Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé a contesté ses suspensions disciplinaires d’un et de cinq jours ainsi que son licenciement disciplinaire pour insubordination présumée - l’employeur a soulevé une objection préliminaire concernant la portée du grief de licenciement, faisant valoir que le grief portait sur une question disciplinaire et que, par conséquent, le fonctionnaire s’estimant lésé ne pouvait pas présenter d’éléments de preuve au sujet du refus présumé de l’employeur de prendre une mesure d’adaptation en raison de sa situation familiale - le fonctionnaire s’estimant lésé vivait à Ingersoll, en Ontario, mais travaillait principalement à Woodbine, près de Toronto; il était parent unique de deux enfants - selon les dispositions d’un règlement conclu avec l’employeur, le fonctionnaire s’estimant lésé devait déménager à Toronto, mais des problèmes sont survenus relativement à sa réinstallation; le fonctionnaire s’estimant lésé était mécontent de devoir payer des frais de déplacement et de garderie, car il estimait que ces dépenses étaient le résultat du refus de l’employeur de respecter le règlement - le fonctionnaire s’estimant lésé s’est absenté du travail à plusieurs reprises, et il s’est senti harcelé quand son superviseur a exprimé des préoccupations à l’égard de ses absences répétées - le fonctionnaire s’estimant lésé a déposé des plaintes de harcèlement contre plusieurs membres de la direction - il a été suspendu pendant une journée pour avoir rompu la communication avec son superviseur et refusé de le rencontrer - il a été suspendu pendant cinq jours pour avoir omis de justifier un congé de maladie de trois jours et de se présenter au lieu de travail qui lui avait été assigné et pour avoir refusé de fournir des renseignements ou de participer à des réunions concernant ses absences et son refus de travailler au lieu prévu - quelques mois plus tard, le fonctionnaire s’estimant lésé est parti en congé de maladie - pendant les deux années qui ont suivi, l’employeur a tenté à neuf reprises, sans succès, d’obtenir du fonctionnaire s’estimant lésé des preuves médicales suffisantes pour justifier son absence; il a enfin conclu que la relation professionnelle était complètement rompue - il a décidé de licencier le fonctionnaire s’estimant lésé - l’arbitre de grief a déclaré que, même si l’on supposait qu’il avait compétence pour entendre la question de la mesure d’adaptation, le fonctionnaire s’estimant lésé n’était pas parvenu à démontrer que l’employeur était tenu de lui offrir une mesure d’adaptation et qu’il avait manqué à son devoir - la simple allégation par le fonctionnaire s’estimant lésé qu’il avait un enfant ayant des besoins spéciaux n’était pas suffisante pour être jugée comme une preuve prima facie de discrimination - de plus, le fonctionnaire s’estimant lésé a continuellement refusé d’expliquer la nature du problème à l’employeur et de coopérer afin de trouver la mesure d’adaptation appropriée - l’employeur n’avait pas l’obligation de réaliser une enquête plus approfondie - il n’y avait aucune preuve révélant qu’une maladie ou un trouble limitait le fonctionnaire d’une façon qui justifiait une mesure d’adaptation - l’arbitre de grief a déclaré que, même si le fonctionnaire s’estimant lésé avait peut-être une raison de rompre la communication avec son superviseur, il n’avait pas de raison de refuser deux fois de le rencontrer; par conséquent, la suspension d’une journée était une sanction raisonnable - l’arbitre de grief a déclaré que, bien que le fonctionnaire s’estimant lésé ait justifié son absence de deux jours, il n’a pas justifié son refus de se présenter au lieu de travail qui lui avait été assigné, ni son refus de rencontrer l’employeur - il a réduit la sanction à une suspension de trois jours - pour ce qui est du licenciement, l’employeur avait le droit de demander des renseignements médicaux plus détaillés - l’argument du fonctionnaire s’estimant lésé selon lequel le harcèlement et la discrimination dont il était victime ou son état de santé justifiaient ses actions n’était appuyé par aucune preuve - l’arbitre de grief a rejeté l’argument du fonctionnaire s’estimant lésé selon lequel il croyait que l’employeur aurait pu obtenir les renseignements qu’il désirait en communiquant avec son médecin de famille - le fonctionnaire s’estimant lésé a fait preuve d’insubordination - il a répété ses actions de manière continue tout en sachant pertinemment quelles seraient les conséquences s’il refusait de se conformer - son licenciement était raisonnable. Griefs contestant la suspension d’une journée et le licenciement rejetés. Grief contestant la suspension de cinq jours accueilli en partie.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2012-12-14
  • Dossier:  566-02-577, 3081 et 3439
  • Référence:  2012 CRTFP 130

Devant un arbitre de grief


ENTRE

MARK HALFACREE

fonctionnaire s'estimant lésé

et

ADMINISTRATEUR GÉNÉRAL
(ministère de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire)

employeur

Répertorié
Halfacree c. Administrateur général (ministère de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire)

Affaire concernant des griefs individuels renvoyés à l’arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Augustus Richardson, arbitre de grief

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Mary Mackinnon, avocate

Pour l'employeur:
Joshua Alcock, avocat

Affaire entendue à Toronto (Ontario),
du 21 au 25 novembre 2011 et les 5 et 6 juin 2012.
Arguments écrits déposés le 11 juillet 2012.
(Traduction de la CRTFP)

I. Introduction

1 Avant son licenciement le 28 avril 2009, Mark Halfacree, le fonctionnaire s’estimant lésé (le « fonctionnaire ») était agent des hippodromes à l’Agence canadienne du pari mutuel (l’« Agence »), un organisme relevant du ministère de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire (l’« employeur »). Il travaillait sur le site de l’Agence, à l’hippodrome de Woodbine, à Toronto (Ontario). La présente décision porte sur les trois griefs présentés par M. Halfacree :

  1. dossier de la CRTFP 566-02-577 – suspension disciplinaire d’une journée imposée au fonctionnaire le 2 mars 2006;
  2. dossier de la CRTFP 566-02-3081 – suspension disciplinaire de cinq jours imposée au fonctionnaire le 20 mars 2007;
  3. dossier de la CRTFP 566-02-3439 – licenciement disciplinaire, le 28 avril 2009.

2 J’ai d’abord examiné les trois griefs dans le cadre d’une médiation les 25 et 26 mai 2011, à Toronto. Avant le début de la médiation, les parties ont convenu que j’étudierais d’abord les griefs dans le cadre d’une médiation, et que si ce processus ne donnait pas de résultats, j’agirais à titre d’arbitre de grief.

3 Le processus de médiation a échoué. Par conséquent, j’ai entendu les éléments de preuve du 21 au 25 novembre 2011 et le 5 juin 2012, à Toronto. Des arguments oraux ont été entendus le 6 juin, et des arguments écrits définitifs ont été reçus le 11 juillet 2012.

II. Objection préliminaire de l’Agence

4 Au début de l’audience, le 21 novembre 2011, l’avocat de l’Agence a soulevé une objection préliminaire concernant la portée du grief de licenciement (dossier de la CRTFP 566-02-3439). Pour comprendre l’objection, il est nécessaire de résumer brièvement les détails du grief.

5 M. Halfacree a été licencié le 28 avril 2009 pour insubordination – essentiellement, pour son refus, sur une période de deux ans, de justifier à l’employeur ses absences au cours de cette période.

6 Le 28 mai 2009, M. Halfacree a présenté son grief de licenciement, dans lequel il indiquait ce qui suit :

[Traduction]

Je conteste mon licenciement, que je juge injustifié et discriminatoire à mon endroit.

Je conteste les abus de pouvoir et de confiance, les actes de harcèlement et de discrimination et les écarts de conduite dont j’ai été victime pendant mon emploi à l’Agence canadienne du pari mutuel.

J’invoque toutes les dispositions pertinentes de la table 1 de la convention collective du groupe Services des programmes et de l’administration, des directives du CNM, des politiques de l’employeur et des lois et règlements applicables, passés ou actuels.

7 M. Halfacree a demandé les réparations suivantes :

[Traduction]

  1. Que mon licenciement soit annulé et que je sois réintégré dans mes fonctions rétroactivement à la date de ma communication des actes de discrimination et de harcèlement et des écarts de conduite au ministre de l’Agriculture et à son chef de cabinet, Chad Shaver, le 17 octobre 2006.
  2. Que tous les avantages, les droits, les congés, les montants, les bonus et les salaires perdus depuis le 17 octobre 2006 en raison de mesures que l’employeur a prises ou a omis de prendre me soient rendus ou remboursés immédiatement.
  3. Que la mesure d’adaptation et le transfert que j’ai demandés et qui ont été reconnus par Steve Tierney, SMA-RH-AAC, me soient accordés.
  4. Que soit menée immédiatement une enquête sur la discrimination en raison de mon état matrimonial pendant mon emploi à l’ACPM.
  5. Que soit menée une enquête indépendante sur les abus de pouvoir et de confiance, les actes de harcèlement et les écarts de conduite de Ron Nichol, de Bob McReavy, de Tim Pettipas, de Leslie Smith (RH, AAC) et de Claudine Séguin sur le lieu de travail.
  6. Que toutes les autres réparations jugées indiquées dans les circonstances me soient accordées, et que je sois indemnisé intégralement.

8 Le grief était joint à la formule 21 qui a été présentée à la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la « Commission ») le 2 février 2010 en vertu de l’alinéa 209(1)b) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la « Loi »).

9 L’avocat de l’employeur a appris que l’avocate de M. Halfacree comptait présenter des preuves que l’Agence avait manqué à son obligation de prendre des mesures d’adaptation relativement à son état matrimonial. Il a fait valoir que je n’avais pas la compétence pour entendre ces preuves ou les examiner dans le contexte du grief de licenciement, car il ne s’agissait pas d’une question disciplinaire, et que cette question avait déjà été contestée et tranchée dans le cadre d’une autre procédure.

10 L’avocate du fonctionnaire s’est opposée à l’objection. Elle a expliqué qu’elle avait pris connaissance de l’objection le vendredi précédent le début de l’audience. Elle a ajouté que les preuves faisaient partie des événements impliquant le fonctionnaire qui ont menés à son licenciement.

11 J’ai décidé de réserver ma décision sur la mesure d’adaptation et d’entendre d’abord les preuves, puis enfin d’autres arguments sur la question.

12 Puisque les trois griefs portaient sur la discipline, il a été convenu que l’employeur présenterait ses éléments de preuve en premier, suivi de l’avocate du fonctionnaire. L’employeur pourrait ensuite présenter une contre-preuve sur la question de la mesure d’adaptation, s’il le jugeait nécessaire.

III. L’audience

13 J’ai entendu des éléments de preuve des personnes suivantes, qui ont témoigné au nom de l’employeur :

  1. Claudine Séguin – de septembre 2006 à août 2007, elle était superviseure des opérations sur le terrain à Woodbine. Elle était donc responsable des horaires de travail des agents des hippodromes, y compris ceux de M. Halfacree;
  2. Robert McReavy – jusqu’en 2008, il était gestionnaire régional de l’Ontario pour l’Agence. Il était donc le superviseur direct de M. Halfacree (sauf pour ce qui est des périodes où Mme Séguin occupait ce poste);
  3. Ron Nichol – pendant un certain temps à la fin de 2005 et au début de 2006, il était gestionnaire de la coordination des programmes et des normes nationales pour l’Agence. Son rôle était de fournir des conseils et un soutien en matière de règlementation aux gestionnaires régionaux;
  4. Tim Pettipas – il était le directeur exécutif de l’Agence du début de 2005 jusqu’en janvier 2007;
  5. Chantale Courcy – elle a succédé à M. Pettipas au poste de directrice exécutive de l’Agence;
  6. Sean Malone – il est devenu le directeur exécutif de l’Agence en avril 2009. Il a rédigé la lettre de licenciement signée par le sous-ministre adjoint (SMA), Pierre Corriveau, le 28 avril 2009.

14 J’ai entendu des éléments de preuve des personnes suivantes, qui ont témoigné au nom du fonctionnaire :

  1. le fonctionnaire;
  2. John Langs – il est vice-président régional de l’agent négociateur depuis 2005. Il est devenu impliqué dans les questions touchant la relation entre M. Halfacree et la direction au début de 2007;
  3. Joe Scatozz – il est un agent de l’Agence et un collègue de M. Halfacree. Il agit parfois à titre de délégué syndical pour l’agent négociateur;
  4. Michael Witkowski – il est un autre collègue de M. Halfacree;
  5. Gary Dionne – il était le président de la section locale pendant les périodes pertinentes dans la présente affaire.

15 L’employeur a cité la personne suivante à témoigner dans le cadre de sa contre-preuve :

  1. Leslie Smith – elle était agente des relations de travail à l’Agence de 2005 à 2009.

16 Je ne vois pas la nécessité de fournir un exposé précis du témoignage de chaque témoin ou du témoignage du fonctionnaire. Tous (sauf le fonctionnaire) ont donné un témoignage franc en l’absence des autres témoins. De plus, une bonne partie de leurs éléments de preuve étaient fondés sur la revue du nombre considérable de courriels, de télécopies et de lettres échangés entre l’employeur et M. Halfacree au fil des ans. Aucun témoin n’a remis en question l’exactitude des documents qu’ils ont envoyés ou reçus. Dans ces circonstances, j’ai conclu que, dans la plupart des cas, les éléments de preuve exposant le plus exactement les faits se trouvaient dans la correspondance produite en preuve par les deux parties ou étaient appuyés par cette correspondance. Par conséquent, j’ai basé mes conclusions de fait sur ces arguments oraux et ces documents, et je ne citerai des éléments de preuve ou des témoignages en particulier que lorsque ce sera nécessaire pour expliquer ou régler une question en litige en particulier, ou pour compléter ou préciser le dossier documentaire.

IV. Contexte

17 L’histoire entourant les trois griefs est longue et complexe. Elle a commencé quelques années avant les événements qui ont mené à leur présentation. Cette histoire fournit un contexte qui permet de mieux comprendre certains des événements qui ont donné lieu aux griefs.

18 M. Halfacree était agent des hippodromes pendant la période en cause. Ces agents visitent les hippodromes et effectuent des inspections pour s’assurer que les règlements sur les paris sont respectés. Woodbine est le plus important hippodrome en Ontario. Il y a d’autres hippodromes plus petits dans le sud-ouest de l’Ontario, par exemple à Hamilton, à Woodstock, à London et à Sarnia. Certains diffusent des courses qui ont lieu à Hong Kong ou en Australie (« paris à distance »). Les agents visitent parfois ces hippodromes, également pour vérifier la conformité aux règlements sur les paris mutuels. L’administration régionale de l’Ontario de l’Agence est située à un ou deux coins de rue de Woodbine (le « bureau régional de l’Ontario »).

19 L’Agence a embauché M. Halfacree à titre d’agent en avril 1989. Jusqu’en 1991, il était un employé saisonnier travaillant à temps partiel. Il a ensuite occupé pendant un an un poste de juge principal à la Commission hippique du Manitoba, et un poste de juge principal à temps partiel à la Commission des courses de l’Ontario, de 1992 à 1996.

20 M. Halfacree est revenu à l’Agence, toujours à temps partiel, en septembre 1996. Il vivait alors à Ingersoll, en Ontario, mais il travaillait surtout à Woodbine. Il avait deux jeunes enfants, une fille et un garçon. Selon M. Halfacree, [traduction] « quand tout allait bien » Woodbine était environ à une heure quarante-cinq de route de chez lui.

21 M. Halfacree est devenu un agent à temps plein le 9 septembre 2002, après qu’un conflit entre M. Halfacree et l’Agence a été réglé par la médiation (le « règlement de 2002 »). Le règlement de 2002 mentionnait également que M. Halfacree avait [traduction] « […] décidé de déménager et serait remboursé en conséquence »; voir la pièce 14. M. Halfacree a déclaré qu’il avait compris à ce moment-là qu’il allait travailler à l’extérieur des bureaux de l’Agence à Woodbine. Le déménagement renvoyait au désir fondamental de M. Halfacree de s’établir plus près de Toronto.

22 M. Halfacree avait également compris que, dans le cadre du règlement de 2002, il allait être immédiatement placé dans un programme de réinstallation du gouvernement qui payerait la totalité des coûts ou du moins une partie des coûts liés à son départ d’Ingersoll et son emménagement dans une résidence située à Toronto ou plus près de Toronto. Il n’a toutefois été placé dans le programme qu’en avril 2003. Il a donc dû, d’après ses dires, engager des frais de voyage et de garderie pendant sept mois supplémentaires, parce qu’il a dû rester à Ingersoll, tandis qu’il travaillait à Toronto. Il s’est exprimé en ces mots sur ce point : [traduction] « J’ai jugé que j’étais en déplacement durant cette période, mais l’employeur a refusé de me rembourser mon temps et mes frais de voyage […] M. McReavy a refusé de payer. »

23 M. McReavy était alors le gestionnaire régional de l’Ontario à l’Agence. Il était entre autres responsable de surveiller les opérations en Ontario, d’établir les horaires des agents et de traiter les plaintes concernant les hippodromes. M. Halfacree relevait directement de lui. Pendant un certain temps vers la fin de 2007, Mme Séguin était la supérieure hiérarchique directe des fonctionnaires, mais jusque-là, M. McReavy assumait cette responsabilité. Ce dernier a déclaré (ce qu’ont confirmé M. Halfacree et M. Dionne) que ses rapports avec M. Halfacree sont devenus très tendus après 2002.

24 M. Halfacree a été placé dans le programme de réinstallation en avril 2003, et on lui a assigné un agent de réinstallation. Il a fait plusieurs voyages aux frais de l’employeur afin de trouver une maison à Toronto ou près de Toronto. Il a présenté une offre d’achat pour une maison. Il a toutefois déclaré ce qui suit : [traduction] « en raison de ma situation financière, je n’ai pas pu déménager ». Il a déclaré qu’il était [traduction] « à sec » après avoir pris en considération les dépenses de voyage et de garderie que l’employeur avait refusé de lui rembourser. Il n’a présenté aucune preuve expliquant pourquoi il a fait une offre d’achat pour une maison si sa situation financière était si précaire.

A. La suspension d’une journée

25 Selon la preuve, en 2004 et 2005, M. Halfacree s’est absenté de son travail plusieurs fois. Son médecin de famille, la Dre Matsuo lui donnait de temps en temps de brèves notes dans lesquelles elle indiquait que le fonctionnaire l’avait consultée pour diverses raisons. Le fonctionnaire présentait souvent ces notes à M. McReavy lorsque ce dernier a commencé à lui demander des certificats médicaux pour confirmer les raisons de ses absences; voir l’onglet 1 de la pièce U4.

26 Selon la correspondance entre M. Halfacree et M. McReavy en 2004 et en 2005, il est clair que les deux hommes étaient à couteaux tirés pour ce qui est d’établir une justification valable pour les absences du fonctionnaire. Par exemple, en mars 2005, M. Halfacree aurait fourni des certificats médicaux signés par une infirmière praticienne. M. McReavy aurait remis en question les qualifications et la compétence d’une infirmière praticienne pour émettre des certificats médicaux et aurait demandé au fonctionnaire pourquoi il n’avait pas vu un médecin. M. Halfacree n’a pas répondu au premier courriel de M. McReavy. Quand ce dernier lui a reposé la question, il a finalement répondu qu’il avait pris un autre rendez-vous avec un médecin et que, si M. McReavy avait des questions, il devrait parler au médecin. M. McReavy a fini par parler à la Dre Matsuo. Le 25 mars 2005, M. Halfacree a écrit de nouveau à M. McReavy et lui a dit qu’il trouvait son [traduction] « […] comportement, encore une fois, intimidant, offensant et injustifié ». Il a ajouté ce qui suit : [traduction] « […] pour toute autre question concernant la validité de mes congés de maladie, veuillez communiquer avec le médecin mentionné dans ce message, puisque la divulgation de cette information [à M. McReavy] a été autorisée »; voir l’onglet 1 de la pièce U4, pages 34 à 36. M. Halfacree a confirmé dans son témoignage qu’il avait autorisé la Dre Matsuo à parler à son employeur.

27 En 2005, entre le début du printemps et la mi-août, M. Halfacree a présenté des certificats médicaux pour justifier une vingtaine de journées de congé de maladie; voir la pièce U4, onglet 2. Le 10 août 2005, M. McReavy a écrit à M. Halfacree pour lui faire part de ses préoccupations concernant les congés de maladie qu’il ne cessait de prendre. Il lui a suggéré de participer à une discussion facilitée ou à une séance de médiation lorsqu’il reviendrait au travail. M. McReavy a obtenu deux dates (les 17 et 18 août) du Bureau de résolution des conflits de l’Agence et il les a proposées à M. Halfacree; voir la pièce U4, onglet 2.

