Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Les griefs portaient sur la rémunération des heures supplémentaires - les fonctionnaires s’estimant lésés ont accepté de travailler des heures supplémentaires dans le cadre d’un quart de nuit non prévu à l’horaire; ce quart débutait la même journée que leur quart de jour prévu à l’horaire - l’employeur a renvoyé les fonctionnaires chez eux avant la fin de leur quart de jour prévu à l’horaire, avec rémunération, leur laissant ainsi neuf heures de repos avant le début de leur quart de nuit - le quart de jour régulier suivant des fonctionnaires commençait immédiatement après le quart de nuit - l’employeur n’a pas rémunéré les fonctionnaires en heures supplémentaires pour le quart de travail prévu à l’horaire le deuxième jour - l’arbitre de grief a conclu que les fonctionnaires n’avaient pas droit à la rémunération en heures supplémentaires pour le quart de travail prévu à l’horaire le deuxième jour - les fonctionnaires n’avaient pas travaillé 15 heures ou plus au cours d’une période de 24 heures, soit le nombre d’ heures de travail nécessaires pour avoir droit à la rémunération des heures supplémentaires aux termes de la convention collective - en outre, dans la convention collective, le terme << travail supplémentaire >> est défini comme << [...] tout travail exécuté en dehors de l’horaire de travail d’un employé >>; or, le deuxième jour de travail était prévu à l’horaire régulier. Griefs rejetés.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2012-11-02
  • Dossier:  567-02-42 et 566-02-4868, 4884 et 4885
  • Référence:  2012 CRTFP 118

Devant un arbitre de grief


ENTRE

CONSEIL DE L’EST DES MÉTIERS ET DU TRAVAIL DU CHANTIER MARITIME DU
GOUVERNEMENT FÉDÉRAL, ANDREW WALLACE, LORIN CARTER ET
MATTHEW VAN ROSSUM

agent négociateur et fonctionnaires s’estimant lésés

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(ministère de la Défense nationale)

employeur

Répertorié
Conseil de l’est des métiers et du travail du chantier maritime du gouvernement fédéral et al. c.  Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale)

Affaire concernant un grief collectif et des griefs individuels renvoyés à l’arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Augustus Richardson, arbitre de grief

Pour l’agent négociateur et les fonctionnaires s’estimant lésés:
Raymond Larkin et Jillian Houlihan, avocats

Pour l'employeur:
Karen Clifford, avocate

Affaire entendue à Halifax (Nouvelle‑Écosse),
le 15 mai 2012.
(Traduction de la CRTFP)

I. Grief collectif et griefs individuels renvoyés à l’arbitrage

1 Les présents griefs découlent de deux occasions où on a travaillé des heures supplémentaires à l’Installation de maintenance de la flotte de Cape Scott, aussi connue sous le nom de l’unité de Réparations des navires (Est) de Halifax, en Nouvelle‑Écosse (« Cape Scott »). Une occasion s’est produite lors d’essais de systèmes d’armes réalisés d’octobre 2008 à mai 2009 et a entraîné un grief collectif déposé sous le numéro de dossier de la CRTFP 567‑02‑42 (dans l’affaire en instance, les parties désignent ce grief sous la dénomination [traduction] « grief du groupe B », et les fonctionnaires s’estimant lésés concernés par ce grief sont désignés sous le terme [traduction] « fonctionnaires du groupe B », et j’utilise ces expressions dans la présente décision). L’autre occasion s’est produite dans le cadre du travail visant à préparer le NCSM Toronto à participer à l’opération de secours des victimes du tremblement de terre d’Haëti en janvier 2010, et a entraîné le dépôt des griefs individuels par Andrew Wallace, Lorin Carter et Matthew van Rossum, soit les dossiers de la CRTFP no 566‑02‑4868, 4884 et 4885 respectivement (dans l’affaire en instance, les parties appelaient ces griefs comme les [traduction] « griefs du groupe A » et MM. Wallace, Carter et van Rossum, les fonctionnaires s’estimant lésés, les [traduction] « fonctionnaires du groupe A », et j’utilise ces expressions dans la présente décision).

2 Le grief du groupe B a été déposé le 19 juin 2009. Les griefs du groupe A ont été déposés le 5 février 2010.

3 Les fonctionnaires du groupe B et les fonctionnaires du groupe A (que j’appelle collectivement dans la présente décision [traduction] « les fonctionnaires » sont tous régis par la convention collective signée le 16 juin 2008 (la « convention collective ») par le Conseil du Trésor (l’« employeur ») et le Conseil de l’est des métiers et du travail du chantier maritime du gouvernement fédéral (l’« agent négociateur ») pour l’unité de négociation du groupe Réparation des navires (est). L’agent négociateur et les fonctionnaires du groupe A ont demandé à être rémunérés au taux des heures supplémentaires, parce que les fonctionnaires avaient dû travailler pendant une période de repos de neuf heures qui est exigée dans certaines circonstances selon la clause 15.10 de la convention collective – ou qu’on leur avait refusé cette période de repos.

II. Résumé de la preuve

4 Les parties ont convenu que les éléments de preuve pouvaient être présentés principalement sous la forme d’un exposé conjoint des faits. L’agent négociateur et les fonctionnaires du groupe A n’ont cité aucun témoin. L’employeur a cité deux témoins : Ian Mitchell, chef de groupe 6 (Armes) à Cape Scott; et J.F. Beaulieu, qui était alors chef du service technique de la division Mécanique 1 au sein de la même installation.

A. Exposé conjoint des faits

5 Je présenterai l’exposé conjoint des faits, qui a été déposé par consentement des parties comme la pièce 1, dans son ensemble :

[Traduction]

[…]

EXPOSÉ CONJOINT DES FAITS
  1. Pendant toutes les périodes pertinentes, les fonctionnaires faisaient partie du Conseil de l’est des métiers et du travail du chantier maritime du gouvernement fédéral (CMTCM-E). Aux dates en question, leur emploi était régi par une convention collective entre le Conseil du Trésor et le CMTCM-E, expirant le 31 décembre 2009 (la « convention collective »).
  2. Les dispositions de l’article 15 : Durée de travail et heures supplémentaires de la convention collective se lisent comme suit :

Article 15
Durée du travail et heures supplémentaires

15.01 Durée du travail

a) La durée du travail est fixée à quarante (40) heures par semaine et à huit (8) heures par jour.

b) La semaine de travail et les jours de travail sont fixés comme suit :

(i) de 23 h 45 le dimanche jusqu’à 23 h 45 le vendredi inclusivement dans le cas des employés assujettis à la clause 15.02a);

(ii) de lundi à vendredi inclusivement dans le cas des employés assujettis à la clause 15.02b);

et

(iii) de 00 h 15 le lundi jusqu’à 00 h 15 le samedi inclusivement dans le cas des employés assujettis à la clause 15.02c).

c) Les premier et deuxième jours de repos sont fixés comme suit :

(i) de 23 h 45 le vendredi jusqu’à 23 h 45 le samedi et de 23 h 45 le samedi à 23 h 45 le dimanche respectivement dans le cas des employés assujettis à la clause 15.02a);

(ii) le samedi et le dimanche respectivement dans le cas des employés assujettis à la clause 15.02b);

et

(iii) de 00 h 15 le samedi jusqu’à 00 h 15 le dimanche et de 00 h 15 le dimanche jusqu’à 00 h 15 le lundi respectivement dans le cas des employés assujettis à la clause 15.02c).

