Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé était visé par une situation de réaménagement des effectifs - l’employeur lui a offert un poste pour une durée indéterminée à un niveau inférieur, avec protection salariale, à l’extérieur de sa zone d’affectation - le fonctionnaire s’estimant lésé a accepté l’offre, mais a refusé une réinstallation - le fonctionnaire s’estimant lésé a allégué que cette offre d’emploi n’était pas une <<offre d’emploi raisonnable>> en vertu de la convention collective - l’arbitre de grief a conclu que les vices de procédure allégués par le fonctionnaire s’estimant lésé ne constituaient pas une infraction à la convention collective - l’offre d’emploi était raisonnable. Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail
dans la fonction publique,
L.R.C. (1985), ch. P.-35

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2012-04-19
  • Dossier:  166-02-37736
  • Référence:  2012 CRTFP 49

Devant un arbitre de grief


ENTRE

SYLVESTRE THOMAS

fonctionnaire s'estimant lésé

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences)

employeur

Répertorié
Thomas c. Conseil du Trésor (ministère des Ressources humaines
et du Développement des compétences)

Affaire concernant un grief renvoyé à l’arbitrage en vertu de l’article 92 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P.-35

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Steven B. Katkin, arbitre de grief

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
David Girard, Alliance de la Fonction publique du Canada

Pour l'employeur:
Anne-Marie Duquette, avocate

Affaire entendue à Bathurst, Nouveau–Brunswick,
le 26 juillet 2011.

I. Grief renvoyé à l’arbitrage

1 Le fonctionnaire s’estimant lésé (le « fonctionnaire »), Sylvestre Thomas, a déposé un grief en date du 28 novembre 2003, alléguant que l’employeur a violé l’article 23 (Sécurité d’emploi) et l’appendice « E » (Réaménagement des effectifs) de la convention collective conclue le 19 novembre 2001 pour l’unité de négociation du groupe Services des programmes et de l’administration.

2 Le fonctionnaire a renvoyé le grief à l’arbitrage le 5 mai 2010 avec l’appui de son agent négociateur, l’Alliance de la Fonction publique du Canada (le « syndicat »). La disposition applicable à son grief est l’alinéa 92(1)a) de l’ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (l’ « ancienne Loi »),L.R.C. (1985), ch. P-35, qui prévoit ce qui suit :

92. (1) Après l’avoir porté jusqu’au dernier palier de la procédure applicable sans avoir obtenu satisfaction, un fonctionnaire peut renvoyer à l'arbitrage tout grief portant sur :

a) l’interprétation ou l’application, à son endroit, d’une disposition d’une convention collective ou d’une décision arbitrale […]

[…]

3 Le 1er avril 2005, la nouvelle Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, édictée par l’article 2 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, a été proclamée en vigueur. En vertu de l’article 61 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, ce renvoi à l’arbitrage de grief doit être décidé conformément à l’ancienne Loi.

II. Résumé de la preuve

4 En début d’audience, les parties ont déposé un exposé conjoint des faits qui se lit comme suit :

[…]

  1. Au moment du dépôt de son grief, M. Sylvestre Thomas travaillait à titre d’Agent commis au renseignement du télé-centre du programme de la sécurité du revenu, groupe et niveau CR-05, avec une protection salariale au groupe et niveau PM-01 à la division du Centre des ressources humaines du Canada Développement des ressources humaines du Canada (l’Employeur), à l’établissement situé au 120 Boulevard Harbourview à Bathurst, Nouveau-Brunswick (Poste CR-05 de Bathurst).
  2. Du 1er juin 1998 et jusqu’en novembre 2003, M. Sylvestre Thomas occupait le poste de Préposé à la prestation de services au Centre Ressources Carrière, groupe et niveau PM-01, à la Division du Centre des ressources humaines du Canada, Développement des ressources humaines du Canada, à l’établissement situé au 20 E Boulevard St-Pierre Ouest à Caraquet, Nouveau-Brunswick (Poste PM-01 de Caraquet).
  3. Au printemps 2003, M. Thomas, à l’instar d’autres employés, est avisé que son poste PM-01 de Caraquet serait touché en raison d’une situation de réaménagement des effectifs au sein de Développement des ressources humaines du Canada, dans le district Chaleur-Péninsule.
  4. Du 28 avril au 30 octobre 2003, une entente intervient entre M. Thomas et l’Employeur en vertu de laquelle M. Thomas effectuerait les tâches du Poste PM-01 de Caraquet, 1 jour/ semaine à Caraquet et 4 jours/semaine à Bathurst.
  5. Le 10 novembre 2003, Mme Louise Branch, Chef exécutif régional de la région du Nouveau-Brunswick, avise par écrit M. Thomas que son Poste PM-01 de Caraquet, a été déclaré excédentaire suite à la suppression des fonctions de ce poste le 28 octobre 2003. La lettre avait également pour but de faire une « offre d’emploi raisonnable » à M. Thomas, au Poste CR-05 de Bathurst, à partir du 10 novembre 2003. Une copie de la lettre de Mme Louise Branch est jointe au présent exposé conjoint des faits, comme pièce 1.
  6. Le 24 novembre 2003, M. Thomas signe la lettre d’offre d’emploi de l’Employeur au Poste CR-05 de Bathurst, lettre qui était jointe à la pièce 1. M. Thomas noircit la case « J’accepte cette offre » mais ajoute à la main la mention « contrainte », tel qu’il appert d’une copie de cette lettre, jointe au présent exposé conjoint des faits comme pièce 2.
  7. M. Thomas dépose un grief le 28 novembre 2003 en vertu de l’annexe E de la convention collective. Le grief stipule :

