Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La fonctionnaire s’estimant lésée a accepté un poste à Ottawa pour lequel elle avait posé sa candidature - elle devait être réinstallée à partir de Marieville, au Québec, aux frais de l’employeur - lors de sa deuxième journée de travail, elle a mis sa réinstallation en suspens et s’est vue accorder des vacances et un congé de maladie, et ce, jusqu'à ce qu'elle reçoive des prestations d'invalidité - la fonctionnaire s'estimant lésée était diabétique et souffrait d’une sinusite au moment d’entrer en fonction - elle a fait l’objet d’un diagnostic de dépression alors qu’elle était en congé - lorsqu’elle a reçu une attestation confirmant qu'elle pouvait retourner travailler, son médecin a indiqué qu'un déménagement aurait des répercussions négatives pour sa santé - la fonctionnaire s'estimant lésée a demandé qu’on prenne des mesures d’adaptation - selon les recommandations de son médecin quant à ses capacités, elle devait trouver un poste situé dans un rayon de 30 à 40 kilomètres de sa résidence; il n’y en avait pas de disponible - la preuve a démontré que le télétravail n’était pas possible - la fonctionnaire s'estimant lésée a été renvoyée en cours de stage - l’employeur s’est opposé à la compétence de l’arbitre de grief pour instruire et trancher le grief - l’arbitre de grief a précisé qu'elle n'avait pas compétence en l'instance - il ne s'agissait pas de discrimination et le renvoi en cours de stage relevait uniquement de motifs liés à l’emploi. Griefs rejetés.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2012-03-26
  • Dossier:  566-02-3631 et 3632
  • Référence:  2012 CRTFP 38

Devant un arbitre de grief


ENTRE

MARIE-PASCALE MICHAUX

fonctionnaire s'estimant lésée

et

ADMINISTRATEUR GÉNÉRAL
(Ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences)

défendeur

Répertorié
Michaux c. Administrateur général (Ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences)

Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Linda Gobeil, arbitre de grief

Pour la fonctionnaire s'estimant lésée:
David Girard, Alliance de la Fonction publique du Canada

Pour le défendeur:
Martin Desmeules, avocat

Affaire entendue à Ottawa,
le 31 octobre et les 1er et 2 novembre 2011.

I. Grief individuel renvoyé à l'arbitrage

1 Marie-Pascale Michaux, la fonctionnaire s’estimant lésée, (la « fonctionnaire ») a déposé un grief le 9 juillet 2009 contestant son renvoi en cours de stage survenu le 15 juin 2009. Elle travaillait alors pour le ministère des Ressources humaines et Développement des compétences (« RHDCC » ou « l’employeur »). De plus, la fonctionnaire a allégué que son employeur ne l’a pas accommodée et a fait preuve de discrimination à son égard, ce qui constitue une infraction à l’article 19 de la convention collective conclue entre le Conseil du Trésor et l’Alliance de la Fonction publique du Canada, pour le groupe Services des programmes et de l’administration. Au moment de son renvoi, la fonctionnaire occupait un poste pour une durée indéterminée de conseillère, classifié PM-5, depuis le 1er décembre 2008.

2 Le 22 avril 2010, la fonctionnaire a renvoyé son grief à l’arbitrage à la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la « Commission ») en vertu de l’article 209 (1)c)(i) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la « Loi »). Tel que requis, elle a aussi fait parvenir un avis à la Commission canadienne des droits de la personne en vertu de l’article 210 de la Loi.

3 Le 14 juin 2011, l’employeur s’est opposé à la compétence de l’arbitre de grief d’entendre le grief de la fonctionnaire au motif que celle-ci n’a pas été rétrogradée ni licenciée aux termes de l’article 209(1)c) de la Loi mais qu’elle a plutôt été renvoyée en cours de stage pour défaut de se présenter au travail. L’employeur soutient que la fonctionnaire, après son embauche dans la fonction publique, à Ottawa, ne s’est présentée au travail qu’une journée et demie après quoi elle est retournée chez elle, à Marieville. Elle demande maintenant des mesures d’accommodement.

II. Résumé de la preuve

A. Remarques d’ouverture de l’employeur

4 Le représentant de l’employeur a précisé que l’article 211 de la Loi ne permet pas le renvoi à l’arbitrage d’un grief portant sur tout licenciement fait en vertu de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (la « LEFP »). Le représentant de l’employeur m’a renvoyée à la décision de la Cour Fédérale dans Kagimbi c. Canada (Procureur général), 2011 CF 527.

5 Le représentant de l’employeur a également soutenu que dans un cas de renvoi en cours de stage, l’employeur a le fardeau initial de démontrer que le renvoi a été effectué pour des raisons reliées à l’emploi, comme c’est d’ailleurs le cas ici. Il appartient ensuite au fonctionnaire de faire la preuve que le renvoi a été motivé par la mauvaise foi ou la discrimination. Le représentant de l’employeur m’a renvoyée à Souaker c Commission canadienne de sûreté nucléaire, 2009 CRTFP 145, au paragraphe 129, dans lequel on explique le rôle de l’arbitre de grief lorsqu’il y a allégation de discrimination.

6 Le représentant de l’employeur a maintenu que ma compétence comme arbitre de grief est limitée à déterminer s’il y a eu discrimination et non pas de voir si la décision est bien fondée. À cet égard, le représentant de l’employeur a réitéré que c’est à la fonctionnaire de démontrer qu’il y a eu discrimination; le cas échéant, il revient à l’employeur de justifier la mesure prise.

7 En l’espèce, le représentant de l’employeur a déclaré que la fonctionnaire, qui demeurait à Marieville, au Québec, s’est vue offrir un poste de conseillère (PM-5) à Ottawa, en novembre 2008. La fonctionnaire s’est préalablement qualifiée au terme d’un processus de dotation externe (ouvert au public). Le poste étant situé à Ottawa, la fonctionnaire s’était engagée à être réinstallée de Marieville à Ottawa aux frais de l’employeur. Elle s’est présentée à sa première journée de travail et, le lendemain, elle a indiqué que ça ne fonctionnerait pas à cause de sa condition médicale; elle est retournée à Marieville et n’est jamais revenue à Ottawa pour reprendre ses fonctions. Le 3 juin 2009, le représentant de l’employeur a soutenu que ce dernier avait un motif relié à l’emploi pour renvoyer la fonctionnaire en cours de stage à savoir que la fonctionnaire était, depuis le 2 décembre 2008, absente du travail et qu’il n’y avait aucune perspective de retour au travail à Ottawa à court, moyen ou long terme.

8 De plus, le représentant de l’employeur a soutenu que l’incapacité de la fonctionnaire semble liée au fait qu’elle devait déménager plutôt qu’à l’emploi comme tel.

9 Finalement, le représentant de l’employeur a déclaré que la fonctionnaire avait travaillé seulement une journée et demie après avoir été recrutée par voie de processus externe, ce qui est différent des autres cas jurisprudentiels où les périodes de travail ont été beaucoup plus longues.

B. Remarque d’ouverture du représentant de la fonctionnaire

10 Pour sa part, le représentant de la fonctionnaire a soutenu que la preuve allait démontrer que la fonctionnaire a passé 14 jours à se préparer pour la réinstallation de Marieville à Ottawa et que ces préparatifs, pendant qu’elle occupait toujours un autre emploi, ont contribués à la détérioration de sa condition médicale.

11 Le représentant de la fonctionnaire a confirmé que la fonctionnaire, qui est diabétique, avait quitté son emploi après la deuxième journée. Toutefois, il a souligné que le médecin de la fonctionnaire avait confirmé que le déménagement avait occasionné une dégradation de son état de santé. Toutefois, en mai 2009, la fonctionnaire était redevenue apte à travailler malgré une limitation quant au lieu de travail.

12 Le représentant de la fonctionnaire a aussi soutenu que l’employeur n’avait pas contesté les certificats médicaux soumis par cette dernière. De plus, il a déclaré que le motif du départ de la fonctionnaire était lié directement à son handicap et que cette dernière avait informé l’employeur, au moment de l’embauche, qu’elle était diabétique.

13 Le représentant de la fonctionnaire a convenu qu’il avait le fardeau de démontrer que l’employeur avait agi de façon discriminatoire envers celle-ci. Par ailleurs, il a soutenu qu’il revenait à l’employeur de démontrer que le véritable motif du licenciement est autre que discriminatoire.

14 Le représentant de la fonctionnaire a maintenu également que les efforts de l’employeur en vue d’accommoder la fonctionnaire étaient très limités et ne correspondaient pas aux critères développés par la jurisprudence à ce chapitre.

15 Finalement, le représentant de la fonctionnaire a plaidé qu’il ne fallait pas tenir compte du fait que la fonctionnaire n’avait travaillé qu’une journée et demie. Il serait dangereux, selon lui, de décider en tenant compte de ce facteur seulement. Il faut se demander si la fonctionnaire a été renvoyée à cause de son handicap et, si oui, si l’employeur a respecté son obligation de l’accommoder.

II. La preuve

A. Preuve de l’employeur

16 L’employeur a fait entendre trois témoins et a déposé trois pièces. Le représentant de la fonctionnaire a fait entendre trois témoins, incluant la fonctionnaire, et a déposé six pièces. L’employeur a également, avec l’assentiment du représentant de la fonctionnaire, déposé en preuve un cartable contenant plusieurs pièces justificatives : pièce 1.

17 Mme Penny Hammell a témoigné pour le compte de l’employeur.

18 Mme Hammell a travaillé à RHDCC pendant une quinzaine d’années avant de prendre sa retraite de la fonction publique, il y a un an, après 39 années de service. Au moment de sa retraite, le 13 novembre 2010, elle était directrice du Programme de partenariats pour le développement social établi sous l’égide de RHDCC, essentiellement responsable de la gestion des subventions et des contributions à l’intention des familles et des enfants.

19 Mme Hammell a témoigné qu’à titre de directrice du programme, elle dirigeait une section comportant sept postes de conseillers classifiés au niveau PM-5. Les autres postes étaient administratifs, notamment classifiés AS-1 et AS-2. Lorsque tous les postes étaient comblés, l’effectif comptait 12 fonctionnaires.

20 Mme Hammell a expliqué que le mandat de sa section consistait à approuver les subventions et les contributions en réponse aux diverses demandes de propositions à cet effet. Le personnel de sa section traite des projets et des propositions visant à obtenir des subventions et des contributions pour soutenir des familles et des enfants dans l’ensemble du pays.

21 Elle a indiqué que tout le personnel de sa section, y compris elle-même, travaille dans le même édifice situé à Vanier (Ottawa). Elle a précisé qu’il s’agissait d’un programme national administré à Ottawa et qu’il n’y avait aucun bureau régional ailleurs au pays.

22 Mme Hammell a précisé qu’en raison de la nature du travail, les conseillers devaient travailler ensemble au même endroit. Elle a signalé que les conseillers n’avaient pas de charge de travail attitrée; lorsque les propositions arrivaient, le travail était alors affecté à chacun d’entre eux. Mme Hammell a précisé que comme le programme n’était pas divisé en fonction des régions géographiques, il n’était pas utile de répartir les conseillers partout au pays.