15.02 La durée du travail est fixée comme suit :

a) le premier poste (nuit) s’étend de 23 h 45 à 8 h 15 avec une pause repas non payée de 03 h 45 à 04 h 15;

b) le deuxième poste (jour) s’étend de 07 h 45 à 16 h 15 avec une pause repas non payée de 12 h à 12 h 30;

c) le troisième poste (soir) s’étend de 15 h 45 à 00 h 15 avec une pause repas non payée de 19 h 45 à 20 h 15.

15.03 Nonobstant les dispositions de la clause 15.02, le Conseil reconnaît qu’il est nécessaire que certains employés commencent et cessent normalement le travail à des heures différentes de celles qui sont établies par la clause 15.02 et l’Employeur convient de discuter de toutes modifications des heures de travail avec le Conseil avant de les mettre en vigueur.

15.04 Les durées du travail figurant aux clauses 15.01 et 15.02 ne doivent pas être interprétées comme une garantie de durée du travail minimale ou maximale.

15.05 Sous réserve de l’application de la clause 15.09, l’employé peut être affecté d’un poste à un autre durant un même jour de travail.

15.06 Nonobstant les dispositions de la clause 15.02 :

a) l’employé qui effectue le premier poste (nuit) ou le troisième poste (soir) :

(i) pendant trois (3) jours de travail consécutifs ou plus, au cours d’une même semaine de travail,

ou

(ii) le premier, ou les premier et deuxième jours de travail de la semaine de travail qui en suit une autre travaillée entièrement en premier poste (nuit) ou en troisième poste (soir),

ou

(iii) le dernier, ou les dernier et avant-dernier jours de travail pendant une semaine de travail qui en précède une autre travaillée entièrement en premier poste (nuit) ou en troisième poste (soir),

touche la prime de poste prévue à la clause 24.01.

Aux fins de l’application de la clause 15.06a), lorsqu’un employé est en congé pendant les jours dont il est question à la clause 15.06a), cela n’est pas considéré comme dérogeant à l’exigence de cette clause que les jours de travail soient consécutifs ou que la semaine de travail soit complète.

Aux fins de l’application de la clause 15.06a)(i), un jour férié payé n’est pas considéré comme interrompant une série de jours consécutifs, à condition que celle-ci comprenne trois (3) jours de travail par poste.

Quand du travail par poste est prévu pour une semaine complète qui comprend un jour férié désigné payé, ce jour n’est pas considéré comme interrompant la semaine de travail complète dont il est question dans les clauses 15.06a)(ii) et (iii).

b) L’employé qui effectue le premier ou le troisième poste, selon des modalités différentes de celles qui sont indiquées à l’alinéa a) de la clause 15.06, touche le taux à tarif double (2) pour chacune des heures ainsi exécutées, sans bénéficier d’une prime de poste.

Cours suivis par les employés qui travaillent par poste

c) Nonobstant la clause 15.05 et les sous-clauses 15.06a) et b), les parties reconnaissent la nécessité de modifier les horaires de travail par poste d’un commun accord afin de permettre aux employés de suivre des cours.

15.07 L’Employeur n’établit des horaires de travail par poste qu’en cas de nécessité. À l’occasion du travail par poste sur un projet, l’Employeur donne aux employés et au Conseil un préavis aussi long que possible avant le début du travail par poste.

15.08 Heures supplémentaires

L’Employeur fait tout effort raisonnable pour

a) répartir équitablement les heures supplémentaires parmi les employés qualifiés disponibles;

b) donner un préavis d’au moins quatre (4) heures aux employés tenus de faire des heures supplémentaires;

c) de réduire au minimum les heures supplémentaires.

15.09 Rémunération des heures supplémentaires

Sous réserve de la clause 15.13, les heures supplémentaires effectuées sont rémunérées aux taux suivants :

a) deux (2) fois le taux normal pour chaque heure effectuée en sus de huit (8) heures au cours d’une période de travail ininterrompue ou en sus de huit (8) heures au cours de la même journée jusqu’à un maximum de seize (16) heures au cours d’une période de travail ininterrompue, ainsi que pour toutes les heures effectuées un jour de repos jusqu’à concurrence de seize (16) heures;

b) trois (3) fois le taux normal pour chaque heure effectuée en sus de seize (16) heures au cours d’une période de travail ininterrompue ou en sus de seize (16) heures au cours d’une période de vingt-quatre (24) heures, ainsi que pour toutes les heures effectuées par un employé qui est rappelé au travail avant l’expiration de la période de neuf (9) heures dont il est question à la clause 15.10.

15.10 Sous réserve de la clause 15.11, l’employé qui travaille quinze (15) heures ou plus au cours d’une période de vingt-quatre (24) heures ne se présente pour le poste suivant prévu à son horaire normal que neuf (9) heures après la fin de la période de travail précédente, à moins qu’il n’en soit autrement informé par le surveillant. Si, dans l’application de la présente clause, la période de travail de l’employé durant le poste suivant est inférieure à sa durée totale, il touche néanmoins huit (8) heures de rémunération normale.

15.11 Un employé ne travaillera pas plus de quinze (15) heures par période de vingt-quatre (24) heures, sauf lorsque les nécessités du service l’exigent.

[…]

15.13 L’employé a droit à la rémunération des heures supplémentaires pour toute période complète de six (6) minutes d’heure supplémentaire qu’il effectue.

15.14 Lorsque la direction exige d’un employé qu’il travaille pendant sa pause repas normale, il est rémunéré au taux des heures supplémentaires applicable pour la période dudit travail et il doit bénéficier du temps libre payé pour prendre son repas au cours de la demi-heure (1/2) qui précède immédiatement la pause repas normale ou au cours de la demi-heure (1/2) qui suit la fin de la pause repas normale.

15.15

**

a) Nonobstant les dispositions des clauses 15.09 et 17.03, l’employé peut demander, en remplacement de la rémunération des heures supplémentaires, un congé compensatoire rémunéré à concurrence d’un maximum de quarante (40) heures de crédit à tout moment au cours de l’année financière. L’approbation de l’Employeur n’est pas refusée sans motif valable.

b) Le taux de rémunération auquel l’employé a droit pendant un tel congé se fonde sur le taux horaire de rémunération de l’employé, calculé selon la classification qu’indique son certificat de nomination au poste d’attache le jour qui précède celui où le congé est pris.

c) L’Employeur accorde le congé compensatoire de manière à tenir compte de ses propres besoins et de ceux de l’employé.

d) Tout congé compensatoire acquis et non utilisé au 31 mars de chaque année est normalement rémunéré en espèces. Ces congés peuvent, d’un commun accord, être reportés à l’année de congé suivante.

