Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé travaillait comme conseiller principal en politiques pour Ressources humaines et Développement des compétences Canada - le fonctionnaire s’estimant lésé a été licencié parce qu’il ne satisfait plus à une condition d’emploi dans la fonction publique fédérale depuis qu’on lui a révoqué sa cote de fiabilité - il a déposé un grief pour contester son licenciement - l’employeur s’est opposé à la compétence de l’arbitre de grief - l’employeur a allégué que le fonctionnaire s’estimant lésé ne satisfaisait plus à une condition d’emploi essentielle, ce qui justifiait son licenciement - l’employeur a déclaré que lorsque l’arbitre de grief établira que le licenciement était justifié, il n’y aura plus lieu de continuer les procédures - il n’y a eu aucune allégation de mesure disciplinaire déguisée - le fonctionnaire s’estimant lésé a prétendu que l’arbitre de grief avait compétence pour entendre un grief portant sur un licenciement dont le motif est autre qu’un manquement à la discipline ou une inconduite - l’arbitre de grief a conclu que la décision de révoquer une cote de fiabilité est de nature administrative - l’arbitre de grief a conclu que, selon le sous-alinéa 209(1)c)(i) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, il est permis de déposer un grief qui porte sur le licenciement d’un fonctionnaire pour un motif autre qu’un manquement à la discipline - l’arbitre de grief a jugé que ce licenciement devait être justifié - la compétence de l’arbitre de grief prendra fin lorsque le motif aura été établi comme il se doit, à moins que l’on détermine que la conclusion voulant que le fonctionnaire s’estimant lésé ne remplisse plus une condition d’emploi en raison de la révocation de sa cote de fiabilité soit le résultat d’un manquement d’équité procédurale ou de mauvaise foi - l’arbitre de grief a conclu que le licenciement du fonctionnaire s’estimant lésé était justifié - l’arbitre de grief a conclu que la décision de révoquer la cote de fiabilité du fonctionnaire s’estimant lésé n’avait pas été empreinte d’un manquement d'équité procédurale ou de mauvaise foi. Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2012-01-31
  • Dossier:  566-02-4825
  • Référence:  2012 CRTFP 12

Devant un arbitre de grief


ENTRE

NAZIH NASRALLAH

fonctionnaire s'estimant lésé

et

ADMINISTRATEUR GÈNÈRAL
(ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences)

défendeur

Répertorié
Nasrallah c. Administrateur général (ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences)

Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage

MOTIFS DE DÈCISION

Devant:
Linda Gobeil, arbitre de grief

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Fiona Campbell et Jean-Michel Corbeil, avocats

Pour le défendeur:
Michel Girard, avocat

Affaire entendue à Ottawa (Ontario),
du 26 au 28 septembre 2011
(Traduction de la CRTFP)

I. Grief renvoyé à l’arbitrage

1 Ce grief vise le licenciement du fonctionnaire s’estimant lésé, Nazih Nasrallah (le « fonctionnaire »). Au moment du licenciement, M. Nasrallah occupait un poste de conseiller principal en analyse des politiques (poste classé au groupe et niveau EC‑7) au ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences (« RHDCC » ou l’« employeur »). M. Nasrallah a travaillé pour RHDCC de novembre 2005 au 28 juin 2010, soit la date de son licenciement.

2 La raison du licenciement du fonctionnaire est énoncée dans une lettre de Jacques Paquette, sous‑ministre adjoint principal de RHDCC, datée du 28 juin 2010. La cote de fiabilité de M. Nasrallah a été révoquée à la suite d’une réévaluation de sa fiabilité. Comme la cote de fiabilité est une condition d’emploi pour tous les postes de la fonction publique fédérale, le fonctionnaire a été licencié le 28 juin 2010.

3 Le 6 juillet 2010, M. Nasrallah a déposé un grief en vertu du sous‑alinéa 209(1)c)(i) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la « Loi »). Il conteste la décision de l’employeur de le licencier et demande d’être réintégré dans ses fonctions :

[Traduction]

Je conteste la lettre de licenciement envoyée par mon employeur le 28 juin 2010. Je demande que cette lettre soit annulée et détruite.

Je demande d’être réintégré dans mes fonctions rétroactivement au 3 août 2009.

Je demande de recevoir un salaire et des avantages intégraux rétroactivement au 3 août 2009.

Je demande que toute l’information liée à cette affaire, y compris l’information électronique, soit retirée de tous les dossiers tenus par l’employeur et ses représentants et détruite.

Je demande une réparation complète.

4 Le 15 novembre 2010, le grief a été renvoyé à la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la « Commission ») pour arbitrage en vertu du sous‑alinéa 209(1)c)(i) de la Loi.

5 Le 5 janvier 2011, l’employeur s’est opposé à la compétence de la Commission en soutenant que, selon l’article 209 de la Loi, l’arbitre de grief n’a pas compétence pour entendre cette affaire. L’employeur a expliqué que le fonctionnaire avait été licencié parce que sa cote de fiabilité, une condition d’emploi pour tous les postes de la fonction publique fédérale, avait été révoquée. L’employeur a aussi expliqué que le fonctionnaire avait eu la chance de répondre aux allégations portées contre lui. Il a cité Braun c. Administrateur général (Gendarmerie royale du Canada), 2010 CRTFP 63, pour appuyer sa position.

6 Le 18 janvier 2011, le représentant de l’agent négociateur du fonctionnaire a fait valoir que les faits étaient différents de ceux dans Braun et que, dans ce cas-ci, il y avait eu violation des règles sur l’équité procédurale. Le représentant du fonctionnaire a ajouté que la décision de licencier M. Nasrallah n’était pas justifiée par des préoccupations sérieuses ou réelles sur le plan de la sécurité et que ces préoccupations n’avaient pas été communiquées au fonctionnaire. De plus, le représentant du fonctionnaire est d’avis que l’employeur n’a pas donné à M. Nasrallah les raisons de son licenciement. Il m’a renvoyé à Gill c. Conseil du Trésor (ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences), 2009 CRTFP 19, et a conclu en soutenant que j’avais compétence pour entendre le grief.

7 Deux téléconférences préparatoires à l’audience ont eu lieu les 8 août 2011 et 9 septembre 2011. J’ai appris à la téléconférence du 8 août 2011 que M. Nasrallah avait déposé une plainte auprès du Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité (le « CSARS ») concernant la révocation de sa cote de sécurité de niveau « secret » par le sous‑ministre de RHDCC, le 7 août 2009.

8 À la téléconférence préparatoire à l’audience du 9 septembre 2011, j’ai entre autres demandé aux parties quelles seraient les conséquences de la plainte déposée devant le CSARS sur le grief de M. Nasrallah. L’employeur a affirmé que la procédure d’arbitrage devrait être suspendue en attendant les résultats de la plainte adressée au CSARS. L’avocate de M. Nasrallah, quant à elle, était plutôt d’avis que la plainte déposée devant le CSARS et le présent grief étaient deux choses différentes, qu’on ne savait pas combien de temps durerait la procédure du CSARS et que M. Nasrallah attendait depuis assez longtemps le traitement de son grief. Elle a également indiqué qu’elle allait demander des dommages majorés à titre de réparation.

9 J’ai accepté les raisons données par l’avocate de M. Nasrallah concernant la procédure devant l’arbitre de grief et j’ai informé les parties que l’audience aurait lieu comme prévu.

II. Objections préliminaires

A. Position de l’employeur

10 À l’audience, l’avocat de l’employeur a répété que le grief devrait être rejeté au motif que l’arbitre de grief n’avait pas compétence pour entendre le grief et accorder la réparation demandée par le fonctionnaire. La cote de sécurité de niveau « secret » de M. Nasrallah a été révoquée. Cette décision est contestée devant le CSARS. La cote de fiabilité de M. Nasrallah a également été révoquée. L’arbitre de grief n’a pas compétence en ce qui concerne les cotes de sécurité. Elle ne peut donc pas ordonner que le fonctionnaire soit réintégré dans ses fonctions. L’avocat de l’employeur m’a renvoyé à Zhang c. Conseil du Trésor (Bureau du Conseil privé), 2005 CRTFP 173 – paragraphe 70, et à Zhang c. Conseil du Trésor (Bureau du Conseil privé), 2009 CRTFP 22, au paragraphe 68, qui a été rendue plus récemment.

11 L’avocat de l’employeur a également affirmé que la décision de l’employeur de révoquer la cote de fiabilité du fonctionnaire était une décision administrative qui ne relevait pas de ma compétence. Selon lui, je ne devrais pas évaluer le bien‑fondé de cette décision. Par ailleurs, je n’ai pas compétence pour rétablir la cote de fiabilité du fonctionnaire.

12 L’avocat de l’employeur a fait valoir que M. Nasrallah n’avait plus de cote de fiabilité et que cette cote était la cote minimale exigée pour tous les postes de la fonction publique, comme il est indiqué dans Hillis c. Conseil du Trésor (ministère du Développement des ressources humaines), 2004 CRTFP 151. Par conséquent, le fonctionnaire ne répond plus à une condition d’emploi essentielle, ce qui représente un motif, conformément au paragraphe 12(3) de la Loi sur la gestion des finances publiques, L.R.C., (1985), (la « LGFP »). Dès que je serai convaincu que M. Nasrallah ne satisfait plus aux conditions de son emploi, je devrai conclure que son licenciement était justifié, aux termes du paragraphe 12(3) de la LGFP, et il ne sera plus nécessaire de poursuivre la procédure.

13 L’avocat de l’employeur a aussi fait valoir que, dans le cas d’une révocation de la cote de fiabilité, le recours approprié aurait été de déposer une plainte en vertu de l’article 208 de la Loi. Si cela n’avait pas permis de régler la question, M. Nasrallah aurait alors pu présenter à la Cour fédérale une demande de contrôle judiciaire.

14 L’avocat de l’employeur a répété qu’à moins que le fonctionnaire allègue que la révocation de sa cote de fiabilité est en fait une mesure disciplinaire déguisée, je n’ai pas compétence pour entendre cette affaire. Pour appuyer son argument, l’avocat de l’employeur m’a renvoyé au paragraphe 143 de Hillis, aux paragraphes 126 à 129 de Shaver c. Administrateur général (ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences), 2011 CRTFP 43, et aux paragraphes 140 et 199 de Braun. L’avocat de l’employeur a ajouté que dans le cas présent le fonctionnaire n’avait pas fait de déclaration voulant que la décision de l’employeur était en fait une mesure disciplinaire déguisé. Par ailleurs, le grief n’a pas été renvoyé à l’arbitrage en vertu de l’alinéa 209(1)b) de la Loi.

15 L’avocat de l’employeur a maintenu que la question de l’équité procédurale ou de la mauvaise foi ne devrait pas être étudiée. Il m’a renvoyé à Shaver (paragraphe 130). Dans cette affaire, l’arbitre de grief avait conclu qu’un arbitre de grief ne pouvait pas avoir compétence pour entendre des questions relatives à la procédure s’il n’avait pas la compétence concernant une situation administrative.

16 Dans tous les cas, si je devais examiner la question de l’équité procédurale ou de la mauvaise foi, l’avocat de l’employeur est d’avis que je devrais considérer la question de la discipline. Cependant, il n’a aucunement été question de discipline dans le grief. Ces questions sont abordées dans Braun (paragraphe 141).

17 Enfin, pour ce qui est des dommages majorés demandés à titre de réparation, l’avocat de l’employeur a déclaré qu’à cette étape de la procédure, le fonctionnaire ne pouvait plus demander une mesure de redressement différente sans changer la nature du grief. Il m’a renvoyé à la décision de la Cour d’appel fédérale dans Burchill c. Procureur général du Canada, [1981] 1 C.F. 109 (C.A.) et à celle de la Cour fédérale dans Scheuneman c. Procureur général du Canada, [2000] 2 C.F. 365.

B. Réplique du fonctionnaire

18 L’avocat de M. Nasrallah n’était pas d’accord avec la position de l’employeur; il a soutenu que j’avais compétence pour entendre le grief. Bien qu’il ait convenu que cette affaire ne portait pas sur une question de discipline, il est d’avis que le sous‑alinéa 209(1)c)(i) de la Loi permet clairement le renvoi à l’arbitrage d’un cas de licenciement, conformément à l’alinéa 12(1)e) de la LGFP, pour des raisons autres qu’une infraction à la discipline ou une inconduite. Il a ajouté que la Commission avait compétence aux termes du sous‑alinéa 209(1)c)(i) de la Loi.

19 L’avocat de M. Nasrallah a établi un lien entre la présente affaire et la décision de la Cour d’appel fédérale dans Kampman c. Canada, [1996] 2 C.F. 798 (C.A.). Dans Kampamn, la Cour a confirmé que les questions non disciplinaires, comme un renvoi pour incapacité ou incompétence en vertu de l’article 31 de l’ancienne Loi sur l’emploi dans la fonction publique, L.R.C. (1989), ch. P‑33, pouvaient être examinées par un tribunal du travail. L’avocat du fonctionnaire m’a également renvoyé à la décision de la Cour fédérale dans Singh c. Canada (Procureur général), 2001 CFPI 577. Dans Singh, la Cour a confirmé que l’arbitre de grief avait compétence pour entendre des griefs portant sur un licenciement pour des raisons autres qu’une infraction à la discipline ou une inconduite, notamment la révocation d’une cote de fiabilité.

20 De plus, l’avocat de M. Nasrallah m’a renvoyé à Gunderson c. Conseil du Trésor (Revenu Canada – Douanes et Accise), (1995) 28 CRTFP 25. Dans Gunderson, l’ancienne Commission des relations de travail dans la fonction publique (l’« ancienne Commission ») a confirmé qu’elle avait compétence pour examiner le bien‑fondé d’un licenciement pour des raisons non disciplinaires, par exemple pour incapacité. L’avocat de M. Nasrallah m’a aussi renvoyé à Zhang, 2005 CRTFP 173, où la Commission a établi qu’elle avait compétence pour instruire cette affaire au fond, ce qu’elle a fait. Cette affaire portait sur un licenciement où il y avait eu révocation de la cote de fiabilité.

21 L’avocat du fonctionnaire a souligné que, pour que le grief soit entendu par un arbitre de grief, il faudrait contester le licenciement en vertu de l’alinéa 209(1)b) de la Loi, ou contester le licenciement découlant de la révocation de sa cote de sécurité conformément au sous‑alinéa 209(1)c)(i).

22 L’avocat du fonctionnaire a aussi établi que la présente affaire était distincte de Shaver, à laquelle l’employeur m’avait renvoyé. Dans Shaver, la cote de fiabilité du fonctionnaire a été révoquée un mois après le licenciement. Comme il avait décidé que le licenciement était justifié, l’arbitre de grief a conclu que la question de la révocation de la cote de fiabilité du fonctionnaire était sans conséquence. L’avocat du fonctionnaire a déclaré que les faits étaient différents dans la présente affaire.

23 Selon l’avocat de M. Nasrallah, il est clairement indiqué au sous‑alinéa 209(1)c)(i) de la Loi que l’arbitre de grief a compétence en matière de licenciement pour des raisons non disciplinaires, notamment lorsque la cote de fiabilité d’un employé est révoquée. Ce point de vue correspond à d’autres cas où on avait tenu compte d’une législation similaire, par exemple Singh, Kampman et Gunderson. Ces cas sont distincts de la jurisprudence citée par l’employeur, car ils ne portent pas sur des situations où la révocation de la cote de fiabilité était accompagnée d’un licenciement.

24 Pour ce qui est des commentaires de l’avocat de l’employeur sur la réparation demandée, l’avocat du fonctionnaire a examiné le grief et a souligné que la réparation n’était pas limitée à la réintégration de M. Nasrallah dans ses fonctions. La réparation demandée ne peut pas servir à déterminer si l’arbitre de grief a la compétence requise. Cette question devrait être réglée à la fin de la procédure; elle ne devrait pas être le facteur permettant de déterminer si la Commission a la compétence requise.

C. Réplique de l’employeur

25 L’avocat de l’employeur a souligné que la révocation de la cote de fiabilité et le licenciement étaient deux choses différentes. La révocation de la cote de fiabilité aurait dû faire l’objet d’un grief distinct. Il s’agit d’une décision administrative prise conformément aux politiques pertinentes et la Commission ne peut pas examiner le bien‑fondé de ce type de décision. L’avocat de l’employeur m’a renvoyé à Braun, Hillis et Gill pour appuyer son argument.