    « Je dépose un grief parce que l’employeur ne m’a pas fait une offre d’emploi raisonnable en conformité avec l’annexe E de ma convention collective (…) »

    « Que l’employeur prenne toutes les mesures nécessaires pour me faire une offre d’emploi raisonnable en conformité dans ma convention collective.
    Que toute pression indue cesse immédiatement »
  8. Le 16 décembre 2003, Madame Christel Pond, Représentante de l’employeur, rejette les griefs de Monsieur Thomas sur la base que l’offre d’emploi était raisonnable compte tenu des circonstances.
  9. Le 5 juillet 2004, Madame Janice Culliton, Chef exécutive régionale associée, rejette les griefs de Monsieur Thomas au second palier.
  10. Le 15 décembre 2004, l’Employeur recommande que le grief soit traité par la procédure du Conseil National Mixte (CNM) directement au deuxième palier. Cette recommandation est acceptée par M. Thomas et l’agent négociateur.
  11. Le 24 mars 2005, l’Employeur offre à M. Thomas une mutation au poste de Représentant de la prestation de services, groupe et niveau CR-05, à Caraquet, avec protection salariale au groupe et niveau PM-01, débutant le 1er avril 2005. Une copie de cette lettre est jointe au présent exposé conjoint sur les faits, comme pièce 3 (Poste Cr-05 de Caraquet).
  12. Suite à l’acceptation de cette offre, Mr. Thomas a accompli les tâches du Poste CR-05 de Caraquet dès le 1er avril 2005.
  13. Le 14 Septembre 2006, suite à une reclassification du poste CR-05 de Caraquet qu’occupait M. Thomas, ce dernier a été nommé au poste d’Agent de services au citoyen, groupe et niveau PM-01 à Caraquet, tel qu’il appert de la lettre de l’Employeur dont copie est jointe au présent exposé conjoint sur les faits, comme pièce 4. À la signature de cet exposé conjoint des faits, M. Thomas occupe toujours ce poste.
  14. Le 28 mai 2007, Daniel Richer, Agent de liaison ministériel, rejette le grief au deuxième palier du CNM.
  15. Le 5 février 2008, J. Murphy, Représentant de l’Employeur, indique que le CNM n’a pas juridiction.
  16. Le 12 décembre 2009, l’Employeur précise qu’étant donné que leur représentant au 2eme palier du CNM et leur représentant au palier final des relations de travail est le même individu, l’Employeur considère que la réponse du 28 mai 2007 est la réponse finale.
  17. Le 5 mai 2010, le grief fait l’objet d’un renvoi à l’arbitrage devant la C.R.T.F.P.

[…]

[Sic pour l’ensemble de la citation]

A. Pour le fonctionnaire

5 Le fonctionnaire a témoigné que, le 31 mars 2003, lui et d’autres fonctionnaires ont été convoqués par la gestion à une réunion qui a eu lieu à Bathurst et qui était présidée par Christel Pond. C’est alors qu’il a appris que son poste, classifié PM-01 et situé à Caraquet, serait touché en raison d’une situation de réaménagement des effectifs (item no 3 de l’énoncé conjoint des faits).

6 Selon son entente avec l’employeur (item no 4 de l’énoncé conjoint des faits), du 28 avril au 30 octobre 2003, alors que le fonctionnaire effectuait les tâches du poste classifié PM-01 à raison d’un jour/semaine à Caraquet et de quatre jours/semaine à Bathurst, l’employeur lui fournissait un véhicule pour voyager de sa résidence, située à Shippagan, à ses lieux de travail. À la fin de la période de l’entente, le fonctionnaire a informé l’employeur qu’il ne souhaitait plus voyager. Le représentant de l’employeur, Monsieur Brideau, a alors avisé le fonctionnaire que ce dernier n’avait pas d’autre choix que de travailler à Tracadie, ce qu’il a fait du 1er au 21 novembre 2003.

7 La lettre datée du 7 novembre 2003 (pièce S-2-1), adressée au fonctionnaire et signée par Louise Branch, avisait le fonctionnaire que son poste de PM-01 à Caraquet était déclaré excédentaire à la suite de la suppression des fonctions de ce poste. La lettre avait aussi pour but de lui faire une offre d’emploi raisonnable. En effet, une lettre d’offre d’emploi, datée du 10 novembre 2003 (pièce S-2-2), était jointe à la lettre du 7 novembre 2003 et offrait au fonctionnaire une mutation à un poste d’agent de la prestation de services classifié CR-05 et situé à Bathurst, avec protection salariale au niveau PM-01. Le fonctionnaire a témoigné qu’il n’a pris connaissance de cette lettre que le 24 novembre 2003, lorsqu’il a accepté l’offre de mutation. Le fonctionnaire a dit qu’il avait écrit le mot « contrainte » au-dessus de sa signature. Il n’était pas d’accord avec cette offre et il a avisé le gestionnaire qu’il déposerait un grief.

8 Selon le fonctionnaire, un collègue de travail a communiqué avec lui le 7 novembre 2003 afin de lui demander s’il avait vu l’avis de sa mutation à Bathurst. Le fonctionnaire a déclaré que la direction ne l’en avait informé que le 21 novembre 2003.

