Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé a contesté la décision de l’employeur de rejeter sa demande d’autres congés payés et de substituer des congés de maladie par des congés payés - l’offre d’emploi du fonctionnaire s'estimant lésé était pour un poste bilingue mais le fonctionnaire s’estimant lésé ne savait pas qu’il devait être réinstallé pour suivre la formation linguistique - l’employeur a pris les dispositions pour la formation linguistique et a avisé le fonctionnaire s’estimant lésé de se présenter à Rigaud (Québec), pour une période d’au moins quatre mois - le fonctionnaire s’estimant lésé souffrait d’un problème de santé l’empêchant de suivre ce type de formation - il s’est présenté à la formation mais il est parti peu après en raison de son problème de santé - sa demande de congé de maladie pour la prochaine semaine a été approuvée et l'employeur l'a avisé qu'il ne serait pas autorisé à retourner au travail avant que Santé Canada ne le déclare apte, et ce, en dépit du fait que le fonctionnaire s’estimant lésé ait expliqué qu’il n’avait pas de problème de santé lorsqu’il était dans son milieu de travail et qu'aucun problème antécédent n’avait été porté à l'attention de l’employeur quant à son rendement - l’employeur a attendu une semaine avant de faire la demande d’évaluation - Santé Canada a confirmé l’aptitude au travail du fonctionnaire s’estimant lésé et il est retourné au travail une semaine plus tard; il a fait une demande d’autres congés payés pour la durée de son absence du travail - l’employeur a refusé sa demande de congé et lui a plutôt substitué des congés de maladie par des congés payés - l’employeur a attendu avant d’entreprendre les démarches pour l’évaluation, et le retour au travail du fonctionnaire s'estimant lésé à la suite de l’évaluation a été reporté en raison des tentatives inadéquates de l'employeur de le joindre pour l'aviser de retourner au travail - les circonstances ne justifiaient pas les mesures prises par l’employeur pour le retirer de son lieu de travail - il aurait pu imposer une mesure moins sévère - rien ne justifiait le rejet de sa demande de congé - les circonstances entourant l’absence du fonctionnaire s'estimant lésé n’étaient pas directement attribuables à lui, mais plutôt à l'employeur - le rejet de sa demande d‘autres congés payés pour couvrir son absence était arbitraire et déraisonnable. Grief accueilli.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail
dans la fonction publique
L.R.C. (1985), ch. P-35

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2012-03-27
  • Dossier:  166-02-37738
  • Référence:  2012 CRTFP 40

Devant un arbitre de grief


ENTRE

BRUECE MACHACYNSKI

fonctionnaire s'estimant lésé

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(Agence des services frontaliers du Canada)

employeur

Répertorié
Machacynski c. Conseil du Trésor (Agence des services frontaliers du Canada)

Affaire concernant un grief renvoyé à l’arbitrage en vertu de l’article 92 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Stephan J. Bertrand, arbitre de grief

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Helen Nowak, Alliance de la Fonction publique du Canada

Pour l'employeur:
Eric Daoust, Secrétariat du Conseil du Trésor

Affaire entendue à Ottawa (Ontario),
le 14 octobre 2011
Arguments écrits déposés
les 4 novembre, 14 novembre et 2 décembre 2011.
(Traduction de la CRTFP)

I. Grief renvoyé à l’arbitrage

1 Le 17 février 2004, Bruece Machacynski, le fonctionnaire s’estimant lésé (le « fonctionnaire») a présenté un grief contestant une décision de l’Agence des services frontaliers du Canada (l’« ASFC » ou l’« employeur ») de refuser sa demande d’autres congés payés en vertu de la clause 53.01a) de la convention collective conclue entre le Conseil du Trésor et l’Alliance de la Fonction publique du Canada à l’égard du groupe Services des programmes et de l’administration, laquelle a expiré le 20 juin 2003 (la « convention collective »). La période visée par la demande du fonctionnaire débutait le 26 janvier 2004 et se terminait le 4 février 2004, pour un total de 52,5 heures.

2 L’employeur a refusé la demande de congé du fonctionnaire. Il lui a plutôt accordé un congé de maladie en vertu de la clause 35.02a) de la convention collective, qui est libellée comme suit :

35.02 L’employé-e bénéficie d’un congé de maladie payé lorsqu’il ou elle est incapable d’exercer ses fonctions en raison d’une maladie ou d’une blessure, à la condition :

a) qu’il ou elle puisse convaincre l’Employeur de son état de la façon et au moment que ce dernier détermine […]

3 Le fonctionnaire a allégué que la clause 35.02a) ne s’appliquait pas aux circonstances et que la décision de l’employeur contrevenait à la clause 53.01a) de la convention collective, qui est libellée comme suit :

53.01 L’Employeur peut, à sa discrétion, accorder :

a) un congé payé lorsque des circonstances qui ne sont pas directement imputables à l’employé-e l’empêchent de se rendre au travail; ce congé n’est pas refusé sans motif raisonnable […]

4 Le 1er avril 2005, la nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, édictée par l’article 2 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, a été proclamée en vigueur. En vertu de l’article 61 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, ce renvoi à l’arbitrage de grief doit être décidé conformément à l’ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35 (l’« ancienne Loi »).

II. Résumé de la preuve

5 Lors de l’audience, le fonctionnaire a témoigné pour son propre compte et n’a cité aucun témoin. L’employeur a cité comme témoins Dan Mallory, chef des opérations de douanes au Port de Lansdowne, en Ontario (« Lansdowne »), et Ross Mangan, surintendant des douanes au même port. Par ces témoignages, les parties ont présenté 22 documents en preuve.

6 Le fonctionnaire est au service de l’ASFC depuis 1997, d’abord comme inspecteur des douanes nommé pour une période déterminée et ensuite, depuis le 15 janvier 2001, comme inspecteur des douanes nommé pour une période indéterminée. Il était classifié aux groupe et niveau PM-02. Le niveau de compétence linguistique pour ce poste est bilingue non-impératif.