26 Pour ce qui est de Gunderson, l’avocat de l’employeur a déclaré que des affaires plus récentes s’appliquaient. Il a souligné que Singh et Zhang portaient sur la révocation d’une cote de sécurité de niveau « secret ». Au moment de ces décisions, l’employeur était tenu, selon sa politique, de chercher d’autres postes pour lesquels l’employé répondait aux exigences de sécurité. Ainsi, au moment de ces décisions, l’employeur avait d’autres obligations à la suite de la révocation de la cote de sécurité de niveau « secret ». La politique a changédepuis, et l’employeur n’est plus tenu de chercher d’autres postes pour l’employé. De plus, dans le cas présent, la cote de fiabilité est une exigence pour tous les postes de la fonction publique fédérale. Sans cote de fiabilité, un individu ne peut pas travailler pour le gouvernement fédéral.

27 J’ai informé les parties que j’allais prendre en délibéré les objections de l’employeur, et j’ai les ai invitées à procéder à l’instruction de ce cas sur le fond.

III. Résumé de la preuve

28 Les parties ont présenté un exposé conjoint des faits. De plus, l’avocat de l’employeur a fait comparaître deux témoins et a soumis une pièce (un cartable de documents). L’avocat de M. Nasrallah a fait comparaître le fonctionnaire comme témoin et a soumis sept pièces.

A. Pour l’employeur

1. Déclaration d’ouverture

29 L’avocat de l’employeur m’a demandé de rejeter le grief sur le fondement de ses objections préliminaires concernant ma compétence.

30 L’avocat de l’employeur est d’avis que si je décidais de trancher sur le bien-fondé de ce grief, je devrais me limiter à la question qui consiste à déterminer si l’employeur a agi de mauvaise foi ou a transgressé les règles de l’équité procédurale.

31 L’avocat de l’employeur a déclaré que les preuves établiraient que la décision de révoquer la cote de fiabilité du fonctionnaire a été motivée par une fausse déclaration et un détournement de fonds par M. Nasrallah quand il utilisait le Programme canadien de prêts aux étudiants (PCPE), administré par RHDCC. L’avocat a ajouté que les preuves établiraient que le fonctionnaire a été avisé que sa cote de fiabilité ferait l’objet d’un nouvel examen à la suite de la révocation de sa cote de sécurité de niveau « secret ». Le fonctionnaire a été informé des conséquences possibles de ce nouvel examen et a reçu un exemplaire du rapport, qu’il a pu commenter. L’avocat a indiqué qu’il n’y avait aucune preuve de mauvaise foi ou d’iniquité procédurale. Par conséquent, la compétence de la Commission ne devrait pas aller plus loin. Je ne devrais pas évaluer le caractère raisonnable de la décision. L’avocat a soutenu que la décision était raisonnable.

2. Témoin de l’employeur

32 M. Paquette a témoigné pour l’employeur. Il est sous‑ministre adjoint principal, Sécurité du revenu et développement social, à RHDCC, depuis 2009. Il est responsable de l’élaboration des politiques sociales.

33 M. Paquette a déclaré que, le 28 juin 2010, Rita Whittle, agente de sécurité du Ministère (ASM), l’a informé qu’elle avait révoqué la cote de fiabilité de M. Nasrallah. M. Paquette a alors informé M. Nasrallah de la décision de Mme Whittle. Il a indiqué qu’il avait envoyé une deuxième lettre au fonctionnaire le jour même pour l’aviser que, puisque sa cote de fiabilité avait été révoquée, il ne répondait plus aux conditions d’emploi et que, par conséquent, il était licencié.

34 M. Paquette a déclaré que la décision de mettre fin à l’emploi du fonctionnaire était fondée sur le rapport que lui avait remis Mme Whittle et sur les conseils obtenus des Ressources humaines (RH).

35 Pendant le contre‑interrogatoire, M. Paquette a admis qu’il n’avait jamais communiqué directement avec M. Nasrallah. M. Paquette a mentionné que les connaissances qu’il avait de la Norme sur la sécurité du personnel (la « NSP »), lui avaient été transmises par les RH.

36 M. Paquette a déclaré qu’il n’était pas en mesure de savoir si les garanties procédurales prévues à l’article 2.7 de la NSP avaient été respectées, puisqu’il n’avait pas procédé lui‑même à la vérification de la cote de fiabilité; l’ASM est responsable d’effectuer cette vérification en vertu de la NSP. Le témoin a aussi indiqué que, selon lui, la consultation prévue à l’article 5 de la NSP avait été menée.

37 M. Paquette a aussi déclaré qu’il n’avait pas parlé à Mme Whittle et qu’il n’avait eu qu’un seul contact avec elle, soit lors de la réception de la note du 28 juin 2010. Comme sa cote de fiabilité avait été révoquée, le fonctionnaire ne répondait plus à ses conditions d’emploi. C’est pour cette raison que M. Paquette a licencié le fonctionnaire.

38 À la question de savoir s’il avait vérifié l’impartialité du processus de révocation de la cote de fiabilité, M. Paquette a répondu qu’il n’avait pas effectué cette démarche lui‑même, mais qu’il avait travaillé avec Mme Whittle par le passé et qu’il tenait pour acquis qu’elle faisait son travail correctement.

39 En examinant la lettre de licenciement datée du 28 juin 2010, M. Paquette a admis qu’on n’y expliquait pas les raisons pour lesquelles la cote de fiabilité du fonctionnaire avait été révoquée.

40 Mme Whittle a été appelée à comparaître en tant que deuxième et dernier témoin de l’employeur. Elle a expliqué qu’elle est directrice générale, Intégrité interne, et ASM à RHDCC depuis trois ans. Elle est aussi responsable du Bureau des valeurs et de l’éthique de RHDCC. Elle a précisé que ses pouvoirs d’ASM lui avaient été officiellement délégués par le sous‑ministre de RHDCC.

41 Mme Whittle a expliqué que, bien qu’elle ait effectué de nombreuses vérifications de la fiabilité dans le passé et qu’elle ait probablement accordé la cote de fiabilité plus d’une centaine de fois, elle n’avait jamais eu à revérifier la fiabilité d’un employé à la suite de la révocation d’une cote de sécurité de niveau « secret », comme elle a dû le faire pour le fonctionnaire. Elle n’avait aucune expérience d’enquête; son rôle est de superviser les enquêtes.

42 Mme Whittle a indiqué qu’elle est devenue impliquée dans la vérification de la cote de fiabilité de M. Nasrallah le 3 août 2009. Elle a reçu ce jour‑là une copie de la lettre que Marie Gauthier, directrice générale, Intégration stratégique, Planification et responsabilisation, RHDCC, a envoyée à M. Nasrallah pour l’aviser que le ministère avait reçu de l’information qui avait déclenché un examen obligatoire de sa cote de fiabilité en vertu de l’article 2.8 de la NSP.

[Traduction]

M. Nasrallah,

La présente est pour vous informer que Ressources humaines et Développement des compétences Canada (RHDCC) a reçu de l’information le poussant à déclencher un examen obligatoire de votre cote de fiabilité en vertu de l’article 2.8 de la Norme sur la sécurité du personnel (NSP), conformément à la Politique du gouvernement sur la sécurité.

Des décisions administratives pourraient être prises à la lumière de cette information et en fonction des résultats de l’examen. Dans le pire des cas, votre cote de fiabilité pourrait être révoquée et vous pourriez être licencié. Nous vous avisons donc par la présente que vous êtes suspendu sans traitement à partir de maintenant jusqu’à la fin de l’examen. Si les résultats indiquent que l’information que nous avons reçue n’a aucun effet négatif sur votre cote de fiabilité, nous considérerons votre période de suspension comme un congé payé, et ce, de manière rétroactive. Vous serez avisé par écrit de votre droit à une révision de la décision ou à tout autre recours s’il est établi que votre cote de fiabilité doit être révoquée.

L’examen sera mené par des représentants de l’Unité des enquêtes spéciales (UES) de la Direction générale des services d’intégrité de Service Canada. Nous nous attendons à ce que vous soyez disponible pour une entrevue, à laquelle vous pourrez vous présenter accompagné d’une personne de votre choix. Nous vous informerons de la date et du lieu de l’entrevue. D’autres témoins pourraient être convoqués à l’entrevue si les enquêteurs le jugent nécessaire.

Nous vous encourageons à offrir votre entière coopération au cours de cette entrevue. Le Ministère a bien l’intention de mener un examen complet dans les plus brefs délais.

Entre‑temps, en conformité avec les mesures de sécurité prévues pendant un examen de cette nature, vous devez dès maintenant nous remettre temporairement tout équipement et pièce d’identité du gouvernement; votre accès au réseau électronique de RHDCC sera également suspendu. Nous vous rappelons que vous devez continuer de remplir vos obligations découlant du Code de valeurs et d’éthique de la fonction publique et de toute autre norme pertinente, même si vous êtes suspendu, en attendant les résultats de l’examen.

Pour la durée de l’enquête, vous ne serez pas admis dans les bureaux de RHDCC durant l’enquête, sauf si vous êtes officiellement invité à une rencontre par Claude Campeau, gestionnaire de l’UES, ou par moi‑même. Vous pouvez communiquer avec M. Campeau au 819‑997‑1935 et avec moi au 613‑954‑0885.

Quand l’examen sera terminé, vous aurez l’occasion de soumettre de l’information qui, selon vous, n’a pas été étudiée dans le cadre de l’examen. L’agent de sécurité du ministère (ASM) prendra ensuite une décision en ce qui a trait à votre cote de fiabilité.

J’ai demandé à Ginette Régimbald, gestionnaire de la rémunération et des avantages sociaux, de communiquer avec vous pour organiser une séance de consultation concernant les conséquences que pourrait avoir votre suspension sans traitement sur vos avantages sociaux et vos assurances. Si elle ne prend pas immédiatement contact avec vous, vous pouvez communiquer avec elle au 819‑994-2202.

Des situations comme celle‑ci sont difficiles pour toutes les parties et causent beaucoup de stress émotionnel. C’est pourquoi nous vous rappelons que les employés et leur famille peuvent faire appel au Programme d’aide aux employés. Ce service est confidentiel et disponible 24 heures sur 24 à ce numéro : 1‑800‑268‑7708.

43 Mme Whittle a examiné la lettre de Mme Gauthier et a souligné qu’il y était indiqué au deuxième paragraphe que, à l’issue de l’enquête, la cote de fiabilité du fonctionnaire pourrait être révoquée et que ce dernier pourrait être licencié.

44 Mme Whittle a également indiqué que l’Unité des enquêtes spéciales (UES), dont il est question dans la lettre de Mme Gauthier, est un groupe qui se rapporte à Mme Gauthier et qui est responsable de mener des enquêtes pour elle. Elle a précisé que ce groupe est formé d’anciens employés de la GRC et du service de police d’Ottawa. L’UES est une seconde carrière pour eux.

45 L’UES effectue des enquêtes et détermine qui doit être questionné. Toutefois, la décision finale revient à Mme Whittle.

46 Mme Whittle a précisé que l’UES établit l’échéancier des enquêtes. La durée de chaque enquête varie selon les circonstances. Par exemple, si une question de condamnation au criminel est soulevée, l’enquête pourrait durer plus longtemps. Elle a aussi précisé que, pour ce qui est de la présente affaire, sa participation à l’enquête était très limitée. En général, les enquêteurs la consultent au besoin seulement.

47 Mme Whittle a indiqué que les enquêteurs lui ont demandé d’intervenir auprès des représentants du PCPE, car ils voulaient recevoir plus rapidement l’information qu’ils avaient demandée. À une question de l’avocat de M. Nasrallah, Mme Whittle a répondu en insistant sur le fait que, bien que les enquêtes doivent être menées rapidement, elles doivent être bien menées. Elle a ajouté que, dans la présente affaire, les enquêteurs étaient Wendy Heon et Claude Campeau.

48 Mme Whittle a déclaré que dès qu’elle a reçu la lettre de M. Gauthier, elle n’avait plus de pouvoir discrétionnaire. Conformément à l’article 2.8 de la NSP, elle devait réévaluer la cote de fiabilité de M. Nasrallah.

49 Mme Whittle a expliqué que la NSP s’inscrivait dans la Politique sur la sécurité du gouvernement du Conseil du Trésor. L’UES s’appuie sur ce document pour réaliser ses enquêtes; la Politique sur la sécurité du gouvernement du Conseil du Trésor est leur plus important document de référence; au cours de l’enquête, la Politique sert de guide décisionnel.

50 Mme Whittle a précisé que son pouvoir en tant qu’ASM est limité à accorder, à refuser ou à révoquer les cotes de fiabilité des employés. Seul le sous‑ministre d’un ministère peut accorder, refuser ou révoquer une cote de sécurité de niveau « secret », et ce pouvoir ne peut être délégué.

51 Mme Whittle a expliqué qu’on ne peut revérifier la cote de fiabilité d’un employé que si on a une raison. Dans la présente affaire, le sous‑ministre a avisé M. Nasrallah, dans une lettre datée du 7 août 2009, que sa cote de sécurité de niveau « secret » avait été révoquée à la lumière de l’information fournie par le Service canadien du renseignement de sécurité (le « SCRS »). Par conséquent, Mme Whittle était tenue, en vertu de l’article 2.8 de la NSP, de réévaluer la cote de fiabilité de M. Nasrallah.

52 Mme Whittle a indiqué que la cote de fiabilité est la norme de sécurité minimale de la fonction publique. Les employés de RHDCC doivent absolument conserver cette cote minimale. Elle a expliqué que l’ancienne norme, la « cote de fiabilité approfondie », a été remplacée par la « cote de fiabilité ».

53 Mme Whittle a déclaré que, puisque la cote de fiabilité est la norme minimale à RHDCC et dans tous les autres ministères, un employé qui perd cette cote ne peut plus travailler à RHDCC.

54 Mme Whittle a expliqué que les enquêtes effectuées par l’UES comprennent, entre autres, la collecte des faits, la communication avec les gestionnaires et les anciens collègues et la vérification du casier judiciaire. L’UES tient compte de toute l’information pertinente, comme l’éducation de l’employé et les documents qui figurent déjà dans les dossiers de RHDCC.

55 L’UES prépare son rapport et le soumet ensuite à Mme Whittle pour examen. Mme Whittle prend alors une décision après que l’employé concerné ait fourni ses commentaires sur le rapport provisoire.

56 Dans la présente affaire, Mme Whittle a indiqué que le processus avait été suivi. Elle a aussi indiqué que l’UES avait interrogé M. Nasrallah dans le cadre de son enquête.

57 Mme Whittle a expliqué que dans le cadre de ses fonctions d’ASM, elle signait les rapports d’enquête préparés par l’UES. Elle a déclaré que M. Heon, de l’UES, avait préparé un rapport provisoire en mars 2010 et le lui avait présenté pour qu’elle l’examine. Elle a insisté sur le fait qu’elle n’avait pas approuvé ni signé le rapport de mars 2010. Elle a également précisé pendant le contre‑interrogatoire que les rapports provisoires ne sont habituellement pas conservés.

58 Lorsqu’elle a été questionnée par l’avocat de l’employeur sur ses impressions quant aux conclusions du rapport provisoire de mars 2010. Mme Whittle a répété qu’elle avait le pouvoir d’approbation finale concernant ces rapports. Elle attend toujours de son équipe qu’elle examine tous les faits pertinents, et elle décide ensuite si elle a toute l’information requise pour prendre une décision. Elle a indiqué que, après avoir examiné le rapport provisoire de mars 2010, elle a conclu qu’une bonne partie de l’information contenue dans le rapport n’était pas nécessaire. Elle a retiré l’information qu’elle considérait non pertinente.

59 Mme Whittle a également déclaré qu’elle avait demandé un avis juridique, puisque l’employé risquait de perdre sa cote de fiabilité à l’issue de l’enquête.

