administrateur général peut aviser le fonctionnaire de la cessation de son emploi et du fait qu’une indemnité équivalant au salaire auquel il aurait eu droit au cours de la période de préavis lui sera versée. Le fonctionnaire perd sa qualité de fonctionnaire à la date fixée par l’administrateur général.

71  De son côté, l’article 211 de la Loi interdit le renvoi a l’arbitrage d’une décision prise sous l’emprise de la LEFP tel un renvoi en cours de stage. Il se lit comme suit :

211. L’article 209 n’a pas pour effet de permettre le renvoi à l’arbitrage d’un grief individuel portant sur :

a) soit tout licenciement prévu sous le régime de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique;

[…]

72 J’ai compétence en l’espèce comme arbitre de grief seulement si je suis convaincue que le renvoi en cours de stage de la fonctionnaire a été fait de façon arbitraire ou de mauvaise foi. Je n’ai pas compétence pour décider si l’employeur avait un motif suffisant de renvoyer la fonctionnaire.

73 La preuve soumise par l’employeur a montré que la raison du renvoi en cours de stage est une raison liée à l’emploi, motivée par le rendement insatisfaisant de la fonctionnaire, notamment par les erreurs qu’elle a commises et par son attitude face au travail d’équipe. Rien ne permet de conclure que l’employeur ait agi de façon arbitraire ou de mauvaise foi. L’employeur a prouvé que la décision de renvoyer la fonctionnaire était fondée sur un rendement insatisfaisant. Dans les circonstances, je n’ai pas la compétence pour entendre et trancher ce grief.

74 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

Ordonnance

75 Le grief de la fonctionnaire est rejeté pour défaut de compétence.

76 La demande de prorogation de délai est également rejetée.

77 J’ordonne la fermeture des dossiers.

Le 26 janvier 2012.

Linda Gobeil,
vice-présidente

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