15.16 Période de repos

L’Employeur prévoit à l’horaire deux (2) périodes de repos de dix (10) minutes chacune durant chaque poste entier de travail.

15.17 Indemnité de repas pendant les heures supplémentaires

a) Une indemnité de repas de dix dollars et cinquante cents (10,50 $) est versée :

**

(i) à l’employé qui est tenu d’effectuer des heures supplémentaires et à condition qu’il travaille pendant une période de trois (3) heures dont le début se situe au cours de l’heure qui suit celle à laquelle il finit normalement de travailler;

(ii) à l’employé qui est tenu de travailler pendant au moins trois (3) heures juste avant l’heure à laquelle il commence normalement à travailler;

(iii) à l’employé qui a travaillé pendant une période initiale de trois (3) heures supplémentaires, pour chaque période subséquente de quatre (4) heures supplémentaires de travail;

et

(iv) à l’employé qui est rappelé au travail conformément à la clause 18.01, pour chaque période de quatre (4) heures supplémentaires de travail;

b) Sauf dans les cas prévus à la clause 15.17a)(iv), un employé qui effectue des heures supplémentaires un jour de repos ou un jour férié n’a pas droit à une indemnité de repas pour les huit (8) premières heures. Lorsqu’un employé travaille au-delà de cette période, une indemnité de repas de dix dollars et cinquante cents (10,50 $) est versée pour chaque période additionnelle de quatre (4) heures.

c) Les dispositions des clauses 15.17a) et b) ne s’appliquent pas aux employés assignés aux essais en mer lorsque des repas gratuits sont fournis aux employés pendant les périodes décrites aux clauses 15.17a) et b).

15.18 À moins d’une indication contraire de la part de l’Employeur, tout employé qui est tenu d’effectuer des heures supplémentaires doit prendre une pause repas non payée d’une durée minimale de quarante-cinq (45) minutes, dès la fin de son poste de travail régulier.

3. Les fonctionnaires travaillaient normalement un poste de travail de jour, c.‑à‑d. le poste dont il est question à la clause 15.02b.), de 7 h 45 à 16 h 15 avec une pause repas non payée de 12 h à 12 h 30.

4. Dates/poste en litige

Fonctionnaires du groupe A

a) Aux dates en question, ces fonctionnaires étaient tous affectés à l’Atelier des gros travaux d’électricité de l’Installation de maintenance de la flotte du ministère de la Défense nationale (MDN) de Cape Scott, à Halifax.

b) Le jeudi 14 janvier 2010, en raison du tremblement de terre à Haëti, l’employeur a jugé nécessaire de préparer le NCSM Toronto afin qu’il soit déployé le plus rapidement possible pour participer à l’opération de secours.

c) Le 14 janvier 2010, les fonctionnaires devaient travailler leur poste de jour normal de 7 h 45 à 16 h 15 (c.‑à‑d. huit heures, plus une demi-heure de pause repas non payée). * EXCEPTION : Lorin Carter a commencé son poste de jour normal à 10 h 15 le 14 janvier 2010. Il a été rémunéré de 7 h 45 à 10 h 15, dans le cadre de la période de repos en raison d’heures qu’il avait travaillées précédemment.

d) Vers 14 h le 14 janvier 2010, les fonctionnaires ont été informés qu’ils devaient faire des heures supplémentaires à partir de 23 h 45 ce soir-là. Les fonctionnaires ont été renvoyés chez eux et on les a informés de se reposer avant de retourner au travail à 23 h 45.

e) Par conséquent, les fonctionnaires ont quitté le travail au plus tard à 14 h 45 le 14 janvier 2010. Toutefois, ils ont été payés (rémunération normale) jusqu’à la fin de leur poste prévu, soit jusqu’à 16 h 15.

f) Les fonctionnaires n’étaient pas obligés d’accepter de faire des heures supplémentaires.

g) Les fonctionnaires se sont rendus au travail pour faire leurs heures supplémentaires à 23 h 45 le 14 janvier 2010. Ils ont été payés au taux des heures supplémentaires (c.‑à‑d. deux fois le taux normal conformément à la clause 15.09a)) jusqu’à 7 h 45 le 15 janvier 2010 (c.‑à‑d. huit heures).

h) Les fonctionnaires ont été informés qu’ils devaient rester et travailler leur poste normal prévu (c.-à-d. jusqu’à 16 h 15).

i) Les fonctionnaires ont ensuite travaillé leur poste de jour normal de 7 h 45 à 16 h 15 le 15 janvier 2010 (c.‑à‑d. huit heures, plus une demi-heure de pause-repas non payée).

5. Fonctionnaires du groupe B

a) Aux dates en question, ces fonctionnaires étaient tous affectés à la Division d’armement de l’Installation de maintenance de la flotte du MDN de Cape Scott, à Halifax.

b) Dans le cadre de leur travail, les fonctionnaires travaillaient avec le Département du génie civil pour réaliser des essais. Certains essais ne pouvaient être réalisés durant le jour (en raison de la sensibilité des instruments aux rayons du soleil et d’autres variables). Ainsi, la plupart des essais étaient réalisés la nuit.

c) Aux dates en question, les fonctionnaires devaient travailler leur poste de jour normal de 7 h 45 à 16 h 15 (c.‑à‑d. huit heures, plus une demi-heure de pause-repas non payée).

d) Aux dates en question, chacun des fonctionnaires s’est vu offrir de travailler des heures supplémentaires à 23 h ce soir-là afin de réaliser des essais.

e) Dans tous les cas, les fonctionnaires ont été renvoyés chez eux à 14 h, soit avant la fin de leur poste de jour normal. Cependant, ils ont été payés jusqu’à la fin de leur poste prévu, soit jusqu’à 16 h 15.

f) Les fonctionnaires n’étaient pas obligés d’accepter de faire des heures supplémentaires.

g) Aux dates en question, chaque fonctionnaire a été payé au taux des heures supplémentaires (c.‑à‑d. deux fois le taux normal conformément à la clause 15.09a)) de 23 h à 7 h (c.‑à‑d. huit heures).

 h) Le temps entre 7 h et 7 h 45 a été utilisé comme une pause-repas non payée.

i) Les fonctionnaires ont été informés qu’ils devaient rester et travailler leur poste normal (c.‑à‑d. jusqu’à 16 h 15).

j) Chacun des fonctionnaires a travaillé son poste de jour de 7 h 45 à 16 h 15 (c.‑à‑d. huit heures, plus une demi‑heure de pause-repas non payée).

k) La répartition des dates applicables en question pour ce groupe de fonctionnaires est comme suit :

i) James Logan: 2 et 3 octobre 2008;
ii) Marc Samson : 2 et 3 octobre 2008;
iii) Shawn Seaboyer : 5 et 6 novembre 2008;
iv) Margaret Miller : 5 et 6 novembre 2008;
v) Brandon Cameron : 4 et 5 novembre 2008;
  5 et 6 novembre 2008;
  29 et 30 janvier 2009;
vi) Anthony Casella : 13 et 14 mai 2009;
vii) Joshua Carew : 14 et 15 mai 2009;
viii) Mitchell Ellis : 14 et 15 mai 2009.

