Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La plaignante a allégué que ses représentants syndicaux avaient décidé arbitrairement de ne pas la représenter à l’arbitrage relativement aux aspects concernant la dénonciation de son grief contestant son renvoi en cours de stage, qu’ils avaient agi de mauvaise foi durant la tentative de médiation de son grief et qu’elle avait l’été l’objet de discrimination de leur part à cause de sa situation familiale lorsqu’ils ont décidé de ne plus la représenter - la plaignante a eu recours au processus interne de règlement des plaintes du syndicat pour en appeler de la décision de ne pas la représenter à l’arbitrage, mais sans succès -le syndicat a néanmoins continué de représenter la plaignante jusqu’à ce que les discussions avec l’employeur en vue d’un règlement soient rompues; il a alors officiellement retiré son soutien à la plaignante - la plaignante a présenté plusieurs demandes en vertu de la Loi sur l’accès à l’information et de la Loi sur la protection des renseignements personnels pour obtenir de l’information au sujet de son différend avec l’employeur; elle a présenté sa plainte après avoir reçu l’information demandée - le syndicat s’est opposé à la compétence de la Commission d’entendre et de trancher la plainte, cette dernière ayant été déposée au-delà du délai de 90 jours prescrit au paragraphe 190(2) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique - chacune des trois questions exposées dans la plainte de la plaignante pouvaient constituer un motif distinct et le respect du délai a dû être déterminé pour chaque allégation - la plaignante a été avisée, avant qu’elle dépose son grief, que le syndicat ne la représenterait pas pour les aspects du grief concernant la dénonciation, et elle a démontré qu’elle était au courant de ce fait en contestant cette décision- par conséquent, la plainte à propos de la décision du syndicat de ne pas représenter la plaignante pour les aspects du grief portant sur la dénonciation et de lui retirer son soutien était hors délai - ce n’est qu’à la suite de ses demandes d’accès à l’information que la plaignante a obtenu les documents qui ont donné lieu à l’allégation de mauvaise foi pendant les discussions en vue d’un règlement - cet aspect de la plainte respectait les délais. Objection préliminaire accueillie en partie. Instructions données.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2012-02-01
  • Dossier:  561-02-516
  • Référence:  2012 CRTFP 13

Devant la Commission des relations
de travail dans la fonction publique


ENTRE

CECILIA BASIC

plaignante

et

ASSOCIATION CANADIENNE DES EMPLOYÉS PROFESSIONNELS

défenderesse

Répertorié
Basic c. Association canadienne des employés professionnels

Affaire concernant une plainte fondée sur l’article 190 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

MOTIFS DE DéCISION

Devant:
Kate Rogers, commissaire

Pour la plaignante:
Elle-même

Pour la défenderesse:
Fiona Campbell, avocate

Décision rendue sur la base d’arguments écrits
déposés le 20 mai, le 26 juin et le 29 juillet 2011.
(Traduction de la CRTFP)

I. Plainte devant la Commission

1 Le 27 avril 2011, Cecilia Basic (la « plaignante ») a déposé la présente plainte, alléguant que ses représentants syndicaux avaient agi comme suit :

[Traduction]

[…]

1. De juillet 2009 à décembre 2010, [ils ont] arbitrairement choisi de NE PAS me représenter relativement à mes doléances liées à ma dénonciation de certains agissements et ce, en dépit du fait qu’ils avaient en leur possession mes récits des événements et les documents obtenus en vertu de demandes d’accès à l’information, ils savaient que le bureau du ministre de la Sécurité publique, Vic Toews, m’avait conseillé de signaler ces agissements à la police, et que le Bureau du Commissariat à l’intégrité m’avait conseillé de lui présenter une dénonciation. L’ACEP m’a dit que [traduction] « les dénonciateurs ne gagnent jamais » et m’a par la suite représentée uniquement en ce qui a trait aux questions de discrimination soulevées dans le cadre de ma plainte de type hybride.