7 Le 11 avril 2001, le fonctionnaire a reçu une lettre d’offre modifiée indiquant que la période d’exemption pour satisfaire aux exigences linguistiques était de deux ans à compter de la date de sa nomination. Selon cette même lettre, un programme de formation serait établi par son employeur dans les trois mois suivant la date d’entrée en vigueur de sa nomination. Selon le fonctionnaire, personne ne lui a mentionné la durée du programme de formation linguistique ni le fait qu’il devrait être réinstallé le temps de sa formation. Pour un certain nombre de raisons qui ne sont pas pertinentes à la question en litige, le programme de formation linguistique n’a pas été établi dans le délai prévu de trois mois; ce n’est qu’en janvier 2004 que la question de la formation linguistique est devenue pertinente au cas en l’espèce.

8 Le 6 janvier 2004, le fonctionnaire a été informé qu’il devrait voyager à Rigaud, au Québec, le 11 janvier 2004 pour suivre une formation linguistique au collège Rigaud (« Rigaud »), et ce, pendant au moins quatre mois. Lors d’une rencontre informelle antérieure avec M. Mallory et Darko Nikolic, son directeur de district, le fonctionnaire a été informé que le nécessaire serait fait pour que la formation linguistique se déroule plus près de Lansdowne, vers avril 2004. Aucune garantie n’avait été donnée.

9 À la même date, le fonctionnaire a répondu qu’il n’avait pas l’intention de suivre le programme de formation à Rigaud, mais qu’il se présenterait au travail pour son prochain quart de travail habituellement à l’horaire. Lors du témoignage du fonctionnaire, on lui a demandé d’expliquer pourquoi il avait refusé d’assister à la formation linguistique. Il a déclaré qu’il souffrait d’un problème de santé appelé agoraphobie, qu’il a décrit comme étant une forme de trouble d’anxiété qui fait en sorte qu’il a peur des grands espaces, de l’inconnu et des environnements sociaux incontrôlables. Il a ajouté qu’il était suivi par son médecin de famille, Dr Jean-Guy Roberge, et qu’il n’avait jamais éprouvé de symptômes à son lieu de travail désigné à Lansdowne, car il y avait établi une routine à laquelle il était habitué et où il se sentait en sécurité. Il a également déclaré que le fait de se présenter à un lieu de travail situé dans une autre ville, et ce, pour une longue période risquerait d’aggraver ses symptômes, lesquels consistent en un serrement de la poitrine, des étourdissements, des palpitations cardiaques, des mains moites et un sentiment d’être sous pression. Il a ajouté que, au moment où il discutait de son refus de suivre la formation linguistique avec M. Mallory, il avait mentionné qu’il devait se rendre à des rendez-vous chez son médecin traitant, mais il n’avait jamais révélé à son employeur la nature de son problème de santé parce qu’il en était gêné et que cela ne nuisait pas à ses fonctions normales d’inspecteur des douanes.

10 Le fonctionnaire ne s’est pas rendu à Rigaud le 11 janvier 2004 comme on le lui avait demandé; il s’est plutôt rendu à Lansdowne pour son prochain quart de travail habituel prévu à l’horaire, qui avait lieu le 14 janvier 2004. À son arrivée, il a été convoqué à une réunion avec M. Nikolic et M. Mallory. Lors de cette réunion, on lui a remis une lettre datée du 9 janvier 2004, l’avisant qu’il risquait d’être licencié s’il ne se présentait pas à sa formation linguistique à Rigaud. M. Nikolic a répété verbalement le même avertissement pendant la réunion.

11 Même si le fonctionnaire a une fois de plus invoqué ses rendez-vous à intervalles réguliers chez le médecin, il a préféré ne pas révéler son problème de santé et il s’est présenté à Rigaud à 14 h, le jour même. Peu après son inscription, il a commencé à éprouver des symptômes graves liés à son problème de santé et ceux-ci devenaient de plus en plus accablants. Dans un état de panique, il a quitté Rigaud peu après 16 h et il est retourné à Lansdowne, où il a informé son surintendant qu’il allait demander un congé de maladie sans certificat médical pour les deux prochains jours, à savoir les 15 et 16 janvier 2004 et un congé de maladie avec certificat médical pour la semaine suivante, à compter du 19 janvier 2004, en précisant qu’une note du médecin suivrait par la suite.

12 Le 19 janvier 2004, le fonctionnaire est allé à un rendez-vous chez son médecin et a obtenu un certificat médical du Dr Roberge confirmant qu’il souffrait d’agoraphobie et qu’il n’était pas en mesure d’être dans un contexte de groupe. Durant la soirée, le fonctionnaire a déposé le certificat médical et une note manuscrite dans la corbeille d’arrivée de M. Mallory. Dans sa note manuscrite, il a tenté d’expliquer son problème médical en décrivant les effets que cela avait sur sa capacité à assister à la formation linguistique. Il a demandé à M. Mallory de le rencontrer le vendredi 23 janvier 2004 et a mentionné qu’il souhaitait que son poste soit redéfini comme étant unilingue anglais. Lors de son témoignage, M. Mallory a confirmé avoir reçu ces documents le soir même ou le lendemain matin au plus tard.

13 Même si le certificat médical ne précisait pas la date de son retour au travail, le fonctionnaire a expliqué qu’il avait clairement fait savoir à son surintendant que la note s’appliquait à la période de cinq jours commençant le 19 janvier 2004, tel qu’il l’avait indiqué sur son formulaire de demande de congé.

14 M. Mallory a accepté de rencontrer le fonctionnaire le 23 janvier 2004. M. Mangan et un représentant syndical ont également assisté à la rencontre. Lors de cette rencontre, M. Mallory a informé le fonctionnaire que son certificat médical était insuffisant et que de plus amples renseignements étaient requis. Il lui a aussi mentionné qu’il devrait lui remettre le formulaire intitulé « Certificat médical d’incapacité de travail », que les parties appellent communément « bluey » en raison de sa couleur. Il convient de noter que la demande de congé de maladie sans certificat médical soumise par le fonctionnaire relativement aux 15 et 16 janvier 2004 ainsi que sa demande de congé de maladie avec certificat médical relativement à la période du 19 au 23 janvier 2004 ont été approuvées par l’employeur et ne sont pas en litige en l’espèce.