[…]

[Notes de bas de page omises]

B. Témoignage de M. Mitchell

6 La Division d’armement entretient et remet en état les systèmes d’armes des navires et des sous-marins. Avec ses quelques sous-divisions, elle réalise aussi des essais périodiques des systèmes d’armes afin de veiller à ce qu’ils fonctionnent correctement. Les essais doivent être réalisés à la fois de jour et de nuit, parce que la chaleur du soleil, qui entraîne la dilatation et la contraction de la superstructure des navires, peut réduire les performances des systèmes d’armes.

7 La Division d’armement a réalisé trois essais d’octobre 2008 à mai 2009. Comme il a été noté, certains essais ont été réalisés entièrement la nuit. Ainsi, certains employés qui occupent normalement un poste de jour se sont vu offrir de faire des heures supplémentaires la nuit, à partir de 23 h.

8 M. Mitchell a affirmé qu’il n’était pas nécessaire que tous les 12 employés qui occupaient normalement un poste de jour travaillent pendant la partie des essais d’armes qui se déroulait la nuit. Les heures supplémentaires nécessaires étaient divisées en deux. Une moitié des employés travaillaient immédiatement après la fin de leur poste de jour, et l’autre moitié des employés commençait à 23 h et travaillait ses heures supplémentaires durant la nuit. M. Mitchell et son superviseur savaient que les employés qui travaillaient durant la nuit travaillaient au petit matin et que, par conséquent, ils avaient besoin davantage de périodes de repos. Il savait que la convention collective faisait référence à une période de repos de neuf heures et il estimait que neuf heures constituaient une période de repos appropriée pour se préparer à travailler un poste de nuit. Ainsi, il a compté neuf heures avant l’heure du début de son poste de nuit (23 h), ce qui l’a amené à 14 h. Il a renvoyé les employés qui allaient faire des heures supplémentaires durant la nuit chez eux à 14 h plutôt qu’à 16 h 15, l’heure normale.

9 Lors de son contre-interrogatoire, M. Mitchell a indiqué qu’il ne pensait pas expressément à la clause 15.10 de la convention collective lorsqu’il a analysé le temps de repos qu’il devait laisser aux employés de jour qui allaient faire des heures supplémentaires la nuit. Son seul souci était que les employés aient la période de repos appropriée pour les préparer à leur poste de nuit. Il a admis, lors de son contre‑interrogatoire, que s’il n’avait pas renvoyé ces employés chez eux plus tôt, il aurait eu à leur accorder les neuf heures de repos prévues à la clause 15.10 à la fin de leur poste de nuit, parce que les deux postes cumulés auraient dépassé 15 heures de travail dans une période de 24 heures. Il a ajouté qu’il [traduction] « […] n’en était pas conscient à ce moment-là […] [il] accordait plus d’attention au repos nécessaire […] mais maintenant que [l’avocat de l’agent négociateur et les fonctionnaires du groupe A le présente] de cette façon, les calculs sont valables, alors ils auraient eu droit à [neuf heures de repos] ».

C. Témoignage de M. Beaulieu

10 M. Beaulieu a déclaré que le 10 janvier 2010, un tremblement de terre important a frappé Haëti. Le 13 janvier, l’employeur a reçu l’ordre de déployer le NCSM Toronto, le NCSM Preserver et le NCSM Athabaskan afin de soutenir les opérations de secours. Le NCSM Toronto nécessitait beaucoup de travail; entre autres, ses générateurs diesel devaient être préparés pour le travail qu’ils devaient effectuer à Haëti. On avait donné l’ordre de travailler jour et nuit pour préparer le navire.

11 Pour ce faire, M. Beaulieu avait besoin d’électriciens pour travailler sur le navire et dans l’atelier. Il fallait qu’ils travaillent pendant leur poste de jour normal. Étant donné que les mêmes électriciens ne pouvaient pas faire d’heures supplémentaires dans l’après-midi et la nuit, il les a divisés. Ce sont les employés qui ont décidé de la répartition des heures supplémentaires, attribuant le travail dans l’après-midi à une moitié des employés, et le travail de nuit à l’autre moitié.

12 M. Beaulieu croyait qu’il était important d’accorder plus de périodes de repos aux électriciens ayant décidé de faire leurs heures supplémentaires la nuit entre la fin de leur poste de jour normal et le début de leur poste de nuit à 23 h 45. Ainsi, il a renvoyé ces employés plus tôt chez eux (avec rémunération), soit à 14 h 45. Ils sont retournés au travail plus tard et ont travaillé le poste de nuit. À la fin de leur poste de nuit, ils ont demandé neuf heures de repos conformément à la clause 15.10 de la convention collective plutôt que de commencer leur prochain poste de jour normal à 7 h 45. M. Beaulieu ne pensait pas que la clause 15.10 s’appliquait, parce que selon ses calculs, les employés n’avaient pas travaillé 15 heures au cours des 24 dernières heures. Comme M. Mitchell, il croyait que l’agent négociateur et l’employeur s’étaient entendus sur le fait que neuf heures étaient une période de repos raisonnable. Lors de son contre-interrogatoire, M. Beaulieu a affirmé que, même s’il avait le pouvoir d’obliger les employés à faire des heures supplémentaires au besoin, cela n’avait pas été nécessaire à cette occasion. Il a aussi indiqué que lorsqu’il a soulevé la question avec un représentant de l’agent négociateur, il a dit que s’il perdait les griefs du groupe A, à l’avenir, il ferait simplement commencer les heures supplémentaires à 1 h 15 le jour suivant plutôt qu’à 23 h 45 le jour même, et qu’ainsi, [traduction] « le syndicat ne pourrait rien faire ».

13 M. Beaulieu a affirmé qu’en pratique, les heures supplémentaires dans l’atelier peuvent être – et ont été - travaillées à la fois avant le début d’un poste normal prévu à l’horaire et après un tel poste.

