Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

L’agent négociateur a allégué que l’employeur avait violé deux clauses de la convention collective et que ses décisions étaient empreintes d’un sentiment antisyndical - l’employeur a embauché un employé pour une période déterminée au lieu d’afficher et de pourvoir le poste de technicien de télévision pour une période indéterminée - le syndicat a allégué que l’employeur avait eu recours à une nomination pour une période déterminée pour d’autres raisons que celles énoncées à la clause2.2 de la convention collective - le syndicat a aussi allégué que l’employeur ne lui avait pas fourni les renseignements requis en vertu de la clause4.3.1 de la convention collective - l’employeur a fait valoir qu’après avoir réévalué ses besoins opérationnels, il a déterminé qu’il lui était nécessaire de réorganiser le travail de la section visée - l’employeur a soutenu qu’il avait aboli le poste de technicien en télévision et qu’il avait créé à la place un poste de coordonnateur - l’arbitre de grief a conclu que l’allégation voulant que les décisions de l’employeur étaient empreintes d’un sentiment antisyndical était sans fondement - il n’y avait aucun lien entre la reclassification des techniciens et la mesure de dotation pour une période déterminée de la part de l’employeur - l’arbitre de grief a conclu que l’employeur n’avait pas violé la clause 4.3.1, aucune preuve n’ayant été présentée à cet effet - l’arbitre de grief a toutefois conclu que l’employeur avait violé la clause 2.2, laquelle limite effectivement la souplesse et les pouvoirs de l’employeur lorsqu'il est question de pourvoir un poste pour une période indéterminée - la clause2.2 ne s’appliquerait pas s’il n’y avait pas eu de poste pour une période indéterminée à combler - cependant, selon la preuve, il y avait un poste pour une période indéterminée à doter pour la période mentionnée; ce poste n’avait pas été aboli - les fonctions associées au technicien en télévision n’ont pas été attribuées au poste de coordonnateur - de plus, après la nomination du coordonnateur, l’employé qui occupait le poste pour une période déterminée a été renouvelé à deux reprises - la nomination pour une période déterminée n’a pas été utilisée pour une des raisons énumérée à la clause 2.2 - par conséquent, l’arbitre de grief a conclu que l’employeur avait violé la convention collective en affichant le poste de technicien en télévision comme étant un poste pour une période déterminée. Grief accueilli.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail
au Parlement

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2012-03-27
  • Dossier:  469-HC-13
  • Référence:  2012 CRTFP 41

Devant un arbitre de grief


ENTRE

SYNDICAT CANADIEN DES COMMUNICATIONS, DE L’ÉNERGIE ET DU PAPIER

agent négociateur

et

CHAMBRE DES COMMUNES

employeur

Répertorié
Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier c. Chambre des communes

Affaire concernant un renvoi en vertu de l’article 70 de la Loi sur les relations de travail au Parlement

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Renaud Paquet, arbitre de grief

Pour l’agent négociateur:
David Migicovsky, avocat

Pour l'employeur:
Steven Chaplin, avocat

Affaire entendue à Ottawa (Ontario),
les 27 et 28 février 2012.
(Traduction de la CRTFP)

I. Renvoi devant la Commission des relations de travail dans la fonction publique

1 Le Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier, section locale 87-M (l’« agent négociateur »), a allégué que la Chambre des communes (l’« employeur ») avait enfreint les clauses 2.2 et 4.3.1 de la convention collective conclue pour l’unité de négociation du Groupe technique (la « convention collective »), qui prenait fin le 31 mars 2011.

2 Plus précisément, l’agent négociateur a allégué que l’employeur avait enfreint la clause 2.2 de la convention collective en embauchant un employé pour une durée déterminée afin d’éviter d’afficher et de doter un poste de technicien de télévision permanent et en ayant recours à une nomination pour une période déterminée pour d’autres raisons que celles énoncées à la clause 2.2. L’agent négociateur a aussi allégué que l’employeur avait enfreint la clause 4.3.1 de la convention collective en ne lui fournissant pas les renseignements prévus dans cette clause.