28 La rencontre n’a pas eu lieu. M. Halfacree a déclaré qu’il avait des rendez-vous chez le médecin les 17 et 18 août. À l’audience, il a nié que le fait qu’il ne soit pas allé à la réunion représente un refus de rencontrer la direction. Il a indiqué qu’il a eu plusieurs rencontres avec la direction entre août 2005 et avril 2007 (quand il est parti en congé de maladie) et qu’il était [traduction] « prêt à rencontrer n’importe quel représentant de l’employeur ». Cependant, il a déclaré que sa [traduction] « seule préférence était de ne pas avoir affaire au Bureau de résolution des conflits ». M. Halfacree a déclaré que sa seule autre expérience avec le Bureau de résolution des conflits avait donné lieu au règlement de 2002. Malgré ce règlement, il ne considérait pas que la participation du Bureau était une chose positive. Je souhaite préciser que, comme nous le constaterons clairement plus loin dans la présente décision, il est clair que, à tout le moins avec du recul, M. Halfacree était rarement prêt à rencontrer un de ses supérieurs.

29 Une rencontre a finalement eu lieu le 22 septembre 2005. M. Halfacree et son représentant, M. Dionne, étaient présents, de même que M. McReavy et Mme Smith, une consultante en ressources humaines pour l’employeur. Plusieurs sujets ont été abordés, dont les congés de maladie ou pour des rendez-vous chez le médecin ou le dentiste. Le point central de cette discussion était que, selon la Politique sur le congé payé du Conseil du Trésor, chaque employé a droit à au plus une demi-journée (3,75 heures) pour des rendez-vous chez le médecin ou le dentiste. On attendait de l’employé qu’il prévoit si possible son rendez-vous au début ou à la fin de son quart de travail et qu’il travaille le reste de sa journée de travail. Si cela était impossible, l’employé devait fournir une note de son médecin ou de son dentiste expliquant pourquoi une journée complète était nécessaire; voir la pièce E2, onglet 5.

30 Le 6 octobre 2005, M. Halfacree a envoyé une télécopie à M. McReavy pour lui dire qu’on lui avait donné deux autres rendez-vous le 25 octobre après son rendez-vous du 29 septembre, et que, par conséquent, il ne serait pas au travail ce jour-là; voir la pièce U4, onglet 2. Le 25 octobre, il a fourni un certificat médical dans lequel il était indiqué qu’il avait un rendez-vous chez le médecin et qu’il serait de retour au travail le 26 octobre; voir la pièce U4, onglet 2.

31 Le 14 octobre 2005, M. Halfacree a envoyé à M. Pettipas un courriel dans lequel il indiquait que [traduction] « […] conformément aux modalités du règlement en vue de [sa] réinstallation », il soumettait ses heures de déplacement [traduction] « […] pour qu’elles soient examinées et remboursées [par M. Pettipas] »; voir la pièce U8. La demande de remboursement couvrait deux périodes : du 1er avril 2002 au 9 septembre 2002 – le fonctionnaire était alors un employé à temps partiel – et du 10 septembre 2002 au 31 mars 2003 – il est devenu un employé à temps plein et est entré dans le programme de réinstallation pendant cette période. Il demandait pour chaque jour le remboursement de deux heures de déplacement entre Ingersoll et Woodbine, et pour la majorité de ces heures, il comptait demander un remboursement au taux des heures supplémentaires plus le salaire de base. Il a noté que, selon les modalités du règlement de 2002, [traduction] « […] en tant que père célibataire, tous les frais de garderie devaient aussi m’être remboursés, et j’en ferai la demande »; voir la pièce U8.

32 Je remarque que M. Pettipas est arrivé à l’Agence au début de 2005. Il a déclaré qu’il a pris connaissance peu après son arrivée de plusieurs préoccupations exprimées par des employés de la région de l’Ontario, particulièrement de Woodbine. Une évaluation du milieu de travail menée avant qu’il soit en poste avait révélé qu’il y avait une rupture des communications entre les employés et la direction dans la région de l’Ontario. Son objectif était de donner suite aux conclusions et aux recommandations du rapport afin de rétablir la communication au travail et le moral. Plus tard en 2005, il a pris plusieurs mesures qui devaient améliorer les relations dans la région. Il a déclaré qu’il y avait [traduction] « une longue histoire entre M. McReavy et le personnel ». On avait soulevé la préoccupation qu’il y avait si longtemps qu’il avait été un agent que M. McReavy avait oublié à quoi ressemblait le travail des agents au quotidien. M. Pettipas a déclaré qu’il a [traduction] « tenté de remédier à la situation », entre autres en confiant à Mme Séguin, dont l’expérience en tant qu’agente était beaucoup plus récente, un poste de superviseure des agents, dont M. Halfacree. Une autre réunion avec le personnel, qui selon le souvenir de M. Pettipas visait à discuter du rapport d’évaluation du milieu de travail, a eu lieu en octobre 2005.

33 M. Halfacree a déclaré que tous les agents ont assisté à la réunion, de même que des représentants de l’agent négociateur. M. Halfacree était délégué syndical pour la section locale de Woodbine, mais il a laissé M. Dionne se charger de représenter la partie syndicale lors de la réunion. Les questions touchant les horaires ont été discutées, de même qu’une entente sur les postes à horaire variable, qui devait régler certains des problèmes d’horaire qui avaient été soulignés.

34 Entre-temps, M. McReavy a commencé à se poser des questions concernant la demande de congé de maladie de M. Halfacree pour le 25 octobre. Il a mentionné plus tard dans une lettre datée du 14 novembre qu’il était indiqué dans le certificat médical que M. Halfacree ne pourrait travailler ni avant ni après son rendez-vous. En d’autres mots, M. Halfacree demandait congé pour tout son quart de 10 heures. Mais on a vu que la politique du Conseil du Trésor ne permettait qu’un congé payé de 3,75 heures pour les rendez-vous de nature médicale. M. McReavy a souligné à M. Halfacree que s’il voulait un congé payé pour toute la journée, il allait devoir lui donner un certificat médical expliquant pourquoi il serait incapable de travailler avant et après le congé autorisé de 3,75 heures ou présenter une demande de congé non payé pour le reste de la journée; voir la pièce E3, onglet 1.

35 M. Halfacree n’a pas répondu. Le 2 novembre, M. McReavy a appelé le fonctionnaire. Il a déclaré avoir téléphoné à M. Halfacree [traduction] « pour savoir pourquoi [le fonctionnaire] ne pouvait pas travailler après son rendez-vous ». La conversation ne s’est pas bien déroulée. M. McReavy a déclaré que M. Halfacree [traduction] « ne voulait plus [lui] parler et a simplement terminé [son] appel de suivi en [lui] raccrochant au nez ». M. Halfacree a admis lors de son témoignage qu’il a raccroché au nez de M. McReavy et que le fait de raccrocher au nez d’un superviseur [traduction] « causait un problème ».

36 Plus tard, M. Halfacree a soumis des certificats médicaux pour obtenir des congés du 2 au 4 novembre 2005. Ces certificats avaient été signés par la Dre Matsuo le 7 novembre et indiquaient que le fonctionnaire retournerait au travail le 8 novembre 2005; voir la pièce U4, onglet 2. L’employeur était confus, car M. Halfacree lui avait dit le 13 septembre qu’il serait absent le 8 novembre en raison de rendez-vous médicaux; voir la pièce U4, onglet 2. Le 9 novembre, M. McReavy a envoyé un courriel au fonctionnaire pour lui demander une explication. Il n’est pas clair dans la preuve si le fonctionnaire a fourni cette explication.

37 Le 10 novembre 2005, M. Halfacree a envoyé un courriel à M. Pettipas pour savoir où en était sa demande du 14 octobre pour le remboursement de ses frais de déplacement et de garderie. Il s’est plaint en disant qu’il croyait que M. Pettipas allait examiner sa demande, mais qu’il avait [traduction] « […] appris qu’elle avait été renvoyée au niveau local pour être examinée par les gens qui ont tout saboté au départ ». Il a noté que M. McReavy avait rejeté sa demande initiale, et il a déclaré que, depuis son retour à l’Agence, il avait [traduction] « […] perdu toute confiance en l’honnêteté de la direction loc ale ou de la haute direction ». Il a terminé en demandant une rencontre personnelle avec M. Pettipas [traduction] : « Toute autre action serait carrément insultante, et j’ai eu assez de ce genre de traitement depuis 1996 »; voir la pièce U8.  

38 Le 14 novembre 2005, M. McReavy a écrit à M. Halfacree. Il lui a donné sa version de leur conversation téléphonique du 2 novembre et a affirmé que M. Halfacree lui avait manqué de respect en lui raccrochant au nez et avait violé les [traduction] « principes relatifs à un milieu de travail respectueux »; voir la pièce E3, onglet 1. Il a ajouté que tout autre incident semblable à l’avenir pourrait lui valoir une mesure disciplinaire.

39 Le 24 novembre 2005, la Dre Matsuo a signé un certificat médical pour la période du 22 au 25 novembre 2005 dans lequel il était indiqué que M. Halfacree serait de retour au travail le 29 novembre; voir la pièce U4, onglet 2. Le 30 novembre, M. Halfacree a envoyé un courriel à M. McReavy et à d’autres personnes pour les aviser qu’il ne serait pas au travail le 1er décembre, car il devait subir des examens médicaux à London, en Ontario, à 14 h 30. Il a aussi informé les destinataires qu’il devait subir des examens le 6 décembre, et qu’il leur dirait plus tard quand il serait de retour au travail; voir la pièce U4, onglet 2.

40 Le 2 décembre, la Dre Matsuo a signé un certificat médical pour le 1er décembre. Le 8 décembre, elle a signé un certificat pour les 6, 7 et 8 décembre – le fonctionnaire devait recommencer à travailler le 9 décembre. Le 21 décembre, elle a signé un certificat pour le 21 décembre – le fonctionnaire devait être de retour au travail le 22 décembre. Tous ces certificats ont été fournis à l’employeur.

41 Étant donné ces antécédents, on peut probablement comprendre pourquoi le 20 décembre 2005, M. McReavy a envoyé un courriel à M. Halfacree concernant le nombre de congés de maladie qu’il prenait. M. McReavy a demandé au fonctionnaire de se présenter à une rencontre au bureau régional de l’Ontario (près de Woodbine) au début de son quart de travail le 28 décembre 2005 pour discuter de ses congés de maladie ainsi que des réponses au premier palier à plusieurs griefs qu’il avait présentés; voir la pièce E3, onglet 2.

42 M. Halfacree a répondu le 27 décembre, à 19 h 56. Il a déclaré qu’il ne voulait pas rencontrer M. McReavy, parce qu’il ne voyait [traduction] « […] aucunement l’utilité d’une rencontre au niveau local ». Il a noté qu’il avait [traduction] « […] demandé qu’une enquête indépendante soit menée sur toutes les questions liées à l’emploi en suspens ». Il acceptait de rencontrer M. Pettipas. Il a indiqué qu’il communiquerait avec M. Pettipas pour organiser une rencontre; voir la pièce E3, onglet 2. Il n’est pas précisé clairement dans la preuve si M. Halfacree a effectivement organisé cette rencontre.

43 Pendant son interrogatoire principal, on a questionné M. Halfacree au sujet de cette réponse. M. Halfacree a répondu ce qui suit :

[Traduction]

Je ne voulais plus avoir aucun contact avec M. McReavy […] J’avais déposé une plainte concernant sa conduite […] J’en avais assez de sa conduite et de ses abus […] Il commettait des abus de pouvoir en me manquant de respect et en ne me traitant pas comme les autres agents à Woodbine ou à d’autres endroits en Ontario […] Je croyais que j’étais le seul à devoir présenter des demandes de congé de maladie avec certificat médical […] J’avais constamment des conversations téléphoniques avec M. McReavy qui ne débouchaient jamais sur des solutions constructives […] Ma relation avec M. McReavy était complètement empoisonnée, et j’en avais assez.

44 M. Halfacree est allé travailler à Woodbine le 28 décembre 2005. M. McReavy lui a téléphoné pour savoir pourquoi il n’était pas au bureau régional de l’Ontario comme on le lui avait demandé. M. Halfacree a répondu qu’il n’irait pas à la rencontre. Il a répété son refus quand M. McReavy lui a dit qu’il devait y aller, puis il a déclaré que la conversation était terminée et a raccroché; voir la pièce E3, onglet 14. M. Halfacree a ensuite envoyé un courriel à Marc Leclaire, gestionnaire des valeurs et de l’éthique, et à M. Pettipas, et il a envoyé une copie conforme à M. Dionne. Dans ce courriel, il a déclaré qu’il revenait d’un congé de maladie et qu’il avait préparé une plainte de harcèlement qu’il était prêt à déposer au bureau de M. Leclaire; voir la pièce E3, onglet 3.

45 Le 4 janvier 2006, M. McReavy a envoyé un courriel à M. Halfacree pour lui dire qu’il voulait le rencontrer le 11 janvier pour discuter de sa conduite du 28 décembre. Comme il y avait un risque qu’une mesure disciplinaire soit imposée, il a avisé M. Halfacree qu’il pouvait être accompagné d’un représentant syndical s’il le désirait; voir la pièce E3, onglet 4. Le 6 janvier, M. McReavy a reporté la rencontre au 12 janvier, car il se pouvait que M. Halfacree, qui avait téléphoné pour aviser qu’il était malade, n’ait pas reçu son courriel; voir la pièce E3, onglet 5.

46 Le 10 janvier 2006, M. Halfacree a déposé une plainte de harcèlement contre M. McReavy; voir la pièce E21. La même journée, il a envoyé à M. McReavy un courriel dans lequel il indiquait qu’il ne serait pas présent à la rencontre du 12 janvier en raison de sa plainte de harcèlement; voir la pièce E3, onglet 3. Il a répété ce message le 11 janvier dans un courriel, dont il a aussi envoyé une copie conforme à M. Dionne, entre autres; voir la pièce E3, onglet 5.

47 La rencontre a finalement été reportée à 18 h le 20 janvier 2006. M. Nichol, qui était alors le gestionnaire de la coordination des programmes et des normes nationales, a parlé à M. Halfacree le 18 janvier. Il a informé le fonctionnaire qu’il pouvait demander un représentant, puisqu’on allait peut-être lui imposer une mesure disciplinaire. M. Nichol a avisé M. Halfacree par courriel plus tard dans la journée qu’il devait se présenter au bureau régional de l’Ontario au début de son quart de travail le 20 janvier; voir la pièce E3, onglet 7. M. Halfacree a répondu la journée même. Il a indiqué qu’il était [traduction] « disposé à rencontrer [M. Nichol] », mais qu’il voulait que son représentant, M. Dionne, soit présent, et que ce dernier allait [traduction] « […] communiquer [avec lui] pour faire connaître ses disponibilités »; voir la pièce E3, onglet 7.

48 En fin de compte, la rencontre n’a pas eu lieu le 20 janvier. M. Halfacree a téléphoné les 19 et 20 janvier pour aviser qu’il était malade; voir la pièce E3, onglets 8 et 10. M. Nichol lui a écrit le 20 janvier pour fixer une nouvelle date pour la rencontre. Il lui a demandé de lui dire quand il serait disponible les semaines du 6 et du 13 février; voir la pièce E3, onglet 8. M. Nichol n’a reçu aucune réponse de M. Halfacree.

49 Le 14 février 2006, M. Leclaire a informé M. Halfacree que sa plainte de harcèlement du 10 janvier contre M. McReavy ne serait pas traitée. Il a noté que les allégations contenues dans la plainte portaient sur l’exercice par la direction de son droit d’attribuer les horaires de travail ou d’insister pour que les normes d’emploi soient respectées, ou sur d’autres sujets ayant déjà fait l’objet d’une plainte. Il a reconnu qu’il ne faisait aucun doute que la relation entre M. Halfacree et M. McReavy était [traduction] « conflictuelle », et il a recommandé aux deux hommes de faire appel aux services de médiation du Bureau de résolution des conflits; voir la pièce E21.

50 M. Nichol a envoyé un courriel à M. Halfacree le 17 février, à 15 h 34. Il a mentionné que, comme il n’avait reçu aucune réponse à sa lettre du 20 janvier, il le convoquait à une réunion visant à établir les faits le 23 février, à 13 h 30, au bureau régional de l’Ontario. M. Halfacree devait travailler à Woodbine ce jour-là, et M. Nichol lui a demandé de se présenter au bureau régional de l’Ontario au début de son quart pour assister à la réunion. M. Nichol a conclu en mentionnant que M. Dionne avait [traduction] « […] été avisé de la réunion et serait présent si [le fonctionnaire voulait] qu’il soit présent ». M. Dionne a reçu une copie conforme de ce courriel; voir la pièce E3, onglet 9.

51 Le 17 février, à 20 h 38, M. Halfacree a répondu au courriel de M. Nichol en déposant une autre plainte de harcèlement. Il a écrit à M. Leclaire (et a envoyé une copie conforme à plusieurs personnes, dont M. Nichol) pour déposer sa [traduction] « […] plainte de harcèlement, de représailles, de menaces et d’intimidation de la part de […] » M. Nichol et Mme Smith; voir la pièce E3, onglet 10. Il a déclaré que, quand il a parlé à M. Nichol le 18 janvier concernant la rencontre du 20 janvier, et qu’il lui a dit qu’il ne serait présent que si M. Dionne était disponible, M. Nichol lui a répondu [traduction] « en lui lançant des remarques désobligeantes et en employant un ton irrespectueux qui lui laissait entendre qu’il devait assister à la rencontre même si M. Nichol n’était pas disponible »; voir la pièce E3, onglet 10. Il a ajouté que M. Nichol a affirmé que Mme Smith lui avait dit que M. Dionne était disponible, mais qu’en réalité, M. Dionne [traduction] « […] ne savait rien de la rencontre disciplinaire prévue un vendredi soir, le 20 janvier 2006 »; voir la pièce E3, onglet 10. À titre de mesure corrective, le fonctionnaire demandait entre autres une enquête sur ce qu’il appelait [traduction] « les actes de harcèlement et le comportement déplacé » de M. Nichol et de Mme Smith à son endroit le 18 janvier; voir la pièce E3, onglet 10.

52 Je remarque que dans son témoignage, M. Halfacree a répété que M. Dionne ne savait rien de la rencontre du 20 janvier. Il a déclaré que M. Dionne lui a dit qu’il ne savait pas qu’il y avait une rencontre. D’un autre côté, Mme Smith a écrit à ce moment-là que M. Dionne savait le 18 janvier qu’il y aurait une rencontre le 20 janvier et qu’il était disponible, bien qu’il n’avait pas envie d’y assister; voir la pièce E3, onglet 10. Lors de son interrogatoire principal, M. Dionne a reconnu qu’il a pris connaissance de la rencontre avant le 20 janvier. Bien qu’il ait dit qu’il n’avait pas aimé l’idée de se rendre à Toronto pour assister à une rencontre à 18 h, il n’a pas dit qu’il n’aurait pas pu y aller si la rencontre avait eu lieu. Cependant, comme M. Halfacree a téléphoné le jour de la rencontre pour aviser qu’il était malade – M. Dionne a d’ailleurs indiqué que [traduction] « ce n’était pas la première fois qu’il faisait ça » – la rencontre n’a pas eu lieu. Cet élément de preuve suffit à me convaincre que la suggestion de M. Halfacree que M. Dionne ne savait pas qu’une rencontre aurait lieu et n’avait pas accepté d’y assister était incorrecte. Mme Smith était une agente chevronnée des relations de travail. Elle avait envoyé des copies conformes de courriels à M. Dionne dans le passé. M. Dionne avait assisté à des réunions dans le passé. Selon moi, il est très peu probable que Mme Smith ne communique pas avec M. Dionne pour vérifier ses disponibilités. Le fait que les éléments de preuve de M. Dionne appuient ceux de Mme Smith me pousse à conclure que M. Halfacree savait qu’une rencontre était prévue le vendredi 20 janvier et que son représentant pouvait y assister. Malheureusement, M. Halfacree est encore tombé malade ce jour-là et n’a pas pu aller à la rencontre.

53 Quoi qu’il en soit, M. Nichol a envoyé un courriel à M. Halfacree le 22 février 2006 pour confirmer que la réunion visant à établir les faits avait lieu le 23 février, à 13 h 30, au bureau régional de l’Ontario. Il a noté que M. Dionne avait été informé et qu’il serait disponible, puisqu’une mesure disciplinaire risquait d’être imposée; voir la pièce E3, onglet 11.

