Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé, un officier de pont, a déposé un grief alléguant ne pas avoir reçu un préavis suffisant quant à une modification de l’horaire de travail en contravention de sa convention collective - l’employeur a reconnu avoir omis de respecter les exigences de celle-ci, mais comme elle n’offrait aucun redressement pour la contravention et que le fonctionnaire s’estimant lésé n’a pas fait des heures supplémentaires pendant la période en question, l’employeur a soutenu que le fonctionnaire s’estimant lésé n’avait pas droit à la rémunération des heures supplémentaires qu’il réclamait - l’employeur a fondé son opinion sur la décision de la Cour fédérale dans Procureur général du Canada c. McKindsey, 2008 CF 73 - l’arbitre de grief a conclu ne pas y être liée - ce cas concernait d’autres parties ainsi qu’une convention collective et des lois différentes - en vertu du paragraphe 228(2) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, les arbitres de griefs disposent de larges pouvoirs de redressement que ne prévoyait pas l'ancienne législation en vertu de laquelle a été tranchée McKindsey - de plus, la convention collective dans le présent cas ne contenait pas de clauses punitives, tandis que la convention collective en cause dans McKindsey en contenait - un des éléments ayant influencé la Cour fédérale dans McKindsey est le fait que la convention collective prévoyait trois clauses énonçant des sanctions en cas de modification de l'horaire de travail sans préavis suffisant, mais la clause à l'étude n'était pas du nombre - de plus, le présent grief a soulevé une question différente de celle évoquée dans McKindsey, car le fonctionnaire s’estimant lésé était d’avis que la disposition de la convention collective en question était exécutoire - l’arbitre de grief a conclu que la clause était exécutoire et que le meilleur redressement à cette contravention consistait à la stricte application de la disposition - si l’employeur ne donne pas un préavis suffisant de modification de l'horaire de travail d'un employé, l’horaire de travail original est maintenu et toutes les heures travaillées en sus sont des heures supplémentaires. Grief accueilli.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2012-03-19
  • Dossier:  566-02-3601
  • Référence:  2012 CRTFP 33

Devant un arbitre de grief


ENTRE

JOSH HORNER

fonctionnaire s'estimant lésé

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(ministère de la Défense nationale)

employeur

Répertorié
Horner c. Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale)

Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Kate Rogers, arbitre de grief

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Kimberley Turner, c.r., avocate, et Kelsey McLaren

Pour l'employeur:
Adrian Bieniasiewicz, avocat

Affaire entendue à Halifax (Nouvelle‑Écosse),
le 15 novembre 2011.
(Traduction de la CRTFP)

I. Grief individuel renvoyé à l’arbitrage

1 Au moment des événements en question, Josh Horner, le fonctionnaire s’estimant lésé (le « fonctionnaire »), un officier de pont, était classifié au groupe et niveau SO-MAO-03. Il était au service du ministère de la Défense nationale (MDN) comme responsable du remorqueur portuaire de la classe Ville, le Listerville, à Halifax, en Nouvelle‑Écosse. Le 13 novembre 2009, il a présenté un grief relativement à une violation de l’article 30 de la convention collective (Durée du travail et heures supplémentaires), et de l’appendice « K » (Système d’une semaine de travail de quarante (40) heures) de cette même convention collective conclue entre le Conseil du Trésor (l’« employeur ») et la Guilde de la marine marchande du Canada (le « syndicat ») pour le groupe des officiers de navire, dont la date d’expiration était le 31 mars 2011 (la « convention collective »).

2 Selon le grief, le MDN a enfreint la convention collective en ne fournissant pas un préavis suffisant concernant une modification de l’horaire de travail du fonctionnaire, conformément à l’article 30 et à l’appendice « K » de la convention collective. Comme mesure de redressement, le fonctionnaire a demandé d’être indemnisé conformément à sa demande d’heures supplémentaires pour la période du 11 au 13 août 2009. Il a aussi demandé une déclaration de l’employeur qu’il avait enfreint la convention collective.

3 Tout au long de la procédure de règlement des griefs et dans sa réponse au dernier palier, datée du 23 juin 2010, le MDN a reconnu qu’il n’avait pas fourni de préavis quant à la modification au quart de travail et que, par conséquent, il n’avait pas respecté les exigences de l’article 30 de la convention collective. Cependant, le MDN a déclaré que puisque la convention collective ne prévoyait aucun redressement pour une infraction aux dispositions en question, le fonctionnaire n’était pas en droit de revendiquer une rémunération des heures supplémentaires. En conséquence, le grief a été accueilli en partie. En effet, l’employeur a accordé la mesure corrective déclaratoire demandée, mais il a refusé la rémunération des heures supplémentaires.

4 Le grief a été renvoyé à l’arbitrage le 1er avril 2010. Il porte sur le redressement approprié lorsqu’il y a infraction à l’exigence de donner un préavis de 48 heures avant de modifier un quart de travail, tel qu’il est énoncé à la clause 30d) de l’appendice « K » de la convention collective, qui se lit comme suit :

d)       Les heures de travail des officiers qui travaillent habituellement cinq (5) jours consécutifs par semaine sur un navire sans quart sont consécutives, à l’exclusion des pauses repas,

          et

          l’horaire de travail quotidien normal doit se situer entre 6 h 00 et 18 h 00,

          et

il faut donner aux officiers un préavis de quarante‑huit (48) heures de tout changement à l’horaire prévu.

II. Résumé de la preuve

5 Les parties ont présenté un exposé conjoint des faits auquel deux annexes sont jointes (pièce G-1). Le fonctionnaire a témoigné en son propre nom. Archibald McAllister, surintendant national des navires auxiliaires, ministère de la Défense nationale (MDN), a témoigné pour l’employeur. En plus de l’exposé conjoint des faits et de ses deux annexes, quatre autres documents ont été soumis comme preuve.