60 Mme Whittle a cité des passages des pages 9 et 10 du rapport provisoire de mars 2010, dans lesquels on mentionnait que l’UES avait réalisé au cours de l’enquête que M. Nasrallah avait un prêt étudiant. L’UES a poussé son enquête à ce sujet et, après avoir discuté avec un responsable du PCPE, qui fait partie de RHDCC, a appris que M. Nasrallah avait fait des déclarations inexactes aux représentants du PCPE concernant son salaire. Il a donc détourné des fonds aux niveaux fédéral et provincial.

61 Pour expliquer comment M. Nasrallah a détourné les fonds, Mme Whittle a précisé que le programme d’exemption d’intérêts, administré par le PCPE, a été conçu pour les personnes qui, comme M. Nasrallah, ont un prêt étudiant et ont de la difficulté à effectuer leurs paiements. Si l’emprunteur est admissible à une exemption d’intérêts, le gouvernement paye les intérêts sur son prêt. Ainsi, l’emprunteur n’a pas à payer d’intérêts ou de principal pendant six mois. Dans la présente affaire, pour être admissible au programme d’exemption d’intérêts, M. Nasrallah devait déclarer son revenu brut aux représentants du PCPE tous les six mois pour recevoir la confirmation qu’il était toujours admissible.

62 Mme Whittle a indiqué que, selon les résultats de l’enquête et contrairement à ce qui était demandé, de novembre 2006 à mai 2009, M. Nasrallah avait inscrit son revenu net au lieu de son revenu brut dans le formulaire du PCPE. Il a donc été admissible à une exemption d’intérêts et à un programme d’aide au remboursement pendant cette période.

63 En raison de ces fausses déclarations, Mme Whittle a indiqué que le fonctionnaire avait reçu des gouvernements fédéral et provincial un montant de 13 658,59 $ auquel il n’avait pas droit. Mme Whittle a également mentionné que l’enquête a révélé que M. Nasrallah avait déclaré qu’il était célibataire alors qu’il était marié, une erreur qui a été corrigée plus tard.

64 On a demandé à Mme Whittle si elle avait transmis le rapport provisoire de mars 2010 au fonctionnaire, et elle a répondu que, outre l’information sur son prêt étudiant, elle a constaté que le rapport de mars 2010 contenait de l’information qui n’était pas nécessaire. Pour cette raison, le rapport de mars 2010 n’a pas été présenté au fonctionnaire. Elle a ajouté que c’était normal, puisqu’elle n’avait pas approuvé le rapport.

65 Mme Whittle a déclaré que puisque l’UES avait dû communiquer avec les responsables du PCPE pour confirmer les montants en cause, elle a attendu un certain temps avant de recevoir la dernière version provisoire du rapport, qu’elle devait examiner et approuver. Elle a indiqué qu’il était important, dans le cas des données concernant un programme comme celui des prêts étudiants, d’effectuer les calculs correctement. Ces calculs étaient complexes et les rapports continus avec les responsables du PCPE faisaient partie de la diligence raisonnable requise dans ces circonstances. Mme Whittle a également ajouté qu’elle avait consulté ses conseillers juridiques pendant cette période.

66 Mme Whittle a ensuite expliqué que, le 20 avril 2010, elle avait écrit à M. Nasrallah pour lui demander ses commentaires au sujet du rapport provisoire d’avril 2010. En réponse à une question de l’avocat du fonctionnaire, Mme Whittle a fait remarquer qu’elle avait demandé à M. Nasrallah de commenter le rapport avant d’approuver la version définitive.

67 Mme Whittle a déclaré qu’elle avait reçu le 5 mai 2010 une lettre de Michel Drapeau, avocat de M. Nasrallah, contenant les commentaires du fonctionnaire sur le rapport provisoire d’avril 2010. Entre autres commentaires, le fonctionnaire a allégué que l’erreur effectué en remplissant sa demande avait été causé par le fait qu’il [traduction] « […] n’a pas accordé assez d’attention aux documents qu’il a signés et n’a pas procédé avec suffisamment de diligence […] » et qu’il [traduction] « […] a répété cette erreur jusqu’à ce qu’on la lui fasse remarquer ».

68 Mme Whittle a déclaré qu’après avoir reçu les commentaires de M. Nasrallah et de son avocat sur le rapport provisoire d’avril 2010, elle a examiné le formulaire de demande d’exemption d’intérêts et a constaté que ce formulaire ainsi que l’exigence de fournir le salaire brut et non le salaire net étaient clairs et que M. Nasrallah avait indiqué le mauvais montant tous les six mois pendant trois ans. Par ailleurs, Mme Whittle a indiqué que M. Nasrallah occupait un poste de niveau EC‑7 et aurait dû connaître la différence entre le salaire brut et le salaire net. À ses yeux, il s’agissait sans aucun doute d’un cas de détournement de fonds, et les explications du fonctionnaire n’ont pas changé ses conclusions ou influé sur sa décision.

69 Mme Whittle a cité le paragraphe 3 de l’appendice B de la NSP : Lignes directrices concernant l’utilisation des informations pour les vérifications de fiabilité. Elle a indiqué que l’une de ses préoccupations, en tant qu’ASM, lorsqu’elle doit prendre une décision sur la cote de fiabilité d’un employé, est que l’employé soit digne de confiance dans le cadre de son emploi.

70 Mme Whittle a expliqué qu’une grande quantité de renseignements de nature délicate sur les Canadiens, par exemple les renseignements sur les handicaps, l’assurance‑emploi et les programmes sociaux, sont consignés à RHDCC. Le Ministère est en fait le plus important détenteur de renseignements sur les Canadiens.

71 Mme Whittle a expliqué que, en tant qu’ASM, elle devait pouvoir compter sur l’honnêteté des employés en raison de la nature de l’information que recueille RHDCC. Elle a indiqué que s’il y a un doute concernant l’honnêteté d’un employé, l’employeur doit intervenir. Elle a expliqué que si elle avait des doutes quant à l’honnêteté d’un employé et que des faits appuyaient ses conclusions, elle n’avait pas le choix, en tant qu’ASM, de révoquer la cote de fiabilité de cet employé. Elle a également mentionné qu’elle ne maintiendrait pas l’emploi d’un employé dont la fiabilité est douteuse et qui pourrait poser un risque pour l’employeur.

72 Dans la présente affaire, Mme Whittle a déclaré que le fonctionnaire avait détourné des fonds de son propre employeur, puisque le PCPE est administré par RHDCC. Le fonctionnaire aurait dû connaître la signification de salaire brut et les conséquences de ses actions. On ne peut pas laisser passer un cas où un employé a détourné des fonds de son propre employeur. En tant qu’ASM, elle ne pouvait pas lui faire confiance et a dû révoquer sa cote de fiabilité.

73 Pendant le contre‑interrogatoire, Mme Whittle a indiqué qu’elle n’avait pas participé à la décision de suspendre M. Nasrallah pour la durée de l’enquête puisqu’il s’agissait d’une question de gestion.

74 En réponse à une question de l’avocat du fonctionnaire, qui demandait si M. Campeau avait dit au fonctionnaire que l’enquête ne durerait que quelques semaines. Mme Whittle a répondu qu’elle ne savait pas si M. Campeau avait dit cela, mais qu’elle serait surprise que ce soit le cas. Elle a indiqué qu’elle savait que l’agent négociateur et l’avocat du fonctionnaire avaient exercé des pressions pour que le rapport soit publié en mars. Elle a ajouté que la préparation de ces rapports prend du temps, et que l’idée est de publier le meilleur rapport, même si ça prend du temps.

75 L’avocat du fonctionnaire a questionné l’ASM au sujet de la pièce G‑1, soit l’échéancier de l’enquête. Mme Whittle a indiqué que quoiqu’elle ne se rappelait pas avoir vu ce document, elle présumait que l’UES avait dû le préparer pour M. Labelle. Elle ne pensait pas non plus avoir vu le rapport provisoire daté du 13 novembre 2009. Le seul rapport provisoire dont elle se rappelait était celui de mars 2010. Selon elle, il était possible qu’il y ait eu d’autres rapports provisoires, mais qu’ils auraient normalement été détruits, puisque RHDCC ne conserve pas toutes les ébauches. Cependant, elle a précisé que RHDCC ne détruirait jamais des éléments de preuve.

76 Pour ce qui est du rapport provisoire de mars 2010, Mme Whittle a indiqué pendant le contre‑interrogatoire que, dans le cadre de la procédure normale, elle devait retirer du rapport provisoire l’information qui n’était pas nécessaire et c’est ce qu’elle a fait.

77 Pendant le contre‑interrogatoire, Mme Whittle a répété que les autres faits du rapport provisoire de mars 2010 n’ont pas motivé sa décision de révoquer la cote de fiabilité de M. Nasrallah. Le détournement de fonds était la raison de la révocation. elle a admis que, bien qu’elle ne les ait pas considérés dans sa décision, les autres faits dressaient le portrait d’un employé qui n’était pas très honnête. Elle a également admis que la fausse déclaration du fonctionnaire concernant son état matrimonial était un élément mineur qui n’a pas influé sur sa décision. Elle a affirmé qu’elle croyait le fonctionnaire sur ce point.

78 Pour ce qui est du rapport provisoire d’avril 2010, Mme Whittle a indiqué qu’elle avait donné à M. Nasrallah l’occasion de commenter ses conclusions. Quand l’avocat du fonctionnaire lui a demandé si elle avait changé d’avis quand elle a lu que M. Nasrallah avait commis une erreur involontaire en indiquant son salaire net plutôt que son salaire brut, Mme Whittle a répondu qu’elle n’avait pas trouvé cette explication crédible. Elle a répété que sa décision était fondée sur le fait que le détournement de fonds avait duré trois ans, que le fonctionnaire avait retiré un gain financier de son geste et qu’il occupait un poste de cadre. Il aurait dû faire preuve de plus de discernement.

79 Mme Whittle a admis qu’elle n’avait pas dit à M. Nasrallah que, compte tenu de ses études et de son poste, elle ne croyait pas qu’il ait pu commettre cette erreur. Pour ce qui est de l’offre du fonctionnaire de rembourser les fonds détournés, Mme Whittle a indiqué qu’elle n’avait aucune idée si cette offre était sincère.

B. Pour le fonctionnaire

1. Déclaration d’ouverture

80 Dans sa déclaration d’ouverture, l’avocate de M. Nasrallah a fait valoir que le fonctionnaire conteste son licenciement soudain du 28 juin 2010, qui a suivi de près la vérification et la révocation de sa cote de fiabilité. L’avocate m’a rappelé que M. Nasrallah avait sa cote de sécurité depuis son entrée à la fonction publique, en 2001.

81 L’avocate du fonctionnaire a maintenu sa position selon laquelle l’arbitre de grief a pleine compétence pour traiter cette affaire comme étant non disciplinaire. Elle a indiqué que, sur le fond, l’arbitre de grief a le pouvoir d’examiner l’affaire en évaluant son caractère raisonnable et les motifs relatifs à la procédure. L’avocate a également soutenu que le fonctionnaire avait droit à une réparation complète, puisque la décision n’était pas raisonnable et qu’elle était empreinte d’iniquité procédurale.

82 L’avocate du fonctionnaire a indiqué que les preuves établiraient qu’aucune raison valable n’a été donnée au fonctionnaire pour son licenciement. En outre, bien que le processus ayant mené à la révocation de la cote de fiabilité du fonctionnaire ait duré dix mois et compris des entrevues, dont plusieurs longues entrevues avec M. Nasrallah, le rapport qui en a résulté ne faisait que quatre pages et ne contenait que deux allégations, une concernant des fausses déclarations et une concernant son état matrimonial.

83 L’avocate de M. Nasrallah a fait valoir que le rapport d’avril 2010 ne contenait aucune analyse des faits relatifs à la sécurité personnelle. Le rapport ne contenait aucun argument et ne tirait aucune conclusion concernant la fiabilité du fonctionnaire.

84 L’avocate de M. Nasrallah a indiqué que, quand le fonctionnaire a reçu le rapport, il a fait connaître sa position à son employeur. Toutefois, quand il a pris la décision de licencier le fonctionnaire, l’employeur n’a aucunement mentionné son explication, et il n’a donné aucune raison autre que la réévaluation de la cote de fiabilité du fonctionnaire en vertu des articles 2.7 et 2.8 de la NSP.

85 À propos de la question de l’équité procédurale, l’avocate de M. Nasrallah a soutenu que, compte tenu des circonstances, l’employeur avait pris en considération des faits non pertinents et avait refusé au fonctionnaire son droit à l’équité procédurale en ne lui divulguant pas toute l’information.

86 L’avocate de M. Nasrallah a soutenu que l’employeur avait plus d’information que ce qu’il a donné à M. Nasrallah, et que cette information aurait pu influer sur la décision de le licencier. L’avocate a fait valoir que l’employeur n’avait pas partagé cette information et n’avait pas donné au fonctionnaire l’occasion de la commenter. Par exemple, l’employeur a questionné le fonctionnaire concernant ses rapports présumés avec des organisations ayant des liens avec le milieu terroriste. Ces renseignements n’ont jamais été fournis à M. Nasrallah et il n’a pas eu l’occasion de les commenter. L’avocat m’a fortement demandé de conclure que d’autres renseignements avaient été recueillis pendant l’enquête et que ces renseignements n’avaient pas été partagés avec M. Nasrallah et que ce dernier n’avait pas eu l’occasion de les commenter. On lui a donc refusé son droit à l’équité procédurale.

87 Pour ce qui est du caractère raisonnable de la décision de l’employeur, même si l’avocate du fonctionnaire a admis que l’employeur pouvait exercer un certain pouvoir discrétionnaire à cet égard, elle maintient que, dans cas-ci, la décision de l’employeur était complètement déraisonnable. L’avocate a soutenu que le fonctionnaire avait commis une erreur involontaire et avait entrepris des démarches pour rembourser l’argent. Cette erreur n’était pas assez grave pour saper la confiance de l’employeur envers M. Nasrallah. En outre, l’avocate du fonctionnaire a déclaré que les preuves établiraient que M. Nasrallah avait reçu une cote de fiabilité d’un autre ministère après son licenciement.

88 Enfin, l’avocate du fonctionnaire a fait valoir que les rapports médicaux démontreraient que la perte de son emploi a nui à la santé du fonctionnaire, et que le fait que l’employeur n’était pas même disposé à confirmer à des employeurs potentiels que M. Nasrallah avait travaillé pour lui a contribué à la souffrance physique et psychologique de ce dernier. Pour ces raisons, l’avocate a répété qu’elle allait demander des dommages majorés si le grief était accueilli.

2. Témoignage du fonctionnaire

89 M. Nasrallah a été le prochain à témoigner. Il a déclaré qu’il détient un diplôme en psychologie et un autre en sociologie. Il a aussi déclaré qu’il avait commencé un doctorat à l’Université Carleton, mais il ne l’avait pas encore terminé.

90 Le fonctionnaire a expliqué qu’il avait commencé à chercher du travail dans la fonction publique en 2001. Le premier poste qu’il a occupé, au ministère du Patrimoine canadien, était d’une durée déterminée. Son premier poste d’une durée indéterminée était un poste classée ES‑3 pour Santé Canada, qu’il a obtenu en janvier 2003. En 2005, il a joint RHDCC en tant qu’employé classé ES‑4 intérimaire. Il est devenu un employé ES‑4 permanent au début de 2006. Après être devenu un employé classé ES‑5 en 2007, il a réussi un concours pour un poste classé ES‑6 et est devenu conseiller principal des politiques, toujours à RHDCC. Il est ensuite devenu un employé classé ES‑7, en mai 2008, à la suite d’une conversion.

91 En mai 2008, le fonctionnaire est parti en congé parental, duquel il est revenu le 3 août 2009, toujours à RHDCC.

92 M. Nasrallah a indiqué que, avant son licenciement, il faisait partie, à RHDCC, d’un groupe responsable de préparer des rapports de recherches sur les politiques pour le sous‑ministre adjoint. Il lui est également arrivé à quelques reprises de représenter RHDCC lors de réunions avec d’autres ministères.

93 Le fonctionnaire a affirmé que, dans le cadre de ses fonctions, il n’avait aucun pouvoir financier. Il a ajouté avoir reçu sa cote de fiabilité en 2001, puis sa cote de sécurité de niveau « secret » en mars 2006.