54 La rencontre a eu lieu comme prévu ce jour-là. Le refus de M. Halfacree de rencontrer M. McReavy le 28 décembre, le fait qu’il lui ait raccroché au nez et son refus de le rencontrer le 12 janvier ont fait l’objet de discussions. M. Nichol s’est dit impressionné par le comportement de M. Halfacree. Ce dernier était poli et n’a montré aucune animosité. M. Halfacree a admis qu’il avait perdu son sang-froid quand il a raccroché au nez de M. McReavy lors de leur entretien téléphonique. Il ne s’est pas excusé, mais M. Nichol ne se serait pas attendu à ce qu’il le fasse. Ce dernier avait le sentiment que M. Halfacree ne comprenait pas le concept d’insubordination, en particulier le fait que, dans la plupart des circonstances, il fallait obéir à un ordre direct d’un superviseur. En prenant tous ces facteurs en considération, y compris le fait que M. Halfacree en était à sa première mesure disciplinaire, M. Nichol a jugé qu’une suspension d’une journée était une sanction appropriée.

55 M. Nichol a présenté le rapport disciplinaire le 2 mars 2006; voir la pièce E3, onglet 14. Avant cette date, le 24 février, M. Leclaire a rejeté la plainte de harcèlement que M. Halfacree avait déposée contre Mme Smith et M. Nichol. M. Leclaire a avisé le fonctionnaire que sa plainte ne serait pas traitée pour plusieurs raisons, notamment parce que les incidents étaient liés à des questions de relations de travail régies par la convention collective et que les mesures disciplinaires imposées de bonne foi ne sont pas des actes de harcèlement; voir la pièce E3, onglet 13.

56 Le 27 février 2006, la Dre Matsuo a écrit à Mme Smith. Dans une lettre non signée, elle a avisé Mme Smith qu’elle avait présenté un formulaire à la demande de cette dernière concernant les rendez-vous de M. Halfacree. Elle a indiqué ce qui suit (voir la pièce U4, onglet 2, page 30) :

[Traduction]

[…]

Il me semble qu’il y ait redondance, tant dans les renseignements que dans mes efforts, car ce sont les renseignements qui ont été présentés dans chacun des formulaires que Mark doit soumettre chaque fois qu’il a un rendez-vous ou qu’il est malade. Vos formulaires médicaux n’offrent aucune souplesse, et si vous devez demander les mêmes renseignements d’une manière différente, peut-être que vous devriez les repenser, car ils ne semblent pas vous donner les renseignements dont vous avez besoin. En ce qui me concerne, il n’y a eu aucun cas de mauvaise utilisation de congés de maladie par M. Halfacree.

[…]

57 Le 4 mars, peu de temps après avoir reçu le rapport disciplinaire, M. Halfacree a envoyé un courriel à M. Dionne pour lui demander qu’un grief soit présenté concernant les questions et les incidents mentionnés dans sa plainte de harcèlement du 17 février; voir la pièce E3, onglet 15.

58 Le 15 avril 2006, M. Halfacree a présenté un grief pour contester la suspension d’une journée. Bien qu’il ait reconnu que le fait de raccrocher au nez d’un gestionnaire causait un problème, il jugeait que la mesure disciplinaire était injuste. Il s’est expliqué comme suit dans son témoignage :

[Traduction]

Comme j’avais dit à M. McReavy que je ne voulais pas le rencontrer à cause de sa conduite […] et que sa conduite a empiré par la suite, car il s’est montré insistant […] et aussi parce que j’avais essayé de rencontrer d’autres membres de la direction pour régler ce conflit avec M. McReavy, et qu’on n’avait fait que m’ignorer.

B. Contexte de la suspension de cinq jours

59 Le 24 mars 2006, M. McReavy a écrit au Dr Chernin, du Programme de santé au travail et de sécurité du public de Santé Canada, et a demandé une évaluation de l’aptitude au travail de M. Halfacree. M. McReavy a affirmé que M. Halfacree l’avait avisé qu’il lui fallait environ 1,5 heure pour chaque trajet entre son domicile et le travail. Il travaillait selon une entente sur les postes à horaire variable, c’est-à-dire qu’il devait travailler dix heures chaque mardi, mercredi et jeudi, et 7,5 heures le vendredi. Il a souligné que, durant l’exercice financier précédent (d’avril 2005 à mars 2006), M. Halfacree a utilisé 433 heures de congé de maladie. C’est pour cette raison que M. McReavy a demandé une évaluation de l’aptitude au travail; voir la pièce E2, onglet 9.

60 Le 26 avril 2006, M. Halfacree a envoyé un courriel à M. McReavy, affirmant qu’une de ses dents était douloureuse et qu’il avait un rendez-vous d’urgence chez le dentiste le jour suivant. Il pensait retourner au travail après son rendez-vous. Cependant, le 27 avril 2006, M. Halfacree a envoyé un autre courriel à M. McReavy pour l’aviser que sa dent le faisait tellement souffrir qu’il ne pourrait pas terminer son quart de travail. Il a envoyé par télécopieur des certificats médicaux qui mentionnaient tout d’abord qu’il retournerait au travail le 27 avril, date qui a ensuite été reportée au 4 mai; voir la pièce U4, onglet 3.

61 L’Agence semble avoir eu quelques préoccupations concernant les certificats du dentiste, car le 17 mai 2006, M. Halfacree a été avisé par le bureau de son dentiste que Mme Smith avait téléphoné pour obtenir de l’information sur les rendez-vous précédents et futurs du fonctionnaire et sur le traitement qu’il avait reçu. À la même date, le fonctionnaire a envoyé à Mme Smith un courriel qui mentionnait ce qui suit : [traduction] « [u]ne fois encore, je trouve votre conduite harcelante, offensante et je considère qu’elle enfreint la Loi sur la protection des renseignements personnels ». Le fonctionnaire a affirmé qu’il avait présenté une demande de congé de maladie avec certificat médical pour ses rendez-vous chez le dentiste et il a poursuivi en se plaignant de la situation : [traduction] « D’abord, c’était mon médecin de famille et maintenant, c’est au tour de mon dentiste. » Il a rappelé à Mme Smith qu’il avait déjà déposé un grief sur les interrogations de l’Agence à propos de ses certificats médicaux, grief qui était toujours en instance, et il lui a demandé d’expliquer ses actions; voir la pièce U4, onglet 3.

62 Le 30 mai 2006, M. Halfacree a rencontré le Dr Goldsand, le consultant embauché pour mener l’évaluation de Santé Canada. M. Halfacree a affirmé qu’il lui tardait d’avoir la chance de raconter sa version de l’histoire. Il pensait aussi que le rapport serait présenté à son employeur. M. Halfacree a également affirmé que le Dr Goldsand [traduction] « a avancé que j’étais apte physiquement, mais qu’il souhaitait me renvoyer à mon médecin de famille ». M. Halfacree a dit que le Dr Goldsand [traduction] « a essentiellement insinué qu’il laissait le soin au médecin de famille [du fonctionnaire] de prendre des mesures si elle le jugeait nécessaire ».

63 Je remarque que le témoignage de M. Halfacree n’était pas entièrement appuyé par le rapport du Dr Goldsand. Ce rapport, daté du 30 mai 2006, a été envoyé au Dr Chernin. Le Dr Goldsand a souligné qu’il a [traduction] « […] expressément dit [à M. Halfacree] que les faits médicaux concernant son état de santé ne seraient pas communiqués à son employeur ». Il a également souligné que M. Halfacree lui a signalé qu’il était séparé et qu’il avait deux enfants âgés de 17 et de 15 ans, qu’il avait une gardienne, qu’il habitait à Ingersoll, qu’il louait une maison à Brampton, en Ontario, où il dormait trois nuits par semaine lorsqu’il travaillait à Woodbine, et qu’il revenait à Ingersoll pour être avec sa famille la fin de semaine et le lundi; voir la pièce U4, onglet 7. Après avoir mené un examen physique et avoir longuement questionné M. Halfacree sur ses antécédents, le Dr Goldsand a conclu qu’il était [traduction] « […] physiquement apte à accomplir toutes les tâches de son poste d’attache, sans restriction » et a ajouté que, cependant, [traduction] « […] dans tout emploi, pour qu’un poste soit satisfaisant, il faut une bonne santé, l’appui de la famille et des amis et du soutien de la part de la direction ». Il s’agissait d’une référence à son observation précédente selon laquelle [traduction] « il y a manifestement une grande animosité entre M. Halfacree et ses superviseurs »; voir la pièce U4, onglet 7. M. Halfacree a obtenu le rapport en avril 2007 au moyen d’une demande présentée en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels, L.R.C. (1985), ch. P -21, mais il n’y a aucune preuve qu’il l’a présenté à l’employeur avant son licenciement; voir la pièce U4, onglet 7.

64 Le Dr Goldsand a fait part de ses conclusions au Dr Chernin, qui a ensuite écrit ce qui suit à Mme Smith (une copie a été envoyée à M. Halfacree), le 21 juin (pièce E2, onglet 10) :

[Traduction]

Selon le rapport de notre consultant, M. Halfacree devrait être considéré comme physiquement apte à accomplir toutes les tâches de son poste d’attache, sans restriction. Nous espérons que le ministère puisse collaborer avec M. Halfacree afin d’établir un milieu de travail mutuellement acceptable.

65 M. Halfacree a affirmé qu’il considérait la deuxième phrase comme la reconnaissance [traduction] « qu’il y avait un problème au travail entre M. McReavy et [lui] ».

66 Pendant les mois de juin, juillet et août 2006, M. Halfacree a pris quelques jours de congé de maladie ou de vacances ici et là, mais sinon il était au travail; voir la pièce E2, onglet 1, et la pièce U4, onglet 3.

67 Jusqu’au 11 septembre 2006, la semaine de travail de M. Halfacree était du mardi au vendredi, mais elle a ensuite été changée pour être du mercredi au samedi; voir la pièce E2, onglet 8. Le 13 septembre (le premier jour de son nouvel horaire de travail), il s’est déclaré malade et il est demeuré en congé de maladie pour le reste de septembre; voir la pièce E2, onglet 1.

68 Le 28 septembre 2006, M. McReavy a écrit ce qui suit à M. Halfacree : [traduction] « […] j’espère que vous vous remettez de vos problèmes de santé actuels, quels qu’ils soient »; voir la pièce E2, onglet 11. Il a affirmé qu’ils avaient parlé au téléphone le 26 septembre et que, à ce moment-là, il avait dit à M. Halfacree que ses crédits de congé de maladie étaient presque épuisés. M. McReavy lui a demandé laquelle des options suivantes il préférait :

  1. être temporairement rayé de l’effectif jusqu’à la date prévue de retour, le 13 octobre 2006 (tel que déterminé par son médecin de famille);
  2. utiliser des crédits de congé annuel;
  3. utiliser une avance de crédits de congé de maladie pour un total de 23,08 heures; voir la pièce E2, onglet 11.

69 M. Halfacree a répondu à la lettre par un courriel, le 1er octobre. Il a indiqué qu’il voulait une avance de crédits de congé de maladie pour octobre. Il a également mentionné qu’il souhaitait rencontrer M. McReavy dès son retour au travail [traduction] « […] afin de discuter de questions relatives au travail en tant qu’employé et en tant que délégué syndical local ». Il a demandé à M. McReavy d’organiser une réunion [traduction] « avec la participation de M. Dionne »; voir la pièce E2, onglet 12, et la pièce U4, onglet 3, page 21.

70 Le 11 octobre 2006, M. Halfacree a téléphoné à M. McReavy et lui a laissé un message vocal dans lequel il disait qu’il devait retourner au travail le 18 octobre (au lieu du 13 octobre, comme mentionné auparavant par son médecin). M. McReavy a écrit ce même jour pour demander un certificat médical confirmant la prolongation de l’absence de M. Halfacree. Il a aussi affirmé qu’il aimerait rencontrer M. Halfacree dès son retour au travail le 19 octobre afin de [traduction] « […] donner suite aux questions liées au travail, compte tenu de la réunion qui avait été planifiée avec [lui] auparavant, mais qui a été remise en raison de la prolongation de [son] congé de maladie »; voir la pièce E2, onglet 13.

71 Le même jour, M. Halfacree a envoyé une télécopie à Mme Séguin et à M. McReavy au sujet de son message vocal. Mme Séguin a affirmé qu’elle a intégré l’Agence en 2001 et qu’elle est devenue agente de conformité et de formation. En septembre 2006, elle est devenue agente des opérations sur le terrain. Ce poste comprenait les responsabilités suivantes : planifier les horaires des agents, résoudre les problèmes créés par leur absence et de façon générale, s’assurer qu’ils accomplissaient leurs tâches. Ce travail l’a amenée à entrer en contact avec M. Halfacree, car elle était responsable de la planification des horaires et du traitement des absences ou des demandes de congé.

72 Dans son message vocal du 11 octobre, M. Halfacree a demandé un congé le 27 octobre afin de se rendre à une cérémonie de remise des diplômes pour souligner la fin des études secondaires de son fils. Il a aussi mentionné qu’il téléphonerait le 12 octobre pour discuter de son retour au travail le 18 octobre; voir la pièce U4, onglet 3, page 18.

73 M. Halfacree n’est pas retourné au travail le 18 octobre. Le 16 octobre, il a plutôt envoyé par télécopieur, à M. McReavy et à Mme Séguin, une note mentionnant qu’en raison [traduction] « […] d’un rendez-vous médical le jour même, [il sera] dans l’impossibilité de retourner au travail jusqu’au 1er novembre 2006 ». Il a aussi demandé de recevoir une avance de crédits de congé de maladie [traduction] « […] pour octobre 2006, comme l’avait proposé la direction en septembre 2006 ». Il a ajouté qu’il avait télécopié le formulaire de congé de maladie avec certificat médical; voir la pièce E2, onglet 14, et la pièce U4, onglet 3, page 20.

74 Le 20 octobre, M. Halfacree a envoyé une autre note par télécopieur à M. McReavy et Mme Séguin, qui mentionnait qu’il espérait reprendre le travail en novembre et il a demandé une fois de plus une avance de crédits de congé de maladie; voir la pièce E2, onglet 15. M. McReavy a répondu, le 27 octobre, qu’il acceptait d’avancer les crédits de congé de maladie conformément à la convention collective des Services des programmes et de l’administration, jusqu’à la fin du mois d’octobre. Il a précisé que ces crédits seraient ajoutés aux congés de maladie déjà avancés et que tous les crédits devaient être remboursés; voir la pièce E2, onglet 16.

75 Le 31 octobre, M. Halfacree a encore envoyé une télécopie à Mme Séguin. Il a souligné qu’il avait envoyé une télécopie de son certificat médical indiquant une nouvelle date de retour, soit le 16 novembre. Il a affirmé que son prochain rendez-vous médical était prévu le 15 novembre et qu’il espérait retourner au travail le 16 novembre. Il a demandé une avance supplémentaire de crédits de congé de maladie; voir la pièce E2, onglet 17.

76 Je note que les certificats médicaux que M. Halfacree a présentés presque tout le long de la période visée par ces trois griefs ont été remplis par son médecin de famille, la Dre Matsuo. Chacun d’eux était un formulaire normalisé de Santé Canada, intitulé « Certificat médical d’incapacité de travail ». Un médecin doit remplir le formulaire en répondant par « oui » ou « non » aux trois énoncés suivants :

[Traduction]

  1. « J’ai été consulté par la personne nommée précédemment à la date de début de l’absence ou après cette date; »
  2. « Je connais, de façon satisfaisante à mon avis, l’état de santé de la personne nommée précédemment à la date de début de l’absence ou après cette date; »
  3. « À mon avis, la personne nommée précédemment est incapable, en raison d’une maladie ou d’une blessure, d’accomplir ses fonctions habituelles. »

77 À la fin du formulaire, le médecin doit fournir une estimation de la date de retour au travail; voir la pièce U4, onglet 3.

78 De mai à novembre 2006, la Dre Matsuo a généralement, mais pas toujours, répondu « oui » aux trois énoncés. Il lui est arrivé de laisser le deuxième énoncé sans réponse. Deux fois, elle a griffonné quelques mots à peine lisibles dans l’espace qui se trouve près du troisième énoncé. Finalement, elle donnait habituellement une nouvelle date de retour au travail qui était généralement environ deux semaines après la date à laquelle elle avait signé le certificat; voir la pièce U4, onglet 3.

79 Un examen de la chronologie des événements révèle que le certificat médical mentionné par M. Halfacree dans sa note télécopiée du 31 octobre était signé par la Dre Matsuo. Le certificat était daté du 31 octobre. Il était censé être valide pour la période du 1er au 16 novembre. Le médecin n’a pas répondu au deuxième énoncé et n’a pas précisé quelle maladie ou quelle blessure empêchait le fonctionnaire de travailler durant cette période; voir la pièce U4, onglet 3, page 24.

80 Le 1er novembre 2006, Mme Séguin, alors gestionnaire régionale intérimaire, a répondu à la note envoyée le 31 octobre par télécopieur par M. Halfacree. Mme Séguin a mentionné qu’en l’absence de renseignements supplémentaires, elle n’était pas en mesure d’avancer des crédits de congé de maladie pour la période du 1er au 16 novembre 2006. Elle a poursuivi en décrivant comme suit l’information dont elle avait besoin pour évaluer la demande du fonctionnaire d’obtenir un autre congé de maladie (pièce U4, onglet 3) :

[Traduction]

  1. Une analyse détaillée de la conclusion du médecin selon laquelle vous n’êtes pas apte à assumer les responsabilités propres à votre emploi.
  2. Une liste des contraintes physiques dont vous êtes affligé.
  3. Un pronostic quant à votre rétablissement et votre retour au travail.

81 M. Halfacree a affirmé que, lorsqu’il a reçu la demande, sa réaction a été de dire que [traduction] « c’était toujours la même chose […] ils me demandaient de l’information supplémentaire pour appuyer la nécessité du congé même si j’avais présenté un certificat médical ». Lorsque l’avocate du fonctionnaire lui a demandé ce qu’il voulait dire exactement, il a continué en déclarant ce qui suit :

[Traduction]

Tout a commencé lorsqu’ils m’ont donné les formulaires de congé médical en vue d’obtenir un congé de maladie avec certificat médical […] j’ai fait ce qu’ils voulaient, mais ensuite, après avoir fait cela et être allé voir un dentiste, ils ont voulu que je remplisse un formulaire pour le dentiste […] ce que j’ai fait également […] j’ai donc fait ce que j’étais supposé de faire en faisant remplir le formulaire selon leur politique […] et pour couronner le tout, s’ils avaient des préoccupations concernant mon congé, je leur ai donné l’autorisation d’appeler le médecin qui a signé les formulaires s’ils croyaient que je fraudais.

82 Le 3 novembre 2006, M. Halfacree a envoyé une note télécopiée à M. McReavy avec une copie à M. Dionne (cependant, il n’a pas envoyé de copie à Mme Séguin). Il a accusé réception de la lettre de M. McReavy du 27 octobre confirmant son avance de crédits de congé de maladie pour la période du 7 au 31 octobre. Il a aussi affirmé qu’il avait joint un certificat médical pour la période du 1er au 15 novembre 2006, qui prévoyait son retour au travail le 16 novembre, et il a demandé de recevoir une avance de crédits de congé de maladie ou une combinaison de crédits de congé annuel et de crédits de congé de maladie pour cette période. Il a aussi demandé à M. McReavy d’annuler toutes les demandes de congé annuel qu’il avait présentées pour la période allant du 12 septembre au 31 décembre; pièce U4, onglet 3, page 23.

83 En novembre 2006, les préoccupations de Mme Séguin concernant M. Halfacree étaient telles qu’elle a décidé de recommander une surveillance. Comme elle l’a expliqué dans une note d’avril 2007, dont elle a parlé lors de son témoignage durant l’audience, plusieurs raisons justifiaient qu’elle prenne cette décision. D’abord, durant les trois exercices financiers commençant en 2005-2006, le nombre d’heures d’absence de M. Halfacree a été beaucoup plus élevé que celui des autres employés, soit 433, 100 et 117,5 heures respectivement, comparativement à 40,81, 46,69 et 54,43 heures respectivement, en moyenne, pour les autres employés; voir la pièce E2, onglet 39, page 2, et la pièce E2, onglet 2. Lorsque M. Halfacree était absent, il ne répondait jamais au téléphone durant les heures normales de travail et il envoyait généralement ses documents télécopiés à l’employeur entre 22 h et 23 h environ, ce qui laisse supposer qu’il travaillait peut-être à un autre endroit; voir la pièce E2, onglet 39, page 1. Elle était aussi préoccupée par les certificats médicaux, en partie parce qu’ils avaient été souvent présentés pour des périodes antérieures aux visites du fonctionnaire chez le médecin; voir la pièce E2, onglet 39, page 1. La surveillance a été autorisée et elle a eu lieu à la mi-novembre 2006, mais elle s’est avérée infructueuse, car M. Halfacree s’est rendu compte qu’il était sous surveillance presque aussitôt qu’elle a commencé. On y a donc mis fin; voir la pièce E28.