9 Le fonctionnaire a témoigné qu’entre le 1er avril et le 4 novembre 2003, l’employeur ne lui a pas fait d’autres offres d’emploi, bien que, selon lui, il y avait d’autres postes disponibles. Selon le fonctionnaire, M. Brideau lui disait que le seul poste disponible était un poste classifié CR-05 et situé au télé-centre de Bathurst.

10 Le fonctionnaire a dit qu’il y avait eu des réunions d’équipe avec la direction concernant les postes et surtout, pour informer les employés où en était la direction relativement à chaque phase du réaménagement des effectifs. Il a aussi dit qu’il existait un comité mixte employeur-syndicat, mais qu’il n’en faisait pas partie.

11 Le fonctionnaire a témoigné que, lors de ses discussions avec l’employeur concernant son refus de l’offre de mutation à Bathurst, on lui avait dit que, puisqu’il n’y avait qu’un poste disponible, il devait soit le prendre, soit partir à la retraite.

12 En contre-interrogatoire, le fonctionnaire a reconnu avoir reçu le courriel daté du 25 septembre 2003 de Mme Pond (pièce E-1), qui était adressé à ses collègues de travail touchés par le réaménagement des effectifs ainsi qu’à lui-même. Ce courriel se lit comme suit :

[…]

Tel que promis, vous trouverez ci-joint la présentation PowerPoint qui vous a été présentée hier pendant la réunion du secteur Pan Can, avec les modifications proposées. De plus, j’ai inclus la réponse à la question qui a été posée lors de la rencontre.

On attend encore l’expression de vos intérêts d’ici le 8 octobre.

[…]

Une copie de la présentation PowerPoint intitulée « Plan de redressement », qui leur avait été présentée pendant la réunion du 24 septembre 2003, était jointe au courriel. Un document clarifiant une question posée lors de cette réunion, soit s’il y avait des postes temporaires pour lesquels les employés touchés pourraient être considérés en plus des postes déterminés, était également joint au courriel.

13 À la question de la représentante de l’employeur, à savoir s’il avait pris connaissance du troisième paragraphe de la lettre du 7 novembre 2003, qui l’avisait qu’il serait mis en disponibilité s’il refusait l’offre de mutation à Bathurst, le fonctionnaire a répondu qu’il ne s’était pas attardé à cette lettre, puisqu’elle lui avait été remise le même jour que l’offre de mutation, soit le 24 novembre 2003.

14 Le fonctionnaire a témoigné que l’employeur l’avait informé qu’il avait droit au montant de 500 $ à titre de compensation pour sa réinstallation à Bathurst, et ce, pour un mois, soit du 24 novembre au 24 décembre 2003.

15 Le fonctionnaire a reconnu que les cinq postes disponibles à Bathurst étaient les suivants : un poste PM-01; un poste AS-01; trois postes CR-05. Il a de plus reconnu que la présentation PowerPoint du 24 septembre 2003, et le courriel de Mme Pond du lendemain, stipulaient tous les deux que les employés touchés devaient manifester leur intérêt pour des postes vacants au plus tard le 8 octobre 2003. Le fonctionnaire a témoigné qu’il n’avait pas manifesté d’intérêt pour ces postes parce que, selon lui, le travail offert à Bathurst ne constituait pas une offre raisonnable d’emploi. De plus, le poste classifié AS-01 était un poste technique pour lequel il n’avait pas d’habilité.

16 Le fonctionnaire a indiqué que, de 2003 à 2005, son fils étudiait au Collège de Bathurst. Son fils habitait alors à la résidence familiale, à Shippagan, et faisait quotidiennement du covoiturage pour se rendre à Bathurst. Le fonctionnaire s’est fait dire que, comme l’employeur lui fournissait un véhicule du ministère, il ne pouvait pas y transporter un individu qui n’était pas fonctionnaire. Le fonctionnaire a admis que, s’il avait conservé son poste à Caraquet, son fils aurait dû voyager le même trajet chaque jour.

17 Lorsqu’il a été interrogé de nouveau, le fonctionnaire a témoigné qu’il avait refusé une réinstallation à Bathurst parce qu’il était père de trois enfants, dont deux au primaire. De plus, son épouse travaillait et ne pouvait pas trouver à Bathurst un poste au même taux salarial.

B. Pour l’employeur

18 Mme Pond était directrice associée de l’employeur pour le district Chaleur-Péninsule. Elle était à l’emploi auprès de l’employeur de 1978 jusqu’à mai 2011. Au cours de sa carrière, elle a occupé des postes de différents niveaux dans plusieurs bureaux de l’employeur au Nouveau-Brunswick.

19 Mme Pond a d’abord expliqué les raisons qui ont mené à l’imposition d’un plan de redressement dans le programme appelé « Pan-Canada ». Elle a dit qu’il existait une certaine duplication du travail accompli par les gouvernements fédéral et du Nouveau-Brunswick. Dès 1996, il y a eu des discussions à ce sujet et on a identifié le travail qui serait accompli par le gouvernement provincial et le nombre d’employés requis. Mme Pond a témoigné que le transfert de ce travail au gouvernement provincial a débuté en 1998 et visait, entre autres, des postes et des tâches classifiés PM-01.

20 De plus, tel qu’il est indiqué dans la présentation PowerPoint (pièce E-1), le budget des programmes, qui était d’environ 7 millions de dollars en 2000-2001, a été réduit à environ 1,6 millions de dollars 2003-2004. Mme Pond a témoigné qu’en 2002, la gestion avait été avertie d’une réduction du budget des programmes et des ressources. Elle en a discuté avec son équipe et, en novembre 2002, il y a eu des entretiens avec le vice-président national du syndicat pour le Nouveau-Brunswick concernant l’effet de la réduction du financement sur le programme Pan-Canada et une autre unité de travail.