15 Lors de la rencontre du 23 janvier 2004, M. Mallory a informé le fonctionnaire que son aptitude à travailler serait évaluée par Santé Canada et qu’il ne serait autorisé à se présenter à son lieu de travail qu’après avoir été déclaré apte à travailler par Santé Canada. Le fonctionnaire a mentionné qu’il avait tenté d’expliquer à M. Mallory qu’il n’éprouvait plus les symptômes qu’il avait ressentis à Rigaud, qu’il ne se sentait plus malade, qu’il était en mesure de retourner au travail et qu’il n’avait plus besoin de soumettre d’autres demandes de congé de maladie. Il a ajouté qu’il avait également tenté d’expliquer à M. Mallory qu’il n’avait jamais ressenti de symptômes au cours de l’exercice de ses fonctions habituelles à Lansdowne et qu’il n’y avait aucune raison de s’inquiéter de son aptitude à travailler à son lieu de travail désigné. Lors de la rencontre, le fonctionnaire a de plus informé M. Mallory que, même s’il était disposé à être évalué par Santé Canada, il ne voulait pas utiliser ses crédits de congé de maladie pour couvrir les jours où il ne travaillerait pas en attendant l’évaluation de Santé Canada. Il a témoigné qu’il avait dit très précisément à M. Mallory qu’il n’avait pas à [traduction] « piger dans sa banque de congé de maladie pour une absence du travail qui ne venait pas de lui ». Quoi qu’il en soit, on a demandé au fonctionnaire de ne pas se présenter au travail et d’attendre un appel téléphonique de Santé Canada. Le fonctionnaire a alors informé M. Mallory qu’il fallait communiquer avec lui par courriel étant donné qu’il ne répondait pas au téléphone chez lui. Le fonctionnaire a nié avoir accepté d’utiliser ses crédits de congé de maladie en attendant l’évaluation de Santé Canada ou d’appeler M. Mallory tous les matins à 9 h, tel que ce dernier a laissé entendre lors de son témoignage. M. Mangan, qui était présent à la rencontre du 23 janvier 2004, n’a pas confirmé un tel accord lors de son témoignage.

16 M. Mallory a indiqué que la décision de ne pas autoriser le fonctionnaire à se présenter à son lieu de travail était motivée par le Code canadien du travail, L.R.C. (1985), ch. L-2 (le « Code »), sans toutefois préciser en vertu de quel chapitre ou disposition du Code. Je constate qu’aucun des documents présentés en preuve par l’employeur ne fait mention du Code. Il n’en est pas question dans la lettre de M. Mallory, datée du 20 janvier 2004, qu’il a adressée à un agent des relations de travail de l’ASFC et dans laquelle il exprimait ses préoccupations concernant le problème médical du fonctionnaire. Il n’en est pas non plus question dans ses notes au sujet de la rencontre du 23 janvier 2004 qu’il a produites en preuve. Enfin, il n’en est pas question dans une lettre qu’il a adressée par la suite au Dr John Given de Santé Canada, datée du 29 janvier 2004, dans laquelle il demandait une évaluation de l’aptitude au travail du fonctionnaire. Quand on lui a demandé s’il avait déjà fait référence au Code au cours des discussions qu’il avait tenues avec le fonctionnaire, il a répondu qu’il ne s’en souvenait pas.

17 Le 27 janvier 2004, le fonctionnaire s’est rendu au bureau du Dr Roberge. Ils ont rempli un certificat médical d’incapacité de travail attestant que le fonctionnaire avait été inapte à travailler pour cause de maladie entre le 20 janvier 2004 et le 23 janvier 2004. Le fonctionnaire a témoigné qu’il avait déposé le certificat médical d’incapacité de travail dans la boîte aux lettres de M. Mallory le soir même. M. Mallory a déclaré avoir reçu le certificat à la mi-février 2004, soit à son retour de vacances, et M. Mangan, qui le remplaçait, a affirmé qu’il n’avait pas reçu le certificat. Toutefois, ni l’un ni l’autre n’a contesté le fait que le certificat avait été déposé dans la boîte aux lettres de M. Mallory, et ils n’étaient pas en mesure d’affirmer avec certitude qu’il n’avait pas été déposé dans la boîte aux lettres le 27 janvier 2004. Le fonctionnaire a expliqué qu’il se rappelait avoir livré le certificat le jour même où son médecin traitant l’avait rempli, car il s’était contraint à le livrer immédiatement, en précisant que cette stratégie comportementale qu’il s’était lui-même imposée faisait partie d’un mécanisme d’adaptation auquel il avait habituellement recours; autrement, il se retrouvait en situation d’évitement et rien n’était accompli. Le fait que l’employeur avait le certificat en main signifiait au fonctionnaire que lui-même l’avait livré le jour même où son médecin traitant l’avait rempli, comme c’était d’ailleurs le cas pour le premier certificat médical qu’il avait livré le 19 janvier 2004.

18 Même si M. Mallory a informé le fonctionnaire le 23 janvier 2004 qu’il ne pouvait pas se présenter au travail avant que l’évaluation de Santé Canada ait confirmé son aptitude à travailler, il n’a exigé cette évaluation que le 29 janvier 2004. Dans la lettre qu’il a adressée à Santé Canada, M. Mallory a mentionné ses préoccupations au sujet des interactions du fonctionnaire avec ses collègues et le public voyageur, et ce, malgré les explications récentes du fonctionnaire et le fait que M. Mallory avait admis qu’aucun problème n’avait jamais été porté à son attention concernant le rendement du fonctionnaire ou des incidents liés à un comportement inapproprié ou douteux du fonctionnaire dans ses interactions avec les collègues ou le public.

19 M. Mallory a mentionné qu’il avait pris un congé annuel peu de temps après, soit du 31 janvier 2004 au 6 février 2004, et que le certificat du fonctionnaire n’a été porté à son attention que quelque temps après son retour. En contre-interrogatoire, il a admis que cela ne voulait pas dire que le formulaire n’avait pas été déposé dans sa boîte aux lettres à une date bien antérieure.

20 Le fonctionnaire a reçu un appel de Santé Canada et il a été évalué le 2 février 2004. Le même jour, Dr Given a écrit à l’employeur pour confirmer l’aptitude provisoire du fonctionnaire à travailler en tant qu’inspecteur des douanes de niveau PM-02, en attendant une évaluation additionnelle par un consultant spécialisé, prévue pour le 19 février 2004. Ce jour-là, Dr Given a également communiqué, par téléphone, avec M. Mangan et un agent des relations de travail de l’ASFC pour les informer des résultats de son évaluation. Même si une copie de la lettre du Dr Given semble avoir été envoyée par la poste à l’adresse domiciliaire du fonctionnaire, je n’ai été saisi d’aucune preuve indiquant la date à laquelle celui-ci a reçu la lettre, et il n’a pas été contre-interrogé à ce sujet.