23 Mme Hammell a témoigné qu’en septembre 2008, à la suite d’un processus de dotation pour un poste PM-5, Mme Fuchs et elle ont interviewé la fonctionnaire, qui faisait alors partie d’un bassin de candidates et de candidats présélectionnés. Elles lui ont offert un poste. Mme Hammell a précisé que l’entrevue avait eu lieu dans son bureau situé à Vanier (Ottawa). Mme Michaux a été embauchée dans le cadre d’un processus de dotation externe.

24 Lors de son témoignage, Mme Hammell a reconnu la lettre d’offre datée du 7 novembre 2008 du poste classifié PM-5 qui a été envoyée à la fonctionnaire par Mme Liz Rootham, dans laquelle la date du 1er décembre 2008 était précisée à titre de date d’entrée en fonctions. La ville de Gatineau était inscrite comme étant la ville de travail, toutefois les parties ont toujours compris que le lieu de travail du groupe Programme de partenariat pour le développement social était situé à Ottawa

25 Mme Hammell a indiqué qu’elle et la fonctionnaire avaient convenu lors de l’entrevue de septembre 2008, que l’entrée en fonction de la fonctionnaire serait fixée au mois de décembre 2008 pour permettre à cette dernière de procéder à sa réinstallation de Marieville à Ottawa. Mme Hammell a précisé que la date d’entrée en fonction avait été convenue mutuellement entre elle et la fonctionnaire, et que cette dernière n’avait pas manifesté quelque préoccupation quant au choix de cette date.

26 Mme Hammell a précisé que la fonctionnaire ne lui avait jamais mentionné, entre le moment où le poste lui a été offert et son arrivée à Ottawa en décembre 2008, qu’elle était particulièrement stressée en raison de son déménagement à Ottawa.

27 Mme Hammell a témoigné que la première journée de travail de la fonctionnaire a eu lieu le 1er décembre 2008. Lors de cette journée, la fonctionnaire a assisté à une séance d’orientation afin de se familiariser avec son travail et à une réunion pour faire connaissance avec ses nouveaux collègues de travail. Mme Hammell a indiqué que tout s’était bien passé au cours de cette première journée de travail. La deuxième journée, la fonctionnaire a demandé à Mme Hammell de venir parler avec elle dans la cuisinette du bureau. Mme Hammell a précisé que c’est alors que la fonctionnaire lui a dit qu’elle souffrait d’une incapacité, qu’elle se sentait dépassée par les événements et qu’elle était « tout à l’envers ».

28 Mme Hammell a témoigné que la fonctionnaire était alors troublée et avait la larme à l’œil. Mme Hammell a indiqué qu’elle avait alors dit à la fonctionnaire que sa santé était prioritaire, et qu’elle devrait prendre un congé de maladie et des journées de congé de sa banque de vacances annuelles pour pouvoir se remettre sur pied et lui permettre de prendre une décision éclairée.

29 Mme Hammell a témoigné qu’elle avait été surprise de la réaction de la fonctionnaire; elle ne s’y attendait pas. Elle a dit que, bien que la rencontre ait duré une trentaine de minutes, la fonctionnaire ne lui avait pas précisé ce qui la bouleversait tant.

30 Mme Hammell a notamment indiqué que, lors de cette rencontre, la fonctionnaire n’avait jamais mentionné qu’elle souhaitait obtenir un autre poste, et ce, même à un niveau différent, pourvu que cela soit plus près de chez elle, ou qu’elle souhaitait travailler en mode télétravail. Pour Mme Hammell, l’important était la santé de la fonctionnaire, qu’elle prenne le temps de se calmer et de réfléchir à ce qu’elle devait faire. En réponse à une question du représentant de la fonctionnaire, Mme Hammell a indiqué ne pas se souvenir que la question de la réinstallation de la fonctionnaire avait été abordée lors de la rencontre du 2 décembre 2008. Elle a souligné que sa priorité était de s’assurer que la fonctionnaire allait bien et avait le temps de réfléchir à ce qu’elle voulait faire. Quant au courriel envoyé par la fonctionnaire le 2 décembre 2008, Mme Hammell a témoigné qu’elle n’avait jamais demandé à la fonctionnaire d’annuler sa réinstallation, ne voulant pas la bouleverser davantage. Selon Mme Hammell, la fonctionnaire a décidé de son propre chef de mettre fin à la réinstallation.

31 Mme Hammell a indiqué que, lors de la rencontre du 2 décembre 2008, la fonctionnaire lui avait mentionné que son incapacité était attribuable au diabète. Mme Hammell a affirmé que la fonctionnaire ne lui avait pas parlé d’hypertension à ce moment-là.

32 Le même jour, le 2 décembre 2008, la fonctionnaire, une fois partie du bureau, a téléphoné à Mme Hammell pour lui dire qu’elle demandait l’annulation de sa réinstallation de Marieville à Ottawa (pièce -1, onglet 5).

33 Mme Hammell a indiqué que, le 3 décembre 2008, elle et la fonctionnaire ont discuté de la situation. Mme Hammell a alors conseillé à la fonctionnaire de communiquer avec le service des ressources humaines de RHDCC afin de discuter avec eux des possibilités qui s’offraient à elle.

34 Mme Hammell a également fait état d’un courriel envoyé par la fonctionnaire à Mme France Rioux, de Royal Lepage, le 4 décembre 2008, dans lequel la fonctionnaire écrivait que son "affectation à Ottawa n’est pas la bonne chose à faire" pour elle à ce moment-ci et qu’après en avoir discuté avec sa supérieure immédiate, elle avait décidé d’annuler ses réservations d’hôtel et de retourner chez elle afin de réfléchir à ce qu’elle devait faire (pièce 1, onglet 6).

35 Mme Hammell a souligné que le 8 décembre 2008, la fonctionnaire avait demandé un congé de maladie pour les 3, 4 et 5 décembre 2008, et aussi des vacances du 8 décembre au 22 décembre 2008. Mme Hammell lui a accordé sa demande.

36 Mme Hammell a indiqué que le 8 décembre 2008, elle a fait savoir à Mme Ethier, de la section des réinstallations de RHDCC, qu’elle appuyait la demande de Mme Michaux d’annuler sa réinstallation de Marieville à Ottawa. Mme Hammell a également mentionné que, le 9 décembre 2008, elle a envoyé un courriel à Mme Tammy Simpson, du service des ressources humaines, pour lui demander des conseils sur la façon de procéder pour combler le poste de Mme Michaux pendant qu’elle était en congé. Mme Hammel était à court d’effectif et avait besoin de quelqu’un même si le poste était déjà comblé par la fonctionnaire.

37 Mme Hammell a témoigné que, le 11 décembre 2008, elle avait reçu une copie du courriel envoyé par la fonctionnaire à Mme Simpson le 9 décembre dans lequel la fonctionnaire demandait notamment des mesures d’adaptation comme le télétravail. (pièce 1, onglet 10).

38 Mme Hammell a souligné que durant la semaine du 8 décembre 2008, elle avait parlé avec la fonctionnaire. Puisque cette dernière ne trouvait pas de poste dans la région de Marieville, il a été décidé que Mme Hammell réactiverait sa demande de réinstallation à Ottawa. Mme Hammell a témoigné qu’elle était contente d’apprendre le retour de la fonctionnaire. Le 17 décembre 2008, la réinstallation de la fonctionnaire à Ottawa a été réactivée à la demande de Mme Hammell, tel qu’il a été confirmé dans l’échange de courriel entre Mme Hammell et Mme Ethier de la section des réinstallations de RHDCC (pièce 1, onglet 13).

39 Le 22 décembre 2008, à la demande de Mme Linda Koo, agente des relations syndicales auprès de l’Élément national de l’Alliance de la Fonction publique du Canada, Mme Hammell a confirmé que la fonctionnaire avait décidé d’aller de l’avant avec sa réinstallation à Ottawa car elle n’avait pas trouvé de travail dans la région de Marieville et que son poste était toujours disponible (pièce 1, onglet 14).

40 Toutefois, Mme Hammell a témoigné que, le 22 décembre 2008, elle a reçu un courriel de la fonctionnaire dans lequel celle-ci indiquait qu’elle ne se présenterait pas au travail le 23 décembre 2008 comme prévu, et qu’elle demandait des mesures d’adaptation en vertu de son état. Un premier certificat du Dr Gagnon en date du 18 décembre 2008 était joint à ce courriel de la fonctionnaire. Ledit certificat médical faisait état de la détérioration de la santé de la fonctionnaire suite à son déménagement à Ottawa (pièce 1, onglet 12).

41 Mme Hammell a témoigné que du 22 décembre 2008 jusqu’en mai 2009, elle n’avait pas eu à traiter personnellement avec la fonctionnaire; le service des ressources humaines s’occupait alors de son dossier. Mme Hammell a indiqué avoir reçu un autre certificat médical du Dr Gagnon daté du 16 avril 2009. Ce certificat médical indiquait que la fonctionnaire ne pouvait pas retourner à Ottawa puisqu’une réaffectation de la fonctionnaire en dehors de la région de son domicile serait nocive pour sa santé.

42 Mme Hammell a témoigné qu’elle a alors écrit à la fonctionnaire, le 7 mai 2009, pour l’informer qu’elle devait soit se présenter au travail, soit démissionner de son poste. Elle a ajouté que si elle ne se présentait pas au travail le 8 juin 2009, elle serait renvoyée en cours de stage.

43 Mme Hammell a témoigné qu’elle a écrit la lettre à la fonctionnaire en date du 7 mai 2009 car la fonctionnaire avait auparavant exprimé le désir de revenir à Ottawa étant donné qu’elle ne trouvait pas d’emploi dans les environs de Marieville.

44 En ce qui concerne le certificat médical du 16 avril 2009 du Dr Gagnon, Mme Hammell a indiqué qu’à part la mention que la fonctionnaire ne pouvait être réinstallée à Ottawa, aucune raison médicale ni solution de rechange quant à son travail à Ottawa n’y étaient mentionnés. En réponse à une question du représentant de la fonctionnaire, Mme Hammell a indiqué qu’elle n’avait pas demandé de précision au Dr Gagnon quant à la nature de la maladie de la fonctionnaire (de façon générale, les médecins n’indiquent pas cette information sur les certificats médicaux remis à l’employeur). A cet égard, Mme Hammell a précisé qu’il ne lui revenait pas de questionner le certificat médical fourni par la fonctionnaire.

45 Mme Hammell a témoigné avoir reçu des précisions du Dr Gagnon, en date du 29 mai 2009 (pièce 1 onglet 26, Annexe C), selon lesquelles la fonctionnaire ne pouvait travailler que dans un rayon de 30 à 40 kilomètres de Marieville, en excluant l’île de Montréal. C’est alors que Mme Hammell, après la lettre du 7 mai 2009, a envoyé, le 3 juin 2009, une autre lettre à la fonctionnaire lui enjoignant, une fois encore, de se présenter au travail le 8 juin 2009 à défaut de quoi elle serait renvoyée en cours de stage (pièce 1, onglet 24).