21 Selon Mme Pond, au début de 2003, des discussions ont été entamées avec l’unité Pan-Canada. La direction devait se départir de huit postes. La gestion a tenté de résoudre ce problème en offrant aux employés de se porter volontaires pour combler des postes vacants plutôt qu’en procédant à un réaménagement des effectifs. Entre mars et octobre 2003, des nominations ont été effectuées et tous les cas, sauf celui du fonctionnaire, ont été réglés par l’expression volontaire d’intérêt. Le fonctionnaire était le seul employé de Caraquet que l’employeur a dû déclarer excédentaire en vertu du régime de réaménagement des effectifs.

22 En ce qui a trait au bureau de Caraquet, Mme Pond a indiqué qu’il y avait des employés fédéraux et provinciaux qui offraient des services aux mêmes clients. Il y avait cinq ou six employés fédéraux à Caraquet; toutefois, dû aux restrictions budgétaires, ce bureau ne pouvait supporter que trois postes d’agent de prestation de services (CR-05) pour l’assurance-emploi, et un poste d’agent aux programmes (PM-02).

23 En ce qui concerne le cas du fonctionnaire, Mme Pond a témoigné que, lors de sa cueillette d’information pour le plan de réaménagement des effectifs, on a vérifié le nombre de clients des bureaux où se trouvaient des postes classifiés PM-01, soit à Bathurst, à Caraquet et à Tracadie. Selon les statistiques, le bureau de Bathurst desservait trois fois plus de clients que les bureaux de Caraquet et de Tracadie. Selon la présentation PowerPoint (pièce E-1), de janvier à mars 2003, le bureau de Bathurst a reçu 1799 clients, celui de Caraquet 508 clients, et celui de Tracadie 538 clients. Ainsi, l’employeur a offert au fonctionnaire de travailler un jour/semaine à Caraquet et quatre jours/semaine à Bathurst, ce qu’il a accepté (item no 4 de l’énoncé conjoint des faits). À ces fins, l’employeur a fourni un véhicule au fonctionnaire et l’a considéré comme étant en déplacement.

24 Mme Pond a témoigné que des copies de la présentation PowerPoint (pièce E-1) avaient été fournies à tous les employés de l’unité Pan-Canada afin de les informer de la situation. Elle a affirmé que, tel qu’il est indiqué à la page 7 de la présentation, l’employeur avait vérifié s’il y avait de postes disponibles au sein d’autres agences fédérales, soit l’Agence canadienne d’inspection des aliments à Shippagan et l’Agence de promotion économique du Canada atlantique à Tracadie. Mme Pond a aussi fait des recherches auprès de Pêches et Océans Canada à Tracadie. Toutes ces recherches se sont avérées infructueuses. De plus, Mme Pond a fait des recherches pour des postes à Caraquet auprès du gouvernement du Nouveau-Brunswick, mais en vain.

25 Mme Pond a confirmé qu’au 8 octobre 2003, le fonctionnaire n’avait pas informé l’employeur de son intérêt pour un poste vacant. Elle a affirmé qu’elle avait eu des discussions avec le fonctionnaire à cet égard à quelques occasions, et que M. Brideau avait dit au fonctionnaire qu’il était dans son intérêt de choisir un poste. Comme les autres employés affectés avait fait leur choix au 8 octobre 2003, le seul poste disponible était celui de CR-05 à Bathurst et le fonctionnaire l’a accepté.

26 Mme Pond a expliqué que les tâches du poste classifié CR-05 à Bathurst s’accomplissait par téléphone. À la demande de la représentante de l’employeur, à savoir s’il était possible que le fonctionnaire accomplisse ce travail à partir de Caraquet par télétravail, Mme Pond a répondu dans la négative pour le motif que le poste exigeait une structure téléphonique complexe qui n’était installée que dans l’édifice de l’employeur à Bathurst.

27 En contre-interrogatoire, Mme Pond a précisé que des discussions afin de trouver des postes disponibles ont eu lieu à l’interne dans le district Chaleur-Péninsule ainsi qu’avec d’autres ministères. De plus, il y a eu des entretiens à cet égard avec deux sections locales du syndicat, soit pour le Centre des ressources humaines et pour les services nationaux.

28 Mme Pond a témoigné que les communications avec d’autres ministères afin de vérifier les postes disponibles avaient eu lieu environ un à deux mois avant le 24 septembre 2003. Elle a affirmé que, dans certains cas, elle avait entrepris ces communications elle-même, tandis que, dans d’autres cas, c’était les représentants des ressources humaines qui les avaient entreprises. Elle a dit qu’il y avait peu de ministères du gouvernement fédéral dans la région et qu’il n’y avait aucun poste disponible à moins de 16 kilomètres de Caraquet, soit la zone d’affectation du fonctionnaire. Elle a personnellement communiqué avec la direction des agences du gouvernement du Nouveau-Brunswick à Caraquet, Shippagan et Tracadie, mais il n’y avait aucun poste disponible.

29 Mme Pond a affirmé que le poste du fonctionnaire a été déclaré excédentaire puisqu’il n’avait pas exprimé son intérêt pour un poste vacant avant le 8 octobre 2003. Par conséquent, elle a dû décider que le fonctionnaire serait le seul employé de Caraquet à être déclaré excédentaire en vertu du régime de réaménagement des effectifs.

