Décisions de la CRTESPF

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Résumé :

Le plaignant a déposé une plainte en vertu de l’article 133 du Code, alléguant une violation de l’article 147 - le défendeur a fait valoir que les composantes essentielles d’une plainte en vertu de l'article 133 étaient absentes et que la plainte était hors délai - le plaignant a complété sa plainte en donnant des précisions - la Commission a conclu que les allégations décrites dans le formulaire de plainte ne faisaient pas précisément état d’une violation à l’article 147 du Code - la Commission a de plus jugé que les gestes allégués dans les précisions étaient vagues et ne pourraient pas, de façon défendable, avoir enfreint l’article 147 du Code - la Commission a conclu qu’elle n’avait pas compétence pour entendre la plainte. Objection accueillie. Plainte rejetée.

Contenu de la décision



Code canadien du travail

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  • Date:  2012-04-18
  • Dossier:  560-34-53
  • Référence:  2012 CRTFP 48

Devant la Commission des relations
de travail dans la fonction publique


ENTRE

DENIS LAPOINTE

plaignant

et

AGENCE DU REVENU DU CANADA

défenderesse

Répertorié
Lapointe c. Agence du revenu du Canada

Affaire concernant une plainte visée à l’article 133 du Code canadien du travail

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Joseph W. Potter, commissaire

Pour le plaignant:
Lui-même

Pour la défenderesse:
Anne-Marie Duquette, avocate

Décision rendue sur la base d’arguments écrits
déposés le 27 septembre, le 13 octobre et le 10 novembre 2011.
(Traduction de la CRTFP)

Plainte devant la Commission

1 Le 12 février 2009, Denis Lapointe (le « plaignant ») a déposé une plainte en vertu de l’article 133 du Code canadien du travail (le « Code »). Cette plainte ressemble beaucoup à la plainte de David Babb (dossier de la CRTFP 560-34-52). En fait, les deux cas ont été regroupés aux fins de la preuve. Toutefois, avant le début de l’audience complète, l’Agence du revenu du Canada (la « défenderesse ») a soulevé une objection à la compétence de la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la « Commission ») à entendre cette affaire. Les parties ont demandé que je règle d’abord cette question de compétence. La décision concernant cette question déterminerait si on allait ou non procéder à l’audience.

2 La partie 3 du formulaire de plainte est intitulée : « Court exposé de chaque action, omission ou situation reprochée, incluant les dates et les noms des personnes en cause ». Dans cette section, le plaignant a écrit ce qui suit :

[Traduction]

Des employés de l’Agence du revenu du Canada (ARC) ont pris des mesures à mon égard contraires à l’article 147 du Code canadien du travail. Ces mesures semblent délibérées et systémiques. Elles sont en outre semblables à celles prises contre Denis Lapointe et Samantha Scharf.

Des employés de l’Agence du revenu du Canada ont sciemment et délibérément violé mes droits et ont pris, ou omis de prendre, certaines mesures à mon égard et ce, contrairement à mes droits en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne, du Code canadien du travail et des lois sur les accidents de travail. Il semblerait que plusieurs fonctionnaires au service de l’Agence du revenu du Canada, à divers échelons, soient impliqués dans ces agissements. J’ai subi un préjudice et des dommages en raison de ces agissements. RHDSC et la CSPAAT semblent avoir participé à ce procédé.

Mes tentatives d’obtenir les renseignements requis afin d’identifier ces diverses personnes semblent avoir été délibérément entravées par des représentants de mon employeur travaillant au 875 chemin Heron et à la Direction de l’accès à l’information et de la protection des renseignements personnels, de l’ARC.

