Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La demanderesse a demandé, en vertu de l’article 43 de la LRTFP, la révision de la décision concernant le grief et les plaintes qu’elle avait déposés contre son employeur - elle alléguait dans son grief qu’elle avait été victime de harcèlement, et dans ses plaintes, qu’il y avait eu violation du Code canadien du travail - après l’audience, la demanderesse a tenté de soumettre des documents supplémentaires, mais on lui a dit qu’aucun élément de preuve ou argument supplémentaire ne serait accepté - une décision a été rendue, et la demanderesse a présenté une demande de contrôle judiciaire auprès de la Cour fédérale et de la Cour d’appel fédérale - elle a ensuite présenté sa demande en vertu de l’article 43, laquelle a été mise en suspens en attendant la décision concernant sa demande de contrôle judiciaire - quand la Cour d’appel fédérale a rejeté la demande de contrôle judiciaire de la demanderesse, l’affaire a été examinée sur la base d’arguments écrits - on ne peut pas remettre en litige le fond d’une affaire en vertu de l’article 43 - les documents présentés à l’appui de la présente demande étaient des copies de ceux déposés à l’appui des demandes de contrôle judiciaire de la demanderesse, notamment des copies des pièces acceptées ou rejetées par la Commission lors de l’audience de l’affaire - la demanderesse tentait de remettre en litige des questions déjà tranchées dans le but d’obtenir des résultats différents - la Cour d’appel fédérale avait déjà entendu ces arguments - la Commission était liée par la décision de la Cour d’appel fédérale - les documents présentés ne contenaient aucun nouvel élément de preuve concernant les plaintes - comme il n’y a eu aucun manquement aux principes de justice naturelle et qu’aucun nouvel élément de preuve n’a été présenté, une demande en vertu de l’article 43 doit être rejetée. Demande rejetée.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2012-11-28
  • Dossier:  525-02-43 XR: 560-02-58, 65, 66 et 68
  • Référence:  2012 CRTFP 127

Devant une formation de la
Commission des relations de travail
dans la fonction publique


ENTRE

ZABIA CHAMBERLAIN

demandresse

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences)

défendeur

Répertorié
Chamberlain c. Conseil du Trésor (ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences)

Affaire concernant une demande d’exercice par la Commission de l’un ou l’autre des pouvoirs prévus à l’article 43 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Margaret T.A. Shannon, une formation de la Commission des relations de travail dans la fonction publique

Pour la demandresse:
Elle-même

Pour le défendeur:
Caroline Engmann, avocate

Décision rendue sur la base d’arguments écrits
déposés le 9 juin 2011, le 8 novembre 2011 et les 11 et 12 juillet 2012.
(Traduction de la CRTFP)

Demande devant la Commission

1 Zabia Chamberlain (la « demanderesse ») demande la révision de la décision 2010 CRTFP 130 en vertu de l’article 43 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la « Loi ») en invoquant la jurisprudence se rapportant à l’application de l’article précité, de nouveaux éléments de preuve obtenus par la demanderesse entre le mois d’août 2010 et le 26 avril 2011, des arguments qu’elle n’a pas pu faire valoir lors de l’audition de ses plaintes du 26 au 30 juillet 2010, que le témoignage d’un des témoins avait été ignoré, que la preuve non équivoque de l’imposition à son égard de sanctions pécuniaires avait été ignorée, que des pièces présentées en preuve avaient été ignorées, qu’il n’avait pas été dûment tenu compte de la jurisprudence qu’elle avait présentée au soutien de sa cause, et que les arguments écrits déposés par les deux parties avaient été ignorés. Elle allègue qu’en conséquence de ce qui précède, elle n’a pas eu droit à une audition juste et impartiale. À titre de redressement, la demanderesse demande que la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la « Commission ») annule sa décision 2010 CRTFP 130 et accepte d’exercer sa compétence relativement à ses plaintes.