2. [Ils ont] agi de mauvaise foi durant les négociations de règlement d’août à décembre 2010, après m’avoir annoncé le 7 août 2010 qu’ils avaient l’intention de retirer leur soutien. Je n’ai pas ratifié l’offre de règlement et l’ACEP s’est retirée le 21 décembre 2010.

3. [Ils ont] fait preuve envers moi de discrimination fondée sur ma situation familiale en justifiant leur retrait en prétextant que les lois du travail seraient à savoir que le congé accordé constituait une solution alternative acceptable au lieu d’une entente sur des mesures d’adaptation pouvant être obtenue sous le régime des droits de la personne, et que la rupture du lien avec ma superviseure en raison du harcèlement de cette dernière à mon endroit constituait un motif valable pour licencier une fonctionnaire en période probatoire se plaignant du traitement à son égard fondé sur sa situation familiale.

[…]

À titre de redressement, la plaignante a demandé que la défenderesse, l’Association canadienne des employés professionnels (l’ACEP, ou le « syndicat ») soit obligée de reprendre sa représentation dans le cadre de son grief déposé devant la Commission des relations de travail dans la fonction publique (CRTFP) et de sa plainte déposée devant la Commission canadienne des droits de la personne (la CCDP).

2 Au départ, la plaignante était représentée par le syndicat, mais en août 2010, son représentant syndical lui a dit que le syndicat, après étude de son dossier, avait décidé de ne plus la représenter à l’arbitrage. On l’a avisée qu’elle pouvait en appeler de cette décision dans le cadre du processus interne de traitement des plaintes du syndicat, ce qu’elle fit. L’appel a été rejeté par le président de l’ACEP le 27 octobre 2010. Malgré sa décision de retirer son soutien à la plaignante relativement à son grief à l’arbitrage, le représentant syndical a continué à la représenter durant les discussions visant la conclusion d’un règlement avec l’employeur de la plaignante, l’Agence de la santé publique du Canada, et ce jusqu’en décembre 2010, lorsque les pourparlers ont été rompus. Le 21 décembre 2010, le syndicat lui a officiellement retiré son soutien relativement à son grief.

3 Le 20 mai 2011, dans sa réponse à la plainte, le syndicat s’est opposé à la compétence de la CRTFP pour instruire la plainte car celle-ci a été déposée en dehors du délai de 90 jours prescrit par le paragraphe 190(2) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP). Le syndicat a demandé qu’on dispose du respect des délais par la présentation d’arguments écrits. La plaignante a présenté une réponse très détaillée à l’encontre des arguments de la défenderesse. Tout en s’opposant à ce que l’on procède sur la base d’arguments écrits, elle a convenu que la CRTFP devait établir le processus visant à disposer de sa plainte. Le syndicat a présenté une brève réplique, maintenant son objection fondée sur le non-respect des délais ainsi que sa position à savoir que cette question devait être tranchée au moyen d’arguments écrits.

4 Après étude du dossier, j’ai conclu que l’objection à la compétence fondée sur le non-respect des délais pouvait être tranchée au moyen d’arguments écrits. Ainsi, j’ai demandé au greffe de la CRTFP d’aviser les parties que l’objection serait décidée en se fondant sur des arguments écrits, et que les parties fournissent également des arguments écrits supplémentaires portant sur des éléments qui n’étaient pas déjà produits au dossier, le cas échéant, le tout conformément à un échéancier dont les parties pourraient convenir. Ni l’une ni l’autre des parties n’a jugé nécessaire de présenter d’autres arguments écrits. Elles ont demandé à la CRTFP de trancher l’affaire en se fondant sur les arguments écrits déjà versés au dossier.

II. Résumé des faits pertinents au respect des délais

5 La plaignante a été renvoyée en cours de stage le 12 juin 2009. Elle était membre du groupe Économique et services de sciences sociales (EC), représenté par l’ACEP. Les parties ont convenu du fait que la plaignante avait, avec le concours de son syndicat, déposé un grief le 25 juin 2009 contestant son renvoi, alléguant une violation de la convention collective conclue entre le Conseil du Trésor et l’ACEP pour le groupe Économique et services de sciences sociales, ayant comme date d’échéance le 21 juin 2011, et que son renvoi était de nature disciplinaire. Le syndicat a affirmé sans être contredit que la plaignante savait, dès le moment de la présentation de son grief, que le syndicat ne la représenterait pas en ce qui concernait les aspects de son grief se rapportant à ses dénonciations.

