Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

L’agent négociateur a déposé un grief alléguant que l’employeur avait contrevenu aux dispositions de la convention collective relatives à la rémunération au rendement - l'agent négociateur a contesté l'exigence selon laquelle les employés en congé de maternité ou parental devaient travailler un nombre minimal de mois à chaque exercice financier - les employés absents durant une partie de la période d’examen étaient admissibles à une augmentation de la rémunération au rendement au prorata si, dans l'année où ils étaient évalués, ils s’étaient acquittés de leurs fonctions pour une période suffisamment longue permettant une évaluation approfondie de leur rendement - l’agent négociateur a contesté ce principe arguant qu'un parent ne devrait pas être pénalisé en raison du fait qu'il prend un congé de maternité ou parental et que la progression à l’intérieur de l’échelle au rendement était une augmentation d’échelon salarial, aux termes de la convention collective - l’arbitre de grief a conclu que les dispositions relatives à la rémunération au rendement ne contredisaient pas la convention collective - la progression à l’intérieur de l’échelle au rendement diffère de l’augmentation d’échelon - l’augmentation d'échelon consiste en une progression quasi-automatique qui survient à une date fixe, à un montant prédéterminé, alors qu’une augmentation au rendement à l’intérieur de l’échelle et les primes de rendement sont une rémunération qui a pour objet de récompenser le rendement - seuls les employés qui ont été en congé sans solde ou qui ont travaillé suffisamment longtemps pour permettre une évaluation de leur rendement étaient admissibles à la rémunération au rendement au prorata - l’arbitre de grief a déclaré que, pour déterminer s’il y a eu discrimination, une analyse comparative est requise - le groupe de référence dans ce cas était les employés en congé sans solde - l’arbitre de grief a jugé que, en ce qui a trait à la rémunération au rendement, les employés en congé sans solde bénéficient du même traitement que les employés en congé de maternité ou parental - l’arbitre de grief a également reconnu qu’il faut établir une distinction entre les régimes ou les avantages de nature compensatoire ou non-compensatoire, de même que les avantages fondés sur l’ancienneté ou sur le travail - l’arbitre de grief a statué que, puisque la rémunération au rendement est un avantage compensatoire fondé sur le travail, l’employeur n’a pas fait preuve de discrimination à l'égard des employés en congé de maternité ou parental en les rémunérant au prorata. Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2012-03-15
  • Dossier:  569-02-98
  • Référence:  2012 CRTFP 32

Devant un arbitre de grief


ENTRE

ASSOCIATION DES JURISTES DE JUSTICE

agent négociateur

et

CONSEIL DU TRÉSOR

employeur

Répertorié
Association des juristes de justice c. Conseil du Trésor

Affaire concernant un grief de principe renvoyé à l’arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Renaud Paquet, arbitre de grief

Pour l’agent négociateur:
Craig Stehr, avocat

Pour l'employeur:
Martin Desmeules, avocat

Affaire entendue à Ottawa (Ontario), le 30 janvier 2012.
Arguments écrits déposés le 30 janvier et les 10 et 13 février 2012.
(Traduction de la CRTFP)

I. Grief de principe renvoyé à l´arbitrage

1 Le 23 décembre 2010, l´Association des juristes de justice (l´« agent négociateur ») a déposé un grief de principe auprès du Conseil du Trésor (l´« employeur »), alléguant que l´employeur avait contrevenu aux dispositions sur la rémunération au rendement de la convention collective conclue entre l´employeur et l´unité de négociation du groupe du Droit (LA) ayant comme date d´expiration le 9 mai 2011 (la « convention collective »).

2 Plus précisément, l´agent négociateur a contesté le fait que, dans certains ministères et organismes, les employés ayant pris un congé de maternité ou un congé parental devaient travailler pendant un nombre minimal de mois au cours d´un exercice financier afin d´être admissibles à l´obtention d´une rémunération au rendement. L´agent négociateur a demandé que cette pratique soit changée et que l´employeur avise tous les ministères et organismes de la nécessité de se conformer aux dispositions de la convention collective prévoyant le versement d´une rémunération au rendement à tous les employés en congé de maternité ou en congé parental. De plus, l´agent négociateur a proposé une méthode de calcul de la rémunération au rendement des employés concernés.

3 En réplique à ce grief, l´employeur a convenu que l´application de la convention collective à cet égard n´était pas uniforme dans l´ensemble des ministères et organismes. Il a souligné que la convention collective prévoyait un mécanisme de calcul proportionnel de la rémunération au rendement en ce qui avait trait aux employés absents pendant la période visée par l´évaluation du rendement, y compris les employés absents en raison d´un congé de maternité ou d´un congé parental. L´employeur a précisé que les employés en cause pourraient être admissibles à une augmentation au rendement calculée proportionnellement s´ils ont fait partie de l´effectif depuis assez longtemps pour qu´on puisse effectuer une évaluation du rendement valable pour l´exercice financier visé.

4 Peu après avoir répondu au grief, l´employeur a communiqué une directive à l´intention de tous les ministères et organismes afin qu´ils établissent des consignes au sujet de l´administration de la rémunération au rendement. En juillet 2011, le ministère de la Justice, qui emploie une importante partie des membres de l´unité de négociation, a émis une directive modifiant sa façon d´administrer la rémunération au rendement et la rendant conforme à celle établie dans la directive du Conseil du Trésor. Depuis lors, la rémunération au rendement est administrée de manière uniforme dans l´ensemble des ministères et organismes. Ces consignes sont décrites plus à fond aux paragraphes 13 et 14 ci-après.

5 Avec la réponse au grief, la directive de l´employeur à l´intention de tous les ministères et la directive du ministère de la Justice, l´employeur disposait dorénavant d´une méthode uniforme de calcul de la rémunération au rendement des LA revenant au travail à la suite d´un congé de maternité ou d´un congé parental; cette politique est précisément celle que conteste l´agent négociateur. Selon l´employeur, la rémunération au rendement de ces LA devrait être calculée en proportion du temps de travail. Selon l´agent négociateur, cette rémunération devrait être entièrement versée, car une mère ou un père ne devrait pas être pénalisé pour avoir pris un congé de maternité ou un congé parental, selon le cas.

6 L´agent négociateur a donné à la Commission canadienne des droits de la personne (CCDP) le préavis requis à savoir qu´il soulevait une question mettant en jeu l´interprétation ou l´application de la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. (1985), ch. H-6 (LCDP). Le 31 janvier 2012, la CCDP a présenté des arguments écrits et les parties ont été invitées à y répondre au plus tard le 13 février 2012; elles se sont exécutées les 10 et 13 février 2012, respectivement.

II. Résumé de la preuve

7 Les preuves produites lors de l´audience n´ont pas été réfutées. L´agent négociateur a produit deux documents émanant du ministère de la Justice, intitulés « Bulletin 536 » et « Bulletin 545 », portant sur l´administration de la rémunération au rendement. Il a également présenté une politique établie par Anciens Combattants Canada ainsi qu´une lettre d´information émanant de l´employeur, toutes deux portant sur ce même sujet. L´agent négociateur a cité à témoigner Rick Swoffer. M. Swoffer travaille depuis juillet 2010 à titre d´agent des relations de travail à temps plein pour le compte de l´agent négociateur.

8 Une composante de la rémunération des LA est versée en fonction du rendement. Ainsi, à titre d´illustration, l´échelle salariale LA-2A en vigueur depuis le 10 mai 2010, s´échelonne entre 82 917 $ et 118 995 $. Cette échelle ne comporte pas d´augmentation d´échelon de salaire tous les 6 ou 12 mois, comme c´est le cas pour la plupart des groupes professionnels au sein de la fonction publique. L´évolution du traitement à l´intérieur de l´échelle salariale est plutôt arrimée au régime de rémunération au rendement décrit à l´Appendice « B » de la convention collective. Tous les ans, on évalue le rendement du LA et, selon la cote qui lui est attribuée, le LA peut toucher une rémunération au rendement. Le montant de la rémunération ainsi versée varie selon la cote attribuée.

