Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La fonctionnaire s’estimant lésée a présenté un grief pour contester son renvoi en cours de stage et a renvoyé son grief à l’arbitrage - l’administrateur général s’est opposé à la compétence d’un arbitre de grief pour entendre le grief - l’arbitre de grief a convenu qu’un renvoi en cours de stage n’était pas arbitrable - l’arbitre de grief a conclu que la fonctionnaire s’estimant lésée était une employée en cours de stage et que l’administrateur général avait respecté les exigences de la LEFP quand il a renvoyé la fonctionnaire s’estimant lésée en cours de stage - l’arbitre de grief a aussi conclu que la fonctionnaire s’estimant lésée ne s’était pas acquittée du fardeau de la preuve qui lui incombait, car elle n’a pas démontré que l’administrateur général s’était appuyé sur des motifs illégitimes d’insatisfaction quant à sa capacité de remplir ses fonctions pour éviter l’arbitrage. Compétence non assumée. Dossier clos par ordonnance.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2012-11-27
  • Dossier:  566-02-5700
  • Référence:  2012 CRTFP 126

Devant un arbitre de grief


ENTRE

AMY SMITH

fonctionnaire s'estimant lésée

et

ADMINISTRATEUR GÉNÉRAL
(Service correctionnel du Canada)

défendeur

Répertorié
Smith c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada)

Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Kate Rogers, arbitre de grief

Pour la fonctionnaire s'estimant lésée:
Andrea Tait, Union of Canadian Correctional Officers – Syndicat des agents correctionnels du Canada – CSN

Pour le défendeur:
Martin Desmeules, avocat

Décision rendue sur la base d’arguments écrits
déposés le 20 août et les 10 et 17 septembre 2012.
(Traduction de la CRTFP)

I. Grief individuel renvoyé à l’arbitrage

1  Amy Smith, la fonctionnaire s’estimant lésée (la « fonctionnaire »), était une agente correctionnelle classifiée aux groupe et niveau CX-02 pour le Service correctionnel du Canada (l’« employeur ») à l’Établissement d’Edmonton pour femmes (l’« Établissement »), à Edmonton, en Alberta. Elle est entrée en fonction le 17 août 2010, et elle a été renvoyée en cours de stage le 19 avril 2011.

2 Le 27 mai 2011, la fonctionnaire a déposé un grief dans lequel elle mentionne :

[Traduction]

[…]

Je conteste les motifs de la décision de l’employeur de me renvoyer en cours de stage de mon emploi à l’Établissement d’Edmonton pour femmes. Les facteurs qui ont été considérés dans cette décision incluent des instances pour lesquelles on ne m’a donné aucun conseil, aucune directive et aucun encadrement  qui m’ont permis d’améliorer mon rendement.

[…]

3 Comme l’employeur n’a pas rendu de décision au dernier palier de la procédure de règlement de griefs, le grief a été renvoyé à l’arbitrage le 4 août 2011. Le 12 septembre 2011, l’employeur s’est opposé à la compétence d’un arbitre de grief d’entendre cette affaire au motif que le grief portait sur un licenciement en vertu de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (la « LEFP »), édictée par les articles 12 et 13 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22. L’employeur a fait valoir que puisque le renvoi en cours de stage était fondé sur des motifs valables liés à l’emploi, le grief devrait être rejeté sans audience.

4 L’employeur a aussi indiqué que le grief devrait être rejeté sans audience au motif qu’il n’avait pas été transmis au dernier palier de la procédure de règlement des griefs dans les délais prévus par la convention collective entre le Conseil du Trésor et le Union of Canadian Correctional Officers – Syndicat des agents correctionnels du Canada – CSN (date d’échéance : le 31 mai 2010), pour l’unité de négociation du groupe Services correctionnels.

5 Le 13 décembre 2011, l’employeur a retiré son objection concernant le respect des délais, mais il a maintenu son objection voulant qu’un arbitre de grief n’ait pas compétence relativement à ce renvoi en cours de stage.

6 Une conférence préparatoire à l’audience était prévue en décembre 2011, mais n’a pas eu lieu. Le 12 janvier 2012, la représentante de la fonctionnaire a avisé les Opérations du greffe qu’elle ne voyait pas l’utilité de participer à une conférence préparatoire à l’audience, pour laquelle une nouvelle date devait être fixée, car elle avait l’intention de retirer le grief du processus d’arbitrage. Cependant, il est devenu évident après plusieurs mois que le grief ne serait pas retiré.

