Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé a contesté son renvoi en cours de stage - l'employeur a soulevé une objection préliminaire concernant la compétence de l'arbitre de grief pour traiter le grief, en faisant valoir que l’article 211 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la << LRTFP >>) ne permet pas l'arbitrage de griefs concernant les licenciements visés par la Loi sur l’emploi dans la fonction publique - le fonctionnaire s’estimant lésé a soutenu qu’un arbitre de grief avait compétence car l’employeur avait agi de mauvaise foi- la preuve a étayé la constatation selon laquelle l’employeur avait un motif lié à l'emploi pour renvoyer le fonctionnaire s'estimant lésé en cours de stage - il a été argumentateur et irrespectueux envers ses collègues et son superviseur en plus d’avoir fait des remarques désobligeantes envers les femmes et les groupes minoritaires - la preuve a attesté l’absence de mauvaise foi, de ruse ou de supercherie - aucun élément ne permet de conclure que les plaintes présentées par le fonctionnaire s'estimant lésé à propos de son statut d’employé et de deux de ses superviseurs ont joué un rôle dans la décision de son renvoi en cours de stage - l’employeur a pris sa décision en se fondant sur de l’information provenant de plusieurs sources, et non pas, comme l’a prétendu le fonctionnaire s'estimant lésé, d'une seule personne, qui, de surcroît, ne l'estimait guère - il a émis des commentaires sexistes et liés au sexe, tel qu’il a été allégué, et les allégations n’étaient pas le fruit d'une conspiration - l’employeur a fait enquête sur les incidents allégués et le fonctionnaire s’estimant lésé a eu la possibilité de s’expliquer - l’employeur n’a pas agi envers lui de façon à l’empêcher de faire des progrès - l’article 211 de la LRTFP interdit que l’affaire du fonctionnaire s’estimant lésé ne soit entendue à l’arbitrage. Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2012-01-13
  • Dossier:  566-02-2737
  • Référence:  2012 CRTFP 5

Devant un arbitre de grief


ENTRE

TIMOTHY PARSONS

fonctionnaire s'estimant lésé

et

Administrateur général
(ministère de la Défense nationale)

défendeur

Répertorié
Parsons c. Administrateur général (ministère de la Défense nationale)

Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Deborah M. Howes, commissaire

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Debra Seaboyer et le fonctionnaire s’estimant lésé

Pour l'employeur:
Karen Clifford, avocate; Mandy Hanlon

Affaire entendue à Winnipeg (Manitoba),
du 15 au 17 juin 2010 et le 17 août 2010.
(Traduction de la CRTFP)

Demande devant la Commission

1 Timothy Parsons, le fonctionnaire s´estimant lésé (le « fonctionnaire »), travaillait pour le ministère de la Défense nationale (le « Ministère ») dans les cuisines à la BFC de Shilo, au Manitoba, jusqu´au 19 juin 2005. Il a contesté son renvoi en cours de stage. Il a renvoyé son grief à l´arbitrage en vertu de l´alinéa 209(1)b) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la « Loi »). Il demande sa réintégration à un poste d´une durée indéterminée sans effectuer une période de stage.

2 Le Ministère a soulevé une objection préliminaire concernant la compétence de l´arbitre de grief d´instruire le grief. Il a soutenu que l´article 211 de la Loi interdit le renvoi à l´arbitrage d´un grief portant sur un licenciement prévu sous le régime de la Loi sur l´emploi dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22 (la « LEFP »).

3 Le fonctionnaire et son agent négociateur, l´Alliance de la Fonction publique du Canada, ont soutenu que l´arbitre de grief avait compétence parce que le Ministère avait agi de mauvaise foi lorsqu´il a décidé de renvoyer le fonctionnaire en cours de stage. L´agent négociateur a concédé que l´établissement de la mauvaise foi ou du recours à une supercherie par l´employeur était un fardeau lourd.

