Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le grief portait sur une suspension de trois jours pour agression contre un collègue en milieu de travail - l’arbitre de grief a jugé qu’une agression avait eu lieu - le témoignage du collègue était plus crédible que celui du fonctionnaire s’estimant lésé car il correspondait à d’autres témoignages - l’arbitre de grief a également conclu que la mesure disciplinaire était appropriée. Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2012-11-02
  • Dossier:  566-02-4370
  • Référence:  2012 CRTFP 119

Devant un arbitre de grief


ENTRE

PIUS BURKE

fonctionnaire s'estimant lésé

et

ADMINISTRATEUR GÉNÉRAL
(ministère de la Défense nationale)

défendeur

Répertorié
Burke c. Administrateur général (ministère de la Défense nationale)

Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Augustus Richardson, arbitre de grief

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Lui-même

Pour le défendeur:
Allison Sephton, avocate

Affaire entendue à Halifax (Nouvelle‑Écosse)
les 5 et 6 septembre 2012.
(Traduction de la CRTFP)

I. Grief individuel renvoyé à l’arbitrage

1 Le 28 octobre 2009, Vince Covey, un charpentier de marine de l’Installation de maintenance de la flotte de Cape Scott à Halifax, en Nouvelle-Écosse (« Cape Scott »), s’est plaint d’avoir été agressé par Pius Burke, le fonctionnaire s’estimant lésé (le « fonctionnaire »). Le ministère de la Défense nationale (l’« employeur ») a mené une enquête, interrogé un certain nombre de personnes et conclu que l’agression avait réellement eu lieu. Le 18 novembre 2009, l’employeur a imposé une sanction de trois jours de suspension (pièce E1, onglet 4).

2 Le 23 novembre 2009, M. Burke a contesté la conclusion d’inconduite et la sanction disciplinaire. Il a allégué que les mesures prises par l’employeur étaient [traduction] « injustes et injustifiées », il a demandé l’annulation de sa suspension de trois jours et la suppression de son dossier de toute mention à cet égard. L’agent négociateur de M Burke a initialement accepté de le représenter au début de la procédure de règlement de griefs. Toutefois, au moment du dépôt de l’« Avis de renvoi à l’arbitrage d’un grief individuel » auprès de la Commission des relations de travail dans la fonction publique, le 20 septembre 2010, M. Burke se représentait lui-même.

II. Audience

A. Questions préliminaires

3 J’ai entendu le grief les 5 et 6 septembre 2012 à Halifax, en Nouvelle‑Écosse. M. Burke se représentait lui-même. L’employeur était représenté par une avocate.

4 Au début de l’audience, j’ai appris qu’un autre grief plus récent concernant M. Burke avait été déposé. J’étais préoccupé par la possibilité qu’il y ait chevauchement entre le grief dont j’étais saisi et le grief plus récent; je me demandais si le présent grief devait être reporté et entendu en même temps que l’autre grief.

5 M. Burke a affirmé qu’il avait été licencié aux alentours de mai 2011 et qu’il avait déposé un grief à ce sujet en février 2012. L’avocate de l’employeur a reconnu qu’un grief avait été déposé, mais a indiqué que M. Burke n’avait pas été licencié; on a plutôt demandé à M. Burke de ne pas revenir au travail avant d’avoir passé un examen médical. M. Burke a déclaré que les mesures de l’employeur constituaient un licenciement déguisé, dans la mesure où son médecin personnel avait affirmé qu’il était apte à travailler. M. Burke s’est aussi opposé à tout autre report de l’audience portant sur le grief dont j’étais saisi.

6 Conformément aux arguments de l’avocate de l’employeur et de M. Burke, j’ai décidé qu’on devait procéder à l’audience du grief dont j’étais saisi. Le [traduction]  « grief concernant le licenciement » (comme l’appelle M. Burke) semble porter sur des questions et des faits indépendants et distincts, même si le grief dont je suis saisi pouvait constituer une partie des antécédents professionnels de M. Burke.