21 M. Mangan, qui remplaçait à titre intérimaire M. Mallory à ce moment-là, a mentionné qu’il avait tenté de communiquer avec le fonctionnaire le 2 février 2004 pour discuter d’une date de retour au travail, malgré le fait que le fonctionnaire avait précisé qu’il fallait communiquer avec lui par courriel seulement. M. Mangan a déclaré qu’il avait fait un suivi par courriel, mais il n’était pas en mesure de produire une preuve pour appuyer sa déclaration. Le fonctionnaire ne se rappelait pas avoir reçu de courriel de M. Mangan. Un document présenté comme élément de preuve montre qu’un agent des relations de travail de l’ASFC a envoyé un courriel à M. Nikolic, M. Mallory et M. Mangan le 2 février 2004, à 17 h 13, pour transmettre les résultats de l’évaluation du Dr Given et solliciter des instructions. Dans la matinée du 3 février 2004, M. Nikolic a répondu comme suit :

[Traduction]

$#@@##!!&**^&%$^$!!^^@$%##)*(&@%%&!

Cela étant dit, on devrait le placer en congé de maladie jusqu’à ce que l’on reçoive un rapport officiel […]?

22 Lorsqu’il a été interrogé au sujet de cette réponse, M. Mallory a admis qu’elle était inappropriée. Il a également convenu que, compte tenu du rapport du Dr Given, il aurait été inapproprié de garder le fonctionnaire en congé de maladie à cette époque, tel qu’il avait été suggéré par M. Nikolic.

23 Le 4 février 2004, le fonctionnaire a envoyé un courriel à M. Mangan pour s’informer de sa date de retour au travail étant donné qu’il n’avait pas eu de nouvelles de son employeur depuis son évaluation. Peu de temps après, il a été convenu qu’il pouvait se présenter au travail le 7 février 2004.

24 Le fonctionnaire a par la suite rempli et soumis des feuilles de temps pour les jours où il était en congé, en attendant l’évaluation de Santé Canada. Au total, au moyen de deux formulaires de demande distincts, il a revendiqué 52,5 heures d’autres congés payés en vertu de la clause 53.01a) de la convention collective, lesquels ont été modifiés en congés de maladie avec certificat médical en vertu de la clause 35.02a) et approuvés comme tels. M. Mallory a effectué ces modifications le 27 février 2004.

25 Étant donné qu’il avait été prévenu de l’intention de son employeur de modifier sa demande de congé le 16 février 2004 ou vers cette date, le fonctionnaire a présenté un grief le 17 février 2004 pour contester la modification de son employeur.

26 Le 15 mars 2004, Dr Given a soumis son rapport final et a informé l’employeur que, à la suite de l’examen de l’évaluation du consultant spécialisé, le fonctionnaire était jugé apte à travailler à titre d’inspecteur des douanes de niveau PM-02 avec quelques limitations, qui n’affectaient en rien les fonctions de son poste d’attache.

27 En novembre 2004, le fonctionnaire a déménagé en Colombie-Britannique pour y demeurer pendant une année. À son retour à Lansdowne, en novembre 2005, M. Mallory a immédiatement exigé qu’il suive une formation linguistique. Le fonctionnaire a informé M. Mallory que ses actions constituaient du harcèlement et qu’il envisageait d’entamer les procédures qui s’imposaient. Peu après, le poste du fonctionnaire a été redéfini comme unilingue anglais. M. Mallory n’a pas contredit cet élément de preuve lors de son témoignage.

28 Le fonctionnaire a également déclaré que l’employeur avait depuis demandé d’autres évaluations d’aptitude au travail par Santé Canada, et ce, en dépit de l’absence d’incidents en milieu de travail et en dépit du fait que, durant l’attente de ces évaluations, l’employeur l’autorisait à se présenter à son travail et l’affectait à des tâches de bureau.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour le fonctionnaire

29 Le fonctionnaire a déclaré que l’employeur avait exigé de lui, sans raison valable, qu’il utilise un congé de maladie avec certificat médical pendant la période où il était absent du lieu de travail, entre le 26 janvier et le 4 février 2004. Le fonctionnaire n’était pas malade ou blessé durant cette période.

30 Étant donné que le fonctionnaire avait informé son superviseur le 14 janvier 2004 qu’il présenterait une note du médecin afin d’attester sa demande de congé de maladie uniquement pour la semaine du 19 janvier 2004, la note qu’il a fournie le 19 janvier 2004 avait pour seul objet d’attester son absence pendant cette semaine-là. Le fonctionnaire a témoigné qu’il avait fourni des explications détaillées à ce sujet dans sa note manuscrite du 19 janvier 2004 et lors de la rencontre du 23 janvier 2004. La preuve a permis d’établir que le fonctionnaire avait clairement indiqué que son problème de santé n’affectait que sa capacité à suivre la formation linguistique, et non son aptitude à accomplir les fonctions de son poste d’attache.

31 Le fonctionnaire a également fait valoir que la preuve avait établi qu’aucune maladie ou blessure ne l’avait empêché de retourner à son lieu de travail après le 23 janvier 2004. Le rapport médical du Dr Given, daté du 2 février 2004, a confirmé que le fonctionnaire était apte à travailler. Par conséquent, il était déraisonnable que l’employeur l’oblige à utiliser ses crédits de congé de maladie pour couvrir la période où il n’était pas autorisé à se présenter au travail. Le fonctionnaire a laissé entendre que le fait de demander un congé de maladie tout en sachant parfaitement que deux médecins l’avaient jugé en bonne santé physique et apte à travailler constituait manifestement une violation de l’article 35 de la convention collective, ce qu’il n’était pas disposé à faire.

32 Le fonctionnaire a soutenu que les circonstances qui l’avaient empêché de se rendre au travail entre le 26 janvier 2004 et le 4 février 2004 étaient de toute évidence imputables à l’employeur.

33 Le fonctionnaire a cité les passages suivants de Canadian Labour Arbitration de Brown et Beatty :

[Traduction]

[…] En règle générale, les arbitres ont déclaré qu’un employeur ne peut exiger une évaluation médicale d’une maladie ou incapacité que d’une manière et à un moment qui soient conformes aux modalités de l’entente et lorsqu’il existe un fondement raisonnable pour une telle exigence […] [paragr. 8:3320]

[…] Conformément aux règles de procédure et de preuve normales, le fardeau de la preuve incombe à l’employeur lorsqu’il s’agit d’établir que les preuves fournies par l’employé sont insatisfaisantes.