4 La présente décision ne dispose que de l´objection préliminaire à savoir si l´arbitre de grief soussignée a compétence pour instruire le grief sur le fond. Bien que j´aie déjà entendu le grief sur le fond, puisque les fondements du grief étaient liés aux arguments présentés au soutien de l´objection préliminaire, ma décision quant au sort de cette dernière fait en sorte qu´il n´est plus nécessaire d´instruire le grief sur le fond.

Résumé de l´argumentation

5 Le fonctionnaire nie s´être comporté de la manière alléguée par le Ministère. Il fait valoir qu´il a été congédié après plusieurs années d´emploi parce que ses supérieurs n´appréciaient pas qu´il ait déposé une plainte relativement au processus de nomination. Il croit que sa plainte lui a valu de recevoir une offre de nomination à un poste d´une durée indéterminée, mais que cela aurait ensuite été utilisé contre lui parce qu´il avait eu l´audace de se plaindre au Ministère au sujet de son statut d´employé nommé pour une durée indéterminée. Il demande que je conclue que le Ministère a agi de mauvaise foi en mettant fin à son emploi, ce qui serait de ma compétence, et alors je serais habilitée à instruire le grief sur le fond. Les détails des allégations de mauvaise foi et du recours à une supercherie ou une ruse s´articulent notamment comme suit :

  • Recours à des représailles parce que le fonctionnaire avait déposé une plainte au sujet de son statut, obligeant l´employeur à lui accorder un statut d´employé nommé pour une durée indéterminée.
  • Recours à de l´information provenant d´une seule source, notamment un supérieur immédiat qui n´aimait pas le fonctionnaire.
  • Conspiration afin d´établir que le fonctionnaire aurait fait des commentaires à caractère sexiste ou racial lors d´un cours en communications.
  • Conspiration impliquant la superviseure civile du fonctionnaire à travers la chaîne de commandement militaire jusqu´au niveau d´un major, dans le but de congédier le fonctionnaire comme représailles au dépôt d´une plainte par le fonctionnaire contre un sergent et un adjudant.
  • Défaut du Ministère de procéder à une enquête approfondie au sujet des gestes reprochés ou d´obtenir la version du fonctionnaire à cet égard.
  • Avoir traité le fonctionnaire d´une manière telle qu´il lui était impossible de progresser.

6 Au soutien de son argumentation, le fonctionnaire me renvoie aux trois décisions suivantes :

  • McMorrow c. Conseil du Trésor (Anciens combattants Canada), dossier de la CRTFP 166-02-23967 (19931119)
  • Dhaliwal c. Conseil du Trésor (Solliciteur général Canada – Service correctionnel), 2004 CRTFP 109
  • Melanson c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2009 CRTFP 33

7 Le Ministère soutient que le fonctionnaire était un employé en stage probatoire et a jugé qu´il n´était pas apte à occuper un emploi continu au sein du Ministère. Le Ministère a renvoyé le fonctionnaire en cours de stage pour des motifs liés à l´emploi. Par conséquent, je ne devrais pas instruire le grief sur le fond. Le fonctionnaire a agi de façon inappropriée envers sa superviseure et aussi d´autres personnes, et il a formulé des commentaires à caractère sexiste et racial. Ces deux actions de sa part constituent des comportements qui contreviennent notamment au Code de valeurs et d´éthique de la fonction publique (le « Code »). Le Ministère soutient de plus que le présent cas nécessite que j´évalue la crédibilité des témoins en appréciant la preuve présentée au soutien des arguments invoqués des deux parties. Au soutien de son argumentation, le Ministère invoque les 17 cas suivants :