30 Mme Pond a dit que, bien que le fonctionnaire ait reçu la lettre déclarant son poste excédentaire en même temps que la lettre d’offre de mutation à Bathurst, les deux autres employés affectés qui occupaient des postes classifiés PM-01 dans le district Chaleur-Péninsule ont été traités de la même façon que le fonctionnaire.

31 Mme Pond a dit que, le 24 septembre 2003, elle avait fait la présentation PowerPoint (pièce E-1) aux employés affectés. Le même jour, un représentant des ressources humaines a fait la présentation sur le réaménagement des effectifs. Un suivi a été fait relativement aux questions posées par les employés. Mme Pond a ajouté que la direction tentait de trouver des postes convenables et que, si un poste avait été trouvé dans un rayon raisonnable et accepté par l’employé, le processus aurait été complété. Sinon, le poste de l’employé devait être déclaré excédentaire en vertu du régime de réaménagement des effectifs. Si un poste situé à plus de 16 kilomètres était accepté, le groupe des finances s’en serait occupé.

32 Mme Pond a réitéré que, vu la structure téléphonique des télé-centres, on ne pouvait créer un poste de télétravail dans un autre édifice pour un seul employé.

33 Lorsqu’elle a été interrogée de nouveau, Mme Pond a dit que tous ceux nommés comme destinataires du courriel du 25 septembre 2003 (pièce E-1) avaient été impliqués dans les réunions de l’unité. Ces réunions comprenaient les gestionnaires et les représentants des ressources humaines. Elle a ajouté que le président local du syndicat était un des employés affectés et qu’il avait assisté à toutes les réunions. De plus, le vice-président national du syndicat pour le Nouveau-Brunswick avait été avisé en novembre 2002, par la direction des ressources humaines, qu’un plan de réaménagement des effectifs serait mis en place.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour le fonctionnaire

34 Pour le représentant du fonctionnaire, la question en litige est la suivante : est-ce que l’offre de mutation au poste classifié CR-05 à Bathurst était une offre raisonnable selon l’appendice « E » de la convention collective?

35 Le représentant du fonctionnaire a soutenu qu’il y avait de nombreuses irrégularités dans le processus de réaménagement des effectifs, à tel point que le fonctionnaire éprouvait de la difficulté à comprendre la position de l’employeur. De plus, il a soumis que les documents contenus dans la pièce E-1 étaient contradictoires et difficiles à interpréter. Il a plaidé qu’une offre de mutation volontaire ne semblait pas avoir été faite par écrit.

36 Le représentant du fonctionnaire a plaidé que celui-ci n’avait pas eu l’occasion de refuser l’offre de mutation, puisque l’avis de nomination avait été envoyé trois semaines avant qu’il reçoive l’offre par écrit. De plus, il ne s’est jamais fait offrir un poste autre que celui classifié CR-05 à Bathurst, et il a senti qu’il n’avait pas d’autre choix que de l’accepter.

37 Le représentant du fonctionnaire a avancé que l’offre de mutation faite au fonctionnaire n’était pas raisonnable, compte tenu de la situation personnelle et familiale de ce dernier. Le poste CR-05 qui lui a été offert à Bathurst était à 100 kilomètres de sa résidence de Shippagan et à 70 kilomètres de son lieu de travail de Caraquet. C’est pour cela qu’il avait demandé un poste de télétravail à Caraquet.

38 En ce qui a trait à la dernière page de la présentation PowerPoint du 24 septembre 2003, où il était indiqué que les employés devaient faire connaître leur intérêt pour un poste vacant au plus tard le 8 octobre 2003, cela n’était pas clair pour le fonctionnaire. De plus, le fonctionnaire n’avait pas considéré les postes offerts comme une offre raisonnable d’emploi au sens de l’appendice « E » de la convention collective.

39 Le représentant du fonctionnaire convient que l’employeur a fait des efforts raisonnables pour trouver un autre poste au fonctionnaire, mais il a souligné que ces efforts avaient cessé environ trois mois avant que son poste soit déclaré excédentaire. À cet égard, le représentant du fonctionnaire a déclaré que Mme Pond avait affirmé que ces efforts avaient cessé un ou deux mois avant le 24 septembre 2003.

40 Les indemnités demandées par le fonctionnaire sont les suivantes : les frais de voyage encourus par le fonctionnaire entre le 24 novembre 2003, soit la date à laquelle le fonctionnaire a accepté le poste classifié CR-05 à Bathurst, et le 31 mars 2005, soit son dernier jour de travail à Bathurst, ayant été muté au poste de CR-05 à Caraquet à compter du 1er avril 2005 (item no 11 de l’énoncé conjoint des faits). De ces frais, il faut soustraire le montant de 500 $ que l’employeur avait versé au fonctionnaire pour le premier mois de son affectation à Bathurst. De plus, le fonctionnaire demande une déclaration selon laquelle l’offre de mutation à Bathurst n’était pas raisonnable.

41 À l’appui de sa position, le fonctionnaire m’a renvoyée à Donald c. Conseil du Trésor (Défense nationale), dossier de la CRTFP 166-02-28605 (19990728), et Kreway c. Agence des douanes et du revenu du Canada, 2004 CRTFP 172.

B. Pour l’employeur

42 La représentante de l’employeur a soutenu que Donald ne s’applique pas au cas présent, puisqu’il s’agissait de la réinstallation d’une unité de travail de Vancouver à Halifax. De plus, elle a soutenu que, dans Kreway, l’employeur n’avait pas envoyé à l’employé la lettre prévue par les dispositions sur le réaménagement des effectifs, au moment où des postes avaient été déclarés vacants, ce qui n’est pas en litige ici.