Même dans les cas où un employeur a un motif légitime pour insister sur le fait qu’un employé fournisse un certificat médical satisfaisant en vue d’attester ses absences et/ou son aptitude à retourner au travail, son droit n’est pas absolu ou inconditionnel. Tant les circonstances dans lesquelles ce droit est exercé que la manière dont il est exercé doivent être conformes aux modalités de la convention collective et au caractère raisonnable […]Quelle que soit la lacune, il y a consensus qu’il est interdit à un employeur de refuser un certificat médical sans expliquer à l’employé les fondements de ses doutes ni indiquer exactement les renseignements qui y manquent. [paragr. 7:6142]

[…] Il y a également consensus quant au fait que, même si un employeur a un motif légitime d’exiger un certificat médical du médecin traitant de l’employé lorsqu’une demande de prestation de maladie est effectuée, il ne peut insister pour que l’employé se soumette à un examen effectué par son propre médecin ou par un médecin qu’il n’a pas choisi lui-même […].[paragr. 8:3320]

34 L’employeur a exigé que le fonctionnaire se soumette à une évaluation de Santé Canada. Cette évaluation a été effectuée par un médecin que le fonctionnaire n’avait pas choisi et a fait en sorte que le fonctionnaire ne pouvait se présenter au travail avant la réception des résultats confirmant l’aptitude du fonctionnaire à travailler. Le fonctionnaire estime que l’employeur aurait dû d’abord demander des renseignements plus détaillés auprès de son médecin traitant avant même d’envisager de l’envoyer à Santé Canada. Sans ces précisions, l’employeur n’était pas en mesure de contester ou de remettre en question les conclusions du médecin et de prendre une décision raisonnable quant à la nécessité d’une évaluation par Santé Canada. Selon le fonctionnaire, l’employeur a réagi à son diagnostic médical de manière hâtive et déraisonnable. Sa décision de le mettre en congé forcé pour une durée indéterminée a été prise sans tenir compte des facteurs pertinents suivants :

  1. L’employeur n’a pas cherché à savoir depuis combien de temps le fonctionnaire était suivi par un médecin pour son problème de santé ni depuis quand il souffrait de ce problème. Ces renseignements auraient aidé l’employeur à déterminer si le problème de santé était récent et s’il existait un danger réel pour la sécurité du milieu de travail.
  2. L’employeur n’avait aucune connaissance ou compréhension du diagnostic et n’a pas demandé au médecin traitant de lui expliquer la façon dont ce problème de santé pouvait influer sur l’accomplissement des fonctions habituelles du poste. Si l’employeur s’était informé auprès du Dr Roberge ou s’il avait accepté que l’évaluation d’aptitude au travail soit effectuée par celui-ci, le fonctionnaire aurait repris ses fonctions plus tôt, puisqu’il aurait été établi qu’il n’y avait aucun risque pour la sécurité.
  3. L’employeur n’a pas tenu compte du rendement antérieur du fonctionnaire ni du fait que celui-ci n’a jamais fait preuve de comportements suspects, violents ou douteux. Malgré l’absence de preuves démontrant que son état mental pourrait constituer une menace pour sa propre sécurité, celle des voyageurs à la frontière ou de ses collègues, il semble que l’employeur a réagi en s’appuyant sur des stéréotypes liés à la maladie mentale et a imaginé les menaces possibles même si aucun élément de preuve ne venait étayer de telles idées.

35 Le fonctionnaire a également fait valoir que l’employeur avait agi de manière déraisonnable étant donné qu’il n’avait pas envisagé de mesures moins contraignantes que celle consistant à le retirer du lieu de travail. Pendant la période où le fonctionnaire attendait son évaluation par Santé Canada, l’employeur aurait pu modifier ses fonctions, comme il avait décidé de le faire pour les évaluations ultérieures qu’il avait exigées, au lieu de le contraindre à prendre un congé de maladie. Une telle mesure aurait été conforme aux principes généraux relatifs à l’obligation d’un employeur de prendre des mesures d’adaptation. Le fonctionnaire a soutenu qu’il n’était manifestement pas responsable de son absence du lieu de travail, et que la décision de l’employeur de l’empêcher de travailler était déraisonnable.

36 Le fonctionnaire a également déclaré que l’employeur avait refusé sans motif raisonnable de lui accorder d’autres congés payés pour les dates où il ne pouvait pas se présenter au travail et qu’il n’avait pas examiné les faits pertinents avec assez de soin avant de prendre sa décision.

37 Selon le fonctionnaire, l’employeur a évalué de façon déraisonnable les risques associés à son trouble médical, ce qui a ultimement entraîné le refus déraisonnable de sa demande de congé. Il a affirmé que les préoccupations de l’employeur au sujet de son problème de santé étaient fondées sur des stéréotypes liés à la santé mentale plutôt que sur les faits devant lui. Le fonctionnaire a fait valoir qu’il avait fourni une preuve médicale pour qu’on le dispense de la formation linguistique, qu’il avait été franc et honnête. Il avait fait preuve d’ouverture à l’égard de son employeur au sujet de sa santé et il avait assuré son employeur qu’il était apte à travailler. En outre, même s’il était suivi pour son problème médical depuis quelque temps avant l’incident de janvier 2004, le fonctionnaire a toujours eu un bon rendement et n’a été impliqué dans aucun incident au cours de ses sept années d’emploi. Par conséquent, l’employeur n’avait aucun motif raisonnable de présumer que le fonctionnaire pourrait causer des blessures à lui-même ou aux autres. Bien qu’il soit vrai qu’un employeur a le droit de s’assurer qu’un employé est apte à travailler, le fonctionnaire a soutenu que le contexte de la maladie et ses manifestations devaient être pris en considération. L’anxiété que le fonctionnaire éprouvait était manifestement liée à la formation linguistique plutôt qu’à son travail à Lansdowne, un élément que l’employeur a ignoré.

38 Le fonctionnaire a demandé une déclaration selon laquelle l’employeur avait refusé sans raison valable d’autres congés payés en vertu de l’article 53 de la convention collective ainsi qu’une ordonnance de restitution des 52,5 heures de congé de maladie qu’il a été contraint d’utiliser entre le 26 janvier et le 4 février 2004.