7 Il s’agit d’un grief disciplinaire. Par conséquent, l’employeur a présenté sa preuve en premier. À l’ouverture de l’audience, il a présenté un mince recueil de documents, y compris une série de notes rédigées par l’un de ses témoins, Charles Hawker, durant les entrevues qu’il a menées auprès de plusieurs individus. Ces entrevues portaient sur ce que ces individus savaient ou ce qu’ils avaient vu ou entendu à propos de l’incident faisant l’objet d’une enquête. M. Burke a contesté l’admissibilité des notes de M. Hawker au motif que c’était la première fois qu’il les voyait et qu’il n’arrivait pas à les lire; il a demandé qu’elles soient transcrites. M. Burke s’est aussi opposé au fait que l’audience ne soit pas enregistrée.

8 J’ai rejeté les objections de M. Burke. J’ai indiqué que, conformément à la règle, les audiences sous le régime de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique ne sont pas enregistrées, sauf dans des circonstances exceptionnelles, ce qui n’était pas le cas dans l’affaire en instance. Le fait qu’une audience ne soit pas enregistrée ne contrevient pas aux règles de justice naturelle : voir Turner c. Canada (Agence des douanes et du revenu du Canada), 2004 CF 1558 et Nash c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2008 CF 1389. À mon avis, les notes de M. Hawker étaient lisibles et ne nécessitaient pas de transcription. J’ai aussi noté que, quoi qu’il en soit, j’accorderais peu ou pas d’importance aux notes d’entrevue effectuées auprès de personnes qui ne témoignent pas devant moi.

9 Au début du premier jour de l’audience et au début de son argumentation du deuxième jour, M. Burke a soutenu qu’on devrait l’autoriser à présenter en preuve une émission de radio de la SRC qui, selon lui, traite des longs retards qu’accusent les griefs au sein de la fonction publique. J’ai refusé les deux demandes. L’émission de radio n’avait rien à voir avec les faits de son grief. Même s’il est possible que le système de grief éprouve des retards et, si tel est le cas, ces retards peuvent être fâcheux; j’étais actuellement saisi du grief de M. Burke. De plus, les arguments de M. Burke ne laissaient pas entendre qu’un retard avait nui à son affaire de façon substantielle. Rien ne laissait croire que l’émission de la SRC était pertinente ou essentielle aux questions dont j’étais saisi.

10 J’ai aussi expliqué plusieurs fois à M. Burke que je considérais que les questions dont j’avais été saisi étaient les suivantes :

  • Que s’est-il passé le 28 octobre 2009 entre MM. Burke et Covey?
  • L’événement représentait-il une agression?
  • Si l’événement était une agression, est-ce que la sanction disciplinaire de l’employeur était raisonnable?

B. Résumé de la preuve

11 L’employeur a cité à témoigner :

  • M. Hawker, gestionnaire de groupe 2 à Cape Scott;
  • Roger Barakett, le gestionnaire de la production à Cape Scott dont relève M. Hawker et qui a approuvé la lettre disciplinaire du 18 novembre 2009 de M. Hawker;
  • M. Covey, la présumée victime de l’agression;
  • Michel Haché, le superviseur du centre de travail de Cape Scott et le supérieur immédiat de MM. Burke et Covey.

12 M. Hawker n’était pas de service le 28 octobre 2009. Il a appris l’incident à son retour au travail, le 30 octobre 2009. Il a commencé son enquête peu après. Son enquête incluait des entrevues avec les personnes suivantes :

  • Ron Sampson et Greg Slawnwhite, des collègues de MM. Burke et Covey;
  • M. Haché;
  • M. Covey, la présumée victime;
  • M. Burke; voir la pièce E1, onglet 2.

13 L’avocate de l’employeur a commencé en dirigeant M. Hawker dans la présentation des notes de ses entrevues. J’ai demandé pourquoi cela était fait pour MM. Slawnwhite et Sampson si, comme l’avait indiqué l’avocate, ils se trouvaient à proximité de l’incident lorsque celui-ci est survenu. L’avocate a affirmé que l’employeur venait [traduction] « tout juste » d’apprendre qu’aucun des deux hommes n’était prêt à assister à l’audience pour présenter des éléments de preuve. C’est alors que j’ai ordonné l’exclusion de tout autre témoin potentiel de la salle d’audience. J’ai aussi indiqué à l’avocate de l’employeur que les témoins que l’employeur considérait comme nécessaires dans son affaire auraient dû être cités à comparaître et que je n’étais pas disposé à faire grand cas, si tant est que j’en fasse, des ouë-dire de témoins importants qui n’étaient pas prêts à témoigner sous serment devant moi. L’avocate m’a informé qu’elle ferait un effort pour que des témoins soient cités à comparaître. Elle a été en mesure d’assurer la présence de M. Slawnwhite.