9 Avant d´atteindre le plafond de leur échelle salariale, les LA peuvent recevoir une augmentation au rendement qui fait en sorte que leur rémunération globale progresse à l´intérieur de l´échelle. Ces augmentations successives sont intégrées à la rémunération du LA jusqu´à ce qu´il ait atteint le plafond de l´échelle salariale. Une fois ce cap atteint, la rémunération au rendement devient alors une prime au rendement non permanente, devant être méritée chaque année. À titre d´illustration, si un LA-2A touche en moyenne une rémunération au rendement de 5 000 $ chaque année, il mettra plus ou moins 7 ans avant de passer du seuil minimal de son échelle salariale (82 917 $) au plafond de l´échelle (118 995 $). Une fois le seuil maximal atteint, la rémunération au rendement n´est plus intégrée à son salaire; elle est versée à titre de prime rajoutée à sa rémunération correspondant au seuil maximal de l´échelle.

10 Le rendement des LA est évalué une fois l´an par l´employeur. Les employés dont le rendement est alors jugé « satisfaisant », « insatisfaisant », ou « impossible à déterminer », n´ont pas droit à une augmentation au rendement. Seulement les employés dont le rendement est jugé « entièrement satisfaisant » peuvent recevoir une augmentation pouvant aller jusqu´à 5 %. Un rendement jugé supérieur peut mériter une augmentation pouvant atteindre 7 %, alors qu´un rendement jugé exceptionnel peut mériter une augmentation pouvant atteindre 10 %. La partie du budget d´un ministère consacrée à la rémunération au rendement ne peut être de plus de 5 % de la masse salariale du groupe visé au sein de ce ministère.

11 Si un LA prend un congé non payé pour une partie de l´exercice financier, il pourrait être admissible à une augmentation au rendement, laquelle doit être proportionnelle à la période depuis laquelle il fait à nouveau partie de l´effectif. Ceci inclut les LA en congé de maternité ou en congé parental. La clause 8.2 de la partie 2 de l´Appendice « B » de la convention collective prévoit ce qui suit à cet égard :

8.2 Les employés qui ont pris un congé non payé pendant une partie de l´exercice financier pourraient être admissibles à une augmentation au rendement s´ils font partie de l´effectif depuis assez longtemps pour qu´on puisse effectuer une évaluation du rendement valable. La rémunération au rendement doit être proportionnelle à la période depuis laquelle l´employé fait à nouveau partie de l´effectif.

12 À l´époque du dépôt du grief, certains ministères et organismes exigeaient que les LA ayant pris un congé de maternité ou un congé parental travaillent quatre ou six mois au cours de l´exercice financier visé afin d´être admissible à une augmentation au rendement, celle-ci étant alors calculée proportionnellement au nombre de mois travaillés durant cette période. À l´époque, le ministère de la Justice interprétait différemment ces dispositions de la convention collective. L´interprétation retenue par ce ministère à cet égard est formulée au paragraphe 4.3.1 du « Bulletin 536 », qui se lit comme suit :

[Traduction]

[…]

Un employé occupant un poste admissible, mais qui était en congé de maternité ou en congé parental le 1er avril 2010, est réputé admissible à une augmentation au rendement.

S´il est impossible pour le gestionnaire d´évaluer le rendement du fonctionnaire pour la période d´évaluation visée, la cote obtenue par l´employé lors de l´évaluation de son rendement de la période précédant immédiatement la période d´évaluation visée sera réputée être la cote obtenue aux fins de cet exercice (jusqu´à la cote maximale « satisfait entièrement »).

[…]

13 En juin 2011, l´employeur a émis un bulletin d´information à l´intention de tous les ministères et organismes portant sur l´administration de la rémunération au rendement relativement aux LA. Dans ce bulletin, l´employeur indique que les LA en congé de maternité ou en congé parental étaient réputés faire partie de l´effectif le 31 mars ou le 1er avril et admissibles à une augmentation au rendement. L´employeur précise que, dans le cas des LA ayant pris un congé non payé, la rémunération au rendement devait être proportionnelle à la période pendant laquelle ils exerçaient leurs fonctions, à condition de respecter la période minimale requise pour être admissible à la rémunération au rendement. L´établissement de la période minimale était laissé aux soins des divers ministères et organismes. Selon M. Swoffer, cette période serait en moyenne de quatre mois.

14 En juillet 2011, le ministère de la Justice a changé son interprétation des dispositions de la convention collective portant sur la rémunération au rendement. Il a alors émis le « Bulletin 545 », dont le paragraphe 4.7.1 se lit comme suit :

[Traduction]

[…]

Un employé occupant un poste admissible, mais qui était en congé de maternité ou en congé parental le 1er avril 2011, est réputé admissible à une augmentation au rendement.

Le 6 juin 2011, le SCT a émis un bulletin d´information du Conseil du Trésor intitulé Congé de maternité et parental et rémunération au rendement. On y précise en outre qu´à compter de la période d´évaluation 2011-2012, la rémunération au rendement constitue une reconnaissance des cotes d´évaluation du rendement attribuées relativement à la même période d´évaluation. Un employé ayant obtenu la cote « Impossible à déterminer » n´aura pas droit à la rémunération au rendement.

[…]

15 Lors de son témoignage, M. Swoffer a souligné que la progression des LA dans l´échelle salariale était uniquement fondée sur leur rendement. Il a précisé qu´il estimait que la rémunération au rendement à l´intérieur de l´échelle correspond aux échelons de rémunération prévus pour l´ensemble des fonctionnaires travaillant au sein de la fonction publique.

III. Résumé de l´argumentation et des arguments écrits

A. Pour la CCDP

16 La CCDP m´a tout d´abord renvoyé à l´objet de la LCDP ainsi qu´aux articles 3, 7 et 10 de celle-ci. Sur la question de la grossesse ou l´accouchement à titre de motif de discrimination, elle m´a renvoyé aux cas suivants : Brooks c. Canada Safeway Ltd., [1989] 1 R.C.S. 1219; Lavoie c. Conseil du Trésor du Canada, 2008 TCDP 27; Tomasson c. Canada (Procureur général), 2007 CFA 265. Sur la question de la situation de famille à titre de motif de discrimination, elle m´a renvoyé aux cas suivants : Hoyt c. Canadian National Railway, 2006 TCDP 33; Johnstone c. Agence des services frontaliers du Canada, 2010 TCDP 20; Whyte c. Canadian National Railway, 2010 TCDP 22; Richards c. Canadian National Railway, 2010 TCDP 24; Seeley c. Canadian National Railway, 2010 TCDP 23.

17 La CCDP a soutenu qu´en matière de droits de la personne, le plaignant a le fardeau d´établir une preuve prima facie de discrimination. Ce critère a été énoncé par la Cour suprême du Canada dans Ontario (Commission ontarienne des droits de la personne) c. Simpsons-Sears, [1985] 2 R.C.S. 536. Une fois ce fardeau satisfait, il y a déplacement du fardeau de la preuve au défendeur, et il lui incombe alors de présenter une justification raisonnable de la conduite qui lui est reprochée. Si le défendeur fait valoir une justification raisonnable expliquant sa conduite, il incombe alors au plaignant d´établir que la justification fournie est un prétexte et que la conduite du défendeur était attribuable à des motivations à caractère discriminatoire. La CCDP a de plus fait valoir que, dans l´analyse de l´existence d´un acte discriminatoire pour un motif interdit dans un contexte lié à l´emploi, le critère pertinent avait été formulé par la Cour suprême du Canada dans Colombie‑Britannique (Public Service Employee Relations Commission) c. BCGSEU, [1999] 3 R.C.S. 3.