43 En ce qui a trait à l’argument du fonctionnaire selon lequel l’offre de mutation à Bathurst n’était pas raisonnable parce qu’il y avait des erreurs dans le processus, la représentante de l’employeur a maintenu que cet argument avait pour effet de modifier la nature du grief. Elle a avancé, que lors de la procédure de règlement des griefs, le fonctionnaire n’avait jamais soulevé le motif que l’offre de mutation n’avait pas été faite conformément aux étapes du processus. La représentante de l’employeur a souligné le témoignage non contredit de Mme Pond voulant que le syndicat ait été impliqué dans le processus de réaménagement des effectifs dès le début. À l’appui de sa position, la représentante de l’employeur m’a renvoyé à Burchill c. Canada (Procureur général), [1981] 1 C.F. 109 (C.A.), et Shneidman c. Canada (Procureur général), 2007 CAF 192.

44 La représentante de l’employeur a avancé que le fonctionnaire devait démontrer que l’employeur avait violé la convention collective et qu’il n’a pas fait d’effort pour lui faire une offre d’emploi raisonnable. Elle a déclaré qu’il n’y avait pas de preuve que l’employeur avait cessé ses recherches pour d’autres postes pouvant convenir au fonctionnaire. Elle a ajouté que l’employeur avait rencontré ses responsabilités en vertu de l’appendice « E » de la convention collective. En se référant à la définition de « fonction publique » qui se trouve dans l’appendice « E », la représentante de l’employeur a souligné que l’employeur n’avait aucune obligation de vérifier s’il y avait des postes disponibles auprès du gouvernement du Nouveau-Brunswick.

45 La représentante de l’employeur a plaidé que, comme ce n’était pas un cas d’accommodement raisonnable, la situation familiale du fonctionnaire ainsi que sa demande d’effectuer ses tâches par télétravail à Caraquet n’étaient pas pertinentes. Il s’agit plutôt d’un cas d’interprétation et d’application de la convention collective.

46 La représentante de l’employeur a souligné que la réduction du budget avait eu des impacts importants sur le personnel. Elle a rappelé que les seuls postes disponibles à Bathurst étaient un poste classifié PM-01, un poste classifié AS-01 et trois postes classifiés CR-05. Selon la représentante de l’employeur, la preuve a démontré que, lorsque l’employeur a demandé aux employés affectés de manifester leur intérêt, les postes de PM-01 et AS-01 ont été comblés, de sorte qu’il ne restait que les postes de CR-05. De plus, il n’y avait aucun poste disponible dans la zone d’affectation du fonctionnaire, soit dans un rayon de 16 kilomètres de Caraquet.

47 La représentante de l’employeur a plaidé que le but premier de l’appendice « E » de la convention collective était de maintenir l’emploi du fonctionnaire dans la fonction publique, et non pas dans un poste particulier ou à un endroit précis. À cet égard, elle a cité Kreway et Khurana c. Conseil du Trésor (Anciens Combattants Canada), dossiers de la CRTFP 166-02-24750 à 24752 et 25270 (19941107). La représentante de l’employeur a souligné que les critères de la définition d’une « offre d’emploi raisonnable » ont été rencontrés : les postes classifiés PM-01 et CR-05 sont à un niveau équivalent; le fonctionnaire était mobile et recyclable; et il était impossible d’offrir au fonctionnaire un emploi dans sa zone d’affectation, soit Caraquet. À cet égard, la représentante de l’employeur a souligné que, comme la distance entre Caraquet et Bathurst est de 70 kilomètres, cela ne représente que 54 kilomètres de plus à l’extérieur de la zone d’affectation du fonctionnaire.

48 En réponse à l’argument du fonctionnaire voulant que sa mutation à Bathurst ait un impact sur sa vie personnelle, la représentante de l’employeur a avancé que le fonctionnaire avait préféré conserver sa résidence à Shippagan et qu’il avait choisi de voyager plutôt que d’accepter une réinstallation à Bathurst.

49 En ce qui a trait à la demande du fonctionnaire d’effectuer ses tâches par télétravail à Caraquet, la représentante de l’employeur a avancé que cela n’était pas pertinent, puisque le poste substantif du fonctionnaire avait été muté à Bathurst.

50 Pour ce qui est de l’argument du fonctionnaire à l’effet qu’il avait de la difficulté à comprendre ce qui se passait au sujet du réaménagement des effectifs, la représentante de l’employeur a soutenu que la lettre du 10 novembre 2003 qui avait été adressée au fonctionnaire était claire. Le fonctionnaire n’était pas intéressé au poste classifié AS-01 à Bathurst et, pour lui, seul un poste situé à Caraquet était acceptable.

51 En ce qui concerne les dommages demandés par le fonctionnaire, la représentante de l’employeur a maintenu que ce dernier n’avait pas fait preuve de dépenses réelles encourues à cause de sa mutation à Bathurst. Elle a maintenu, de plus, que dans Kreway un arbitre de grief avait refusé d’accorder de dommages parce qu’il n’y avait aucune preuve démontrant que l’employeur n’avait pas agi de bonne foi. Selon la représentante de l’employeur, le fonctionnaire n’a pas démontré qu’il y avait eu violation de la convention collective par l’employeur.