7 Après examen et compte tenu des arguments déjà au dossier, j’ai jugé que la question de l’objection à la compétence pouvait être tranchée sur la base d’arguments écrits déposés en fonction d’un calendrier établi avec les parties.

II. Objection concernant la compétence

A. Pour l’employeur

8 L’employeur a affirmé que le licenciement de la fonctionnaire était un renvoi en cours de stage en vertu du paragraphe 62(1) de la LEFP. Il a présenté des preuves documentaires non contestées démontrant que la fonctionnaire avait été nommée à un poste d’agente correctionnelle classifié aux groupe et niveau CX-02 à l’Établissement à compter du 17 août 2010. Son affectation était conditionnelle à une période de stage de 12 mois, qui devait se terminer le 16 août 2011. Le 19 avril 2011, la fonctionnaire a été renvoyée en cours de stage. Elle a reçu une indemnité tenant lieu de préavis correspondant à deux semaines de salaire.

9 Les motifs du renvoi en cours de stage sont exposés intégralement dans la lettre de licenciement du 19 avril 2011. Selon l’employeur, la fonctionnaire s’est absentée sans permission le 28 février 2011. De plus, le 19 janvier 2011, la fonctionnaire aurait essayé de pénétrer dans l’Établissement alors qu’un couteau à éplucher se trouvait dans son sac-repas, et elle se serait entêtée quand on lui a dit qu’elle ne pouvait pas apporter un tel couteau à l’Établissement. Selon l’employeur, le 19 janvier également, la fonctionnaire aurait reconnu lors d’une réunion disciplinaire qu’elle n’avait pas suivi les directives qu’on lui avait données concernant la confidentialité du processus disciplinaire. Le 14 janvier 2011, la fonctionnaire aurait employé un langage insultant et vulgaire à l’égard de son superviseur, ce qui lui a valu une sanction pécuniaire correspondant à deux jours de salaire. Le 4 janvier 2011, la fonctionnaire n’aurait pas tenu compte des directives d’un superviseur concernant des changements de quarts. Le 12 octobre 2010, un rapport d’observation soumis à l’employeur indiquait que la fonctionnaire avait à deux reprises tenté d’obtenir des médicaments contre la douleur à l’unité des soins de santé. Enfin, l’employeur a allégué que, le 26 septembre 2010, la fonctionnaire n’aurait pas répondu à des transmissions radio qui lui étaient adressées, et qu’elle avait mal réagi lorsqu’elle a été questionnée à ce sujet.

10 L’employeur a fait valoir que le grief portant sur le renvoi en cours de stage présenté en vertu du paragraphe 62(1) de la LEFP n’était pas arbitrable en vertu de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la « LRTFP »), édictée par l’article 2 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique. Comme l’a fait remarquer l’employeur, on peut lire ce qui suit au paragraphe 62(1) de la LEFP :

62. (1) À tout moment au cours de la période de stage, l’administrateur général peut aviser le fonctionnaire de son intention de mettre fin à son emploi au terme du délai de préavis :

a) fixé, pour la catégorie de fonctionnaires dont il fait partie, par règlement du Conseil du Trésor dans le cas d’une administration figurant aux annexes I ou IV de la Loi sur la gestion des finances publiques;

b) fixé, pour la catégorie de fonctionnaires dont il fait partie, par l’organisme distinct en cause dans le cas d’un organisme distinct dans lequel les nominations relèvent exclusivement de la Commission.

Le fonctionnaire perd sa qualité de fonctionnaire au terme de ce délai.