18 La CCDP a également fait valoir que de nombreux parents doivent composer avec la nécessité de trouver un équilibre travail-famille. Étant donné que les femmes sont les bénéficiaires exclusives des congés de maternité et qu´elles demeurent dans notre société les principales responsables de la garde des enfants, la politique et les pratiques de l´employeur pourraient toucher les femmes de manière disproportionnée. Par ailleurs, les dispositions du régime de rémunération au rendement énoncent clairement les modalités d´application de la rémunération au rendement. La clause 4.4 vise à s´assurer que les droits des fonctionnaires non portés à l´effectif pendant la période requise, en raison d´un congé de maternité ou parental, ne soient pas indûment affectés par rapport aux droits des autres fonctionnaires, en raison d´un motif lié à leur situation de famille. L´employeur a l´obligation de prendre les mesures d´adaptation pertinentes à l´égard d´un fonctionnaire ayant des responsabilités parentales, à condition que cela ne représente pas une contrainte excessive pour l´employeur. L´évaluation de ce qui constitue une contrainte excessive varie selon les circonstances en l´espèce. L´emploi du qualificatif « excessive » laisse entendre que certaines contraintes peuvent s´avérer acceptables.

19 La position de la CCDP est à savoir que, si l´agent négociateur établissait une preuve prima facie quant à l´existence d´une distinction indue fondée sur le sexe ou la situation de famille, cela entraînerait l´obligation pour l´employeur de prendre des mesures d´adaptation envers les employés visés dans la mesure où cela ne lui impose pas une contrainte excessive, en vertu des articles 7 et 10 de la LCDP. Il incomberait alors à l´employeur de démontrer qu´il a pris toutes les mesures raisonnables d´adaptation qui s´imposent envers les employés visés sans que cela ne lui impose une contrainte excessive.

20 La position de la CCDP est en outre à savoir que si une preuve prima facie de discrimination est établie fondée sur la situation familiale, l´employeur doit alors établir que sa pratique en la matière découle d´une exigence professionnelle justifiée, en établissant que : 1) la pratique a été adoptée pour réaliser un objectif raisonnablement lié à l´accomplissement des fonctions exercées; 2) que l´employeur a adopté la pratique en estimant, en toute transparence et en toute bonne foi, que cela était nécessaire afin de réaliser un objectif en lien avec l´emploi accompli; 3) que la pratique visée est raisonnablement nécessaire afin de réaliser l´objectif lié à l´accomplissement des fonctions exercées. Afin d´établir que la pratique est raisonnablement nécessaire, il doit être démontré qu´il est impossible d´appliquer la clause 4.4 de l´Appendice « B » de la convention collective à des employés en particulier qui ont bénéficié ou bénéficieraient de leur droit à un congé de maternité ou parental, selon le cas, en s´assurant qu´ils et elles aient droit au bénéfice des dispositions sur la rémunération au rendement.

21 La CCDP a soutenu que, pour veiller à ce que chaque individu puisse se prévaloir des protections garanties en vertu des principes fondamentaux des droits de la personne au Canada, il est essentiel que tous les employés représentés par l´agent négociateur jouissant du droit de prendre des congés de maternité ou des congés parentaux puissent avoir le droit de bénéficier d´un traitement égal de la part de tous les ministères et organismes.

B. Pour l´agent négociateur

22 L´agent négociateur a fait valoir que les LA bénéficiant d´un congé de maternité ou parental ne devraient pas être pénalisés et devraient recevoir les augmentations d´échelon régulières, selon leur rendement. L´interprétation de la convention collective préconisée par l´employeur constitue une discrimination envers les femmes prenant un congé de maternité et envers les hommes et les femmes prenant un congé parental.

23 La convention collective doit être interprétée comme formant un tout. Il faut se reporter à l´ensemble de ses dispositions afin d´interpréter convenablement des dispositions particulières de la convention collective. La clause 19.03a) accorde un congé de maternité de 18 semaines aux mères en vue de l´accouchement et de leur rétablissement par la suite. La clause 19.03g) précise que le temps consacré au congé de maternité est compté aux fins de l´augmentation d´échelon de rémunération. La clause 19.04i) prévoit que l´indemnité de maternité est rajustée si la mère devient admissible à une augmentation d´échelon de rémunération ou à un rajustement de traitement. La clause 19.06a) prévoit que la mère ou le père a droit à un congé parental de 37 semaines pour assurer les soins et la garde du nouveau-né. Les clauses 19.06g) et 19.07i) confèrent aux parents les mêmes avantages que ceux accordés aux mères en vertu des clauses 19.03g) et 19.04i). Règle générale, la convention collective traite le congé de maternité et parental différemment que les autres types de congé non payé.

24 L´agent négociateur m´a également renvoyé à la clause de la convention collective de l´élimination de la discrimination et au document de l´employeur intitulé Directive sur les conditions d´emploi, en particulier aux paragraphes traitant des augmentations d´échelon de rémunération. L´agent négociateur m´a également renvoyé à l´Appendice « A » de la convention collective, laquelle prévoit que la progression à l´intérieur d´une échelle salariale passe nécessairement par le mécanisme de la rémunération au rendement.

25 Selon l´agent négociateur, la clause 8.2 de l´Appendice « B » est en contradiction avec les clauses 19.03g) et 19.06g) de la convention collective. Selon le libellé de ces clauses, le temps consacré à un congé de maternité ou parental est compté aux fins des augmentations d´échelon de rémunération, alors que cela n´est pas prévu à la clause 8.2 de l´Appendice « B ». Par ailleurs, la clause 4.4 de l´Appendice « B » établit une distinction entre le congé de maternité ou parental et les autres types de congé, mais non la clause 8.2.

26 Lorsque l´on considère la convention collective dans son ensemble, il ressort que les LA ayant pris un congé de maternité ou parental ont droit à la totalité des augmentations d´échelon de rémunération. La clause 8.2 de l´Appendice « B » ne peut avoir préséance sur le corps de la convention collective. De plus, il faut accorder au libellé de la Directive sur les conditions d´emploi et desclauses 19.03g) et 19.06g) le sens qui leur revient.

27 L´interprétation donnée par l´employeur à l´Appendice « B » de la convention collective résulte en la discrimination et à la violation de la LCDP et à la clause d´élimination de la discrimination de la convention collective. Les LA qui prennent un congé de maternité ou parental ne devraient pas être pénalisés en raison d´une augmentation d´échelon moins élevée, sinon inexistante. Afin d´éliminer toute discrimination, il ne faudrait pas calculer l´augmentation en proportion du temps travaillé au cours de l´exercice mais plutôt fonder alors l´augmentation sur le rendement durant l´exercice précédent.

28 L´agent négociateur m´a renvoyé aux décisions suivantes : Canada (Procureur général) c. Jones, [1978] 2 C.F 39 (C.A.); Delage c. Conseil du Trésor (ministère des Pêches et Océans), 2009 CRTFP 43; Hoyt; Brouse c. Conseil du Trésor (Citoyenneté et Immigration Canada), 2003 CRTFP 14; United Steelworkers, Local 1‑207 v. West Fraser Mills Ltd. (Hinton Wood Products), 2008 ABQB 263. L´agent négociateur m´a également renvoyé à l´ouvrage de Palmer et Snyder, Collective Agreement Arbitration in Canada, 4e édition.