  • Faryna v. Chorney, [1952] 2 D.L.R. 354
  • Bilton c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2010 CRTFP 39
  • Raveendran c. Bureau du surintendant des institutions financières, 2009 CRTFP 116
  • Rousseau c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2009 CRTFP 91
  • Melanson c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2009 CRTFP 33
  • Ondo-Mvondo c. Administrateur général (ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux), 2009 CRTFP 52
  • Dalen c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2006 CRTFP 73
  • Wright c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2005 CRTFP 139
  • Rai c. Administrateur général (Agence des services frontaliers du Canada), 2010 CRTFP 54
  • Kagimbi c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2010 CRTFP 67
  • Boyce c. Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale), 2004 CRTFP 39
  • Lundin c. Agence des douanes et du revenu du Canada, 2004 CRTFP 167
  • Owens c. Conseil du Trésor (Gendarmerie royale du Canada), 2003 CRTFP 33
  • Canada c. Leonarduzzi, 2001 CFPI 529
  • Altwasser v. Canada, [1993] F.C.J. No. 495 (QL) (C.A.)
  • Canada (Procureur général) c. Penner, [1989]3 C.F. 429 (C.A.)
  • Jacmain c. Canada (Procureur général), [1978] 2 R.C.S. 15.

Motifs

Cadre législatif et jurisprudentiel

8 L´alinéa 209(1)b) de la Loi énonce la compétence d´un arbitre de grief. Le fonctionnaire s´est fondé sur cet alinéa pour renvoyer son grief à l´arbitrage. L´alinéa 209(1)b) se lit comme suit :

209. (1) Après l´avoir porté jusqu´au dernier palier de la procédure applicable sans avoir obtenu satisfaction, le fonctionnaire peut renvoyer à l´arbitrage tout grief individuel portant sur

[…]

b) soit une mesure disciplinaire entraînant le licenciement, la rétrogradation, la suspension ou une sanction pécuniaire […]

9 Or, l´article 211 de la Loi interdit au fonctionnaire de renvoyer à l´arbitrage un grief individuel portant sur tout licenciement prévu sous le régime de la LEFP. L´article 211 se lit comme suit :

211. L´article 209 n´a pas pour effet de permettre le renvoi à l´arbitrage d´un grief individuel portant sur :

a) soit tout licenciement prévu sous le régime de la Loi sur l´emploi dans la fonction publique […]

10 En vertu des articles 61 et 62 de la LEFP, l´employeur peut imposer une période de stage à un fonctionnaire et également mettre fin à l´emploi du fonctionnaire en cours de stage. Ces articles se lisent respectivement comme suit :

61. (1) La personne nommée par nomination externe est considérée comme stagiaire pendant la période :

a) fixée, pour la catégorie de fonctionnaires dont elle fait partie, par règlement du Conseil du Trésor dans le cas d´une administration figurant aux annexes I ou IV de la Loi sur la gestion des finances publiques

b) fixée, pour la catégorie de fonctionnaires dont elle fait partie, par l´organisme distinct en cause dans le cas d´un organisme distinct dans lequel les nominations relèvent exclusivement de la Commission.

Précision

(2) Une nouvelle nomination ou une mutation n´interrompt pas la période de stage.

Renvoi

62. (1) À tout moment au cours de la période de stage, l´administrateur général peut aviser le fonctionnaire de son intention de mettre fin à son emploi au terme du délai de préavis :

a) fixé, pour la catégorie de fonctionnaires dont il fait partie, par règlement du Conseil du Trésor dans le cas d´une administration figurant aux annexes I ou IV de la Loi sur la gestion des finances publiques;

b) fixé, pour la catégorie de fonctionnaires dont il fait partie, par l´organisme distinct en cause dans le cas d´un organisme distinct dans lequel les nominations relèvent exclusivement de la Commission.

Le fonctionnaire perd sa qualité de fonctionnaire au terme de ce délai.

Indemnité tenant lieu de préavis

(2) Au lieu de donner l´avis prévu au paragraphe (1), l´administrateur général peut aviser le fonctionnaire de la cessation de son emploi et du fait qu´une indemnité équivalant au salaire auquel il aurait eu droit au cours de la période de préavis lui sera versée. Le fonctionnaire perd sa qualité de fonctionnaire à la date fixée par l´administrateur général.