84 Dans l’intervalle, M. Halfacree ne s’est pas présenté au travail le 16 novembre. Il a plutôt téléphoné ce jour-là et a mentionné qu’en raison d’une maladie, il ne pourrait pas reprendre le travail jusqu’au 22 novembre. Il a aussi demandé une autre prolongation de son avance de congé annuel de façon à couvrir la période du 16 au 18 novembre. Dans une lettre datée du 16 novembre, M. McReavy a mentionné que, même si l’Agence n’avait pas reçu les renseignements médicaux supplémentaires demandés, il autoriserait une avance de crédits de congé pour les deux jours demandés [traduction] « […] pour des raisons de compassion, compte tenu de la déclaration verbale [du fonctionnaire] selon laquelle la maladie se poursuivait ». M. McReavy a aussi dit au fonctionnaire qu’il devait se présenter au bureau régional de l’Ontario dès son retour le 22 novembre, au début de son quart à 11 h, pour une rencontre avec lui et Mme Séguin, superviseure régionale des opérations; voir la pièce E2, onglet 21.

85 Quelque temps après l’envoi de la lettre, M. Halfacree a présenté un autre certificat signé par la Dre Matsuo et daté du 21 novembre. Elle avait répondu « oui » aux trois énoncés et avait inscrit le 22 novembre comme date prévue de retour au travail. M. Halfacree a aussi présenté une courte note de la Dre Matsuo, qui n’indiquait que ce qui suit : [traduction] « Mark Halfacree peut reprendre toutes ses fonctions le 22 novembre 2006, sans restriction »; voir la pièce U4, onglet 3, pages 26 et 27.

86 M. Halfacree a rencontré Mme Séguin le 22 novembre. Dans une lettre datée du 1er décembre (dont une copie a été envoyée à M. Dionne), Mme Séguin a raconté sa version des discussions. Au cœur de son résumé étaient la préoccupation de l’Agence à propos des 108,08 heures avancées en congé de maladie qui ont été prises et qui doivent être remboursées (ce qui rend difficile pour M. Halfacree de prendre un nouveau congé de maladie), le manque d’information médicale sur l’état de santé du fonctionnaire et le fait que M. Halfacree n’a pas consenti à ce que Santé Canada consulte la Dre Matsuo. Elle a avancé que, dans ces circonstances, il était peu probable que d’autres avances de congé de maladie ou de congé annuel soient accordées; voir la pièce U4, onglet 3.

87 Le 26 novembre 2006, M. Halfacree a envoyé un courriel à M. McReavy et M. Dionne, avec une copie conforme à Steve Tierney et M. Pettipas. Le courriel s’intitulait : [traduction] « demande de mesure d’adaptation ». Il a écrit ce qui suit (pièce E1, onglet 7) :

[Traduction]

Je sollicite une mesure d’adaptation pour être en mesure de travailler une partie de mes heures de travail hebdomadaires plus près de ma résidence dans le sud-ouest de l’Ontario. Le prochain horaire général pourrait prévoir des affectations aux endroits suivants : Western Fair Raceway, Woodstock Raceway, Sarnia et Flamboro. C’est avec plaisir de discuter des options à notre réunion du 1er décembre 2006.

88 M. Halfacree a affirmé qu’il croit avoir eu une réunion avec M. McReavy, M. Dionne et Mme Smith à peu près à ce moment-là. Après avoir été longuement questionné par son avocate, il a fini par donner le témoignage suivant :

[Traduction]

Q. Avez-vous expliqué à M. McReavy, après avoir envoyé ce courriel [du 26 novembre 2006], le fondement de votre demande pour une mesure d’adaptation?
R. Oui, il s’agissait de la même demande que j’avais faite longtemps auparavant, en 2005, lorsqu’il y avait eu une discussion sur mon emploi à [l’hippodrome de] Dundas.
Q. Lui avez-vous précisé si vous cherchiez à obtenir une mesure d’adaptation médicale ou familiale en novembre 2006?
R. Oui.
Q. Quelles raisons lui avez-vous données pour expliquer le fondement de votre demande?
R. Je voulais travailler dans le sud-ouest de l’Ontario pour me rapprocher de ma résidence ou obtenir un transfert dans un autre ministère dans le sud-ouest de l’Ontario.
Q. Avez-vous expliqué pourquoi vous aviez besoin d’une mesure d’adaptation?
R. C’était à cause de ma situation familiale […] c’était difficile pour moi de continuer à travailler à Woodbine […] c’était aussi pour des raisons médicales.

89 Le fonctionnaire s’est aussi plaint que d’autres agents [traduction] « passaient devant chez lui », à Ingersoll, lorsqu’ils se rendaient aux hippodromes plus près de sa demeure, et qu’il ne voyait pas pourquoi il ne pourrait pas être transféré dans l’un de ces postes.

90 Mme Séguin et M. Halfacree ont discuté le 7 décembre 2006. Dans une lettre d’instruction datée du 7 décembre, Mme Séguin donnait un aperçu de ce dont ils avaient discuté. En termes simples, il semble que Mme Séguin lui a fait la leçon. Les points suivants faisaient notamment partie de la liste de ce qu’elle exigeait de lui :

  1. Il devait se présenter au travail avant et après ses rendez-vous médicaux ou dentaires, sauf si un médecin confirmait qu’il était dans l’incapacité de le faire.
  2. Les rendez-vous devaient être approuvés à l’avance, sinon ils seraient considérés comme des congés non autorisés et non payés.
  3. Étant donné que tous les crédits de congé de maladie ont été épuisés, il devait demander des congés non payés lorsqu’il était malade ou qu’il allait voir un médecin.
  4. Les certificats médicaux devaient être présentés dans les sept jours suivant une maladie.

91 La lettre devait être placée dans son dossier et elle précisait que [traduction] « […] tout manquement à ces exigences peut entraîner une mesure disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement ». M. Halfacree a signé la lettre, et une copie a été envoyée à M. Dionne; voir la pièce U4, onglet 3.

92 La demande de mesure d’adaptation de M. Halfacree a aussi fait l’objet de discussions à la réunion. Le 13 décembre, il a envoyé un courriel à M. Séguin, M. McReavy et M. Dionne contenant ce qui suit : [traduction] « En conséquence de notre réunion du 7 décembre 2006, je sollicite l’autorisation de travailler plus près de ma résidence. En tant que père de famille monoparentale, ce serait un grand avantage. »

93 Le fonctionnaire a ensuite demandé de travailler le lundi, le mardi et le vendredi à la Western Fair Raceway, à London, et le mercredi et le jeudi à Woodbine. Il a demandé que l’horaire proposé entre en vigueur dès le 1er janvier 2007. Il voulait discuter de cette proposition à la réunion prévue le 20 décembre; voir la pièce E1, onglet 9.

94 Le 19 décembre, Mme Séguin a envoyé un courriel à M. Halfacree. Elle demandait qu’il lui fournisse [traduction] « […] les raisons de [sa] demande de mesure d’adaptation […] en soulignant les avantages et les inconvénients pour l’employeur et l’employé ». Elle a ajouté ce qui suit : [traduction] « [Bien que] je comprenne que vous êtes père de famille monoparentale, vos enfants sont à un âge où ils sont susceptibles de bientôt partir pour entreprendre des études universitaires. » Elle a conclu en affirmant que, pour la direction, [traduction] « […] afin de comprendre et d’être en mesure de traiter une demande de mesure d’adaptation, il est nécessaire de fournir les raisons qui motivent la demande avant qu’elle puisse être examinée »; voir la pièce E1, onglet 9.

95 M. Halfacree a répondu le 27 décembre. Il n’a pas expliqué pourquoi il avait besoin d’une mesure d’adaptation. Il a plutôt mentionné une réunion au dernier palier de la procédure de règlement des griefs tenue au mois d’août précédent, lors de laquelle il a affirmé que Mme Smith [traduction] « […] a présenté une offre à Gary Dionne et à moi-même, de la part de Steve Tierney, SMA, RH, afin d’examiner mes heures de travail en vue de travailler plus près de ma résidence dans le sud-ouest de l’Ontario ». Il a ensuite mentionné qu’il fournirait un horaire général d’un an pour 2007, ce qu’il a fait ensuite le même jour; voir la pièce E1, onglet 9.

96 Je remarque que, même si une réunion a eu lieu au mois d’août ou septembre afin de discuter de la possibilité de modifier l’affectation de M. Halfacree, cela n’a jamais donné lieu à une offre officielle. Tout ce dont il a été question était la possibilité d’une affectation à temps partiel à un hippodrome situé plus près de la résidence du fonctionnaire. Cela dit, même si la discussion avait mené à une offre ayant force exécutoire (ce qui n’est pas le cas selon ce que je constate), M. Halfacree, qui voulait un poste à plein temps, ne l’aurait pas acceptée.

97 M. Halfacree a continué de présenter des certificats de congé de maladie pour diverses périodes en décembre et pour une partie, voire la plus grande part de janvier, février et mars 2007; voir la pièce U4, onglet 3, pages 34 à 38.

C. La suspension de cinq jours

98 M. Halfacree devait travailler les 20 et 21 décembre 2006. En septembre, il a demandé de prendre ces jours en congé annuel, ce qui a été approuvé. Il a ensuite demandé de travailler durant ces jours, ce qui a encore été approuvé. Il a ensuite encore demandé de prendre ces jours en congé, ce qui a été approuvé. Le 7 décembre, il a encore demandé que la demande de congé soit annulée, ce qui a été accepté. Il a été appelé à travailler au bureau régional de l’Ontario les 20, 21 et 27 décembre. Cependant, il n’est pas rentré au travail les 20 et 21 décembre et il s’est présenté au mauvais lieu de travail (Woodbine) le 27 décembre; voir la pièce E3, onglet 20.

99 En ce qui concerne son absence les 20 et 21 décembre, M. Halfacree a ensuite fourni un certificat médical daté du 20 décembre pour la période du 20 au 22 décembre 2006. La Dre Matsuo a répondu « oui » aux trois énoncés, mais a rayé les mots « maladie ou blessure » dans le troisième énoncé; voir la pièce U4, onglet 3, et la pièce E3, onglet 20. Lorsqu’on l’a interrogé sur cette irrégularité, M. Halfacree a présenté une copie du même certificat, mais avec quelques mots griffonnés sous les mots qui ont été rayés, que Mme Séguin a été incapable de lire. Lorsqu’on lui a fait remarquer ce détail, il a présenté un troisième certificat de la Dre Matsuo daté du 28 janvier qui mentionnait : [traduction] « Mark était absent du travail à cause d’un examen médical en lien avec une maladie »; voir la pièce E3, onglet 20, page 2. M. Halfacree a aussi expliqué qu’il s’était présenté à son rendez-vous pour se rendre compte qu’il s’agissait en fait d’un tomodensitogramme, que son médecin lui a conseillé de ne pas se présenter au travail à cause du tomodensitogramme, et qu’il a aussi eu une migraine.

100 En ce qui concerne l’incident du 27 décembre, il était prévu que M. Halfacree effectue une inspection des paris à distance à un lieu de pari hors hippodrome. Mme Séguin a affirmé que, au lieu d’accomplir cette tâche, M. Halfacree s’est présenté au site de Woodbine. Elle a déclaré qu’il a dit avoir oublié qu’il devait être au site de pari à distance jusqu’à ce qu’il lise ses courriels, à 15 h. Le bureau régional de l’Ontario ne fermait pas avant 16 h, mais M. Halfacree n’a pas téléphoné avant la fermeture pour obtenir l’autorisation d’utiliser sa voiture pour se rendre au site de pari à distance. Il a plutôt présenté une demande d’autorisation écrite à 15 h 19. La politique de l’Agence n’exigeait pas une autorisation pour louer une voiture si nécessaire, mais M. Halfacree a allégué qu’il n’avait pas de carte de crédit (ce qui signifie qu’il devait louer une voiture par le biais de l’Agence plutôt que de chercher à obtenir un remboursement plus tard); voir, en partie, la pièce E3, onglet 20.

101 Mme Séguin n’était pas satisfaite des explications que M. Halfacree a fournies pour son congé de maladie du 20 au 22 décembre et pour ne pas s’être présenté au lieu de travail prévu le 27 décembre. Elle a tenu une audience visant à établir les faits le 3 janvier 2007. M. Halfacree et son représentant syndical étaient présents. À la fin de l’audience, il a été convenu que M. Halfacree présente une meilleure documentation pour appuyer ses explications pour les deux incidents. Mme Séguin a tenté d’organiser d’autres rencontres en vue d’obtenir cette information le 24 janvier et le 1er février, mais M. Halfacree ne s’est pas présenté au travail ces deux journées-là.

102 Le 15 février 2007, Mme Séguin a écrit à M. Halfacree. Elle lui a fait un compte rendu détaillé des préoccupations de l’Agence à propos des incidents et du fait que M. Halfacree n’avait pas donné d’explications détaillées sur ce qui était arrivé. Elle l’a avisé qu’une réunion aurait lieu le 21 février pour examiner toute information supplémentaire que M. Halfacree voulait présenter et qu’il pouvait être accompagné d’un représentant syndical s’il le souhaitait. Elle a mentionné que si M. Halfacree ne fournissait pas d’information supplémentaire pour appuyer ses explications, l’Agence conclurait que ses absences les 20, 21 et 28 décembre et le fait qu’il ne se soit pas présenté au lieu de travail prévu le 27 décembre, étaient des actes non autorisés, injustifiés et nécessitant une mesure disciplinaire; voir la pièce E3, onglet 20, page 3.

103 M. Halfacree ne s’est pas présenté à la réunion du 21 février. Par conséquent, le 20 mars 2007, M. Pettipas a imposé une suspension de cinq jours, en vigueur du 20 au 24 mars 2007; voir la pièce E3, onglet 21.

104 Lors de son témoignage, M. Langs a indiqué que, peu après la réception de la lettre de licenciement, on a pris la décision de présenter un grief contestant l’imposition de la suspension de cinq jours. Il se souvenait avoir rencontré M. Halfacree à ce moment-là et avoir discuté de la question de la mesure d’adaptation. Selon M. Langs, la question [traduction] « avait été mentionnée brièvement […], ce n’était pas un point important, [le fonctionnaire] voulait une mesure d’adaptation qui lui permettrait de travailler plus près de sa résidence, mais il s’agissait davantage d’une remarque dite en passant ».

D. La décision de licenciement

105 Comme on l’a noté, pendant toute la période qui a mené à sa suspension de cinq jours, M. Halfacree a continué de soumettre des certificats médicaux. Ces derniers couvraient plusieurs jours en décembre 2006 ainsi qu’une bonne partie, sinon la totalité, des mois de janvier, février et mars 2007; voir la pièce U4, onglet 3, pages 34 à 38.

106 Le 4 avril, où autour de cette date, M. Halfacree a commencé à être en congé de maladie qui s’est avéré permanent. Son absence et le fait que ses congés de maladie n’étaient pas justifiés par une preuve médicale suffisante constituaient le fondement de la décision de l’employeur de le licencier. Il est utile d’énumérer dans un tableau les renseignements médicaux que l’employeur a reçus de la Dre Matsuo.

Date de soumission Période couverte Commentaires de M. Halfacree [traduction] Pièce justificative
25 janvier 2007 Du 24 au 26 janvier 2007   U4, onglet 3
31 janvier 2007 Du 1er au 3 février 2007   U4, onglet 3
7 février 2007 Du 7 au 14 février 2007   U4, onglet 3
16 février 2007 Du 16 au 21 février 2007   U4, onglet 3
9 mars 2007 Les 9 et 10 mars 2007   U4, onglet 3
29 mars 2007 Du 29 au 31 mars 2007   U4, onglet 3
3 avril 2007 Du 4 avril au 2 mai 2007 A d’autres rendez-vous en avril E2, onglet 25
30 avril 2007 Du 4 avril au 6 juin 2007 A d’autres rendez-vous en mai E2, onglet 27
4 juin 2007 Du 4 avril au 4 sept. 2007 A d’autres rendez-vous en juin, juillet et août E2, onglet 29
3 sept. 2007 Du 4 avril au 1er octobre 2007   E2, onglet 31
28 sept. 2007 Du 4 avril au 1er nov. 2007   E2, onglet 32
30 octobre 2007 Du 4 avril 2007 au 1er février 2008   E2, onglet 34
31 janvier 2008 Du 4 avril 2007 au 2 avril 2008   E2, onglet 35
14 avril 2008 Du 4 avril 2007 au 5 mai 2008 Reste en congé de maladie […] en raison de la conduite de l’employeur E2, onglet 38
4 mai 2008 Du 4 avril 2007 au 5 août 2008   E2, onglet 41
1er août 2008 Du 4 avril 2007 au 1er octobre 2008   E2, onglet 46
15 sept. 2008 Du 4 avril 2007 au 7 janvier 2009   E2, onglet 48
4 décembre 2008 Du 4 avril 2007 au 1er avril 2009   E2, onglet 52
27 mars 2009 Du 4 avril 2007 au 4 mai 2009   E2, onglet 54
29 avril 2009 Du 4 avril 2007 au 2 juillet 2009   E2, onglet 55

107 J’ai quelques commentaires à formuler concernant les certificats médicaux signés par la Dre Matsuo pendant la période en question. Premièrement, à partir du 3 avril 2007, les certificats indiquent tous que la période couverte commence le 4 avril 2007. Deuxièmement, tous les certificats comprennent une date estimée de retour au travail établie par la Dre Matsuo. Troisièmement, la Dre Matsuo a signé tous les certificats avant la date estimée de retour au travail qu’elle avait établie dans le certificat précédent. Quatrièmement, il est indiqué dans tous les certificats que M. Halfacree est incapable de travailler [traduction] « en raison d’une maladie ou d’une blessure ». Malgré sa plainte concernant le formulaire, la Dre Matsuo n’a pas essayé de fournir quelque clarification que ce soit, par exemple en rayant soit le mot [traduction] « maladie » ou le mot [traduction] « blessure », ou en écrivant quelque chose dans le formulaire pour expliquer pourquoi ou en quoi la [traduction] « maladie » ou la [traduction] « blessure » empêchait M. Halfacree de travailler. Cette omission a évidemment déconcerté l’employeur, car la Dre Matsuo lui avait dit en novembre 2006 que M. Halfacree pourrait [traduction] « reprendre toutes ses fonctions sans restriction » le 22 novembre 2006; voir la pièce E2, onglet 22. Enfin, dans la plupart des certificats, la Dre Matsuo s’est abstenue expressément de répondre à la deuxième déclaration, c’est-à-dire qu’elle connaissait [traduction] « […] de façon satisfaisante à [son] avis, l’état de santé de la personne nommée précédemment à la date de début de l’absence ou après cette date ».

108 Si on revient à la chronologie, le 3 avril 2007, M. Halfacree a télécopié à Mme Séguin et à M. McReavy une copie d’un certificat médical signé par la Dre Matsuo pour la période du 4 avril au 2 mai 2007. Il a noté qu’il avait d’autres rendez-vous en avril; voir la pièce E2, onglet 25.

109 M. Halfacree n’est pas rentré au travail après le 4 avril 2007. Il a déclaré qu’il est parti en congé à cette date. Son avocate lui a posé des questions à ce sujet à l’audience. Il a répondu ce qui suit :

[Traduction]

Q. Pourquoi êtes-vous parti en congé le 4 avril 2007?
R. Je suis retourné voir mon médecin de famille, qui m’a retiré du milieu de travail.
Q. Que voulez-vous dire par « retiré du milieu de travail »?
R. Je suis parti en congé de maladie avec certificat pour cause de stress.
Q. Avez-vous présenté une quelconque demande de prestations de maladie?
R. Non […] pas à ce moment-là.
Q. Avez-vous présenté une demande d’assurance-invaliditéà long terme à la SunLife ou une demande de prestations d’assurance-emploi?
R. Non, je n’avais aucune documentation […] de toute façon, je ne crois pas que j’avais des formulaires que je pouvais remplir.
Q. Avez-vous tenté d’obtenir des formulaires?
R. Non, pas à ce moment-là.
Q. Pourquoi pas?
R. Je ne croyais pas à ce moment-là que c’était nécessaire.
Q. Pourquoi n’était-ce pas nécessaire à ce moment-là de présenter une demande de prestations?
R. Parce que je concentrais mes efforts à essayer de me remettre en santé.

110 Plus tard dans son témoignage, M. Halfacree a répondu à une question évidente que lui a posée son avocate. Cette dernière lui a demandé d’où provenait son revenu depuis avril 2007. M. Halfacree a expliqué qu’il avait obtenu un permis de conducteur de semi-remorques et qu’il conduisait un camion à temps partiel. Il a ajouté qu’il faisait ce travail pour se préparer à un poste à l’Agence des services frontaliers du Canada, où il espérait être transféré. Il a déclaré qu’il a commencé à travailler [traduction] « de façon sporadique, pendant [ses] jours de repos » en février 2006, et qu’il a continué jusqu’à son licenciement, en avril 2009, puis par la suite.