Résumé de la preuve

2 Le 3 décembre 2008, la demanderesse a déposé un grief, alléguant que son employeur, le ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences, n’avait pas traité comme il se devait le harcèlement dont elle se disait victime de la part de son superviseur. En 2009, elle a également déposé quatre plaintes connexes alléguant des contraventions à l’article 133 du Code canadien du travail. Le grief et les plaintes ont été entendus ensemble du 16 au 30 juillet 2010. Après l’audition, la demanderesse a tenté à plusieurs reprises de soumettre des documents supplémentaires. Le 27 octobre 2010, le greffe de la Commission a avisé la demanderesse qu’il n’accepterait pas d’autres éléments de preuve ou d’arguments. La décision a été rendue le 13 décembre 2010. Le décideur a conclu qu’il n’avait pas compétence pour instruire le grief et l’a donc rejeté. Il a par contre accepté la compétence relativement aux quatre plaintes, mais seulement pour ce qui est des représailles exercées par l’employeur le 23 janvier 2009 ou après, concluant par ailleurs que d’autres éléments des plaintes étaient hors délai. Une fois cette décision rendue, la demanderesse a cherché à savoir auprès de la Commission pourquoi on n’y faisait aucune mention de la jurisprudence qu’elle avait présentée dans son argumentation, ni du harcèlement dont elle se plaignait de la part du Secrétariat du Conseil du Trésor à son égard. La Commission lui a répondu le 23 décembre 2010.

3 La demanderesse a présenté une demande de contrôle judiciaire relativement à la partie de la décision se rapportant aux violations alléguées du Code canadien du travail, L.R.C. (1985), ch. L-2, invoquant entre autres des manquements à l’équité procédurale. Elle a demandé également à la Cour fédérale d’exercer un contrôle judiciaire relativement à la partie de la décision rejetant son grief pour manque de compétence. Les deux demandes de contrôle judiciaire ont été déposées auprès de la Cour fédérale et de la Cour d’appel fédérale avant que la demanderesse ne soumette la présente demande fondée sur l’article 43 de la Loi.

4 Dans ses arguments déposés à la Cour d’appel fédérale, la demanderesse a fondé sa demande sur l’allégation que la Commission ne lui avait pas donné une juste possibilité de faire valoir ses arguments. Elle a allégué que la Commission avait refusé de délivrer des citations à comparaître aux témoins qu’elle voulait assigner, le membre de la formation ayant accueilli les objections de l’employeur à l’égard des citations à comparaître. Elle a aussi allégué que le fait de consacrer les cinq journées d’audition à l’objection de compétence soulevée par l’employeur était injuste. Elle a soutenu que la Commission n’avait pas été impartiale envers elle dans le traitement de son dossier, qu’elle n’avait pas tenu compte de plusieurs des documents ni de la jurisprudence qu’elle lui avait soumise, que la Commission avait tenu davantage compte de la jurisprudence présentée par l’employeur, et qu’elle avait tiré des conclusions de fait avec lesquelles elle était en désaccord. Une grande partie des documents et des arguments précités ont également été invoqués devant la Cour fédérale dans le cadre de sa demande de contrôle judiciaire relativement à son grief et également au soutien de la présente demande.  

5 Le 9 juin 2011, la demanderesse a présenté sa demande en vertu de l’article 43, à laquelle elle joignait une série de documents au soutien de celle-ci. Il s’agissait essentiellement des mêmes documents que ceux déposés auprès de la Cour fédérale et de la Cour d’appel fédérale au soutien de sa demande de contrôle judiciaire de la décision 2010 CRTFP 130. La demanderesse avait également joint à sa demande des attestations des membres de son réseau de soutien présents à l’audience devant la Commission et qui avaient remarqué que le membre de la formation était impatient et sec dans ses interventions auprès de la demanderesse.

6 Puisque sa demande de contrôle judiciaire devant la Cour d’appel fédérale était toujours en instance au moment du dépôt de la présente demande, la demanderesse a été avisée le 12 septembre 2011 que la décision visant la présente demande était mise en suspens en attendant la décision de la Cour. La demande de contrôle judiciaire a été rejetée le 8 février 2012, et l’autorisation d’en appeler à la Cour suprême du Canada a été refusée le 9 août 2012.