11  L’employeur a aussi noté que l’alinéa 209(1)b) de la LRTFP prévoyait ce qui suit :

209. (1) Après l’avoir porté jusqu’au dernier palier de la procédure applicable sans avoir obtenu satisfaction, le fonctionnaire peut renvoyer à l’arbitrage tout grief individuel portant sur

[…]

b) soit une mesure disciplinaire entraînant le licenciement, la rétrogradation, la suspension ou une sanction pécuniaire;

[…]

12  Il est précisé à l’article 211 de la LRTFP qu’aucune interprétation de l’article 209 ne prévoit l’autorisation du renvoi à l’arbitrage d’un grief portant sur un licenciement en vertu de la LEFP :

211. L’article 209 n’a pas pour effet de permettre le renvoi à l’arbitrage d’un grief individuel portant sur

a) soit tout licenciement prévu sous le régime de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique;

[…]

13 L’employeur a cité Tello c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2010 CRTFP 134. Il a noté qu’un employé en cours de stage pouvait être licencié avec préavis pour n’importe quel motif. Les seules exigences sont que l’employé soit en période de stage et reçoive un préavis ou une indemnité tenant lieu de préavis. L’employeur n’est pas tenu d’établir les motifs du renvoi en cours de stage si les exigences prescrites par la loi ont été remplies. Tant que les motifs du renvoi en cours de stage sont énoncés dans la lettre de licenciement, l’employeur n’est pas tenu de les prouver. L’employeur m’a également renvoyé à McMath c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2011 CRTFP 42 et Stamp c. Administrateur général (Conseil du Trésor), 2012 CRTFP 73.

14 Bien qu’un renvoi en cours de stage doive être un exercice légitime du pouvoir discrétionnaire de l’administrateur général, c’est à la fonctionnaire qu’il incombe d’établir que le renvoi était un subterfuge ou un camouflage. L’employeur a indiqué que le fardeau de la preuve de la fonctionnaire était très lourd, car elle devait établir que le renvoi en cours de stage était fondé sur des motifs n’ayant aucun rapport avec son aptitude à occuper le poste. Le renvoi en cours de stage sera considéré comme un subterfuge ou un camouflage uniquement si les préoccupations de l’employeur concernant l’aptitude de la fonctionnaire à occuper le poste sont jugées futiles. À l’appui de cet argument, l’employeur m’a renvoyé à Maqsood c. Conseil du Trésor (ministère de l’Industrie), 2009 CRTFP 175, et Owens c. Conseil du Trésor (Gendarmerie royale du Canada), 2003 CRTFP 33.

15 L’employeur a déclaré qu’un arbitre de grief n’avait pas compétence pour décider du bien-fondé des motifs d’un renvoi en cours de stage. S’il y a un motif lié à l’emploi, l’employeur satisfait aux exigences relatives aux renvois en cours de stage. L’employeur n’est pas tenu de donner plusieurs motifs pour justifier son insatisfaction à l’égard du rendement d’un employé; un seul suffit. Par ailleurs, un arbitre de grief ne peut pas substituer son évaluation de la capacité d’un employé à accomplir le travail à celle de l’employeur. L’employeur m’a renvoyé à Canada (Procureur général) c. Penner, [1989] 3 C.F. 429 (C.A.); Canada (Procureur général) c. Leonarduzzi, 2001 CFPI 529; Salib c. Agence canadienne d’inspection des aliments, 2010 CRTFP 104; Ducharme c. Administrateur général (ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences), 2010 CRTFP 136; Dyck c. Administrateur général (ministère des Transports), 2011 CRTFP 108; Chaudhry c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2005 CRTFP 72; Melanson c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2009 CRTFP 33; Bilton c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2010 CRTFP 39; Tarasco c. Administrateur général (ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CRTFP 101; Boyce c. Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale), 2004 CRTFP 39.

16 L’employeur a fait valoir que, dans la présente affaire, les éléments de preuve démontrent que la fonctionnaire était en période de stage, que l’employeur avait sept motifs d’insatisfaction liés à l’emploi relativement à l’aptitude de la fonctionnaire à occuper le poste, et que la fonctionnaire avait reçu une indemnité tenant lieu de préavis. Même si la fonctionnaire réussissait à établir qu’elle n’avait pas reçu les conseils ou l’encadrement dont elle avait besoin pour améliorer son rendement, cela ne suffirait pas à démontrer que son renvoi en cours de stage était un subterfuge ou un camouflage. La fonctionnaire a été renvoyée en cours de stage pour des motifs liés à l’emploi. Par conséquent, un arbitre de grief n’a pas compétence pour entendre ce grief.