52 En ce qui a trait aux critères d’une offre d’emploi raisonnable, la représentante de l’employeur a cité Canada (Procureur général) c. Edwards, dossier de la Cour fédérale T-105-98 (19990118), modifié pour d’autres motifs par Edwards c. Canada (Conseil du Trésor), [2000] A.C.F. no 645 (QL) (C.A.). Elle a soumis que l’employeur avait fait une offre raisonnable d’emploi au fonctionnaire et que je dois rejeter le grief.

C. Réplique du fonctionnaire

53 Le représentant du fonctionnaire a soumis que l’offre de mutation à Bathurst n’était pas raisonnable, parce qu’elle n’avait pas été faite au moment approprié, soit avant l’émission de l’avis de nomination.

IV. Motifs

54 La convention collective applicable en l’espèce est celle conclue le 19 novembre 2001 entre le Conseil du Trésor et le syndicat pour l’unité de négociation du groupe Services des programmes et de l’administration. Les dispositions concernant le réaménagement des effectifs font partie intégrante de ladite convention collective et sont contenues à son appendice « E ». Les objectifs de cet appendice sont les suivants :

Objectifs

L’Employeur a pour politique d’optimiser les possibilités d’emploi pour les employé-e-s nommés pour une période indéterminée en situation de réaménagement des effectifs, en s’assurant que, dans toute la mesure du possible, on offre à ces employé-e-s d’autres possibilités d’emploi. On ne doit toutefois pas considérer que le présent appendice assure le maintien dans un poste en particulier, mais plutôt le maintien d’emploi.

À cette fin, les employé-e-s nommés pour une période indéterminée et dont les services ne seront plus requis en raison d’un réaménagement des effectifs et pour lesquels l’administrateur général sait ou peut prévoir la disponibilité d’emploi se verront garantir qu’une offre d’emploi raisonnable dans la fonction publique leur sera faite. […]

55 L’appendice « E » de la convention collective contient la définition suivante de « réaménagement des effectifs » :

Réaménagement des effectifs (work force adjustment) – Situation qui se produit lorsqu’un administrateur général décide que les services d’un ou de plusieurs employé-e-s nommés pour une période indéterminée ne seront plus requis au-delà d’une certaine date en raison d’un manque de travail, de la suppression d’une fonction, de la réinstallation d’une unité de travail à un endroit où l’employé-e ne veut pas être réinstallé ou du recours à une autre mode d’exécution.

56 Une « offre d’emploi raisonnable » est définie comme suit dans l’appendice « E » de la convention collective:

Offre d’emploi raisonnable (reasonable job offer) – Offre d’emploi pour une période indéterminée dans la fonction publique, habituellement à un niveau équivalent, sans que soient exclues les offres d’emploi à des niveaux plus bas. L’employé-é excédentaire doit être mobile et recyclable. Dans la mesure du possible, l’emploi offert se trouve dans la zone d’affectation de l’employé-e, selon la définition de la Directive sur les voyages d’affaires. […]

57 La Partie I de l’appendice « E » de la convention collective, intitulée « Rôles et responsabilités », stipule, entre autres, ce qui suit concernant les responsabilités des ministères :

1.1. Ministères

1.1.1 Étant donné que les employé-e-s nommés pour une période indéterminée qui sont touchés par un réaménagement des effectifs ne sont pas eux-mêmes responsables de cette situation, il incombe aux ministères de veiller à ce qu’ils ou elles soient traités équitablement et à ce qu’on leur offre toutes les possibilités raisonnables de poursuivre leur carrière dans la fonction publique, dans la mesure du possible.

[…]

58 Le fardeau de la preuve incombe au fonctionnaire de démontrer que l’offre de mutation à Bathurst que l’employeur lui a faite dans le cadre du réaménagement des effectifs dans le district Chaleur-Péninsule n’était pas une offre d’emploi raisonnable telle que définie dans l’appendice « E » de la convention collective.

59 Avant de traiter le fond de l’affaire, je vais considérer l’argument de l’employeur voulant qu’en plaidant que l’offre de l’employeur n’était pas raisonnable à cause d’irrégularités dans le processus, le fonctionnaire avait effectivement changé, à l’audience, la nature de son grief initial. Selon la preuve, l’erreur que le fonctionnaire reproche principalement à l’employeur est le fait qu’il avait eu bruit de son avis de nomination à Bathurst par l’entremise d’un collègue de travail le 7 novembre 2003, soit deux semaines avant qu’il en soit avisé par la direction le 24 novembre 2003. Il est vrai que le libellé du grief du fonctionnaire ne renvoie pas précisément à des erreurs dans le processus de réaménagement des effectifs. Toutefois, tel qu’il est mentionné à l’item no 7 de l’énoncé conjoint des faits, le grief allègue que « […] l’employeur ne m’a pas fait une offre d’emploi raisonnable en conformité avec l’annexe E de ma convention collective (…) ». J’estime que cette formulation permet au fonctionnaire de tenter de démontrer que des erreurs prétendument commises par l’employeur n’étaient pas conformes aux dispositions de l’appendice « E » de la convention collective. Par conséquent, je rejette l’argument de l’employeur à l’effet que le fonctionnaire tente de changer, à l’arbitrage, la nature de son grief.

60 Le fonctionnaire n’a pas contesté le bien-fondé par l’employeur d’avoir invoqué une situation de réaménagement des effectifs dans le district Chaleur-Péninsule. De toute façon, la preuve a clairement démontré que l’employeur avait des raisons légitimes d’avoir eu recours au réaménagement des effectifs à l’occasion de coupures importantes dans le budget des programmes et des ressources.