94 M. Nasrallah a expliqué que le SCRS a communiqué avec lui en avril 2009 pour lui poser quelques questions sur sa cote de sécurité. Il a précisé que le représentant du SCRS lui avait fait passer une entrevue dans un immeuble du SCRS.

95 M. Nasrallah a affirmé que le représentant du SCRS lui avait posé des questions dirigées au sujet de sa loyauté envers le Canada. Il a également été questionné sur son engagement et sa relation avec les communautés libanaises et arabo-musulmanes. M. Nasrallah ne croyait pas que sa cote de sécurité était en jeu à ce moment-là.

96 M. Nasrallah a déclaré être retourné au travail le 3 août 2009 après son congé parental. Il s’est présenté au travail comme à l’habitude et il s’est rendu à son bureau de la Place Vanier, à Ottawa. À son arrivée au bureau, lorsqu’il a essayé sa carte d’identité, celle‑ci ne fonctionnait pas. Il est donc descendu pour aller s’informer auprès du poste de sécurité, mais ils ne savaient pas pourquoi sa carte d’identité ne fonctionnait pas.

97 M. Nasrallah a indiqué que c’est à ce moment que le responsable de la sécurité est sorti de son bureau, accompagné de Mme Heon.

98 Mme Heon lui a demandé de la suivre. Ils se trouvaient dans le couloir et il était environ 8 h ou 8 h 30. Selon le fonctionnaire, beaucoup de gens se trouvaient dans le couloir à ce moment‑là et il évitait leurs regards car il se sentait embarrassé.

99 M. Nasrallah a expliqué qu’il est allé avec Mme Heon dans une autre pièce, située dans une autre tour, où ils ont rencontré M. Campeau et le superviseur du fonctionnaire.

100 M. Nasrallah a affirmé qu’ils lui ont donné une lettre datée du 3 août 2009 signée par Mme Gauthier. Ils lui ont alors dit qu’ils avaient de mauvaises nouvelles à lui annoncer et ils lui ont déclaré avoir reçu des renseignements du SCRS au sujet de son statut. Le fonctionnaire a demandé quels étaient précisément les renseignements qu’ils avaient reçus, mais ils lui ont répondu qu’ils ne pouvaient pas le lui dire.

101 M. Nasrallah a indiqué qu’on lui a dit que, pendant la durée de l’enquête, il serait en congé sans solde et qu’il pouvait communiquer avec son agent négociateur ou avec le Programme d’aide aux employés.

102 M. Nasrallah a expliqué qu’il était sous le choc et qu’il se sentait dépassé par les événements. Il s’inquiétait des répercussions financières, puisqu’il était le seul soutien financier d’une famille comprenant deux jeunes enfants. Il a ajouté qu’il s’inquiétait pour sa réputation et qu’il se demandait ce que ses collègues penseraient de lui. Le fonctionnaire a déclaré qu’on lui avait dit que ses collègues seraient avisés qu’il était en congé pour des raisons personnelles, et que les enquêteurs lui avaient indiqué qu’ils espéraient que l’enquête serait bouclée en quelques semaines.

103 M. Nasrallah a déclaré avoir demandé à son superviseur si le problème était son rendement au travail, ce à quoi le superviseur a répondu par la négative, en ajoutant qu’il n’avait absolument aucun contrôle sur la situation.

104 Le fonctionnaire a indiqué que le personnel de sécurité de l’employeur a pris rendez‑vous avec lui pour le rencontrer chez lui afin de reprendre possession de l’ordinateur appartenant à RHDCC. On l’a alors escorté directement à l’extérieur de l’immeuble, sans qu’il ait l’occasion de dire au revoir à ses collègues. On lui a dit de ne pas s’approcher des lieux pendant l’enquête. Peu de temps après, Mme Heon et M. Campeau sont venus chez lui pour reprendre l’ordinateur.

105 M. Nasrallah a affirmé que cette expérience l’avait dévasté et humilié. Il s’était senti dépassé par les événements. Tout cela est arrivé très soudainement, et on ne lui a donné aucune explication. Il a ajouté que le congé forcé n’avait pas eu que des répercussions financières; son travail était une partie importante de sa vie.

106 Au sujet de la lettre du 7 août 2009 signée par le sous‑ministre, M. Nasrallah a mentionné qu’il ne savait pas quels renseignements le SCRS avait fournis au sous‑ministre. Il a ajouté que la lettre en disait peu sur les motifs de la révocation de sa cote de sécurité de niveau « secret ».

107 En parlant de sa rencontre avec les enquêteurs de l’UES, M. Nasrallah a précisé avoir eu deux rencontres avec Mme Heon, M. Campeau et son avocat, M. Drapeau. M. Nasrallah a expliqué que lors de la première rencontre, qui a duré de deux à trois heures, on lui avait posé de nombreuses questions sur ses qualifications et certaines fonctions qu’il avait écrites dans son C.V., sa situation financière, la façon dont il respectait ses obligations financières, la façon dont il dépensait son argent, etc.

108 En ce qui concerne la deuxième rencontre, le fonctionnaire a indiqué qu’on lui avait posé d’autres questions sur ses liens avec les communautés libanaises et musulmanes et sur un certain membre du Hezbollah portant le même nom de famille que lui. M. Nasrallah a nié entretenir quelque relation que ce soit avec le Hezbollah et il a expliqué que, au Liban, « Nasrallah » est un nom très courant, comme « Smith » en anglais. On lui a demandé s’il faisait partie d’une organisation terroriste, ce à quoi il a répondu par la négative. Quand on lui a demandé si on lui avait posé des questions sur la question du prêt étudiant, plus précisément sur sa demande d’allègement des intérêts, il a répondu qu’on lui avait posé peu de questions à ce sujet. Le fonctionnaire a précisé que la deuxième rencontre avait duré entre une et deux heures.

109 M. Nasrallah a déclaré que, contrairement à ce qu’on lui avait dit au départ, l’enquête avait duré plus que quelques semaines. Il a mentionné que son agent négociateur et son avocat avaient tenté à plusieurs reprises d’obtenir l’échéancier de l’enquête ainsi que le rapport définitif, en vain.

110 Pour ce qui est du rapport provisoire de mars 2010, M. Nasrallah a déclaré l’avoir vu pour la première fois à la suite d’une demande faite en vertu de la Loi sur l’accès à l’information, L.R.C. (1985) ch. A‑1. Il ne se souvient pas d’avoir vu le rapport non daté (pièce G‑2).

111 M. Nasrallah a indiqué que, le 22 avril 2010, il avait reçu par messager la lettre de Mme Whittle datée du 20 avril 2010 ainsi que le rapport provisoire d’avril 2010, qu’il devait commenter.

112 M. Nasrallah a déclaré que le rapport provisoire d’avril 2010 mentionnait deux anomalies au sujet de son prêt étudiant. La première portait sur l’état matrimonial déclaré. Le formulaire initial indiquait qu’il était célibataire, mais cette information a été corrigée par la suite pour préciser qu’il était marié. M. Nasrallah a témoigné que cette erreur était survenue parce que les renseignements avaient d’abord été recueillis par téléphone. Un formulaire déjà rempli lui avait ensuite été envoyé, sur lequel il était indiqué qu’il était célibataire. Il n’a pas remarqué l’erreur tout de suite. L’erreur a été corrigée dans la demande suivante, soit six mois plus tard, en mai 2006.

113 La deuxième anomalie, portait sur l’allègement des intérêts et le fait qu’il avait donné son salaire net plutôt que son salaire brut tel qu’il avait été demandé. M. Nasrallah a expliqué que la partie du formulaire qui portait sur le revenu n’avait pas été remplie à l’avance. Il a simplement pensé qu’il devait inscrire son salaire net, et non son salaire brut. Il s’agissait d’une erreur involontaire.

114 M. Nasrallah a indiqué qu’il s’était rendu compte de son erreur sur la question du salaire net et du salaire brut environ au moment de la publication du rapport provisoire, en avril 2010. Il s’est rendu compte de son erreur après que sa femme ait discuté de sa propre demande avec des responsables du PCPE, qui lui ont dit qu’elle devait déclarer son salaire brut.

115 Le fonctionnaire a déclaré que, après cette discussion avec sa femme, il a vérifié sa demande et s’est rendu compte de son erreur. Il a ensuite rédigé une lettre pour informer les responsables du PCPE de l’erreur, et ce, avant de recevoir le rapport provisoire d’avril 2010. Dans son témoignage, M. Nasrallah a révélé que sa lettre au PCPE, en date du 22 avril 2010, a été envoyée quelques heures seulement après avoir reçu le rapport provisoire d’avril 2010 de l’ASM.

116 Lorsque l’avocat de l’employeur a demandé au fonctionnaire pourquoi il n’avait parlé que de mai 2010 dans sa lettre au PCPE et n’avait pas mentionné les autres années où il avait fait une fausse déclaration concernant son salaire, le fonctionnaire a répondu qu’il avait toujours donné aux responsables du PCPE ce qu’ils avaient demandé de lui.

117 M. Nasrallah a indiqué que, le 5 mai 2010, il avait remis à Mme Whittle ses commentaires au sujet du rapport d’avril 2010. Il a déclaré que, sans vouloir justifier ce qui s’était produit, il n’avait jamais voulu s’approprier des fonds injustement et qu’il était prêt à rembourser ce qu’il devait.

118 Au sujet du rapport d’avril 2010, M. Nasrallah a précisé qu’il s’attendait à recevoir un autre rapport par la suite, puisque celui-ci ne semblait pas exhaustif; il n’y avait ni analyse, ni recommandation. Lors du contre-interrogatoire, M. Nasrallah a admis que le rapport d’avril 2010 contenait deux allégations, une au sujet de son état matrimonial, l’autre au sujet des fonds qu’il s’était appropriés injustement.

119 Le fonctionnaire a indiqué que l’employeur n’a jamais accusé réception de ses commentaires du 5 mai 2010.

120 M. Nasrallah a déclaré qu’il avait communiqué avec le PCPE pour savoir combien d’argent il devait. Le 27 septembre 2010, on lui a répondu qu’il devait rembourser 13 658,59 $ dans les 60 jours. Si le montant n’était pas remboursé dans ce délai, l’affaire serait confiée à l’Agence du revenu du Canada, qui se chargerait du recouvrement des fonds. Le fonctionnaire a indiqué qu’il avait essayé en vain de négocier les modalités de remboursement. Sans salaire et en congé non payé depuis le 3 août 2009, il avait de la difficulté à rembourser ce qu’il devait. Il a dû emprunter. Lors du contre‑interrogatoire, quand on l’a questionné sur la demande du PCPE de rembourser l’argent dans les 60 jours, le fonctionnaire a répondu que, de toute évidence, le PCPE avait pris l’affaire très au sérieux.

121 M. Nasrallah a déclaré que les nouvelles suivantes de l’employeur lui étaient parvenues dans une lettre datée du 28 juin 2010, dans laquelle M. Paquette l’informait que sa cote de fiabilité avait été révoquée, puis dans une autre lettre également datée du 28 juin 2010, dans laquelle M. Paquette l’informait qu’il avait été licencié. Il a souligné qu’il n’était nulle part indiqué dans ces lettres pourquoi sa cote de fiabilité avait été révoquée.

122 M. Nasrallah a expliqué qu’il a déposé un grief contre RHDCC par l’intermédiaire de son agent négociateur et que le sous‑ministre a entendu cette affaire en septembre 2010.

123 M. Nasrallah a déclaré qu’en août 2009, après avoir été suspendu sans traitement, il avait essayé de trouver un emploi auprès d’autres ministères. Il a également eu recours à un bureau de placement. Il a indiqué qu’il a reçu une offre par l’intermédiaire du bureau de placement. Il s’agissait d’un contrat pour le ministère des Pêches et des Océans (MPO). Cependant, le bureau de placement l’a informé que le MPO exigeait des contrôles de sécurité supplémentaires et que le contrat ne s’était pas concrétisé.

124 Le fonctionnaire a déclaré que, depuis septembre 2009, Travaux publics et Services gouvernementaux Canada (TPSGC) lui a accordé la cote de fiabilité à trois reprises par l’intermédiaire du bureau de placement (pièce G‑7). Toutefois, il n’a pas reçu la cote de sécurité de TPSGC. Il a soulevé que le responsable de la sécurité à TPSGC lui avait dit qu’il n’avait aucune raison de ne pas lui accorder la cote de fiabilité, mais qu’il attendait de l’information de RHDCC. Pendant le contre‑interrogatoire, M. Nasrallah a expliqué qu’il n’avait pas signé les formulaires dont il est question dans la pièce G‑7, parce qu’il a envoyé les versions signées par télécopieur. Il a ajouté que les personnes dont le nom apparaît sur les formulaires sont des employés du bureau de placement.

125 Le fonctionnaire a indiqué que, depuis qu’il a été licencié, il a essayé sans succès de trouver un emploi à l’extérieur de la fonction publique.

126 M. Nasrallah a également déclaré que, pendant qu’il cherchait un autre emploi, son agent négociateur et lui‑même ont essayé d’obtenir une confirmation d’emploi de RHDCC, en vain. Il a indiqué qu’à RHDCC on lui avait dit qu’on ne lui donnerait pas de confirmation d’emploi.

127 Le fonctionnaire a déclaré que, depuis sa suspension en août 2009, il a reçu un diagnostic de tension mentale et de dépression. Il a commencé à consulter un psychologue et un médecin, et il prend des médicaments depuis deux ans. Il a ajouté qu’il avait divers problèmes, par exemple il a de la difficulté à se concentrer ou à dormir, et il a de la difficulté à s’occuper de ses enfants. De plus, il a indiqué que cette situation avait des effets négatifs sur ses aptitudes et ses capacités pour tout emploi futur. Cette situation lui a causé beaucoup de souffrance ainsi qu’à sa famille immédiate.

128 M. Nasrallah a déclaré que le fait que cette affaire a duré tellement longtemps a eu des effets négatifs sur lui, car il a dû gérer sa peur et son incertitude tout ce temps. Il a développé des problèmes de confiance.

129 M. Nasrallah a terminé en disant qu’il est en congé d’invalidité de longue durée depuis 2009.

130 Après le témoignage de son client, l’avocate de M. Nasrallah a demandé si elle pouvait soumettre à titre de preuve deux certificats de santé du fonctionnaire, un de T. Hall (Blossom Counselling) et l’autre du Dr S. Kasbia. L’avocat de l’employeur s’est opposé à ce que les documents soient acceptés, car les deux auteurs n’étaient pas présents et il ne pourrait pas exercer son droit de les questionner.

131 J’ai accepté la soumission des deux certificats en précisant qu’ils auraient très peu de poids en tant que preuve en raison de l’absence injustifiée de leurs auteurs.

IV. Résumé de l’argumentation

A. Pour l’employeur

132 L’avocat de l’employeur a demandé que le grief soit rejeté pour les raisons énoncées dans ses objections préliminaires.

133 De plus, même si l’avocat de l’employeur convient que l’arbitre a compétence à l’égard des questions non disciplinaires en vertu de l’alinéa 209(1)c) de la Loi, il a prétendu que le pouvoir discrétionnaire de l’arbitre se limite à déterminer si le licenciement est motivé, comme il est précisé au paragraphe 12(3) de la LGFP.

134 L’avocat de l’employeur a soutenu que cette affaire justifiait un licenciement, puisqu’en raison de la révocation de sa cote de fiabilité, M. Nasrallah ne répondait plus à l’une des conditions de son emploi. Par conséquent, de l’avis de l’avocat, le défaut du fonctionnaire de satisfaire à cette condition d’emploi constituait le motif tel qu’il est exigé en vertu du paragraphe 12(3) de la LGFP.

135 L’avocat de l’employeur a souligné que mon analyse et ma compétence s’arrêtaient là. Je n’ai pas compétence pour examiner le bien‑fondé de la décision de l’employeur de révoquer la cote de fiabilité du fonctionnaire, étant donné qu’il s’agissait d’une décision administrative, à l’égard de laquelle l’arbitre n’a pas compétence.

136 Par ailleurs, l’avocat de l’employeur a laissé entendre que si je décidais de me pencher sur le bien‑fondé de la décision, ma compétence se limiterait à déterminer s’il y a eu manquement à l’équité procédurale ou si la décision a été prise de mauvaise foi. L’avocat m’a renvoyée à Gill, aux paragraphes 151 et 152. Selon l’avocat, cette affaire est semblable puisque le licenciement est survenu après la révocation de la cote de fiabilité du fonctionnaire. L’avocat m’a aussi renvoyée à Hillis, au paragraphe 155, qui confirme qu’un employeur peut recourir à une mesure administrative pour licencier un fonctionnaire.