17 L’employeur a réitéré ces arguments dans sa réplique du 17 septembre 2012. Il a noté que la fonctionnaire n’avait présenté aucun fait appuyant son allégation que le renvoi en cours de stage était un subterfuge ou un camouflage.

B. Pour la fonctionnaire

18 La fonctionnaire a fait valoir que, bien qu’il soit précisé à l’article 211 de la LRTFP qu’un employé ne peut pas renvoyer à l’arbitrage un grief portant sur un renvoi en cours de stage, un arbitre de grief peut avoir compétence pour trancher ce genre de question si le renvoi va à l’encontre des dispositions de la LEFP. La fonctionnaire a déclaré que l’employeur avait agi de mauvaise foi, car il n’avait aucun motif légitime lié à son aptitude à occuper le poste pour justifier son renvoi en cours de stage. En outre, les motifs invoqués par l’employeur pour renvoyer la fonctionnaire en cours de stage étaient un subterfuge et un camouflage.

19 La fonctionnaire n’a pas explicitement nié les facteurs énoncés par l’employeur dans sa lettre de licenciement. Elle a plutôt expliqué les incidents qui y sont mentionnés et les a mis en contexte. Elle a reconnu qu’elle avait été absente sans permission le 28 février 2011, mais elle a souligné que ça n’était arrivé qu’une fois. Elle a reconnu avoir essayé d’entrer dans l’Établissement alors qu’il y avait un couteau à éplucher dans son sac-repas le 19 janvier 2011, mais elle a ajouté qu’elle avait suivi les instructions de l’employeur dès qu’elle avait appris qu’une telle pratique n’était pas permise. Elle a expliqué qu’il y avait eu un problème de changement de quart le 4 janvier 2011, mais elle a souligné que ses changements avaient été approuvés et qu’elle avait attendu deux jours avant de présenter de nouvelles demandes de changement de quart. Elle a reconnu qu’elle avait tenté d’obtenir des médicaments pour atténuer son mal de dos auprès de l’unité des soins de santé. À cet égard, elle a précisé qu’elle avait agi de la sorte pour ne pas avoir à quitter son quart plus tôt, car l’employeur aurait eu de la difficulté à trouver quelqu’un pour la remplacer. Elle a également déclaré que l’employeur ne lui avait fourni aucun rapport d’évaluation de rendement pendant ses huit mois d’emploi.

20 La fonctionnaire a indiqué qu’il ne fallait pas tenir compte des deux infractions disciplinaires mentionnées dans les motifs de renvoi en cours de stage. Elle a ajouté que, comme elle avait déjà fait l’objet de mesures disciplinaires pour ces infractions, leur utilisation pour justifier le renvoi représentait une double incrimination. Elle m’a renvoyée au paragraphe 116 de Tello à l’appui de cet argument.

21 La fonctionnaire a fait valoir que l’employeur n’avait jamais tenté de régler directement avec elle certains des problèmes énoncés dans sa lettre de renvoi en cours de stage. Par exemple, elle a fait remarquer que les documents de l’employeur démontraient que, bien qu’il ait été allégué qu’elle avait mal réagi quand on lui a dit qu’elle devait répondre aux transmissions radio, la question de sa réaction inappropriée n’avait jamais été soulevée avec elle. La fonctionnaire a aussi déclaré qu’il n’était question nulle part dans les documents de l’employeur de discussions quant au fait qu’elle aurait tenté d’entrer dans l’Établissement alors qu’un couteau à éplucher se trouvait dans son sac-repas. La fonctionnaire a allégué que, puisque l’employeur ne lui avait pas parlé de ces incidents et qu’on ne lui avait fourni aucun rapport d’évaluation de rendement, elle n’avait pas eu l’occasion d’améliorer son rendement. Elle a fait valoir que ces faits démontraient que l’employeur avait agi de mauvaise foi.

22 La fonctionnaire a maintenu que l’employeur n’avait présenté aucune preuve concrète de l’inaptitude de la fonctionnaire à occuper son poste. Les motifs énoncés dans la lettre de l’employeur renvoient à des incidents isolés pour lesquels des mesures correctives ont déjà été prises. Par conséquent, la fonctionnaire a soutenu qu’elle devrait être réintégrée dans ses fonctions et qu’on devrait lui accorder une indemnité pour le salaire et les avantages sociaux qu’elle a perdus.