C. Pour l´employeur

29 Le présent grief porte sur l´interprétation de la clause 8.2 de l´Appendice « B » de la convention collective. Cette clause énonce clairement comment il convient de calculer la rémunération au rendement pour les employés prenant un congé non payé. Si l´intention des parties était de prévoir une méthode de calcul différente de la rémunération au rendement des employés prenant un congé de maternité ou parental, elles l´auraient précisé à la clause 8.2, mais elles ne l´ont pas fait. L´arbitre de grief n´a pas le pouvoir de modifier la convention collective et, en l´occurrence, d´accorder aux LA des avantages différents de ceux prévus à leur convention collective.

30 Les clauses 19.03g) et 19.06g) de la convention collective ne s´appliquent pas au présent cas, mais plutôt aux augmentations d´échelon à des dates établies sans égard au rendement. Ces clauses s´appliquaient lorsqu´il existait un régime d´augmentation d´échelon, ce qui n´est plus le cas.

31 Les LA qui prennent un congé de maternité ou parental ne sont pas traités différemment des autres employés en congé non payé à l´égard desquels il faut calculer la rémunération au rendement en proportion du temps travaillé au cours de l´exercice. Aucune preuve prima facie de discrimination n´a été établie, puisque les LA qui prennent un congé de maternité ou parental ne reçoivent pas une rémunération inférieure à celle de leur groupe comparatif, soit les autres employés prenant un congé non payé.

32 L´employeur m´a renvoyé aux décisions suivantes : Association des juristes du ministère de la Justice c. Conseil du Trésor, 2009 CRTFP 20; Centre universitaire de santé McGill (Hôpital général de Montréal) c. Syndicat des employés de l´Hôpital général de Montréal, 2007 CSC 4; Andrews c. Law Society of British Columbia, [1989] 1 R.C.S. 143; Ontario Nurses´ Association v. Orillia Soldiers Memorial Hospital et al. (1999), 42 O.R. (3e) 692 (C.A.); Association des juristes du ministère de la Justice c. Conseil du Trésor, dossier de la CRTFP 585-02-25 (20091023); Power v. Canada (Attorney General), 2003 NLCA 17; Canada (CCDP) c. Canada (TCDP), [1997] F.C.J. no 1734 (1ère instance) (QL); Patterson c Canada (Agence du revenu du Canada), 2011 CF 1398; Lavoie; Delage; Bertrand c. Conseil du Trésor, 2011 CRTFP 92; Complex Services Inc. v. Ontario Public Service Employees Union, Local 278, 2011 CanLII 26530; New Brunswick Public Employees Association v. Region 6 Hospital Corporation (2002), 109 L.A.C. (4e) 150; Canada Post Corporation v. Canadian Union of Postal Workers, 2002 C.L.A.D. No. 470 (QL).

IV. Motifs

33 La portée de ce grief a évolué depuis le moment de son dépôt jusqu´à son audition. Au moment de déposer le grief, l´agent négociateur se disait satisfait de l´interprétation faite par le ministère de la Justice de l´Appendice « B » de la convention collective. L´agent négociateur a ensuite préconisé que les autres ministères ou organismes appliquant une interprétation différente devaient adopter la même interprétation. Après avoir entendu le grief au dernier palier, l´employeur a décidé d´adopter une interprétation unique et uniforme de l´Appendice « B ». Or, plutôt que d´étendre l´approche du ministère de la Justice à l´ensemble des ministères et organismes, l´employeur a plutôt appliqué l´interprétation adoptée par les autres ministères et organismes. Je suis donc devant une approche uniforme adoptée par l´employeur visant le calcul proportionnel de la rémunération au rendement versée aux LA au retour d´un congé de maternité ou parental, et qui sont considérés comme ayant fait partie de l´effectif suffisamment longtemps pour que l´on puisse évaluer convenablement leur rendement. L´agent négociateur conteste cette approche.

34 Afin de trancher le grief, je dois examiner tout d´abord les dispositions suivantes de la convention collective, lesquelles ont une incidence directe ou indirecte sur cette question, selon le cas :

19.03 Congé de maternité non payé

[…]

g)       Le congé accordé en vertu du présent paragraphe est compté dans le calcul de la durée de l´« emploi continu » aux fins de l´indemnité de départ et dans le calcul du « service » aux fins du congé annuel. Le temps consacré à ce congé est compté aux fins de l´augmentation d´échelon de rémunération.

[Je souligne]

[…]

19.04 Indemnité de maternité

[…]

i)        Si la juriste devient admissible à une augmentation d´échelon de rémunération ou à un rajustement de traitement qui augmenterait son indemnité de maternité pendant qu´elle la reçoit cette indemnité est rajustée en conséquence.

[Je souligne]

[…]

19.06 Congé parental non payé

[…]

g)       Le congé accordé en vertu du présent paragraphe est compté dans le calcul de la durée de l´« emploi continu » aux fins de l´indemnité de départ et dans le calcul du « service » aux fins du congé annuel. Le temps consacré à ce congé est compté aux fins de l´augmentation d´échelon de rémunération.

[Je souligne]

[…]

19.07 Indemnité parentale

[…]

i)        Si le juriste devient admissible à une augmentation d´échelon de rémunération ou à un rajustement de traitement pendant qu´il touche des prestations parentales, ces prestations sont rajustées en conséquence.

[Je souligne]

[…]

21.06 Sauf disposition contraire dans la présente convention, lorsqu´un congé non payé est accordé à un juriste pour une période de plus de trois (3) mois, la période totale du congé accordé est déduite de la période d´« emploi continu » servant à calculer l´indemnité de départ et de la période de « service » servant à calculer les congés annuels; le temps consacré à un tel congé d´une durée de plus de trois (3) mois ne compte pas aux fins de l'augmentation d'échelon de rémunération.

[Je souligne]

[…]

36.01 Il n´y a aucune discrimination, ingérence, restriction, coercition, harcèlement, intimidation, ni aucune mesure disciplinaire exercée ou appliquée à l´égard d´un juriste du fait de son âge, sa race, ses croyances, sa couleur, son origine ethnique ou nationale, sa confession religieuse, son sexe, son orientation sexuelle, sa situation familiale, son état matrimonial, son incapacité mentale ou physique, une condamnation pour laquelle le juriste a été gracié ou son adhésion au syndicat, ou son activité dans l´Association

[…]

APPENDICE  « A »

LA – Groupe de Droit (UIN 21402)

Taux de rémunération annuels

                                   (en dollars)    

X) En vigueur à compter du 10 mai 2006 - Restructuration

A) En vigueur à compter du 10 mai 2006

B) En vigueur à compter du 10 mai 2007

C) En vigueur à compter du 10 mai 2008

D) En vigueur à compter du 10 mai 2009

Y) Décision arbitrale à compter du 1 novembre 2009 - Restructuration

E) En vigueur à compter du 10 mai 2010

LA‑1

 
De :$5458557087 59586 62087 64587 68828 71581
À : X 54580 57087 59586 62087 64587 68828 71581
 A 55945 58514 61076 63639 66202 70549 73371
 B 57232 59860 62481 65103 67725 72172 75059
 B 57232 59860 62481 65103 67725 72172 75059
 C 58090 60758 63418 66080 68741 73255 76185
 D 58961 61669 64369 67071 69772 74354 77328
 Y 58961 à 84119  
 E 59845 à 85381  
 
De :$ 74443 77868  
À : X 74443 77868  
  A 76304 79815  
  B 78059 81651  
  C 79230 82876  
  D 80418 84119  

[ ]

Structure à échelons fixes (UIN 21402)

Administration de l´Augmentation d´échelon de rémunération

  1. Une augmentation d´échelon de rémunération sera au taux suivant dans l´échelle de taux.
  2. Jusqu´au 31 octobre 2009, la période d´augmentation de rémunération pour tous les juristes payés selon l´échelle LA-1 est de six (6) mois.
  3. Jusqu´au 31 octobre 2009, la période d´augmentation de rémunération à l´échelon suivant pour tous les juristes payés selon les échelles LA-2(I) et LA-2(II) est de douze (12) mois. Les augmentations économiques subséquentes seront régies par les régimes de rémunération au rendement applicables.