6 L’exposé conjoint des faits énonce ce qui suit :

[Traduction]

  1. La Guilde est l’agent négociateur des officiers de navire qui travaillent pour le gouvernement fédéral, dont l’unité comprend les officiers affectés aux navires auxiliaires exploités par le ministère de la Défense nationale.
  2. Josh Horner est un officier appartenant à l’unité de négociation. À tout moment pertinent au présent grief, il travaillait régulièrement à titre de responsable du remorqueur portuaire de la classe Ville, le Listerville. Le Listerville est un navire sans quart.
  3. Les heures de travail de M. Horner sont établies conformément à l’appendice « K » de la convention collective applicable à cette unité de négociation (annexe A). Ses heures normales de travail sont du lundi au vendredi, de 7 h 30 à 15 h 30, 40 heures par semaine.
  4. Le 11 août 2009, M. Horner a travaillé pendant son quart de travail normal de 7 h 30 à 15 h 30, en plus de deux heures de travail supplémentaires.
  5. Durant la matinée du 11 août 2009, M. Horner a été informé par Jim Costen, le surintendant adjoint aux opérations, qu’il devait rejoindre le Glenbrook, un remorqueur de la classe Glen, pour se rendre le soir à Shelburne, en Nouvelle-Écosse; le départ était à 20 h.
  6. Le Glenbrook est un navire sans quart. Lorsque le Glenbrook est amarré, l’effectif normal d’officiers à la passerelle est de deux (2) officiers, soit un responsable et un officier de pont. En mer, le Glenbrook exige la présence d’un responsable et de deux officiers de pont, ce pour quoi il a fallu ajouter M. Horner à l’équipage.
  7. Le voyage consistait à naviguer jusqu’à Shelburne et à remorquer le Summerside, un navire de défense côtière de la classe Kingston, de la cale sèche à Halifax.
  8. Les officiers réguliers et l’équipage du Glenbrook ont reçu un préavis d’au moins 48 heures concernant leur voyage à Shelburne.
  9. M. Horner n’a pas reçu de préavis de 48 heures concernant cette modification de l’attribution des tâches, ce qui contrevient à la clause 30d) de l’appendice « K », qui énonce ce qui suit :

    (d) Les heures de travail des officiers qui travaillent habituellement cinq (5) jours consécutifs par semaine sur un navire sans quart sont consécutives, à l’exclusion des pauses-repas,

    et

    l’horaire de travail quotidien normal doit se situer entre 6 h 00 et 18 h 00,

                                    et   

    il faut donner aux officiers un préavis de quarante‑huit (48) heures de tout changement à l’horaire prévu.

  10. L’affectation de M. Horner sur le Glenbrook a duré de 20 h, le 11 août 2009, à 12 h, le 13 août 2009, heure de retour du Glenbrook à Halifax. Pendant cette période, M. Horner a effectué des quarts en mer : quatre (4) heures de travail et huit (8) heures de temps libre. Une copie du journal de bord se rapportant aux jours applicables figure en annexe B.
  11. Supprimé
  12. L’employeur a rejeté la demande et, le 4 novembre 2009, un grief a été déposé au nom de M. Horner (annexe C).

7 Le fonctionnaire a déclaré qu’au moment des événements en question il était le responsable du Listerville, un petit remorqueur exploité dans les limites du port de Halifax. Le 11 août 2009, vers 10 h, le fonctionnaire a été informé qu’il devait se présenter à 20 h au Glenbrook, un navire-remorqueur, pour une mission de deux jours où il devrait naviguer jusqu’à Shelburne afin de remorquer un navire qui était en cale sèche et le retourner à Halifax. Le fonctionnaire a expliqué qu’il devait être à bord du Glenbrook en tant qu’officier de pont de quart de navire afin d’aider à la navigation quand le capitaine n’était pas de quart.

8 Le fonctionnaire a déclaré que, le 11 août 2009, il a travaillé son quart de travail habituel à bord du Listerville, soit de 7 h 30 à 15 h 30. Immédiatement après son quart de travail habituel, il a travaillé deux heures supplémentaires à bord d’un autre navire pour fournir de l’assistance dans le cadre d’une expérience. Il s’est présenté à bord du Glenbrook environ 15 minutes avant l’heure à laquelle le navire devait quitter le port, soit 20 h. Selon les renseignements figurant dans le journal de bord, lequel figure à l’annexe B de l’énoncé conjoint des faits, le Glenbrook a quitté le port à 19 h 55.

9 Le fonctionnaire a effectué des quarts en mer à bord du Glenbrook. En général, pendant les heures de travail sans quart, le fonctionnaire avait du temps libre et pouvait prendre ses repas ou dormir. Toutefois, il a expliqué qu’il était parfois amené à travailler pendant les heures de travail sans quart pour aider les autres membres de l’équipage, au besoin.

10 Bien qu’il se soit présenté au travail juste avant 20 h, le 11 août 2009, son premier quart n’a commencé que le 12 août 2009, de 4 h à 8 h, et son deuxième quart a eu lieu de 18 h à minuit le même jour. Il a expliqué que les quarts étaient habituellement constitués de quatre heures de travail et de huit heures de temps libre; toutefois, pour ce quart en particulier, le nombre d’heures a été augmenté à six heures de travail, afin de préparer le remorquage du navire militaire. Le 13 août, le fonctionnaire a repris son quart de 4 h à 8 h. Le Glenbrook est arrivé au port de Halifax peu après la fin de son quart. Le fonctionnaire a déclaré qu’il ne se rappelait pas s’il avait fourni de l’assistance à leur arrivée au port, mais qu’il était disponible pour travailler. Une fois le navire amarré à 10 h, il est resté à bord pour le transport par chaland qui s’est terminé à 12 h; il est ensuite retourné chez lui.