6 Les parties ont également convenu du fait qu’entre le mois de juin 2009 et le mois d’août 2010, le syndicat avait représenté la plaignante dans le cadre de la procédure de règlement des griefs et durant les démarches visant à régler son grief par la voie de la médiation. Il appert toutefois que le représentant syndical de la plaignante aurait avisé la plaignante, en août 2010, qu’il était probable que son grief ne réussirait pas à l’arbitrage et qu’en conséquence, le syndicat lui retirait ses services de représentation et de soutien. Le représentant a informé la plaignante qu’elle pouvait en appeler de la décision de lui retirer le soutien pour son grief suivant les processus internes du syndicat à cet égard.

7 Le 20 août 2010, la plaignante en a appelé de la décision du syndicat de lui retirer ses services de représentation et de soutien. Son appel a été rejeté par le président de l’ACEP le 27 octobre 2010, confirmant ainsi la décision du syndicat de lui retirer les services de représentation pour son grief.

8 Malgré sa décision de retirer sa représentation relativement au grief, le représentant syndical de la plaignante a continué à la représenter durant les discussions visant la conclusion d’un règlement avec l’employeur, tout en convenant avec elle de ne pas aviser l’employeur que le syndicat avait décidé de lui retirer son soutien pour son grief. Les pourparlers à cette fin se sont poursuivis tout au long de l’automne 2010. Une offre de règlement finale a été présentée à la plaignante le 10 décembre 2010. En lui communiquant l’offre de règlement, son représentant lui a rappelé que le syndicat lui retirerait ses services de représentation si elle décidait de ne pas l’accepter. Le 17 décembre 2010, elle a refusé l’offre qui lui avait été présentée. Le 21 décembre, le syndicat a officiellement retiré ses services de représentation relativement au grief.

9 La plaignante a déposé plusieurs demandes d’accès à l’information en vertu de la Loi sur l’accès à l’information, L.R.C. (1985), ch. A-1, et de la Loi sur la protection des renseignements personnels, L.R.C. (1985), ch. P-21, afin d’obtenir de l’information se rapportant au litige l’opposant à l’employeur. En particulier, la plaignante a reçu respectivement les 4 janvier, 21 février et 11 mars 2011 une copie des courriels échangés entre l’agent principal des relations de travail affecté à son dossier pour le compte de l’employeur et son représentant syndical, portant sur son grief et les discussions de règlement ayant eu lieu entre les mois d’août et décembre 2010. Ces courriels ne lui avaient pas été transmis en copie conforme à l’origine, et elle n’avait pu les consulter qu’une fois qu’elle les avait reçus à la suite de ses demandes d’accès à l’information.

III. Résumé des arguments relativement au respect des délais

A. Pour la défenderesse

10 Le syndicat a fait valoir qu’en vertu du paragraphe 190(2) de la LRTFP, une plainte doit être présentée dans les 90 jours qui suivent la date à laquelle le plaignant a eu, ou aurait dû avoir, connaissance des circonstances y ayant donné lieu. Le syndicat a souligné qu’aucune autre disposition de la LRTFP ne conférait à la Commission la compétence de proroger ce délai.

11 Le syndicat a soutenu qu’en l’instance, la plaignante avait eu, sinon aurait dû avoir, connaissance des circonstances ayant donné lieu à la plainte dès qu’elle a été avisée de la position du syndicat. Il a cité Éthier c. Service correctionnel du Canada et Union of Canadian Correctional Officers – Syndicat des agents correctionnels du Canada – CSN, 2010 CRTFP 7, ainsi que Renaud c. Association canadienne des employés professionnels, 2009 CRTFP 177, à savoir que la plaignante ne pouvait obtenir la prorogation du délai prescrit en tentant d’amener le syndicat à revenir sur sa position ou parce qu’elle ignorait ses droits.