[Je souligne]

[…]

LA‑2A

De : $ 75630 à 108525
À : X 75622 à 108525
 A 77513 à 111238
 B 79296 à 113796
 C 80485 à 115503
 D 81692 à 117236
 E 82917 à 118995

[…]

Appendice « B »

Politique sur l´administration de la rémunération au rendement des juristes de niveaux LA-1, LA-2A et LA-2B

La politique sur l´administration de la rémunération au rendement en vigueur à compter du 9 mai 2006, s´applique aux juristes des niveaux LA-1, LA-2A et LA-2B pour la durée de la décision arbitrale du groupe de droit publiée le 23 octobre 2009. (Décision arbitrale datée du 23 octobre 2009, disposition en vigueur le 1er novembre 2009)

PARTIE 1

[…]

2.1  Selon la politique gouvernementale, il faut rémunérer certains employés exclus de niveaux supérieurs n´appartenant pas à la catégorie de la gestion en fonction de leur niveau de rendement. La présente politique présente les modalités de la rémunération au rendement. Voici les principales dispositions :

2.1.1 les employés peuvent progresser à l´intérieur de l´échelle de traitement par une série d´augmentations variables correspondant à leur cote de rendement;

2.1.2  des primes de rendement peuvent être accordées à ceux dont le traitement a atteint le taux normal et dont le rendement est entièrement satisfaisant, supérieur ou exceptionnel dans une année donnée;

[…]

4.1     Ce régime ne s´applique pas aux employés visés par le Règlement concernant la rémunération lors de la reclassification ou de la transposition dont le traitement est protégé à un groupe et niveau non mentionnés ci-haut. Il faut se reporter aux conditions d'emploi pertinentes pour établir la rémunération qui convient.

4.2     Les employés en congé non payé sont admissibles aux augmentations au rendement à l´intérieur de l´échelle ou aux primes de rendement prévues en vertu du présent régime.

[Je souligne]

[…]

PARTIE 2

[…]

2.2     « augmentation à l´intérieur de l´échelle » (in-range increase) - augmentation de traitement fondée sur la cote de rendement, qui amène une progression dans l´échelle (jusqu´à concurrence du taux normal).

[…]

2.5     « prime de rendement » (performance award) - prime payable à un employé dont le traitement a atteint le taux normal de l´échelle de traitement applicable et dont le rendement a été coté entièrement satisfaisant, supérieur ou exceptionnel. Cette prime est payable en un montant forfaitaire et doit être méritée à nouveau chaque année.

[…]

3.1     Les augmentations à l´intérieur de l´échelle et les primes de rendement doivent être appliquées le 1er avril de chaque année ou à la date prescrite par le Conseil du Trésor.

3.2     Les dépenses consacrées aux augmentations à l´intérieur de l´échelle et aux primes de rendement sont contrôlées par un budget ministériel qu´il ne faut pas dépasser.

[…]

4.0 Augmentations à l´intérieur de l´échelle

4.1     En règle générale, il peut être accordé chaque année une augmentation à l´intérieur de l´échelle jusqu´à concurrence du taux normal, en pourcentage du traitement individuel, selon le barème suivant pour les diverses cotes de rendement :

Exceptionnel – jusqu´à 10 %

Supérieur – jusqu´à 7 %

Entièrement satisfaisant – jusqu´à 5 %

Satisfaisant - 0 %

Insatisfaisant - 0 %

Impossible à déterminer - 0 %

[…]

4.4     Le budget ministériel consacré à la rémunération au rendement se limite à cinq pour cent (5 %) de la masse salariale du groupe au 31 mars. Seuls les membres du groupe font partie de l´effectif et qui occupent un poste le 31 mars et 1er avril, tel que décrit au paragraphe 3.1 de la présente politique, sont admissibles aux fins du présent exercice. Les membres du groupe qui sont en congé non payé, en congé de maternité ou en congé parental, qui ne seraient pas normalement considérés comme faisant partie de l´effectif, sont réputés être admissibles aux fins de la présente politique.

[Je souligne]

[…]

8.1     Les employés qui ont pris un congé non payé pour tout l´exercice financier et qui n´étaient pas revenus au travail le 31 mars de cet exercice financier ne sont pas admissibles à une augmentation au rendement. Il ne faut pas inclure leur traitement dans les calculs budgétaires.

8.2     Les employés qui ont pris un congé non payé pendant une partie de l´exercice financier pourraient être admissibles à une augmentation au rendement s´ils font partie de l´effectif depuis assez longtemps pour qu´on puisse effectuer une évaluation du rendement valable. La rémunération au rendement doit être proportionnelle à la période depuis laquelle l´employé fait à nouveau partie de l´effectif.

[Je souligne]

35 Je conviens avec l´agent négociateur que la convention collective doit être interprétée comme formant un tout et que l´ensemble de ses dispositions permet de mieux comprendre ses diverses dispositions particulières. Ceci dit, je ne conclus pas nécessairement, comme m´y invitait l´agent négociateur, que la clause 8.2 de la partie 2 de l´Appendice « B » vient contredire le reste de la convention collective telle qu´interprétée et appliquée par l´employeur.

36 J´aborderai tout d´abord l´examen de l´argument avancé par l´agent négociateur voulant que les renvois dans la convention collective à la notion d´augmentation d´échelle de rémunération doivent nécessairement être réputés se rapporter à des augmentations à l´intérieur de l´échelle salariale. L´Appendice « A » de la convention collective prévoit en outre des augmentations d´échelon fixes pour les LA-1 pour la période antérieure au 1er novembre 2009. L´Appendice « A » prévoit également qu´avant cette date, les périodes visées par une augmentation d´échelon étaient de 6 ou de 12 mois, selon le cas, et que par la suite l´augmentation à l´intérieur de l´échelle était liée à la rémunération au rendement. L´agent négociateur a soutenu que les renvois à l´augmentation d´échelon de rémunération correspondaient aux autres renvois se rapportant à l´augmentation à l´intérieur de l´échelle. Malgré l´abandon par les parties du régime des augmentations d´échelon fixes à compter du 1er novembre 2009, elles ont décidé, pour des motifs qui n´ont pas été explicités à l´audience, de faire référence à ce régime dans la convention collective signée le 27 juillet 2010. De la même manière, les parties ont décidé de renvoyer au régime sur les augmentations d´échelle de rémunération en ce qui a trait aux modalités des clauses 19.03g), 19.04i), 19.06g) et 19.07i), même si le système des augmentations d´échelon n´était plus en place lors de la signature de la convention collective. Il s´agissait alors d´un anachronisme.