14 À mon avis, étant donné la nature des allégations contre M. Burke et ce que je considère comme les questions dont je suis saisi, les seuls témoignages pertinents étaient les suivants : ceux des deux présumés responsables de l’incident du 28 octobre 2009, MM. Burke et Covey; celui de M. Slawnwhite, qui se trouvait à proximité de l’incident; celui de M. Haché, qui a vu MM. Burke et Covey et qui leur a parlé immédiatement après ladite agression. Par conséquent, je présenterai les témoignages dans l’ordre dans lequel ils ont été présentés.

15 M. Covey a indiqué que le matin du 28 octobre 2009, il était à l’atelier, travaillant sur des tuiles destinées à un sous-marin. Un collègue et lui sont allés se chercher un thé. À son retour, M. Covey est passé à côté de M. Burke, qui a regardé M. Covey en lui disant : [traduction] « Tu aimerais me faire licencier. ». M. Covey a répliqué par la négative et a demandé à M. Burke [traduction] « d’où tu me sors ça ». Les deux hommes ont échangé [traduction] « quelques répliques » au cours desquelles, selon M. Covey, ils se seraient mutuellement traités d’« idiots », ou quelque chose dans ce sens. M. Covey a aussi admis que, à un moment donné, il a demandé à M. Burke s’il [traduction] « avait pris ses médicaments ». M. Covey a affirmé qu’il s’est alors éloigné; il a décidé de signaler l’incident à M. Haché. M. Covey s’est dirigé vers les escaliers qui mènent au bureau de M. Haché. M. Covey est passé à côté de M. Burke et lui a dit qu’il allait [traduction] « voir Michel pour l’informer de l’incident ». Alors que M. Covey s’éloignait de M. Burke et se dirigeait vers les escaliers, M. Burke a attrapé M. Covey par-derrière, l’a retourné et lui a dit quelque chose qui ressemblait à [traduction] « Autant alimenter la conversation de Michel ». MM. Burke et Covey se sont débattus pendant un moment. M. Burke a poussé M. Covey contre la table et les deux hommes sont tombés au sol. M. Covey a crié à l’aide. L’étreinte de M. Burke sur M. Covey s’est desserrée pendant la chute, et M. Covey a réussi à se relever. Il aurait ensuite [traduction] « couru au bureau de Michel pour lui expliquer ce qui s’était passé ». M. Covey a aussi indiqué qu’en tombant, il s’était mordu la langue, qui avait saigné quelque temps par la suite. M. Covey a également perdu sa casquette et un couteau tout usage qu’il gardait dans une poche de sa combinaison.

16 M. Covey a déclaré qu’il s’était rendu au bureau de M. Haché et qu’il lui avait demandé d’appeler la police militaire (PM). M. Covey a dit avoir agi ainsi parce qu’à ce moment-là, il voulait que M. Burke soit accusé d’agression. M. Covey a par la suite changé d’avis, parce qu’il ne souhaitait pas que M. Burke [traduction] « perde son emploi à cause d’un petit incident comme celui-là […], c’est un endroit où il fait bon travailler ».

17 Lorsqu’il a été contre-interrogé par M. Burke, M. Covey a nié avoir des problèmes de mémoire. M. Covey a admis avoir demandé à M. Burke lors de leur altercation s’il [traduction] « avait pris ses médicaments ». M. Covey a dit qu’il avait posé cette question à M. Burke, parce que M. Burke était [traduction] « violemment en colère contre moi pour une raison que je ne connaissais pas ». M. Covey a admis que, par le passé, M. Burke et lui avaient eu un différend à propos des personnes qui pouvaient utiliser une ponceuse et que M. Haché avait fini par en discuter avec eux.