Cette situation se poursuit depuis déjà un certain temps, et selon la chaîne des communications figurant aux courriels intitulés [traduction] « Objet : procès-verbal SST » et « Objet : questions à propos du plan d’action affiché au 875 chemin Heron », les personnes principalement en cause dans cette affaire sont les suivantes : William Baker, Gary Gustafson, Steve Hertzberg, Kathy Mawbey, Chris Aylward, Gillian Pranke, Denis Maurice, Parise Ouellette, Greg Currie, Jean Laronde, Claude Tremblay, Lysanne Gauvin, Larry Hillier, Gordon O’Connor, Catherine Bullard, Lucie Bisson, Therese Awada, Louise Lambert, Lyne Lamoureux, Renee Donata, Blair, Bill-R; Bryant, Carl; Dodds, Eldon; Evans, Sean; Lapointe, Marie-Claude; Lawrence, Jeffrey; Miller, Shelley; Moore, Greg; Stranberg, Bert; Whyte, June; Moffet, Jeffrey. Des personnes de la CSPAAT, de RHDCC et de Santé Canada, ainsi que Tedd Nathanson (consultant), semblent également être impliqués dans cette affaire.

Il appert des communications par courriel et autres renseignements recueillis récemment que des mesures aient délibérément été prises contre moi et d’autres personnes en violation de nos droits. Voir les courriels intitulés [traduction] « Objet : procès-verbal SST » portant sur ce sujet.

J’ai tenté de garder cet exposé aussi court que possible.

Analyse

3 À la suite d’une correspondance étendue entre la Commission et le plaignant, une date d’audience a été fixée au 16 septembre 2011. Cette audience a été reportée à la demande de l’autre plaignant, M. Babb. Le 27 septembre 2011, la défenderesse a déposé une objection écrite à la compétence de la Commission à entendre la plainte.

4 Le 13 octobre 2011, le plaignant a répondu par courriel à l’objection écrite de la défenderesse. La défenderesse a présenté sa réplique le 10 novembre 2011.

5 Tel que la Commission l’a précisé dans Gaskin c. Agence du revenu du Canada, 2008 CRTFP 96, il est possible de trancher les questions préliminaires à la lumière de la preuve au dossier sans tenir d’audience. Selon l’alinéa 240c) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la « Loi »), édictée par l’article 2 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, les dispositions de la Loi s’appliquent à une plainte déposée auprès de la Commission. Par ailleurs, selon l’article 421 de la Loi : « La Commission peut trancher toute affaire ou question dont elle est saisie sans tenir d’audience. »

6 Dans son exposé, la défenderesse a écrit ce qui suit :

[Traduction]

[…]

  1. Le plaignant a travaillé pour l’Agence du revenu du Canada (l’ARC ou l’employeur) du 28 mai 1992 au 5 août 2011.
  2. Au cours de sa carrière à l’ARC, le plaignant n’a jamais fait l’objet d’une mesure disciplinaire.
  3. Le plaignant était en congé de maladie du 25 août 2008 au 5 août 2011 (avec solde pendant une certaine période, puis sans solde). Il n’était donc pas à son lieu de travail.

[…]

7 Dans ses arguments écrits, la défenderesse a écrit qu’on avait demandé au plaignant des détails concernant sa plainte. Le 22 septembre 2011, le plaignant lui a envoyé ce courriel :

[Traduction]

[…]

Madame Duquette,

Comme je l’ai promis dans mon courriel envoyé le 19 septembre à M. Miller et à l’adresse Mail.Courrier@pslrb-crtfp.gc.ca, courriel dont vous avez reçu une copie conforme, de même que Mary Mackinnon, Richard Fader, Betts Lalonde, Nick Gualtieri et Mme Palumbo, je vous envoie des détails concernant ma plainte même si je n’ai pas reçu les documents de l’employeur dont la Commission a ordonné la divulgation.

De façon à répondre à votre demande, voici les principales circonstances qui sont décrites dans ma plainte. Mes droits en vertu du Code canadien du travail, etc. ont été violés. Mon employeur sait ce qui se passait, plus que moi en fait, car il refuse jusqu’à maintenant de divulguer l’information (après qu’on le lui ait ordonné à deux reprises). Vous verrez dans ma plainte le nom de personnes qui, j’en suis certain, ont contribué à la situation. Vous savez sans doute que le traitement de ma plainte a été reporté parce que l’employeur ne veut pas communiquer l’information qu’on lui a ordonné de divulguer. Il n’y a rien dans cette affaire dont mon employeur ne soit pas déjà au courant.