11 Le fonctionnaire a présenté une demande d’heures supplémentaires (pièce G-2) pour les deux heures de travail supplémentaires qu’il avait travaillées le 11 août 2009 avant de se présenter à bord du Glenbrook et pour toutes les heures passées à bord du Glenbrook en dehors de son quart de travail habituel, y compris les heures de travail où il n’effectuait pas de quart. Il a expliqué que, même si les heures sans quart étaient des heures de temps libre, il ne pouvait pas quitter le navire, et il était tenu d’avoir la volonté et la capacité de travailler au besoin, même pendant ses heures de temps libre. Le fonctionnaire estime que cela constituait du temps mobilisé, puisqu’il était à son poste et ne pouvait pas retourner chez lui. Cependant, il a reconnu que les officiers n’étaient habituellement pas rémunérés en heures supplémentaires pour les heures passées sur un navire avec quart alors qu’ils ne travaillaient pas de quart à bord de ce navire.

12 Le fonctionnaire a fondé sa demande d’heures supplémentaires sur une demande qu’il avait présentée en 2008, alors qu’il avait été rémunéré pour toutes les heures supplémentaires qu’il avait travaillées en dehors de son horaire habituel. On lui avait alors confié, comme c’est le cas ici, la mission d’effectuer presque le même voyage, et ce, sans préavis de 48 heures. Il a déclaré qu’en 2008, Mme McMillan, la commis à l’administration, lui avait demandé de soumettre sa demande pour toutes les heures travaillées en dehors de son quart de travail habituel. Compte tenu de cette expérience, il a eu recours à la même procédure pour soumettre sa demande d’heures supplémentaires relativement au voyage en l’espèce. Toutefois, sa demande lui a été retournée, accompagnée d’un feuillet autoadhésif sur lequel il était mentionné que la demande ne s’inscrivait pas dans le cadre de l’interprétation approuvée des heures supplémentaires (pièce G-3). Le fonctionnaire a déclaré qu’il croyait qu’un autre officier avait été rémunéré pour les heures supplémentaires faisant l’objet de la demande lorsqu’il avait effectué exactement un voyage identique plus tôt en 2009, également sans préavis.

13 Selon M. McAllister, il y avait une certaine urgence à effectuer le voyage à bord du Glenbrook pour retirer le navire militaire en cale sèche. Il a expliqué que, dès la fin des travaux de réparation du navire, le chantier naval à Shelburne cessait d’en être responsable. Le navire militaire n’était plus assuré, il fallait donc le rapporter et l’amarrer rapidement. Ils ont eu un préavis d’environ 48 heures pour aller chercher le navire. Par conséquent, la plupart des officiers ont reçu, tel qu’il est requis, le préavis de 48 heures du changement de leur horaire de quart. Malheureusement, le fonctionnaire ne l’a pas reçu.

14 M. McAllister a expliqué qu’il n’autorisait ni ne traitait le paiement des heures supplémentaires. Les commis à l’administration, comme Mme McMillan, ont le pouvoir d’approuver le paiement des heures supplémentaires. Toutefois, il a expliqué que les commis à l’administration ne s’occupaient que du traitement des heures supplémentaires, pas de l’approbation des heures supplémentaires effectuées. Le capitaine approuve les heures supplémentaires effectuées, et les commis approuvent la façon dont est présentée la demande. M. McAllister signe ensuite les feuilles de contrôle, ce qui donne aux commis à l’administration le pouvoir final de payer les heures supplémentaires. Lorsqu’il examine les feuilles de contrôle, le commis n’a pas accès aux demandes d’heures supplémentaires telles qu’elles ont été présentées, il ne voit que le montant intégral demandé. Si le montant lui semble anormalement élevé, il demande à voir les demandes.

15 M. McAllister a témoigné qu’il n’avait pas pris part à la décision de refuser les heures supplémentaires du fonctionnaire et qu’il ne croyait pas avoir été consulté à ce sujet. Il a déclaré que, s’il avait été consulté, il aurait remarqué que le fonctionnaire aurait dû être rémunéré pour les deux heures supplémentaires travaillées immédiatement après son quart de travail habituel, le 11 août 2009. Il a affirmé que les employés ont le droit d’être rémunérés pour les heures supplémentaires travaillées, même lorsqu’ils effectuent des quarts. Il a souligné que, dans certaines circonstances, les employés travaillant à bord d’un navire avec quart pouvaient être amenés à travailler en dehors des heures de leur quart, par exemple lorsqu’ils entrent au port ou qu’ils amarrent un navire.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour le fonctionnaire s’estimant lésé

16 Le syndicat a indiqué que la seule question en litige dans ce grief était celle consistant à déterminer le redressement approprié lorsqu’il y a une infraction reconnue à la convention collective. Le fonctionnaire n’a pas reçu de préavis de 48 heures de la modification à son horaire normal de travail, tel qu’il est exigé par la convention collective. L’exigence de donner ce préavis est absolue.

17 Le syndicat a soutenu que, malgré le fait que certaines conventions collectives comprennent une clause punitive permettant de modifier les heures de travail d’un employé à court préavis avec paiement d’une pénalité, la clause 30d) de l’appendice « K » de la convention collective ne comprend pas une telle clause. En l’absence de pénalité, la clause doit être interprétée comme établissant une exigence obligatoire de donner un préavis de 48 heures d’une modification des heures de travail normales.