D. La question fondamentale

14 Tous les fonctionnaires occupaient régulièrement le poste de jour de 7 h 45 à 16 h 15, [traduction] « […] avec une pause repas non payée de 12 h à 12 h 30 » (voir la clause 15.02b) de la convention collective). Les griefs ont découlé du scénario suivant :

  • les fonctionnaires ont commencé leur poste régulier à 7 h 45 le premier jour (jour 1) d’une période de deux jours;
  • ils ont été renvoyés chez eux avant la fin normale (16 h 15) de leur poste régulier de huit heures;
  • ils sont retournés au travail à la fin du jour 1 afin de faire huit heures supplémentaires;
  • ces heures supplémentaires commençaient à 23 h 45 le jour 1 dans le cas des fonctionnaires du groupe A et à 23 h le jour 1 dans le cas des fonctionnaires du groupe B, et se prolongeaient au deuxième jour (jour 2);
  • ces heures supplémentaires se terminaient immédiatement avant le début de leur poste de jour régulier du jour 2 dans le cas des fonctionnaires du groupe A et à 7 h le jour 2 dans le cas des fonctionnaires du groupe B, qui commençaient ensuite leur poste de jour régulier à 7 h 45, après une pause‑repas de 45 minutes.

15 Il n’était pas contesté que, normalement (c’est-à-dire si les fonctionnaires n’avaient pas été renvoyés chez eux plus tôt le jour 1), le nombre total d’heures travaillées durant une période de 24 heures qui commençait au début du poste de jour régulier le jour 1 aurait dépassé 15 heures. On serait tombé sous le coup de la clause 15.10 de la convention collective, et les fonctionnaires auraient eu droit à neuf heures de repos à la fin de leurs heures supplémentaires, à moins que le superviseur n’en décide autrement. Ainsi, les fonctionnaires auraient eu le droit de :

  • retourner chez eux après leurs heures supplémentaires se terminant le jour 2 et tout de même recevoir huit heures de salaire; ou
  • travailler leur poste de jour régulier le jour 2 au taux des heures supplémentaires précisé à la clause 15.09b), puisqu’ils devaient recommencer à travailler avant l’expiration de la période de repos de neuf heures dont il est question dans la clause 15.10.

Cependant, les fonctionnaires n’ont pas eu à travailler leur poste régulier complet le jour 1. Ils ont été renvoyés chez eux plus tôt. L’avocat de l’agent négociateur et les fonctionnaires du groupe A ont concédé (et l’avocate de l’employeur n’a pas nié) que cela signifiait que les fonctionnaires avaient travaillé environ 6,5 heures des 8 heures qu’ils auraient normalement travaillées le jour 1. Puisque le poste de nuit comptait huit heures, le nombre total d’heures travaillées durant la période de 24 heures ayant commencé au début du poste régulier le jour 1 ne dépassait pas les 15 heures dont il est question dans la clause 15.10 de la convention collective.

III. Résumé de l’argumentation

16 La position de l’employeur était simple. Les fonctionnaires n’avaient pas travaillé plus de 15 heures dans la période de 24 heures commençant à 7 h 45 le jour 1. Par conséquent, ils n’avaient pas droit à la période de repos de neuf heures prescrite par la clause 15.10 de la convention collective.

17 Toutefois, la position de l’agent négociateur et des fonctionnaires du groupe A était plus subtile. L’employeur n’aurait pas dû être autorisé à se soustraire de ce qui se serait produit si l’horaire de travail régulier avait été respecté, particulièrement si cela visait à contourner les dispositions de la convention collective. L’agent négociateur et les fonctionnaires du groupe A ont essentiellement fait valoir que, dans un tel cas, il faudrait que ce qui aurait pu se produire soit réputé avoir réellement eu lieu.

A. Pour l’agent négociateur et les fonctionnaires du groupe A

18 L’avocat de l’agent négociateur et les fonctionnaires du groupe A ont présenté leurs arguments en plusieurs étapes.

19 Premièrement, les fonctionnaires qui ont été renvoyés chez eux ont tout de même été payés pour les heures non travaillées de leur poste. Aucune disposition de la convention collective n’exige que l’employeur verse une rémunération pour des heures de travail régulier qui n’ont pas été travaillées. De plus, le sous‑alinéa 34(1)a)(i) de la Loi sur la gestion des finances publiques (LGFP), L.R.C. (1985), ch. F‑11, indique que « [t]out paiement d’un secteur de l’administration publique fédérale est subordonné […] à une attestation […] selon laquelle […] les services [ont été] rendus ou les travaux exécutés […] ». Ainsi, la décision de l’employeur de renvoyer les fonctionnaires plus tôt et de les payer pour la totalité de leur poste ne peut pas être expliquée par la convention collective et la LGFP, et était incompatible avec celles-ci.

20 Deuxièmement, selon la logique et le bon sens, l’employeur et l’agent négociateur ont approuvé la clause 15.10 de la convention collective, parce qu’ils reconnaissaient qu’un employé ayant fait beaucoup d’heures supplémentaires après son poste régulier serait fatigué. Le fait d’exiger qu’un employé travaille ensuite son prochain poste régulier sans période de repos équivalait, dans le meilleur des cas, à s’exposer au piètre rendement des employés ou, dans le pire des cas, à causer des accidents. La situation des fonctionnaires cadre bien avec l’objet de la clause 15.10, même si, à proprement parler, ils n’avaient pas travaillé 15 heures. En se fiant uniquement au fait que les fonctionnaires avaient travaillé quelques heures de moins que leur poste normal, l’employeur n’a pas tenu compte du fait que la fatigue associée à un poste complet d’heures supplémentaires après un poste régulier écourté était un facteur important et significatif – le facteur même dont il est question à la clause 15.10.

21 Troisièmement, en vertu de la clause 5.01 de la convention collective, l’exercice des droits de gestion de l’employeur « […] ne doit pas être incompatible avec les dispositions explicites de la présente convention ». Dans ce cas, l’interprétation stricte et l’application de la clause 15.10 de l’employeur étaient incompatibles avec la convention collective. L’employeur a exigé et admis que les heures non travaillées soient rémunérées. L’employeur a méconnu l’esprit et l’objet sous-jacents d’une disposition comme la clause 15.10. Ainsi, l’employeur n’aurait pas dû être autorisé à exercer son droit de gérer les heures de travail de ses employés d’une manière incompatible aux attentes normales de l’agent négociateur et de l’employeur, telles qu’établies et garanties par la convention collective.

22 Quatrièmement, et enfin, l’avocat de l’agent négociateur et les fonctionnaires du groupe A ont affirmé qu’il était raisonnable de conclure que la vraie raison pour laquelle l’employeur a renvoyé les fonctionnaires chez eux plus tôt le jour 1 n’était pas de leur donner du repos supplémentaire avant le début de leurs heures supplémentaires la nuit. Plutôt, l’employeur a agi de la sorte pour éviter de se trouver en porte-à-faux avec la clause 15.10 de la convention collective et de pouvoir soutenir - comme il l’a fait devant moi - que les fonctionnaires n’avaient pas travaillé un total de 15 heures avant le début de leur prochain poste régulier le jour 2. Aucune raison opérationnelle ne justifiait que l’employeur organise le travail de la façon dont il l’a fait, si ne c’est de contourner la clause 15.10. L’avocat a affirmé que cela n’était pas conforme à la convention collective dans son ensemble et que je ne devrais pas en tenir compte.