46 Quant au lieu de travail et à la question de savoir si le travail de la fonctionnaire pouvait être effectué à partir de Marieville, Mme Hammell a précisé qu’il était impossible d’effectuer le travail de la fonctionnaire à l’extérieur du bureau d’Ottawa. Mme Hammell a réitéré qu’elle administre un programme national centralisé à Ottawa, que les demandes ne sont pas traitées en tenant compte de la région de leur provenance et qu’il n’y a pas de bureau régional. Mme Hammell a indiqué que les employés n’ont pas de dossiers assignés à eux spécifiquement, ils doivent travailler ensemble. De plus, les demandes de subventions ont évidemment une composante financière et les employés doivent souvent consulter leurs collègues des services financiers qui sont localisés, eux aussi, à Ottawa.

47 Mme Hammell a indiqué que, malgré tout, les ressources humaines de RHDCC ont entrepris des démarches afin de trouver un autre emploi à la fonctionnaire dans la région de Marieville (pièce 1, onglets 16, 17, 18).

48 Mme Hammell a conclu en disant que comme la fonctionnaire ne s’est pas présentée à Ottawa le 8 juin 2009, Mme Liz Rootham a mis fin à l’emploi de celle-ci en vertu de l’article 62 de la LEFP, après lui avoir indiqué qu’un montant tenant lieu de préavis lui serait versé.

49 Mme Eryka Bradford a été l’autre témoin de l’employeur.

50 Mme Bradford a témoigné que pendant la période en question, elle était conseillère en relations de travail à RHDCC. Elle a indiqué qu’elle a été impliquée dans le dossier de la fonctionnaire à partir de février 2009. Sa connaissance du dossier à l’époque était que la fonctionnaire avait été choisie à la suite d’un processus de dotation externe RHDCC et qu’elle avait accepté d’être réinstallée de Marieville à Ottawa. Toutefois, une journée et demie après le début de son emploi, la fonctionnaire s’est déclarée malade et a avisé la direction de RHDCC qu’elle devait s’absenter du travail. La fonctionnaire n’est jamais retournée au travail.

51 Mme Bradford a témoigné que la fonctionnaire avait remis à la direction un premier certificat médical indiquant une absence du 3 décembre 2008 au 24 mars 2009, accompagné d’une note du médecin datée du 18 décembre 2008 précisant que l’éloignement avait contribué à une détérioration de l’état de santé de la fonctionnaire. Un autre certificat médical du même médecin, en date du 24 mars 2009 a été remis à la direction, indiquant un prolongement de l’arrêt de travail de la fonctionnaire jusqu’au 19 avril 2009. Enfin, une note du médecin de la fonctionnaire en date du 16 avril 2009 a été remise à la direction, précisant qu’une réaffectation de la fonctionnaire hors de la région de son domicile serait nocive pour la santé de celle-ci (pièce 1, onglet 26, annexe C).

52 Mme Bradford a indiqué qu’à la suite du deuxième certificat médical du 24 mars 2009, la direction de RHDCC a décidé de prolonger le congé de la fonctionnaire. Mme Bradford a témoigné qu’après discussion avec la direction de RHDCC sa compréhension du certificat médical du 16 avril 2009 était que la fonctionnaire était capable de travailler mais pas à Ottawa.

53 Mme Bradford a indiqué avoir contacté le représentant syndical de la fonctionnaire, M. Archambault, le 27 mai 2009 après avoir reçu la note du médecin de la fonctionnaire datée du 16 avril 2009 indiquant qu’il serait nocif pour la fonctionnaire de travailler hors de la région de son domicile et qu’elle ne pouvait donc pas travailler à Ottawa. Mme Bradford voulait obtenir des précisions quant à ce qui constituait la « région du domicile » de la fonctionnaire tel qu’en fait mention le certificat médical du Dr Gagnon en date du 16 avril 2009. De même, elle voulait connaître le niveau de poste que la fonctionnaire était prête à accepter advenant une rétrogradation (pièce 1, onglet 19).

54 Le 28 mai 2009, M. Archambault a répondu à Mme Bradford et à Mme Hammell au sujet des préférences de la fonctionnaire et il a obtenu des précisions du Dr Gagnon concernant les limites de la région du domicile (pièce 1, onglets 20, 21 et l’Annexe C de l’onglet 26).

55 Mme Bradford a indiqué que même si elle était d’avis que, dans les circonstances, RHDCC n’avait pas à trouver un autre emploi à la fonctionnaire, elle a néanmoins contacté des gestionnaires de RHDCC et des collègues d’autres ministères pour tenter d’aider la fonctionnaire à se trouver un autre emploi. Mme Bradford a indiqué que c’était la chose à faire et qu’à son avis un employeur se doit d’agir ainsi.

56 À cet égard, Mme Bradford a témoigné quant aux tentatives, pour trouver un autre emploi à la fonctionnaire, effectuées par courriel auprès d’autres divisions de RHDCC ainsi que d’autres ministères (pièce 1 onglets16 à 20, 23). Mme Bradford a indiqué que certains de ses contacts ont renvoyé son courriel à des gestionnaires de leur ministère, la plupart ont indiqué qu’ils prenaient note de sa demande.

57 Mme Bradford a témoigné qu’elle avait fait parvenir à M. Archambault, entre autres, le courriel du 15 mai 2009 (pièce 1, onglet 17) destiné à Mme Ann Demers où deux ministères potentiels sont mentionnés. Mme Bradford a indiqué qu’elle n’avait toutefois pas elle-même communiqué avec ces deux ministères et que la responsabilité de faire le suivi incombait à la fonctionnaire.

58 Mme Bradford a témoigné qu’autour du mois d’avril 2009 elle a eu trois ou quatre discussions avec M. Archambault au cours desquelles ils ont tenté de trouver une solution. Mme Bradford a mentionné que M. Archambault tentait de trouver un autre poste à la fonctionnaire, mais qu’il n’avait jamais suggéré de postes précis.

59 En contre-interrogatoire, Mme Bradford a indiqué qu’à la suite de la demande de M. Archambault visant à savoir si la direction était d’accord avec le contenu des certificats médicaux, elle lui a répondu que la direction ne doutait pas de la véracité desdits certificats.

60 Mme Bradford a indiqué que le 2 juin 2009 elle a eu une discussion téléphonique, qu’elle a consigné dans une note au dossier, durant laquelle M. Archambault l’a avisé qu’il allait faire une plainte à la Commission des droits de la personne sur la base de discrimination relative à l’incapacité de la fonctionnaire. Mme Bradford a indiqué qu’elle avait alors demandé à M. Archambault des précisions sur les mesures d’accommodement demandées ainsi que les niveaux de postes que la fonctionnaire était prête à accepter.

61 Quant à la lettre de Mme Hammell en date du 3 juin 2009 intimant à la fonctionnaire de se présenter au travail le 8 juin 2009 à défaut de quoi elle serait renvoyée en cours de stage, Mme Bradford a indiqué qu’il s’agissait d’une dernière chance laissée à la fonctionnaire avant de mettre fin à son emploi. La fonctionnaire ne s’est jamais présentée au travail. À cet égard, Mme Bradford a indiqué être l’auteure de la lettre signée par Mme Hammell le 3 juin 2009 mais que cette dernière l’avait revue avant de la signer. Mme Bradford a témoigné que la décision de mettre fin à l’emploi de la fonctionnaire était celle de Mme Hammell.

62 Mme Bradford a témoigné que la fonctionnaire a été renvoyée en cours de stage car elle ne s’est pas présentée à son travail alors que le certificat médical indiquait qu’elle pouvait travailler, à condition que les fonctions du poste puissent être effectuées dans les limites de la région de Marieville. Selon Mme Bradford, la fonctionnaire était en état de travailler à partir du 16 avril 2009 en autant que ce soit dans la région de son domicile, soit à Marieville.

63 Finalement, en réponse à une question du représentant de la fonctionnaire quant aux autres actions qui auraient pu être prises pour résoudre le problème, par exemple du télétravail, Mme Bradford a indiqué qu’à sa connaissance cette discussion avait déjà eu lieu entre Mme Hammell et la fonctionnaire et que le genre de travail à effectuer par la fonctionnaire ne se prêtait pas à de telles mesures.

64 Mme Lucie Richer a été le dernier témoin de l’employeur. Celle-ci a témoigné qu’elle occupe depuis le mois d’août 2011 un poste de conseillère à la dotation au Centre d’expertise de RHDCC. Auparavant, elle a été pendant 15 ans au service des affectations et des mutations, toujours avec RHDCC. Son rôle était alors d’administrer un programme visant à aider les gens de RHDCC qui voulaient changer d’emploi ou de région. Ses clients venaient principalement de RHDCC et communiquaient avec elle par courriels ou en personne. RHDCC faisait aussi partie, avec d’autres ministères, à un programme qui facilitait les cas de mutation d’employés pour une durée déterminée ou indéterminée à Ottawa. Ce programme, le « Departmental Assignment Program » (DAP) visait principalement les employés et les postes situés à Ottawa. Toutefois, Mme Richer a indiqué que le programme couvrait également certaines régions comme celle de Montréal. Le DAP regroupait entre 15 à 20 ministères participants.

65 Mme Richer a expliqué que normalement, si un employé voulait être muté à l’extérieur d’Ottawa, elle envoyait le CV de la personne aux ministères participants au DAP. Son rôle se limitait toutefois à vérifier à tous les six mois si l’employé avait été muté.

66 Mme Richer a témoigné que la fonctionnaire était inscrite au DAP du 2 décembre 2008 au 30 juin 2009 (pièce 1, onglet 4) et qu’à cet égard, son CV a été envoyé à 15 à 20 ministères. Mme Richer a également témoigné qu’un site Web, « La Passerelle de la mobilité » était également disponible pour les employés qui étaient intéressé par une mutation. Mme Richer a indiqué que malgré les efforts consacrés, les tentatives de trouver un emploi à la fonctionnaire dans la région de Marieville sont demeurées vaines. En contre-interrogatoire, Mme Richer a indiqué que dans la correspondance avec d’éventuels employeurs, elle inscrivait toujours la dernière adresse courriel, numéro de téléphone ou adresse fournis par l’employé. Il incombait à la fonctionnaire de s’assurer que les coordonnées fournies étaient à jour.

B. Preuve de la fonctionnaire

67 La fonctionnaire a témoigné qu’elle occupait présentement, depuis le 27 juillet 2009, un poste pour une durée déterminé auprès de l’Agence spatiale canadienne (l « Agence ») qui devait en principe prendre fin le 30 novembre 2011. La fonctionnaire a également précisé qu’au moment de son embauche dans un poste indéterminé à RHDCC le 1er décembre 2008, elle occupait un emploi déterminé auprès de l’Agence.