111 Revenons à la chronologie. Le 26 avril 2007, M. Pettipas a écrit à M. Halfacree. Il a noté que Santé Canada avait jugé en juin 2006 que M. Halfacree était physiquement apte à remplir ses fonctions, et que la Dre Matsuo avait écrit la même chose en novembre 2006. Malgré ces deux évaluations médicales, M. Halfacree a continué de prendre un grand nombre de congés de maladie. Compte tenu des circonstances, l’employeur ne pouvait pas continuer d’autoriser des congés non payés pour des raisons de maladie sur présentation d’un certificat médical uniquement. Il voulait une preuve supplémentaire pour son absence du 4 avril au 2 mai 2007. M. Pettipas a déclaré qu’il a demandé à M. Halfacree de consentir à se prêter à une évaluation de suivi de Santé Canada afin de vérifier son aptitude à travailler. Il a demandé les renseignements suivants :

  1. Son pronostic de rétablissement, avec ou sans restrictions;
  2. Une opinion concernant sa capacité de retourner au travail et de remplir ses fonctions;
  3. La durée attendue de toute incapacité physique après son retour au travail.

112 M. Pettipas a également demandé à M. Halfacree d’autoriser Santé Canada à parler à son médecin de famille. Il a noté que l’employeur allait examiner ses demandes de congé non payé uniquement s’il se prêtait à cette évaluation, et que ses absences seraient consignées comme des absences non autorisées jusqu’à ce que les résultats aient été reçus. La conclusion de la lettre se lisait comme suit (pièce E2, onglet 26) :

[Traduction]

Il est important que vous compreniez qu’un absentéisme excessif du travail est une question sérieuse susceptible de mener à l’imposition d’une mesure administrative ou disciplinaire pouvant aller jusqu’à votre licenciement. Jusqu’à ce que votre présence au travail devienne régulière ou que nous recevions les clarifications demandées par l’entremise d’une évaluation de votre aptitude à travailler réalisée par Santé Canada, à votre retour au travail, vous serez affecté au bureau régional, selon un horaire de travail de 9 h à 17 h, du lundi au vendredi.

113 M. Halfacree n’a pas répondu directement à la lettre. À la place, il a télécopié le 30 avril un autre certificat médical à Mme Séguin pour un congé non payé du 4 avril au 6 juin 2007. Il a noté qu’il avait d’autres rendez-vous en mai. Il a ajouté ce qui suit : [traduction] « Comme j’étais en congé de maladie en avril, je vous ai envoyé par la poste mes frais de voyage pour l’exercice 2006-2007, pour que vous les examiniez et les remboursiez »; voir la pièce E2, onglet 27. 

114 Quand son avocate lui a demandé pourquoi il n’avait pas répondu directement à la demande de renseignements médicaux supplémentaires de M. Pettipas, M. Halfacree a répondu ce qui suit :

[Traduction]

Ma position était que j’étais suivi par mon médecin de famille et que si mon employeur voulait plus de renseignements, il pouvait communiquer avec la Dre Matsuo. J’avais fourni un certificat médical pour cette période, et l’employeur savait parfaitement que la relation de travail était sérieusement endommagée, et que le transfert à l’Agence des services frontaliers [que M. Halfacree espérait et avait suggéré] faisait partie du problème […] donc à ce stade, ma position était que j’avais fourni un certificat médical et que tout le monde savait, à ce moment-là, quels étaient les problèmes.

115 On a aussi demandé au fonctionnaire pourquoi il a refusé de se prêter à l’évaluation de Santé Canada. Il a déclaré ce qui suit : [traduction] « Je n’ai pas refusé, j’ai simplement dit que j’étais alors suivi par mon médecin […] S’ils avaient fixé un rendez-vous, j’y serais probablement allé. »

116 Le 4 juin 2007, M. Halfacree a télécopié à Mme Séguin un autre certificat médical, cette fois pour un congé de maladie non payé du 4 avril au 4 septembre 2007. Il a précisé qu’il avait d’autres rendez-vous en juin, en juillet et en août; voir la pièce E2, onglet 29.

117 Le 19 juin 2007, M. Pettipas a écrit à M. Halfacree. Il a avisé le fonctionnaire que ses absences avaient été consignées comme des absences non autorisées, et qu’elles le seraient jusqu’à ce que des résultats satisfaisants aient été reçus à l’issue de l’évaluation par Santé Canada de son aptitude à travailler. Il a précisé que c’était [traduction] « […] la quatrième et dernière fois que la direction demande cette information ». Il a ajouté que l’évaluation porterait sur les points énoncés dans sa lettre du 26 avril, et il a répété qu’un absentéisme excessif pouvait mener au licenciement; voir la pièce E2, onglet 30.

118 Cette fois encore, M. Halfacree n’a pas répondu directement. Le 3 septembre, il a envoyé à M. McReavy une télécopie dans laquelle il déclarait ce qui suit : [traduction] « Je serai en congé de maladie avec certificat jusqu’au 1er octobre 2007 ». Il a aussi télécopié un certificat médical signé par la Dre Matsuo; voir la pièce E2, onglet 31. Il a fourni encore un autre certificat médical le 28 septembre; voir la pièce E2, onglet 32.

119 M. McReavy a quitté le poste de directeur régional en octobre 2007. Comme on l’a noté, Mme Séguin était devenue la supérieure directe des agents en 2007. Le poste laissé vacant par M. McReavy a été occupé par Frank Artuso pendant un certain temps, puis par Silvie Debrile et, enfin, par Mark DeLucca (jusqu’à aujourd’hui).

120 Il est intéressant de noter que M. Witkowski, un agent de Woodbine, a déclaré que, quand M. Artuso a pris les anciennes fonctions de M. McReavy, la direction a adopté une nouvelle approche à l’égard des horaires. M. Witkowski a indiqué que, en tant que parent, il avait aussi demandé à M. McReavy de travailler à des hippodromes plus près de chez lui pour passer plus de temps avec sa famille et moins user sa voiture. Il a précisé que M. McReavy avait refusé en disant que ce n’était pas de sa faute s’il devait parcourir un long trajet pour aller travailler, et que s’il acceptait sa demande, il allait devoir permettre aux autres agents de faire la même chose. Cependant, quand M. Artuso est devenu gestionnaire à la fin de 2007, il a donné aux agents leur mot à dire dans la planification des horaires de façon à répondre à leurs besoins.

121 Le 9 octobre 2007, M. Pettipas a écrit une autre fois à M. Halfacree. Il a répété dans cette lettre les déclarations de sa correspondance précédente. Il a avisé le fonctionnaire que ses absences continueraient d’être consignées comme des absences non autorisées; voir la pièce E2, onglet 33.

122 Cette fois encore, M. Halfacree n’a pas répondu directement à la lettre et n’a fait aucun effort pour fournir les renseignements médicaux ou une réponse à la demande d’évaluation de Santé Canada que l’employeur lui avait demandés. Il a préféré télécopier encore d’autres certificats médicaux le 30 octobre 2007 et le 31 janvier 2008; voir la pièce E2, onglets 34 et 35.

123 Mme Courcy, qui était alors la directrice exécutive intérimaire de l’Agence, a écrit à M. Halfacree le 5 février 2008. Elle a répété les préoccupations de l’Agence concernant les renseignements médicaux. Elle a précisé au fonctionnaire que ses absences continueraient d’être consignées comme des absences non autorisées, et que son absentéisme risquait d’entraîner son licenciement; voir la pièce E2, onglet 36. Je note que Mme Courcy a déclaré qu’elle n’a jamais rencontré M. Halfacree pendant qu’elle était directrice exécutive; leurs échanges se sont faits par lettre, télécopie ou courriel.

124 Le 20 mars 2008, M. Halfacree a indiqué à Mme Courcy par courriel qu’il ne souhaitait pas participer à la téléconférence qu’elle avait demandée pour le jour même. Il a déclaré qu’il avait [traduction] « entamé une action en justice contre le procureur général du Canada et l’Agence canadienne du pari mutuel (l’employeur) concernant la conduite de l’employeur et les montants dus en vertu du règlement du protocole d’entente »; voir la pièce E2, onglet 37. Il a également déclaré ce qui suit (pièce E2, onglet 37) :

[Traduction]

Étant donné l’action que j’ai entamée contre l’employeur et le fait que je demeure en congé de maladie avec certificat en raison de la conduite de l’employeur, de son refus de prendre des mesures d’adaptation, de ses abus de confiance et des montants qu’il me doit pour mes heures supplémentaires, mes frais de garderies, etc.

125 Le fonctionnaire a joint à son courriel un autre certificat médical allant jusqu’au 2 avril; voir la pièce E2, onglet 37. Le 14 avril, il a soumis un autre certificat médical allant jusqu’au 5 mai, et il a indiqué qu’il avait changé d’adresse; voir la pièce E2, onglet 38.

126 Le 14 avril 2008, Mme Courcy a écrit à M. Halfacree. Elle a répété les déclarations de sa lettre du 5 février; voir la pièce E2, onglet 40. M. Halfacree a de nouveau ignoré son message. Il a encore soumis un certificat médical, cette fois jusqu’au 5 août 2008; voir la pièce E2, onglet 41. Et encore une fois, Mme Courcy lui a envoyé un message (le 5 mai) dans lequel elle a répété ce qu’elle avait dit dans sa correspondance précédente; voir la pièce E2, onglet 42.

127 Le 8 mai 2008, Mme Courcy a écrit à M. Halfacree (à la bonne adresse). Elle a noté deux points dans sa lettre. Le premier était l’entrevue que M. Halfacree avait accordée à un bulletin électronique diffusé sur Internet. Le deuxième était les congés de maladie non autorisés et non expliqués qu’il continuait de prendre ainsi que son refus persistant de se prêter à une évaluation médicale de son état. Sur ce dernier point, Mme Courcy a informé M. Halfacree qu’une réunion visant à établir les faits aurait lieu le 6 juin. Elle lui a demandé s’il préférait que la réunion ait lieu au bureau régional de l’Ontario à Toronto, ou plus près d’Ingersoll. Elle lui a également demandé de communiquer avec elle avant le 16 mai pour établir une nouvelle date si le 6 juin ne lui convenait pas. Elle a noté qu’il risquait d’être visé par une mesure disciplinaire ou d’être licencié à l’issue de cette réunion; voir la pièce E2, onglet 43.

128 Le 4 juin 2008, Mme Courcy a envoyé un courriel à M. Halfacree pour confirmer les détails de la réunion. Elle a informé M. Halfacree qu’il pouvait être accompagné d’un représentant syndical. M. Halfacree lui a répondu par courriel le 5 juin (il a envoyé une copie conforme à plusieurs personnes, dont Chuck Strahl et Vic Toews). Son courriel se lisait comme suit (pièce E2, onglet 45) :

[Traduction]

Bonjour Chantale et Ceci

J’espère que vous vous portez bien.

En raison de la conduite discriminatoire, immorale et illégale de l’employeur, l’Agence canadienne du pari mutuel, et des torts qu’il m’a causés pendant mon emploi, les moyens que je privilégie pour rencontrer l’employeur sont les tribunaux et la CRTFP.

Je ne participerai pas à la réunion du 6 juin 2008 ni à toute autre réunion avec l’employeur.

Je demeure en congé de maladie avec certificat en raison des actes de l’employeur et des torts qu’il m’a causés.

129 Mme Courcy a déclaré que M. Halfacree ne manifestait pas dans son courriel un intérêt quelconque à la rencontrer ou à rencontrer qui que ce soit de l’Agence. Cependant, elle a indiqué ce qui suit : [traduction] « [Je] voulais toujours lui donner une chance de réfléchir et de nous rencontrer […] Nous ne nous étions jamais rencontrés. J’étais un tiers objectif, et je voulais discuter avec lui de ses congés de maladie et d’autres sujets. »

130 Néanmoins, M. Halfacree et l’employeur ne sont pas sortis de leur impasse. M. Halfacree a continué de télécopier des certificats médicaux signés par la Dre Matsuo pour ses congés de maladie, et l’employeur a continué de l’aviser (le 18 août et le 9 octobre 2008) que ses absences n’étaient pas autorisées et pourraient entraîner son licenciement; voir la pièce E2, onglets 46 à 49.

131 Le 17 octobre 2008, Mme Courcy a écrit à M. Halfacree au sujet des deux points qu’elle avait mentionnés dans sa lettre du 8 mai. Pour ce qui est des absences du fonctionnaire, elle a résumé les événements, y compris les huit demandes de renseignements supplémentaires de l’employeur. Pour ce qui est de ses congés de maladie non autorisés répétés, elle a dit au fonctionnaire qu’une discussion visant à établir les faits aurait lieu le 29 octobre. Elle lui a donné un choix de lieux pour la réunion, lui a rappelé qu’il avait le droit de demander à être représenté et l’a averti qu’il était possible qu’une mesure disciplinaire, possiblement le licenciement, lui soit imposée à l’issue de l’enquête. Elle lui a demandé de communiquer avec elle avant le 27 octobre si la date ou l’heure proposée pour la réunion ne lui convenait pas; voir la pièce E2, onglet 50.

132 M. Halfacree n’a pas répondu avant le 27 octobre. Mme Courcy et Ceci O’Flaherty, agente principale des relations de travail pour l’employeur, ont assisté à la réunion le 29 octobre sans M. Halfacree ou son représentant. Le 2 décembre, Mme Courcy a écrit à M. Halfacree pour lui dire que la réunion avait eu lieu et qu’il se pouvait qu’il soit licencié. Elle a conclu son message en disant ce qui suit : [traduction] « veuillez communiquer avec moi si, à quelque moment que ce soit avant qu’une décision soit prise, vous souhaitez soumettre des renseignements supplémentaires à mon attention »; voir la pièce E2, onglet 51.

133 Cette fois, M. Halfacree a répondu. Le 4 décembre, il a télécopié à Mme Courcy un message dans lequel il lui disait qu’il voulait la [traduction] « rencontrer pour discuter de toutes les questions d’emploi en suspens ». Il a déclaré qu’il allait communiquer avec M. Langs pour organiser une réunion, et il a joint à son message un autre certificat médical sur lequel il était indiqué qu’il serait de retour au travail le 1er avril 2009; voir la pièce E2, onglet 52.

134 Lors de son témoignage, M. Halfacree a expliqué de la façon suivante pourquoi il avait répondu aussi rapidement à Mme Courcy :

[Traduction]

J’ai compris qu’elle était la nouvelle directrice exécutive, et selon les renseignements dont je disposais, elle me semblait être une personne honnête à qui on pouvait faire confiance […] qu’une réunion pourrait aboutir à quelque chose […] un nouveau style de gestion, différent de l’ancien style de gestion de l’Agence, était en place […] c’est ce que m’ont dit les autres agents.

135 Quand son avocate a fait remarquer qu’il avait ignoré d’autres messages de Mme Courcy, le fonctionnaire a répondu que [traduction] « c’était avant [qu’il] apprenne qu’elle était une personne intègre ».

136 Mme Courcy a reçu la télécopie. Elle a déclaré qu’elle était heureuse que M. Halfacree désire la rencontrer. Elle croyait qu’il était important de répondre à M. Halfacree pour fixer une date de rencontre avec lui et M. Langs. En effet, le 5 décembre 2008, M. Langs lui a envoyé un courriel dans lequel il indiquait que M. Halfacree avait communiqué avec lui après avoir reçu la lettre qu’elle lui avait envoyée le 2 décembre : [traduction] « […] il m’a demandé de fixer une date de rencontre et a précisé qu’il y serait même si son médecin le déconseillait »; voir la pièce E9. M. Halfacree a confirmé dans son témoignage qu’il avait demandé à M. Langs [traduction] « de trouver une date pour la rencontre ».

137 Mme Courcy a déclaré qu’elle a répondu au courriel de M. Langs. Elle voulait trouver une date qui conviendrait à tout le monde. Elle a reçu un message vocal de M. Langs le 22 janvier, mais ce dernier ne précisait aucune date, et il n’a pas communiqué de nouveau avec elle. Mme Courcy a donc avisé M. Halfacree et M. Langs dans une lettre datée du 13 janvier 2009 que la rencontre aurait lieu le 27 janvier 2009, à 11 h, au bureau régional de l’Ontario; voir la pièce E2, onglet 53.

138 Peu de temps après avoir envoyé sa lettre, Mme Courcy a reçu un message vocal de M. Langs dans lequel il indiquait que M. Halfacree ne pourrait pas être présent à la rencontre le 27 janvier, et qu’il [traduction] « […] ne sera pas disponible pendant quatre à six semaines pour des raisons médicales »; voir la pièce E10. Mme Courcy a donc écrit à M. Halfacree le 26 février (elle a envoyé une copie conforme à M. Langs) pour lui proposer trois dates de rencontre, soit les 9, 10 et 23 mars; voir la pièce E10. Elle lui a demandé encore une fois de confirmer qu’il serait présent à la rencontre et a noté qu’il pourrait être licencié. La lettre – envoyée par courrier recommandé – n’a été récupérée par M. Halfacree que le 13 mars; voir la pièce E11. Toutefois, M. Halfacree avait demandé à Elaine Massie, une représentante syndicale, de téléphoner le 4 mars pour informer Mme Courcy qu’il ne pourrait pas être présent à la rencontre, car il était malade; voir la pièce E11.

139 Quand on lui a posé des questions sur la séquence des événements, le fonctionnaire a répondu qu’il avait téléphoné à M. Langs et avait [traduction] « déclaré que si [l’employeur] voulait organiser une rencontre, il pouvait le faire ». Son avocate lui a demandé s’il avait essayé de fixer une date de rencontre, et il a répondu : [traduction] « Non. Je parlais seulement à Langs à ce moment-là. » Quand on lui a demandé pourquoi il n’avait pas téléphoné lui-même, il a expliqué ce qui suit : [traduction] « Je n’avais aucun contact avec l’employeur, et je sentais que je ne serais qu’un intermédiaire […] tout tournait autour de l’horaire de M. Langs; il était le mieux placé pour fixer une date, et je ne voulais pas choisir une date pour ensuite me faire dire qu’il y avait un conflit [dans l’horaire de M. Langs]. »

140 Sur ce point, M. Langs a déclaré qu’il avait parlé avec M. Halfacree, et qu’il attendait plutôt de [traduction] « voir si son médecin allait lui dire qu’il était suffisamment en santé pour participer à une rencontre ».

141 La patience de l’employeur a atteint ses limites le 28 avril 2009. Ce jour-là, le sous-ministre adjoint, M. Corriveau, a informé M. Halfacree par écrit qu’il était licencié le jour même. Il a précisé que le fonctionnaire était licencié pour [traduction] « […] insubordination : à neuf (9) reprises, l’employeur vous a écrit pour vous demander de fournir des renseignements médicaux supplémentaires afin de justifier votre absentéisme »; voir la pièce E2, onglet 57. Il a aussi noté le refus constant et persistant de M. Halfacree de rencontrer la direction ainsi que le courriel qu’il a envoyé à Mme Courcy le 4 juin 2008 (mentionné plus haut dans la décision). Il a conclu que la relation professionnelle était [traduction] « complètement rompue ». M. Halfacree a donc été licencié en vertu de l’alinéa 12(1)c) de la Loi sur la gestion des finances publiques, L.R.C. (1985), ch. F-11 (LGFP); voir la pièce E2, onglet 57.

142 M. Malone, qui a rédigé la lettre pour M. Corriveau, était alors le directeur exécutif de l’Agence. Il a examiné la correspondance entre M. Halfacree et l’Agence au fil des années. Il a conclu que, selon la preuve, il y avait eu une rupture de la relation entre l’employeur et l’employé. Il a expliqué dans son témoignage que l’employeur avait indiqué clairement qu’il jugeait que les congés de maladie du fonctionnaire des deux dernières années n’avaient pas été justifiés. Il a souligné qu’il lui semblait que Mme Courcy avait donné à M. Halfacree [traduction] « encore plus de chances de justifier ses absences […] et que ces absences n’étaient pas autorisées ». Cependant, à aucun moment M. Halfacree ou son syndicat n’ont tenté d’expliquer pourquoi il était malade ou pourquoi il ne pouvait pas être présent aux réunions auxquelles on lui avait demandé de participer.

