Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La demanderesse a demandé à la Commission d'exercer les pouvoirs qui lui sont conférés en vertu de l'article 36 de la Loi afin de retirer l’arbitre de grief saisi de ses griefs et de renvoyer ceux-ci à un autre arbitre de grief - la demanderesse a allégué que l’arbitre de grief avait un intérêt personnel dans le règlement de ses griefs - la Commission a jugé qu’elle n’avait pas compétence en vertu de l’article 36 de retirer un arbitre de grief chargé d’entendre un grief dont il est saisi - la Commission a aussi conclu que, si elle avait ce pouvoir, il serait plus approprié de laisser l’arbitre de grief rendre une décision sur une question qui est, essentiellement, une demande de récusation. Demande rejetée.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2012-02-24
  • Dossier:  548-02-7, XR : 566-02-1162 à 1164, 1362 à 1364, 1434, 1482 et 1593
  • Référence:  2012 CRTFP 24

Devant la Commission des relations
de travail dans la fonction publique


ENTRE

RACHEL EXETER

demanderesse

et

ADMINISTRATEUR GÉNÉRAL
(Statistique Canada)

défendeur

Répertorié
Exeter c. Administrateur général (Statistique Canada)

Affaire concernant une demande d’exercice par la Commission de l’un ou l’autre des pouvoirs prévus à l’article 36 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Casper M. Bloom, c.r., Ad. E., président

Pour la demanderesse:
Elle-même

Pour le défendeur :
Adrian Bieniasiewicz, avocat

Décision rendue sur la base d’arguments écrits
déposés le 17 août et le 29 septembre 2011.
(Traduction de la CRTFP)

Demande devant la Commission

1 Rachel Exeter demande à la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la « Commission ») de récuser l’arbitre de grief saisi de ses griefs dans les dossiers de la CRTFP 566-02-1162 à 1164, 1362 à 1364, 1434, 1482 et 1593 et de renvoyer ses griefs à un autre arbitre de grief.

Positions des parties

2 À l’appui de sa demande, Mme Exeter allègue que l’arbitre de grief a un intérêt personnel dans le règlement de ses griefs et que la justice naturelle et l’équité procédurale exigent que ses griefs soient entendus par un autre arbitre de grief.

3 L’administrateur général de Statistique Canada s’oppose à la demande, alléguant qu’elle est [traduction] « […] futile, frivole, vexatoire et de mauvaise foi […] ». L’administrateur général nie que l’arbitre de grief a un intérêt dans le règlement des griefs de Mme Exeter.

Motifs

4 La Commission est un tribunal établi par une loi et, à ce titre, elle n’a que les pouvoirs que la loi lui confère. Dans sa demande, Mme Exeter s’appuie sur l’article 36 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la « Loi »), édictée par l’article 2 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. (2003), ch. 22, qui est libellé comme suit :

36. La Commission met en œuvre la présente loi et exerce les pouvoirs et fonctions que celle-ci lui confère ou qu’implique la réalisation de ses objets, notamment en rendant des ordonnances qui exigent l’observation de la présente loi, des règlements pris sous le régime de celle-ci ou des décisions qu’elle rend sur les questions qui lui sont soumises.

5 En ce qui concerne les griefs, les pouvoirs et les fonctions conférés ou imposés à la Commission par la Loi sont peu nombreux comparativement à ceux qui sont donnés aux arbitres de grief. Ces pouvoirs sont énoncés à la partie 2 de la Loi, qui porte sur les griefs, particulièrement les articles 223, 235, 237 et 238. Par exemple, le paragraphe 223(1) prévoit que la Commission doit être avisée qu’un grief a été renvoyé à l’arbitrage; aux termes du paragraphe 223(2), la Commission donnera l’avis reçu à son président. Voici comment sont formulés les paragraphes 223(1) et (2) :

223. (1) La partie qui a renvoyé un grief à l’arbitrage en avise la Commission en conformité avec les règlements. Elle précise dans son avis si un arbitre de grief particulier est déjà désigné dans la convention collective applicable ou a été autrement choisi par les parties, ou, à défaut, si elle demande l’établissement d’un conseil d’arbitrage de grief.