3 Voici les deux clauses en question de la convention collective :

2.2 Des employés(e)s à court et à long terme ne seront pas embauchés afin d’éviter d’afficher et de remplir des positions dans l’unité de négociation. Cependant, des nominations à court terme pourront être utilisées afin de couvrir les congés spécifiés dans la convention collective, des besoins additionnels durant des périodes de pointe, des projets, des contrats et service, lorsqu’un poste vacant est en instance de dotation ou lorsqu’un poste doit être rempli afin de remplacer des employé(e)s en affectations. Lorsque des nominations à termes doivent excéder douze (12) mois, l’Employeur sur demande informera le Syndicats des raisons.

[…]

4.3.1 Chaque mois, l’Employeur fournit au Syndicat un document présenté sur un support électronique convenable, qui renferme les renseignements suivants :

  1. le nom de l′employé(e);
  2. le statut d’emploi;
  3. la classification, le salaire et l’ancienneté;
  4. le montant des retenues brutes pour chaque employé(e)
  5. les noms des employé(e)s qui ont été engagés, qui ont démissionné, qui ont pris leur retraite, qui ont été promus ou qui ont été mutés au sein ou à l’extérieur de l’unité de négociation, ainsi que celui des employé(e)s qui commencent ou terminent un congé de garde d’enfant, depuis le dernier paiement des cotisations.

4 Dans son discours d’ouverture, l’agent négociateur a demandé que je déclare que l’employeur avait enfreint la convention collective. Il voulait aussi que je déclare que l’employeur aurait dû afficher un poste permanent de technicien en télévision plutôt qu’un poste pour une période déterminée. Il a demandé que j’ordonne à l’employeur de rembourser les trois mois de cotisations syndicales perdues. Enfin, il a demandé que je demeure saisi du grief dans l’éventualité où l’application des mesures correctives présenterait des difficultés.

5 Le 25 mai 2010, l’employeur a répliqué au renvoi de cette question devant la Commission. Il a déclaré avoir profité du fait que le poste de technicien en télévision était vacant pour réévaluer ses besoins opérationnels et il a déterminé qu’il était nécessaire de réorganiser le travail. Il a ajouté que le poste de technicien en télévision serait aboli et que ses fonctions seraient attribuées à un nouveau poste de coordonnateur. Entre-temps, le poste de technicien en télévision devait être doté pour une période déterminée. Dans sa réponse, l’employeur a aussi expliqué de façon détaillée pourquoi la clause 4.3.1 de la convention collective n’avait pas été violée.

II. Résumé de la preuve

6 Les parties ont présenté 13 documents en preuve. L’agent négociateur a cité Denise Cyr comme témoin. Mme Cyr travaille comme technicienne en télévision pour l’employeur depuis environ 18 ans. Depuis six ou sept ans, elle est présidente de l’unité (présidente locale) de l’agent négociateur. L’employeur a cité Elaine Diguer et Bruno Laroche comme témoins. Mme Diguer est directrice, Services multimédias et planification des activités de la DSI pour l’employeur; elle occupait ce même poste au moment de la présentation du grief. M. Laroche travaille comme conseiller stratégique en ressources humaines pour l’employeur; il n’occupait pas ce poste au moment de la présentation du grief.

7 Dans les Services multimédias, dirigés par Mme Diguer, on retrouve la section Planification des activités et services à la clientèle. Cette section comptait neuf employés en 2010 et en 2011, dont trois techniciens en télévision. Nathalie Hannah en est la gestionnaire. Les techniciens en télévision enregistrent, sur des bandes vidéo, les délibérations de la Chambre des communes et les travaux de ses comités. Ils assurent la couverture en direct des conférences de presse au Parlement. Ils font aussi du travail de vidéocopie, de montage vidéo, de publication et de catalogage.