Résumé de l’argumentation

7 Dans un courriel envoyé à la Commission le 8 novembre 2011, la demanderesse a affirmé que sa demande fondée sur l’article 43 soulevait des questions d’équité procédurale et de justice naturelle dans les procédures engagées devant la Commission dans 2010 CRTFP 130, et que la jurisprudence de la Commission soutenait sa demande. Elle a renvoyé en particulier aux décisions de la Commission rendues dans Bouchard c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2009 CRTFP 31, Martel c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2009 CRTFP 151, et Bremsak c. Institut professionnel de la fonction publique, 2010 CRTFP 126. Ces décisions se rapportent toutes à des demandes présentées en vertu de l’article 43 de la Loi. La demanderesse a fait valoir que bien que ses demandes de contrôle judiciaire soient toujours en instance, la Commission jouissait néanmoins de toute la compétence voulue et un mandat prescrit par la loi pour qu’elle agisse de manière crédible, juste et équitable et pour qu’elle exerce judicieusement les pouvoirs qui lui ont été conférés dans le cadre de son mandat.

8 L’employeur s’est opposé à cette demande en disant qu’il s’agissait plutôt d’une tentative de la part de la demanderesse de remettre en litige les questions déjà tranchées dans 2010 CRTFP 130, alors que la demanderesse en avait déjà demandé le contrôle judiciaire.

Motifs

9 Dans Chaudhry c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2009 CRTFP 39, le commissaire a énoncé les paramètres ou les critères conditionnant une révision d’une décision par la Commission. L’une d’elles est qu’une décision rendue en vertu de l’article 43 de la Loi ne doit pas remettre en litige le fond de l’affaire (voir le paragraphe 29).

10 J’ai lu attentivement chaque page des documents présentés par la demanderesse au soutien de sa demande ainsi que l’ensemble de la correspondance au dossier de la Commission. Les documents présentés sont en fait des copies de ceux déposés au soutien de ses demandes de contrôle judiciaire, notamment des copies des pièces acceptées ou rejetées, selon le cas, par la formation de la Commission dans le cadre du processus d’audition ayant abouti à 2010 CRTFP 130.

11 Je conviens avec l’employeur qu’il s’agit en l’espèce d’une tentative de remettre en litige les décisions rendues par une formation de la Commission dans le cadre d’une audition afin de chercher à obtenir un résultat différent. Il s’agit également d’une tentative visant à obtenir un résultat différent de celui obtenu dans le cadre des demandes de la demanderesse présentées à la Cour d’appel fédérale et la Cour fédérale. Les arguments avancés par la demanderesse au soutien de la présente demande sont les mêmes que ceux qui ont été examinés par la Cour d’appel fédérale dans Chamberlain c. Canada (Procureur général), 2012 CAF 44, et la Cour fédérale dans Chamberlain c. Canada (Procureur général), 2012 CF 1027.

12 Aux paragraphes 14 à 22 de sa décision, la Cour d’appel fédérale a examiné les allégations ayant trait à l’équité procédurale, aux erreurs de droit et au caractère raisonnable des conclusions de la Commission en ce qui concerne les prétentions de la demanderesse fondées sur le Code canadien du travail.

13 Notamment, aux paragraphes 19 à 22 de cette décision, en justifiant son rejet de la demande de contrôle judiciaire présentée par la demanderesse, la Cour d’appel fédérale s’est exprimée en ces termes :

[19] Le fait que Mme Chamberlain ne soit pas d’accord avec les conclusions de la Commission, avec son appréciation de la pertinence des documents dont elle disposait ou de son choix des documents auxquels elle a fait référence dans ses motifs, est loin d’établir qu’une personne raisonnable, ayant étudié la question en profondeur de façon pratique, arriverait à la conclusion que la Commission n’avait pas prononcé de décisions équitables sur les plaintes de Mme Chamberlain

(ii) erreurs de fond

[20] Je ne suis pas convaincu par les observations écrites ou orales de Mme Chamberlain que la Commission a commis une erreur de droit ou de fait susceptible de contrôle. À l’audience, elle a insisté sur le fait que, en l’absence de preuve de représailles de la part de l’employeur, la Commission s’était trop appuyée sur les faits établis par l’arbitre en rejetant les griefs, notamment l’absence de preuve prima facie que l’employeur avait pris des mesures disciplinaires à l’égard de Mme Chamberlain parce qu’elle avait invoqué ses droits en vertu du Code.

[21] En l’espèce, il y a des similitudes importantes entre les concepts de représailles et de discipline, et la preuve s’y rapportant. Par conséquent, je suis d’avis qu’il n’était pas déraisonnable pour la Commission d’accorder beaucoup de poids aux conclusions sur les griefs lorsqu’elle a tiré des conclusions analogues sur les plaintes.