18 M. Slawnwhite a déclaré qu’il n’avait pas réellement été témoin de l’altercation entre MM. Burke et Covey. MM. Slawnwhite et Sampson étaient assis à l’arrière de l’entrepôt. M. Slawnwhite a entendu [traduction] « du vacarme, un coup et le bruit de quelque chose qui tombait ». Il a dit que [traduction] « on aurait dit quelqu’un qui tombait, alors on s’est dirigés vers l’avant de l’immeuble ». En chemin, MM. Slawnwhite et Sampson sont tombés sur M. Burke. M. Slawnwhite a demandé à M. Burke s’il allait bien et s’il était tombé. M. Burke, qui tirait sur sa combinaison en papier pour la replacer, a dit [traduction] « Non, ça va ». M. Burke a continué sa route, en passant à côté de MM. Slawnwhite et Sampson. MM. Slawnwhite et Sampson ont continué à marcher vers l’endroit d’où était venu le son, et lorsqu’ils sont arrivés, ils ont trouvé une table et une tasse de café renversées, un couteau tout usage, un morceau de combinaison en papier et plusieurs autres objets sur le sol. Ils ont ramassé la table, et M. Sampson a nettoyé le café avec quelques chiffons qu’il déplaçait par terre à l’aide de ses pieds. C’est environ à ce moment que M. Burke est revenu pour prendre une boisson gazeuse.

19 Lors de son contre-interrogatoire par M. Burke, M. Slawnwhite a admis qu’il y avait des étagères dans la zone d’où provenait le vacarme et que les combinaisons de papier étaient rangées à cet endroit. Il a aussi admis que, parfois, des employés retiraient leurs combinaisons usagées de papier et en enfilaient de nouvelles à cet endroit. Il a aussi reconnu qu’il n’était pas inhabituel que les combinaisons soient déchirées. Je souligne qu’au début de son contre-interrogatoire, M. Burke a affirmé que M. Slawnwhite était une personne [traduction] « intègre ».

20 M. Haché a déclaré qu’il était à son bureau le 28 octobre 2009. MM. Burke et Covey sont venus à son bureau. M. Covey a aussitôt demandé à M. Haché d’appeler la PM. Lorsqu’on a questionné M. Covey pour comprendre pourquoi il avait répété cette demande, il a finalement affirmé que M. Burke et lui s’étaient [traduction] « battus ». M. Haché a demandé à M. Covey ce qu’il voulait dire, et M. Covey a répondu que [traduction] « c’est simplement arrivé ». M. Covey semblait agité et secoué. M. Haché a remarqué que M. Covey avait du sang sur la lèvre inférieure et sur des dents du bas. M. Haché a ensuite appelé la PM. M. Covey a dit à M. Haché qu’il revenait de la pause lorsqu’il avait [traduction] « croisé M. Burke ». M. Covey a affirmé que M. Burke [traduction] « avait un sourire narquois, comme à son habitude ». M. Covey a dit à M. Haché que, pendant qu’il était au lavabo, M. Burke s’était approché par-derrière et lui avait dit, à voix basse [traduction] « Tu veux vraiment me frapper, avoue-le ». M. Covey a demandé à M. Burke de quoi il parlait, et M. Burke a répondu [traduction] « Tu sais, tu veux vraiment me frapper, avoue-le ». M. Covey a allégué avoir répliqué [traduction] « Je ne sais vraiment pas de quoi tu parles […], as-tu pris tes médicaments aujourd’hui ? ». M. Covey a dit qu’il avait alors peur. Il a dit à M. Burke qu’il ne [traduction] « tolérerait plus ça, je vais voir Michel pour régler ça […] tu peux venir si tu veux ». M. Burke a dit qu’il viendrait; il était à quelques pieds de M. Covey. Lorsqu’ils ont dépassé les casiers des matières dangereuses, M. Burke a attrapé M. Covey par-derrière, lui a dit [traduction] « Autant alimenter la conversation de Michel » et l’a poussé. MM. Burke et Covey se sont bagarrés. M. Burke a poussé M. Covey contre une table, renversant quelques objets, notamment une tasse de café. M. Burke a fait tomber M. Covey; à ce moment-là, M Covey dit avoir [traduction] « crié à l’aide ». M. Burke a perdu son étreinte. M. Covey s’est relevé et a couru vers le bureau de M. Haché.

21 Selon M. Haché, 10 à 15 minutes se sont écoulées avant l’arrivée de la PM. M. Burke est arrivé après la PM; M. Haché a alors dit à M. Burke que la PM voulait lui parler. M. Burke a répondu [traduction] « pas de problème », et a fait savoir qu’il attendrait dans la salle à manger. M. Burke n’a pas demandé pourquoi la PM était là.