Nous nous sommes rendu compte que nous allions être licenciés, et nous avons pris conscience qu’il y avait une tendance pour ce qui est des actes, et que cette tendance était constante et systémique. Nous avons commencé à nous douter que bien des choses se passaient à huis clos, car de nombreuses tendances devenaient claires. Nous avons compris que nous étions visés par un plan stratégique et que nous allions inévitablement être licenciés. Nous avons tous subi des dommages en raison de conditions environnementales sur le lieu de travail. Nous avions tous exprimé des refus de travailler, et nous participions également aux refus d’autres personnes. Nous avions tous déposé des plaintes en vertu du Code canadien du travail, et nous participions aussi aux plaintes d’autres personnes. Nous avions tous été forcés de faire part de certaines questions aux ministres, et il était devenu évident que nous étions ciblés en raison de ces démarches. L’employeur nous avait tous mis dans le même panier. Tous les niveaux de direction étaient impliqués. RHDCC était impliqué. Nous avons tous eu des problèmes avec notre indemnité fédérale pour accident du travail. Avec la contribution de RHDCC, notre droit aux indemnités a été violé délibérément, et nos demandes ont été annulées. Nous pouvions voir que l’employeur contournait ses obligations à l’endroit de ses accidentés du travail. Les politiques de l’employeur étaient ignorées. Le code de déontologie n’était pas respecté, ni la politique en matière de discipline, ni la politique sur les blessures et les maladies, etc. L’employeur et le comité de santé et de sécurité au travail/comité d’orientation violaient nos droits découlant du Code canadien du travail, ainsi que notre droit de savoir et notre droit de participer. Les plaintes que nous continuions de déposer concernant les infractions au Code canadien du travail étaient ignorées. Nos droits en tant qu’employés étaient bafoués.

Conformément aux directives de l’employeur/du comité de santé et de sécurité au travail, nous devions nous adresser à l’AIPRP pour nous prévaloir de notre droit de savoir en vertu du Code canadien du travail, il est devenu évident que nos demandes d’information étaient bloquées. Nous savions que nous n’aurions pas d’information pour nos médecins concernant les risques et les dangers au travail, etc., et nous savions que ces dangers existaient. Cette situation avait de nombreuses ramifications. C’était un fait connu que nous avions été représentants syndicaux dans le domaine de la santé et de la sécurité au travail, et il y avait constamment des infractions au Code canadien du travail. Nous avons subi des préjudices pour ça aussi. Nous étions tous forcés de retourner dans le milieu qui nous a blessés, malgré les risques pour la santé. On s’employait à ruiner tous les aspects de notre retour au travail, et il était clair que, peu importe à quelle étape nous nous trouvions, notre employeur ne nous laisserait pas revenir dans un milieu sécuritaire. Nous allions continuer d’être exposés à des risques de blessure, car l’employeur n’avait aucunement l’intention de garantir la protection de notre santé et de notre sécurité (c’est ce que nous avons déduit de notre expérience avec l’employeur). Les parties nécessaires pour assurer notre protection seraient exclues directement ou indirectement.

[…]

8 Aux paragraphes 12 et 13 de ses arguments écrits, la défenderesse a écrit ce qui suit :

[Traduction]

12. Il y a deux questions :

  1. 1. Est-ce que la CRTFP devrait rejeter la plainte sans tenir d’audience pour le motif que les éléments essentiels d’une plainte déposée en vertu de l’article 133 du Code canadien du travail ne sont pas présents dans la plainte de M. Lapointe?
  2. Est-ce que la CRTFP n’a pas compétence pour instruire cette plainte, parce qu’elle est hors délai?