12 Le syndicat a également soutenu que, puisque la plaignante avait déposé sa plainte le 27 avril 2011, les seules allégations pouvant être retenues étaient celles se rapportant à des faits survenus après le 27 janvier 2011. Or, il est évident que tous les événements auxquels se rapporte sa plainte se sont produits avant le 21 décembre 2010. De plus, elle aurait dû avoir eu connaissance des circonstances ayant donné lieu à sa plainte au plus tard le 27 octobre 2010, date à laquelle le président de l’ACEP confirmait la décision du syndicat de cesser sa représentation.

B. Pour la plaignante

13 La plaignante a essentiellement soutenu qu’elle n’aurait pas pu avoir eu connaissance des événements ayant donné lieu à sa plainte avant de recevoir les documents obtenus grâce à ses demandes d’accès à l’information. Or, elle n’a reçu le dernier de ces documents que le 11 mars 2011, ce qui devrait donc être la date à compter de laquelle court le délai.

14 La plaignante a affirmé qu’elle n’aurait pas pu avoir connaissance des conversations entre son représentant syndical et l’employeur car on ne lui en avait pas parlé lorsqu’elles ont eu lieu. Elle a précisé qu’elle avait appris leur existence seulement lorsqu’elle a reçu les documents qu’elle avait obtenus grâce à ses demandes d’accès à l’information et apprenait alors que le règlement dont il était discuté depuis le mois de septembre 2010 n’avait pas encore été approuvé par l’employeur; elle n’était pas non plus au courant que son représentant avait consenti à une proposition visant à restreindre ses droits de présenter des demandes d’accès à l’information et de divulguer l’existence de ses dénonciations. Elle n’était pas non plus au courant que son représentant syndical avait communiqué à l’employeur une copie d’une communication entre elle et la CCDP avant de prendre connaissance de l’échange de courriels compris dans les documents qu’elle avait obtenus grâce à sa demande d’accès à l’information.

15 La plaignante a également fait valoir que la réponse de son syndicat datée du 27 octobre 2010 au sujet de l’appel de la décision de ne plus la représenter ne devrait pas être appréciée en relation avec le respect des délais, car elle avait fait appel uniquement en invoquant le motif de discrimination en lien avec sa situation de fonctionnaire en stage probatoire, et non en se fondant sur le motif de la discrimination en raison de sa situation familiale, et qu’elle n’avait pas alors invoqué la mauvaise foi ni la représentation arbitraire.

C. Réplique de la défenderesse

16 Le syndicat a fait valoir qu’afin d’établir le moment à partir duquel commence à courir le délai de prescription, aux fins du paragraphe 190(2) de la LRTFP, il faut tout d’abord établir l’essence de la plainte. Les circonstances et les événements invoqués au soutien d’une plainte sont des éléments probants, et l’obtention de nouveaux éléments de preuve après l’événement peut certes servir de fondement à une plainte, mais ne change en rien le moment à partir duquel le délai prescrit commence à courir.

17 Le syndicat a soutenu qu’en l’instance, l’essence des allégations de la plaignante était la décision du syndicat de ne pas la représenter relativement aux éléments de son grief se rapportant à ses dénonciations, le retrait de sa représentation relativement à son grief contestant son renvoi en cours de stage, et le retrait de son soutien relativement aux aspects de son grief ayant trait à des prétendues violations de la convention collective.

18 Le syndicat a soutenu que malgré le fait que la plaignante ait renvoyé à divers faits au soutien de ses allégations dont elle a prétendu ne pas avoir eu connaissance avant de recevoir les documents grâce à ses demandes d’accès à l’information, elle était certainement au courant de certains des événements ayant mené à la présentation de sa plainte avant le 21 décembre 2010. Le syndicat a notamment soutenu que la plaignante savait qu’il ne la représenterait pas relativement aux éléments de son grief se rapportant à ses dénonciations et ce, dès le mois de juin 2009, alors qu’elle était au courant au moins à partir du 27 octobre 2010 que le syndicat ne continuerait pas à la représenter si les négociations de règlement de l’automne 2010 se soldaient par un échec.