B. Pour l’employeur

39 Essentiellement, l’employeur a soutenu qu’il avait agi de manière raisonnable lorsqu’il a exigé du fonctionnaire de se soumettre à une évaluation d’aptitude au travail compte tenu des renseignements médicaux limités que celui-ci avait fournis le 19 janvier 2004 et des circonstances qui l’ont empêché de se présenter au travail et qui étaient imputables seulement au fonctionnaire. D’après l’employeur, la note initiale que le fonctionnaire a présentée le 19 janvier 2004 n’était pas assez détaillée et indiquait une incapacité à être dans un contexte de groupe, ce qui l’a ultimement amené l’employeur à demander une évaluation de Santé Canada.

40 L’employeur a affirmé que la preuve avait permis d’établir que les parties avaient convenu de procéder à l’évaluation de Santé Canada et que le fonctionnaire utiliserait ses crédits de congé de maladie en attendant le résultat final de cette évaluation.

41 L’employeur a soutenu que, compte tenu des circonstances, la demande de congé du fonctionnaire n’avait pas été refusée sans raison valable. Le refus de la demande a été motivé par le fait que le certificat médical d’incapacité de travail, attestant que le fonctionnaire était apte à travailler en date du 23 janvier 2004, n’avait été reçu par M. Mallory qu’à son retour de congé annuel à la mi-février 2004. L’employeur a également tenu compte du fait que le fonctionnaire n’avait pas soumis sa demande d’autres congés payés lors de la rencontre du 23 janvier 2004 ou peu de temps après.

42 L’employeur a affirmé qu’il avait fait preuve de diligence raisonnable compte tenu des renseignements médicaux limités dont il disposait à l’époque pertinente. Ces renseignements ont soulevé de sérieuses préoccupations au sujet de l’aptitude du fonctionnaire à assumer de nouveau toutes ses fonctions habituelles et du risque potentiel qu’il pourrait constituer pour lui-même et pour le public voyageur en général.

43 L’employeur a ajouté qu’il avait fait preuve de diligence raisonnable et qu’il n’avait épargné aucun effort pour communiquer avec le fonctionnaire dès la réception du rapport du Dr Given, afin de lui demander de reprendre son travail le plus tôt possible, et ce, même si le fonctionnaire n’avait pas tenté de communiquer avec l’employeur au sujet de son retour au travail.

44 L’employeur a soutenu que le courriel de M. Nikolic, daté du 3 février 2004, qui était manifestement défavorable au retour au travail du fonctionnaire même après la réception du rapport du Dr Given, n’a pas influencé les actions de M. Mallory ou de M. Mangan. Je souligne qu’ils relevaient tous les deux de M. Nikolic.

45 L’employeur a affirmé que le fait d’exiger que le fonctionnaire subisse d’autres évaluations d’aptitude au travail et la décision de l’époque d’affecter le fonctionnaire à des tâches de bureau n’est pas pertinent en l’espèce étant donné que les événements en question ont eu lieu cinq années après le dépôt du présent grief et que les raisons qui ont motivé l’employeur à exiger d’autres évaluations sont inconnues.

46 L’employeur n’a pas nié que le fonctionnaire avait manifesté son désir et sa capacité de retourner au travail au cours de la rencontre du 23 janvier 2004; cependant, il a laissé entendre que ses actions et sa décision finale étaient justifiées par le fait que, lors de cette rencontre, le fonctionnaire n’avait pas fourni de certificat médical pour attester son aptitude au travail à cette date.

47 L’employeur a affirmé qu’il avait agi de bonne foi et que ses actions étaient fondées sur les renseignements dont il disposait à l’époque pertinente au présent grief.

48 Pour étayer sa position, l’employeur a porté à mon attention les deux décisions suivantes rendues par l’ancienne Commission des relations de travail dans la fonction publique : Skibicki c. Conseil du Trésor (Environnement Canada), Dossier de la CRTFP 166-02-20723 (19910116) et Creamer c. Conseil du Trésor (Santé Canada), Dossier de la CRTFP 166-02-27300 (19970716). Je n’ai reproduit aucun des passages cités par l’employeur, car j’estime que ces cas sont peu utiles, voire inutiles.

49 Aucun argument n’a été avancé concernant le Code et son application au présent cas.

50 En conclusion, l’employeur estime qu’il n’a pas agi de façon arbitraire, discriminatoire ou de mauvaise foi et que sa décision de refuser la demande de congé du fonctionnaire était raisonnable.

IV. Motifs

51 En l’espèce, il incombe au fonctionnaire de démontrer que la façon dont l’employeur a exercé sa discrétion en vertu de l’article 53 de la convention collective était déraisonnable, particulièrement lorsqu’il a refusé la demande d’autres congés payés soumise par le fonctionnaire. Pour les motifs suivants, j’ai conclu que le fonctionnaire s’était acquitté du fardeau de la preuve qui lui incombait.

52 Je ne peux accepter l’argument de l’employeur selon lequel la preuve avait établi que les parties s’étaient entendues, lors de la rencontre du 23 janvier 2004, pour que le fonctionnaire utilise ses crédits de congé de maladie en attendant le résultat final de l’évaluation de Santé Canada. Même s’il semble avoir accepté de se soumettre à l’évaluation, le fonctionnaire a contredit la preuve produite par M. Mallory concernant l’accord allégué. Aucun document n’a permis d’établir que le fonctionnaire avait accepté un tel accord. M. Mangan, qui était présent à la rencontre, n’a confirmé aucun des deux témoignages. Je n’ai pas accordé un grand poids aux notes de la rencontre produites par M. Mallory. Ces notes ne portaient ni la signature ni les initiales du fonctionnaire et aucun témoin impartial n’a confirmé la date où ces notes ont été préparées ou, plus important encore, la véracité du contenu des notes — chose que M. Mangan aurait pu facilement faire, mais qui ne lui a pas été demandée. Un accord de cette nature, qui peut être préjudiciable à un employé, ne devrait être invoqué par l’employeur seulement si le fonctionnaire l’a reconnu. Après avoir examiné et soupesé attentivement les témoignages de M. Mallory et du fonctionnaire, je préfère la version des faits du fonctionnaire à ce sujet. Même en supposant que les parties avaient convenu d’utiliser les crédits de congé de maladie du fonctionnaire pour couvrir la période en question, un tel accord n’aurait pas soustrait l’employeur de sa responsabilité à l’égard de toutes les actions subséquentes. Il ne constituerait pas non plus un motif suffisant pour priver le fonctionnaire, dans ces circonstances, de son droit de réagir face à l’exercice déraisonnable de la discrétion de l’employeur. Les renseignements datant du 27 février 2004 ont clairement démontré que le fonctionnaire n’était pas malade au cours de cette période. En dépit de l’argument de l’employeur, cela signifie que les circonstances des faits n’étaient pas imputables uniquement au fonctionnaire.