37 Je ne peux souscrire à l´argument de l´agent négociateur voulant que la progression à l´intérieur de l´échelle par l´effet de la rémunération au rendement corresponde à une augmentation d´échelle de rémunération prévue en vertu de la convention collective. Une augmentation d´échelle de rémunération, en vertu de la convention collective, équivaut à une progression quasi-automatique se produisant à une date préétablie, selon un montant préétabli. Par opposition, les augmentations au rendement à l´intérieur de l´échelle et les primes de rendement à l´extérieur de l´échelle correspondent à une rémunération visant à récompenser le rendement et non des augmentations d´échelle de rémunération accordées en fonction des états de service. Il s´agit en fait de deux régimes séparés et distincts, l´un ayant pris fin alors que l´autre a commencé à être mis en pratique. À cet égard, il convient ici de souligner de nouveau le libellé du paragraphe (3) de la section portant sur l´administration de l´augmentation d´échelon de rémunération de l´Appendice « A » de la convention collective. Ce paragraphe se lit comme suit :

[…]

(3)      Jusqu´au 31 octobre 2009, la période d´augmentation de rémunération à l´échelon suivant pour tous les juristes payés selon les échelles LA-2(I) et LA-2(II) est de douze (12) mois. Les augmentations économiques subséquentes seront régies par les régimes de rémunération au rendement applicables.

[Je souligne]

38 La clause 4.4 de la partie 2 de l´Appendice « B » de la convention collective limite le budget de la rémunération au rendement à 5 % de la masse salariale du groupe Droit dans un ministère à compter du 31 mars. Aux fins du calcul du 5 %, les LA en congé de maternité ou parental sont réputés faire partie de l´effectif au 31 mars. Lorsque le budget prévu à cette fin d´un ministère est épuisé, les LA reçoivent alors une rémunération au rendement de 5 % en moyenne. Les LA dont le rendement n´était pas entièrement satisfaisant ne reçoivent aucune augmentation ou prime au rendement, alors que tous les autres pourraient recevoir en toute vraisemblance une augmentation ou une prime pouvant atteindre jusqu´à 10 % de leur salaire pour les LA dont le rendement a été coté exceptionnel.

39 En mai 2010, le salaire des LA-2A s´échelonnait de 82 917 $ à 118 995 $, soit une fourchette de 36 078 $. Au rythme d´une rémunération au rendement de 5 % par année, un LA mettrait de sept à huit ans avant d´atteindre le plafond de son échelle salariale. Cette période serait plus longue si une LA prend un congé de maternité ou un ou une LA prend un congé parental, car l´augmentation de rémunération est calculée en proportion du temps consacré au congé et serait donc nécessairement moins élevée que dans le cas d´un ou d´une LA qui ne prend pas un tel congé. Il en résulte évidemment que la rémunération d´une LA qui prend un congé de maternité ou d´un ou d´une LA qui prend un congé parental sera moins élevée à son retour au travail. Aucune preuve n´a été présentée à l´audience quant à l´ampleur de la perte ainsi encourue, mais elle pourrait être assez considérable si le congé a été pris tôt dans la progression du LA dans son échelle salariale, puisque la rémunération de l´exercice suivant serait calculée à partir d´une valeur plus basse. Toutefois, à moins que cela résulte d´une discrimination au sens de la LCDP, cela n´a aucune incidence sur le présent grief de principe. Le fait que les LA qui prennent un congé de maternité ou parental mettront plus de temps à atteindre le seuil maximal de leur échelle salariale n´est qu´une conséquence accessoire découlant du régime de rémunération au rendement, et non une pénalité quelconque.

40 Je conviens avec l´employeur que la question en litige porte sur la clause 8.2 de la partie 2 de l´Appendice « B » de la convention collective. Je souscris également à la prétention de l´employeur à savoir que le libellé de cette clause est limpide; ainsi, seulement les LA ayant pris un congé non payé et ayant travaillé depuis assez longtemps pour qu´on puisse effectuer une évaluation du rendement valable ont droit à une rémunération au rendement, laquelle doit être proportionnelle. Selon la preuve présentée, ce que l´on considère comme étant « depuis assez longtemps » semble être une période d´une durée de quatre mois moyenne. Les LA en congé de maternité ou parental sont réputés être en congé non payé, car ils ne reçoivent pas alors un salaire pendant leur congé, mais plutôt une indemnité.

41 À mon avis, en analysant la convention collective sans prendre en compte les exigences de la LCDP, il n´y a pas d´incongruité entre la convention collective prise dans son ensemble et l´Appendice « B » de cette même convention. De plus, l´interprétation donnée par l´employeur à la clause 8.2 de la partie 2 de l´Appendice « B » est correcte. Selon le libellé de cette clause, la rémunération au rendement doit être proportionnelle en ce qui concerne les LA visés dont le rendement peut être évalué pour l´exercice financier visé. Une question demeure néanmoins : la clause 8.2 établit‑elle une discrimination fondée sur un motif interdit envers les LA se prévalant d´un tel congé?

42 La Cour suprême du Canada a formulé, dans Andrews c. Law Society of British Columbia, [1989] 1 R.C.S. 143, au paragraphe 37, une définition juridique de la discrimination :

[…] la discrimination peut se décrire comme une distinction, intentionnelle ou non, mais fondée sur des motifs relatifs à des caractéristiques personnelles d´un individu ou d´un groupe d´individus, qui a pour effet d´imposer à cet individu ou à ce groupe des fardeaux, des obligations ou des désavantages non imposés à d´autres ou d´empêcher ou de restreindre l´accès aux possibilités, aux bénéfices et aux avantages offerts à d´autres membres de la société. Les distinctions fondées sur des caractéristiques personnelles attribuées à un seul individu en raison de son association avec un groupe sont presque toujours taxées de discriminatoires, alors que celles fondées sur les mérites et capacités d´un individu le sont rarement.

Afin de satisfaire à la définition précitée, il doit être établi que le régime de rémunération au rendement résulte en une distinction fondée sur des motifs relatifs à des caractéristiques personnelles des individus, plutôt que sur leurs mérites ou leurs capacités individuelles. Il m´apparaît clairement que cela n´est pas le cas dans le présent grief. Le régime de rémunération au rendement est structuré de manière à ce que la rémunération au rendement soit versée aux individus qui ont, au cours de l´exercice financier visé, fait valoir leur mérite et des capacités qui leur donnent le droit de toucher un pourcentage supplémentaire de leur salaire normal. Il n´y a pas de distinction fondée uniquement sur le fait que l´employé ait pris ou non un congé non payé. La distinction est plutôt fondée sur la qualité du travail accompli par l´individu en cause.

43 L´interprétation de la convention collective par l´employeur prive les LA qui prennent un congé de maternité ou parental d´une partie ou de la totalité de la rémunération au rendement qu´ils auraient pu toucher s´ils n´avaient pas pris ce congé, puisque l´employeur ne fournit la rémunération au rendement qu´aux employés dont il peut évaluer le rendement au cours de l´année. Par exemple, un LA-2A qui prend un congé parental de huit mois au cours d´une année ne pourrait recevoir que 4/12 du montant total annuel de rémunération au rendement. Ce montant constituerait, en moyenne, 5 % du salaire, et la somme totale serait de 4 200 $ pour un exercice complet pour un LA-2A au plus bas niveau de l´échelle salariale. Le LA-2A qui prend le congé recevrait donc 2 800 $ de moins à son retour au travail que s´il n´avait pas pris de congé parental. Cette perte serait reportée à chaque année, jusqu´à ce que le LA atteigne le sommet de l´échelle salariale. Cependant, cela ne suffit pas pour conclure que l´interprétation de la convention collective par l´employeur constitue une pratique discriminatoire au sens de l´article 7 de la LCDP. Comme nous l´avons vu plus haut, toutes les différences ne constituent pas une pratique discriminatoire.

44 Selon les décisions antérieures rendues par les tribunaux de tous ordres, y compris les tribunaux des droits de la personne, afin de pouvoir trancher si une pratique discriminatoire existe ou non, il convient d´établir et de considérer un groupe comparatif. L´employeur a plaidé que dans le cas qui nous occupe, il y avait lieu d´établir une comparaison avec les employés qui prennent un congé non payé. Cette approche est celle qui a été privilégiée dans plusieurs autres cas, notamment dans Dumont-Ferlatte, Ontario Nurses Association et New Brunswick Public Employees Association.