III. Motifs

23 Cette affaire porte sur un grief contestant un renvoi en cours de stage en vertu de l’article 62 de la LEFP. Il n’est pas contesté que la fonctionnaire était en cours de stage ou qu’elle avait reçu une indemnité tenant lieu de préavis. Les motifs du renvoi en cours de stage ont été expliqués en détail dans la lettre de licenciement datée du 19 avril 2011.

24 La fonctionnaire n’a pas contesté de manière significative les incidents que l’employeur a énumérés dans la lettre de licenciement. Elle a plutôt avancé que, pour certains des incidents, elle n’avait reçu aucun conseil ni directive, alors que pour d’autres, on lui avait déjà imposé des mesures disciplinaires et que, par conséquent, l’employeur infligerait une double incrimination en se fondant sur ces incidents pour justifier un renvoi en cours de stage. Elle a aussi affirmé qu’elle n’avait pas reçu d’évaluation du rendement, ce qui l’a privée de la possibilité de s’améliorer ou de rectifier certaines lacunes relatives à son rendement. Elle a soutenu que le fait que l’employeur ne lui a pas donné la possibilité d’améliorer son rendement et de démontrer qu’elle était apte à occuper le poste prouve qu’il a fait preuve de mauvaise foi.

25 L’article 211 de la LRTFP énonce clairement qu’un licenciement en vertu de la LEFP n’est pas arbitrable. Par conséquent, le renvoi en cours de stage, lequel constitue un licenciement en vertu de l’article 62 de la LEFP, n’est pas arbitrable. Cependant, l’employeur ne peut utiliser un renvoi en cours de stage pour éviter l’arbitrage. L’objectif d’une période de stage est de permettre à l’employeur d’évaluer l’aptitude de l’employé à occuper un poste donné. S’il n’y a aucun motif valable d’insatisfaction à l’égard de l’aptitude de l’employé à occuper le poste, le renvoi en cours de stage est réputé inapproprié. En ce sens, il a été statué dans Tello, au paragraphe 110, que :

[110] Si un administrateur général renvoie un employé en cours de stage sans égard à l’objet de la période de stage — autrement dit, si la décision ne repose pas sur l’aptitude de l’employé à occuper un emploi de façon continue — cette décision est arbitraire et peut également être prise de mauvaise foi. Dans un tel cas, le licenciement n’est pas conforme à la nouvelle LEFP.

26 Dans la présente affaire, l’employeur a relevé plusieurs préoccupations concernant l’aptitude de la fonctionnaire à occuper un poste de façon continue. Parmi ces préoccupations, l’employeur a mentionné le fait qu’elle s’était absentée une fois sans autorisation, qu’elle avait fait preuve d’insubordination à deux reprises, ce qui lui a valu des mesures disciplinaires, et le fait qu’elle a tenté d’obtenir des médicaments sur ordonnance contre la douleur auprès du centre des soins de santé de l’Établissement. La fonctionnaire n’a pas contesté ces incidents.

27 L’employeur a aussi mentionné d’autres incidents où, entre autres préoccupations, il a jugé que la fonctionnaire avait mal réagi ou s’était entêtée. Par exemple, l’employeur a avancé que la fonctionnaire n’avait pas répondu à une transmission radio. Il a été allégué que la fonctionnaire avait réagi de façon inappropriée lorsqu’on a discuté de ce problème avec elle. De même, l’employeur a affirmé que la fonctionnaire s’était entêtée lorsqu’on lui a dit qu’elle ne pouvait pas apporter un couteau à éplucher dans l’Établissement. La fonctionnaire a contesté cette allégation. Dans son argumentation, elle a affirmé s’être conformée immédiatement aux directives reçues. Cependant, elle n’a pas nié de façon explicite qu’elle avait mal réagi lorsque l’employeur lui a rappelé la nécessité de répondre aux transmissions radio. Dans son argumentation, elle s’est plutôt limitée à dire qu’à ce moment-là, l’employeur ne lui avait pas fait part de ses préoccupations concernant sa réaction. Puisque ce grief a été présenté sur la base d’arguments écrits, je ne peux statuer sur les conflits d’ordre factuel entre les parties. Cependant, il n’est pas nécessaire de trancher sur ces différences factuelles, puisque les motifs du renvoi en cours de stage reposent sur l’insatisfaction de l’employeur à l’égard de la capacité de la fonctionnaire à accomplir son travail et que la fonctionnaire n’a pas contesté ces motifs de manière significative.