18 Le syndicat a fait valoir que, à la simple lecture de l’expression [traduction] « il faut » et en l’absence de libellé indiquant le contraire, la clause en question doit être interprétée comme étant obligatoire. Si la clause 30d) de l’appendice « K » de la convention collective n’était pas interprétée comme étant obligatoire, l’expression [traduction] « il faut » serait minée. Les parties sont d’accord que le libellé de la convention collective est clair et sans équivoque. Par conséquent, il doit être interprété comme étant obligatoire, et non à titre indicatif. Le syndicatm’a renvoyé à Foothills Hospital v. U.N.A., Local 115 (1993), 33 C.L.A.S. 631, et International Chemical Workers, Local 721 v. Brockville Chemical Industries Ltd. (1972), 24 L.A.C. 423.

19 Les heures de travail du fonctionnaire, tel qu’il est établi en vertu de la clause 30d) de l’appendice « K » de la convention collective, étaient de 7 h 30 à 15 h 30, du lundi au vendredi (Pièce G-1). L’employeur ne pouvait pas prétendre que les heures de travail normales n’existaient pas afin de pouvoir les changer à son gré. Le fonctionnaire avait le droit de se prévaloir du fait que ses heures normales de travail étaient établies. CitantUnited Glass and Ceramic Workers, Local 248 v. Canadian Pittsburgh Industries Ltd. (1972), 24 L.A.C. 402, et Rodd Grand Hotel v. Hotel and Restaurant Employees and Bartenders’ International Union, Local 662 (1997), 48 C.L.A.S. 150, le syndicat a soutenu que les employés étaient en droit de dépendre des horaires établis par leurs employeurs, ce qui leur permettait d’organiser leur vie. Priver un employé de son droit de travailler selon un horaire de travail régulier exigerait de recourir à un libellé explicite dans la convention collective.

20 Le syndicat a fait valoir que comme les heures normales de travail du fonctionnaire ne peuvent être modifiées sans un préavis de 48 heures, elles doivent être réputées rester en vigueur pendant 48 heures, afin de respecter l’exigence en matière de préavis. Toutes les autres heures travaillées par le fonctionnaire entre le 11 et le 13 août 2009 devaient être des heures supplémentaires, puisqu’il s’agissait d’heures travaillées en sus de ses heures de travail habituelles. La clause 30.06 de la convention collective définit les heures supplémentaires comme étant les « […] heures faites par un officier en sus de ses heures de travail normales […] »

21 Dans Canada (Procureur général) c. McKindsey, 2008 CF 73, qui a infirmé Maessen et McKindsey c. Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale), 2006 CRTFP 95, la Cour fédérale a statué que, en l’absence d’une clause punitive, aucun redressement financier ne pouvait être ordonné dans des circonstances similaires ou qui comprennent des clauses similaires de conventions collectives. Par ailleurs, le syndicat a soutenu que la décision ne s’appliquait pas aux faits du cas en l’espèce. Dans McKindsey, la convention collective, les parties et les circonstances de fait étaient différentes. Selon le syndicat, les différences entre les conventions collectives reflétaient des choix délibérés faits durant la négociation, ce qui modifie le contexte du grief. Par exemple, le syndicat a souligné qu’aucune clause punitive n’avait été négociée relativement à la convention collective en l’espèce parce qu’on voulait que les dispositions soient interprétées comme étant obligatoires, ce qui est nettement différent de McKindsey.

22 Le syndicat a spécifié que, contrairement au cas présent, McKindsey n’avait pas abordé explicitement l’argument selon lequel il est obligatoire de donner un préavis de 48 heures lorsqu’il y a une modification au quart et que les heures normales de travail demeurent inchangées. Comme l’arbitre de grief dans McKindsey a constaté que le quart de travail avait été modifié, il a conclu que les heures supplémentaires n’étaient pas payables dans de telles circonstances. Au lieu de cela, il a ordonné un redressement financier comme pénalité pour l’infraction à la convention collective. Lors du contrôle judiciaire, la Cour fédérale a convenu que les heures supplémentaires n’étaient pas payables, mais a également conclu qu’en s’appuyant sur le libellé de la convention collective en question il n’y avait aucun redressement financier approprié. La Cour fédérale a également mentionné que d’autres dispositions de cette convention collective portant sur les exigences en matière de préavis de modifications de quart de travail comprenaient des clauses punitives, mais que la disposition en question n’en comprenait pas.

23 Citant Machining Plant Waltec Components, a division of EMCO Ltd. v. United Steelworkers of America, Local 9143, [1998] O.L.A.A. No.7 (QL), le syndicat a soutenu qu’il n’existait pas de droit sans redressement et que la convention collective devrait être interprétée de manière à permettre un redressement. En l’espèce, les dispositions de la convention collective relativement aux heures supplémentaires pouvaient être interprétées d’une manière compatible avec les droits du fonctionnaire en vertu de la convention collective, ce qui permettrait d’offrir un redressement.

24 Selon le syndicat, toutes les heures que le fonctionnaire a passées à bord du Glenbrook en dehors de ses heures de travail normales doivent être considérées et rémunérées comme étant des heures supplémentaires, puisqu’il s’agissait de la directive que le fonctionnaire avait reçue en 2008 de Mme McMillan, qui était chargée d’autoriser les heures supplémentaires. Subsidiairement, le syndicat a fait valoir que le fonctionnaire devrait être rémunéré pour toutes les heures de quart qu’il a travaillées en dehors de ses heures normales de travail.

B. Pour l’employeur

25 L’employeur a déclaré que la question à trancher consistait à déterminer si le fonctionnaire était en droit d’être rémunéré pour les heures supplémentaires qu’il avait travaillées en dehors de son horaire de travail modifié, bien que les heures supplémentaires demandées ne soient pas nécessairement des heures où le fonctionnaire travaillait, et ce, simplement parce qu’il n’a pas reçu le préavis requis. Le fardeau de la preuve incombe au syndicat, qui doit démontrer que les conséquences vont au-delà de la déclaration d’une contravention des exigences en matière de préavis établies dans la convention collective.