11 Les dispositions de l´article 211 de la Loi ont été interprétées à maintes reprises par les arbitres de grief et la Cour fédérale. Les cas cités par les parties passent en revue l´ensemble de la jurisprudence pertinente et résument les éléments essentiels des cas. Je ne répéterai pas ici l´exercice d´examen de la jurisprudence tel que l´ont déjà fait des arbitres de grief par le passé, mais je fais miennes les conclusions et analyses contenues dans ces cas et me fonde sur celles-ci.

12 Ces cas énoncent deux principes juridiques qui s´appliquent à l´appréciation par l´arbitre de grief de sa compétence, et ces deux principes s´appliquent au présent cas :

  1. En premier lieu, l´arbitre de grief doit déterminer si le licenciement est fondé sur des motifs liés à l´emploi. L´employeur a simplement à présenter une preuve crédible à savoir que le renvoi en cours de stage était fondé sur des motifs liés à l´emploi ou qu´il était insatisfait du rendement au travail de l´employé; il n´a pas à établir un motif valable.
  2. Ensuite, l´arbitre de grief doit vérifier si l´employeur a utilisé le fait que le fonctionnaire était en stage probatoire comme supercherie ou camouflage afin de cacher ses véritables motifs pour licencier le fonctionnaire. Il incombe au fonctionnaire de s´acquitter du fardeau juridique d´établir que la décision de l´employeur de le licencier n´était pas fondée sur des motifs liés à l´emploi, mais plutôt que le renvoi était une supercherie ou du camouflage ou un geste de mauvaise foi. Ce fardeau impose au fonctionnaire une très lourde charge à relever afin de démontrer que le renvoi n´était pas fondé sur des motifs liés à l´emploi.

Est-ce que le licenciement était fondé sur un motif lié à l´emploi?

13 La preuve soutient de manière incontestable que le renvoi par le Ministère du fonctionnaire en cours de stage était fondé sur un motif lié à l´emploi. J´ai reçu 36 pièces à l´appui, notamment l´offre d´emploi, la lettre de licenciement, des évaluations de rendement, des courriels, des notes personnelles, la plainte déposée en 2004 par le fonctionnaire, ainsi que des documents faisant état de divers événements et de normes. Le Ministère a cité trois témoins à comparaître; le fonctionnaire a fait de même.

14 Les avocats des deux parties m´ont invitée à évaluer la crédibilité des témoins. En appréciant les témoignages, je n´ai pas cru bon de formuler des commentaires au sujet de la crédibilité des témoignages en tant que tel. L´audience a eu lieu plusieurs années après les événements en cause. Le fonctionnaire et les témoins qu´il a cités ont témoigné en se fiant à leur mémoire. Ils n´avaient pas pris des notes et n´ont pas non plus témoigné en se fiant à des notes qui auraient été prises à l´époque des événements, et il était à prévoir que leur remémoration des événements serait moins détaillée que s´ils avaient pu se fier à des notes ou à d´autres documents pour les aider à témoigner. Les témoins du Ministère ont témoigné en ayant en mains les lettres, les courriels et les déclarations obtenues en faisant enquête au sujet de certains des événements en cause et, en ce qui a trait à l´un des témoins, à l´aide de notes prises à l´époque de ces événements. Le Ministère était au courant depuis juin 2005 du grief; je m´attendrais effectivement à ce qu´il sache qu´il devait conserver les documents pertinents à cet égard. Pour un grand nombre des principaux événements ou en ce qui a trait aux principales déclarations mettant en cause le fonctionnaire, les témoins du Ministère ont présenté des renseignements détaillés, alors que le fonctionnaire ne pouvait se souvenir des détails concernant certains événements ni même parfois que ces événements se soient effectivement produits de la manière décrite par les témoins. Par conséquent, lorsqu´il y avait des divergences relativement à des éléments de preuve (la plupart du temps, ce n´était pas autant une question de tenter de concilier des versions divergentes, mais plutôt de composer avec les négations du fonctionnaire ou ses trous de mémoire), je me suis fondée sur les renseignements détaillés fournis par les témoins du Ministère lorsqu´elles s´appuyaient sur des preuves documentaires. J´aborderai maintenant les constatations quant aux faits pertinentes à mes conclusions.