45 Selon les décisions antérieures rendues par les tribunaux de tous ordres, y compris les tribunaux des droits de la personne, notamment O´Malley c. Simpson Sears Ltd., [1985] 2 R.C.S. 536, dans l´appréciation de l´existence ou non d´une pratique discriminatoire et du désavantage dont en ferait l´objet le plaignant en raison d´un motif interdit, le cas échéant, il convient d´effectuer une analyse comparative afin d´établir si la pratique « […] touche une personne ou des personnes d´une manière différente par rapport à d´autres personnes visées [par la pratique] ».

46 Une décision à cet égard a été rendue plus récemment par le TCDP dans Bernatchez c. Conseil des Montagnais de la Romaine, 2006 TCDP 37; la plaignante dans cette affaire avait pris un congé de maternité, suivi d´un congé parental. La question en litige était à savoir si la plaignante avait fait l´objet d´une pratique discriminatoire dans la manière par le défendeur de calculer ses prestations de congé de maternité. En rendant sa décision, le Tribunal a statué qu´il était nécessaire d´établir si, au moment de recevoir les prestations, la plaignante était réputée être en congé avec solde ou en congé sans solde. Ce n´était que si la plaignante était en congé avec solde que son utilisation de la comparaison avec les employées régulières qui n´étaient pas enceintes et qui recevaient leur salaire à titre de groupe comparatif, était pertinente. À cet égard, le Tribunal a conclu que la plaignante devait être considérée comme étant une employée en congé sans solde et, partant, la comparaison de sa situation à celle des employées régulières qui n´étaient pas enceintes et ne recevant pas un salaire ne tenait pas. Je conviens avec la prétention de l´employeur et conclus, en ce qui a trait au présent cas, que le groupe comparatif est celui des employés en congé non payé.

47 Il n´est pas contesté que la rémunération au rendement des employés en congé non payé est touchée précisément de la même manière que celle des LA qui prennent un congé de maternité ou parental. Les LA qui prennent un congé de maternité ou parental ne reçoivent pas une rémunération inférieure à celle du groupe comparatif. Ainsi, les employés ayant pris, par exemple, un congé pour s´occuper de la proche famille, un congé en cas de réinstallation du conjoint, un congé pour les obligations personnelles, un congé pour service militaire, un congé d´éducation, un congé pour activités syndicales ou un congé pour participer à une élection, sont dans une position similaire aux employés visés par le présent grief de principe. La preuve devant moi ne révèle pas quelque différence dans le traitement réservé aux employés appartenant à ces deux groupes en ce qui a trait à la rémunération au rendement. La rémunération au rendement de tous les employés en congé non payé est calculée en proportion du temps travaillé au cours de l´exercice financier visé, sans distinction quant au type de congé non payé dont il s´agit.

48 Enfin, je relève que les tribunaux de tous les ordres ont établi une distinction dans leur analyse, aux fins de discrimination, des régimes ou des prestations qui ont un caractère compensatoire ou non compensatoire. Dans Ontario Nurses´ Association v. Orillia Soldiers Memorial Hospital, le litige portait sur le fait que les infirmières ou les infirmiers qui s´absentaient de leur travail en raison d´une invalidité n´avaient pas droit à certains avantages sociaux, notamment la participation de l´employeur à leur régime d´avantages sociaux, l´ancienneté, l´accumulation et l´acquisition des années de service. Dans cette affaire, la Cour d´appel de l´Ontario a statué que [traduction] « le fait de prévoir des degrés différents de rémunération à différents groupes d´employés ne constitue pas une pratique discriminatoire au sens du Code. » Le tribunal a énoncé, à la page 703 de sa décision, la distinction fondamentale qu´il convenait d´établir entre la rémunération versée en contrepartie du travail accompli, et la rémunération versée à d´autres fins :

[Traduction]

Les infirmières et infirmiers en congé pour invalidité ne reçoivent pas cette rémunération [les cotisations de l´employeur à leur régime d´avantages sociaux] parce qu´ils fournissent des services à leur employeur. Il ne s´agit pas d´un motif interdit de discrimination de distinguer, aux fins de la rémunération, entre les employés qui fournissent des services et ceux qui n´en fournissent pas […]

Partant, en appliquant le même raisonnablement au présent cas, les employés en congé de maternité ou parental n´ont pas droit à une prime de rendement car ils ne fournissent pas des services à l´employeur pendant leur congé.

49 Pareillement, dans Fernandes v. IKEA Canada, [2007] BCHRT 259, le tribunal des droits de la personne de la Colombie-Britannique a statué que l´employeur n´avait pas fait preuve de discrimination envers la plaignante en refusant de lui verser une prime dans le cadre de son programme d´encouragement « Win Win » alors qu´elle se trouvait en congé d´invalidité en raison d´une blessure au genou qu´elle s´était faite pendant qu´elle était au travail. Le programme d´encouragement avait été établi par IKEA et visait à récompenser les employés en fonction de l´atteinte de certaines cibles de vente par leur magasin d´attache. Si le magasin atteignait ou dépassait la cible, et si l´employé satisfaisait aux critères d´admissibilité établis pour chacun, il pouvait alors avoir droit à la prime offerte. L´employeur précisait que le programme d´encouragement était destiné à [traduction] « offrir un encouragement aux employés qui contribuent au succès du magasin ». Mme Fernandes ne satisfaisait pas au critère voulant que l´employé devait être activement au travail pendant la période visée et, par conséquent, n´a pas reçu la prime.

50 Le tribunal a analysé la question de la rémunération versée en contrepartie du travail accompli par rapport à la rémunération versée à d´autres fins. Il a statué que l´objet du programme « Win Win » était d´offrir [traduction] « un incitatif financier, en fait une récompense » en guise d´appréciation de la participation de l´employé à la réussite du magasin dans l´atteinte de ses cibles de vente. Le programme était désigné effectivement comme étant [traduction] « un programme d´encouragement ». Pareillement, la prime de rendement versée aux LA est justement appelée une « prime », et est versée aux employés dont le rendement a été coté entièrement satisfaisant, supérieur ou exceptionnel. Tout comme la prime versée dans le cadre du programme « Win Win » n´était versée qu´aux [traduction] « employés activement au travail », la rémunération au rendement des LA n´est versée aux employés « s´ils font partie de l´effectif depuis assez longtemps pour qu´on puisse effectuer une évaluation du rendement valable ».

51 Le même tribunal a également eu à trancher une question mettant en cause le droit du plaignant au bénéfice de l´acquisition des droits à des options d´achat d´actions durant la période au cours de laquelle il était en congé d´invalidité de longue durée, dans Toivanen v. Electronic Arts (Canada), 2006 BCHRT 396. Le tribunal a statué que les avantages qu´un employé pouvait acquérir pendant qu´il était au travail pouvaient être interrompus pendant la période au cours de laquelle il était en congé sans solde en raison d´une invalidité, parce que l´acquisition continue des avantages visés était tributaire du fait qu´il travaillait effectivement. Pendant que l´employé était en congé sans solde en raison d´une invalidité, il ne travaillait pas et, par conséquent, n´avait pas droit à l´accumulation des avantages en cause.