68 La fonctionnaire a témoigné qu’elle est diabétique depuis environ 1997. Elle a mentionné toutes les complications qu’une telle maladie peut engendrer, par exemple hyper-tension, un taux de cholestérol élevé, anémie. La fonctionnaire a indiqué qu’elle devait toujours faire attention puisque plusieurs facteurs peuvent avoir un impact sur le diabète, par exemple la fatigue, le stress, le cycle menstruel et la fièvre. Il est important de maintenir des heures de repas et de sommeil régulières. Mme Michaux a précisé qu’elle souffre de diabète de type 2 pour lequel elle ne prend pas d’insuline. Le contrôle du diabète dépend d’une certaine stabilité de vie. Elle doit toutefois prendre sept médicaments différents par jour. Elle est traitée pour une dépression depuis janvier 2009. En contre-interrogatoire, Mme Michaux a indiqué que le dosage de la médication peut être ajusté pour régulariser une situation.

69 La fonctionnaire a indiqué qu’elle avait déménagé plusieurs fois au cours de sa vie : 50 fois avant l’âge de 25 ans et de 7 à 10 fois depuis qu’elle a eu 25 ans. Son dernier déménagement avant d’obtenir le poste à RHDCC date de janvier 2006. Déménager n’a jamais été un problème. Ses 10 derniers déménagement ont tous été en Montérégie et ses emplois dans les derniers 25 ans ont été principalement en Montérégie.

70 La fonctionnaire a mentionné qu’elle avait commencé à chercher un poste à Ottawa en 2008 car c’est là que se trouvent les bons emplois. La fonctionnaire a témoigné qu’elle n’avait pas vraiment pensé à l’impact qu’un déménagement pourrait avoir sur sa santé; elle n’anticipait pas de problème.

71 La fonctionnaire a indiqué qu’elle avait été avisée vers la fin du mois d’octobre ou vers le début du mois de novembre 2008 qu’elle avait obtenu le poste classifié PM-5 à Ottawa comme conseillère auprès du Programme de partenariat de RHDCC. Autour du 13 et du 17 novembre 2008, la fonctionnaire a discuté avec Mme Hammell d’un problème relativement au libellé de la lettre d’offre. Elle a témoigné que lors de ces discussions elle a indiqué à Mme Hammell que la date d’entrée en fonction approchait et qu’elle se sentait nerveuse. Elle a demandé à Mme Hammell de repousser la date d’entrée en fonction, ce à quoi Mme Hammell aurait refusé car elle avait besoin de quelqu’un rapidement.

72 La fonctionnaire a indiqué que la réinstallation à Ottawa impliquait plusieurs démarches comme vendre sa maison et en trouver une nouvelle, négocier une hypothèque et fermer la pratique de psychologue de son conjoint située à Marieville. La fonctionnaire a indiqué que ces démarches prenaient place pendant qu’elle continuait de travailler à l’Agence.

73 Mme Michaux a témoigné qu’en attendant que sa réinstallation soit complétée, elle s’est installée à un hôtel situé à Ottawa le dimanche 30 novembre, soit la veille du de la date prévue de son entrée en fonction à RHDCC. Elle était alors accompagnée de son conjoint qui devait retourner à Marieville le mercredi 3 décembre 2008. La fonctionnaire a mentionné qu’elle était alors « fatiguée, crevée, » qu’elle n’avait pas d’appétit et qu’elle avait de la difficulté à dormir.

74 La fonctionnaire a indiqué que sa première journée de travail s’était déroulée normalement; elle s’était familiarisée avec les lieux de travail et qu’elle avait rencontré les autres employés lors d’une réunion du personnel. La fonctionnaire a relaté être retournée à son hôtel rejoindre son conjoint en fin de journée. Elle a indiqué qu’elle était contente mais fatiguée.

75 Le lendemain, le 2 décembre 2008, la fonctionnaire a témoigné qu’elle ne se sentait pas bien, qu’elle avait mal dormi, qu’elle était congestionnée et qu’elle faisait de la fièvre. À son arrivée au travail, elle s’est installée à son ordinateur et Mme Hammell est venue la saluer et lui demander comment les choses allaient. C’est alors que la fonctionnaire lui a répondu qu’elle n’allait pas bien et qu’elle lui a demandé de lui parler seule à seule. Elles se sont dirigées vers la cuisine où la fonctionnaire a dit à Mme Hammell qu’elle était épuisée et qu’elle n’y arriverait pas. Selon la fonctionnaire, Mme Hammell a fait preuve d’empathie. Elle a témoigné qu’elle avait dit à Mme Hammell qu’elle trouvait difficile de déménager et qu’elle lui avait demandé si elle pouvait faire la transition graduellement et faire du télétravail.

76 Selon la fonctionnaire, Mme Hammell a répondu que ces options n’étaient pas possibles mais que sa santé était la priorité et qu’il ne valait pas la peine de perdre sa santé pour un travail. Mme Hammell a recommandé à la fonctionnaire de rentrer chez elle.

77 La fonctionnaire a témoigné qu’elle ne pouvait pas retourner chez elle car son ancien poste était comblé. Elle a aussi mentionné que Mme Hammell lui avait dit de se refaire une santé et que l’important était de mettre fin à la réinstallation. La fonctionnaire a également déclaré que Mme Hammell lui avait dit de la rappeler le lundi suivant, parce qu’elle allait essayer de lui trouver un autre emploi à Marieville. Mme Hammell lui a aussi dit qu’elle serait mise sur une liste de priorité.

78 La fonctionnaire a témoigné qu’elle a par la suite communiqué avec Mme Richer, aux ressources humaines, pour être inscrite sur une liste de priorité. Elle a ensuite avisé son conjoint que ça n’allait pas et qu’elle retournait à la maison, à Marieville. La fonctionnaire a aussi indiqué qu’elle avait, à la suggestion de Mme Hammell, préparé le brouillon d’une lettre destinée à mettre fin à la réinstallation. Elle a envoyé une copie de ce brouillon à Mme Hammell le 2 décembre 2008.

79 La fonctionnaire a témoigné qu’à son retour à l’hôtel elle s’est effondrée. Elle a néanmoins mentionné à son conjoint que Mme Hammell avait été compréhensive. La fonctionnaire a indiqué qu’à cet instant elle n’avait pas d’intention précise quant à son emploi. Elle voulait tout simplement rentrer chez elle à Marieville. Lorsque le représentant de l’employeur lui demandé pourquoi elle avait décidé de quitter le 2 décembre 2008 au lieu d’attendre au lendemain afin de voir comment les choses iraient, la fonctionnaire a répondu qu’elle était dans un tel état que ce n’est pas une nuit qui aurait fait la différence.

80 Quant à son courriel du 4 décembre 2008 à France Rioux, responsable de la réinstallation chez Royal Lepage, dans lequel elle a indiqué que son « affectation à Ottawa n’est pas la bonne chose à faire », la fonctionnaire explique qu’à ce moment‑là, elle était « toujours à terre » et que ça ne voulait pas dire qu’elle voulait abandonner son emploi.

81 La fonctionnaire a été en congé de maladie et en congé annuel du 3 au 22 décembre 2008 inclusivement. Elle a souligné que son état de santé requérait une certaine stabilité relativement à ses heures de repas et à ses heures de sommeil et que le déménagement et tous les changements qui en découlent avaient contribué à exacerber ses problèmes de santé.

82 La fonctionnaire a témoigné que le 8 décembre 2008 elle avait communiqué avec Mme Hammell pour faire un suivi. Elle avait alors indiqué à Mme Hammell qu’elle commençait à récupérer mais qu’elle n’était toujours pas en pleine forme. La fonctionnaire a souligné que du 8 au 11 décembre 2008 elle a tenté, avec plus ou moins de succès, d’obtenir de l’information des services de réinstallation et des ressources humaines à RHDCC. Dans son témoignage, elle a relaté avoir contacté Mme Hammell le 11 décembre 2008 et avoir remarqué un changement de ton chez cette dernière. Le ton était plus hostile.

83 Le 18 décembre 2008, la fonctionnaire a indiqué qu’elle a rencontré le Dr Gagnon et que celui-ci lui a confirmé qu’elle souffrait d’une sinusite qui perdurait depuis son arrivée à Ottawa le 1er décembre 2008, ce qui « l’aurait mis à terre ». Le Dr Gagnon lui a préparé un certificat médical le même jour. Le 22 décembre 2008, la fonctionnaire a avisé Mme Hammell qu’elle ne retournerait pas au travail le 23 décembre 2008 et que l’employeur avait l’obligation de l’accommoder. Mme Michaux a indiqué que cette dernière référence quant aux mesures d’accommodement lui avait été suggérée par sa représentante syndicale, Mme Koo. Elle a témoigné avoir joint le certificat médical du Dr Gagnon daté du 18 décembre 2008 à son courriel du 22 décembre 2008.

84 La fonctionnaire a également témoigné qu’en janvier 2009 elle a fait une demande d’assurance-invalidité auprès de la Sun Life. Elle a rajouté qu’à cette période, bien qu’elle ait voulu retourner travailler, elle ne le pouvait pas car elle était dans un état de confusion et de dépression. Elle a de plus indiqué que de décembre 2008 à avril 2009 elle avait reçu des prestations d’assurance-emploi.

85 La fonctionnaire a témoigné que le certificat médical indiquant un arrêt de travail du 3 décembre 2008 au 24 mars 2009 lui a été remis lors de sa rencontre avec le Dr Gagnon le 21 janvier 2009. Elle a ensuite revu le médecin le 24 mars 2009, ce dernier a alors prolongé l’arrêt de travail jusqu’au 19 avril 2009 (pièce P1, Annexe C de l’onglet 26). Le 16 avril 2009, un autre certificat médical a été émis par le Dr Gagnon. Selon la fonctionnaire, ce certificat médical autorisait le retour au travail de la fonctionnaire, mais pas à Ottawa. Ces certificats médicaux ont tous été remis à l’employeur. Quant à la note du 29 mai 2009 du Dr Gagnon précisant la région du domicile de la fonctionnaire pour les fins de retour au travail, la fonctionnaire a indiqué que cette note avait été préparée à la demande de l’employeur qui voulait des précisions quant au certificat médical du 16 avril 2009. À cet égard, Mme Michaux a précisé que l’employeur ne lui avait pas fait d’autres demandes quant à son état de santé. La fonctionnaire n’a jamais senti que l’employeur doutait de son état de santé.

86 M. José St-Louis a témoigné pour la fonctionnaire dont il est aussi le conjoint. Il est psychologue et s’occupe surtout des adolescents et des adultes qui ont des problèmes d’anxiété. Il pratique à Saint-Jean-sur-Richelieu en Montérégie et fait partie d’un groupe de six psychologues. En 2008, il pratiquait à Marieville mais il a fermé sa pratique car il prévoyait déménager à Ottawa. En contre-interrogatoire M. St‑Louis a indiqué qu’il avait mis fin au bail de son bureau de Marieville en juillet 2008 car son bail venait à terme et qu’il prévoyait déménager à Ottawa; il a toutefois reconnu qu’aucune offre d’emploi avait été faite à la fonctionnaire à ce moment.

87 M. St-Louis a indiqué qu’en septembre 2008, la fonctionnaire voulait aller à Ottawa où les perspectives d’emploi étaient meilleures.