[22] J’ajouterai uniquement que les raisons données par la Commission indiquent qu’elle a traité de façon exhaustive et équitable des plaintes et des questions soulevées malgré le fait que les observations de Mme Chamberlain étaient volumineuses et portaient à confusion.

14 La demanderesse a également présenté à la Cour fédérale une autre demande de contrôle judiciaire, visant cette fois la décision de l’arbitre de grief de rejeter son grief. Et dans cette demande également, la demanderesse a allégué que l’arbitre de grief avait manqué aux exigences d’équité procédurale et avait fait preuve de partialité. La Cour fédérale, au paragraphe 8 de sa décision, souligne que les allégations de partialité et de manquement à l’obligation d’équité procédurale avaient été étudiées par la Cour d’appel fédérale dans sa décision portant sur les allégations en lien avec le Code canadien du travail (voir 2012 CF 1027).

15 Au paragraphe 20 de la décision, la Cour fédérale note que les observations écrites déposées aux deux Cours au soutien des demandes de contrôle judiciaire étaient très similaires en ce qui avait trait aux questions de l’équité procédurale et de la partialité. Devant ces deux instances, la demanderesse a soutenu qu’on ne lui avait pas donné l’occasion de présenter pleinement ses arguments, qu’on n’avait pas suffisamment tenu compte de la preuve et de la jurisprudence soumises, et qu’on n’avait pas délivré des citations à comparaître aux témoins qu’elle voulait assigner. La Cour fédérale a conclu que tous les éléments requis pour l’application du principe de préclusion découlant d’une question déjà tranchée étaient réunis dans le cas dont elle était saisie ainsi que dans le cas qui avait été présenté devant la Cour d’appel fédérale. Les mêmes parties étaient en cause dans les deux cas, une décision définitive avait été rendue dans le cas précédent, et la même question avait été tranchée dans le cas précédent. La Cour fédérale s’est de plus exprimée au paragraphe 25 :

[…]

[25] […] La Cour d’appel fédérale statue sur les appels interjetés des décisions de notre Cour et a tranché précisément la même question que celle qui m’est soumise en l’espèce en ce qui concerne le présumé parti pris dont aurait fait preuve l’arbitre et l’allégation qu’il a violé les principes d’équité procédurale. Par conséquent, je suis liée par l’arrêt Chamberlain et c’est également pour cette raison que les allégations formulées par Mme Chamberlain au sujet du parti pris et de l’équité procédurale doivent être rejetées.

[…]

16 Tel que mentionné plus tôt, j’ai lu attentivement chaque page des documents présentés par la demanderesse au soutien de sa demande. Les arguments sur lesquels se fonde sa demande en l’espèce sont analogues à ceux présentés au soutien de ses demandes de contrôle judiciaire de 2010 CRTFP 130 tant devant la Cour d’appel fédérale que la Cour fédérale. Puisque la Cour d’appel fédérale a statué que la demanderesse avait été traitée de façon équitable et qu’il n’y a eu aucun manquement aux principes de justice naturelle, la Commission, à l’instar de la Cour fédérale, est liée par cette décision. En conséquence, je conclus qu’il n’existe aucune base permettant d’accueillir la demande de la demanderesse.

17 Aussi tel que mentionné plus tôt, je conclus que la présente demande en vertu de l’article 43 de la Loi est une tentative de la part de la demanderesse de remettre en litige les questions déjà tranchées par la Commission. Je ne vois rien dans les documents présentés par la demanderesse qui indique des éléments de preuve nouveaux en lien avec les événements auxquels se rapportent les plaintes déposées en vertu du Code canadien du travail. En toute cohérence avec la jurisprudence de la Commission à cet égard, en l’absence de nouveaux éléments de preuve ou d’un manquement aux principes de justice naturelle, une demande en vertu de l’article 43 de la Loi doit être rejetée.

18 Pour ces motifs, la Commission rend la décision qui suit :

Ordonnance

19 La demande est rejetée.

Le 28 novembre 2012.

Traduction de la CRTFP

Margaret T.A. Shannon,
une formation de la
Commission des relations de travail
dans la fonction publique

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.