8 Depuis 1990 environ, il y a toujours eu trois postes de techniciens en télévision aux Services multimédias. Ce nombre est passé à quatre pendant environ deux ans, en 2006, mais il a été ramené à trois par la suite. Avant 2010, les trois mêmes employés permanents occupaient ces trois postes depuis longtemps. À l’été 2009, l’un d’eux a annoncé qu’il prendrait sa retraite au début de 2010. Il a pris sa retraite le 15 janvier 2010.

9 À la fin d’octobre 2009, l’employeur a affiché un avis pour doter un poste de technicien en télévision en vue du départ à la retraite de l’employé. L’avis annonçait la dotation d’un poste temporairement vacant pour une période de 12 mois. Peu après avoir vu l’avis, Mme Cyr a eu une rencontre informelle avec Mme Hannah pour lui demander pourquoi le poste n’était doté que pour une période déterminée. Selon Mme Cyr, Mme Hannah lui aurait répondu qu’il en était ainsi pour s’assurer que la personne retenue ferait l’affaire et parce qu’une nomination pour une période déterminée donnerait plus de latitude à l’employeur. L’employeur avait connu des difficultés en 2006 et il souhaitait avoir une plus grande marge de manœuvre cette fois-ci. Lors de son témoignage, Mme Diguer a toutefois déclaré ne pas être d’accord avec Mme Hannah et que tel n’était pas l’intention de l’employeur. Comme Mme Diguer n’était pas présente à la rencontre entre Mme Hannah et Mme Cyr, elle ne sait pas ce qui a été dit.

10 Le 10 novembre 2009, Brian Martin, vice-président de l’unité (vice-président local) de l’agent négociateur, a envoyé un courriel à Mme Hannah pour discuter avec elle de la décision de l’employeur de doter le poste de technicien en télévision pour une période déterminée plutôt que comme un poste permanent. Dans son courriel, M. Martin a mentionné que l’agent négociateur était préoccupé du fait que l’employeur avait eu recours à une nomination pour une période déterminée afin de prolonger la période d’essai. Une rencontre a eu lieu quelques jours plus tard. Selon Mme Cyr, les renseignements fournis par l’employeur à cette occasion n’expliquait pas clairement pourquoi il dotait le poste pour une durée déterminée, sauf lorsqu’il a été question d’une éventuelle réorganisation.

11 À la suite du processus de dotation, Kristian Larivière a été embauché comme technicien en télévision pour une période déterminée, soit du 1er mars 2010 au 25 février 2011. Le 7 janvier 2011, cette nomination a été prolongée jusqu’au 22 novembre 2011; le 20 octobre 2011, elle a été prolongée de nouveau jusqu’au 21 novembre 2012. M. Larivière effectue exactement le même travail que les deux techniciens en télévision nommés permanents et l’employé qui a pris sa retraite.

12 Le 4 juin 2010, l’employeur a affiché une offre d’emploi pour un poste permanent de coordonnateur des services en direct et sur demande. Le poste était classifié aux groupe et niveau TKG-E, soit un niveau plus élevé que le poste de technicien en télévision. Selon la description de travail, le coordonnateur assure la planification, le développement et la prestation de services associés à « ParlVu » et supervise l’élaboration des applications tout en jouant un rôle de gestion dans la rationalisation des processus opérationnels. Cette description de travail est manifestement différente de celle du technicien en télévision, laquelle énonce que le technicien assure la couverture en direct, l’enregistrement, et la vérification et le contrôle des réunions, comités, événements spéciaux et conférences de presse de la Chambre. En outre, la description de travail du technicien indique que le titulaire relève du coordonnateur des services en direct et sur demande. À la suite du processus de dotation de juin 2010, une personne a été embauchée comme coordonnateur à la fin de novembre 2010.