88 M. St-Louis a mentionné que la fonctionnaire est diabétique depuis 8 à 10 ans. Jusqu’au 28 novembre 2008, elle a eu beaucoup de choses à faire en prévision du déménagement prévu en décembre 2008. Elle paraissait un peu fatiguée. M. St.-Louis a précisé qu’elle s’était elle-même occupée de faire les démarches car elle est bonne dans ce genre de tâches et qu’il ne parle pas anglais.

89 M. St-Louis a témoigné que le premier jour de travail de la fonctionnaire, le 1er décembre 2008 s’était bien déroulé. En fin d’après-midi, la fonctionnaire était revenue de son travail et tout allait bien. Par contre, l’après-midi du 2 décembre 2008, Mme Michaux était en pleurs en disant qu’elle voulait repartir pour Marieville. Elle était bouleversée. M. St-Louis a mentionné qu’il aurait préféré attendre avant de repartir pour Marieville mais que la situation était tellement grave qu’ils ont décidé de quitter Ottawa sur le champ pour retourner à Marieville. Lorsque le représentant de l’employeur lui a demandé si, compte tenu de la gravité de la situation, la fonctionnaire avait été amenée à l’hôpital, M. St-Louis a répondu par la négative; il a ajouté que pareille situation n’était jamais arrivée.

90 M. St-Louis a indiqué qu’ils avaient dû, en mars 2009, retirer du marché leur maison de Marieville car le médecin disait qu’il valait mieux ne pas retourner à Ottawa. En réponse à une question du représentant de l’employeur, à savoir pourquoi travailler à Montréal était pas une option, M. St-Louis a indiqué qu’ils n’aimaient pas la ville de Montréal, qu’ils y avaient déjà demeuré et n’avaient pas le goût d’y retourner.

91 À la fin du témoignage de M. St-Louis, le représentant de la fonctionnaire m’a avisée qu’il n’appellerait pas le Dr Gagnon comme témoin dans cette affaire.

92 M. Sylvain Archambault est le dernier témoin de la fonctionnaire. Il est représentant syndical national du Syndicat de l’emploi et de l’immigration du Canada (SEIC) un des éléments de l’Alliance de la Fonction publique du Canada. M. Archambault a expliqué qu’il a préparé un dossier dès qu’il a commencé à s’occuper de la situation de la fonctionnaire, le 12 mai 2009. M. Archambault a commencé ces démarches auprès de l’employeur suite à la lettre de Mme Hammell à la fonctionnaire, le 7 mai 2009, lui enjoignant de se présenter au travail le 8 juin 2009. M. Archambault a communiqué avec Mme Bradford le 12 mai 2009. M. Archambault a témoigné que lors de cette conversation, Mme Bradford lui avait dit que l’employeur était déçu que la fonctionnaire ne soit restée au travail que pour deux jours. Mme Bradford lui a réitéré que la fonctionnaire savait, lors de son embauche, que le travail était à Ottawa. Mme Bradford aurait ajouté que suite à la recommandation du Dr Gagnon datée du 16 avril 2009, RHDCC n’avait aucun poste à offrir à la fonctionnaire dans la région de Marieville.

93 M. Archambault a mentionné que, le 15 mai 2009, il a demandé par courriel de rencontrer Mme Hammell afin de discuter de mesures d’accommodement à l’égard de la fonctionnaire. Il a aussi mentionné dans son courriel que la fonctionnaire était prête à considérer une rétrogradation. En contre-interrogatoire, Mr. Archambault a convenu que la rétrogradation devait être dans la région de Marieville plutôt qu’à Ottawa. M. Archambault a témoigné que malgré ses tentatives pour repousser la date de retour au travail du 8 juin 2009 précisée dans la lettre du 7 mai 2009 de Mme Hammell, cette dernière aurait refusé au motif que la fonctionnaire avait eu assez de temps pour se décider.

94 M. Archambault a également fait état d’une autre conversation entre lui et Mme Bradford en date du 25 mai 2009, où il aurait essayé une autre fois de trouver une solution. M. Archambault a indiqué que Mme Bradford lui aurait dit qu’il n’était pas nécessaire d’envoyer le dossier de la fonctionnaire à Santé Canada pour évaluation car l’employeur n’avait pas de doute quant au diagnostic. À la suggestion de M. Archambault de trouver une mesure d’accommodement, Mme Bradford lui a demandé, le 27 mai 2009 (pièce-1, onglet 19), des précisions quant aux limites de la région du domicile de la fonctionnaire. Mr Archambault a témoigné qu’il avait ensuite fait un suivi auprès de Mme Bradford le 3 juin 2009. Mme Bradford l’aurait alors avisé que l’employeur n’avait pas l’intention d’accommoder la fonctionnaire et qu’a défaut de se présenter au travail le 8 juin 2009, cette dernière serait renvoyée en cours de stage.

III. Résumé de l’argumentation

A. Argumentation du représentant de l’employeur

95 Le représentant de l’employeur a soutenu qu’il s’agit ici d’un renvoi en cours de stage effectué en vertu de l’article 62 de la LEFP fondé sur un motif lié à l’emploi : la fonctionnaire, après une journée et demie de travail, a décidé de ne plus se présenter au travail. La fonctionnaire a été embauchée par voie de processus de dotation externe pour occuper un poste à Ottawa. Dans les circonstances, le représentant de l’employeur a réitéré que je n’ai pas compétence pour entendre le grief de la fonctionnaire.

96 Le représentant de l’employeur a maintenu qu’après une journée et demie de travail à Ottawa, la fonctionnaire a décidé de son propre chef de ne plus se présenter à son lieu de travail, situé à Ottawa. La fonctionnaire était au courant du lieu de travail lorsqu’elle a postulé le poste. Rien n’a changé quant au lieu de travail et il n’y a jamais eu de confusion ou de discussion à ce sujet. L’offre à la fonctionnaire était clairement pour un poste à Ottawa.

97 Le représentant de l’employeur a passé en revue les faits relatifs au grief et a souligné que, contrairement aux autres situations que la Commission et les tribunaux ont eu à adresser, il s’agit ici d’un cas où la fonctionnaire est restée en poste seulement une journée et demie.

98 Le représentant de l’employeur a souligné que le 2 décembre 2008, Mme Hammell était contente d’avoir enfin quelqu’un en poste et qu’en aucun temps elle avait incitée la fonctionnaire à retourner chez elle. Cette décision revient entièrement à la fonctionnaire.Le représentant de l’employeur a ajouté que la preuve démontre que Mme Hammell a donné du temps à la fonctionnaire pour se remettre sur pieds et revenir au travail. Mme Hammell avait en effet accordé des congés de maladie et des congés annuels à la fonctionnaire du 3 au 22 décembre 2008 afin que cette dernière puisse revenir au travail. Le représentant de l’employeur a maintenu que Mme Hammell avait été catégorique quand elle a affirmé qu’elle n’avait jamais demandé à la fonctionnaire d’annuler la demande de réinstallation, que c’était la fonctionnaire elle-même qui avait pris l’initiative de l’annuler. À cet égard, le représentant de l’employeur me renvoie à l’onglet 6 de la pièce 1, où la fonctionnaire exprime clairement que le poste à Ottawa n’est pas pour elle et où elle demande à la représentante de Royal Lepage, Mme Rioux, de mettre fin à la réinstallation. Dans le même ordre d’idée, le représentant de l’employeur a également constaté que lorsque la fonctionnaire a décidé de réactiver la demande de réinstallation, l’employeur ne s’y est pas opposé.

99 Le représentant de l’employeur a souligné que Mme Hammell a aussi témoigné que lors de cette rencontre du 2 décembre 2008, la fonctionnaire n’a pas demandé à être accommodée quant au lieu de travail.

100 Le représentant de l’employeur a maintenu que c’est la fonctionnaire qui a choisi de postuler un poste à Ottawa et que c’est aussi son choix à elle, non celui de l’employeur, de ne pas se présenter à son lieu de travail. C’est la fonctionnaire qui a conclu que ça ne fonctionnerait pas à Ottawa. Le représentant de l’employeur a noté que le 2 décembre 2008, soit la même journée où elle a conclu que ça ne pouvait pas fonctionner à Ottawa, la fonctionnaire demandait à Mme Richer d’être mutée dans un poste en Montérégie.

101 Le représentant de l’employeur a souligné qu’après cinq jours de réflexion, la fonctionnaire n’avait toujours pas manifesté l’intention de retourner à son poste à Ottawa et que rien n’indiquait qu’elle serait prête à y retourner à court, moyen ou long terme. Dès son départ le 2 décembre 2008 aucune tentative n’a été effectuée pour examiner la possibilité de retourner à Ottawa. Pour le représentant de l’employeur la raison est bien simple : la fonctionnaire n’était pas prête à considérer quelconque poste qui n’était pas situé dans la région de Marieville.

102 Le représentant de l’employeur a souligné qu’il trouvait intéressant que ce n’est qu’à la suite de sa rencontre avec sa représentante syndicale que la fonctionnaire a commencé à parler de mesures d’accommodement.

103 Le représentant de l’employeur a souligné que le travail pour lequel la fonctionnaire a été embauchée était à Ottawa et que, tel qu’il a été mentionné par Mme Hammell lors de son témoignage, les fonctions de conseillère dans le cadre du Programme de partenariat font partie d’un programme national et que les sept postes sont à Ottawa. Compte tenu de la distribution du travail et du travail des autres intervenants, dont les employés des services financiers, les fonctions liées au programme ne peuvent être divisées en charge de travail individuelle. Le représentant de l’employeur a soutenu que, dans les circonstances, Mme Hammell était parfaitement justifiée d’insister pour que le travail soit fait à Ottawa.

104 Le représentant de l’employeur a également soutenu qu’il n’a pas été démontré que le handicap de la fonctionnaire l’empêchait d’effectuer ses fonctions. Le lieu de travail de la fonctionnaire semble être le problème, pas les fonctions qu’on lui demande d’effectuer.

105 De plus, le représentant de l’employeur a souligné que la preuve médicale de la fonctionnaire démontrait que celle-ci souffre de diabète. Toutefois, selon le représentant de l’employeur, le diabète se traite. De même, il a plaidé que la preuve quant à la condition médicale de la fonctionnaire démontrait que cette dernière souffrait de sinusite et de fatigue. Il a aussi noté que la fonctionnaire ne s’était pas présentée à l’hôpital. Il a souligné que personne, du côté de l’employeur, n’a indiqué qu’à cause de sa condition médicale la fonctionnaire ne pouvait faire le travail pour lequel elle avait été embauchée. C’est la fonctionnaire elle-même qui en est venue à cette conclusion.

106 Le représentant de l’employeur a rejeté l’allégation que l’employeur avait fait preuve de discrimination à l’égard de la fonctionnaire. Il a maintenu que le fardeau revient à la fonctionnaire d’en faire la preuve, le cas échéant.