15 Le fonctionnaire a travaillé pour le Ministère pendant une période de 16 ans, au cours de laquelle il a occupé tantôt des postes à titre d´employé occasionnel, des postes de durée déterminée et, à la fin, un poste de durée indéterminée. Il a été affecté à diverses fonctions dans la cuisine, la plus récente à titre d´aide de cuisine. Le 30 juin 2004, il a été nommé à un poste de durée déterminée pour la période du 15 juillet 2004 au 14 décembre 2004, en étant assujetti à une période probatoire de 12 mois. Le 13 décembre 2004, le fonctionnaire a été nommé à un poste de durée indéterminée, la période probatoire devant alors se poursuivre jusqu´au 14 juillet 2005.

16 Le 19 mai 2005, le major T. E. Hall a renvoyé le fonctionnaire en cours de stage, invoquant les motifs suivants :

[Traduction]

[…]

2. Cette mesure est rendue nécessaire en raison de votre conduite répréhensible, de votre incompatibilité avec vos collègues et des clients, et votre refus continu de corriger votre conduite malgré les conseils qui vous ont été fournis. La direction a tenté à plusieurs reprises au cours des cinq derniers mois de vous fournir de la formation, des conseils et de l´aide afin d´améliorer votre rendement au travail, mais en vain.

17 Certaines des doléances au sujet de la conduite du fonctionnaire et de son aptitude à exercer ses fonctions ont été formulées par Lillian Hollett, la superviseure civile du fonctionnaire, qui avait commencé à travailler à la BFC de Shilo en septembre 2004. Elle possédait alors plus de 20 années d´expérience, sans toutefois avoir préalablement travaillé avec le fonctionnaire. Mme Hollett était chargée de superviser le travail de quelques employés qui n´avaient pas eu de superviseur civil depuis plusieurs années. Elle relevait de ses supérieurs à travers la chaîne de commandement militaire, notamment d´un sergent, puis d´un adjudant, d´un adjudant-maître, d´un capitaine, d´un lieutenant, et d´un major.

18 Mme Hollett estimait que le fonctionnaire était un bon travaillant, possédant de bonnes aptitudes à la cuisine, assidu, et faisant preuve d´une certaine autonomie dans la façon d´accomplir certaines des tâches. Elle n´a pas participé à la décision de lui offrir un poste de durée indéterminée. Dans ses fonctions de superviseure, elle notait les divers événements ou incidents pouvant se produire dans la cuisine. Elle a relevé un certain nombre d´incidents dans lesquels le fonctionnaire était en cause. En tenant compte tant du témoignage de Mme Hollett que du témoignage du fonctionnaire relativement à ces événements, il m´apparaît que le témoignage de Mme Hollett était plus détaillé et s´appuyait sur des notes prises à l´époque des événements. Je conclus que les événements suivants se sont produits tels que la superviseure du fonctionnaire les a notés :