23 Subsidiairement, l’avocat de l’agent négociateur et les fonctionnaires du groupe A a déclaré que si les fonctionnaires n’avaient pas droit à neuf heures de repos le jour 2 à la suite de leur poste de nuit, ils auraient dû être payés au taux double pour leur poste régulier le jour 2. Cet argument découle du libellé de la clause 15.09a) de la convention collective, qui indique que « […] les heures supplémentaires effectuées sont rémunérées aux taux suivants : […] deux (2) fois le taux normal pour chaque heure effectuée en sus de huit (8) heures au cours d’une période de travail ininterrompue ou en sus de huit (8) heures au cours de la même journée […] » Les fonctionnaires ont travaillé huit heures supplémentaires avant de commencer leur poste régulier de huit heures le jour 2. Ils devaient travailler leur poste régulier le jour 2. Par conséquent, ils ont travaillé plus de huit heures « au cours d’une période de travail ininterrompue », et devaient donc être payés au taux double au début de leur poste régulier le jour 2.

24 L’avocat de l’agent négociateur et les fonctionnaires du groupe A ont concédé que cet argument est manifestement en contradiction avec la définition du travail supplémentaire de la convention collective. La clause 2.01o) précise que le « travail supplémentaire désigne tout travail exécuté en dehors de l’horaire de travail d’un employé ». Compte tenu de cette définition, l’argument subsidiaire de l’avocat dépendait de mon appréciation quant à savoir si les heures du poste de jour régulier du jour 2 étaient réellement des heures « […] en dehors de l’horaire de travail de l’employé […] ». Cependant, il a affirmé que la convention collective prévoyait plusieurs circonstances où la rémunération d’un employé se faisait au taux des heures supplémentaires pour des heures prévues à son horaire de travail régulier.

25 Par exemple, la clause 15.09b) de la convention collective précise qu’un employé doit être payé trois fois le taux normal « […] pour toutes les heures effectuées par un employé qui est rappelé au travail avant l’expiration de la période de neuf (9) heures dont il est question à la clause 15.10 ». Ainsi, la clause 15.10 envisage expressément la possibilité qu’un employé doive travailler ses heures de travail normales, même si ces heures font partie du neuf heures de repos prescrit par la clause 15.10. L’avocat a soumis que cela était un exemple tiré de la convention collective qui indique qu’il se peut qu’un employé soit payé au taux des heures supplémentaires pour un travail effectué durant son horaire régulier.

26 L’avocat de l’agent négociateur et les fonctionnaires du groupe A a aussi fait référence à la clause 15.14 de la convention collective, qui dispose qu’un employé doit être rémunéré au taux des heures supplémentaires s’il doit travailler pendant « sa pause-repas normale ». Il a affirmé que cela représentait un autre exemple d’un travail effectué durant son horaire régulier qui était rémunéré au taux des heures supplémentaires.

27 Enfin, l’avocat de l’agent négociateur et les fonctionnaires du groupe A a renvoyé à la clause 15.05 de la convention collective, qui permet « [s]ous réserve de l’application de la clause 15.09, [d’affecter un employé] d’un poste à un autre durant un même jour de travail ». Lorsqu’un employeur affecte un employé d’un poste à un autre durant le même jour de travail, le taux des heures supplémentaires s’applique, même si les postes en question sont tous deux des postes de jour; voir Brady et al. c. Conseil du Trésor (Défense nationale), dossiers de la CRTFP 166‑02‑24895, 24896, 24898 et 24134 (19931130).

28 Par conséquent, l’argument fondamental était qu’un employé devant travailler plus de huit au cours d’une période ininterrompue doit être rémunéré au taux des heures supplémentaires, même si ces heures supplémentaires sont travaillées pendant ce qui aurait autrement été considéré comme l’horaire régulier de l’employé.

29 À titre de réparation, l’avocat de l’agent négociateur et les fonctionnaires du groupe a demandé :

  • en ce qui concerne son principal argument;
    • une déclaration selon laquelle l’employeur a violé la convention collective en refusant aux fonctionnaires la période de repos de neuf heures à laquelle ils avaient droit en vertu de la clause 15.10 de la convention collective, et ce, à partir du début de leur poste de jour régulier le jour 2;
    • une ordonnance voulant que l’employeur dédommage les fonctionnaires pour la perte subie en raison de cette violation;
    • que je conserve compétence pour déterminer le montant du dédommagement dans le cas où les parties n’arrivent pas à s’entendre à ce sujet;
  • en ce qui concerne son argument subsidiaire;
    • une déclaration selon laquelle l’employeur doit rémunérer les fonctionnaires au taux des heures supplémentaires pour les heures qu’ils ont travaillées pendant leur poste de jour normal du jour 2;
    • une ordonnance voulant que l’employeur verse aux fonctionnaires la différence entre le taux des heures supplémentaires applicable et le taux auquel ils ont été rémunérés ;
    • que je conserve compétence pour déterminer le montant du versement dans le cas où les parties n’arrivent pas à s’entendre à ce sujet;

B. Pour l’employeur

30 L’avocate de l’employeur a indiqué que l’accent mis sur la clause 15.10 de la convention collective, ainsi que sur les dispositions des clauses 15.09a) et b), repose sur les heures travaillées. Cela étant dit, les seules heures qui doivent être prises en considération pour déterminer si la clause 15.10 a été respectée ou non sont celles travaillées durant une période de 24 heures. Puisque les fonctionnaires n’ont pas travaillé un total de 15 heures dans une période de 24 heures, ils n’avaient pas droit à la période de repos de 9 heures prescrite par la clause 15.10.

31 Le fait que la décision de l’employeur de renvoyer les fonctionnaires chez eux plus tôt le jour 1 a permis d’éviter ce qui se serait autrement produit - à savoir que la clause 15.10 de la convention collective produise ses effets – n’a pas changé cette conclusion. L’employeur avait parfaitement le droit de renvoyer les fonctionnaires chez eux avant la fin de leur poste régulier. Même si la clause 15.01a) indique que « la durée du travail est fixée à […] huit (8) heures par jour […] », la clause 15.04 indique clairement que ces heures « […] ne doivent pas être interprétées comme une garantie de durée de travail minimale ou maximale ». Ainsi, rien n’empêchait l’employeur de renvoyer ses employés plus tôt. Même si l’employeur a rémunéré les fonctionnaires pour les heures qu’ils n’ont pas travaillées, et que le fait de les renvoyer était peut-être une erreur, la convention collective n’empêche pas l’employeur de payer les heures non travaillées. Par conséquent, ce n’est pas une erreur qui a vicié le point fondamental que les fonctionnaires n’ont pas travaillé un poste complet de huit heures le jour 1. Ainsi, ils n’ont pas travaillé 15 heures avant leur prochain poste régulier débutant à 7 h 45 le jour 2.