52 Cette même distinction a encore une fois été énoncée par le Tribunal canadien des droits de la personne, cette fois dans Lavoie c. Conseil du Trésor du Canada, 2008 TCDP 27, à laquelle m´ont renvoyé tant l´employeur que la Commission canadienne des droits de la personne. Le tribunal y formule l´observation suivante :

[139] C´est ce « droit à la conversion » dont il est question dans la présente affaire. En matière de discrimination, il faut distinguer les droits découlant des bénéfices compensatoires de ceux que l´on qualifie de non compensatoires, c´est-à-dire ceux qui se rapportent au statut de l´employé. Ainsi, une prime au bilinguisme conditionnelle à une prestation de travail fait partie de la première catégorie. La prestation de travail est requise pour obtenir la prime. L´accumulation de l´ancienneté, le droit à l´emploi, le droit de maintenir son emploi, le droit à la permanence sont des avantages dits non compensatoires et se rapportent au statut de l´employé. Cette deuxième catégorie sous-tend que la prestation de travail n´est pas requise pour acquérir ou maintenir le droit. Ainsi, on parle d´un avantage ou d´un droit découlant du statut d´employé. (Voir principalement: Ontario Nurses Association c. Orillia Soldiers Memorial Hospital (1999), 42 O.R. (3d) 692, par. 63, 70 et 71, appliquant le même critère: Fernandes c. IKEA Canada, (2007) BCHRTD. No. 259, par. 24, 25, 26, 27 et 31).

Le tribunal a également statué dans cette décision qu´une prime au bilinguisme, consentie en contrepartie d´une prestation de travail, pouvait également être réputée faire partie de la catégorie des « avantages compensatoires », puisque « la prestation de travail est requise pour obtenir à la prime ». L´accumulation de l´ancienneté, le droit à l´emploi, le droit de maintenir son emploi, le droit à la permanence sont des avantages dits non compensatoires et se rapportent au statut de l´employé. Ce qui sous-tend cette catégorie des avantages non compensatoires, selon Lavoie, c´est « […] que la prestation de travail n´est pas requise pour acquérir ou maintenir le droit ». Ainsi, en l´espèce, l´augmentation à l´intérieur de l´échelle, accordée chaque année en fonction de l´évaluation du rendement, correspond à un avantage ou un droit découlant du statut d'employé.

53 Cette question a aussi été examinée par la Cour fédérale dans Commission canadienne des droits de la personne c. Canadian National Railway Co. (re Cramm) [2000] C.F.J. No 881. M. Cramm avait déposé une plainte tant contre son syndicat que contre l´employeur, alléguant que le calcul de ses heures compensatoires de travail cumulatives avait été effectué de manière discriminatoire. Il manquait tout juste à M. Cramm quelques heures afin d´avoir le nombre de mois qu´il lui fallait afin d´obtenir la sécurité d´emploi après avoir été absent du travail pendant trois ans pour un motif lié à son emploi. Le tribunal, invoquant notamment Dumont-Ferlatte, avait comparé sa situation à celle des fonctionnaires qui s´étaient absentés du travail pour diverses autres raisons, par exemple en raison d´un congé de maternité, et il a contesté en Cour fédérale le choix du groupe comparatif. La Cour fédérale a rejeté son argumentation, au paragraphe 25 de sa décision. Au paragraphe suivant, elle écarte également son second argument voulant que le tribunal ait commis une erreur dans l´appréciation de la nature de son contrat d´emploi :

[Traduction]

26 La Commission fait valoir que le tribunal d´examen s´était trompé dans son appréciation du type de contrat d´emploi dont il s´agissait, en concluant qu´il n´y avait pas de preuve prima facie de discrimination. Cela s´est produit lors de l´évaluation du programme ESIMA, une évaluation essentielle aux fins d´analyser l´objet des règles en matière d´emploi, conformément au processus établi dans Gibbs. À mon avis, la nature de la règle visée, fondée sur le principe sous-tendant tout contrat d´emploi à savoir que l´employé est rémunéré en contrepartie d´une prestation de travail, est une composante essentielle à l´appréciation de l´objet de la règle en cause. Je conclus que le tribunal d´examen ne s´est pas trompé en tenant compte de la nature du contrat d´emploi dans son évaluation de la règle en l´instance, que la clause G(iii) n´avait pas d´effet discriminatoire néfaste envers les personnes absentes de leur travail en raison d´une blessure, et de leur invalidité qui en découle. Le tribunal d´examen avait raison de conclure qu´une apparence de droit n´avait pas établie quant à l´existence d´une discrimination pour le motif d´invalidité.

En concluant ainsi, la Cour fédérale a fait référence à une décision de la Cour suprême du Canada, Battlefords and District Co-operative Ltd. c. Gibbs, [1996] 3 R.C.S. 566, dans laquelle cette dernière a statué qu´il ne fallait pas se surprendre du fait que des avantages sociaux différents soient consentis à des employés dans le cadre des régimes d´assurance et que cela, en lui seul, ne constituait pas une pratique discriminatoire. Il pouvait par contre y avoir discrimination lorsque des avantages sociaux étaient consentis pour une même fin, mais que leur attribution était effectuée différemment en raison de caractéristiques n´ayant aucun rapport avec cette fin. Comme je l´ai indiqué plus tôt, cela n´est pas le cas ici. Dans l´affaire qui nous occupe, les employés en congé de maternité ou parental reçoivent une rémunération au rendement selon les mêmes modalités que celles visant les autres employés qui prennent un congé non payé (ou n´y sont pas admissibles).

54 J´ajouterais qu´il y aurait également lieu d´établir une autre distinction, comme il a été fait dans Canadian Union of Public Employees, Local 2554 v. Melfort School Division No. 100, (2000), 87 L.A.C. (4e) 116, entre les avantages liés à l´ancienneté et les avantages liés à l´emploi comme tel. Il serait discriminatoire de ne pas permettre l´accumulation de l´ancienneté ou des années de service en raison d´un congé de maternité ou parental, mais il ne serait pas discriminatoire d´exclure le temps consacré à un congé de maternité ou parental aux fins de la rémunération au rendement. Dans le cas qui nous occupe, un employé doit travailler pour avoir droit à l´avantage, de la même manière qu´il doit travailler pour avoir droit à des crédits pour congé de maladie ou des congés annuels.

55 Pendant les premières années de leur carrière, les LA progressent à l´intérieur de leur échelle salariale respective en fonction de leur rémunération au rendement. Une fois atteint l´échelon maximal de l´échelle, ils reçoivent une rémunération au rendement sous la forme d´une prime de rendement. Il va sans dire que la rémunération au rendement constitue un avantage lié à la rémunération et à l´emploi. Ce régime prévoit des augmentations de rémunération en fonction de leur rendement au travail. Du fait qu´ils ne travaillent pas durant un congé de maternité ou un congé parental, il convient de les comparer aux autres employés qui ne travaillent pas, c´est‑à-dire aux employés en congé non payé. La rémunération au rendement doit être méritée pendant que le juriste travaille. Elle ne peut être considérée comme étant une forme de rémunération liée au nombre d´années de service.

56 La clause 8.2 de l´Appendice « B » de la convention collective énonce clairement que, dans le cas des employés ayant pris un congé non payé, la rémunération au rendement doit être proportionnelle à la période depuis laquelle l´employé fait de nouveau partie de l´effectif. À cet égard, les employés ayant pris un congé de maternité ou parental ne sont pas traités de manière différente. Par conséquent, l´employeur n´a pas fait preuve de discrimination envers les LA pour un motif fondé sur le sexe ou la situation de famille en calculant de manière proportionnelle la rémunération au rendement versée aux employés ayant pris un congé de maternité ou parental. Tout bien considéré, l´agent négociateur n´a pas établi une preuve prima facie de discrimination.

57 Pour ces motifs, je rends l´ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

58 Le grief est rejeté.

Le 15 mars 2012.

Traduction de la CRTFP

Renaud Paquet,
arbitre de grief

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