13. Selon l’employeur, la réponse à ces deux questions est « oui ».

9 Le plaignant a déposé une plainte en vertu de l’article 133 du Code, qui se lit comme suit :

133. (1) L’employé — ou la personne qu’il désigne à cette fin — peut, sous réserve du paragraphe (3), présenter une plainte écrite au Conseil au motif que son employeur a pris, à son endroit, des mesures contraires à l’article 147.

(2) La plainte est adressée au Conseil dans les quatre-vingt-dix jours suivant la date où le plaignant a eu connaissance — ou, selon le Conseil, aurait dû avoir connaissance — de l’acte ou des circonstances y ayant donné lieu.

[…]

10 L’article 147 du Code se lit comme suit :

147. Il est interdit à l’employeur de congédier, suspendre, mettre à pied ou rétrograder un employé ou de lui imposer une sanction pécuniaire ou autre ou de refuser de lui verser la rémunération afférente à la période au cours de laquelle il aurait travaillé s’il ne s’était pas prévalu des droits prévus par la présente partie, ou de prendre — ou menacer de prendre — des mesures disciplinaires contre lui parce que :

  1. soit il a témoigné — ou est sur le point de le faire — dans une poursuite intentée ou une enquête tenue sous le régime de la présente partie;
  2. soit il a fourni à une personne agissant dans l’exercice de fonctions attribuées par la présente partie un renseignement relatif aux conditions de travail touchant sa santé ou sa sécurité ou celles de ses compagnons de travail;
  3. soit il a observé les dispositions de la présente partie ou cherché à les faire appliquer.

11 On a établi ce qui suit dans Gaskin (paragraphe 57) :

[57] On peut fort bien perdre de vue l’essentiel de la teneur de la plainte lorsqu’on examine les nombreuses allégations que le plaignant a faites à l’endroit de l’employeur et de fonctionnaires. Étant une partie qui se représente elle-même à la présente instance, le plaignant n’est pas tenu d’exprimer les motifs de sa plainte en termes précis et sans équivoque. Il lui incombe cependant d’exposer les motifs de sa plainte à la Commission avec suffisamment de clarté pour qu’elle puisse comprendre la nature de son cas et que la défenderesse puisse savoir contre quelles allégations elle doit se défendre.

Cet énoncé s’applique aussi au cas présent. Le fait que le plaignant se représente lui-même ne lui donne pas le droit de faire des allégations qui ne sont pas appuyées par des faits. S’il y a eu violation de l’article 147 du Code, le plaignant, qu’il soit représenté par lui-même ou non, a l’obligation de décrire clairement les gestes qui ont été posés et de préciser quand les gestes présumés ont été posés. La défenderesse ne peut enquêter sur ces allégations et y répondre que si elle a reçu cette information.

12 À mon avis, le formulaire de plainte qu’a présenté le plaignant ne contient pas de détail sur les allégations contre la défenderesse qui pourraient indiquer de manière défendable qu’il y a eu violation de l’article 147 du Code. Par conséquent, la Commission doit se tourner vers l’information fournie ultérieurement par le plaignant pour déterminer si une action présumée de la défenderesse pourrait effectivement être considérée comme une violation de l’article 147.

13 Le courriel du 22 septembre 2001 du plaignant est le premier élément de preuve à examiner pour établir s’il contient des faits possiblement liés à l’article 147 du Code. Dans ce courriel, le plaignant a écrit : [traduction] « […] je vous envoie des détails concernant ma plainte […] », puis il a étayé les arguments présentés dans le formulaire de plainte.

14 Je conclus que les deux premiers paragraphes du courriel du 22 septembre 2011 servent d’introduction. On ne renvoie pas dans ces paragraphes à une violation à l’article 147 du Code, sauf dans cette phrase : [traduction] « Mes droits en vertu du Code canadien du travail, etc. ont été violés. » Je conclus que cet énoncé est trop vague et n’appuie pas de manière défendable l’existence d’une violation de l’article 147.