(2) Sur réception de l’avis par la Commission, le président :

a) soit renvoie l’affaire à l’arbitre de grief désigné dans la convention collective au titre de laquelle le grief est présenté;

b) soit, dans le cas où les parties ont choisi un arbitre de grief, renvoie l’affaire à celui-ci;

c) soit institue, sur demande d’une partie et à condition que l’autre ne s’y oppose pas dans le délai éventuellement fixé par règlement, un conseil d’arbitrage de grief auquel il renvoie le grief;

d) soit, dans tout autre cas, renvoie le grief à un arbitre de grief qu’il choisit parmi les membres de la Commission.

6 Au paragraphe 235(2), la Loi donne à la Commission le pouvoir d’approuver la partie des frais d’arbitrage, déterminée par le directeur général, qui doit être payée par un agent négociateur. À ce même paragraphe, la Loi accorde également à la Commission le pouvoir de recevoir la partie des frais d’arbitrage, déterminée par le directeur général avec l’approbation de la Commission, qui doit être payée par un agent négociateur. Le paragraphe 235(2) est libellé comme suit :

235. (2) Dans le cas contraire, l’agent négociateur est tenu de payer à la Commission la partie des frais d’arbitrage déterminée par le directeur général de la Commission avec l’approbation de celle-ci.

7 Pour sa part, le paragraphe 237(1) de la Loi confère à la Commission le pouvoir de prendre des règlements relatifs à la procédure applicable aux griefs. Il prévoit ce qui suit :

237. (1) La Commission peut prendre des règlements relatifs à la procédure applicable aux griefs, notamment en ce qui concerne :

a) leurs mode et formalités de présentation, ainsi que, dans le cas des griefs collectifs, la forme du consentement des fonctionnaires concernés;

b) le nombre maximal de paliers auxquels ils peuvent être présentés dans le cadre de la procédure applicable;

c) la façon dont les fonctionnaires sont avisés du nom des personnes dont la décision en matière de grief constitue un palier de la procédure applicable, y compris le dernier;

d) leur délai de présentation pour chaque palier de la procédure applicable;

e) les circonstances permettant d’éliminer, pour leur présentation, tel ou tel palier inférieur ou intermédiaire;

f) le mode et le délai de leur renvoi à l’arbitrage après leur présentation jusqu’au dernier palier inclusivement;

g) l’établissement de règles de procédure pour leur audition;

h) le délai d’envoi des avis et autres documents au titre de la présente partie, ainsi que leurs destinataires et la date où ils sont réputés avoir été donnés et reçus;

i) les modalités applicables aux avis donnés à la Commission canadienne des droits de la personne sous le régime de la présente partie.

8 Enfin, le paragraphe 238a) de la Loi permet à la Commission de prendre des règlements pour régir les modalités applicables à l’envoi de l’avis de renvoi d’un grief à l’arbitrage et le délai applicable pour contester l’établissement d’un conseil d’arbitrage; quant au paragraphe 238b), il permet à la Commission de prendre des règlements sur le mode et le délai d’établissement des conseils d’arbitrage. L’article 238 est libellé comme suit :

238. La Commission peut, par règlement :

a) régir les modalités applicables à l’envoi de l’avis prévu au paragraphe 223(1) et le délai applicable à l’opposition prévue à l’alinéa 223(2)c);

b) le mode et le délai d’établissement des conseils d’arbitrage.

9 Tel qu’il est mentionné, les pouvoirs que la Loi confère à la Commission relativement aux griefs ne comprennent pas expressément celui de récuser un arbitre de grief de l’instruction du grief dont il est saisi.