32 L’avocate de l’employeur a soumis que l’employeur n’a pas essayé de contourner la convention collective, contrairement à ce qu’a laissé entendre l’avocat de l’agent négociateur et les fonctionnaires du groupe A. En effet, il a respecté ses obligations. L’employeur était préoccupé par la santé et la sécurité de ses employés, et c’est précisément pour cette raison qu’il les a renvoyés chez eux plus tôt, afin de leur donner plus de temps de repos pour leur permettre de travailler en toute sécurité le jour 2.

33 En ce qui a trait à l’argument subsidiaire de l’avocat de l’agent négociateur et les fonctionnaires du groupe A, l’avocate de l’employeur a soumis que la position de l’agent négociateur et des fonctionnaires du groupe A était basée sur l’hypothèse que les heures supplémentaires ont été travaillées uniquement après le poste régulier prévu.

34 Cependant, la preuve de M. Beaulieu, laquelle n’a pas été contestée par l’agent négociateur et les fonctionnaires du groupe A, était que le travail supplémentaire était en pratique effectué avant et après un poste régulier prévu. De plus, selon la clause 2.01o) de la convention collective, le travail supplémentaire est défini comme « […] tout travail exécuté en dehors de l’horaire de travail d’un employé ». Dans les présents cas, les heures travaillées par les fonctionnaires le jour 2 étaient des heures prévues à l’horaire. Par conséquent, ces heures ne pouvaient pas être considérées comme du travail supplémentaire.

35 L’avocate de l’employeur a souligné le fait que le travail supplémentaire en question n’était pas exigé, c’est-à-dire qu’il n’a pas été exigé par l’employeur. Selon la preuve produite, le travail supplémentaire a été offert aux fonctionnaires, que ceux-ci ont accepté et qu’ils ont décidé entre eux qui le ferait et à quel moment.

36 L’avocate de l’employeur a conclu en demandant que tous les griefs soient rejetés.

C. Réfutation de l’agent négociateur et des fonctionnaires du groupe A

37 L’avocat de l’agent négociateur et les fonctionnaires du groupe A a déclaré que l’important n’était pas de savoir si l’employeur avait l’autorité nécessaire pour renvoyer ses employés plus tôt, mais plutôt si, dans le contexte, l’employeur a utilisé son droit de renvoyer les fonctionnaires plus tôt afin de contourner ses obligations. Autrement dit, si l’employeur a utilisé son pouvoir pour des motifs non opérationnels, soit pour éviter de donner la période de repos de neuf heures dont il est question à la clause 15.10 de la convention collective, il a utilisé son pouvoir de manière incompatible avec la convention collective.

IV. Motifs

38 Les griefs dont je suis saisi sont une question d’interprétation. La jurisprudence en matière de décisions est claire, en ce sens que mon obligation en tant qu’arbitre de grief est de déterminer l’intention de l’agent négociateur et de l’employeur en fonction des termes qu’ils ont employés lorsqu’ils ont écrit la convention collective. Je ne suis pas autorisé à réécrire la convention collective en vertu de l’article 229 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP), édictée par l’article 2 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22. L’article 229 se lit comme suit :

229. La décision de l’arbitre de grief ne peut avoir pour effet d’exiger la modification d’une convention collective ou d’une décision arbitrale.

Si les termes utilisés sont clairs, je dois les appliquer, à moins que le contexte ne laisse supposer que l’agent négociateur ou l’employeur prévoyait un résultat différent.

39 Je vais commencer avec la clause 15.10 de la convention collective et la question relative à son interprétation. Les termes performatifs sont les suivants : « […] l’employé qui travaille quinze (15) heures ou plus au cours d’une période de vingt-quatre (24) heures ne se présente pour le poste suivant prévu à son horaire normal que neuf (9) heures après la fin de la période de travail précédente […] ». L’accord entre l’agent négociateur et l’employeur, tel qu’exprimé par le libellé de la clause 15.10, apparaît clairement. Un employé qui travaille 15 heures ou plus au cours d’une période de 24 heures a droit à une période de repos de 9 heures à la fin de cette période de 24 heures.

40 Dans les présents cas, les parties conviennent que la période de 24 heures en question a débuté à 7 h 45 le jour 1 et s’est terminée à 7 h 45 le jour suivant. Les fonctionnaires ont-ils travaillé 15 heures ou plus au cours de cette période? La réponse doit être « Non ». Comme précisé ci-dessus, dans les deux cas le nombre total d’heures travaillées par les fonctionnaires du groupe A et du groupe B au cours de la période de 24 heures qui a commencé au début de leur poste régulier prévu à 7 h 45 le jour 1 était de moins de 15 heures. Ainsi, la clause 15.10 de la convention collective a manifestement été respectée.

41 L’argument de l’agent négociateur et des fonctionnaires du groupe A exige que l’on en vienne à la conclusion que le résultat est en contravention de la convention collective. Je reconnais que l’employeur a réussi à faire en sorte que les fonctionnaires travaillent moins de 15 heures en renvoyant les employés plus tôt de leur poste de jour régulier. S’il n’avait pas agi ainsi, le nombre total d’heures travaillées auraient dépassé 15 heures, et la clause 15.10 n’aurait pas été respectée. Toutefois, ce n’est pas ce qui s’est produit. L’employeur a renvoyé les fonctionnaires chez eux plus tôt le jour 1. Aucune disposition de la convention collective n’empêchait l’employeur d’agir ainsi. Les heures de travail régulières établies aux clauses 15.01 et 15.02 « […] ne doivent pas être interprétées comme une garantie de durée du travail minimale ou maximale […] » : voir la clause 15.04. L’employeur « […] a et doit continuer d’avoir exclusivement le droit et la responsabilité de diriger ses opérations […] » : voir la clause 5.01. Si l’employeur décide de renvoyer ses employés chez eux plus tôt, il a le droit de le faire.

42 L’agent négociateur et les fonctionnaires du groupe A ont reconnu les droits de l’employeur, mais ont allégué que celui-ci ne pouvait pas exercer ses droits de manière « […] incompatible avec les dispositions explicites de la présente convention […] » : voir clause 5.01 de la convention collective. L’incompatibilité serait que l’employeur ait rémunéré les fonctionnaires pour des heures qu’ils n’ont pas travaillées, qu’il n’ait pas agi conformément à l’objet sous-jacent de la clause 15.10, et que, à tous égards, il ait agit de la sorte sans motif opérationnel valable, uniquement pour éviter les effets de la clause 15.10.

43 En bout de ligne, je n’ai pas été convaincu par ces arguments.

44 La décision de l’employeur de rémunérer les fonctionnaires pour les heures qu’ils n’ont pas travaillées pourrait constituer une contravention au sous‑alinéa 34(1)a)(i) de la LGFP; je ne rends aucune décision à ce sujet. Cependant, le caractère illégal prétendu de la décision, aux fins du débat actuel, n’est pas pertinent ou important dans l’affaire dont je suis saisi. Si l’employeur n’avait pas rémunéré les fonctionnaires pour les heures non travaillées, ces derniers seraient demeurés exactement dans la même position vis‑à‑vis de la clause 15.10 de la convention collective. Ils n’auraient tout de même travaillé que 6 heures de leur poste régulier le jour 1 et auraient donc travaillé moins des 15 heures dont il est question à la clause 15.10. Dans les deux cas, je me pose la même question : l’employeur peut-il, dans les faits qui nous concernent, contourner la clause 15.10 en renvoyant ses employés chez eux plus tôt?