137 À propos de l’argument présenté par l’avocate de M. Nasrallah selon lequel la décision de l’employeur était empreinte de mauvaise foi et ne respectait pas le principe de l’équité procédurale, l’avocat de l’employeur m’a renvoyé à Shaver, au paragraphe 133, dans lequel l’arbitre renvoyait au raisonnement présenté dans Tipple c. Canada (Conseil du Trésor), [1985] A.C.F. no 818 (C.A.) (QL) et dans Braun, où il a été décidé que même s’il y a un manquement à l’équité procédurale pendant une enquête, une nouvelle audience devant un arbitre de grief permet de rectifier ce manquement.

138 L’avocat de l’employeur m’a ensuite montré la lettre envoyée à M. Nasrallah le 3 août 2009, dans laquelle on lui disait pourquoi l’employeur procédait à une réévaluation de sa cote de fiabilité. On indiquait aussi au fonctionnaire que sa cote de fiabilité pouvait être révoquée, et qu’il aurait la possibilité de donner sa version des faits, ce qu’il a fait par la suite. Enfin, on précisait qui prendrait la décision.

139 L’avocat de l’employeur est revenu sur le témoignage de Mme Whittle, soulignant que lorsque la cote de sécurité de niveau « secret » d’un employé est révoquée, l’employeur doit réévaluer la cote de fiabilité de cet employé.

140 Selon l’avocat de l’employeur, la preuve démontre que Mme Whittle a examiné les étapes du travail de l’UES, dont les deux entrevues avec le fonctionnaire en présence de son avocat. Lorsque l’UES a mené son enquête, elle a mis au jour la fausse déclaration faite par M. Nasrallah au sujet de son prêt étudiant.

141 Pour ce qui est du rapport provisoire de mars 2010, l’avocat de l’employeur a soutenu que Mme Whittle ne l’avait jamais approuvé. Elle avait le dernier mot pour tous les rapports. L’avocat de l’employeur a prétendu que Mme Whittle, après avoir pris connaissance du rapport provisoire de mars 2010, n’avait pas tenu compte de l’information superflue et n’avait conservé que l’information qui concernait la question de la cote de fiabilité du fonctionnaire. Selon l’avocat de l’employeur, Mme Whittle n’a pas pris en considération les facteurs qui n’avaient pas de rapport avec les faits liés au prêt étudiant du fonctionnaire.

142 Selon l’avocat de l’employeur, il n’y a aucune preuve que l’employeur a tenu compte de faits non pertinents ou qu’il a pris en considération des renseignements provenant du SCRS. Au contraire, Mme Whittle a indiqué qu’elle n’avait pas parlé au SCRS, qui n’est pas responsable des évaluations de la fiabilité.

143 L’avocat de l’employeur a examiné les étapes effectuées par Mme Whittle après qu’elle ait reçu le rapport d’enquête provisoire de mars 2010, notamment les discussions qu’elle a eues avec les représentants du PCPE. L’avocat de l’employeur a souligné que les fausses déclarations se sont poursuivies pendant près de trois ans et qu’elles ont été répétées tous les six mois pendant cette période.

144 L’avocat de l’employeur a soutenu que Mme Whittle avait écrit le rapport d’enquête du 20 avril 2010 et qu’elle l’avait envoyé à M. Nasrallah, ainsi qu’une lettre dans laquelle elle indiquait qu’elle prendrait une décision sur sa cote de fiabilité en tenant compte des observations qu’il lui transmettrait.

145 L’avocat de l’employeur a maintenu qu’il était clair, dans le rapport du 20 avril 2010, que la préoccupation centrale de RHDCC était les fausses déclarations faites par le fonctionnaire dans sa demande d’exemption d’intérêts pour son prêt étudiant.

146 L’avocat de l’employeur a signalé que dans la lettre que Mme Whittle a envoyée à M. Nasrallah, elle a mentionné clairement qu’elle prendrait une décision lorsqu’il lui aurait communiqué ses observations.

147 L’avocat de l’employeur a indiqué que l’explication de M. Nasrallah dans sa lettre à Mme Whittle, datée du 5 mai 2010, accompagnée d’une lettre de l’avocat du fonctionnaire, aussi datée du 5 mai 2010, n’a pas fait changer l’idée de Mme Whittle, qui continuait de croire que M. Nasrallah avait détourné des fonds de son employeur. L’avocat de l’employeur était en désaccord avec deux phrases écrites par l’avocat de M. Nasrallah dans sa lettre à Mme Whittle, dans laquelle il parlait de la [traduction] « réaction modérée du PCPE » et disait que [traduction] « les allégations étaient sans fondement. »

148 L’avocat de l’employeur a contesté les affirmations de l’avocat du fonctionnaire, compte tenu surtout que le 27 septembre 2010, le gestionnaire des programmes, de l’intégrité et de la conformité du PCPE a écrit au fonctionnaire pour lui demander de rembourser la somme de 13 658,59 $ dans les 60 jours, à défaut de quoi il serait considéré en défaut de paiement et l’Agence du revenu du Canada serait informée du solde impayé du prêt en vue du recouvrement.

149 De plus, l’avocat de l’employeur a déclaré que le fait que le PCPE n’ait pas poursuivi le fonctionnaire pour détournement de fonds n’est pas pertinent. La réévaluation de la cote de fiabilité par RHDCC et la démarche du PCPE étaient des processus distincts. L’avocat de l’employeur m’a renvoyée à Braun, dans laquelle la cote de fiabilité du fonctionnaire avait été révoquée à la suite des accusations criminelles portées contre lui. Les accusations criminelles avaient été suspendues plus tard, mais l’employeur avait tout de même des préoccupations à propos de l’honnêteté du fonctionnaire s’estimant lésé et avait révoqué sa cote de fiabilité. La suspension des accusations criminelles n’était pas pertinente pour la décision de l’arbitre, qui a conclu qu’elle n’avait pas compétence en ce qui a trait à la décision administrative de révoquer la cote de fiabilité du fonctionnaire. L’avocat de l’employeur a conclu que même si le PCPE n’a pas porté d’accusations contre M. Nasrallah, il a tout de même demandé le remboursement de l’argent.

150 L’avocat de l’employeur a prétendu que le fonctionnaire avait trahi la confiance que son employeur lui avait accordée. Tous les six mois, pendant trois ans, il a fait une fausse déclaration à propos de son salaire brut. M. Nasrallah est un homme instruit; il occupait un poste de niveau supérieur. Le PCPE est administré par l’employeur du fonctionnaire. M. Nasrallah avait la responsabilité de s’informer à propos du PCPE.

151 L’avocat de l’employeur a mis en doute les motifs qui animaient M. Nasrallah lorsque ce dernier a envoyé au PCPE, le 22 avril 2010, une lettre dans laquelle il parlait seulement des erreurs de mai 2010, mais ne disait rien des trois années durant lesquelles il avait fait de fausses déclarations sur son salaire, même si à cette date il avait reçu le rapport de Mme Whittle.

152 En réponse à l’avocate de M. Nasrallah, qui soutenait qu’on n’avait jamais donné au fonctionnaire des motifs valables pour expliquer la révocation de sa cote de fiabilité, l’avocat de l’employeur a indiqué que le fonctionnaire connaissait très bien les motifs de l’employeur. L’avocat de l’employeur a fait référence à la lettre du 28 juin 2010, dans laquelle M. Paquette informait M. Nasrallah que sa cote de fiabilité avait été révoquée. L’avocat de l’employeur a soutenu que le fonctionnaire aurait dû savoir qu’elle avait été révoquée à cause du détournement de fonds qui était décrit dans le rapport d’avril 2010.

153 De plus, l’avocat de l’employeur a affirmé qu’il n’y avait eu aucun manquement à l’équité procédurale. On a dit au fonctionnaire pourquoi sa cote de fiabilité serait réévaluée, comment cette réévaluation serait faite, qui prendrait la décision finale et qu’il aurait la possibilité de faire des observations. Le fait que les observations du fonctionnaire à Mme Whittle n’aient pas amené cette dernière à changer d’idée ne signifie pas qu’il y a eu manquement à l’équité procédurale.

154 L’avocat de l’employeur a fait une distinction entre la situation de M. Nasrallah et celle de Gill, où l’arbitre avait conclu qu’on n’avait pas donné au fonctionnaire la possibilité de formuler des observations sur le rapport sommaire d’enquête. Dans cette affaire, l’arbitre avait conclu que les règles d’équité procédurale avaient été enfreintes. Dans ce cas-ci, l’avocat de l’employeur a conclu qu’il n’en était pas ainsi. On a donné à M. Nasrallah la possibilité de formuler des observations sur le rapport, ce qu’il a fait. Quoi qu’il en soit, si je devais conclure qu’il y avait eu un manquement à l’équité procédurale, l’audience devant moi permettrait de rectifier ce manquement, comme la Cour fédérale l’a écrit dans Tipple, mentionné par la Commission dans Braun et Shaver, et comme l’ancienne Commission l’a noté dans Chénier c. Conseil du Trésor (Solliciteur général du Canada – Service correctionnel), 2002 CRTFP 40.

155 L’avocat de l’employeur a aussi prétendu que je n’avais pas compétence pour déterminer si la décision de révoquer la cote de fiabilité du fonctionnaire était raisonnable. Ma compétence, selon l’avocat de l’employeur, se limite à déterminer s’il y a eu manquement à l’équité procédurale ou si la décision était empreinte de mauvaise foi. L’avocat m’a renvoyée à Braun, au paragraphe 199.

156 Par ailleurs, l’avocat de l’employeur a maintenu que la décision était raisonnable, compte tenu du comportement de M. Nasrallah à l’égard de RHDCC. Il était raisonnable pour Mme Whittle de conclure que le fonctionnaire n’était pas sérieux ou digne de confiance à cause de ses actes, qu’il a répétés tous les six mois pendant trois ans. L’avocat de l’employeur a aussi rejeté la proposition selon laquelle l’employeur aurait agi de mauvaise foi. Il a allégué qu’il aurait fallu qu’on me présente une preuve claire et logique qui démontrait selon la prépondérance des probabilités que la décision avait été prise de mauvaise foi. L’avocat de l’employeur a soutenu qu’aucune preuve de ce genre n’avait été présentée.

157 Pour ce qui est de la réparation et du fait que l’avocate de M. Nasrallah a indiqué d’entrée de jeu qu’elle réclamerait des dommages majorés, l’avocat de l’employeur s’est opposé à cette réclamation, indiquant qu’il n’était pas question de dommages majorés dans la formulation du grief. L’avocate du fonctionnaire a allégué que pour réclamer des dommages majorés, il faudrait changer la nature du grief. Pour appuyer son argument, l’avocat de l’employeur m’a renvoyée à la décision de la Cour d’appel fédérale dans Burchill.

158 Par ailleurs, l’avocat de l’employeur a souligné que les critères juridiques qui régissent l’octroi de dommages majorés sont très exigeants. De l’avis de l’avocat de l’employeur, le présent cas ne constitue certainement pas une situation dans laquelle on devrait accorder des dommages majorés. Selon l’avocat de l’employeur, la conduite de M. Nasrallah a mené à la révocation de sa cote de fiabilité puis à son licenciement. Ce n’est pas la faute de l’employeur si le fonctionnaire est déprimé. Le fonctionnaire a fait des fausses déclarations et a détourné des fonds, et il en a tiré un avantage financier. Son état de santé est attribuable à ses propres actions. De plus, l’avocat m’a demandé de ne pas tenir compte des certificats médicaux présentés en preuve par l’avocat du fonctionnaire, malgré l’opposition de ce dernier, parce qu’il n’avait pas eu la possibilité de contre‑interroger les auteurs de ces certificats. Il s’agit seulement de preuves par ouï‑dire.

159 Pour ce qui est de la durée de l’enquête, l’avocat de l’employeur a fait remarquer que Mme Whittle, dans son témoignage, a indiqué qu’il avait fallu beaucoup de temps pour valider l’information entre les RH et le PCPE. L’ASM devait s’assurer que l’information était exacte. L’enquête a été faite le plus rapidement possible.

160 L’avocat de l’employeur a affirmé que l’octroi, à trois occasions ultérieures, d’une cote de fiabilité au fonctionnaire par TPSGC n’est pas pertinent. La révocation de la cote de fiabilité d’un fonctionnaire relève de l’administrateur général, qui, dans le présent cas, a délégué ce pouvoir à l’ASM. Ce pouvoir peut donc être exercé par l’administrateur général ou l’ASM, et il est particulier à chaque ministère. TPSGC ne détient pas les mêmes genres de renseignements que RHDCC. Pour appuyer son argument, l’avocat de l’employeur m’a renvoyée à Kampman et Hillis.

161 En conclusion, l’avocat de l’employeur a répété que l’obtention d’une cote de fiabilité est une condition d’emploi à laquelle M. Nasrallah ne satisfait plus. La NSP, comme il est confirmé dans Hillis, n’exige plus que l’employeur, lorsqu’un fonctionnaire a vu sa cote de fiabilité révoquée, cherche à lui trouver un autre poste nécessitant une cote de sécurité moins élevée. De plus, comme l’exigence minimale pour occuper un poste au sein de la fonction publique fédérale est la cote de fiabilité, M. Nasrallah ne peut plus être employé par RHDCC.

162 L’avocat de l’employeur a aussi soutenu que je n’avais pas compétence pour ordonner que M. Nasrallah soit nommé à un autre poste, ni pour le réintégrer dans ses fonctions. Pour appuyer son argument, l’avocat de l’employeur m’a renvoyée à Zhang, au paragraphe 70, à Singh, au paragraphe 16, et à Gill, au paragraphe 170.

B. Pour le fonctionnaire

163 L’avocate de M. Nasrallah a réitéré sa position selon laquelle la Commission a compétence pour entendre le grief et accorder la réparation demandée.

164 L’avocate de M. Nasrallah a soutenu que la preuve a démontré que, dans le cas qui nous occupe, non seulement l’employeur avait agi de mauvaise foi lorsqu’il a décidé de révoquer la cote de fiabilité du fonctionnaire, mais que le processus était entaché d’iniquité procédurale; pour ces motifs, je devrais accueillir le grief.

165 L’avocate du fonctionnaire, renvoyant au sous‑alinéa 209(1)c)(i) de la Loi, a soutenu qu’il est clair que la Commission a compétence pour entendre une affaire de licenciement pour d’autres raisons qu’un manquement à la discipline, comme dans le cas qui nous occupe.

166 L’avocate de M. Nasrallah m’a ensuite renvoyée au paragraphe 12(3) de la LGFP et a maintenu que le licenciement devait être motivé. Pour appuyer son argument, l’avocate m’a renvoyée à Hillis et à Gill, des cas semblables dans lesquels l’ancienne Commission avait compétence.

167 L’avocate de M. Nasrallah n’était pas d’accord avec la proposition de l’employeur selon laquelle le fait que M. Nasrallah ne satisfait plus à une condition d’emploi constitue le motif dont il est question au paragraphe 12(3) de la LGFP et que cela devrait être suffisant. Elle a soutenu que cette interprétation n’avait pas de sens à la lumière du sous‑alinéa 209(1)c)(i) de la Loi et du paragraphe 12(3) de la LGFP et que, comme il existe clairement un droit à l’arbitrage, prévu au sous‑alinéa 209(1)c)(i) de la Loi, le paragraphe 12(3) de la LGFP exige qu’il y ait un motif véritable. L’avocate de M. Nasrallah a soutenu que l’interprétation de l’employeur supprimerait l’objet du sous‑alinéa 209(1)c)(i) de la Loi. S’il existe un droit en vertu de ce sous‑alinéa, il doit y avoir une réparation valable en vertu du paragraphe 12(3) de la LGFP.