13 Dans son témoignage, Mme Cyr a déclaré que la charge de travail des techniciens en télévision n’avait pas diminué au cours des dernières années, en particulier depuis le départ à la retraite de la personne dont le poste fait actuellement l’objet du litige et depuis l’embauche du coordonnateur. La charge de travail demeure importante et stable. Les témoins de l’employeur n’ont pas contredit le témoignage de Mme Cyr à ce sujet. Mme Cyr a aussi déclaré que depuis l’embauche du coordonnateur, en novembre 2010, ce dernier avait rarement effectué des tâches de technicien, sauf peut-être durant trois jours, et ce, en tant que remplaçant. Mme Diguer a confirmé ce commentaire.

14 Mme Diguer a déclaré que l’employeur avait décidé de profiter de l’occasion créée par le départ à la retraite d’un technicien pour réorganiser et réévaluer la nécessité d’avoir trois postes permanents de techniciens en télévision. L’employeur a décidé qu’un équivalent temps plein (ETP) ne serait plus rattaché au troisième poste de technicien en télévision, et que l’ETP serait utilisé pour doter un autre poste permanent. Comme l’ont expliqué Mme Diguer et M. Laroche, l’employeur a pour règle générale qu’un ETP est requis pour combler un poste permanent. Mme Diguer a décidé de doter le poste de technicien en télévision pour une durée déterminée en octobre 2009.

15 Selon Mme Diguer, entre octobre 2009 et juin 2010, l’employeur a fait tout ce qu’il fallait en vue d’afficher le nouveau poste de coordonnateur des services en direct et sur demande. Après avoir déterminé les tâches du poste, l’employeur a rédigé une description de travail et fait classifier le poste. Au début de mai 2010, l’employeur a soumis une demande de dotation pour ce poste. Entre autres choses, la demande précisait qu’il y avait trois postes permanents de technicien et que, depuis le départ de l’un d’entre eux, [traduction] « […] on avait doté le poste pour une période déterminée afin de procéder à une restructuration ». La demande précisait aussi qu’on abolirait le poste permanent de technicien en télévision pour financer le poste de coordonnateur. La demande de dotation a été approuvée et le poste a été affiché le 4 juin 2010.

16 Mme Diguer a dit que l’employé nommé pour une période déterminée au poste de technicien en télévision ne serait pas renouvelé à la fin de novembre 2012 et que le travail effectué par cet employé serait effectué dans le cadre d’un partenariat avec une autre section des Services multimédias. Mme Diguer a dit que c’était là une option très réaliste.

17 Lors du contre-interrogatoire, Mme Diguer a déclaré qu’elle ne savait pas, en octobre 2009, que l’ETP rattaché au troisième poste de technicien en télévision serait utilisé pour doter le poste de coordonnateur. C’est la raison pour laquelle elle n’a pas fourni ces renseignements à l’agent négociateur à ce moment. Elle a déclaré que la création du poste de coordonnateur n’avait pas été soulevée avec l’agent négociateur ou ne lui avait pas été communiquée avant une réunion qui a eu lieu en mai 2010. Mme Diguer a aussi admis qu’elle n’avait jamais informé l’agent négociateur, avant la présente audience, qu’elle pourrait peut-être attribuer à une autre section une partie du travail du technicien en télévision.

18 Durant le contre-interrogatoire, Mme Diguer a déclaré qu’elle n’était pas d’accord avec l’idée que le poste de technicien en télévision pouvait avoir été aboli en guise de représailles contre les techniciens en télévision, qui venaient de gagner une longue bataille pour faire reclassifier leur poste. Elle a aussi déclaré qu’elle n’avait pas encore déterminé ce qu’elle ferait à l’expiration de la période de travail du troisième technicien en télévision. Elle a admis que les fonctions du technicien et du coordonnateur étaient très différentes.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour l’agent négociateur

19 À l’automne 2009, l’employeur n’avait pas prévu abolir un poste de technicien en télévision; lorsqu’un des techniciens a pris sa retraite, l’employeur a doté le poste pour une durée déterminée pour avoir plus de latitude et plus de temps pour évaluer si le nouvel employé ferait l’affaire. Puis, en novembre 2009, l’employeur a dit qu’il effectuerait une restructuration, mais il ne savait pas encore comment il procéderait. En mai 2010, l’employeur a décidé d’abolir le troisième poste de technicien en télévision et d’embaucher un coordonnateur. Avant mai 2010, ce poste permanent de technicien en télévision existait encore et, en tout temps, le travail qui y était rattaché devait être effectué.