19 Le syndicat a soutenu que la date à laquelle la plaignante a reçu les documents à la suite de ses demandes d’accès à l’information n’était pas pertinente aux fins d’établir la date à laquelle elle a eu connaissance des circonstances fondant sa plainte, puisque ces documents ne constituent que des éléments de preuve complémentaires au retrait de la représentation du syndicat relativement à son grief. Le syndicat a plaidé que, pour ces motifs, la plainte était donc hors délai.

IV. Motifs

20 Cette décision porte sur une objection présentée par la défenderesse quant à la compétence de la CRTFP fondée sur le respect du délai à l’égard de la plainte de pratique déloyale présentée par la plaignante contre la défenderesse.

21 La plaignante a allégué que son syndicat avait agi de mauvaise foi en refusant de la représenter en ce qui concerne les aspects se rapportant à ses dénonciations dans le cadre de son grief contestant son renvoi en cours de stage, qu’il avait agi de mauvaise foi durant les négociations de règlement avec l’employeur après lui avoir dit qu’il retirerait son soutien, et que le syndicat avait agi de manière discriminatoire à son égard en raison de sa situation familiale en justifiant son refus de la représenter en raison des lois en matière de travail plutôt que d’invoquer ses droits sous le régime des droits de la personne.

22 Le syndicat s’est opposé à la compétence de la CRTFP à se saisir de la plainte et à l’instruire, au motif qu’elle était hors délai car elle n’avait pas été déposée à l’intérieur du délai prescrit de 90 jours en vertu du paragraphe 190(2) de la LRTFP. Le syndicat a notamment soutenu que la raison d’être de la plainte était la décision du syndicat de retirer son soutien et sa représentation de la plaignante dans le cadre de son grief contestant son renvoi en cours de stage. Le syndicat a soutenu que la plaignante était au courant de sa décision au moins dès le mois d’août 2010 et certainement le 21 décembre 2010, lorsque le syndicat a officiellement avisé la CRTFP qu’il ne soutenait plus les aspects du grief se rapportant à la convention collective et qu’il ne représentait plus la plaignante.

23 La plaignante a fait valoir qu’elle n’aurait pas pu avoir eu connaissance des circonstances ayant donné lieu à sa plainte avant de recevoir les documents obtenus grâce à ses demandes d’accès à l’information, documents qu’elle avait reçus en janvier, février et mars 2011. Elle avait appris, à la lecture de ces documents, que son représentant syndical savait mais ne l’avait pas informée que le règlement dont il était discuté n’avait pas encore été approuvé par l’employeur; ni que son représentant s’apprêtait à consentir à une proposition visant à restreindre ses droits de présenter des demandes d’accès à l’information et de continuer à faire valoir ses dénonciations, alors même que le représentant syndical n’en avait pas discuté avec elle. La plaignante a soutenu que cette information avait pour effet de retarder l’application du délai et que, par conséquent, sa plainte avait été déposée dans le délai prescrit.

24 Je conviens avec le syndicat qu’il est important de cerner l’essence des allégations formulées dans la plainte. Le syndicat a soutenu que les allégations de la plaignante peuvent être circonscrites en deux questions, soit la décision du syndicat de refuser de procéder relativement aux éléments de son grief se rapportant à ses dénonciations, et le retrait de son soutien et de sa représentation relativement à son grief. Toutefois, dans les faits, la plainte comporte trois allégations. En premier lieu, elle décrit ce que la plaignante a décrit comme étant une décision « arbitraire » de la part de son syndicat de ne pas la représenter en ce qui concerne les aspects se rapportant à ses dénonciations dans son grief contestant son renvoi en cours de stage. Ensuite, elle vise les agissements de son représentant syndical durant les négociations de règlement ayant eu lieu au cours de l’automne 2010, que la plaignante qualifiait d’empreints de mauvaise foi. Enfin, troisièmement, elle porte sur la décision subséquente du syndicat de mettre fin à sa représentation et à son soutien relativement au grief si le grief n’était pas réglé par les discussions avec l’employeur au cours de l’automne 2010, ce que la plaignante a qualifié de mauvaise foi et de discrimination à son égard fondée sur sa situation familiale. Chacune de ces questions peut constituer en soi un motif au soutien de sa plainte. Par conséquent, afin de se prononcer sur le respect des délais quant à ces trois questions, il est nécessaire d’établir quand la plaignante avait eu connaissance, ou aurait dû avoir eu connaissance, des circonstances ayant donné lieu à chacune d’elles.