168 L’avocate de M. Nasrallah n’était pas d’accord avec l’employeur, selon lequel la révocation de la cote de fiabilité du fonctionnaire et son licenciement auraient dû faire l’objet de griefs distincts. L’avocate du fonctionnaire m’a renvoyée à Hillis, où un seul grief avait été déposé pour la révocation de la cote de sécurité et le licenciement. L’avocate de M. Nasrallah a soutenu qu’il est logique de présenter un seul grief pour le licenciement, puisque le motif du licenciement était la révocation de la cote de fiabilité du fonctionnaire.

169 L’avocate de M. Nasrallah a aussi affirmé que la compétence de la Commission pour déterminer si l’équité procédurale avait été respectée et si la décision de mettre fin à l’emploi était empreinte de mauvaise foi n’était pas en cause. Elle a ajouté que la norme d’équité qui s’applique est liée à l’importance et aux conséquences de la décision sur le fonctionnaire. Par exemple, dans le cas d’un licenciement, les conséquences sur le fonctionnaire sont extrêmement importantes. Par conséquent, le degré d’équité à appliquer doit être plus élevé que le degré minimal, en raison des conséquences sur le fonctionnaire. Pour appuyer son argument, l’avocate m’a renvoyée au jugement de la Cour fédérale dans Myers c. Procureur général du Canada, 2007 CF 947, et à Gill.

170 L’avocate de M. Nasrallah a affirmé que Mme Whittle n’avait pas donné de réponse satisfaisante pour expliquer la longue durée de l’enquête. Aucune raison n’a été donnée pour expliquer pourquoi, après que le chef des RH eut promis, en réponse à de nombreuses demandes de la part de l’agent négociateur du fonctionnaire sur la date de production du rapport, qu’il serait fourni au fonctionnaire dans la semaine suivant le 8 mars 2010, il a été fourni seulement le 20 avril 2010, après que la question eut été portée à l’attention du sous‑ministre.

171 De plus, l’avocate du fonctionnaire a allégué qu’il est très difficile de comprendre pourquoi une enquête de huit mois n’a donné comme produit final qu’un court rapport de quatre pages.

172 L’avocate du fonctionnaire a attiré mon attention sur le rapport provisoire du 10 mars 2010. Selon elle, ce rapport indiquait que l’UES avait interrogé de nombreux témoins sur un large éventail de questions. On y mentionnait par exemple les questions qui avaient été posées à M. Nasrallah sur ses liens avec le Hezbollah et sur l’achat d’un appartement en copropriété à Beyrouth, au Liban.

173 L’avocate du fonctionnaire a affirmé que Mme Whittle, dans son témoignage, avait admis avoir lu le rapport provisoire de mars 2010 et avoir conclu que plusieurs facteurs auraient pu mener à la révocation de la cote de fiabilité de M. Nasrallah.

174 Selon l’avocate du fonctionnaire, Mme Whittle, après avoir pris connaissance du rapport provisoire de mars 2010, s’était fait une idée, en se fondant sur la question du prêt étudiant et sur les autres questions décrites dans le rapport, que M. Nasrallah n’était pas honnête. Selon l’avocate, il faut conclure que Mme Whittle a sans aucun doute appuyé sa décision sur d’autres questions que le détournement de fonds. Dans ce cas, elle n’a jamais donné à M. Nasrallah la possibilité de présenter des observations sur un rapport qui portait sur d’autres questions que le prêt étudiant. De l’avis de l’avocate du fonctionnaire, cela constitue un manquement flagrant à l’équité procédurale ainsi que de la mauvaise foi de la part de l’employeur.

175 Concernant le rapport d’enquête d’avril 2010 qui a été fourni à M. Nasrallah, son avocat a déclaré que le fonctionnaire avait dit avoir reçu le rapport le 22 avril 2010. L’avocate du fonctionnaire a soutenu qu’il fallait croire son client lorsqu’il dit s’être rendu compte de son erreur à propos du salaire juste avant de recevoir le rapport provisoire daté du 20 avril 2010. Il a alors écrit une lettre au PCPE, admettant son erreur et offrant de rembourser l’argent.

176 L’avocate de M. Nasrallah a aussi fait remarquer que le rapport d’avril 2010 était beaucoup plus court que celui de mars 2010, que beaucoup des questions énoncées dans le rapport provisoire de mars 2010 n’étaient pas reprises dans le rapport d’avril, et que le rapport d’avril contenait seulement un énoncé des faits, sans analyse ou conclusion. De plus, le rapport d’avril 2010 ne mentionnait pas le détournement de fonds. Ce n’est qu’à l’audience qu’il a été révélé que l’ASM ne s’était pas fiée à la question de l’état matrimonial dans son rapport et que quelqu’un occupant un poste classé EC‑7 n’avait pas le droit de faire des erreurs.

177 L’avocate de M. Nasrallah a aussi prétendu que même si le fonctionnaire avait eu la possibilité de répondre au rapport d’avril 2010, rien de ce qu’il aurait dit n’aurait changé les choses, puisque Mme Whittle avait déjà pris sa décision. De l’avis de l’avocate, Mme Whittle avait déjà conclu en mars 2010 qu’elle ne croyait pas M. Nasrallah.

178 L’avocate du fonctionnaire a soutenu que Mme Whittle n’avait pas pris en considération les éléments pertinents. À l’affirmation de Mme Whittle selon laquelle le fonctionnaire aurait dû être plus avisé, l’avocate de M. Nasrallah a répondu que Mme Whittle n’avait jamais considéré que le détournement de fonds était une erreur involontaire de M. Nasrallah. Elle n’a jamais pris le temps d’expliquer au fonctionnaire comment il aurait pu être plus avisé.

179 L’avocate de M. Nasrallah a déclaré que Mme Whittle avait tenu compte d’autres facteurs que le détournement de fonds lorsqu’elle a pris sa décision, mais, encore une fois, ces facteurs n’ont jamais été communiqués au fonctionnaire. Par conséquent, comment aurait‑il pu s’expliquer avec Mme Whittle sans connaître ses pensées? Selon l’avocate, il faut tenir compte de cette injustice procédurale.

180 L’avocate de M. Nasrallah a aussi maintenu que, contrairement aux allégations, il fallait croire l’allégation du fonctionnaire voulant qu’il ait découvert son erreur concernant le prêt étudiant peu de temps avant de recevoir le rapport et qu’il a aussitôt communiqué avec le PCPE à ce sujet et tenté d’obtenir la ventilation des sommes qu’il devait. Dans sa lettre datée du 5 mai 2010, il a encore une fois admis son erreur et a offert de restituer ce qu’il devait. Malgré ses efforts, il a fallu cinq mois pour que le PCPE lui envoie l’information demandée.

181 L’avocate de M. Nasrallah a prétendu que la réaction du PCPE avait été [traduction] « modérée ». En fait, elle a laissé entendre que le PCPE aurait pu porter des accusations au criminel contre le fonctionnaire, mais qu’on a décidé de ne pas le faire.

182 L’avocate de M. Nasrallah a insisté sur le fait que durant tout le témoignage du fonctionnaire, ce dernier a été digne de foi. N’importe qui peut faire une erreur involontaire, selon l’avocate, et les erreurs ne sont pas limitées aux personnes qui occupent des postes de niveau inférieur.

183 Pour ce qui est du rapport d’avril 2010, l’avocate du fonctionnaire a encore une fois allégué qu’aucun motif sérieux n’avait été fourni au fonctionnaire. Il n’y avait pas non plus de motifs dans les lettres de M. Paquette portant sur la révocation de la cote de fiabilité du fonctionnaire et son licenciement. Nulle part il n’est fait mention d’un détournement de fonds. C’est un autre exemple d’iniquité procédurale.

184 Selon l’avocate du fonctionnaire, Mme Whittle a pris sa décision de mauvaise foi. Son idée était déjà faite et elle n’a pas tenu compte des facteurs pertinents.

185 L’avocate de M. Nasrallah a aussi prétendu que non seulement j’avais compétence pour rendre une décision sur le bien‑fondé de la décision et pour déterminer si l’équité procédurale a été respectée, mais que j’avais aussi compétence pour déterminer si la décision était raisonnable. Pour appuyer son argument, l’avocate du fonctionnaire m’a renvoyée à Gunderson, dans laquelle l’arbitre de grief a décidé qu’il avait compétence pour examiner si la décision de licencier le fonctionnaire était équitable et raisonnable. Même si l’avocate du fonctionnaire a admis que cette décision datait de 1995, elle a soutenu que la législation de l’époque était essentiellement identique à celle d’aujourd’hui et que les principes et raisons énoncés dans Gunderson demeurent valables en droit.

186 L’avocate de M. Nasrallah a soutenu que Gunderson était une décision importante à prendre en considération, en particulier aux pages 17 et 18, parce que l’arbitre a tenu compte de toutes les dispositions législatives pertinentes et a conclu qu’il pouvait réviser la décision de l’employeur intégralement.

187 Comme exemple que la décision de révoquer la cote de fiabilité du fonctionnaire était déraisonnable, l’avocate du fonctionnaire a mentionné qu’un autre ministère, TPSGC, avait accordé la cote de fiabilité au fonctionnaire trois fois après son licenciement. Bien que l’avocate du fonctionnaire ait admis que le pouvoir discrétionnaire d’accorder une cote de fiabilité incombe à chaque ministère, elle a néanmoins conclu que le geste de TPSGC était très pertinent et qu’il devrait être pris en considération.

188 Pour ce qui est des lettres de M. Paquette, datées du 28 juin 2010, l’avocate de M. Nasrallah a conclu que, malheureusement, l’auteur n’avait exercé aucun pouvoir discrétionnaire et s’était contenté de reproduire machinalement la décision de Mme Whittle.

189 En ce qui concerne les mesures correctives, au départ, et en réponse à l’objection de l’avocat de l’employeur selon laquelle M. Nasrallah ne peut pas demander de dommages majorés parce que ce n’est pas mentionné dans le libellé de son grief, l’avocate du fonctionnaire a répondu que ce dernier avait indiqué dans son grief qu’il demandait [traduction] « une réparation complète » et que cela comprenait les dommages majorés. Pour appuyer son argument, l’avocate de M. Nasrallah m’a renvoyée à Grover c. Conseil national de recherches du Canada, 2006 CRTFP 117. De l’avis de l’avocate du fonctionnaire, l’employeur aurait dû savoir que les dommages majorés faisaient partie du redressement demandé. La réclamation de dommages majorés constitue la conséquence des actions de l’employeur. L’avocate de M. Nasrallah m’a aussi renvoyée à Mount Sinai Hospital v. Ontario Nurses Association, 2000 CLB 12752.

190 L’avocate de M. Nasrallah a demandé, dans le cas où je déterminerais que la décision de l’employeur de révoquer la cote de fiabilité était empreinte d’un manquement à l’équité procédurale, avait été prise de mauvaise foi ou encore était déraisonnable, que j’annule la décision, que je réintègre le fonctionnaire dans ses fonctions et que je lui octroie des dommages majorés.

191 En ce qui concerne le redressement, l’avocate de M. Nasrallah a prétendu que je devais annuler la décision de révoquer la cote de fiabilité du fonctionnaire pour les motifs énoncés, c’est‑à‑dire le manquement à l’équité procédurale ou la mauvaise foi, ou encore le caractère déraisonnable de la décision. En outre, si je conclus que la décision de révoquer la cote de fiabilité du fonctionnaire était une mauvaise décision, alors il n’y aura plus lieu d’invoquer le paragraphe 12(3) de la LGFP. Par conséquent, la décision de mettre fin à l’emploi du fonctionnaire devrait aussi être annulée. On m’a donc demandé d’ordonner que le fonctionnaire soit réintégré dans ses fonctions avec plein rappel de salaire à partir de la date à laquelle on a mis fin à son emploi. L’avocate du fonctionnaire m’a renvoyée à Gill.

192 L’avocate du fonctionnaire m’a demandé par ailleurs, comme il est énoncé dans Myers, d’annuler la décision de révoquer la cote de fiabilité de M. Nasrallah et de renvoyer l’affaire au ministère pour que l’on réexamine la décision en fournissant à M. Nasrallah la possibilité de répondre aux allégations énoncées contre lui.

193 L’avocate de M. Nasrallah a également soutenu que ce dernier avait droit à des dommages majorés en raison de la souffrance qui lui a été infligée par la décision de l’employeur de le licencier. À ce sujet, l’avocate a conclu que j’avais le pouvoir d’accorder ce genre de réparation. Pour appuyer son argument, l’avocate m’a renvoyée à Canada (Procureur général) c. Tipple, 2011 CF 762.

194 L’avocate a aussi prétendu que dans le cas présent, les rapports médicaux et le témoignage du fonctionnaire avaient démontré que ce dernier avait souffert à la suite de son licenciement.

195 L’avocate de M. Nasrallah a allégué que l’approche adoptée à l’égard du fonctionnaire lorsqu’il a été informé au sujet de sa cote de fiabilité n’était pas correcte. L’avocate a prétendu que le fonctionnaire avait été pris par surprise. On l’avait escorté à l’extérieur de l’immeuble sans qu’il puisse dire au revoir à ses collègues. M. Nasrallah a été humilié. L’approche de l’employeur était cruelle. Les choses auraient certainement pu être faites différemment.

196 L’avocate du fonctionnaire a aussi maintenu que le processus qui a mené au licenciement du fonctionnaire était trop long. Malgré le fait qu’on avait promis au fonctionnaire que le processus durerait quelques semaines, il a duré huit mois, en plus du deux mois supplémentaires nécessaires pour obtenir la décision finale. Selon l’avocate du fonctionnaire, il n’y a simplement aucune raison qui justifie cette durée. Lorsqu’un employé est en congé sans solde pendant la durée d’une enquête, l’employeur doit agir rapidement et avec diligence pour effectuer l’enquête et prendre la décision finale.

197 L’avocate de M. Nasrallah a aussi soutenu qu’il est complètement inacceptable que l’employeur ait refusé de confirmer auprès d’employeurs éventuels que le fonctionnaire avait travaillé pour lui, ce qui aurait aidé M. Nasrallah à trouver un autre emploi. Les actions de l’employeur devraient être prises en considération lorsqu’il sera question d’octroyer des dommages majorés.

198 L’avocate a allégué que les actions de l’employeur ont eu des conséquences néfastes sur la santé de M. Nasrallah, comme le prouvent les certificats médicaux. À la lumière de tous ces faits, l’avocate m’a demandé d’octroyer au fonctionnaire des dommages majorés de 25 000 $. Pour appuyer cette réclamation, l’avocate m’a renvoyée à Chapell v. Canadian Pacific Railway Company, 2010 ABQB 441, où l’on conclut que l’employeur avait agi de mauvaise foi. En conséquence, on avait accordé au demandeur des dommages de 20 000 $.

199 L’avocate de M. Nasrallah m’a aussi renvoyée à Pagliaroli v. Rite-Pak Produce Co., 2010 ONSC 3729, dans laquelle on a aussi conclu que l’employeur avait agi de mauvaise foi. Le demandeur s’était vu accorder des dommages majorés de 25 000 $. Compte tenu de la jurisprudence, l’avocate de M. Nasrallah a allégué que, dans le cas qui nous occupe, une somme de 25 000 $ est aussi raisonnable.

C. Réfutation de l’employeur

200 L’avocat de l’employeur n’était pas d’accord avec la déclaration de l’avocate du fonctionnaire et a soutenu que Mme Whittle avait indiqué dans son témoignage qu’elle n’avait pas pris de décision avant de recevoir les observations du fonctionnaire sur le rapport d’enquête d’avril 2010. L’avocat de l’employeur a insisté sur le fait que Mme Whittle avait fondé sa décision sur le détournement de fonds du PCPE.

201 L’avocat de l’employeur a aussi insisté sur le fait qu’aucune preuve n’appuie l’allégation selon laquelle Mme Whittle aurait essayé de causer du tort au fonctionnaire et qu’elle avait agi de mauvaise foi. L’avocat de l’employeur a soutenu que les actions de Mme Whittle avaient été guidées par la NSP et qu’elle avait agi en conséquence.

202 Pour ce qui est de la réparation, l’avocat de l’employeur a répété que je n’avais pas compétence pour nommer M. Nasrallah à un poste, nommer à un poste une personne qui ne satisfait pas à une condition d’emploi, par exemple l’obtention de la cote de fiabilité, ou réintégrer dans ses fonctions un fonctionnaire dont la cote de fiabilité a été révoquée.