22 M. Haché s’est rendu sur les lieux de l’incident le jour suivant. Il a vu un contenant renversé et du café sur un atelier, ainsi qu’un couteau tout usage au sol et deux morceaux de combinaison.

23 Lors de son contre-interrogatoire, M. Haché a déclaré qu’il n’était pas au courant que MM. Slawnwhite et Sampson avaient nettoyé la scène avant que quiconque ne se rende sur les lieux du présumé incident, comme l’a affirmé M. Burke lors de son interrogatoire. M. Haché a dit avoir remarqué une tache sur le plancher de béton et a reconnu qu’il avait conclu qu’il s’agissait de café, puisque M. Slawnwhite lui avait dit que c’était du café et que M. Slawnwhite l’avait nettoyée. M. Haché a admis que de dire qu’il y avait du café renversé sur le plancher constituait un mauvais choix de mots, mais il a soutenu qu’il y avait une tache sur le plancher. Il a aussi admis, lors de son contre-interrogatoire, qu’un autre incident s’était déjà produit entre MM. Burke et Covey et que M. Covey avait demandé qu’on l’affecte à un secteur de travail différent pour qu’il n’ait pas à travailler avec M. Burke. M. Haché avait arbitré la dispute, soulignant qu’ [traduction] « ils étaient deux adultes dans un lieu de travail, qu’ils étaient là pour travailler et qu’ils devaient s’entendre ». Lorsqu’on lui a demandé s’il trouvait étrange que M. Covey affirme avoir été jeté une fois contre une table et une autre fois à terre M. Haché a répondu [traduction] « Non, l’incident s’est produit il y a trois ans […] il était plutôt agité et affolé à ce moment-là […] Je suis certain qu’il y a certaines choses dont il ne se souvient pas ». M. Haché a également mentionné qu’il avait une bonne mémoire et qu’il n’était pas une victime, [traduction] « ainsi, je ne suis pas dans le même état d’esprit que M. Covey ».

24 M. Burke a décidé de présenter ses éléments de preuve au moyen d’un [traduction] « énoncé écrit des faits » (pièce G4) qui, selon lui, a été rédigé lors de son entrevue initiale avec M. Hawker. Cependant, M. Burke a reconnu plus tard dans son contre-interrogatoire que les déclarations contenues dans le document indiquaient clairement que les notes avaient été présentées à l’employeur vers le mois d’août 2012. Il a néanmoins insisté sur le fait que les notes étaient exactes et qu’elles étaient basées sur des événements (ou avaient été écrites) [traduction] « bien avant ce moment-là ».

25 La déclaration incluait un historique des incidents qui s’étaient déroulés auparavant entre MM. Burke et Covey, notamment, une dispute concernant l’utilisation d’une ponceuse.

26 En ce qui concerne l’incident du 28 octobre 2009, la déclaration de M. Burke indique qu’il traînait un baril de 45 gallons. M. Covey s’est approché de M. Burke et ce dernier s’est arrêté pour le laisser passer. M. Covey a demandé à M. Burke ce qu’il regardait. M. Burke a continué à travailler et a demandé à M. Covey ce qu’il regardait, et ainsi de suite. Ensuite, M. Covey a demandé à M. Burke, dans les termes de M. Burke [traduction] « si j’avais oublié de prendre mes médicaments ce matin-là ». M. Covey a par la suite traité M. Burke d’ [traduction] « arriéré » à plusieurs reprises. M. Burke est allé à la salle de bain, qui se trouvait à côté du bureau de M. Haché. M. Burke a affirmé qu’il pensait [traduction] « entrer et signaler l’incident, mais j’avais du travail à faire; j’espérais que ça se calmerait ». M. Burke est sorti de la salle de bain, et M. Covey - M. Burke croyait que M. Covey pensait sûrement qu’il avait signalé l’incident – lui a dit qu’il [traduction] « allait en haut pour signaler ce qui s’était passé ce matin ». M. Burke pensait y aller aussi et a commencé à marcher avec M. Covey; toutefois, il a cru bon de terminer son propre travail d’abord, et de parler à M. Haché ensuite. Ainsi, M. Burke a fait demi-tour et est retourné travailler.