V. Faits liés à la question de compétence

143 Pendant les années en question, M. Halfacree a présenté quelques demandes de mesures d’adaptation, parce qu’il était un père seul et qu’il avait un enfant avec des besoins spéciaux. Quand son avocate lui a demandé vers la fin de son témoignage de parler de ces demandes, il a expliqué que, quand il avait cherché une maison près de Toronto en avril 2003, son fils, qui était en troisième année, était inscrit dans un programme d’éducation modifié. Le garçon est resté dans ce programme pendant un certain temps. M. Halfacree a déclaré que c’était une des raisons pour lesquelles il a demandé une mesure d’adaptation. Il a aussi expliqué qu’un des problèmes qu’il a rencontrés en cherchant une maison était que les programmes semblables offerts par les écoles de la région où il cherchait à s’établir étaient pleins, ce qui veut dire qu’il n’aurait pas pu y inscrire son fils.

144 Je ne vois rien dans la preuve, que ce soit dans le dossier documentaire exhaustif ou dans les témoignages, y compris celui de M. Halfacree, indiquant que le fonctionnaire aurait fourni cette information dans ses demandes de mesure d’adaptation en tant que père seul.

145 Le 23 novembre 2009, M. Halfacree a déposé quatre plaintes de pratique déloyale de travail accusant essentiellement son agent négociateur de ne pas avoir renvoyé quatre de ses griefs à l’arbitrage. Ces plaintes portaient sur les quatre griefs suivants :

  1. Grief présenté en février 2007 contre l’employeur pour avoir rejeté sa demande de travailler à la maison ou plus près de la maison pendant une tempête de neige.
  2. Grief présenté en mai 2007 contre l’employeur, entre autres pour avoir abusé de son pouvoir et avoir refusé de prendre une mesure d’adaptation pour des raisons médicales.
  3. Grief présenté en mars 2007 contre l’employeur pour avoir violé les dispositions de la convention collective sur la discrimination et les congés de maladie payés.
  4. Grief contre l’employeur pour avoir omis de lui rembourser certains frais conformément à la Directive sur les voyages du Conseil national mixte.

146 Le deuxième grief contenait une foule de questions et demandait des réparations. La principale réparation (bien que le fonctionnaire en demandait de nombreuses) semblait être le remboursement de ses congés de maladie et de ses frais de voyage ainsi qu’une mesure d’adaptation lui permettant de travailler dans le sud-ouest de l’Ontario (c’est-à-dire plus près d’Ingersoll); voir la pièce E26. Le grief que le fonctionnaire a finalement présenté le 24 mai 2007 contenait une allégation de manquement à l’[traduction] « obligation de prendre des mesures d’adaptation – parent seul – contrainte excessive »; voir la pièce E26.

147 Les raisons de l’agent négociateur pour avoir refusé d’envoyer le grief à l’arbitrage tournaient autour du fait que M. Halfacree aurait constamment refusé de lui fournir des renseignements pour appuyer ses nombreuses allégations. Cette inaction de la part du fonctionnaire a également caractérisé ses allégations contre l’agent négociateur, dans la mesure où le commissaire a observé que M. Halfacree n’avait présenté « […] aucun fait qui pourrait [l]’inciter à conclure que la défenderesse s’est livrée à une pratique déloyale de travail »; voir Halfacree c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2010 CRTFP 64, paragraphe 16. La plainte de M. Halfacree a donc été rejetée. Des plaintes semblables déposées par le fonctionnaire contre son agent négociateur ont donné des résultats similaires pour des raisons similaires, dans Halfacree c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2009 CRTFP 28.

VI. Arguments

A. Pour l’employeur

148 L’avocat de l’employeur a répété son objection concernant ma compétence pour examiner le motif de refus de prendre des mesures d’adaptation soulevé dans le grief de licenciement. Il a noté que les éléments de preuve indiquaient que la question des mesures d’adaptation avait été soulevée au moins indirectement dans plusieurs plaintes et griefs de M. Halfacree au fil des ans. Il a fait valoir que ces éléments de preuve indiquaient que cette question avait clairement été étudiée dans le cadre de procédures de règlements des griefs précédentes et que, pour cette raison, le fonctionnaire ne pouvait pas la soulever de nouveau; voir Hamilton Health Sciences v. ONA (2010), 192 L.A.C. (4e) 332; Chatham-Kent (Municipality) v. ONA, 88 CLAS 55; Howe Sound Pulp and Paper Ltd. v. Communication Energy and Paperworkers’ Union, Local 1119, [2003] B.C.L.R.B.D. No. 408 (QL); Child & Youth Wellness Centre of Leeds and Grenville v. Ontario Public Service Employees Union, Local 441, [2000] O.L.A.A. No. 941 (QL). Dans tous les cas, l’avocat de l’employeur a indiqué que si la question des mesures d’adaptation n’avait pas été soulevée dans ou par le grief de licenciement, elle était si près des plaintes et des griefs précédents qu’elle a dû être abordée à ce moment-là. Par conséquent, le fonctionnaire ne devrait pas être autorisé à soulever la question de nouveau dans la présente affaire; voir Weston Bakeries Ltd. v. Milk and Bread Drivers, Dairy Employees, Caterers and Allied Employees, Local 647 (1998), 76 L.A.C. (4e) 258.

149 Pour ce qui est des questions disciplinaires de fond, l’avocat de l’Agence a séparé ses arguments en trois parties, une pour chaque grief.

1. Suspension d’une journée

150 L’avocat de l’Agence a noté que M. Halfacree avait admis qu’il avait raccroché au nez de M. McReavy et avait refusé de le rencontrer quelques jours plus tard. Un ou l’autre de ces faits était suffisant pour justifier la mesure disciplinaire qui a été imposée. Si on accepte que la relation entre les deux hommes était tendue et qu’il a été démontré qu’au moins une conversation téléphonique hostile a eu lieu entre eux, aucun élément de preuve présenté par l’un ou l’autre des hommes n’indiquait que M. McReavy aurait tenu des propos injurieux le jour en question. Comme la mesure disciplinaire était justifiée, un arbitre de grief ne doit pas modifier la sanction, dans la mesure où elle était raisonnable; voir Sheet Metal Workers’ International Association, Local 473 v. Bruce Power LP, 2009 CanLII 31586 (ONLRB), paragraphe 61; Byfield c. Agence du revenu du Canada, 2006 CRTFP 119, paragraphe 26.

2. Suspension de cinq jours

151 L’avocat de l’Agence a fait valoir que la mesure disciplinaire était fondée sur trois motifs : le fait que M. Halfacree n’est pas rentré au travail les 20 et 21 décembre, après que l’employeur ait apporté, à sa demande, plusieurs changements à son horaire pour ces jours-là; le fait qu’il n’a pas fourni de motif valable pour ces absences; le fait qu’il n’est pas allé travailler au bon endroit le 27 décembre. Le fonctionnaire n’avait pas le droit de se donner un horaire différent de celui que son employeur lui avait assigné. Il est possible qu’il ait oublié où il devait travailler ce jour-là, mais cela n’excuse pas le fait qu’il ait refusé plus tard de faire quelque effort que ce soit pour se rendre au bon endroit quand il s’est rendu compte de son erreur. On lui a dit qu’il devait fournir des renseignements médicaux pour justifier ses absences, et il n’a fait aucun effort raisonnable pour fournir quoi que ce soit de sensé. Le fonctionnaire a déclaré qu’il devait passer un tomodensitogramme et qu’il avait besoin de se reposer parce qu’il avait une migraine, mais rien de cela n’était mentionné dans les certificats médicaux. Étant donné les circonstances, la suspension de cinq jours était plus que raisonnable.

3. Licenciement

152 L’avocat de l’Agence a cité Toronto District School Board v. Canadian Union of Public Employees, Local 4400, 2009 CanLII 5414 (ON LA), paragraphe 55, pour expliquer que : [traduction] « le fondement de la relation employeur-employé est un ensemble d’avantages négociés en échange du travail accompli », et que l’employeur avait le droit [traduction] « […] d’établir et de faire appliquer des règles raisonnables concernant la présence au travail, y compris l’exigence de fournir un préavis en temps opportun dans le cas d’une absence pour maladie légitime […] ».

153 L’avocat de l’Agence a fait valoir que, dans la présente affaire, le fonctionnaire est parti en congé le 4 avril 2007. Pendant les deux années qui ont suivi, l’employeur a demandé au moins 12 fois des renseignements médicaux supplémentaires, que le fonctionnaire n’a jamais fournis. Rien dans la convention collective n’obligeait l’employeur à accepter les certificats médicaux qu’il a reçus pendant cette période comme une preuve suffisante de l’incapacité du fonctionnaire à travailler en raison d’une maladie ou d’une blessure. Selon la clause 52.01b), l’employeur pouvait, à sa discrétion, accorder un congé non payé « […] à des fins autres que celles indiquées dans la présente convention », mais il s’agissait d’un pouvoir discrétionnaire et non d’un droit de l’employé. Un certificat médical n’est pas « parole d’Évangile »; voir Fontaine c. Agence canadienne d’inspection des aliments, 2002 CRTFP 33, paragraphe 29. Bien que les certificats médicaux signés par la Dre Matsuo étaient des formulaires normalisés fournis par l’employeur, ces formulaires contenaient peu de renseignements, et ces renseignements étaient parfois contradictoires. En effet, les formulaires étaient parfois incomplets. De telles notes peuvent être acceptables une ou deux fois, mais pas quand elles deviennent fréquentes. Dans ces circonstances, si la convention collective ne contient aucune clause indiquant le contraire, l’employeur peut demander des renseignements médicaux supplémentaires ou de meilleurs renseignements s’il juge que ceux fournis ne sont pas adéquats; voir Victoria Times-Colonist v. Victoria Newspaper Guild, [1986] B.C.D.L.A. 380-02. Bien que certains des témoins, dont M. Halfacree, ont indiqué que le fonctionnaire souffrait de stress ou d’hypertension, l’avis médical clair et réfléchi avant qu’il quitte son travail était qu’il était apte à travailler. Par ailleurs, l’employeur n’a reçu aucune explication claire et concise pour justifier la longue absence du fonctionnaire.

154 Par conséquent, l’avocat de l’employeur a soumis que je devrais rejeter le présent grief. Subsidiairement, il a indiqué que, si j’étais enclin à accueillir le grief, je devrais songer à accorder des dommages plutôt que de réintégrer le fonctionnaire dans ses fonctions, car la relation de travail n’est plus viable; voir Alberta Union of Provincial Employees c. Lethbridge Community College, 2004 CSC 28, paragraphe 56; Lâm c. Administrateur général (Agence de la santé publique du Canada), 2011 CRTFP 137, paragraphe 101. Il a fait remarquer que le fonctionnaire avait fait preuve à maintes reprises de son manque de confiance envers la direction et de sa préférence pour ce qui est de rencontrer l’employeur devant les tribunaux plutôt qu’en personne.

B. Pour le fonctionnaire s’estimant lésé

155 En traitant l’objection préliminaire de l’employeur concernant ma compétence, l’avocate du fonctionnaire a reconnu qu’en temps normal, un grief qui a été réglé ou abandonné ne peut être rouvert. Cependant, si les questions qui font l’objet de plaintes sont continues, le caractère définitif d’une décision concernant une infraction n’empêche pas le dépôt de nouvelles plaintes sur des infractions répétées.

156 L’avocate du fonctionnaire a soumis qu’en se fondant sur la preuve, il était clair que le refus de prendre des mesures d’adaptations, l’incapacité et l’abus de pouvoir étaient des problèmes continus pour le fonctionnaire. En réponse à sa demande de mesure d’adaptation, l’employeur s’en est pris à lui. J’ai donc compétence, que ce soit parce que les questions étaient continues ou parce que le fonctionnaire a fait l’objet de mesures disciplinaires en raison de ses demandes de mesure d’adaptation.

157 Quant à la nature continue des demandes de mesure d’adaptation du fonctionnaire, son avocate a fait remarquer qu’en se fondant sur la preuve, il s’agissait d’une question qui avait été soulevée en 2005, si ce n’est avant. Sans aucun doute, en 2006, l’employeur savait que le fonctionnaire était un père seul responsable de deux enfants. Il a demandé une mesure d’adaptation. À ce stade, l’employeur avait l’obligation proactive de mener des enquêtes et de demander l’information nécessaire pour répondre à la demande de mesure d’adaptation du fonctionnaire, ce qu’il n’a pas fait. Le fait qu’il ait rejeté sa demande une fois ne le dispensait pas de l’obligation continue de considérer la prise d’une mesure d’adaptation par la suite.

158 L’avocate du fonctionnaire a avancé que la question de la mesure d’adaptation était liée à la décision de l’employeur de congédier le fonctionnaire. Ce dernier croyait qu’il avait répondu à la demande d’information de l’employeur concernant sa demande de mesure d’adaptation, ce qui explique l’absence de réponse, qui a été interprétée par l’employeur comme de l’insubordination. De plus, il n’y avait aucune preuve de préjudice à l’égard de l’employeur. Finalement, il aurait dû être évident pour l’employeur que le fonctionnaire cherchait à obtenir une mesure d’adaptation. Il en a beaucoup discuté par le passé et l’a répété à plusieurs reprises.

159 En conclusion, l’avocate du fonctionnaire a fait valoir que, même si je n’avais pas compétence pour rendre une ordonnance de réparation au sujet de la mesure d’adaptation, je pouvais tout de même entendre la preuve sur la discrimination et sur le fait que l’Agence n’a pas offert de mesures d’adaptation à la suite des griefs disciplinaires.

160 Quant au processus disciplinaire, l’avocate du fonctionnaire a divisé sa présentation en trois parties.

1. Suspension d’un jour

161 L’avocate du fonctionnaire a soumis que, lorsque l’employeur a imposé une mesure disciplinaire au fonctionnaire pour avoir refusé de rencontrer M. McReavy, il savait que le fonctionnaire était ouvert à rencontrer le nouveau directeur exécutif. À vrai dire, le fonctionnaire n’avait peut-être pas le droit de refuser de rencontrer son superviseur, mais il sentait qu’il était harcelé par M. McReavy et ne voulait pas se retrouver dans une situation stressante. Aucun autre employé n’a été obligé de présenter des preuves supplémentaires pour des certificats médicaux. En se fondant sur la preuve, il était évident que sous la direction de M. McReavy, le milieu de travail était empoisonné, une raison supplémentaire expliquant la décision du fonctionnaire de refuser de rencontrer M. McReavy.

162 L’avocate du fonctionnaire a reconnu qu’une mesure disciplinaire était justifiée, mais a avancé qu’une suspension d’un jour était exagérée. Le fonctionnaire était pris entre l’arbre et l’écorce. Il avait l’impression que, compte tenu de la tension entre lui et M. McReavy, il ne servait à rien de le rencontrer. Il était prêt à rencontrer d’autres membres de la direction, mais pas le gestionnaire qui, selon lui, le harcelait et l’agressait. On n’a proposé au fonctionnaire aucune solution de rechange à une réunion avec M. McReavy. Le fonctionnaire n’était pas ouvertement provocateur. D’ailleurs, M. Nichol a trouvé qu’il agissait de façon civile et polie durant leur réunion. Le fonctionnaire a aussi reconnu qu’il avait commis une erreur en raccrochant au nez de M. McReavy. M. Nichol n’aurait pas dû sauter ce qui représente traditionnellement la première des mesures disciplinaires progressives, c’est-à-dire la lettre d’avertissement. Même si un avertissement avait été émis précédemment, c’était parce que le fonctionnaire avait raccroché au nez de M. McReavy et non parce qu’il refusait de le rencontrer. Compte tenu de ces circonstances, en particulier du fait qu’il s’agissait de la première mesure disciplinaire imposée au fonctionnaire, la sanction aurait dû être une lettre d’avertissement plutôt qu’une suspension d’un jour.

2. Suspension de cinq jours

163 L’avocate du fonctionnaire a remarqué que M. Halfacree avait reçu une sanction disciplinaire pour ne pas s’être présenté au travail les 20 et 21 décembre 2006 et pour s’être rendu au mauvais lieu de travail le 27 décembre. Elle a affirmé que ces actes ne constituaient pas de l’insubordination. Elle a reconnu qu’une mesure disciplinaire était justifiée quant au fait que le fonctionnaire ne s’est pas présenté au bon lieu de travail le 27 décembre, mais non pour l’absence des 20 et 21 décembre, laquelle était justifiée par des certificats médicaux de la Dre Matsuo.

164 L’avocate du fonctionnaire a avancé que, selon la preuve, le fonctionnaire avait un rendez-vous médical de routine le 20 décembre et il pensait qu’il pourrait se rendre au travail ensuite. Cependant, lors du rendez-vous, il a appris qu’il devait recevoir un tomodensitogramme le jour suivant et qu’il ne devait pas retourner au travail entre-temps. Le fonctionnaire a contacté Mme Smith (que le fonctionnaire devait rencontrer) et Mme Séguin pour les aviser. Le fonctionnaire a ensuite présenté le certificat signé par la Dre Matsuo le 20 décembre (où les mots [traduction] « maladie ou blessure » étaient rayés). Même si l’employeur peut avoir pensé que cette preuve était insuffisante, de son point de vue, le fonctionnaire a donné à l’employeur ce qu’on lui avait demandé, c’est-à-dire une confirmation médicale de son absence. De plus, si l’employeur avait des questions, il aurait pu appeler la Dre Matsuo. Le fonctionnaire avait autorisé l’employeur à contacter son médecin. Il aurait pu l’appeler pour savoir pourquoi les mots [traduction] « maladie ou blessure » étaient rayés. De plus, si la Dre Matsuo n’était pas capable d’expliquer sur le formulaire que M. Halfacree serait absent en raison d’un tomodensitogramme, au lieu d’une maladie ou d’une blessure, ce n’était pas vraiment de sa faute. Elle s’était déjà plainte à l’employeur, un an plus tôt, que le formulaire de ce dernier n’offrait pas suffisamment de flexibilité et qu’il devrait être modifié. En tenant compte de ces faits, le fonctionnaire s’est conformé à la demande de l’employeur en présentant une preuve médicale pour son absence des 20 et 21 décembre, et si l’employeur avait d’autres questions, il aurait dû les poser. Ainsi, le fonctionnaire n’aurait pas dû recevoir une mesure disciplinaire pour son absence des 20 et 21 décembre.

165 Quant à l’incident du 27 décembre, l’avocate du fonctionnaire a reconnu que les employés ont l’obligation de se présenter au lieu de travail prévu et celle de vérifier leur horaire pour savoir quand et où ils doivent se rendre au travail. L’imposition d’une mesure disciplinaire était donc justifiée, mais pas une suspension de cinq jours. Il s’agissait d’une erreur du fonctionnaire et non d’une insubordination. En d’autres termes, il n’a pas désobéi à l’ordre direct de se rendre au bon lieu de travail. Le fonctionnaire a fait son quart de travail à Woodbine, même s’il s’agissait du mauvais lieu de travail. Il y avait des preuves révélant que, lorsque d’autres employés se sont présentés au mauvais lieu de travail, ils ont été autorisés à faire leur quart de travail à cet endroit plutôt que d’être obligés se déplacer au lieu de travail prévu. Compte tenu des difficultés que le fonctionnaire avait concernant des demandes de remboursements des frais de déplacement en cours, on peut comprendre pourquoi le fonctionnaire était réticent à engager des frais de déplacement non autorisés.

166 En tenant compte de ces facteurs, la discipline appropriée aurait dû être une suspension d’un jour; voir, par exemple, Ontario (Management Board of Cabinet), [2002] O.L.R.D. No. 1355, où on a substitué un avertissement écrit à une suspension d’un jour.

3. Licenciement

167 L’avocate du fonctionnaire a fait valoir que la décision de l’employeur de mettre fin à l’emploi du fonctionnaire reposait sur une prétendue insubordination fondée sur un prétendu refus de fournir une preuve médicale pour son absence après le 4 avril 2007 ou de rencontrer la direction. Elle a affirmé que la preuve n’appuyait pas cette conclusion.

168 En ce qui concerne la preuve médicale, l’avocate du fonctionnaire a avancé que le fait que le fonctionnaire n’a pas présenté une telle documentation ne constituait pas de l’insubordination. La réponse du fonctionnaire (ou plutôt, son absence de réponse) était le résultat de son état d’esprit. Selon le fonctionnaire, il travaillait dans un environnement de travail toxique. Il savait que d’autres avaient obtenu des mesures d’adaptation qui lui ont été refusées. Il ne faisait pas confiance à M. McReavy. L’employeur a entamé des mesures de surveillance sans le lui avouer. Le fonctionnaire ne faisait pas confiance à la direction, qui lui a menti, selon lui. Ainsi, il ne croyait pas l’employeur lorsqu’il a dit qu’il manquait d’information appuyant son congé médical. Il pensait que l’employeur pouvait consulter son médecin et qu’il pouvait lui demander les informations qui étaient exigées.