107 Le représentant de l’employeur a maintenu qu’il n’est pas discriminatoire pour l’employeur de demander que le travail soit effectué à Ottawa, d’autant plus qu’il était clairement indiqué dans l’annonce du poste pour lequel Mme Michaux avait postulé que le poste et les fonctions devaient être effectuées à Ottawa. Selon lui rien n’indique que le handicap de la fonctionnaire l’empêcherait de faire ses fonctions, c’est plutôt le lieu de travail qui est en cause. C’est la fonctionnaire elle-même qui a décidé de venir travailler à Ottawa, comment alors prétendre que l’employeur fait preuve de discrimination en demandant que le travail soit effectué à Ottawa?

108 Le représentant de l’employeur a plaidé que si la fonctionnaire réussit à faire la preuve qu’il y a eu discrimination à son endroit à cause de sa condition médicale, l’employeur soutient alors que la seule mesure qui pourrait satisfaire la fonctionnaire serait de lui trouver un poste équivalent ou moindre exclusivement dans la région de la Montérégie. Pareilles mesures constitueraient une contrainte excessive pour l’employeur compte tenu du fait que les fonctions pour lesquelles la fonctionnaire a été embauchée doivent être effectuées à Ottawa. Dans les circonstances, le représentant de l’employeur a soutenu que les efforts déployés par l’employeur satisfont à l’obligation auquelle pourrait être tenue ce dernier.

109 Le représentant de l’employeur m’a renvoyée à la décision International Brotherhood of Electrical Workers, Local 2067 v. Saskatchewan Power Corp, [2011] S.L.A.A. No. 3 (QL), qui traite notamment des situations d’absence prolongée des employés. Il a souligné qu’en l’espèce, la fonctionnaire n’a été présente à son nouvel emploi que pour une journée et demie.

110 Le représentant de l’employeur m’a renvoyée aussi à Hydro –Québec c. Syndicat des employé-e-s de techniques professionnelles et de bureau d’Hydro-Québec, section locale 200 (SCFP-FTQ), 2008 CSC 43. Le représentant de l’employeur a soutenu que la norme imposée par l’employeur, soit que la prestation de travail soit fournie à partir d’Ottawa, n’a aucun effet discriminatoire sur la fonctionnaire qu’elle soit diabétique ou autre. Le représentant de l’employeur a soutenu que dans les circonstances, la norme imposée est raisonnable compte tenu du fait qu’il s’agit d’un programme national qui n’est pas divisé géographiquement et que le travail requiert des échanges entre les employés de l’unité puisque les dossiers ne sont pas assignés individuellement. Selon lui, le fait de demander à l’employeur de changer le lieu de travail de la fonctionnaire équivaudrait à changer la norme.

111 Le représentant de l’employeur a soutenu que le lieu de travail de la fonctionnaire est fondamental, que ce lieu de travail était connu de la fonctionnaire au moment où elle a postulé. Après une journée et demie de travail, le fait de demander de changer le lieu de travail constitue une contrainte excessive.

112 Renvoyant au paragraphe 18 du jugement de la Cour suprême dans Hydro-Québec, le représentant de l’employeur a souligné que la fonctionnaire n’a jamais envisagé de revenir à Ottawa, ce qui constitue donc une contrainte excessive pour l’employeur.

L’incapacité totale d’un salarié de fournir toute prestation de travail dans un avenir prévisible n’est donc pas le critère déterminant de la contrainte excessive. Lorsque les caractéristiques d’une maladie sont telles que la bonne marche de l’entreprise est entravée de façon excessive ou lorsque l’employeur a tenté de convenir de mesures d’accommodement avec l’employé aux prises avec une telle maladie, mais que ce dernier demeure néanmoins incapable de fournir sa prestation de travail dans un avenir raisonnablement prévisible, l’employeur aura satisfait à son obligation. Dans les circonstances, l’impact causé par la norme est légitime et le congédiement sera réputé non discriminatoire. Je reprends à mon compte l’énoncé de la juge Thibault dans l’arrêt que cite la Cour d’appel, Québec (Procureur Général) c. Syndicat de professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec (SPGQ), 2005 QCCA 311 « [dans ces cas] ce n’est pas tant son handicap qui fonde la mesure de congédiement que son incapacité de remplir les obligations fondamentales rattachées à la relation de travail » (par. 76).

L’obligation d’accommodement est donc parfaitement conciliable avec les règles générales du droit du travail, tant celle qui impose à l’employeur l’obligation de respecter les droits fondamentaux des employés que celle qui oblige les employés à fournir leur prestation de travail. L’obligation d’accommodement qui incombe à l’employeur cesse là où les obligations fondamentales rattachées à la relation de travail ne peuvent plus être remplies par l’employé dans un avenir prévisible.

113 Le représentant de l’employeur m’a renvoyée aux tentatives de Mmes Bradford et Richer et soutient que l’employeur, en tentant de trouver un autre emploi à la fonctionnaire dans la région de Marieville, parce que celle-ci ne peut se rapporter à Ottawa dans un avenir raisonnablement prévisible, a satisfait à son obligation de démontrer la contrainte excessive.

114 Finalement, le représentant de l’employeur a affirmé que si je conclus que l’employeur a fait preuve de discrimination à l’égard de la fonctionnaire, je devrais reconnaitre que l’employeur, en tentant de trouver un poste à la fonctionnaire dans la région de la Montérégie, a pris les mesures nécessaires et a satisfait à son fardeau.

B. Arguments du représentant de la fonctionnaire

115 Le représentant de la fonctionnaire a soumis que les cinq certificats et notes du Dr Gagnon datés du 18 décembre 2008 au 19 mai 2009 (pièce 1, Annexe C de l’onglet 26 ) n’ont jamais été contestés par l’employeur; de plus, ce dernier n’a jamais jugé bon de faire évaluer la fonctionnaire par Santé Canada.

116 Le représentant de la fonctionnaire a plaidé que cette dernière souffrait de dépression et que son état aurait dû être connu de l’employeur. Les événements du 2 décembre 2008 de même que les nombreux courriels envoyés par la fonctionnaire étaient les indicateurs que la fonctionnaire avait des problèmes médicaux.

117 Le représentant de la fonctionnaire a maintenu que tout de suite après les événements du 2 décembre 2008, celle-ci a clairement demandé des mesures d’accommodement et un délai additionnel, comme en fait foi son courriel du 9 décembre 2008 à Mme Simpson des ressources humaines (pièce 1, onglet 10). Ces demandes ont été répétées dans d’autres courriels, par exemple ceux du 22 décembre 2008, du 15 mai 2009, du 8 juin 2009 et du 15 juin 2009.

118 Le représentant de la fonctionnaire a soutenu que l’employeur avait eu tort de nier sa responsabilité en ce qui concerne la recherche pour la fonctionnaire dans la région de son domicile, Marieville.

119 À cet égard, le représentant de la fonctionnaire a soutenu que bien que certains efforts ont été faits par l’employeur afin de lui trouver un poste dans la région de Marieville, ces efforts n’ont pas été suffisants. À titre d’exemple, le représentant de la fonctionnaire a soutenu que les démarches de Mme Richer avec le système DAP étaient très limitées puisque ce système d’aide est utilisé principalement par les ministères situés à Ottawa. En fait, selon le représentant de la fonctionnaire, pour ce qui est des postes à l’extérieur d’Ottawa, les démarches de Mme Richer se sont limitées à envoyer un CV et un courriel le 4 décembre 2008 (pièce E-1). Le représentant de la fonctionnaire a souligné de plus que ces démarches n’ont jamais été communiquées au représentant syndical de la fonctionnaire.

120 Reprenant les déclarations des témoins de l’employeur, le représentant de la fonctionnaire a plaidé que le témoignage de Mme Hammell comprenait des lacunes, par exemple lorsqu’elle a soutenu que la conversation du 2 décembre 2008 avait durée environ 30 minutes. Selon le représentant de la fonctionnaire, il est peu probable que la conversation ait été si longue si son objet était seulement l’état de santé de la fonctionnaire. De plus, selon le représentant de la fonctionnaire, Mme Hammell ne se souvenait pas d’une discussion entre elle et la fonctionnaire au sujet de la lettre d’offre et qui aurait eu lieu autour du 12 ou 13 novembre 2008. Enfin, le représentant de la fonctionnaire a souligné la différence d’opinion entre Mme Hammell et Mme Bradford à savoir qui a pris la décision de mettre fin à l’emploi de la fonctionnaire. Dans les circonstances, le représentant de la fonctionnaire conclut qu’il faut préférer le témoignage de la fonctionnaire à celui de Mme Hammell.

121 Le représentant de la fonctionnaire a soutenu que Mme Michaux et son conjoint ont toujours eu l’intention de s’installer à Ottawa et que, contrairement à ce que peut prétendre l’employeur, elle n’a jamais eu l’intention d’abandonner son poste. Selon le représentant de la fonctionnaire, rien ne laissait présager que la fonctionnaire éprouverait des problèmes si importants, d’autant plus que par le passé elle avait souvent déménagé et ce, sans difficulté. Le représentant de la fonctionnaire a soutenu que ces problèmes étaient dus en grande partie au fait que la fonctionnaire a reçu sa lettre d’offre tardivement, ce qui ne lui a laissé que 14 jours pour se préparer à aller à Ottawa, et ce, tout en continuant à travailler à l’Agence. Tout cela a eu un effet dévastateur sur sa santé et fait en sorte qu’elle est arrivée épuisée à Ottawa.

122 Le représentant de la fonctionnaire a soutenu que la preuve a été faite que l’employeur avait fait preuve de discrimination à l’égard de la fonctionnaire sur la base de sa condition médicale. Il a soutenu que c’est à la suite de la réception des certificats médicaux du Dr Gagnon que l’employeur a décidé de renvoyer la fonctionnaire. Il a cité, à l’appui de sa position, les lettres de Mme Hammell du 7 mai 2009 et du 3 juin 2009, et celle de Mme Rootham du 15 juin 2009, qui somment la fonctionnaire de démissionner de la fonction publique ou de se présenter à Ottawa le 8 juin 2009 à défaut de quoi elle sera renvoyée en cours de stage. Pour le représentant de la fonctionnaire, ces lettres, en réponse aux certificats médicaux du Dr Gagnon indiquant que la fonctionnaire ne pouvait être localisée à l’extérieur de la région de son domicile, sont la preuve que sur la base de l’information médicale fournie l’employeur a pris des mesures discriminatoires à l’égard de la fonctionnaire. Dans les circonstances, le représentant de la fonctionnaire a plaidé que celle-ci a fait la preuve prima facie de discrimination.

123 Quant aux mesures d’accommodement, le représentant de la fonctionnaire a plaidé qu’il revenait à l’employeur de les fournir. Or ce dernier n’en a offert aucune. La fonctionnaire n’a travaillé que deux jours, il est donc difficile pour elle de connaitre toutes les possibilités. Ce n’est pas la responsabilité de la fonctionnaire de trouver des mesures d’accommodement. Bien que l’employeur ait fait certaines démarches pour trouver un autre poste dans la région de la fonctionnaire, ces efforts étaient très limités. L’employeur n’a pas fait d’analyse pour voir dans quelle mesure le télétravail était une option. De plus, l’employeur a refusé de rencontrer le représentant syndical de la fonctionnaire pour évaluer les options possibles, et il s’est limité à l’information fournie par les certificats médicaux. Il n’a pas demandé à la fonctionnaire si la situation était permanente et il ne l’a pas non plus questionné quant à la nature exacte de sa maladie.