26 La clause 30d) de l’appendice « K » de la convention collective ne prévoit aucune conséquence pour avoir manqué à l’obligation de donner le préavis requis de 48 heures lors d’un changement de quart de travail. Les parties sont extrêmement subtiles. Si elles le voulaient, elles auraient inclus une pénalité dans la clause. Mais elles ne l’ont pas fait. Le fait de conclure que des conséquences découlent de l’omission de donner un préavis en vertu de la clause 30d) aurait pour effet de modifier la convention collective, ce qu’un arbitre de grief ne peut pas faire.

27 L’employeur a soutenu que les clauses de la convention collective portant sur les heures supplémentaires ne s’appliquent pas aux circonstances du cas en l’espèce. La clause 30.06 définit les heures supplémentaires comme étant des « […] heures faites par un officier en sus de ses heures de travail normales […] ». Il y a une différence entre les expressions « en sus de » et « en dehors de ». Le fonctionnaire a travaillé « en dehors de » ses heures de travail normales, et non « en sus de » celles-ci. Selon la clause 30.01, les officiers travaillent huit heures par jour; la clause 2.01f) définit un « jour » comme étant la période de 24 heures débutant à 0 h. La définition de l’expression « en sus de » est [traduction] « au-delà », selon le Merriam-Webster’s Collegiate Dictionary(10e éd.). Dans la définition des heures supplémentaires, il n’est pas question des [traduction] « heures de travail normalement prévues à l’horaire », mais simplement des [traduction] « heures de travail normales ». Le fonctionnaire n’a pas travaillé en sus de ses heures de travail normales, puisque celles-ci correspondaient aux heures du nouveau quart de travail qui lui a été assigné. En outre, le fonctionnaire n’a pas reçu l’ordre d’accepter le nouveau quart de travail. Il a accepté de travailler les nouvelles heures de travail de façon volontaire.

28 L’employeur a soutenu que McKindsey traitait d’une question identique, et a souligné que, même si la partie de la décision d’arbitrage qui portait sur le redressement a été annulée, les conclusions de l’arbitre de grief concernant l’interprétation et l’application, dans les mêmes circonstances, d’une disposition sur les heures supplémentaires semblables demeurent applicables. Plus particulièrement, l’arbitre de grief a déclaré que l’expression « en sus de », dans la définition des heures supplémentaires, devait avoir un sens. Un employé ne peut pas être rémunéré pour des heures supplémentaires qu’il n’a pas travaillées; la rémunération des heures supplémentaires ne s’applique que si l’employé a travaillé « en sus de » huit heures.

29 Dans McKindsey, l’arbitre de grief a conclu qu’en raison des changements à son horaire normal de travail, la situation du fonctionnaire s’estimant lésé ne correspondait pas à la définition d’heures supplémentaires. Il a toutefois ordonné un redressement financier comme pénalité pour la contravention à la disposition sur le préavis de la convention collective. La Cour fédérale a annulé ce redressement au motif que la convention collective ne prévoyait pas un tel redressement et que l’arbitre de grief n’avait pas compétence pour accorder des dommages compensatoires, puisqu’aucune preuve de perte financière n’avait été présentée. L’employeur a fait valoir que la décision de la Cour fédérale liait les arbitres de grief ultérieurs de la Commission des relations de travail dans la fonction publique, contrairement aux cas cités par le fonctionnaire, qui ne sont pas exécutoires.

30 L’employeur a soutenu que la demande de compensation financière du fonctionnaire devait être rejetée. Il a déclaré que, dans les circonstances, et en s’appuyant sur le libellé de la convention collective, le délai de préavis exigé en vertu de la clause 30d) de l’appendice « K » ne signifiait pas grand-chose étant donné que la clause elle‑même ne précisait pas les conséquences d’un manquement à cette exigence.

C. Réfutation

31 Le syndicat a fait remarquer que les arguments invoqués dans McKindsey étaient différents ceux invoqués en l’espèce. Dans McKindsey, il n’y avait aucun doute que l’employeur ne pouvait pas changer les quarts de travail des employés sans préavis de 48 heures, alors qu’en l’espèce le syndicat a affirmé que l’exigence en matière de préavis était obligatoire et que, par conséquent, les quarts de travail ne pouvaient être modifiés sans préavis. En outre, le libellé de la convention collective dont il était question dans McKindsey était différent de celui-ci, y compris l’utilisation du mot « normales » dans la définition des heures supplémentaires à la clause 30.06.

32 En dépit de l’argument de l’employeur selon lequel l’ordonnance d’un redressement financier pour une contravention à la convention collective équivaudrait à modifier la convention collective, dans les faits, une telle ordonnance ne ferait que mettre à effet la clause sur les heures supplémentaires et irait dans le sens d’une conclusion selon laquelle le quart de travail ne change qu’à la fin de la période de préavis. Le syndicat a soutenu que la disposition concernant un redressement en particulier associé à la disposition sur le préavis aurait diminué l’impact de la clause parce qu’elle aurait permis un changement de quart de travail sans préavis de 48 heures.

33 Même si l’employeur a fait valoir que le fonctionnaire s’était porté volontaire pour travailler le nouveau quart de travail, il n’y a aucune preuve voulant qu’il ait fait quoi que ce soit de plus qu’accepter le quart de travail. Le paragraphe 5 de l’exposé conjoint des faits (Pièce G-1) précise que le fonctionnaire [traduction] « devait » rejoindre le Glenbrook, ce qui est tout à fait différent de [traduction] « se porter volontaire ».