27 M. Burke continue sa déclaration en indiquant que la PM est arrivée. La PM lui a demandé s’il avait eu une altercation avec M. Covey, et M. Burke a répondu [traduction] « Non ». M. Burke a répété au cours de sa présentation qu’il n’y avait eu aucune altercation entre M. Covey et lui. M. Burke a nié avoir attrapé M. Covey ou l’avoir poussé sur une table ou au sol. Ce n’est simplement pas arrivé.

III. Motifs

28 Les questions dont je suis saisi sont les suivantes :

  • Que s’est-il passé entre MM. Burke et Covey après que M. Cover lui a annoncé son intention de se rendre dans le bureau de M. haché le matin du 28 octobre 2009?
  • L’événement représentait-il une agression?
  • Si l’événement était une agression, est-ce que la sanction imposée était raisonnable?

A. Que s’est-il passé?

29 Cette question est simple. Les témoignages des MM. Burke et Covey indiquent, et je conclus aussi, que les deux hommes avaient des antécédents. Peu importe qui était responsable de l’animosité, le fait est que MM. Burke et Covey ne s’entendaient pas. Leurs témoignages relativement aux événements initiaux du 28 octobre 2009 concordent aussi; il y a eu un échange de propos, et peu après cet échange, M. Covey s’est dirigé vers le bureau de M. Haché pour signaler la querelle. La grande différence entre les témoignages de MM. Burke et Covey réside dans ce qui s’est passé par la suite.

30 Le compte rendu de M. Covey, s’il est retenu, revient à dire qu’une bagarre non consensuelle, initiée par M. Burke, a éclaté entre MM. Burke et Covey. Selon M. Burke, M. Covey et lui ne se sont ni bagarrés ni touchés de quelque façon que ce soit, et n’ont eu aucun contact après que M. Covey a annoncé son intention de signaler l’événement à M. Haché. Cette seule différence fait en sorte que la situation équivaut à une dispute de [traduction] « j’ai dit, j’ai dit » qui ne peut être réglée qu’en fonction de la crédibilité.

31 Je suis totalement convaincu, selon la prépondérance des probabilités, que le compte rendu de M. Covey est essentiellement exact. Comme je suis convaincu, je conclus que M. Burke a attrapé M. Covey par-derrière; que M. Covey a été retourné et projeté à la renverse contre la table; que MM. Burke et Covey sont ensuite tombés au sol; que, pendant la bagarre, M. Covey s’est mordu la langue et que, seulement après que MM. Burke et Covey sont tombés au sol, M. Covey a été en mesure de se libérer de l’étreinte de M. Burke et de s’enfuir dans le bureau de M. Haché. J’en arrive à cette conclusion pour plusieurs raisons.

32 Premièrement, le compte rendu de M. Covey a été corroboré par M. Slawnwhite, que M. Burke a qualifié de témoin [traduction] « intègre ». M. Slawnwhite a affirmé avoir entendu un [traduction] « vacarme » semblable à celui que ferait quelqu’un qui tombe. M. Slawnwhite est allé dans la zone d’où provenait le son et a trouvé une table qui avait été renversée et plusieurs objets éparpillés au sol. Tous ces éléments de preuve démontrent que [traduction] « quelque chose » est arrivé.

33 Deuxièmement, le compte rendu de M. Covey a également été corroboré par les preuves présentées par M. Haché. M. Haché a remarqué que M. Covey avait du sang sur la lèvre inférieure et sur les dents, ce qui correspond à la déclaration de M. Covey selon laquelle il s’était mordu la langue. M. Covey semblait aussi agité et secoué et a demandé qu’on appelle la PM. Une fois de plus, tous ces éléments de preuve démontrent que [traduction] « quelque chose » est arrivé.

34 Troisièmement, le fait que MM. Burke et Covey s’entendent sur l’essentiel de ce qui s’est déroulé le 28 octobre 2009, de même que les propos désobligeants échangés et l’intention de M. Covey de signaler l’incident à M. Haché, m’amène à me demander pourquoi M. Covey inventerait une histoire d’agression. La simple dénégation de M. Burke ne répond pas à la question. De plus, sa déclaration selon laquelle il a pensé à deux reprises signaler l’incident initial à M. Haché, mais qu’il a cru bon de terminer son travail d’abord n’a pas de sens. Étant donné l’animosité entre MM. Burke et Covey, il convient de penser que le fait de se faire demander s’il avait pris ses médicaments ou de se faire traiter d’ [traduction] « arriéré » aurait pu inciter M. Burke à signaler l’incident immédiatement, surtout qu’il savait que M. Covey avait dit qu’il allait le faire à l’instant. Dans de telles circonstances, je m’attendrais à ce qu’une personne dans la position de M. Burke accompagne M. Covey pour veiller à ce que sa version de l’histoire soit communiquée, pas à ce qu’elle retourne simplement au travail et qu’elle signale ensuite l’incident.