20 L’explication de l’employeur pour justifier le fait que le poste de technicien en télévision n’a pas été doté comme étant un poste permanent est incohérente. D’abord, Mme Hannah a dit qu’elle voulait plus de latitude pour évaluer si le nouvel employé ferait l’affaire. De plus, l’employeur voulait effectuer une restructuration, mais ne savait pas encore exactement comment il allait procéder. Ensuite, le 25 mai 2010, l’employeur a écrit que le poste de technicien en télévision serait aboli et que les fonctions de ce poste seraient attribuées à un nouveau poste de coordonnateur. Enfin, dans son témoignage, Mme Diguer a dit qu’elle n’était pas d’accord avec les commentaires de Mme Hannah concernant la latitude. Elle a aussi admis que le coordonnateur n’effectuait pas le travail de technicien en télévision.

21 L’employeur n’a pas fait la preuve que sa décision de ne pas doter le poste de technicien en télévision comme étant un poste permanent était justifiée par l’une des raisons énoncées à la clause 2.2 de la convention collective. Si l’employeur ne peut pas justifier sa décision en invoquant l’une de ces raisons, alors il a contrevenu à la convention collective.

22 L’employeur a le droit d’abolir des postes, mais il n’a pas le droit, selon la clause 2.2 de la convention collective, de doter des postes permanents vacants en y nommant des employés pour une période déterminée, à moins que ce soit pour une des cinq raisons énoncées à la clause 2.2. Le fait d’avoir plus de latitude ou de temps pour évaluer l’aptitude d’un employé, ou la possibilité d’une restructuration ne sont pas des motifs inclus dans la clause 2.2.

23 La décision de l’employeur de ne pas doter le poste de technicien en télévision comme étant un poste permanent est empreinte d’un sentiment antisyndical. Au moment où la décision a été prise, l’employeur était mécontent parce que les techniciens venaient de gagner contre lui une longue bataille portant sur la classification de leur poste. L’employeur voulait se venger en abolissant l’un de leurs postes, même si la charge de travail demeurait stable. En outre, le nombre de membres de l’agent négociateur a diminué entre 2010 et 2011.

24 L’agent négociateur m’a renvoyé à : Kelso c. La Reine, [1981] 1 R.C.S. 199; Horton Steel Work Ltd v. United Steelworkers, Local 3598 (1973), 3 L.A.C. (2d) 54; Carleton University v. Canadian Union of Public Employees, Local 2424, [2001] O.L.A.A. No. 842 (QL); Caressant Care Nursing Home of Canada Ltd. v. Service Employees Union, Local 183, (1994), 44 L.A.C. (4e) 24; Children’s Aid Society v. Ontario Public Service Employees Union, Local 668, [1999] O.L.A.A. No. 722 (QL); Fernie (City) v. Canadian Union of Public Employees, Local 2093 (1999), 80 L.A.C. (4e) 289; Greater Sudbury (City) v. Canadian Union of Public Employees, Local 4705, [2003] O.L.A.A. No. 613 (QL); International Union of Operating Engineers, Local 942 v. Prince Edward Island (Department of Health) (2009), 190 L.A.C. (4e) 271; Maplewood Nursing Home Ltd. Tilsonburg (Maple Manor) v. London & District Service Workers Union, Local 220 (1989), 9 L.A.C. (4e) 115; Monarch Fine Foods v. Milk and Bread Drivers, Dairy Employees, Caterers and Allied Employees, Local 647 (1993), 30 C.L.A.S. 200; Windsor (City) v. Canadian Union of Public Employees, Local 543, [2011] O.L.A.A. No. 86 (QL); United Food and Commercial Workers Union, Local 832 v. A.E. McKenzie Seeds Co. (1994), 41 L.A.C. (4e) 99.