  • Le 26 novembre 2004, le fonctionnaire a haussé le ton en s´adressant à Mme Hollett et s´est excusé par la suite. L´incident s´est produit en raison d´un désaccord au sujet de la taille des portions de dessert. L´incident a résulté en une rencontre avec l´adjudant et le sergent, au cours de laquelle l´autorité hiérarchique a été précisée et le fonctionnaire avisé de ne pas s´intéresser aux conversations qui ne le concernaient pas. La journée même, au cours d´une réunion entre Mme Hollett et les employés de la cuisine, le fonctionnaire a exprimé ses doléances au sujet du cheminement des communications à partir de la direction jusqu´aux employés.
  • Le 11 janvier 2005, deux employés occasionnels ont signalé que le fonctionnaire les surveillait, et ce dernier leur a dit qu´il les surveillait. Le 14 janvier 2005, le lieutenant Godin, en présence de Mme Hollett, a averti le fonctionnaire que son rôle n´était pas de surveiller les autres employés.
  • Le 20 janvier 2005, Mme Hollett a enquêté au sujet d´une perturbation survenue entre le fonctionnaire et un employé de sexe féminin. Mme Hollett a averti le fonctionnaire de ne pas donner des directives aux autres employés; elle a discuté avec les autres employés au sujet de ses interactions avec ces derniers, et a ensuite averti le fonctionnaire de ne pas s´en prendre à cette employée parce qu´elle ne composait pas avec le stress de la même manière que lui. Le fonctionnaire lui a répondu [traduction] « vous, les femmes, vous êtes toutes pareilles ». Mme Hollett l´a averti que son commentaire était déplacé. Elle l´a averti qu´un jour ses paroles déplacées lui causeraient des problèmes. Il a reconnu avoir effectivement été averti à cet égard.
  • Le 28 janvier 2005, le fonctionnaire s´est disputé avec Mme Hollett et a élevé la voix en s´adressant à celle-ci alors qu´elle s´éloignait de lui, et a continué à lui parler sur le même ton alors qu´elle était rendue de l´autre côté de la salle. L´incident a commencé lorsque le fonctionnaire lui a demandé qui avait le droit d´utiliser le télécopieur; il disait qu´il posait la question de la part d´un autre employé. De plus, il l´a accusée de ne pas avoir affiché un avis de concours qui concernait aussi cet autre employé. Des personnes qui dînaient et d´autres employés étaient présents alors que le fonctionnaire élevait la voix. Mme Hollett s´est sentie dans l´embarras en raison du comportement du fonctionnaire et y a vu un manque de professionnalisme de la part de ce dernier. Le fonctionnaire ne s´est pas excusé.
  • Le 1er février 2005, le fonctionnaire s´est disputé avec Mme Hollett à propos de l´affichage de l´horaire des quarts de travail. Le chef cuisinier Barley a enquêté sur l´incident et a conclu que la dispute était le résultat d´un manque de communication.

19 Le 1er mars 2005, Mme Hollett et le lieutenant Godin ont rédigé un rapport d´étape sur la période probatoire du fonctionnaire. Dans son évaluation, Mme Hollett estime que le fonctionnaire ne satisfait pas aux exigences du poste et doit s´améliorer au niveau de ses rapports interpersonnels au travail, de sa souplesse et de sa capacité de s´adapter aux situations, de ses communications verbales, et de son rendement en général. Voici un extrait de leurs commentaires à cet égard :

[Traduction]

[…] Il a argumenté et a agi de manière irrespectueuse à l´égard de ses collègues de travail et de sa superviseure. Il s´est également disputé avec sa superviseure et a crié à son endroit devant d´autres employés et des clients, et ce à plusieurs occasions. Il a reçu des conseils au sujet de ses manquements.

[…] a dû participer à une formation de sensibilisation en matière de harcèlement et a souvent été mis en garde au sujet de son comportement inapproprié. Il aura jusqu´au 31 mars 2005 pour démontrer une amélioration notable au niveau de son comportement. Il devra participer à une formation en communications les 2 et 3 mars 2005 pour l´aider à améliorer ses compétences en matière de relations interpersonnelles.

Le 12 mai 2005, le lieutenant Godin a rédigé un deuxième rapport d´étape, dont les constatations étaient similaires.

20 D´autres personnes avaient des doléances au sujet du comportement du fonctionnaire et en ont fait part aux supérieurs du fonctionnaire. Le fonctionnaire a participé à une formation en communications les 2 et 3 mars 2005. La formatrice, Mme McFarlane, de même qu´une participante, une conseillère en ressources humaines (Mme McCutcheon), se sont dites préoccupées du comportement du fonctionnaire pendant le cours. (Mme McCutcheon a signalé les incidents en cause, mais n´a pas témoigné lors de l´audience.)