IV. Motifs

34 Le fonctionnaire a déposé un grief le 13 novembre 2009 alléguant que l’employeur avait violé la clause 30d) de l’appendice « K » de la convention collective en [traduction] « […]omettant de fournir un préavis adéquat d’une modification de l’horaire de travail du fonctionnaire, comme l’exige la convention collective […] » Comme mesure corrective, dans son grief, il a demandé à ce qu’il soit [traduction] « […]indemnisé conformément à sa demande d’heures supplémentaires travaillées du 11 au 13 août 2009. En outre, la Guilde exige une déclaration selon laquelle l’employeur a contrevenu à la convention collective. »

35 Dans sa réponse au dernier palier de la procédure de règlement des griefs ainsi qu’à l’audience, l’employeur a reconnu qu’il n’avait pas respecté les exigences de la clause 30d) de l’appendice « K » de la convention collective en omettant de fournir un préavis de 48 heures. Toutefois, il a rejeté la demande de compensation financière au motif que le fonctionnaire n’avait effectué aucune heure supplémentaire au cours de la période en question et que la convention collective ne prévoyait aucun redressement pour une violation de la clause 30d) de l’appendice « K ».

36 À l’audience, l’employeur a étayé sa position en citant McKindsey, où il était question du même employeur, du même milieu de travail et de faits semblables, même s’il s’agissait d’une unité de négociation et d’une convention collective différentes. L’arbitre de grief dans McKindsey a conclu que, dans des circonstances semblables, les heures supplémentaires n’étaient pas rémunérées parce que les fonctionnaires n’avaient pas travaillé en sus de leurs heures normales de travail quotidiennes ou hebdomadaires. Cependant, l’arbitre de grief a ordonné un redressement financier comme pénalité pour la contravention à la convention collective au motif qu’il n’existe pas de droit sans redressement. Lors du contrôle judiciaire, la Cour fédérale a statué que l’arbitre de grief avait commis une erreur en accordant un redressement financier pour la contravention à la convention collective étant donné que celle-ci ne prévoyait pas un tel redressement, qu’un redressement financier n’avait pas été demandé dans le grief et que le fonctionnaire n’avait fourni aucune preuve de perte financière.

37 L’employeur a fait valoir que j’étais liée à la décision de la Cour fédérale dans McKindsey. Toutefois, le syndicat a soutenu que McKindsey se distinguait du cas en l’espèce en raison des différences relativement aux parties concernées, à la convention collective et aux arguments, ainsi qu’à quelques différences concernant les faits. Par conséquent, je ne suis pas liée à la décision de la Cour fédérale.

38 En règle générale, je conviens que les décisions d’arbitrage antérieures dont les faits et le libellé de la convention collective sont semblables devraient avoir un caractère persuasif. L’uniformité et la constance dans le cadre du processus décisionnel contribueront de toute évidence à appuyer les parties dans leur relation de négociation collective. Néanmoins, je suis d’accord avec l’arbitre de grief dans Breau et al. c. Conseil du Trésor (Justice Canada), 2003 CRTFP 65, au paragr. 13, lorsqu’il a déclaré ce qui suit :

[13] […] On reconnaît généralement que nier l'influence des décisions antérieures rendues dans des circonstances factuelles similaires et réclamer une interprétation de dispositions identiques ou très voisines de conventions collectives entre les mêmes parties saperait complètement des valeurs universellement reconnues comme essentielles pour tout système rationnel de règlement des différends par un tiers, à savoir la certitude, l'uniformité, la stabilité et la prévisibilité. D'un autre côté, ni la justice, ni l'équité ne doivent être sacrifiées à ces valeurs, puisque, dans notre régime de négociation collective, si l'on ne conteste pas leur compétence, l'arbitre de différends ou l'arbitre de griefs sont tenus par la loi d'arbitrer au fond les affaires dont ils sont saisis. Le fait est d'ailleurs qu'agir autrement en retenant aveuglément les motifs d'une décision rendue dans une affaire antérieure pourrait raisonnablement être considéré comme un déclinatoire de compétence indu.

Je suis également d’accord avec sa conclusion que la décision d’un tribunal lors d’un contrôle judiciaire, qui confirme ou annule une décision d’arbitrage sur la base d’une décision déraisonnable, n’est pas nécessairement exécutoire pour les futures décisions d’arbitrage. Je ne vois pas pourquoi son raisonnement ne s’appliquerait pas aussi aux décisions de contrôle judiciaire dans lesquelles le critère d’examen est le caractère raisonnable d’une décision. L’arbitre de grief a longuement cité le paragraphe 16 de Essex County Roman Catholic School Board v. Ontario English Catholic Teachers' Association (2001), 56 O.R. (3d) 85, et je crois que ce passage mérite d’être répété ici :

[…]

[Traduction]

Lors des procédures de contrôle judiciaire, il y a une différence fondamentale entre le critère de la décision correcte et celui de la nature manifestement déraisonnable d'une décision. Lorsqu'une décision d'un arbitre de différends (ou d'un tribunal administratif) est examinée conformément au critère de la décision correcte, la décision du tribunal lors du contrôle judiciaire déterminera l'interprétation « correcte », autrement dit la seule valable. La décision du tribunal implique le règlement de tous les conflits entre les décisions antérieures des arbitres et met en place un précédent exécutoire que tous les arbitres devront respecter à l'avenir.