203 En ce qui concerne Myers, l’avocat de l’employeur a affirmé que la décision rendue appuie son argument sur la compétence de la Commission pour entendre un grief portant sur la révocation de la cote de fiabilité d’un fonctionnaire. Selon lui, Myers confirme que les questions qui traitent de la révocation d’une cote de fiabilité devraient être renvoyées devant la Cour fédérale, et non devant la Commission. L’avocat de l’employeur a soutenu que ce n’est pas parce qu’une question peut faire l’objet d’un grief en vertu de l’article 208 de la Loi qu’il peut nécessairement être soumis à l’arbitrage de la Commission.

204 Enfin, l’avocat de l’employeur a déclaré que la jurisprudence a évolué depuis Gunderson. Les décisions ultérieures qui ont été prises par l’ancienne Commission et par la Commission actuelle, comme Hillis, Zhang, Gill et Braun, ont toutes confirmé que la révocation d’une cote de fiabilité est une décision administrative à l’égard de laquelle la Commission n’a pas compétence.

V. Motifs

A. Contexte

205 Il faut souligner dès le début qu’aucune des parties n’a présenté de preuves ou d’arguments relativement à la raison pour laquelle la cote de sécurité de niveau « secret » de M. Nasrallah a été révoquée. Il n’a pas été question non plus des mesures qu’il a prises relativement à cette révocation, sauf que l’affaire a été renvoyée au CSARS et est en attente.

206 Comme il a été mentionné, l’avocate de M. Nasrallah a déclaré que la plainte présentée au CSARS était un processus distinct, qu’elle n’avait pas d’incidence sur la procédure devant la Commission et que la Commission devrait tout de même entendre le grief.

207 Je dois également souligner qu’en réponse à ma question aux deux avocats concernant le congé sans solde de M. Nasrallah, du 3 août 2009 jusqu’à ce qu’on mette fin à son emploi le 28 juin 2010, et les actions qui devaient être posées à ce sujet, les parties ont déclaré qu’elles en étaient arrivées à une entente sur cette question. Par conséquent, je n’ai pas à me pencher sur ce point.

208 Enfin, à la conclusion de l’audience, les deux parties ont demandé que, dans le cas où j’accueillerais le grief, je ne statue pas sur la réparation, mais que j’accorde plutôt aux parties 30 jours à partir de la date de la décision pour régler la question et que je demeure saisie de l’affaire si aucune entente n’était conclue entre les parties. Le cas échéant, les parties ont convenu de ne présenter aucune autre preuve.

B. Décision

209 La présente affaire peut se résumer de la façon suivante. En août 2009, M. Nasrallah a été informé que son employeur, RHDCC, avait reçu du SCRS des renseignements défavorables à propos de sa loyauté envers le Canada. En août 2009, pendant que l’affaire faisait l’objet d’une enquête, M. Nasrallah a été envoyé en congé sans solde. Le 7 août 2009, il a été informé par le sous‑ministre que, selon des renseignements reçus du SCRS, sa cote de sécurité de niveau « secret » était révoquée. M. Nasrallah a présenté une plainte auprès du CSARS. Le fonctionnaire a été informé qu’en raison de la révocation de sa cote de sécurité de niveau « secret », RHDCC devait réévaluer sa cote de fiabilité, ce que le ministère a fait.

210 En mars 2010, un rapport provisoire a été remis à Mme Whittle. Cette dernière a déterminé que le rapport contenait des renseignements inutiles et non pertinents; elle a supprimé les renseignements inutiles et non pertinents et préparé un nouveau rapport daté d’avril 2010. Dans le rapport d’avril 2010, on mentionnait le fait que M. Nasrallah avait fourni au PCPE, de 2006 à 2009, son salaire net, plutôt que son salaire brut, ce qui lui avait permis de recevoir 13 658,59 $ en exemption d’intérêts du gouvernement fédéral, somme à laquelle il n’avait pas droit.

211 Dans ces commentaires au sujet du rapport d’avril 2010 et à l’audience, M. Nasrallah n’a pas nié qu’il avait fourni au PCPE des renseignements incorrects à propos de son salaire, mais il a prétendu qu’il s’agissait d’une erreur et qu’il était disposé à rembourser l’argent.

212 Quoi qu’il en soit, après avoir reçu les commentaires de M. Nasrallah et de son avocat, Mme Whittle a décidé de révoquer la cote de fiabilité du fonctionnaire. Le 28 juin 2010, le sous‑commissaire adjoint a décidé de licencier M. Nasrallah en invoquant le fait que le fonctionnaire n’était plus détenteur d’une cote de fiabilité et qu’il ne satisfaisait donc plus à l’une des conditions d’emploi. Le fonctionnaire a déposé un grief en vertu du sous‑alinéa 209(1)c)(i) de la Loi et de l’alinéa 12(1)d) et du paragraphe 12(3) de la LGFP.

213 Des arguments ont été présentés à propos de ma compétence.

C. Compétence de la Commission à l’égard de la révocation de la cote de fiabilité d’un fonctionnaire

214 La question de la compétence d’un arbitre de grief à l’égard de la révocation de la cote de fiabilité d’un fonctionnaire a été examinée de nombreuses fois par les tribunaux et la Commission.

215 La Commission a toujours reconnu que les arbitres de grief avaient une compétence très limitée dans les cas de licenciement découlant de la révocation d’une cote de sécurité. Essentiellement, à moins que la preuve permette de caractériser la décision de l’employeur comme étant une mesure disciplinaire déguisée ou comme empreinte d’iniquité procédurale ou de mauvaise foi au point que la situation ne puisse être rectifiée dans le cadre d’une nouvelle audience devant un arbitre de grief, la jurisprudence détermine habituellement que la Commission n’a pas compétence à l’égard de la décision de révoquer une cote de fiabilité.

216 Dans Leblanc c. Conseil du Trésor, dossier de la CRTFP 166-02-25267 (19940615), l’arbitre de grief a conclu ainsi :

[…]

J’ai examiné toute la preuve ainsi que les décisions pertinentes qui m’ont été citées. L’octroi et la révocation de la cote de fiabilité approfondie est du ressort exclusif de l’employeur et, à ce titre, est de nature administrative. La révocation de la cote de fiabilité ne tombe alors pas sous l’empire de l’article 92 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique. Cela dit, je pourrais être habilité à examiner l’affaire uniquement si l’employeur avait exercé son pouvoir discrétionnaire de mauvaise foi (voir Jacmain (supra) et Penner (supra)). […]

217 Dans Hillis, l’arbitre devait décider si la décision de licencier la fonctionnaire s’estimant lésée à la suite de la révocation de sa cote de fiabilité constituait en fait une mesure disciplinaire déguisée. L’arbitre a conclu de la façon suivante, au paragraphe 149 :

[149] Je n’ai trouvé aucune preuve de mauvaise foi susceptible de m’inciter à conclure que le licenciement constituait ou se voulait une mesure disciplinaire déguisée. J’ai également conclu que le processus décisionnel de l’employeur était équitable, malgré quelques lacunes, qui ont été corrigées par la présente procédure d’arbitrage. Je n’aurais pas le pouvoir de rétablir la cote de fiabilité de la fonctionnaire s’estimant lésée, ni aucune raison de le faire de toute manière.

218 Dans Zhang (2005 CRTFP 173), au paragraphe 56, l’arbitre de grief a conclu de la façon suivante :

[56] […] La manière dont la révocation de sa cote de sécurité est survenue excède la portée de ma compétence et la question a déjà été réglée par le CSARS. Le rôle de l’arbitre de grief dans le cas d’un licenciement par suite de la révocation d’une cote de sécurité est limité, d’après les conclusions auxquelles en est arrivée la Cour fédérale dans l’affaire Singh (supra).[…]

219 Dans Gill, bien que l’arbitre de grief a conclu que le droit à l’équité procédurale du fonctionnaire avait été enfreint, il a déclaré ce qui suit, au paragraphe 152 :

[152] Je conclus que la décision de licencier le fonctionnaire s’estimant lésé était une mesure administrative et qu’elle a été prise pour des raisons autres qu’un manquement à la discipline. Pour demeurer saisi de l’affaire, il faudrait que je sois convaincu que l’employeur a agi de mauvaise foi ou qu’il n’a pas respecté le droit du fonctionnaire s’estimant lésé à l’équité procédurale.

220 Dans Braun, au paragraphe 140, l’arbitre de grief devait décider si la décision de l’employeur de suspendre sans salaire le fonctionnaire s’estimant lésé et celle de révoquer sa cote de fiabilité étaient des décisions administratives ou des mesures disciplinaires déguisées. Voici ce qu’elle a écrit :

[140] Je peux exercer ma compétence sur les griefs seulement si la preuve étaye une conclusion de mesure disciplinaire déguisée. En outre, comme l’a mentionné la Cour fédérale dans Frazee, « […] les sentiments d’un employé qui estime avoir été traité injustement n’ont pas pour effet de convertir une mesure administrative en mesure disciplinaire […] »

221 Dans Shaver, le fonctionnaire a vu sa cote de fiabilité être révoquée après son licenciement. L’employeur s’est opposé à la compétence de l’arbitre de grief pour statuer quant à la cote de fiabilité d’un employé. L’arbitre a conclu de la façon suivante, aux paragraphes 128, 129 et 141 :

[128] On n’a pas attiré mon attention sur des décisions dans lesquelles la Commission reconnaît avoir compétence pour statuer sur la révocation de la cote de fiabilité d’un fonctionnaire. J’admets que le présent cas porte sur la révocation de cette cote après le licenciement du fonctionnaire alors que les autres décisions portaient sur la révocation de cette cote avant le licenciement des personnes concernées […]. Cela dit, j’estime que cette différence n’a pas d’incidence particulière sur la question de ma compétence.

[129] […] Il s’agit plutôt, selon moi, d’une décision administrative que le défendeur a prise après avoir pris connaissance de la conclusion selon laquelle le fonctionnaire avait avoué avoir contrevenu aux politiques sur la sécurité du défendeur. Dans le même ordre d’idées, je suis incapable de conclure que la révocation de la cote de fiabilité du fonctionnaire constituait une mesure disciplinaire déguisée. Il est vrai que la révocation de la cote de fiabilité est liée au licenciement du fonctionnaire dans la mesure où la première mesure était basée sur les faits relatifs à la seconde mesure. Seulement, cela signifie que les mêmes faits ont produit deux résultats, non pas que la révocation était une mesure disciplinaire.

[…]

[141] En ce qui concerne la révocation de la cote de fiabilité du fonctionnaire, cette question est devenue théorique, puisque j’ai conclu que le licenciement du fonctionnaire était justifié. Quoi qu’il en soit, j’estime que je n’ai pas compétence pour trancher cette question.

222 Je me rends compte que même si les décisions citées ci‑dessus concernaient principalement des situations dans lesquelles on alléguait que la discipline était le motif réel du licenciement, les arbitres ont néanmoins conclu que les décisions de révoquer la cote de fiabilité étaient des décisions de nature administrative auxquelles s’appliquaient les principes de justice naturelle.

223 Je suis d’accord avec la jurisprudence citée ci‑dessus, que la décision de révoquer la cote de fiabilité est une mesure administrative. Que la question de discipline soit alléguée ou non ne change pas, selon moi, la nature administrative de la décision.

224 Je vais maintenant me pencher sur les fondements juridiques en vertu desquels le grief de M. Nasrallah a été renvoyé à l’arbitrage.

225 Le sous‑alinéa 209(1)c)(i) de la Loi est formulé ainsi :

209.(1) […] le fonctionnaire peut renvoyer à l’arbitrage tout grief individuel portant sur :

c) soit, s’il est un fonctionnaire de l’administration publique centrale :

(i) la rétrogradation ou le licenciement imposé sous le régime soit de l’alinéa 12(1)d) de la Loi sur la gestion des finances publiques pour rendement insuffisant, soit de l’alinéa 12(1)e) de cette loi pour toute raison autre que l’insuffisance du rendement, un manquement à la discipline ou une inconduite, […]

226 Les alinéas 12(1)d) et e) de la LGFP sont formulés ainsi :

12.(1) Sous réserve des alinéas 11.1(1)f) et g), chaque administrateur général peut, à l’égard du secteur de l’administration publique centrale dont il est responsable :

d) prévoir le licenciement ou la rétrogradation à un poste situé dans une échelle de traitement comportant un plafond inférieur de toute personne employée dans la fonction publique dans les cas où il est d’avis que son rendement est insuffisant;

e) prévoir, pour des raisons autres qu’un manquement à la discipline ou une inconduite, le licenciement ou la rétrogradation à un poste situé dans une échelle de traitement comportant un plafond inférieur d’une personne employée dans la fonction publique;

227 Le paragraphe 12(3) de la LGFP est formulé ainsi :

12.(3) Les mesures disciplinaires, le licenciement ou la rétrogradation découlant de l’application des alinéas (1)c), d) ou e) ou (2)c) ou d) doivent être motivés.

228 Après avoir passé en revue ces dispositions législatives, je suis d’accord avec l’avocate de M. Nasrallah que le sous‑alinéa 209(1)c)(i) de la Loi permet clairement de renvoyer à l’arbitrage un grief portant sur le licenciement d’un fonctionnaire pour une raison autre qu’un manquement à la discipline.

229 Je suis également d’accord avec l’avocate de M. Nasrallah qu’un licenciement doit être motivé, comme il est prévu au paragraphe 12(3) de la LGFP.

230 Bien que l’avocat de l’employeur ait allégué que le motif ici est qu’à la suite de la révocation de la cote de fiabilité du fonctionnaire, ce dernier ne satisfaisait plus à l’une des conditions d’emploi, l’avocate de M. Nasrallah a soutenu qu’il n’y avait pas de motif, puisque la décision de révoquer la cote de fiabilité ne respectait pas les principes de la justice naturelle et était empreinte de mauvaise foi. De plus, cette décision était déraisonnable.

231 Les parties ont convenu que le poste qu’occupait M. Nasrallah à RHDCC exigeait que le titulaire détienne une cote de fiabilité et une cote de sécurité de niveau « secret ». On ne conteste pas non plus le fait que la cote de fiabilité est la norme minimale en matière de sécurité dans la fonction publique et qu’elle constitue une condition d’emploi dans l’ensemble de la fonction publique.

232 Je dois donc décider si le licenciement du fonctionnaire était justifié, conformément au paragraphe 12(3) de la LGFP. L’employeur a allégué que le motif est qu’à la suite de la révocation de la cote de fiabilité du fonctionnaire, ce dernier ne satisfaisait plus à l’une des conditions d’emploi à RHDCC et dans l’ensemble de la fonction publique. Comme il a été mentionné ci‑dessus, les parties ont convenu dans leur exposé conjoint des faits que le poste occupé par M. Nasrallah à RHDCC exigeait qu’il détienne une cote de fiabilité approfondie et une cote de sécurité de niveau « secret ». Dans les circonstances, et compte tenu que la cote de fiabilité est la norme minimale pour occuper un poste dans la fonction publique, je conclus qu’en ne détenant plus sa cote de fiabilité, M. Nasrallah ne satisfaisait plus à l’une des conditions d’emploi. Par conséquent, l’employeur était justifié, conformément au paragraphe 12(3) de la LGFP, de le licencier.

233 Autrement dit, dans ce cas-ci, le motif du licenciement est que le fonctionnaire ne satisfait plus à une condition d’emploi essentielle.

234 Dans son argumentation, l’avocate du fonctionnaire a allégué que la décision de l’employeur de révoquer la cote de fiabilité du fonctionnaire et, plus tard, de le licencier manquait d’équité procédurale, était empreinte de mauvaise foi et était déraisonnable et que, pour ces raisons, elle devait être annulée.

235 À mon avis, à moins que l’on puisse soutenir que la conclusion selon laquelle le fonctionnaire ne satisfait plus à l’une des conditions d’emploi en raison de la perte de sa cote de fiabilité est empreinte d’iniquité procédurale ou de mauvaise foi, la compétence d’un arbitre s’arrête lorsque l’existence du motif a été établie comme il se doit.