25 Il n’est pas contesté que le syndicat ait avisé la plaignante, dans le cadre des discussions ayant mené au dépôt du grief de la plaignante contestant son renvoi en cours de stage, que le syndicat ne la représenterait pas quant aux aspects ayant trait à ses dénonciations. Le grief, déposé le 25 juin 2009, alléguait que le renvoi en cours de stage constituait à la fois une violation de la convention collective et un congédiement pour motifs disciplinaires déguisé. Il n’y était pas fait mention des dénonciations. Il m’apparaît donc que la plaignante savait dès le 25 juin 2009 que le syndicat ne la représenterait pas relativement à des allégations ayant trait à ses dénonciations en lien avec son renvoi en cours de stage. Par conséquent, je conclus que l’allégation se rapportant à la décision du syndicat de ne pas la représenter relativement aux aspects ayant trait à ses dénonciations est hors délai, et doit donc être rejetée.

26 Il m’apparaît également des faits présentés par les deux parties que la plaignante a été informée dès le mois d’août 2010 que le syndicat avait conclu que son grief ne réussirait probablement pas à l’étape de l’arbitrage, et qu’il ne continuerait donc pas à la représenter relativement à ce grief. La plaignante a fait appel de cette décision dans le cadre du processus interne du syndicat. Le président de l’ACEP a rejeté son appel dans une lettre datée du 27 octobre 2010. Le 21 décembre 2010, le syndicat a avisé officiellement la CRTFP qu’il ne représentait plus la plaignante et qu’il retirait son soutien relativement aux aspects de son grief ayant trait à la convention collective. Ceci étant, il m’apparaît évident que la plaignante savait que le syndicat ne la représentait plus en août 2010, et elle a fait la preuve de sa connaissance à cet égard en faisant appel de cette décision. Je suis d’avis que le délai quant à cette allégation a commencé du moment qu’elle a été avisée par son représentant syndical que le syndicat ne la soutiendrait pas dans le cadre de son grief. Je suis d’accord avec l’arbitre de grief dans Ethier, statuant comme suit relativement à des circonstances similaires :

[…]

22. L’essence de la plainte est le refus du syndicat d’exercer les droits et recours en matière de représentation auquel le plaignant dit avoir droit. En conséquence, la connaissance du plaignant du refus du syndicat d’appuyer son litige est l’élément déclencheur d’une violation de l’article 190 de la LRTFP et du délai de 90 jours pour déposer la plainte. Les délais commençaient donc à s’écouler au moment où le plaignant s’est rendu compte que son désaccord n’allait pas se régler avec l’aide du syndicat. La LRTFP ne contient aucune disposition voulant qu’un plaignant doive épuiser tous ses autres recours avant de déposer une plainte.

[…]

27 La plaignante a soutenu que son appel de la décision du syndicat de retirer sa représentation alléguait qu’il y a avait eu discrimination à son égard en raison de sa situation de fonctionnaire en stage probatoire, et que la présente plainte allègue une discrimination à son égard en raison de sa situation familiale. Elle a fait valoir qu’il s’agit là de deux questions distinctes et qu’en fait ces allégations sont toutes deux au cœur de ses doléances relativement au retrait de la représentation. Voilà donc l’essence de la plainte. La plaignante savait en août 2010 que le syndicat ne la représenterait plus. Même si j’acceptais que la décision définitive quant à la représentation n’a été prise que quelque temps après la décision rendue en appel, il ne peut subsister quelque doute qu’elle avait eu connaissance de la décision de son syndicat le 21 décembre 2010, lorsqu’il a officialisé sa décision auprès de la CRTFP à savoir qu’il ne la représentait plus. Par conséquent, même en calculant le délai de la manière la plus généreuse, cette allégation est hors délai et doit donc également être rejetée.