53 Je ne peux non plus accepter l’argument de l’employeur voulant que son refus à l’égard de la demande du fonctionnaire pour d’autres congés payés soit en quelque sorte justifié par le fait qu’il n’a reçu le certificat médical d’incapacité de travail attestant que le fonctionnaire était apte à travailler en date du 23 janvier 2004 qu’au retour de son congé annuel à la mi-février 2004. Premièrement, je ne vois aucune raison de ne pas accepter le témoignage du fonctionnaire selon lequel il a livré ce formulaire le 27 janvier 2004. La preuve qu’il a produite était crédible et n’a pas été sérieusement contestée par la preuve que l’employeur a présentée. Deuxièmement, quoi qu’il en soit, le certificat médical d’incapacité de travail a été reçu avant que M. Mallory ne modifie la demande d’autres congés payés en congés de maladie avec certificat médical, et ce, malgré le fait que le certificat médical d’incapacité de travail attestait que le fonctionnaire était apte à travailler en date du 23 janvier 2004 et que le rapport du Dr Given, daté du 2 février 2004, avait également confirmé son aptitude à travailler. Troisièmement, la preuve a établi clairement que le retour du fonctionnaire au travail n’était pas conditionnel à la réception d’un certificat médical d’incapacité de travail, mais plutôt aux résultats positifs de l’évaluation de Santé Canada, qui se sont concrétisés quelque temps après le 2 février 2004.

54 L’allégation de l’employeur selon laquelle le fonctionnaire devrait, d’une façon ou d’une autre, être tenu responsable pour ne pas avoir présenté une demande d’autres congés payés au cours de la rencontre du 23 janvier 2004 ou peu de temps après ne tient pas. Cette allégation ne prend pas du tout en considération le fait que le fonctionnaire avait le sentiment qu’il n’avait guère le choix de se soumettre à l’évaluation de Santé Canada; que l’employeur a attendu six jours avant de communiquer par écrit avec Santé Canada; que le fonctionnaire ne pouvait pas se présenter au travail avant la confirmation de son aptitude à travailler et qu’il n’a pu promptement retourner travailler par la suite à cause des tentatives inadéquates de son employeur pour le joindre; en plus du fait que le fonctionnaire n’avait aucune connaissance de la date de l’évaluation ni du moment où son employeur lui accorderait la permission de retourner à son poste.

55 L’employeur a avancé qu’il n’avait épargné aucun effort pour joindre le fonctionnaire dès la réception du rapport du Dr Given afin de lui demander de reprendre son travail le plus tôt possible. Cela ne correspond pas à ce que la preuve a permis d’établir. La preuve a démontré que le rapport du Dr Given était daté du 2 février 2004, qu’une copie de ce rapport semble avoir été envoyée par courrier ordinaire à l’adresse domiciliaire du fonctionnaire, que M. Mangan a cherché à communiquer par téléphone avec le fonctionnaire à deux reprises, même si ce dernier avait précisé qu’il fallait communiquer avec lui par courriel uniquement. Je ne peux accepter le témoignage de M. Mangan selon lequel il a également tenté de communiquer avec le fonctionnaire par courriel. Tout d’abord, le fonctionnaire a réfuté cette allégation. Ensuite, M. Mangan n’était pas en mesure de produire le courriel en question. Enfin, au cours de l’échange de courriels qui a eu lieu les 3 et 4 février 2004 entre M. Mangan et un agent des relations de travail de l’ASFC, M. Mangan a seulement mentionné qu’il avait tenté de joindre le fonctionnaire par téléphone, et non par courriel.

56 En ce qui concerne l’allégation de l’employeur selon laquelle le fonctionnaire n’avait pas tenté de communiquer avec lui pour s’informer de son retour au travail, les faits ont révélé que le rapport du Dr Given avait été transmis au fonctionnaire par la poste au plus tôt le 2 février 2004 et que dans la matinée du 4 février 2004, ce dernier avait envoyé un courriel à M. Mangan pour s’informer de sa date de retour au travail. Quoi qu’il en soit, la revendication du fonctionnaire porte sur la période allant du 26 janvier au 4 février 2004, et le rapport du Dr Given a été rédigé le 2 février 2004. Le premier courriel transmis par l’employeur dans lequel il était question de ce rapport a été envoyé à 17 h 13, le 2 février 2004, mais il n’était pas adressé au fonctionnaire. Même si l’employeur avait réussi à joindre le fonctionnaire le lendemain, je doute que celui-ci aurait pu se présenter au travail avant le 4 février 2004.