Lorsqu’une décision d'un arbitre de différend est examinée selon le critère de la décision manifestement déraisonnable, l'effet de la décision du tribunal est tout à fait différent. Le tribunal chargé du contrôle judiciaire ne fait que déterminer si la décision contestée est manifestement déraisonnable. Pour trancher cette question, le tribunal ne décide pas si la décision contestée était la seule possible ou la meilleure possible : voir Fraternité unie des charpentiers et menuisiers d'Amérique, section locale 579 c. Bradco Construction Ltd., [1993] 2 R.C.S. 316, à la page 341, 102 D.L.R. (4e) 402 (le juge Sopinka) […]

[…]

39 D’autres raisons me permettent de croire que je ne dois pas simplement me laisser guider par McKindsey sans effectuer une analyse plus approfondie. McKindsey a été tranchée en vertu de l’ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (l’ancienne LRTFP). Ceci a des implications évidentes sur le pouvoir de l’arbitre de grief en matière de redressement, étant donné que le libellé du paragraphe 228(2) de la nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la nouvelle LRTFP), qui donne le pouvoir à un arbitre de grief de rendre une ordonnance comme il ou elle le juge approprié, diffère du libellé utilisé dans l’ancienne LRTFP. En vertu de l’ancienne LRTFP, au paragraphe 96.1, les arbitres de grief sont dotés de tous les pouvoirs énumérés de la Commission, mais il n’y avait aucun équivalent au vaste pouvoir de redressement accordé conformément au paragraphe 228(2) de la nouvelle LRTFP. Tel qu’il a été soutenu dans Amos c. Administrateur général (ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux), 2008 CRTFP 74 (décision infirmée dans 2009 CF 1181, accueillie dans 2011 CAF 38), le paragraphe 228(2) est considéré comme étant plus large que la disposition antérieure, puisqu’il ne s’agit pas d’une simple liste de pouvoirs énumérés. Il me semble que cela a des implications évidentes sur le cas en l’espèce, où il est fondamentalement question de redressement.

40 En outre, bien que l’employeur dans le cas présent soit le même que dans McKindsey, le syndicat et la convention collective sont différents. En l’espèce, le syndicat a soutenu que les différences entre les conventions collectives sont importantes. Plus particulièrement, la convention collective en l’espèce ne comprend aucune clause punitive explicite, contrairement à celle dont il est question dans McKindsey. Ceci est important parce que l’un des facteurs qui a influencé la Cour fédérale lors de l’examen de McKindsey était le fait que la convention collective comprenait trois clauses qui précisaient les pénalités imposées lorsque les heures de travail étaient modifiées sans le préavis requis, tandis que la convention collective en l’espèce ne contient pas de telles clauses. La Cour a conclu que, si l’arbitre de grief « […] avait examiné ces clauses, son interprétation de la convention collective et sa capacité d’accorder une réparation pécuniaire en vertu l’alinéa 1d) auraient pu être différentes […] » (paragraphe 37).

41 À mon avis, la question soulevée ici est différente de celle posée dans McKindsey. La question du caractère obligatoire de l’exigence de donner un préavis lors de la modification des heures de travail d’un employé n’est pas abordée dans McKindsey. En fait, l’arbitre de grief a remarqué avec intérêt que cet argument n’avait pas été invoqué. La différence est importante. Dans McKindsey, les parties ont accepté la modification à l’horaire de travail normal des fonctionnaires s’estimant lésés. La question du droit des fonctionnaires s’estimant lésés à des heures supplémentaires a été soulevée dans le contexte du nouvel horaire de travail et a abouti à la conclusion que les fonctionnaires s’estimant lésés n’avaient pas travaillé en sus de leurs heures normales de travail et, par conséquent, n’avaient pas droit à une rémunération des heures supplémentaires. Le reste de la décision portait sur les tentatives de l’arbitre de grief de trouver une mesure corrective à une contravention reconnue à la convention collective et sur sa détermination à imposer un redressement financier comme pénalité à la contravention. Ce dernier point faisait l’objet de la décision de contrôle judiciaire.

42 Dans le cas en l’espèce, le syndicat a soutenu avec vigueur que la clause 30d) de l’appendice « K » de la convention collective, qui exige que l’employeur donne un préavis de 48 heures de toute modification à l’horaire de travail d’un employé, est obligatoire. Je suis d’accord. À mon avis, la convention collective doit être interprétée de manière à mettre à effet l’intention exprimée par les parties, tel qu’il est indiqué par le libellé utilisé. Les parties de cette convention collective ont convenu qu’« il faut donner aux officiers un préavis de quarante‑huit (48) heures de tout changement à l’horaire prévu ». Rien dans le libellé de la clause ne laisse à penser que « il faut » a un sens autre que celui d’obligatoire. Par exemple, le terme [traduction] « normalement » n’y est pas ajouté, comme c’est le cas dans la clause 30b) de l’appendice « K ».

43 L’employeur, sans aborder précisément l’argument voulant que la clause soit obligatoire, a affirmé qu’aucune conséquence ne découlerait d’un manquement à la clause étant donné qu’elle ne prévoyait aucune pénalité. L’employeur a fait remarquer que les parties étaient extrêmement subtiles et que, si elles voulaient imposer une pénalité pour un manquement à la disposition en question, elles en auraient négocié une. Le syndicat a répliqué en soulignant l’inclusion d’une pénalité dans la clause aurait pour effet de la rendre non obligatoire; il serait donc possible de modifier les heures de travail sur préavis de moins de 48 heures, tant que la pénalité était payée. Le syndicat a soutenu qu’une décision de négociation a été prise délibérément pour refléter l’importance accordée aux heures normales de travail.

44 Tel que je l’ai mentionné, je crois qu’il est de mon devoir d’interpréter la convention collective d’une manière qui va dans le sens des intentions des parties telles qu’elles sont exprimées dans le libellé qu’elles ont utilisé. À mon avis, je dois trouver l’interprétation qui fait le plus honneur à l’accord négocié. Je crois que la clause 30d) de l’appendice « K » de la convention collective est obligatoire. Le libellé utilisé est assez clair, et je ne pense pas que l’absence d’une clause punitive rende la disposition non obligatoire. Toutefois, cela m’amène à penser que le meilleur moyen de décider d’un redressement pour le manquement à la disposition est d’appliquer la disposition à la lettre. Si un préavis de 48 heures est requis avant tout changement à un quart de travail, il me semble que les heures de travail d’un employé ne changent que dans le cas où l’exigence en matière de préavis est respectée. C’est la seule conclusion qui met à effet le libellé actuel de la convention collective.