B. Pour l’employeur

25 Il revenait à l’agent négociateur de prouver que l’employeur avait enfreint la convention collective en ne dotant pas le poste de technicien en télévision comme étant un poste permanent. L’agent négociateur n’est pas parvenu à assumer ce fardeau, et il n’a pas non plus réussi à prouver que l’employeur avait démontré une attitude antisyndicale. En fait, l’allégation de sentiment antisyndical a été soulevée pour la première fois lors de l’audience d’arbitrage.

26 L’employeur a admis qu’il n’avait pas contesté la preuve présentée par l’agent négociateur. Le travail de technicien en télévision a continué d’exister après le départ à la retraite de l’un des trois techniciens. En fait, il existe toujours et pourrait très bien continuer d’exister. Cependant, la question n’est pas là. La question est qu’il n’y a plus d’ETP pour ce poste permanent de technicien en télévision, et que le poste ne peut être doté comme étant un poste permanent. Par conséquent, la clause 2.2 de la convention collective ne s’applique pas. En outre, l’employeur a le droit, en tant que gestionnaire, de déterminer comment le travail est organisé et accompli, qui le fera et quel effectif sera requis pour ce faire.

27 L’employeur m’a renvoyé au cadre juridique régissant les relations de travail et la gouvernance à la Chambre des communes. Il a attiré mon attention sur la Loi sur les relations de travail au Parlement (la « LRTP »), l’ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35, qui a inspiré la LRTP, la Loi sur le Parlement du Canada, L.R.C. (1985), ch. P-1 et l’article 201 du Règlement administratif, adopté en vertu de la Loi sur le Parlement du Canada afin de pourvoir à l’administration de la Chambre des communes. Ce cadre juridique précise quels sont les pouvoirs de l’employeur et quelles sont les limites de la négociation collective sur ces pouvoirs, notamment sur les pouvoirs de l’employeur de doter des postes et d’organiser le travail comme bon lui semble.

28 Plusieurs options s’offraient à l’employeur pour remplacer l’employé parti à la retraite. Le processus de réflexion de l’employeur n’a pas commencé en mai 2010, mais plutôt au moment où l’employé a annoncé son départ, à l’été 2009. L’employeur a décidé de profiter de cette occasion pour réorganiser la façon dont il fournissait ses services. Le processus a évolué entre l’automne 2009 et mai 2010, et ce, jusqu’à entraîner la création d’un nouveau poste de coordonnateur et la suppression de l’ETP associé au poste de technicien en télévision.

29 Tout au long du processus, l’employeur a eu des entretiens avec l’agent négociateur et lui a communiqué ses renseignements. Il ne faisait aucun sens pour l’employeur de doter un poste permanent de technicien en télévision à l’automne 2009 pour ensuite l’abolir en mai 2010. L’employeur savait au début du processus qu’il allait abolir le poste. Il n’aurait pas été logique de l’offrir comme étant un poste permanent, de le doter et, plus tard, de mettre à pied son titulaire.

30 L’employeur m’a renvoyé à : Canada (Procureur général) c. Brault, [1987] 2 R.C.S. 489; Estwick et Quintilio c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2006 CRTFP 14; Estwick c. Canada (Procureur général), 2007 CF 894; Leckie et al. v. Canada, [1993] 2 F.C. 473; Niagara Falls (City) v. Canadian Union of Public Employees, Local 133, (2010), 194 L.A.C. (4e) 189; Alliance de la Fonction publique du Canada c. Sénat du Canada, 2010 CRTFP 87; Alliance de la Fonction publique du Canada c. Sénat du Canada, 2011 CAF 214; Tuckett-Ready c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2011 CRTFP 125; University of Saskatchewan v. Canadian Union of Public Employees, (1997) 60 L.A.C. (4e) 404.