15 Le troisième paragraphe du courriel du 22 septembre 2011 commence par : « Nous nous sommes rendu compte que nous allions être licenciés […] ». Le plaignant parle ensuite de manière générale de plusieurs problèmes, mais il ne décrit rien de précis concernant les gestes de la défenderesse qui pourraient justifier une allégation de violation de l’article 147 du Code. D’après ce que je peux voir, le plaignant ne prétend pas avoir été congédié, suspendu, mis à pied ou rétrogradé dans les 90 jours précédant le dépôt de sa plainte. Il ne dit pas non plus avoir subi une sanction pécuniaire ou autre, avoir subi un refus de verser une rémunération, avoir été visé par une mesure disciplinaire ou avoir été menacé d’une mesure disciplinaire durant cette période. Il commence par expliquer qu’il s’attend à être licencié, mais le licenciement a eu lieu en août 2011, et sa plainte a été déposée en février 2009. Le licenciement ne peut donc pas faire l’objet de cette plainte. Le licenciement peut être contesté autrement, mais pas dans le cadre de cette plainte.

16 Dans le dernier paragraphe du courriel du 22 septembre 2011, le plaignant soutient qu’il a de la difficulté à obtenir de l’information à la suite d’une demande d’accès à l’information. Je n’ai certainement pas la compétence de trancher cette question, qui n’est pas liée à l’article 147 du Code. Et je ne vois dans le dernier paragraphe aucun autre passage renvoyant précisément à un geste, porté par la défenderesse dans la période de 90 jours, qui me permettrait d’examiner plus en détail cette plainte.

17 Je vais maintenant me pencher sur la réponse du plaignant à l’objection de la défenderesse pour déterminer si elle contient quoi que ce soit qui appuierait une allégation de violation défendable à l’article 147 du Code.

18 Lorsqu’il demande [traduction] « m’a-t-on imposé une pénalité? », le plaignant répond par l’affirmative en disant qu’il a été licencié. Je le répète : le licenciement de 2011 peut être contesté, mais il ne peut pas faire partie de cette plainte, qui a été déposée en 2009.

19 Lorsqu’il demande ensuite [traduction] « mes droits en tant qu’employé ont-ils été violés? », le plaignant répond [traduction] « sans aucun doute, et l’employeur le sait mieux que n’importe qui ». Encore une fois, je ne vois aucun détail concernant une action pouvant être considérée comme étant une violation de l’article 147 du Code. Il ne suffit pas de présenter des énoncés et des assertions vagues pour que j’aie la compétence d’entendre une plainte pouvant bien ne contenir aucune allégation défendable de violation de l’article 147.

20 Le plaignant continue sa réponse en posant d’autres questions auxquelles il répond. À mon avis, deux de ces questions pourraient de manière défendable être posées dans une plainte déposée en vertu de l’article 133 du Code.

21 Pour ce qui est de la première question, le plaignant a demandé [traduction] « vais-je témoigner dans le cadre de la procédure? », ce à quoi il a répondu [traduction] « oui, je vais témoigner dans le cadre de mon refus de travailler, de celui de Dave et de celui de Samantha ». À l’article 147 du Code, on interdit à l’employeur de prendre des mesures de représailles contre un employé, parce que « soit il a témoigné – ou est sur le point de le faire – dans une poursuite intentée ou une enquête tenue sous le régime de la présente partie ». La mesure dont se plaint le plaignant est son licenciement. Il établit un rapport entre son témoignage à venir dans une poursuite liée à un refus de travailler et son licenciement. Au risque de me répéter, le licenciement ne peut pas être contesté dans le cadre de la présente plainte.