61 Le fonctionnaire a allégué que l’employeur avait commis des irrégularités à son égard au cours du processus de réaménagement des effectifs, violant ainsi l’appendice « E » de la convention collective. Le témoignage du fonctionnaire à cet égard était plutôt vague. Ce que je retiens plus particulièrement de la preuve du fonctionnaire en ce qui concerne les irrégularités dans le processus est qu’il a insisté sur le fait qu’il a été avisé de sa mutation peu de temps avant qu’il reçoive l’offre écrite de mutation à Bathurst.

62 L’appendice « E » de la convention collective stipule, à la clause 1.1.6, que les employés touchés doivent être informés par écrit que leurs services ne sont plus requis. La lettre doit indiquer les options qui s’offrent à eux. De plus, la clause 1.1.14 précise que les employés doivent être officiellement informés qu’ils font l’objet d’un réaménagement des effectifs et que les dispositions de l’appendice « E » s’appliquent. La preuve a démontré que l’employeur s’était conformé à ces exigences dans les lettres qu’il a adressées au fonctionnaire (pièces S-2-1 et S-2-2). Ceci distingue le présent cas de Kreway, où l’employeur n’avait pas donné au fonctionnaire la lettre prévue par les dispositions sur le réaménagement des effectifs au moment où son poste avait été déclaré excédentaire.

63 Par ailleurs, une lecture attentive de l’appendice « E » de la convention collective démontre qu’il ne contient pas de dispositions concernant les avis de nomination. De plus, l’appendice « E » ne prévoit pas de chronologie précisant la séquence que l’employeur doit suivre lorsqu’il fait parvenir les documents requis aux employés touchés par un réaménagement des effectifs. Il n’y avait pas de preuve directe concernant le processus même de communication au fonctionnaire de l’offre de mutation à Bathurst simultanément avec l’avis déclarant son poste excédentaire. À cet égard, le témoignage non contredit de Mme Pond est que deux autres employés occupant des postes PM-01 avaient été traités de la même façon que le fonctionnaire.

64 Je comprends que le fonctionnaire aurait souhaité avoir connaissance de son avis de nomination directement de l’employeur avant qu’il en soit avisé par un collègue. Cependant, cela ne constitue pas en soi une violation de l’appendice « E » de la convention collective, puisque, de toute façon, cet appendice n’en traite pas. Qui plus est, le fonctionnaire n’a pas démontré que cela lui ait causé un préjudice.

65 Ce qui ressort de la preuve est que, selon le fonctionnaire, l’offre de mutation à Bathurst n’était pas raisonnable pour le motif qu’il devait voyager depuis sa résidence de Shippagan jusqu’à Bathurst, donc hors de sa zone d’affectation. Il a cependant refusé une réinstallation à Bathurst pour des raisons familiales, ce qui est son droit.

66 Selon la définition d’une « offre d’emploi raisonnable » citée plus haut, l’employeur doit offrir un emploi dans la zone d’affectation de l’employé « dans la mesure du possible ». Le témoignage de Mme Pond a fait état des recherches faites par l’employeur afin de trouver un emploi pour le fonctionnaire à l’intérieur de sa zone d’affectation. Tel qu’il a été mentionné, il n’y avait aucun poste disponible auprès des autres ministères dans le district de la Chaleur-Péninsule. Le fonctionnaire a témoigné qu’il y avait des postes disponibles autres que des poste classifiés CR-05, mais il n’en a pas fait la preuve.

67 Le représentant du fonctionnaire a plaidé que, selon le témoignage de Mme Pond, les efforts de l’employeur pour trouver un emploi au fonctionnaire ont cessé un ou deux mois avant le 24 septembre 2003, soit la date de la présentation PowerPoint. Ce que j’ai retenu de son témoignage est que Mme Pond avait dit qu’on avait communiqué avec d’autres ministères un ou deux mois avant le 24 septembre afin de connaître les dernières disponibilités de postes. Elle a aussi dit qu’il n’y avait que peu de ministères fédéraux dans le district Chaleur-Péninsule et presque rien dans la zone d’affectation du fonctionnaire. Bien que le représentant du fonctionnaire reproche à l’employeur de ne pas avoir continué ses recherches jusqu’à la date à laquelle le poste du fonctionnaire a été déclaré excédentaire, le fonctionnaire n’a pas apporté de preuve directe sur ce point.

68 Selon la preuve, j’estime que l’employeur a fait des efforts sincères et de bonne foi pour tenter de trouver un emploi au fonctionnaire dans sa zone d’affectation. Dès qu’il a pu le faire, l’employeur a offert au fonctionnaire une mutation à Caraquet au groupe et niveau CR-05 avec protection salariale au groupe et niveau PM-01 (item no 11 de l’énoncé conjoint des faits). Ce poste a été subséquemment reclassifié au groupe et niveau PM-01 (item no 13 de l’énoncé conjoint des faits). Comme un arbitre de grief l’a constaté dans Khurana : « [l]a Directive dispose clairement que ses dispositions font porter l’accent sur la sécurité d’emploi et non sur le maintien dans un poste en particulier ».

69 Vu la preuve et toutes les circonstances de cette affaire, je suis d’avis que l’offre de mutation à Bathurst, faite par l’employeur au fonctionnaire dans le cadre de l’appendice « E » de la convention collective, rencontrait tous les critères d’une offre raisonnable d’emploi et donc que l’employeur n’a pas violé la convention collective.

70 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

71 Le grief est rejeté.

Le 19 avril 2012.

Steven B. Katkin,
arbitre de grief

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.