28 La plaignante a également allégué que son représentant syndical avait agi de mauvaise foi dans le cadre des discussions de règlement ayant eu lieu du mois d’août au mois de décembre 2010. Elle a fondé son allégation sur l’information qu’elle a obtenue à la suite de diverses demandes d’accès à l’information. Elle a notamment fait état des copies des échanges de courriels entre son représentant syndical et l’employeur, en soulignant qu’en n’en avait pas reçu copie lors de l’échange de ces courriels. Selon la plaignante, ces échanges de courriels démontrent que son représentant syndical lui a caché de l’information, notamment le fait que le règlement dont il était discuté n’avait pas encore été approuvé par l’employeur. La plaignante a de plus soutenu que dans ces échanges le représentant syndical avait laissé entrevoir à l’employeur qu’il était disposé à signer une entente restreignant le droit de la plaignante à continuer à faire des demandes d’accès à l’information et ce, sans en discuter au préalable avec elle. La plaignante a aussi soutenu que d’autres documents obtenus grâce à ses demandes d’accès à l’information montraient que le représentant syndical avait fait parvenir des copies de documents à l’employeur sans l’avoir consultée avant.

29 Il m’apparaît évident que les documents fondant cette allégation de mauvaise foi durant les discussions d’un règlement sont entrées en la possession de la plaignante uniquement en raison de ses demandes d’accès à l’information. Elle a reçu les documents en cause en trois envois, soit le 4 janvier, le 21 février et le 11 mars 2011. Les documents reçus le 4 janvier et le 11 mars portent le même numéro de dossier, et il ressort clairement que l’envoi du mois de mars contenait des renseignements complémentaires en lien avec sa demande originale. Par conséquent, bien qu’on puisse soutenir que la plaignante avait au moins une certaine connaissance des faits au soutien de son allégation le 4 janvier 2011, il est clair qu’elle n’avait pas un portrait complet de la situation avant le 11 mars 2011, lorsqu’elle a reçu le dernier des documents demandés.

30 À mon avis, la troisième allégation de la plaignante décrit un ensemble de comportements plutôt qu’un événement unique, dont elle a eu connaissance seulement une fois qu’elle a examiné l’ensemble de l’information qui lui avait été fournie à la suite de ses demandes d’accès à l’information. Ces renseignements étaient cumulatifs. Elle n’aurait jamais pu prendre connaissance des échanges de courriels ayant soulevé sa conviction que son représentant syndical agissait de mauvaise foi, sans tout d’abord avoir pris connaissance des documents qui lui ont été communiqués à la suite de ses demandes d’accès à l’information. Sans pour autant porter quelque jugement quant à savoir si ces renseignements appuient on non cette allégation formulée dans sa plainte, je ne peux conclure pour les raisons fournies que l’allégation puisse être hors délai en soi. Par conséquent, l’objection à la compétence fondée sur le non‑respect des délais, uniquement en ce qu’elle a trait à la plainte voulant que le syndicat ait agi de mauvaise foi durant les discussions d’un règlement du mois d’août au mois de décembre 2010, est rejetée.

31 Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

32 L’objection à la compétence est accueillie en partie. Les allégations de la plainte se rapportant à la décision de l’ACEP de ne pas représenter la plaignante en ce qui concerne les aspects de son grief se rapportant à ses dénonciations ainsi que la décision de l’ACEP de retirer sa représentation dans le cadre de son grief, sont rejetées.

33 L’objection à la compétence fondée sur l’allégation selon laquelle l’ACEP a agi de mauvaise foi durant les discussions d’un règlement du mois d’août au mois de décembre 2010, est rejetée.

34 Une demande au greffe de la Commission sera faite afin de fixer des dates d’audience sur le fond de la seule allégation qui subsiste de la plainte.

Le 1er février 2012.

Traduction de la CRTFP

Kate Rogers,
commissaire

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