IV. Motifs

31 Dans son renvoi à la Commission, l’agent négociateur a déclaré que l’employeur avait enfreint les clauses 2.2 et 4.3.1 de la convention collective. À l’audience, l’agent négociateur a aussi déclaré que les décisions de l’employeur étaient ternies ou motivées par un sentiment antisyndical. Je me pencherai d’abord sur ces deux questions.

32 Aucune preuve n’a été produite à l’audience pour appuyer l’allégation selon laquelle l’employeur aurait enfreint la clause 4.3.1 de la convention collective. La clause prévoit qu’à tous les mois l’employeur doit fournir à l’agent négociateur un document contenant une série de détails sur les employés qui ont été embauchés, qui sont partis ou qui ont été transférés à l’intérieur ou à l’extérieur de l’unité de négociation. Je n’ai vu aucune preuve démontrant que ce document n’avait pas été transmis mensuellement. Par conséquent, l’employeur n’a pas enfreint la clause 4.3.1.

33 L’agent négociateur a fondé son argument selon lequel les décisions de l’employeur étaient empreintes d’un sentiment antisyndical sur le fait que, au moment où les décisions en question ont été prises, les techniciens en télévision venaient de gagner une longue bataille portant sur la classification. Aucun témoin n’a déclaré qu’il avait entendu l’employeur faire des commentaires antisyndicaux ou que les gestes passés de l’employeur étaient empreints d’un sentiment antisyndical. Aucun document n’a été soumis à l’audience pour appuyer directement ou indirectement cette théorie. La seule preuve qui a été avancée est que la décision quant à la reclassification avait été rendue peu avant que l’employeur décide de ne pas doter le poste de technicien en télévision comme étant un poste permanent.

34 Le fait que la reclassification précédait la décision de doter le poste pour une période déterminée ne prouve pas que la décision de l’employeur de nommer un employé embauché pour une période déterminée au troisième poste de technicien en télévision a été prise pour punir d’autres techniciens en télévision ou leur agent négociateur ou pour s’en prendre à eux. Sans aucun doute, plus de preuves sont nécessaires pour conclure que les décisions ou les gestes de l’employeur étaient empreints ou motivés par un sentiment antisyndical. Il doit y avoir un lien entre les faits prouvés et l’allégation, et ce n’est pas le cas ici.

35 L’allégation de violation de la clause 2.2 de la convention collective requiert une analyse plus détaillée.

36 L’employeur a fait valoir que le cadre juridique actuel lui donnait l’autorité de doter les postes et d’organiser le travail comme bon lui semble. Selon la jurisprudence qu’il a citée, il aurait l’autorité exclusive de fournir des fonds pour un poste, de déterminer les qualifications pour ce poste, d’afficher les postes à combler et de nommer des candidats à ces postes. Je suis d’accord avec cet argument. Le cadre juridique en question n’est pas le même que celui des secteurs privé et municipal ou celui de la fonction publique de certaines provinces. Presque toutes les affaires citées par l’agent négociateur proviennent de ces autres cadres juridiques et ne sont pas très utiles pour déterminer les obligations de l’employeur. Les cadres juridiques de la Chambre des communes et de la fonction publique fédérale sont moins souples en ce qui concerne ce qui peut être négocié ou inclus dans une convention collective.

37 Malgré ces restrictions, il n’en demeure pas moins que la clause 2.2 fait partie de la convention collective. Soit les parties se sont entendues sur cette clause, soit elle a été imposée par un conseil d’arbitrage. Dans tous les cas, il est certain qu’elle limite la flexibilité et les pouvoirs de l’employeur pour ce qui est de la dotation de postes permanents. La clause fait partie intégrante de la convention collective, et les parties sont tenues de la respecter.