22 Comme je l’ai mentionné, deux des questions posées pourraient possiblement me donner la compétence d’entendre certaines questions. La deuxième question est : [traduction] « y avait-il, dans la période de 90 jours, des circonstances ayant donné lieu aux plaintes que nous avons déposées contre l’employeur? ». Le plaignant a répondu à cette question ainsi : [traduction] « lors de la conférence préparatoire du 5 octobre, j’ai décrit à l’employeur plusieurs circonstances survenues à l’intérieur de la période de 90 jours. Je vais présenter des pièces à ce sujet. » Il a ensuite soutenu que les faits suivants ont eu lieu dans la période de 90 jours :

[Traduction]

1. J’avais un refus de travailler en appel pendant la période de 90 jours. Il s’agissait d’un cas majeur/compliqué de refus de travailler en électricité. M. Babb était mon représentant en milieu de travail, et il participait pleinement à l’affaire. J’ai des courriels pour appuyer mes dires. J’interjetais appel concernant des points que l’employeur et RHDCC refusaient de considérer comme des dangers continus. Bien que ces dangers aient été signalés régulièrement depuis 1999 et que deux électrocutions aient eu lieu, l’employeur a d’abord essayé de minimiser la gravité du problème, même après que ce problème ait été déclaré au comité de santé et de sécurité au travail après la deuxième électrocution (dans un complexe dont l’espace était couvert à environ 10 % seulement par des gicleurs). Des travaux de réparation étaient en cours, et le risque d’incendie n’était pas considéré comme un danger continu dans le processus de réparation. Il y avait des câbles de 347 volts (sous tension et non protégés) partout dans les plafonds du complexe, et on avait réglé ce problème d’une manière qui, selon moi, ne garantissait pas la sécurité à 100 %. Si j’avais pu participer à la planification des travaux de réparation, notamment à la préparation de la portée des travaux, j’aurais pu éliminer tous les risques, à l’exception du risque d’erreur humaine. Tout ce que M. Babb et moi-même (pas tout le comité) avons pu voir à la fin du projet est le cartable très épais que l’entrepreneur devait préparer pour toutes les étapes du projet de réparation. Après avoir étudié attentivement la portée du projet, on a déterminé qu’un examen de l’énorme cartable et des rapports d’achèvement ne suffisait pas à garantir une réparation sécuritaire après un avancement de 80 %. Notre demande d’inspection complète des plafonds a été rejetée. Ma représentation pour cet appel a été retirée le dernier vendredi avant mon audience devant un tribunal, qui avait lieu le lundi. On m’a alors avisé que je devais payer environ 9 000 $ avant lundi pour garder mon représentant. Tandis que je subissais de la pression, l’appel a été abandonné ce vendredi après qu’on m’ait avisé qu’il pouvait être annulé pour une raison que je n’ai pas comprise. J’ai changé d’idée cette fin de semaine-là et j’ai essayé d’annuler ma décision par courriel auprès du tribunal. Ma demande a été rejetée, et une réponse écrite a été envoyée à mon adresse résidentielle.

Je ne vois dans cet exposé aucun geste qui aurait été posé par la défenderesse et pourrait être lié de près ou de loin à l’article 147 du Code. Il semble y avoir plusieurs questions de santé et de sécurité, mais je n’ai pas la compétence de les entendre dans le cadre de cette plainte déposée en vertu de l’article 133.

23 Le plaignant a ensuite nommé plusieurs problèmes liés à la structure de l’immeuble et aux demandes d’accès à l’information. Ces questions ne s’inscrivent pas non plus dans ma compétence dans le cadre de cette plainte déposée en vertu de l’article 133.