169 Lorsqu’on l’a questionné sur la preuve que le fonctionnaire conduisait un camion à temps partiel la plupart du temps qu’il n’était pas au travail, l’avocate du fonctionnaire a souligné qu’il avait reçu une mesure disciplinaire pour insubordination et non parce qu’il avait dit qu’il était incapable de travailler ou parce qu’il avait abusé de ses congés pour des raisons médicales.

170 L’avocate du fonctionnaire a aussi avancé que les employeurs n’ont plus le droit illimité d’exiger des renseignements médicaux en raison de Victoria Times-Colonist.

171 En ce qui concerne la réunion avec la direction, le fonctionnaire tentait d’organiser une rencontre avec les gestionnaires qui avaient été nouvellement nommés lorsqu’il a été licencié. De même, en décembre 2008, il a contacté son représentant syndical pour organiser une réunion. Avec l’aide de Mme Courcy et de M. Lang, il a essayé d’organiser une rencontre. L’hypertension du fonctionnaire, selon M. Langs, a empêché la tenue de cette réunion à ce moment-là, puis à nouveau en 2009. Lorsqu’une nouvelle directrice exécutive est arrivée en poste, les efforts pour organiser une réunion ont été renouvelés. En résumé, il n’y avait pas de fondement à la conclusion selon laquelle le fonctionnaire a fait preuve d’insubordination. La preuve montrait plutôt qu’il a essayé d’organiser une réunion. Seule restait la question des absences médicales non autorisées, lesquelles ne libéraient pas l’employeur de son obligation d’imposer des mesures disciplinaires progressives; voir Scott c. Administrateur général (ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences), 2010 CRTFP 42, dans laquelle un licenciement a été remplacé par une suspension de 15 jours.

172 L’avocate du fonctionnaire a soutenu que je pouvais tenir compte de la preuve selon laquelle le fonctionnaire était harcelé par la direction. Aucune enquête ou décision ayant force exécutoire ne m’empêcherait de tenir compte de cette preuve.

173 Pour revenir à la question des certificats médicaux, l’avocate du fonctionnaire a précisé que je pouvais m’appuyer sur les notes non pas en lien avec l’aptitude du fonctionnaire à travailler durant la période en question, mais plutôt en lien avec son insubordination. Le fait qu’il a présenté des certificats médicaux conformément à la politique de l’employeur démontrait qu’il n’avait pas fait preuve d’insubordination. Si le fait que, par la suite, il n’a pas fourni d’informations plus étoffées pourrait être considéré comme de l’insubordination, cette omission ne justifie pas son licenciement, puisqu’elle s’explique par l’historique de la relation du fonctionnaire avec l’employeur. Elle a souligné que la question n’était pas de savoir s’il pouvait travailler alors que ses certificats médicaux attestaient le contraire. L’employeur n’a pas utilisé ce motif pour justifier le licenciement. La question était plutôt de savoir si le fonctionnaire a fait preuve d’insubordination et, si tel était le cas, de savoir si cette insubordination était suffisamment grave pour justifier le licenciement.

174 L’avocate du fonctionnaire en est ensuite venue à la question de la mesure d’adaptation en guise de redressement. Elle a avancé qu’en février 2005, il était clair que le fonctionnaire avait demandé une mesure d’adaptation en raison de sa situation familiale. Il y avait aussi des preuves de son hypertension, une autre incapacité qui pouvait contribuer à l’obligation de prendre des mesures d’adaptation. Devant ces preuves, l’employeur avait l’obligation de mener une enquête. Cependant, aucune réponse écrite de l’employeur n’a révélé qu’il a tenté de remplir son obligation d’examiner la demande de mesure d’adaptation du fonctionnaire. La seule preuve est le courriel de Mme Séguin, envoyé le 19 décembre 2006 (pièce E1, onglet 9), où elle demande au fonctionnaire de fournir les raisons de sa demande de mesure d’adaptation en tant que père seul et de présenter [traduction] « les avantages et les inconvénients pour l’employeur et l’employé ». Cependant, l’obligation de prendre des mesures d’adaptation n’est pas conçue pour satisfaire aux intérêts de l’employeur, mais plutôt pour répondre à une incapacité de l’employé.

175 En résumé, l’employeur ne s’est pas conformé à son obligation d’examiner la demande de mesure d’adaptation du fonctionnaire. Le seul redressement approprié dans une telle situation consiste à confirmer l’obligation d’examiner les demandes de mesure d’adaptation. Dans le cas présent, il s’agirait de donner à l’employeur la directive de rencontrer le fonctionnaire et son syndicat afin d’examiner la mesure d’adaptation requise.

176 Dans le présent cas, l’employeur savait que le fonctionnaire éprouvait des difficultés financières, qu’il était malade, que son fils avait besoin d’une éducation spécialisée et que ses dépenses étaient excessives en raison de la distance qui le séparait du travail. Un long trajet peut être un facteur à prendre en considération dans le cadre de l’obligation de prendre des mesures d’adaptation; voir Catholic District School Board of Eastern Ontario v. Ontario English Catholic Teachers’ Assn., [2008] O.L.A.A. No. 459 (QL) (« Elderkin »). Le fait que les exigences du travail ont des conséquences sur la famille d’une personne est suffisant pour établir une preuve prima facie de discrimination fondée sur la situation familiale, ce qui déclenche l’obligation, de la part de l’employeur, de prendre des mesures d’adaptation; voir Johnstone v. Canada Border Services Agency, 2010 CHRT 20. Le fait que la question n’est peut-être maintenant que théorique, puisqu’il n’est plus nécessaire de prendre des mesures d’adaptation relativement au fonctionnaire en raison de la situation familiale, n’excuse pas le fait que l’employeur n’a pas mené, dès le départ, les examens appropriés lorsqu’il s’agissait d’un problème actuel. Il pourrait aussi y avoir des dommages à verser parce que l’employeur n’a pas pris de mesure d’adaptation relativement au fonctionnaire lorsque c’était nécessaire.

177 L’avocate du fonctionnaire a avancé que de façon générale, M. Halfacree a été victime de discrimination, de harcèlement et d’actes de mauvaise foi. Ses droits à la vie privée ont été violés. Il n’a pas fait preuve d’insubordination, s’est montré plus qu’ouvert à rencontrer l’employeur et a fait des efforts en ce sens. Comme mesure de redressement, elle a proposé ce qui suit :

  1. la suspension d’un jour devrait être remplacée par un avertissement écrit;
  2. la suspension de cinq jours devrait être remplacée par une suspension d’un jour;
  3. le fonctionnaire devrait être réintégré dans ses fonctions;
  4. le licenciement pour ne pas avoir communiqué avec l’employeur ou pour ne pas l’avoir rencontré devrait être remplacé par une suspension de 15 jours;
  5. le fonctionnaire devrait être indemnisé intégralement en ce qui concerne les avantages sociaux et la retraite;
  6. je devrais demeurer saisi de la question des dommages, qui sera examinée une fois qu’une enquête sur le besoin de mesures d’adaptation du fonctionnaire aura été menée.

178 Quant à la question des dommages tenant lieu de réintégration, l’avocate du fonctionnaire a affirmé qu’elle avait été prise de court par l’argumentation de l’employeur à ce sujet. Elle a donc été autorisée à déposer des arguments écrits, ce qu’elle a fait le 11 juillet 2012. Le point central de son argumentation était que je n’avais pas compétence pour rendre une telle ordonnance. La Cour d’appel fédérale a statué qu’en vertu de la version antérieure de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, un arbitre de grief n’a pas compétence pour rendre une telle décision réparatrice; voir Gannon c. Canada (Conseil du Trésor), 2004 CAF 417. Elle a avancé que ni le paragraphe 228(2) de la Loi, ni le paragraphe 12(3) de la LGFP n’ont modifié ce résultat et que, par conséquent, la décision dans Gannon demeurait pertinente. Finalement, elle a soutenu que la jurisprudence de la Commission était divisée sur ce point et a affirmé qu’il fallait privilégier Chopra et al. c. Conseil du Trésor (ministère de la Santé), 2011 CRTFP 99 (dans laquelle on maintenait qu’il n’existait pas de pouvoir de redressement semblable) à Lâm.

179 Subsidiairement, si je devais conclure que j’ai le pouvoir d’accorder une indemnisation tenant lieu de réintégration, l’avocate du fonctionnaire a souligné la nature extraordinaire de la mesure corrective. En temps normal, la réintégration devrait être ordonnée. L’employeur avait le fardeau d’établir que les faits justifiaient que l’on fasse fi des attentes et des droits normaux du fonctionnaire – dans un cas comme celui-ci, être réintégré dans ses fonctions.

C. Réponse de l’employeur

180 En ce qui concerne la suspension de cinq jours, l’avocat de l’Agence a avancé qu’un employé ne peut se retrancher derrière un certificat médical inadéquat. L’employé a le contrôle des preuves concernant sa santé, et il a le devoir de fournir des informations acceptables; ce n’est pas l’employeur qui a le rôle d’aller chercher cette information; voir le paragraphe 57 dans Toronto District School Board.

181 En ce qui concerne le licenciement, l’avocat de l’employeur a avancé qu’il n’y avait aucune preuve que le fonctionnaire avait été harcelé ou traité différemment des autres d’une quelconque façon. Il ne s’agissait de rien de plus que les convictions non fondées du fonctionnaire. L’employeur n’a pas commis de harcèlement en demandant au fonctionnaire davantage d’informations que ce qu’il a peut-être demandé à ses autres employés. Les autres employés n’étaient pas malades aussi souvent ou aussi longtemps que le fonctionnaire. C’est une chose d’accepter un bref certificat normalisé comme preuve de maladie pour un employé absent 10 heures au cours d’une année, mais c’en est une autre dans le cas d’un employé absent 400 heures en un an. Dans ce dernier cas, l’employeur avait pleinement le droit d’exiger davantage qu’un formulaire normalisé. Compte tenu des circonstances, cet acte ne peut être interprété comme du harcèlement.

182 L’avocat de l’employeur a affirmé qu’il n’y avait aucune preuve que le fonctionnaire avait de véritables efforts pour rencontrer l’employeur.

183 L’avocat de l’employeur a aussi déclaré que l’aptitude du fonctionnaire à travailler était en fait une question sur laquelle je devais rendre une décision, car elle portait sur la crédibilité des certificats médicaux que le fonctionnaire a présentés pour justifier son absence après avril 2007. Le témoignage de M. Langs sur la condition médicale du fonctionnaire était un ouë-dire et n’était pas appuyé par une preuve ou un avis médical.

184 En ce qui concerne la mesure d’adaptation, aucune preuve ne démontrait que le fonctionnaire avait déjà formulé de façon précise une demande de mesure d’adaptation fondée sur une explication claire de la nécessité de prendre une mesure d’adaptation. On lui a demandé de fournir une telle explication, mais il n’a pas fait. Le fait d’être père seul ou même d’avoir une famille n’est pas suffisant en soi pour déclencher l’obligation de prendre des mesures d’adaptation. De plus, les enfants du fonctionnaire étaient déjà des adolescents en 2006. Où résidait la preuve du fonctionnaire dans le fait qu’avoir des adolescents nécessitait une mesure d’adaptation pour une raison particulière? Les difficultés d’apprentissage sont si fréquentes et les causes de ces difficultés si diverses que le fait de déclarer qu’un enfant a des difficultés d’apprentissage n’est pas suffisant pour entraîner l’obligation de prendre des mesures d’adaptation. Il incombait au fonctionnaire d’établir qu’il se classait dans une catégorie d’employés protégés, ce qu’il n’a pas fait.

VI. Analyse et décision

185 Je me pencherai d’abord sur l’objection préliminaire.

186 Dans les circonstances de cette affaire, il n’est pas nécessaire, à mon avis, de s’attarder sur la question de ma compétence pour entendre un grief sur une mesure d’adaptation demandée en raison de l’état matrimonial ou de l’état de santé, et ce, pour deux raisons. Ces deux raisons sont fondées sur la supposition, aux fins de l’argumentation, que j’ai effectivement compétence.

187 D’abord, il m’apparaît évident, selon la preuve, que M. Halfacree n’est pas parvenu à établir que l’employeur avait l’obligation de prendre des mesures d’adaptation en raison de son état matrimonial ou, si l’employeur avait bel et bien cette obligation, qu’il ne l’a pas respectée. L’obligation de prendre des mesures d’adaptation ne va pas de soi. Cette obligation s’applique seulement après qu’un fonctionnaire ait produit une preuve prima facie de discrimination – en l’espèce, en raison de l’état matrimonial; voir, par exemple, Centre universitaire de santé McGill (Hôpital général de Montréal) c. Syndicat des employés de l’Hôpital général de Montréal, 2007 CSC 4, au paragraphe 11, et Moore c. Société canadienne des postes, 2007 TCDP 31, paragraphe 86. Bien qu’il existe une obligation de ne pas faire preuve de discrimination sur le plan de l’état matrimonial, cette obligation ne s’applique pas simplement parce que quelqu’un a une famille ou est un parent seul. Cette obligation s’applique plutôt à partir du moment où il y a une grande incidence sur un aspect important de cet état; voir Health Sciences Association of British Columbia v. Campbell River and North Island Transition Society, 2004 BCCA 260; Canadian Staff Union v. Canadian Union of Public Employees, [2006] N.S.L.A.A. No. 15 (QL); Alberta (Solicitor General) v. Alberta Union of Provincial Employees, [2010] A.G.A.A. No. 5 (QL).

188 La simple allégation par le fonctionnaire qu’il a un adolescent ayant des besoins spéciaux n’a jamais été suffisante, à mes yeux, pour être jugée comme une preuve prima facie de discrimination concernant son état matrimonial. Mais même s’il avait produit cette preuve, la jurisprudence révèle clairement qu’un employé doit expliquer à l’employeur la nature du problème et qu’il doit collaborer aux efforts de l’employeur lorsque celui­-ci tente de trouver une mesure d’adaptation satisfaisante. M. Halfacree a constamment omis d’honorer ces obligations. Il a ignoré l’employeur lorsque celui-ci lui a demandé des renseignements dont il avait besoin pour déterminer s’il devrait prendre des mesures d’adaptation à son endroit et, le cas échéant, de quelle façon. En effet, il a même résisté aux vaillants efforts de son avocate pour lui soutirer les informations nécessaires pour justifier le besoin de mesures d’adaptation au-delà du fait qu’il était père seul; voir plus haut dans la décision. Il n’a fait aucun effort pour expliquer en quoi les besoins spéciaux de son fils ou le fait qu’il était père seul, le forçant à faire une heure et demie de voyagement à chaque trajet entre son domicile et le travail (comparativement à un autre lieu de travail plus près), avait une incidence discriminatoire sur son état matrimonial. Les longs trajets font partie de la vie des habitants de l’agglomération de Toronto, que la navette soit effectuée en voiture ou en transports en commun. Pris seuls, ces longs trajets ne justifient pas une obligation de prendre des mesures d’adaptation, même pour ceux qui ont une famille.

189 Je n’accepte pas la suggestion de l’avocate du fonctionnaire selon laquelle l’employeur avait l’obligation de mener une enquête en réaction à l’omission de M. Halfacree de répondre à ses questions initiales. Le fait d’être un parent seul n’est pas une incapacité que l’on a tendance à cacher (comme l’alcoolisme ou les troubles mentaux). L’employeur n’avait donc aucune raison de faire fi de l’omission de M. Halfacree d’être plus explicite. Il n’avait pas l’obligation de passer outre ses réticences et de le harceler pour obtenir plus de détails. Si le fonctionnaire ne pouvait expliquer en quoi le fait qu’il était père seul signifiait que l’on devait l’accommoder, l’employeur n’avait aucunement l’obligation de pousser l’affaire plus loin.

190 La décision Elderkin ne contredit pas cette conclusion. Dans Elderkin, la fonctionnaire s’estimant lésée était une enseignante au secondaire qui souffrait d’une blessure physique qui rendait douloureux tout trajet de moindrement longue durée. Cette blessure et l’incapacité qui en découlait étaient appuyées par des rapports médicaux détaillés qui expliquaient clairement la blessure et ses répercussions sur la fonctionnaire s’estimant lésée. L’employeur a accepté toute cette preuve et il a accommodé la fonctionnaire s’estimant lésée en lui proposant un poste d’enseignante au primaire dans une école située près de chez elle. En guise de mesure d’adaptation, la fonctionnaire voulait obtenir un poste d’enseignante dans une école secondaire située à la même distance. Il ne s’agissait donc pas de déterminer s’il y avait bel et bien une obligation de prendre des mesures d’adaptation, mais plutôt s’il était raisonnable d’accommoder une enseignante du secondaire en lui offrant un poste dans une école primaire plutôt que dans une école secondaire.

191 Dans la présente affaire, l’employeur ne reconnaît toutefois pas que l’état matrimonial du fonctionnaire était suffisant pour justifier l’allégation que le long trajet entre son domicile et son lieu de travail avait des répercussions discriminatoires. En outre, le fonctionnaire a ensuite omis – et il n’y est pas non plus parvenu devant moi – de produire suffisamment de preuves prima facie de discrimination.

192 Ensuite, en ce qui concerne l’argument plutôt faible qu’il y avait obligation de prendre des mesures d’adaptation en raison d’une incapacité pour cause médicale, encore une fois, il n’y a eu aucune preuve révélant qu’une maladie ou un trouble limitait le fonctionnaire d’une façon qui justifiait une mesure d’adaptation. Le médecin de famille du fonctionnaire, de même que l’évaluation de Santé Canada, ont toutes deux indiqué, en 2006, qu’il était apte à travailler sans restriction. La longue série de certificats médicaux présentés après avril 2007 n’expliquait pas pourquoi le fonctionnaire ne pouvait pas retourner au travail. Le fonctionnaire n’a pas donné suite aux maintes demandes qu’on lui a faites de fournir de meilleures justifications médicales pour appuyer son allégation selon laquelle, comme l’indiquaient ses certificats médicaux, il était [traduction] « incapable, en raison d’une maladie ou d’une blessure », d’accomplir ses fonctions habituelles. Ces certificats sont particulièrement préoccupants compte tenu de l’aveu du fonctionnaire qu’il conduisait en fait une semi-remorque pendant ce temps (même s’il n’a jamais divulgué cette information à son employeur). Comment peut-on alors dire que le fonctionnaire avait des capacités limitées en raison d’une maladie ou d’une blessure ou encore que ces limites étaient telles qu’elles nécessitaient une mesure d’adaptation? Que le fonctionnaire affirme qu’il souffrait de stress n’est pas suffisant selon moi. Il n’y a aucune preuve pour appuyer l’affirmation du fonctionnaire qu’il souffrait de stress. De plus, la seule source potentielle de stress – sa relation avec M. McReavy – s’est envolée lorsque ce dernier a quitté le lieu de travail; cette excuse ne peut donc expliquer la prétendue incapacité du fonctionnaire de retourner au travail après cette date.

193 Je me pencherai maintenant sur le fond de chacun des trois griefs.

A. Suspension d’une journée

194 Il est important de garder à l’esprit la raison exacte de la mesure disciplinaire imposée à M. Halfacree. On lui a imposé une mesure disciplinaire pour insubordination parce qu’il a :

  1. omis de se présenter comme on le lui a ordonné le 28 décembre 2005, avant de raccrocher au nez de son superviseur durant la conversation qui a suivi;
  2. expressément refusé de rencontrer son gestionnaire une deuxième fois, le 11 janvier 2006.

195 Il ne fait aucun doute dans mon esprit que la relation entre M. Halfacree et son superviseur était tendue. Elle était caractérisée par un manque de confiance de part et d’autre. Je suis également convaincu que les deux parties ont contribué à atteindre ce niveau de méfiance. De son côté, M. McReavy avait de la difficulté à accepter les remises en question de son autorité. On peut le comprendre, mais ces remises en question font partie des risques professionnels que les gestionnaires doivent endosser dans le cadre de leurs responsabilités. Les employés doivent être libres (en respectant certaines limites) de remettre en question l’exercice de ce pouvoir – notamment si l’employé est, comme dans le cas de M. Halfacree, un délégué syndical chargé de défendre les intérêts des employés relevant de ce gestionnaire. Ces questionnements ne sont pas, en soi, des attaques à l’endroit de l’autorité du gestionnaire, et ils ne doivent pas être accueillis ainsi.

196 Par contre, bien que les employés puissent remettre en question une décision ou un ordre de la direction, ils doivent néanmoins obéir aux directives raisonnables de leurs gestionnaires. Ils doivent également éviter de dénigrer ou de remettre ces directives en question en public. Il y a une grande différence entre dire « non » à un gestionnaire en privé et lui dire « non », puis parler de ce refus à ses supérieurs. Dans le deuxième cas, l’employé mine l’autorité du gestionnaire aux yeux de ses supérieurs en plus de porter atteinte à la chaîne de commandement sur laquelle repose toute organisation hiérarchique.