57 L’employeur a allégué que comme le fonctionnaire n’a pas fourni de certificat médical pour attester son aptitude au travail en date de la rencontre du 23 janvier 2004, cela justifiait sa décision d’exiger une évaluation de Santé Canada, de retirer le fonctionnaire du lieu de travail et de refuser par la suite sa demande d’autres congés payés, même une fois que son aptitude à travailler était confirmée. Cette allégation ne tient pas compte du contexte dans lequel les circonstances pertinentes sont survenues. Par exemple, le fonctionnaire avait présenté une demande de congé de maladie avec certificat médical pour cinq jours (la semaine du 19 janvier 2004) en indiquant qu’une note du médecin suivrait par la suite. Le fonctionnaire a clairement expliqué ceci à son surintendant le 14 janvier 2004. La note a été présentée pour la demande de congé de cinq jours, et non pour un congé d’une période indéfinie. Même si je reconnais que la note du Dr Roberge du 19 janvier 2004 faisait référence à l’incapacité du fonctionnaire à être dans un contexte de groupe, elle n’indiquait pas, ni même ne suggérait, que le fonctionnaire était incapable de s’acquitter de ses fonctions habituelles en tant qu’inspecteur des douanes. Rien n’empêchait l’employeur de demander des clarifications au Dr Roberge, avec le consentement du fonctionnaire, s’il ne comprenait pas la note ou s’il avait besoin d’éclaircissements concernant la date de retour au travail. Le fonctionnaire a obtenu un certificat médical qui confirmait son aptitude à travailler en date du 23 janvier 2004 et qui a été livré le 27 janvier 2004. De plus, le fonctionnaire a tenté d’expliquer les situations où les symptômes qu’il éprouvait s’aggravaient et le fait que son problème de santé ne l’avait pas empêché par le passé d’exercer ses fonctions et ne l’empêchera pas de continuer à accomplir les tâches habituelles de son emploi. En outre, je n’ai été saisi d’aucune preuve indiquant que le fonctionnaire avait dû s’absenter du travail pour des raisons médicales pendant une période prolongée avant de présenter la note du Dr Roberge du 19 janvier 2004 ou que son relevé de congés était rempli d’absences répétées pour cause de maladie. Ainsi, le contexte dans lequel les circonstances sont survenues et la manifestation de la maladie ne justifient tout simplement pas les mesures prises par l’employeur le 23 janvier 2004 alors qu’il a retiré le fonctionnaire du lieu de travail et, par la suite, le 27 février 2004, alors qu’il a refusé sa demande d’autres congés payés.

58 Je crois que l’employeur aurait pu imposer une mesure moins contraignante dans de telles circonstances. Même si j’acceptais qu’il était raisonnable que l’employeur exige une évaluation par Santé Canada dans les circonstances, ce que je ne laisse pas entendre, rien ne justifiait le retrait du fonctionnaire du lieu de travail ni le refus et la modification de sa demande par la suite, une fois que son aptitude à travailler était confirmée. L’employeur aurait pu autoriser le fonctionnaire à continuer à se présenter au travail et à exercer ses fonctions, comme il le fait depuis sept ans, et ce, sans incident. L’employeur aurait également pu, durant cette période, assigner au fonctionnaire des fonctions différentes ou insister pour qu’il soit supervisé d’une manière ou d’une autre dans le cas où les préoccupations de M. Mallory étaient si importantes. Même si je suis d’accord avec l’argument de l’employeur selon lequel les raisons qui l’ont motivé à exiger d’autres évaluations n’ont pas été divulguées lors de l’audience, je constate que l’employeur n’a pas contesté le fait qu’il avait exigé ces évaluations, qui, selon le fonctionnaire, n’ont pas révélé d’incapacité à accomplir ses fonctions. Je constate aussi que l’employeur n’a pas contesté le témoignage du fonctionnaire selon lequel il a été affecté à des tâches de bureau en attendant les résultats des évaluations. Pour parvenir à cette conclusion, j’ai pris en considération de nombreux éléments, y compris le fait que M. Mallory avait empêché le fonctionnaire de se présenter au travail sans même lui demander depuis quand il souffrait de ce problème de santé. Le fait qu’il n’avait aucune connaissance d’incidents antérieurs ou de préoccupations soulevées par les collègues ou les voyageurs, le fait qu’il a agi sans la présence de signes indiquant que le fonctionnaire pourrait poser un risque légitime en matière de sécurité et le fait qu’il s’attendait à ce que le fonctionnaire utilise ses congés de maladie de façon illégitime et peu avantageuse pour couvrir la période où il attendait son évaluation et la confirmation de son aptitude à travailler, n’a pas été contesté par l’employeur. Aucune de ces actions ne représente ce que je pourrais possiblement qualifier de conduite raisonnable de la part de M. Mallory. J’ajouterais aussi que la réponse de M. Nikolic du 3 février 2004 n’a guère amélioré la position de l’employeur.

59 Le 27 février 2004, quand M. Mallory a modifié la demande d’autres congés payés soumise par le fonctionnaire en congés de maladie avec certificat médical, il savait que le médecin de famille du fonctionnaire l’avait jugé apte à travailler en date du 23 janvier 2004. Le fonctionnaire a informé M. Mallory à maintes reprises qu’il n’était pas malade et qu’il ne voulait pas demander des congés de maladie. M. Mallory a été informé par le Dr Given que le fonctionnaire pouvait reprendre ses fonctions et que rien n’indiquait qu’il était ou avait été atteint d’une maladie qui l’empêchait d’accomplir les tâches habituelles de son emploi. Néanmoins, l’employeur a quand même modifié la demande de congé du fonctionnaire en congés de maladie avec certificat médical sans le consentement du fonctionnaire, et ce, en dépit du libellé sans équivoque de la clause 35.02 de la convention collective, qui exige une incapacité à exercer les fonctions de l’emploi en raison d’une maladie ou d’une blessure, et a refusé sa demande d’autres congés payés. Encore une fois, ces actions témoignent d’un comportement déraisonnable de la part de M. Mallory, sans mentionner l’application illégitime de la clause 35.02.

60 Je souscris à l’argument du fonctionnaire selon lequel l’employeur a réagi à son diagnostic médical de manière hâtive et déraisonnable et sans tenir dûment compte d’un certain nombre de facteurs pertinents, qui ont été soulignés par la représentante du fonctionnaire et reproduits au paragraphe 34 de la présente décision.

61 En exerçant sa discrétion, l’employeur doit examiner chaque demande et les circonstances particulières de chaque cas. Après avoir examiné et considéré ces circonstances, j’en arrive à la conclusion que la modification effectuée par l’employeur de la demande de congé du fonctionnaire, qui couvre la période allant du 26 janvier au 4 février 2004, était déraisonnable et illégitime et qu’elle violait l’article 35 de la convention collective.

62 Je conclus que les circonstances entourant l’absence du fonctionnaire du lieu de travail entre le 26 janvier et le 4 février 2004 ne lui étaient pas directement attribuables. Elles étaient directement imputables à l’employeur.

63 Je conclus que le refus de l’employeur relativement à la demande d’autres congés payés du fonctionnaire pour couvrir son absence du lieu de travail entre le 26 janvier et le 4 février 2004 était arbitraire et déraisonnable et qu’il était en violation de l’article 53 de la convention collective.

64 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

65 Le grief est accueilli. L’employeur doit créditer le compte de congés de maladie du fonctionnaire de 52,5 heures.

Le 27 mars 2012.

Traduction de la CRTFP

Stephan J. Bertrand,
arbitre de grief

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