10 Il reste à déterminer si la Commission peut récuser l’arbitre de grief de l’instruction du grief dont il est saisi au motif que cette mesure implique « […] la réalisation de ses objets, notamment en rendant des ordonnances qui exigent l’observation de la présente loi, des règlements pris sous le régime de celle-ci ou des décisions qu’elle rend sur les questions qui lui sont soumises. » Je ne considère pas que la Commission a ce pouvoir.

11 Même si l’allégation de conflits d’intérêts de Mme Exeter fait appel aux règles de justice naturelle et d’équité procédurale, elle ne soulève aucune question de conformité à la Loi ou aux règlements pris en vertu de la Loi. De plus, l’allégation de Mme Exeter s’inscrit dans le contexte de griefs dont un « arbitre de grief » est saisi, non comme une décision rendue dans le cadre d’une affaire dont la « Commission » est saisie. L’arbitre de grief et la Commission sont des décideurs distincts : ils traitent des affaires différentes et ont des compétences distinctes, tel qu’il est prévu par la Loi.

12 Enfin, je suis d’accord en principe avec le fait que l’allégation de conflit d’intérêts présentée par Mme Exeter pourrait faire appel la réalisation des objets de la Loi, au sens où la prise de décision impartiale est essentielle à l’atteinte des objectifs énoncés dans le préambule de la Loi, en particulier « […] résoudre de façon juste, crédible et efficace les problèmes liés aux conditions d’emploi […] ». Toutefois, je ne pense pas que le fait que la Commission récuse un arbitre de grief de l’instruction du grief dont il est saisi est un pouvoir lié à la réalisation de cet objectif. Au contraire, je suis d’avis que l’ingérence de la Commission dans les questions renvoyées à juste titre à un arbitre de grief irait à l’encontre de l’objectif d’une procédure d’arbitrage juste, crédible et efficace. Cela dit, il n’y a pas de doute qu’un arbitre de grief est lié par les règles de justice naturelle et d’équité procédurale lorsqu’il rend une décision sur un grief. En cas de non-respect de ces règles, la décision finale de l’arbitre de grief peut être renvoyée à la Cour fédérale en vue d’un contrôle judiciaire.

13 Pour toutes ces raisons, je rejette la demande de Mme Exeter. Aux termes de l’article 36 de la Loi, La Commission n’a pas le pouvoir de récuser un arbitre de grief de l’instruction du grief dont il est saisi. Au cas où je serais dans l’erreur, je vais examiner si la Commission, advenant qu’elle a ce pouvoir, devrait récuser l’arbitre de grief de l’instruction des griefs de Mme Exeter.

14 Fondamentalement, Mme Exeter demande la récusation de l’arbitre de grief qui est saisi de ses griefs. Il n’y a pas de doute qu’un arbitre de grief a compétence pour rendre une décision sur sa propre récusation; tout décideur a ce pouvoir. La jurisprudence établie en vertu de la Loi, ainsi que celle découlant de l’ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C., (1985), ch. P-35, contient des cas où une partie a demandé la récusation de l’arbitre de grief saisi de son grief. Dans tous les cas, la demande de récusation a été tranchée par l’arbitre de grief. De plus, un arbitre de grief est maître de sa propre procédure, sous réserve des règles de justice naturelle et d’équité procédurale.

15 Même si la Commission avait compétence, en vertu de l’article 36 de la Loi, pour récuser l’arbitre de grief de l’instruction des griefs de Mme Exeter, je trouverais inapproprié que la Commission exerce ce pouvoir. Je trouve qu’il est plus approprié de laisser l’arbitre de grief saisi des griefs de Mme Exeter rendre une décision relativement à la demande de récusation.

16 Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

Ordonnance

17 La demande de récuser l’arbitre de grief saisi des griefs de Mme Exeter est rejetée.

Le 24 février 2012.

Traduction de la CRTFP

Casper M. Bloom, c.r., Ad. E.,
président

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