197 À la lumière de ces observations, je crois que, dans le contexte factuel particulier de ce cas, la décision de M. Halfacree de raccrocher au nez de M. McReavy était compréhensible, voire acceptable. Si cet incident avait été le seul motif de la mesure disciplinaire, j’aurais été disposé à croire que toute forme de mesure disciplinaire – et a fortiori une suspension d’une journée – constituait une sanction trop sévère. L’insubordination s’est toutefois poursuivie au-delà de cet incident. Par deux fois, M. Halfacree a refusé de rencontrer M. McReavy. La première fois, c’était avant la conversation téléphonique qui, selon ses dires, s’était échauffée. La deuxième fois, il a annoncé ce refus au supérieur de M. McReavy. Ces décisions n’ont pas été prises sur le coup du moment (contrairement à l’incident du téléphone); dans les deux cas, M. Halfacree avait pris le temps de réfléchir. Il a agi avec mépris à l’endroit de M. McReavy et de son autorité. À mon avis, cela méritait une mesure disciplinaire et, dans les circonstances, je suis d’avis que la suspension d’une journée constituait une sanction appropriée.

198 Par conséquent, ce grief doit être rejeté.

B. Suspension de cinq jours

199 M. Halfacree a fait l’objet d’une mesure disciplinaire pour les raisons suivantes :

  1. Il devait travailler les 20 et 21 décembre 2006, mais il s’est porté malade à la place;
  2. Il devait participer à l’inspection d’un site de pari à distance le 27 décembre 2006; il s’est plutôt présenté au travail à Woodbine, où l’effectif était déjà complet;
  3. Il a refusé ou omis de fournir des informations ou de participer à des réunions comme l’a demandé l’employeur pour étoffer ou corroborer les motifs qu’il avait avancés pour les deux premiers incidents (maladie et erreur quant au lieu de travail).

200 Cependant, la raison sous-jacente qui a réellement motivé l’imposition d’une mesure disciplinaire était son refus de répondre aux demandes d’informations supplémentaires faites par l’employeur. Ces demandes étaient-elles raisonnables? L’employeur était-il obligé d’accepter ce que M. Halfacree lui a donné?

201 Je me pencherai d’abord sur les renseignements médicaux. En ne tenant compte que de l’information fournie par M. Halfacree et des trois notes de la Dre Matsuo, je n’ai pas le choix de conclure que M. Halfacree a effectivement fourni des renseignements médicaux supplémentaires. La Dre Matsuo a fourni des réponses qui appuyaient dans une certaine mesure l’explication que M. Halfacree a fournie pour prendre congé les 20 et 21 décembre 2005. Évidemment, il aurait été préférable que la Dre Matsuo dise (ou écrive) que le fonctionnaire avait dû subir un tomodensitogramme. Mais M. Halfacree a répondu au moins deux fois aux demandes de renseignements médicaux supplémentaires de l’employeur.

202 En ce qui concerne l’omission de M. Halfacree de se rendre au lieu de travail prévu le 27 décembre, puis son omission par la suite d’essayer de se rendre au bon endroit lorsqu’il s’est rendu compte de son erreur, je suis d’avis que sa conduite méritait une mesure disciplinaire. Il était un agent expérimenté, bien habitué aux pratiques d’établissement des horaires de l’employeur. À mon avis, son explication selon laquelle il a oublié est impossible à accepter. De plus, même s’il s’agissait d’une erreur, il avait le devoir de se rendre au bon lieu de travail lorsqu’il s’est rendu compte de son erreur. Sa justification selon laquelle il devait obtenir une autorisation pour les frais de déplacement ne fait que contourner le fait que, s’il s’était rendu au bon endroit comme il devait le faire, il n’aurait jamais été confronté à ce problème.

203 À la lumière de ces constatations, je suis d’avis que, bien que l’imposition d’une mesure disciplinaire était justifiée, une suspension de cinq jours constituait une sanction trop sévère. La mesure disciplinaire précédente était une suspension d’un jour. En supposant qu’il était payé aux deux semaines, en lui imposant une suspension de cinq jours, on passait d’une réduction de 10 % de son salaire à une réduction de 50 %. Il s’agit d’un bond important et d’une augmentation trop grande dans la sévérité de la sanction pour être acceptable dans le cadre de la doctrine des mesures disciplinaires progressives. À mon avis, une suspension de trois jours aurait été une réponse appropriée aux préoccupations de l’employeur concernant l’approche plutôt cavalière de M. Halfacree à l’endroit de ses devoirs et obligations en tant qu’employé.

204 Par conséquent, j’accueille ce grief en partie en substituant une suspension de trois jours à la suspension de cinq jours.

C. Licenciement

205 M. Halfacree a été licencié le 28 avril 2009 avec la justification suivante : [traduction] « […] insubordination : à neuf (9) reprises, l’employeur vous a écrit pour vous demander de fournir des renseignements médicaux supplémentaires afin de justifier votre absentéisme »; voir la pièce E2, onglet 57. L’autre raison, collatérale peut-être, était le fait qu’il a continuellement omis de rencontrer la direction pour discuter de son emploi, en plus de sa déclaration du 5 juin 2008 selon laquelle il préférait rencontrer l’employeur [traduction] « les tribunaux et la CRTFP », ce qui a mené l’employeur à conclure que la relation d’emploi était complètement rompue; voir la pièce E2, onglet 57.

206 Pour rendre une décision sur ce grief, comme pour les deux autres griefs, je dois répondre à trois questions : y avait-il lieu d’imposer une mesure disciplinaire? Si oui, la mesure choisie était-elle appropriée? Si elle ne l’était pas, quelle sanction serait plus appropriée?

207 En l’espèce, la réponse à la première question dépend de plusieurs autres questions. D’abord, l’employeur avait-il le droit de demander au fonctionnaire plus de renseignements médicaux que ce qui lui a été fourni au cours des deux années? Si oui, l’omission du fonctionnaire de fournir ces informations est-elle une forme d’insubordination? Et si oui, cette insubordination était-elle justifiée ou y avait-il au moins des facteurs atténuants?

208 En ce qui concerne la première question, une partie de la relation d’emploi est caractérisée par l’obligation de l’employé de se présenter au travail. Lorsqu’un employé ne se présente pas au travail, il doit fournir à l’employeur une explication pour justifier cette absence. Ce devoir est inscrit dans la clause 35.02 de la convention collective, qui est reproduite ici :

35.02 L’employé-e bénéficie d’un congé de maladie payé lorsqu’il ou elle est incapable d’exercer ses fonctions en raison d’une maladie ou d’une blessure, à la condition :

  1. qu’il ou elle puisse convaincre l’Employeur de son état de la façon et au moment que ce dernier détermine ;
    et
  2. qu’il ou elle ait les crédits de congé de maladie nécessaires.

La preuve nécessaire pour satisfaire à cette obligation peut être ténue lorsque cette absence est d’une durée limitée. L’employeur peut se satisfaire d’une excuse verbale ou d’une brève note du médecin. Mais à mesure que les absences se multiplient et s’allongent, la preuve requise pour satisfaire à cette obligation – et pour satisfaire l’employeur – doit être de plus en plus étoffée.

209 Quelle information l’employeur possédait-il? D’une part, il possédait la preuve fournie par Santé Canada en juin 2006, puis celle de novembre 2006 fournie par le médecin du fonctionnaire, la Dre Matsuo, selon lesquelles il était physiquement apte à assumer les fonctions rattachées à son poste. D’autre part, il y avait le fait que les certificats subséquents de la Dre Matsuo ne précisaient pas si les absences du fonctionnaire étaient causées par une maladie ou une blessure. Dans les circonstances, je suis d’avis que l’employeur avait le droit de s’attendre à recevoir – et de demander – des renseignements plus détaillés pour expliquer pourquoi M. Halfacree s’absentait continuellement de son travail. L’employeur l’a effectivement demandé, et ce, à maintes reprises. Il a proposé au fonctionnaire de le rencontrer. Le fonctionnaire savait que l’employeur avait demandé cette information, il savait pourquoi et il savait que l’employeur ne jugeait pas ce qu’on lui avait fourni comme suffisant.

210 Le fonctionnaire n’a pas seulement ignoré les demandes de l’employeur pendant plus de deux ans, mais il a continué de fournir les mêmes certificats médicaux (qui, bien souvent, n’étaient même pas remplis au complet) que l’employeur avait déclarés insuffisants. À première vue, je suis d’avis que cette conduite constituait de l’insubordination, voire du mépris à l’endroit de la direction.

211 Le fonctionnaire avait-il une explication justifiant, excusant ou à tout le moins atténuant cette insubordination? Plusieurs explications ont été avancées dans la preuve et dans les arguments de son avocate.

212 On a avancé que le fonctionnaire était toujours prêt à rencontrer ses gestionnaires (à l’exception de M. McReavy), avant et après qu’il ait cessé de se présenter au travail, en avril 2007. Cette affirmation n’a été appuyée par aucune preuve crédible. Dans les faits, le fonctionnaire n’a pas rencontré ses gestionnaires une seule fois entre avril 2007 et avril 2009. Pour la période précédant décembre 2008, aucune preuve – pas même de la part de M. Halfacree – n’indique qu’il a cherché de quelque façon que ce soit à communiquer avec ses gestionnaires pour expliquer son absence ou pour les rencontrer. Il est vrai que par sa lettre austère envoyée le 2 décembre 2008, Mme Courcy a finalement réussi à obtenir une réponse de M. Halfacree. Il a déclaré qu’il souhaitait rencontrer la direction. Mais les actes de M. Halfacree par la suite sont toutefois plus éloquents que ses paroles. Il n’a fait aucun effort pour organiser une rencontre. Il a cherché à remettre la faute de ce manque d’effort sur son représentant syndical, en dépit du fait que chaque fois que ce dernier a organisé une rencontre, M. Halfacree s’est porté malade. Son attitude était, comme il l’a dit : [traduction] « si [l’employeur] voulait organiser une rencontre, il pouvait le faire ». Le fonctionnaire a laissé à l’employeur la tâche de courir après lui pour trouver des dates pour le rencontrer, rencontres qu’il a invariablement annulées pour cause de maladie. Ces faits ne démontrent pas, à mon avis, une tentative bona fide – voire même une intention – de rencontrer l’employeur ou de lui fournir l’information qu’il cherchait à obtenir. Ils démontrent plutôt le contraire.

213 Même en présence de preuves crédibles indiquant que le fonctionnaire aurait fait des efforts pour organiser une rencontre avec son employeur, il n’y a aucune indication de ce qu’il aurait dit si la réunion avait eu lieu. Tout au long de l’audience, il n’a donné aucune information (hormis des allégations non étoffées selon lesquelles il était sous les soins de son médecin) qui aurait pu permettre de répondre à la principale question : pourquoi ne pouvait-il se présenter au travail?

214 On a avancé que l’omission du fonctionnaire de fournir les informations demandées était le fruit de sa conviction qu’il faisait l’objet de harcèlement ou de discrimination, qu’il souffrait de stress ou que son hypertension l’empêchait de se présenter aux rencontres. Aucune de ces hypothèses n’a été appuyée par des preuves indépendantes crédibles.

215 Pour la première hypothèse, le mieux que l’on peut dire en ce qui concerne la preuve produite est qu’il y avait bel et bien de la friction entre le fonctionnaire et l’employeur : M. McReavy. Dans les circonstances, je ne crois pas que l’existence de cette tension justifiait le refus du fonctionnaire de rencontrer M. Pettipas ou Mme Courcy. Il n’y a aucune preuve d’animosité ou de friction entre le fonctionnaire et ces deux personnes. Il n’avait jamais rencontré Mme Courcy, et il a d’ailleurs affirmé lors de son témoignage qu’il pensait qu’elle était [traduction] « une personne intègre ». Pourtant, il a continuellement ignoré leurs demandes d’informations et il n’a fait aucun effort pour les rencontrer.

216 Je ne suis pas non plus convaincu que la présence de M. McReavy dans la structure de gestion du bureau régional de l’Ontario jusqu’en 2008 permettait de justifier la conduite du fonctionnaire. Le fonctionnaire avait devant lui plusieurs options qui lui auraient permis de fournir les informations que l’employeur voulait avoir tout en le protégeant de tout conflit interpersonnel qui existait peut-être. L’employeur avait mis en place des systèmes et des ressources pour gérer les conflits au travail par l’entremise du Bureau de résolution des conflits. Aucune preuve n’indique que le fonctionnaire a cherché à en profiter. En fait, à une occasion, il a expressément refusé de faire appel à ce service. Il aurait aussi pu faire appel à la représentation syndicale en vertu de la convention collective, mais il a décidé de faire fi de cette avenue aussi.

217 Je ne crois pas que M. Halfacree pouvait être facilement intimidé, ni qu’il avait peur de M. McReavy de quelque façon que ce soit. Le fonctionnaire était un délégué syndical. Il croyait fermement en ses droits et il n’a jamais hésité à y avoir recours, que ce soit en présentant des griefs contre ce qu’il estimait être des violations de ses droits ou en présentant des griefs de harcèlement contre ses gestionnaires. En outre, il était prompt à ignorer les demandes ou les ordres de la direction lorsqu’il ne les approuvait pas. Il s’est plaint de son syndicat à la Commission, alléguant une pratique déloyale de travail parce que le syndicat refusait de renvoyer certains de ses griefs à l’arbitrage. Ironiquement, l’une de ses demandes a été rejetée parce qu’il n’a fait aucun effort pour présenter de l’information ou des faits pour étoffer ses allégations. Il est clair que le fonctionnaire n’a pas peur de se lancer. Devant moi, il s’est montré trop sûr de lui et il m’a fait l’impression de quelqu’un qui se croit tout permis. Il n’a montré aucune hésitation à revendiquer ses droits, que ce soit à l’endroit de son employeur ou de son syndicat. Il m’est impossible de conclure qu’une telle personne pouvait être effrayée à l’idée de rencontrer M. McReavy ou la direction par peur de harcèlement ou de discrimination.

218 Pour ce qui est de l’argument selon lequel on pourrait imputer sa réticence à rencontrer la direction à son hypertension ou au stress dont il souffrait, aucune preuve médicale n’appuyait l’allégation selon laquelle il était atteint de l’une ou l’autre de ces conditions. Il n’y a que sa parole, que ce soit directement durant l’audience ou par l’entremise de la preuve par ouë-dire de M. Langs concernant ce que le fonctionnaire lui avait dit. Sa parole n’était pas suffisante pour me convaincre, selon la prépondérance des probabilités, compte tenu de toutes les preuves devant moi. De plus, à mon avis, il ne suffisait pas que le fonctionnaire dise qu’il souffre d’hypertension. Il devait aussi démontrer que cette condition l’empêchait de rencontrer l’employeur, ou à tout le moins que cela l’empêchait de demander à son médecin de famille de fournir une explication plus détaillée des raisons pourquoi il ne pouvait venir au travail ou qu’il ne pouvait subir une autre évaluation de Santé Canada. Aucune preuve du genre n’a été produite. Bref, rien ne montrait que les troubles dont le fonctionnaire souffrait prétendument étaient suffisamment graves pour l’empêcher d’obtenir les renseignements demandés par l’employeur. En effet, le fait qu’il conduisait une semi-remorque pendant ses absences laisse plutôt entendre le contraire.

219 Je crois qu’il convient de préciser que j’accepte l’argument de l’avocate du fonctionnaire que la question n’est pas de déterminer si le fonctionnaire pouvait travailler (ce qui est établi par le fait qu’il travaillait à temps partiel comme conducteur de semi-remorques), mais plutôt s’il avait fait preuve d’insubordination. Mais le fait qu’il avait la capacité de conduire un camion, et qu’il l’a bel et bien fait, est à prendre en considération pour déterminer si les raisons qu’il a avancées pour ne pas remettre à l’employeur les informations qu’il demandait étaient crédibles. Le fonctionnaire devait me convaincre que, selon la prépondérance des probabilités, sa condition médicale (que ce soit l’hypertension ou le stress) était tellement grave qu’elle l’empêchait de répondre aux demandes de l’employeur. Et sa capacité de conduire un camion a contribué à faire en sorte que, selon la prépondérance des probabilités, il n’est pas parvenu à me convaincre.

220 Un autre argument servant à expliquer ou à atténuer la conduite du fonctionnaire était le fait qu’il croyait avoir autorisé l’employeur à parler à son médecin de famille ou qu’il avait autorisé son médecin à parler à l’employeur si celui-ci téléphonait. On peut relever plusieurs problèmes concernant cet argument.

221 Premièrement, il plaçait le fardeau du mauvais côté. Il revenait au fonctionnaire de fournir l’information demandée par l’employeur. L’employeur n’avait pas l’obligation d’agir comme son propre détective. Deuxièmement, rien ne prouve qu’entre avril 2007 et avril 2009 le fonctionnaire ait expressément autorisé l’employeur et son médecin à discuter de son état de santé pour déterminer pourquoi il ne pouvait se présenter au travail. La preuve d’une telle autorisation était ténue et portait sur une période antérieure. Il s’agissait du courriel que le fonctionnaire a envoyé à l’employeur en mars 2005, et même cette preuve n’était pas appuyée par une preuve que le fonctionnaire a fourni à la Dre Matsuo une autorisation officielle par écrit. Troisièmement, il y a des preuves selon lesquelles même si une autorisation avait été donnée en mars 2005, elle n’aurait été valide que pour une période déterminée, et l’employeur aurait fait preuve de mauvais jugement s’il s’en était servi. En mai 2006, le fonctionnaire s’est plaint que l’employeur avait violé ses droits en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels en communiquant directement avec son dentiste. De plus, les demandes que l’employeur a présentées au fonctionnaire durant cette période pour qu’il se soumette à une deuxième évaluation de Santé Canada ont été refusées (ou à tout le moins ignorées) par le fonctionnaire. À la lumière de ces preuves, je suis d’avis que l’employeur n’aurait eu aucune raison crédible de croire qu’il pouvait obtenir les renseignements recherchés en les demandant directement au médecin de famille du fonctionnaire. Quatrièmement, compte tenu de ces preuves, et compte tenu des demandes claires et répétées de l’employeur pour obtenir des informations pendant la période en cause, l’argument selon lequel le fonctionnaire croyait que l’employeur savait qu’il était autorisé à parler à son médecin n’est tout simplement pas crédible. Le fonctionnaire savait que l’employeur ne pensait pas qu’il avait l’autorisation de parler à son médecin, et c’est pour cela qu’il a demandé au fonctionnaire les renseignements qu’il voulait obtenir.

222 Ces preuves ne me convainquent pas que le fonctionnaire avait, pour la période d’avril 2007 à avril 2009, donné à son médecin de famille l’autorisation de parler à son employeur, qu’il en avait informé l’employeur, qu’il croyait honnêtement que l’employeur savait qu’il avait cette autorisation, ou qu’il aurait été raisonnable pour l’employeur de croire, dans les circonstances, qu’il avait cette autorisation. Bref, la défense ou l’explication n’est tout simplement pas appuyée par les preuves.

223 Par conséquent, je suis d’avis que le fonctionnaire a fait preuve d’insubordination, qu’il n’avait aucune excuse permettant de justifier ou au moins d’atténuer cette insubordination, et que l’imposition d’une mesure disciplinaire était justifiée.

224 Cela m’amène à la dernière question, qui consiste à déterminer si le licenciement était une sanction trop sévère ou déraisonnable pour l’imposer au fonctionnaire en réaction à son insubordination. À mon avis, la décision de l’employeur était raisonnable et pleinement justifiée dans les circonstances. L’insubordination de M. Halfacree n’était pas un acte isolé. Elle n’est pas survenue sur le coup du moment. Il a agi ainsi à répétition. Elle n’était pas le résultat d’une mauvaise compréhension de ce qui était attendu de lui. Elle était persistante, continue et commise en toute connaissance de ce qu’on lui avait ordonné de faire aussi bien que des conséquences potentielles s’il refusait de se conformer. Je suis d’avis que, dans ces circonstances, le licenciement était tout à fait raisonnable.

225 Compte tenu de cette conclusion, il est inutile de juger si un arbitre de grief a la compétence pour octroyer des dommages en guise de réintégration.

226 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

VIII. Ordonnance

227 Le grief contenu dans le dossier de la CRTFP 566-02-577 est rejeté.

228 Le grief contenu dans le dossier de la CRTFP 566-02-3081 est accueilli en partie, et j’ordonne à l’employeur de substituer une suspension de trois jours à la suspension de cinq jours.

229 Le grief contenu dans le dossier de la CRTFP 566-02-3439 est rejeté.

Le 14 décembre 2012.

Traduction de la CRTFP

Augustus Richardson,
arbitre de grief

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