45 Cela nous amène à discuter de l’objet de la clause 15.10 de la convention collective. L’agent négociateur et les fonctionnaires du groupe A ont affirmé que la logique, ainsi que la réalité, veulent que l’agent négociateur et l’employeur aient prévu que la période de repos de neuf heures à laquelle fait référence la convention collective soit prise après plutôt qu’avant ou durant les 15 heures de travail. Les employés deviennent fatigués après plutôt qu’avant une longue période de travail. Le libellé de la clause 15.10 établit donc que la période de repos de 9 heures commence « […] après la fin de la période de travail précédente […] » Le fait de donner aux fonctionnaires une période de repos de 9 heures entre la fin de la première période de travail (le poste régulier écourté) et le début de la deuxième période de travail (le travail supplémentaire qui a commencé ce soir-là) n’était pas compatible avec cet objectif. La difficulté avec cet argument est qu’il m’invite à réécrire la convention collective, ce que je ne suis pas autorisé à faire en vertu de l’article 229 de la LRTFP.

46 La clause 15.10 de la convention collective est axée sur les heures de travail dans une période de 24 heures. La seule chose qui compte est de savoir si l’employé a travaillé 15 heures ou plus au cours d’une période de 24 heures. Ces 15 heures pourraient être accumulées de l’une des deux façons suivantes :

  • des postes qui se succèdent l’un à l’autre en série sur une période continue de 15 heures (ou plus); ou
  • des postes ou des périodes de travail totalisant 15 heures ou plus et entrecoupés d’une période de repos.

La deuxième situation s’applique aux présents cas. La clause 15.10 de la convention collective n’indiquait pas que les heures de repos ne comptaient pas si elles avaient pu être travaillées. Cela ne crée pas deux catégories d’heures de repos, soit celles qu’on prend après le poste régulier prévu et celles qu’on prend parce qu’un poste s’est terminé plus tôt que prévu, pour une raison quelconque. La clause 15.10 est expressément et uniquement axée sur le nombre d’heures travaillées durant une période de 24 heures. Si j’acceptais la déclaration de l’agent négociateur et des fonctionnaires du groupe A, cela signifierait que l’on doit étoffer, modifier ou changer le libellé de la clause 15.10 pour qu’elle prenne en considération le caractère des heures de repos ou le moment auquel elles ont eu lieu au cours de la période de 24 heures, en plus des heures de travail. Je ne suis pas autorisé à agir ainsi, en vertu de l’article 229 de la LRTFP.

47 De plus, les faits ne contredisent en rien ce que l’agent négociateur et les fonctionnaires du groupe A ont affirmé être l’objet sous‑jacent de la clause 15.10 de la convention collective, et ne sont pas incompatibles avec cet objet. Si cette clause vise à remédier à la fatigue et à la perte de productivité qui découlent des longues heures de travail dans une période donnée, toute mesure qui réduit ces heures, qu’il s’agisse d’une période de repos normale ou extraordinaire (poste écourté), respecte cet objet. Ainsi, si le nombre total d’heures de repos est égal ou supérieur à 9, l’objet de la clause 15.10 (veiller à ce que les employés aient un minimum d’heures de repos dans une période de 24 heures) est respecté.

48 À mon avis, l’autre difficulté de l’argument de l’agent négociateur et des fonctionnaires du groupe A est son manque d’éléments de comparaison pour déterminer le seuil où le critère de la fatigue est satisfait. L’argument dépend, dans une certaine mesure, de la notion selon laquelle un poste de 6 heures n’est pas tellement différent d’un poste régulier de 8 heures. Dans la mesure où cela est vrai, le fait de renvoyer les fonctionnaires chez eux deux heures plus tôt ne satisfait pas réellement au critère de la fatigue dont traite la clause 15.10 de la convention collective. Mais qu’est-ce qui respecte cette clause? Supposons que l’employeur ait renvoyé les fonctionnaires trois, quatre ou six heures plus tôt. Bien entendu, à un certain point, le critère de la fatigue qui, selon l’agent négociateur et les fonctionnaires du groupe A, est à la base de la clause 15.10, serait respecté. Néanmoins, rien dans l’interprétation ou l’argument qu’ont présenté l’agent négociateur et les fonctionnaires du groupe A n’aide l’agent négociateur et l’employeur à déterminer quand le critère de la fatigue est respecté. Essentiellement, on me demande de choisir une interprétation qui crée une incertitude relativement à son application concernant l’interprétation du libellé de la clause 15.10, qui est certain. Généralement, une interprétation dont l’application est certaine vaut mieux qu’une interprétation incertaine.

49 Les mêmes préoccupations en matière d’interprétation s’appliquent à l’argument subsidiaire fait au nom de l’agent négociateur et des fonctionnaires du groupe A. La clause 15.09a) de la convention collective établit que « […] les heures supplémentaires effectuées sont rémunérées […] deux (2) fois le taux normal pour chaque heure supplémentaire en sus de huit (8) heures du cours d’une période de travail ininterrompue […] ». Il est vrai que les fonctionnaires ont travaillé en sus de huit heures au cours d’une période continue de 23 h 45 le jour 1 à 16 h 15 le jour 2. Toutefois, conclure, comme me le demande l’avocat de l’agent négociateur et les fonctionnaires du groupe A, que les fonctionnaires avaient en conséquence le droit d’être payés au taux double le jour 2, serait méconnaître la définition de travail supplémentaire. La clause 2.01o) indique que le « ‟travail supplémentaire” désigne tout travail exécuté en dehors de l’horaire de travail d’un employé ». Le poste du jour 2 était composé d’heures prévues à l’horaire. Ainsi, par définition, les heures travaillées durant le poste de jour du jour 2 ne peuvent pas être considérées comme du travail supplémentaire en vertu de la clause 15.09a).

50 Comme l’a souligné l’avocat de l’agent négociateur et les fonctionnaires du groupe A, il existe certaines situations au cours desquelles les heures supplémentaires peuvent être travaillées pendant ce qui pourrait être considéré comme l’horaire de travail d’un employé. Cependant, toutes ces heures sont indiquées dans la convention collective et prévues par celle-ci. Sauf en cas d’exception expresse et précise, la définition générale de « travail supplémentaire » s’applique, si le travail est effectué en dehors de l’horaire de travail régulier. En conséquence, l’argument subsidiaire de l’agent négociateur et des fonctionnaires du groupe A est, à mon avis, non fondé.

51 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

52 Les griefs sont rejetés.

Le 2 novembre 2012.

Traduction de la CRTFP

Augustus Richardson,
arbitre de grief

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.