124 Le représentant de la fonctionnaire a plaidé que la fonctionnaire souffrait de diabète et de dépression, des maladies reconnues comme étant un handicap aux termes de la Loi canadienne des droits de la personne. Quant au test applicable, il me renvoie également au jugement de la Cour suprême du Canada dans Colombie‑Britanique (Public Service Employees Relations Commission) c. B.C.G.S.E.U. (1999), 3 R.C.S. 3 (Meiorin). Il aplaidé que la norme, évoquée par l’employeur à savoir que le poste de travail de la fonctionnaire devait être à Ottawa, a un effet discriminatoire à l’égard de la fonctionnaire.

125 Le représentant de la fonctionnaire m’a également renvoyée à Dekoning c. Conseil du Trésor (Emploi et Immigration Canada), dossiers de la CRTFP 166-2-22971 et 149-2-129 (19930302), O’Leary c. Conseil du Trésor (Ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien), 2007 CRTFP 10, Kerr-Alich c. Conseil du Trésor (Ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien), 2007 CRTFP 33.

126 Le représentant de la fonctionnaire a soutenu que cette dernière, certificats médicaux à l’appui, a fait la preuve prépondérante de son handicap. En cas de doute, il revenait à l’employeur de questionner ces certificats médicaux ou d’envoyer la fonctionnaire à Santé Canada, voir Mellon c. Développement des ressources humaines Canada, 2006 TCDP 3.

127 Finalement, le représentant de la fonctionnaire a plaidé que la décision de renvoyer la fonctionnaire était également de mauvaise foi et qu’elle était fondée sur la condition médicale de la fonctionnaire. De plus, l’employeur n’a pas pris toutes les mesures nécessaires pour accommoder la fonctionnaire. L’employeur n’a pas démontré que les mesures d’accommodement auraient constitué une contrainte excessive.

128 Quant au redressement exigé, le représentant de la fonctionnaire a demandé que cette dernière soit réintégrée dans son poste classifié PM-5 à RHDCC et que des mesures d’accommodement soient mises en place par l’employeur.

IV. Motifs

129 Le 7 novembre 2008, la fonctionnaire s’est vu offrir un poste d’une durée indéterminé de conseillère, classifié au groupe et niveau PM-5 à RHDCC. Il était clairement inscrit dans la lettre d’offre de Mme Rootham que le lieu de travail était Gatineau (Ottawa). La fonctionnaire a accepté les conditions d’embauche le 17 novembre 2008. Ces faits ne sont pas contestés. Le fait que la fonctionnaire était en stage pendant une période de 12 mois n’est pas contesté non plus.

130 Il est également admis que le 15 juin 2008, Mme Rootham a renvoyée la fonctionnaire en cours de stage au motif qu’elle ne s’était pas présentée au travail. Dans sa lettre, Mme Rootham a informé la fonctionnaire qu’elle toucherait une rémunération d’un mois tenant lieu de préavis.

131 Le 14 juin 2011, l’employeur s’est opposé à ma compétence pour entendre le grief au motif qu’il s’agit ici d’un renvoi en cours de stage. L’employeur a réitéré son objection au début de l’audience. Pour sa part, la fonctionnaire a maintenu que le renvoi était dû à sa condition médicale et que l’employeur avait fait preuve de discrimination à son égard.

132 Les dispositions suivantes de la LEFP confèrent à l’employeur le droit d’imposer une période de stage et de mettre fin à l’emploi en période de stage :

61. (1) La personne nommée par nomination externe est considérée comme stagiaire pendant la période :

a) fixée, pour la catégorie de fonctionnaires dont elle fait partie, par règlement du Conseil du Trésor dans le cas d’une administration figurant aux annexes I ou IV de la Loisur la gestion des finances publiques […]

[…]

62. (1) À tout moment au cours de la période de stage, l’administrateur général peut aviser le fonctionnaire de son intention de mettre fin à son emploi au terme du délai de préavis

a) fixé, pour la catégorie de fonctionnaires dont il fait partie, par règlement du Conseil du Trésor dans le cas d’une administration figurant aux annexes I ou IV de la Loisur la gestion des finances publiques […]

[…]

Le fonctionnaire perd sa qualité de fonctionnaire au terme de ce délai.

133 L’article 211 de la Loi prévoit qu’un grief qui porte sur un licenciement prévu aux termes de la LEFP, notamment un grief contestant un renvoi en cours de stage, ne peut être renvoyé à l’arbitrage.

211. L’article 209 n’a pas pour effet de permettre le renvoi à l’arbitrage d’un grief individuel portant sur :

a) soit tout licenciement prévu sous le régime de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique […]

134 À mon avis, pour décider si j’ai compétence pour entendre un grief qui porte sur un renvoi en cours de stage, je dois d’abord déterminer si le licenciement était lié à l’emploi et si l’employeur a utilisé le renvoi en cours de stage comme subterfuge ou camouflage pour couvrir un autre motif du licenciement. A cet égard, je souscris aux commentaires émis par mon collègue dans Tello c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2010 CRTFP 134 :

(105) L’interprétation franche de la LRTFP et de la nouvelle LEFP est qu’un employé en stage peut être licencié avec préavis pour tout motif (ou sans motif) et n’a pas accès à l’arbitrage de grief. En vertu de la nouvelle LEFP, la seule restriction qui s’applique à l’administrateur général est que l’employé doit être dans sa période de stage et qu’un préavis (ou une indemnité de préavis) doit être donné. Toutefois, « [l]’interprétation du droit est toujours contextuelle » […] (Dunsmuir, paragraphe 74). Les restrictions imposées par la loi au pouvoir de l’administrateur général continuent de s’appliquer et l’administrateur général doit se conformer au régime de la nouvelle LEFP en ce qui touche le renvoi d’un employé en stage afin que l’exercice du pouvoir discrétionnaire de l’administrateur général soit valide.

[…]

(111) […] L’administrateur général demeure tenu de produire la lettre de licenciement comme pièce (généralement par l’intermédiaire d’un témoin) pour prouver qu’il a rencontré les exigences législatives du préavis et du statut de stagiaire. Cette lettre énonce habituellement le motif de la décision de licencier l’employé qui est en cours de stage. Le fardeau de la preuve devient alors celui du fonctionnaire. Il incombe au fonctionnaire de prouver que le licenciement reposait artificiellement sur la nouvelle LEFP, un subterfuge ou un camouflage. Si le fonctionnaire établit qu’il n’y avait pas de « motifs liés à l’emploi » légitimes justifiant le licenciement (autrement dit, si la décision ne reposait pas sur une insatisfaction éprouvée de bonne foi quant aux aptitudes de l’employé : Penner, à la page 438), le fonctionnaire se sera acquitté de son fardeau de la preuve (…).

135 En l’espèce, il n’est pas contesté que l’employeur a rencontré ses obligations aux termes de la LEFP. Le licenciement a été effectué en cours de stage et la fonctionnaire a reçu une rémunération tenant lieu de préavis. Il revient donc à la fonctionnaire d’établir que le vrai motif du licenciement est sa condition médicale et que l’employeur a agi de façon discriminatoire et, le cas échéant, de déterminer si l’employeur a rencontré ses obligations quant aux mesures d’accommodement.

A. Est- ce que l’employeur a fait preuve de discrimination en raison de la condition médicale de la fonctionnaire?

136 Avant de trancher cette question, il est utile de rappeler certains faits. La fonctionnaire s’est fait offrir un poste classifié PM-5 à Ottawa par l’employeur. Dès le départ, il était entendu entre les parties que la fonctionnaire devrait être réinstallée de Marieville à Ottawa. La fonctionnaire a accepté le poste à Ottawa en toute connaissance de cause. Il est important de souligner que la nature des fonctions du poste n’est pas en cause ici. En d’autres termes, la fonctionnaire n’a pas allégué qu’elle ne pouvait effectuer les fonctions du poste sous une forme ou une autre. Le déménagement et l’exercice des fonctions du poste à Ottawa sont les causes alléguées des problèmes de santé de la fonctionnaire.

137 La preuve a démontré qu’au moment de l’embauche, la condition médicale de la fonctionnaire n’avait pas fait l’objet de discussion avec l’employeur. Après 14 jours de préparatifs pendant lesquels la fonctionnaire continuait à occuper son emploi précédent, cette dernière a témoigné qu’elle s’est présentée épuisée et « crevée » à son travail à Ottawa le 1er décembre 2008. Selon la fonctionnaire, la première journée de travail s’est bien déroulée. Toutefois, le lendemain, soit le 2 décembre 2008, elle se sentait congestionnée, elle n’avait pas dormi de la nuit et elle faisait de la fièvre. Sa condition était telle qu’elle est repartie chez elle, à Marieville, après avoir convenu avec sa gestionnaire qu’elle prendrait des jours de maladie et de congé pour réfléchir à ses options. Malgré sa condition, la preuve a démontré que la fonctionnaire n’est pas allée à l’hôpital ni chez le médecin au cours de cette journée ou les jours suivants. La fonctionnaire a vu son médecin, le Dr Gagnon, le 18 décembre 2008, soit deux semaines après avoir quitté Ottawa. Il lui a remis un certificat indiquant qu’elle serait en arrêt de travail du 2 décembre 2008 au 24 mars 2009 et que le déménagement à Ottawa avait occasionné une détérioration de sa condition médicale.

138 Il est à noter que déjà, dans l’après-midi du 2 décembre 2008, la fonctionnaire a mis fin à sa demande de réinstallation à Ottawa. Bien que la fonctionnaire ait témoigné qu’elle avait agi ainsi à la demande de sa gestionnaire, Mme Hammell a témoigné le contraire et a souligné que lorsque la demande de réinstallation a été réactivée, elle était heureuse de constater que la fonctionnaire avait finalement décidé de revenir à Ottawa. A ce sujet, la preuve a démontré que l’employeur a appris que la fonctionnaire était fatiguée suite au déménagement. Or, pour l’employeur cette situation était temporaire; l’employeur avait aucune raison de croire que la situation pouvait être permanente. L’employeur avait donc aucune raison de suggérer à la fonctionnaire qu’elle annule sa demande de réinstallation. De plus, dans sa correspondence avec Mme Ethier en date du 22 décembre 2008 dont copie fut alors remise à Mme Koo agente syndicale, Mme Hammell indiquait clairement que c’est la fonctionnaire qui a mis fin à la demande initiale de réinstallation. (pièce 1, onglet 14)

139 Il est aussi à noter que, dès le 4 décembre 2008, soit deux jours après avoir quitté Ottawa, la fonctionnaire a indiqué à Mme Rioux, de Royal Lepage, que « je crois que mon affectation à Ottawa n’est pas la bonne chose à faire pour moi à ce moment‑ci. […]»

140 La preuve a démontré que, le 9 décembre 2008, la fonctionnaire s’adressait à Mme Simpson, aux ressources humaines de RHDCC, en déclarant qu’elle était une personne handicapée et qu’elle cherchait à obtenir des délais ou des mesures d’accommodement comme le télétravail.