35 M. Burke a affirmé que l’incident n’aurait pas pu se produire, parce que dans le cas contraire, cela aurait pu entraîner son licenciement immédiat. Selon ce que j’ai compris de sa présentation, si l’employeur estimait que le présumé incident avait eu lieu, cela aurait pu entraîner le licenciement immédiat de M. Burke. Le fait que l’employeur ait décidé de suspendre M. Burke plutôt que de le licencier signifie, à ce que j’ai compris de la déclaration de M. Burke, que l’employeur ne croyait pas que l’agression avait eu lieu. À mon avis, cet argument soulève deux problèmes.

36 Tout d’abord, la déclaration de M. Burke est fondée sur une idée fausse de la jurisprudence applicable. En cas d’agression, le licenciement n’est pas automatique. Le licenciement en cas d’agression dépend de divers facteurs, que connaissent bien la plupart des employeurs. L’agression dont il est question n’est pas plus que du malmenage et bien que l’incident soit sérieux et qu’il ne doive pas être ignoré, celui-ci ne justifie pas, à mon avis (sans plus), un licenciement.

37 Ensuite, comme je l’ai fait remarquer plusieurs fois à M. Burke, ce qui importe n’est pas ce que l’employeur croit qu’il s’est produit, mais ce que je conclus, à titre d’arbitre de grief, qu’il s’est réellement produit. Le fait que, comme l’a mentionné M. Burke, l’employeur aurait pu être incertain de ce qui s’est réellement passé, et que cette incertitude aurait pu influencer sa décision de suspendre M. Burke plutôt que de le licencier, ne me libère pas de mon obligation de tirer une conclusion de fait sur ce qui s’est passé. À mon avis et selon la prépondérance des probabilités, je suis convaincu que ce qui s’est passé est ce que j’ai établi précédemment.

B. L’incident représentait-il une agression?

38 Selon ma conclusion qui précède, je suis convaincu que ce qui s’est passé représente une agression. Il y a eu un contact physique non consensuel entre MM. Burke et Covey, ainsi qu’une bagarre non consensuelle.

C. Est-ce qu’une suspension de trois jours était une sanction raisonnable?

39 J’estime qu’une suspension de trois jours n’était pas une sanction déraisonnable. Le fait que M. Burke ait simplement nié ce qui s’était passé plutôt que d’admettre l’incident et de tenter de l’expliquer est un facteur qui appuie la sanction. La sanction est certainement conforme aux sanctions d’affaires similaires traitées par d’autres arbitres de grief, sur lesquels s’est appuyé l’employeur; voir, par exemple Focker c. Agence du revenu du Canada, 2008 CRTFP 7; Lachance c. Conseil du Trésor (Agriculture Canada), dossier de la CRTFP 166‑02‑26840 (19960329); Frankel c. Conseil du Trésor (Transports Canada), dossier de la CRTFP 166‑02‑26879 (19961011).

40 Selon moi, la seule question était de savoir si la provocation, c’est-à-dire l’échange de mots entre MM. Burke et Covey, était un facteur à prendre en considération, et si c’était le cas, si ce facteur devait être pris en considération pour évaluer le caractère raisonnable de la sanction imposée.

41 À ce propos, l’avocate de l’employeur a soutenu que la provocation n’était pas un problème pour deux raisons. D’abord, il n’y avait aucune preuve corroborante permettant de déterminer qui avait commencé la dispute entre MM. Burke et Covey. Par conséquent, il est impossible de déterminer qui a provoqué qui. Ensuite, même si M. Covey avait commencé la dispute, il y avait un intervalle entre l’échange verbal et l’agression. Ce n’était pas quelque chose que M. Burke avait fait sur le coup. Je suis d’accord.

42 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

IV. Ordonnance

43 Le grief est rejeté.

Le 2 novembre 2012.

Traduction de la CRTFP

Augustus Richardson,
arbitre de grief

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.