24 Le plaignant a ensuite écrit ce qui suit :

[Traduction]

d) Le 9 décembre 2008, à la fin de mon congé de maladie (tout juste avant que je sois obligé de demander des prestations d’assurance-emploi – dans les 90 jours précédant le dépôt de ma plainte en vertu de l’article 133), on m’a offert par courrier recommandé un poste qui correspondait à une rétrogradation. Dans les documents obtenus dans le cadre d’une demande d’accès à l’information présentée le 4 janvier 2009, il est clair que mon ancien gestionnaire, M. Boyd, a été avisé par le responsable des relations avec le personnel que la classification de mon poste d’électricien correspondait à un poste de niveau AS-1, PM-1 ou CR-5. Malgré cela, l’offre d’emploi raisonnable que j’ai reçue le 9 décembre 2008 était loin d’être équivalente. De plus, ce poste représentait un risque encore plus grand pour ma santé, et je n’avais pas la possibilité de le refuser. J’allais être licencié si je refusais le poste. C’est à ce moment qu’il nous est apparu très clair à tous les trois (dans la période de 90 jours précédant le dépôt de notre plainte) que si nous acceptions de retourner travailler, nous allions nous retrouver dans le même immeuble dans lequel nous avions été blessés. Ils allaient de l’avant avec une protection salariale qui allait coûter à la section plus de 10 000 $ par année. Ce poste inférieur était le même que celui offert deux ans et demi plus tard, quand ils m’ont licencié après avoir refusé de me laisser suivre le programme de réadaptation de la Sun Life.

Si je devais interpréter ce geste de la défenderesse de la façon qui favorise le plus le plaignant et que je concluais qu’un autre poste lui avait été offert parce qu’il allait témoigner prochainement dans le cadre d’une poursuite en vertu de la partie II du Code (le plaignant a bien dit qu’il allait témoigner), je crois tout de même que je n’aurais pas la compétence d’entendre cette plainte. Le plaignant admet que le poste qui lui était offert ne lui donnait pas un salaire moins élevé (il a mentionné l’existence d’une protection salariale). Il n’y aurait eu aucune sanction pécuniaire. Par conséquent, l’article 147 du Code ne s’appliquerait pas. Par ailleurs, je ne crois pas qu’il soit question d’une rétrogradation disciplinaire comme dans Robitaille c. Administrateur général (ministère des Transports), 2010 CRTFP 70. Dans cette décision, l’arbitre de grief a en effet conclu qu’on avait imposé une rétrogradation disciplinaire, malgré le fait qu’il n’y avait eu aucune perte de salaire. Toutefois, dans cette affaire, au paragraphe 229, l’arbitre de grief a statué que :

[229] […] l’aspect punitif de sa réaffectation se dégageait du fait que le fonctionnaire ne supervisait plus d’employés; il n’accomplissait aucune activité de son poste d’attache; il était isolé de son lieu habituel de travail; les tâches qui lui étaient assignées avaient peu de valeur; il était souvent à rien faire; il était relégué à un bureau de subalterne […]

Les faits dans cette affaire sont très différents des faits dans le cas qui nous occupe, et je ne peux pas conclure que le plaignant a subi une rétrogradation disciplinaire.

25 Dans le reste de sa réponse, le plaignant parle de ses problèmes de santé, d’infractions au code du bâtiment, d’exposition à l’amiante et d’autres questions qui ne relèvent pas de ma compétence dans le cadre de cette plainte.

26 Après avoir examiné tout le matériel présenté par le plaignant dans le cadre de sa plainte du 12 février 2009, dans laquelle il soutient que la défenderesse a violé l’article 147 du Code, je ne trouve rien qui pourrait indiquer de manière défendable que j’ai la compétence de me pencher sur cette affaire. Je le répète : les énoncés et les assertions vagues ne me donnent pas la compétence d’entendre une plainte ne contenant aucune allégation défendable de violation de l’article 147.

27 En février 2012, le plaignant a soumis deux courriels qui, selon lui, étayaient sa plainte. Je ne crois pas que ce soit le cas. Je ne vois rien dans ni l’un ni l’autre de ces courriels qui me donnerait la compétence d’entendre cette plainte.

28 Pour ces motifs, la Commission rend l’ordonnance qui suit :

Ordonnance

29 L’objection de la défenderesse est accueillie.

30 La plainte est rejetée.

Le 18 avril 2012.

Traduction de la CRTFP

Joseph W. Potter,
commissaire

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