141 Le 16 avril 2009, le Dr Gagnon a émis un certificat médical indiquant qu’un retour au travail hors de la région du domicile de la fonctionnaire serait nocif pour sa santé et que cette dernière ne pouvait retourner à Ottawa. Le Dr Gagnon a plus tard précisé que la région du domicile de la fonctionnaire se limitait à un rayon de 30 à 40 kilomètres de Marieville en excluant l’île de Montréal.

142 Au sujet de la condition médicale de la fonctionnaire, je me dois de préciser que bien que l’employeur n’ait pas contesté la validité des certificats médicaux du médecin de la fonctionnaire lors de leurs émissions ou à l’audience, la preuve de la condition médicale de la fonctionnaire, du 2 décembre 2008 jusqu’au moment de son renvoi, reste pour le moins nébuleuse. A cet égard, je me dois de souligner que le médecin de la fonctionnaire n’ a pas témoigné lors de l’audience.

143 En effet, bien que la fonctionnaire ait témoigné qu’elle souffrait de diabète de type 2 et que des situations comme le manque de sommeil et le stress peuvent amplifier les symptômes reliés au diabète, il n’est pas clair dans quelle mesure la situation du 2 décembre 2008 est attribuable au diabète ou à ses effets. La fonctionnaire a témoigné être épuisée à son arrivée à Ottawa; elle a aussi indiqué avoir de la fièvre et souffrir d’une sinusite. Toutefois, aucune preuve n’a été établie quant aux causes à effet de cette condition avec le diabète. On ne sait pas non plus dans quelles mesures les symptômes dont la fonctionnaire a souffert le 2 décembre 2008 ne pouvaient être traités dans un grand centre urbain comme Ottawa ni quels étaient les risques de récidive. De plus, aucune preuve a été faite quant au caractère temporaire ou permanent des symptômes dont souffrait la fonctionnaire le 2 décembre 2008. Je me dois de souligner, qu’à moins de preuve à l’effet contraire, que les maux dont elle souffrait cette journée la, comme la sinusite, la fièvre, manque de sommeil apparaissent comme des troubles temporaires qui peuvent être traités.

144 Enfin, il n’a pas été déterminé dans quelle mesure une journée et demie de travail à Ottawa est suffisant pour mesurer le véritable impact du déménagement sur la condition médicale de la fonctionnaire et dans quelle mesure cet impact était temporaire ou permanent. A ce sujet, la fonctionnaire a maintenu que sa condition médicale s’est détériorée en raison du déménagement à Ottawa. Or il s’agit selon moi d’une situation temporaire et il est donc légitime de croire qu’une fois la période d’adaptation passée avec les soins adéquats la situation pourrait être résolue. Il est certain que tout nouvel emploi qui nécessite un déménagement risque d’occasionner un surcroit de tension chez n’importe quel individu. Dans quelle mesure la situation de la fonctionnaire était différente, permanente et ne pouvait être contrôlée n’a pas été expliquée à l’audience.

145 La preuve a également démontré que lorsque l’employeur a reçu le certificat médical du Dr Gagnon daté du 16 avril 2009 dans lequel ce dernier indiquait que la fonctionnaire ne pouvait retourner à Ottawa, il a intimé à la fonctionnaire le 7 mai 2009 de démissionner de la fonction publique ou de retourner au travail le 8 juin 2009 à défaut de quoi elle serait renvoyée en cours de stage. L’employeur a réitéré cette demande le 3 juin 2009 au moyen d’une autre lettre de Mme Hammell sans plus de résultat.

146 Dans les circonstances l’employeur a-t-il agit de façon discriminatoire envers la fonctionnaire en maintenant que les fonctions du poste de PM-5 devait être effectuées à Ottawa ? En d’autres termes, ayant recours au test appliqué par la Cour suprême dans Meiorin, l’employeur a-t-il justifié la norme contestée, soit en l’espèce, maintenir les fonctions du poste à Ottawa?

147 Dans l’affaire Meiorin, la Cour suprême a établi le test applicable, selon la balance des probabilités, sur les obligations de l’employeur devant l’incapacité d’un employé. Essentiellement, au paragraphe 54, la Cour s’est demandée si :

  1. l’employeur a adopté la norme dans un but rationnellement lié à l’exécution du travail en cause;
  2. l’employeur a-t-il adopté la norme particulière en croyant sincèrement qu’elle était nécessaire pour établir un but légitime relié au travail?
  3. la norme est raisonnablement nécessaire pour réaliser ce but légitime lié au travail.

Pour prouver que la norme est raisonnablement nécessaire, il faut démontrer qu’il est impossible de composer avec les employés qui ont les mêmes caractéristiques que le demandeur sans que l’employeur subisse une contrainte excessive.

148 Il ne fait aucun doute qu’il faut répondre par l’affirmative aux deux premiers énoncés. Le témoignage de Mme Hammell à cet égard fut essentiellement que cette décision de l’employeur était motivée par un but purement objectif basé sur la notion d’efficacité et d’organisation du travail. À tout événement, le bien-fondé de ces deux critères du test Meiorin n’ont, en aucun moment, été remis en cause par la fonctionnaire.

149 Le troisième critère consiste à savoir si la norme, soit que les fonctions du poste soient exercées à Ottawa, est raisonnablement nécessaire et s’il a été démontré qu’il est impossible de composer avec les employés qui ont les mêmes caractéristiques que la fonctionnaire sans que l’employeur subisse une contrainte excessive. À ce sujet, le témoignage de Mme Hammell a été qu’il n’est pas possible d’effectuer les fonctions de ce poste à l’extérieur d’Ottawa pour les raisons suivantes : il s’agit d’un programme national administré à partir d’Ottawa, le programme n’est pas divisé de façon géographique, les sept employés de la division doivent travailler en équipe, la nature des demandes de contribution à traiter et les dossiers ne sont pas attribués individuellement et le travail nécessite des consultations avec d’autres collègues des services financiers qui sont localisés eux aussi à Ottawa. Encore une fois, le bien-fondé de ce témoignage de Mme Hammell n’a pas été remis en question lors de l’audience.

150 Nonobstant le fait que la preuve de l’employeur quant aux besoins de maintenir les fonctions à Ottawa n’a pas été remise en question, on doit quand même se demander si la fonctionnaire aurait pu exécuter ces fonctions sous une forme modifiée ou remaniée. Dans les circonstances, je me dois de répondre par la négative puisque dans la présente affaire, ce n’est pas la nature des fonctions à exécuter qui cause problème mais plutôt le lieu où celles–ci doivent être exécutées.

151 À ce sujet, la preuve est claire. Bien que la fonctionnaire se soit dite prête à accepter un autre poste voir même une rétrogradation, il faut que ce poste se trouve à moins de 40 kilomètres de Marieville. Selon le certificat médical du Dr Gagnon, daté du 29 mai 2009 et le témoignage du conjoint de la fonctionnaire voulant « qu’ils n’avaient pas le goût d’y retourner », un emploi à Montréal n’est pas une option pour la fonctionnaire. Dans les circonstances, j’en conclus que l’employeur n’a pas agi de façon discriminatoire envers la fonctionnaire compte tenu du fait que la fonctionnaire ne peut travailler à Ottawa et que la relocalisation de son poste et le télétravail ne sont pas possibles.

152 À mon avis, exiger, dans la présente affaire, que l’employeur réorganise les conditions de travail afin de permettre à la fonctionnaire de travailler dans la région de Marieville, imposerait à ce dernier de revoir de façon fondamentale les conditions de travail des employés de la division du Programme de partenariat de RHDCC. Dans Hydro-Québec, la Cour suprême a conclu que :

Le critère n’est pas l’impossibilité pour un employeur de composer avec les caractéristiques d’un employé. L’employeur n’a pas l’obligation de modifier de façon fondamentale les conditions de travail, mais il a cependant l’obligation d’aménager, si cela ne lui cause pas une contrainte excessive, le poste de travail ou les tâches de l’employé pour lui permettre de fournir sa prestation de travail.

153 Selon moi, la fonctionnaire n’a jamais eu, à la suite à son départ le 2 décembre 2008, l’intention de revenir à Ottawa. Bien qu’à un moment donnée la demande de réinstallation à Ottawa ait été réactivée, déjà le 4 décembre 2008 la fonctionnaire a indiqué que « l’affectation à Ottawa n’est pas la bonne chose à faire pour moi ». Par la suite, la correspondance de la fonctionnaire et les interventions faites en son nom portaient plutôt sur la façon d’obtenir un poste dans la région de Marieville. La fonctionnaire n’a jamais, à mon avis, démontré un intérêt quelconque à revenir à Ottawa dans un avenir prévisible. Selon la Cour suprême dans Hydro-Québec, au para 18 :

[Hydro Québec]

L’incapacité totale d’un salarié de fournir toute prestation de travail dans un avenir prévisible n’est donc pas le critère de détermination de la contrainte excessive. Lorsque les caractéristiques d’une maladie sont telles que la bonne marche de l’entreprise est entravée de façon excessive ou lorsque l’employeur a tenté de convenir de mesures d’accommodement avec l’employé aux prises avec une telle maladie, mais que ce dernier demeure néanmoins incapable de fournir sa prestation de travail dans un avenir raisonnablement prévisible, l’employeur aura satisfait à son obligation. Dans ces circonstances, l’impact causé par la norme est légitime et le congédiement sera réputé non discriminatoire. Je reprends à mon compte l’énoncé de la juge Thibault dans l’arrêt que cite la Cour d’appel(…) ‘ (dans ces cas) ce n’est pas tant son handicap qui fonde la mesure de congédiement que son incapacité de remplir les obligations fondamentales rattachées à la relation de travail’.

154 Bien qu’ayant décidé qu’il n’a pas été démontré que l’employeur ait fait preuve de discrimination et qu’il n’avait donc pas à mettre en place les mesures recherchées par la fonctionnaire, il faut toutefois souligner que la preuve a révélé que l’employeur avait tenté de trouver, à l’intérieur de RHDCC et auprès d’autres ministères, un poste à la fonctionnaire dans la région de Marieville. À cet égard, je me dois de souligner que la fonctionnaire se devait elle aussi de tenter de se trouver un emploi près de son domicile. La fonctionnaire n’a toutefois pas fait la preuve de tentatives à cet effet, de plus les faits de cette affaire ont démontré que seul un poste dans la région de Marieville au niveau PM-5 ou autre aurait satisfait à la demande de mesure d’accommodement de la fonctionnaire.

155 Je conclue donc que l’employeur a démontré que le renvoi en cours de stage de la fonctionnaire était motivé par une raison reliée à l’emploi et que cette dernière n’a pas démontré que la décision de l’employeur était discriminatoire.

156 Dans les circonstances, je n’ai pas compétence pour entendre ce grief.

157 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit.

V.Ordonnance

158 J’ordonne la fermeture du dossier 566-02-3632.

159 Le grief dans le dossier 566-02-3631 est rejeté.

Le 26 mars 2012.

Linda Gobeil,
arbitre de grief

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