45 L’employeur a reconnu qu’il avait contrevenu à la convention collective lorsqu’il a exigé du fonctionnaire qu’il rejoigne le Glenbrook en dehors de ses heures normales de travail et qu’il effectue des quarts sans le préavis requis de 48 heures. Cependant, l’employeur a vigoureusement soutenu que les clauses concernant les heures supplémentaires ne s’appliquaient pas étant donné que le fonctionnaire n’avait pas travaillé plus de 8 heures par période de 24 heures, ce qui représente ses heures normales de travail. Cet argument serait valide seulement si l’horaire de travail du fonctionnaire avait été immédiatement remplacé par le nouvel horaire. Toutefois, si les heures normales de travail du fonctionnaire ne pouvaient être modifiées avant qu’il ait reçu le préavis requis de 48 heures, on doit alors considérer que le fonctionnaire gardait ses heures de travail habituelles et que toutes les heures travaillées en sus de ces heures seraient des heures supplémentaires. Cette conclusion va dans le sens du libellé de la convention collective. Je dois également signaler que, même si le fonctionnaire a accepté le changement de ses heures de travail, je ne crois pas que cela diminue de quelque manière l’obligation de l’employeur de donner un préavis de 48 heures.

46 Je ne crois pas que j’impose une pénalité non prévue par la convention collective si je considère que le fonctionnaire a maintenu son horaire normal de travail jusqu’à la fin de la période de préavis et que toutes les heures travaillées en dehors de cet horaire étaient des heures supplémentaires. Je remédie à la violation de la convention collective en plaçant le fonctionnaire dans la position où il se serait trouvé si la contravention n’avait pas eu lieu, et ce, du mieux que je peux. Selon moi, ce n’est pas différent des redressements pour les heures de travail considérées comme étant des heures supplémentaires que les arbitres de grief ordonnent fréquemment pour compenser les possibilités d’heures supplémentaires manquées. Tel qu’il est indiqué au paragraphe 10 de Fanshawe College v. O.P.S.E.U., Local 110 (1994), 39 L.A.C. (4e) 129, à 132 :

[Traduction]

Lorsqu’on prévoit accorder des dommages-intérêts, la question à trancher n’est pas de savoir si la convention collective exige précisément un paiement de la nature souhaitée, mais de savoir si la contravention à la convention collective a causé un préjudice au plaignant qui devrait être compensé par le paiement d’un quelque montant.

Par ailleurs, je crois que cela s’inscrit parfaitement dans le cadre de mon pouvoir de redressement, tel qu’il est établi au paragraphe 228(2) de la nouvelle LRTFP.

47 Le fonctionnaire a soumis une demande d’heures supplémentaires pour toutes les heures qu’il a travaillées en dehors de ses heures normales de travail entre le 11 et le 13 août 2009. Le syndicat a soutenu que les heures de travail sans quart ainsi que les heures avec quart devaient être rémunérées étant donné que le fonctionnaire était « captif » à bord du navire et qu’il ne pouvait pas poursuivre sa vie normale. Cependant, dans son témoignage, le fonctionnaire a reconnu que les heures de travail sans quart ne seraient pas considérées comme des heures supplémentaires dans une situation normale d’heures supplémentaires. Le syndicat a également soutenu que la demande du fonctionnaire devrait être payée telle qu’elle a été soumise étant donné que Mme McMillan, la commis à l’administration, lui avait demandé de la soumettre de cette façon. Je ne pense pas qu’un seul exemple du passé puisse devenir pratique courante. Je crois que le témoignage du fonctionnaire selon lequel les heures de travail sans quart ne sont généralement pas rémunérées comme des heures supplémentaires est plus convaincant.

48 Pour toutes ces raisons, je crois que le fonctionnaire devrait être indemnisé au taux applicable de rémunération en heures supplémentaires, et ce, pour toutes les heures qu’il a effectivement travaillées en dehors de son horaire normal de travail. En plus de ces heures, il faudrait ajouter les deux heures supplémentaires qu’il a travaillées le 11 août 2009, avant de monter à bord du Glenbrook, lesquelles n’ont pas été rémunérées mais qui, selon M. McAllister, auraient dû l’être. Le fonctionnaire devrait aussi être payé au taux applicable des heures supplémentaires pour toutes les heures qu’il a effectivement travaillées pendant l’arrimage du navire militaire Summerside et lors de son retour au port de Halifax s’il est retourné à son poste pendant les heures de travail sans quart pour aider les autres membres de l’équipage. Toutefois, compte tenu de la preuve qui m’a été présentée, je ne crois pas que les heures de travail sans quart constituent des heures travaillées en sus des heures de travail normales du fonctionnaire et, par conséquent, je n’ordonnerai pas de rémunération d’heures supplémentaires pour ces heures.

49 Pour tous les motifs qui précèdent, je rends l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

50 Le grief est accueilli dans la mesure où le fonctionnaire est en droit d’être rémunéré au taux applicable des heures supplémentaires pour toutes les heures supplémentaires qu’il a effectivement travaillées en dehors de ses heures de travail normales entre le 11 et le 13 août 2009.

51 Je demeurerai saisie du présent grief pour une période de 90 jours au cas où les parties auraient besoin d’aide pour exécuter cette décision.

Le 19 mars 2012.

Traduction de la CRTFP

Kate Rogers,
arbitre de grief

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