38 L’employeur a soutenu que l’ETP pour le poste permanent de technicien en télévision n’existait plus, et qu’il ne pouvait être doté pour une période indéterminée. Par conséquent, il est d’avis que la clause 2.2 de la convention collective ne s’applique pas. Je conviens que la clause 2.2 ne s’applique pas s’il n’y a pas de poste permanent à combler. Cependant, selon la preuve, il y avait bien un poste pour une période permanent à doter pour la période mentionnée dans le renvoi à la Commission. En fait, selon la demande de dotation de l’employeur pour un poste de coordonnateur, il y avait toujours trois postes de technicien en télévision le 7 mai 2010.

39 En octobre 2009, Mme Hannah a dit à Mme Cyr que le troisième poste permanent de technicien en télévision serait offert à un employé nommé pour une période déterminée de façon à donner à l’employeur une plus grande souplesse pour décider si le nouvel employé convenait ou non pour le poste. La preuve de Mme Cyr n’a pas été contestée. Puis, en novembre 2009, l’employeur a annoncé qu’il allait procéder à une restructuration, mais qu’il ne savait pas encore quels changements allaient être apportés. Je conclus que le poste existait toujours, qu’il n’avait pas été aboli et qu’il était toujours permanent quand l’employeur a affiché le poste de technicien en télévision pour une durée déterminée à la fin octobre 2009. En fait, ce fût le cas jusqu’à un certain point en mai 2010.

40 La clause 2.2 de la convention collective part de la prémisse que les postes permanents doivent être dotés comme telle, mais elle accorde également à l’employeur une certaine marge de manœuvre en établissant des circonstances précises où des postes permanents peuvent être dotés pour une période déterminée. Il est clair selon moi que le poste n’a pas été doté pour une période déterminée pour l’une des raisons énumérées à la clause 2.2 de la convention collective, c’est-à-dire, notamment, pour respecter une exigence opérationnelle ou organisationnelle, pour remplacer une personne pendant un des congés mentionnés dans la convention collective, pour répondre à un besoin additionnel pendant une période occupée, pour un projet, un contrat ou une entente de services, en attendant qu’un poste vacant soit doté ou pour le remplacement temporaire d’un employé en affectation. Dans le cas présent, on a utilisé une nomination pour une période déterminée de façon à donner à l’employeur une plus grande souplesse pour décider si le nouvel employé convenait ou non ou pour réorganiser le travail à une date ultérieure. Dans tous les cas, ces raisons ne font pas partie des exceptions énumérées à la clause 2.2. Par ailleurs, contrairement à ce que l’employeur a écrit le 25 mai 2010, les fonctions associées à ce poste de technicien en télévision n’ont pas été transférées au poste de coordonnateur. Jusqu’à maintenant, soit près de deux ans plus tard, ces fonctions continuent d’être assumées par le technicien en télévision embauché pour une période déterminée. De plus, après la nomination du coordonnateur, l’employeur a renouvelé deux fois l’affectation de l’employé qui occupe, pour une période déterminée, le poste qui n’existe supposément plus.

41 L’employeur a le droit de réorganiser le travail et d’abolir des postes permanents. Toutefois, il doit toujours s’assurer de ne pas aller à l’encontre des lois et des conventions collectives, ce qu’il n’a pas fait ici. Selon la clause 2.2 de la convention collective, la réorganisation ne figure pas parmi les raisons pour lesquelles l’employeur peut doter un poste permanent avec un employé embauché pour une période déterminée. Par conséquent, l’employeur a enfreint la convention collective en affichant le poste de technicien en télévision comme étant un poste pour une période déterminée.

42 Cependant, comme le poste permanent de technicien en télévision n’existe plus au moment où je rends ma décision, je ne peux offrir d’autres réparations qu’une déclaration selon laquelle l’employeur a enfreint la convention collective. Il serait inutile que je demeure saisi de ce grief pour régler les difficultés liées à la mise en œuvre de l’ordonnance, comme l’a demandé l’agent négociateur.

43 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

44 L’employeur a enfreint la clause 2.2 de la convention collective.

Le 27 mars 2012

Traduction de la CRTFP

Renaud Paquet,
arbitre de grief

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