236 En me fondant sur la jurisprudence citée ci‑dessus, je crois que, puisque la décision de révoquer la cote de fiabilité est de toute évidence un élément qui a permis de déterminer que le fonctionnaire ne satisfaisait plus à l’une des exigences de son poste et qui a mené en dernier ressort à son licenciement, je dois examiner tout le processus qui a entraîné le licenciement. Autrement dit, je dois examiner si le contexte entourant la révocation de la cote de fiabilité respectait l’équité procédurale et était empreint de bonne foi.

D. Équité procédurale ou mauvaise foi

237 L’avocate de M. Nasrallah a allégué que la décision de révoquer la cote de fiabilité du fonctionnaire était empreinte d’iniquité procédurale et de mauvaise foi. Pour appuyer ses dires, elle a affirmé que Mme Whittle s’était déjà fait une idée quant à l’honnêteté de M. Nasrallah avant que ce dernier ait répondu au rapport d’avril 2010, ce qui a privé le fonctionnaire d’une possibilité raisonnable de répondre à l’allégation contre lui.

238 L’avocate du fonctionnaire a ajouté que Mme Whittle avait fondé sa décision sur des faits qui n’ont jamais été communiqués au fonctionnaire, privant ainsi ce dernier de son droit procédural de répondre à toutes les allégations. L’avocate de M. Nasrallah a aussi fait référence au fait que le rapport provisoire de mars 2010 contenait davantage de renseignements sur le fonctionnaire et que Mme Whittle avait dû être influencée, lorsqu’elle avait pris sa décision, par les autres allégations, notamment les liens allégués du fonctionnaire avec des organisations terroristes, le fait qu’il ait acheté un appartement en copropriété à Beyrouth et ses relations alléguées avec des membres du Hezbollah.

239 Selon moi, personne ne conteste le fait qu’en vertu de l’article 2.8 de la NSP, Mme Whittle n’avait aucun pouvoir discrétionnaire; elle devait réévaluer la cote de fiabilité de M. Nasrallah après la révocation de sa cote de sécurité de niveau « secret ». Bien que Mme Whittle ait admis que d’autres éléments dans le rapport provisoire de mars 2010 auraient pu constituer des motifs pour révoquer la cote de fiabilité du fonctionnaire, elle a maintenu catégoriquement durant son interrogatoire principal et son contre‑interrogatoire que le détournement de fonds a été le motif de sa décision de révoquer la cote de fiabilité. Elle a témoigné que l’enquête avait révélé que M. Nasrallah n’avait pas été honnête avec son employeur lorsqu’il avait détourné des fonds. Elle n’a pas cru le fonctionnaire lorsqu’il a expliqué avoir inscrit par erreur son salaire net plutôt que son salaire brut, en particulier en raison du niveau du poste qu’il occupait à RHDCC. À titre d’ASM à RHDCC, elle était préoccupée par le fait qu’un employé ne soit pas honnête avec son employeur. Elle a témoigné que dans le cadre de ses responsabilités d’ASM, elle ne voulait pas exposer l’employeur à une personne en qui elle ne faisait plus confiance, surtout que le mandat de RHDCC consiste à manipuler des renseignements délicats concernant les Canadiens.

240 À mon avis, même si l’on aurait pu en arriver à une conclusion différente à propos de la cote de fiabilité de M. Nasrallah, aucune preuve convaincante n’a été présentée pour contredire la déclaration de Mme Whittle sur les motifs pour lesquels elle a révoqué la cote de fiabilité ou pour démontrer que sa décision de révoquer la cote de fiabilité du fonctionnaire était partiale ou sans fondement. C’est pourquoi, à moins d’être convaincue que la décision de Mme Whittle était empreinte d’iniquité procédurale ou de mauvaise foi, je crois devoir m’en remettre à sa décision et ne pas la substituer par la mienne.

241 Comme il est énoncé dans Kampman :

[…]

[…] Par contraste, l’évaluation de fiabilité relève de l’institution concernée et la cote de fiabilité approfondie, ainsi dénommée, atteste essentiellement que l’administrateur général de l’organisme est subjectivement d’avis que l’intéressé(e) est digne de grande confiance ou de fiabilité. C’est à lui qu’appartient la prérogative de révoquer cette cote, ce qui reflète simplement un changement d’opinion, une perte de confiance quant à la fiabilité de l’employé(e).

[…]

242 Mme Whittle a déclaré clairement dans son témoignage qu’à titre d’ASM de RHDCC, elle a estimé que l’élément déterminant du rapport provisoire d’avril 2010 et de sa décision était que M. Nasrallah, au cours d’une période de trois ans, avait détourné une somme de 13 658,59 $ et qu’il avait eu l’occasion de corriger cette erreur tous les six mois durant cette période, mais qu’il ne l’avait fait qu’après avoir reçu le rapport d’avril 2010. L’ASM a expliqué qu’elle était inquiète à propos du détournement de fonds et qu’après avoir relu le paragraphe 3 de l’annexe B de la NSP, elle avait évalué le risque et conclu qu’elle ne pouvait pas faire confiance à M. Nasrallah.

243 M. Nasrallah a déclaré s’être rendu compte de son erreur lorsque sa femme a présenté une demande au PCPE à peu près au moment où le rapport d’avril 2010 a été produit. Je dois dire que j’ai des doutes concernant l’explication de M. Nasrallah. Je trouve difficile de croire qu’il s’est rendu compte par hasard, grâce à la demande présentée par sa femme, de l’erreur qui se poursuivait depuis trois ans, juste au moment de la publication du rapport de l’ASM d’avril 2010 dans lequel on faisait état des anomalies. À mon avis, il a pris des mesures seulement après avoir pris connaissance des conclusions du rapport d’avril 2010.

244 Mme Whittle a été catégorique lorsqu’elle a déclaré que la décision de révoquer la cote de fiabilité était la sienne et qu’en aucun moment elle n’a parlé au SCRS au sujet de la situation de M. Nasrallah. Son témoignage n’a pas été contredit.

245 Selon moi, l’ASM a une certaine latitude pour déterminer les exigences en matière de sécurité pour un ministère donné, dans les limites de l’équité procédurale et de la bonne foi. Dans le présent cas, Mme Whittle a agi en conformité avec le pouvoir qui lui est délégué par la NSP. Il n’est pas suffisant, lorsqu’on n’a pas de preuves convaincantes pour appuyer ses dires, de supposer qu’il y avait d’autres motifs que ceux qui ont été déclarés par Mme Whittle. Comme il est mentionné dans Hillis, aux paragraphes 132 et 133 :

[132] Dans l’arrêt Kampman (précité), la Cour d’appel fédérale confirme le pouvoir décisionnel de l’ASM et sa prérogative à cet égard et établit des normes d’examen à l’intention des arbitres de griefs. Par conséquent, pour me convaincre de la nécessité d’examiner la décision de l’ASM, la fonctionnaire s’estimant lésée devait démontrer que l’employeur avait omis d’appliquer les règles de l’équité du processus et du caractère raisonnable.

[133] Dans la mesure où il agit en conformité avec le pouvoir dont il est investi par la Politique du gouvernement sur la sécurité et la Norme sur la sécurité du personnel, l’agent de sécurité ministériel est habilité à révoquer la cote de fiabilité d’un fonctionnaire. Compte tenu des renseignements recueillis dans le cadre de l’enquête disciplinaire et des événements subséquents, il était devenu nécessaire de vérifier si la fonctionnaire était toujours une personne fiable à qui l’on pouvait continuer de confier des biens du gouvernement, notamment les renseignements personnels très délicats fournis par les citoyens. Cette décision était laissée à l’appréciation de l’ASM et le critère à appliquer est celui qui est énoncé dans les politiques pertinentes.

246 De plus, il n’a pas été démontré que les inquiétudes de Mme Whittle à propos du risque que présentait M. Nasrallah pour un ministère comme RHDCC n’étaient pas réelles ni qu’elles étaient fondées sur des éléments non pertinents. Il n’a pas plus été démontré que ces inquiétudes avaient amené Mme Whittle à prendre une décision de mauvaise foi. Mme Whittle a témoigné clairement que, vu la nature des renseignements détenus par RHDCC, elle était particulièrement préoccupée par la fiabilité de M. Nasrallah. Cela est conforme aux conclusions au sujet de la nature délicate des renseignements détenus par RHDCC et avec les obligations de RHDCC relativement à ces renseignements. Dans Gill, au paragraphe 140, il est déterminé que :

[140] Il est indéniable que la GRC et DRHC ont l’un et l’autre le mandat de protéger la confidentialité des renseignements personnels des citoyens canadiens et de s’assurer de l’intégrité des fonctionnaires qui y ont accès.

247 L’avocate du fonctionnaire a aussi soutenu que nulle part, dans le rapport d’avril 2010 ou dans la lettre du 28 juin 2010, il n’est question de détournement de fonds. Le fonctionnaire a donc été privé de son droit de connaître les allégations présentées contre lui. Après avoir examiné la documentation et entendu la preuve, je ne suis pas d’accord avec cette affirmation. À mon avis, et contrairement à la situation dans Gunderson, M. Nasrallah aurait dû savoir qu’on alléguait qu’il avait détourné des fonds, puisque c’est pratiquement la seule question qui a été abordée dans le rapport d’avril 2010. De plus, le détournement de fonds est fondamentalement la seule question qui a été abordée par le fonctionnaire et son avocate dans leurs commentaires du 5 mai 2010 adressés à Mme Whittle. Je remarque également que M. Nasrallah a été informé, au tout début du processus, de la possibilité que sa cote de fiabilité soit révoquée et des conséquences qui pourraient en découler, dans la lettre de Mme Gauthier datée du 3 août 2009 et dans celle de Mme Whittle datée du 20 avril 2010. Dans cette dernière lettre, il était clairement indiqué que la cote de fiabilité est le niveau de sécurité minimum requis pour occuper un emploi dans la fonction publique.

248 L’avocate de M. Nasrallah a allégué qu’il s’est écoulé environ dix mois entre la date de la suspension sans solde et la date où l’on a mis fin à l’emploi du fonctionnaire. Elle a prétendu que cette longue période constituait une violation des droits procéduraux. Bien que l’employeur ait l’obligation d’agir le plus rapidement possible dans les situations où un employé est placé en congé sans solde pendant une enquête, je ne crois pas que la durée de cette période a constitué un déni d’équité procédurale. Mme Whittle a expliqué qu’en plus des vérifications habituelles, il y avait d’autres intervenants impliqués, soit les représentants du PCPE, et il a fallu plusieurs consultations entre l’UES et les représentants du PCPE pour obtenir les renseignements nécessaires. Mme Whittle a témoigné que tout cela avait pris du temps et qu’elle avait même dû intervenir pour accélérer les choses. Je considère que dans les circonstances, cette façon de procéder était appropriée.

249 Les cas suivants concernent la question de l’équité procédurale dans des situations semblables à celle du cas qui nous occupe :

[Tipple c. Canada (Conseil du Trésor)]
En supposant qu’il y ait eu injustice sur le plan de la procédure lorsque les supérieurs du requérant ont recueilli les déclarations de ce dernier […] cette injustice a été entièrement réparée par l’audition de novo qui a eu lieu devant l’arbitre, où le requérant a été pleinement informé dès [sic] allégations qui pesaient contre lui et où il a eu pleinement l’occasion d’y répondre. […]

[Hillis, au paragraphe 137]
[137] Cette occasion a maintenant été offerte à la fonctionnaire s’estimant lésée durant les trois jours d’audience devant la Commission, où elle a été pleinement informée des allégations déposées contre elle et où elle a eu la possibilité d’appeler des témoins et de faire valoir pleinement son point de vue.

[Braun, au paragraphe 192]
[192] Je traiterai maintenant de l’allégation sur l’équité procédurale, parce que le fonctionnaire l’a soulevée longuement pendant l’audience. Je conclus qu’il n’y a pas eu de manquement à l’équité procédurale, mais si un tel manquement s’était produit, la jurisprudence a établi qu’une audience devant un arbitre de grief permet de rectifier tout manquement à l’équité dans le cadre du processus. […]

250 Je conclus que la décision de mettre fin à l’emploi de M. Nasrallah parce qu’il ne satisfaisait plus à l’une des conditions d’emploi à cause de la révocation de sa cote de fiabilité n’était pas empreinte d’iniquité procédurale ou de mauvaise foi. De plus, je remarque que pendant l’enquête et les procédures qui ont suivi, M. Nasrallah a été représenté par un avocat ou son agent négociateur. En outre, dans le cas qui nous occupe, M. Nasrallah a eu toute liberté, dans le cadre de l’audience, de prendre connaissance des allégations présentées contre lui, de les contester, d’appeler des témoins et d’exposer tous les faits. Par conséquent, les erreurs de procédure alléguées, dont je n’ai pas constaté l’existence, auraient été entièrement rectifiées par la présente audience.

251 Enfin, l’avocate de M. Nasrallah a prétendu que la décision de révoquer la cote de fiabilité de M. Nasrallah et, par conséquent, de mettre fin à l’emploi du fonctionnaire n’était pas raisonnable. Pour appuyer son argument, l’avocate du fonctionnaire a fait remarquer qu’à trois occasions depuis la cessation de son emploi, M. Nasrallah s’était vu accorder une cote de fiabilité par TPSGC. Je ne suis pas convaincue que ce fait rend la décision de RHDCC déraisonnable. En premier lieu, je dirai seulement que dans Kampman, au paragraphe 12, et dans Hillis, aux paragraphes 132 et 133, on peut lire que la décision de révoquer une cote de sécurité de niveau « secret » ou une cote de fiabilité incombe au sous‑ministre ou à l’ASM à qui il délègue son pouvoir. Lorsqu’il s’agit de sécurité, chaque ministère a des besoins particuliers, qui doivent être pris en considération lors des évaluations de sécurité. Dans le cas présent, il n’est pas contesté que RHDCC détient des renseignements délicats sur les Canadiens. Mme Whittle a indiqué que c’était là l’un des facteurs qui la préoccupaient, mais cela pourrait être différent pour un autre ministère qui n’a pas à conserver le même genre de renseignements. La NSP mentionne aussi le pouvoir de chaque ministère lorsqu’il s’agit d’évaluations de sécurité.

252 En deuxième lieu, en ce qui concerne la question du caractère raisonnable de la décision, je remarque les commentaires suivants qui ont été faits par l’arbitre de grief dans Braun, au paragraphe 139, à propos de la compétence d’un arbitre pour décider si une décision de révoquer une cote de fiabilité était raisonnable :

[139] Il importe de noter que mon rôle ne consiste pas à décider si je souscris aux décisions ou si elles étaient raisonnables. Je ne siège pas en appel ni ne suis saisi du contrôle judiciaire de ces décisions. J’examine une objection à ma compétence. […]

253 Aucune preuve ne m’a été présentée pour me convaincre que la décision de mettre fin à l’emploi de M. Nasrallah pour le motif qu’il ne satisfaisait plus à l’une des conditions d’emploi parce qu’il avait perdu sa cote de fiabilité était déraisonnable.

254 Dans le cas qui nous occupe, je n’admets pas que le fait qu’un autre ministère ait accordé une cote de fiabilité à M. Nasrallah rend la décision de l’employeur déraisonnable. Voici des commentaires formulés dans Kampman :

[…]

[…] Par contraste, l’évaluation de fiabilité relève de l’institution concernée et la cote de fiabilité approfondie, ainsi dénommée, atteste essentiellement que l’administrateur général de l’organisme est subjectivement d’avis que l’intéressé(e) est digne de grande confiance ou de fiabilité. C’est à lui qu’appartient la prérogative de révoquer cette cote, ce qui reflète simplement un changement d’opinion, une perte de confiance quant à la fiabilité de l’employé(e).

[…]

255 Après avoir conclu que la décision de l’employeur de révoquer la cote de fiabilité du fonctionnaire était une mesure administrative, qu’aucun manquement à l’équité procédurale n’a été établi, ni la mauvaise foi, et que la cote de fiabilité est une condition d’emploi dans la fonction publique, je conclus que l’employeur avait un motif, conformément au paragraphe 12(3) de la LGFP, de licencier M. Nasrallah le 28 juin 2010.

256 À la lumière des commentaires ci‑dessus, la question de réparation, y compris les dommages majorés, est sans objet.

257 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

V.Ordonnance

258 Le grief est rejeté.

Le 31 janvier 2012.

Traduction de la CRTFP.

Linda Gobeil,
arbitre de grief

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