28 Il incombait à la fonctionnaire d’établir que le renvoi en cours de stage était une manœuvre destinée à éviter l’arbitrage et que l’insatisfaction de l’employeur à l’égard de ses aptitudes à accomplir ses tâches ne relevait pas d’un acte de bonne foi. Cependant, essentiellement, elle a affirmé que les motifs sur lesquels l’employeur s’est fondé étaient futiles ou qu’ils ne devaient pas être pris en considération, puisqu’elle avait déjà été pénalisée pour ces incidents. De plus, elle a soutenu que le fait que l’employeur n’avait pas effectué d’évaluation du rendement prouvait qu’il avait agi de mauvaise foi.

29 Je ne crois pas que la fonctionnaire a établi que l’employeur avait agi de mauvaise foi ou que les motifs qui justifient le renvoi en cours de stage constituent un subterfuge. En ce sens, comme l’indique Magsood, au paragraphe 38 :

 [38] […] la charge est très lourde pour le fonctionnaire, car il doit démontrer non pas qu’une autre décision aurait pu être prise, mais que l’employeur a simplement imaginé le motif lié à l’emploi pour camoufler des raisons qui n’avaient aucun rapport avec sa capacité à accomplir le travail.

30 Chacun des incidents relevés par l’employeur peuvent, avec raison, susciter des préoccupations relativement à la capacité de l’employée à accomplir le travail. Le fait que la fonctionnaire ne se soit absentée qu’une seule fois sans demander un congé ne change pas le fait qu’elle se soit bel et bien absentée sans demander congé, ce qui permet de douter de sa capacité à occuper un poste de façon continue. Le fait que l’employeur lui ait déjà imposé des mesures disciplinaires pour insubordination ne signifie pas qu’il ne peut pas tenir compte du dossier disciplinaire de la fonctionnaire lorsqu’il évalue sa capacité à occuper son poste de façon continue. Il ne s’agit pas d’une double incrimination, tout comme on ne désignerait pas comme une double incrimination le fait de tenir compte des mesures disciplinaires antérieures lors de l’évaluation d’une nouvelle sanction : voir Rousseau c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2009 CRTFP 91.

31 La fonctionnaire a soutenu que le fait que l’employeur ne lui a pas remis d’évaluation du rendement durant sa période de stage est une preuve de sa mauvaise foi. Dans les circonstances, je ne suis pas d’accord. Même s’il peut y avoir des circonstances où le fait qu’un employé n’a pas reçu de formation et de directives adéquates avant son évaluation du rendement pourrait représenter un acte de mauvaise foi, ce n’est pas le cas ici. La fonctionnaire ne devrait pas avoir besoin d’une évaluation du rendement pour savoir qu’une absence sans autorisation et de l’insubordination, par exemple, ne sont pas des conduites acceptables en milieu de travail. Quoi qu’il en soit, le fait de ne pas avoir remis à la fonctionnaire une évaluation du rendement n’appuie pas l’allégation de mauvaise foi et ne change pas le fait que l’employeur avait des raisons légitimes de ne pas être satisfait de l’aptitude de la fonctionnaire à occuper le poste et de la renvoyer en cours de stage.

32 L’employeur a évalué le comportement de la fonctionnaire durant sa période de stage et a déterminé que, pour un certain nombre de raisons, elle n’était pas apte à occuper un poste d’agente correctionnelle de façon continue. La fonctionnaire ne m’a pas convaincue que l’employeur avait fait preuve de mauvaise foi et que les motifs de son renvoi en cours de stage constituaient une ruse, un subterfuge ou un camouflage destiné à éviter l’arbitrage. Compte tenu de ces faits, je dois conclure que je n’ai pas compétence pour entendre ce grief contestant le renvoi en cours de stage de la fonctionnaire.

33 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

IV. Ordonnance

34 L’objection à la compétence est accueillie.

35 J’ordonne que le dossier soit fermé.

Le 27 novembre 2012.

Traduction de la CRTFP

Kate Rogers,
arbitre de grief

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