21 Durant la formation, Mme McFarlane a entendu le fonctionnaire proférer des commentaires désobligeants au sujet des femmes et des groupes minoritaires, des commentaires du genre [traduction] « les femmes méritent qu´on se prosterne devant elles », « les femmes sont comme des déesses », « les femmes sont bien meilleures que les hommes », etc. Elle trouvait que ses commentaires à propos des femmes démontraient une révérence des femmes qui allait au-delà de l´admiration; ces commentaires la rendaient mal à l´aise. Elle a aussi constaté que d´autres participants avaient manifesté des réactions verbales et physiques à l´égard des commentaires du fonctionnaire. Elle lui a demandé de ne pas voir les exercices ou le cours comme étant fondé sur des différences de sexe. Elle estimait que ses commentaires ne véhiculaient pas les valeurs de la fonction publique.

22 Un des exercices consistait à présenter divers types de styles décisionnels; les participants devaient désigner des employés devant participer à un voyage. Le fonctionnaire a dit qu´il n´enverrait pas en voyage des employés aux origines moyen-orientales parce qu´ils auraient des problèmes à passer les contrôles de sécurité. Elle estimait que ces commentaires ne représentaient pas les valeurs de la fonction publique et a averti le fonctionnaire qu´il ne devait pas faire référence à des motifs ayant trait au sexe, à la race ou à d´autres droits de la personne. Il semblait inconscient des conséquences de sa conduite et n´a pas changé les modalités de ses références.

23 Le lieutenant Godin a fait enquête au sujet de la conduite du fonctionnaire durant le cours et a conclu qu´il avait fait des commentaires à caractère sexiste et racial et avait également pris des décisions dans le cadre des exercices en se fondant sur des considérations d´ordre sexiste et ethnique. Le 13 avril 2005, le lieutenant Godin a rencontré le fonctionnaire et son représentant de l´agent négociateur afin d´informer le fonctionnaire de la recommandation de mettre fin à son stage et de discuter de certains des comportements du fonctionnaire. Ils ont discuté de ses divers écarts de conduite, notamment de ceux ayant eu lieu durant le cours. Le fonctionnaire a prétendu que le lieutenant Godin mentait, a nié les allégations et a affirmé que quelqu´un d´autre avait formulé ces commentaires durant le cours. Le fonctionnaire estimait qu´on ne lui avait pas donné l´occasion de s´expliquer au sujet de ses commentaires. Lorsque le lieutenant Godin lui a offert l´occasion de s´expliquer, le fonctionnaire s´est mis en colère, a concentré son attention sur l´identité des personnes ayant rapporté ce qui s´était produit, et a accusé le lieutenant Godin de le juger sans le connaître.

24 Après avoir reçu les renseignements de ses subordonnés et avoir lu la documentation au dossier à ce sujet, le major Hall a rencontré le fonctionnaire au mois de mai 2005 avant de prendre sa décision au sujet de l´emploi du fonctionnaire. Ce dernier était présent et accompagné de son représentant de l´agent négociateur. Lorsque le major Hall a soulevé la question des commentaires faits durant le cours de formation au mois de mars 2005, le fonctionnaire a dit [traduction] « les gens de couleur, ils ne sont pas comme nous ». [Le représentant de l´agent négociateur et le fonctionnaire ne se rappelaient pas de cette remarque, mais le major Hall s´en souvenait clairement, ce que j´accepte.] Le major Hall a observé qu´il trouvait que le fonctionnaire agissait comme s´il croyait ses propres commentaires et ne manifestait aucun remords ni d´introspection quant à sa conduite inappropriée.

25 Le major Hall était au courant des attentes du Ministère, notamment en ce que les fonctionnaires devaient se conformer aux dispositions du Code, de l´Ordonnance administrative des Forces canadiennes sur le comportement raciste et de l´Ordonnance administrative du personnel civil sur les normes de conduite. Il a fait état du fait que le Ministère ne tolérait pas le fait qu´un fonctionnaire lève le ton, crie à l´intention d´un superviseur, ou formule des commentaires à caractère sexiste ou raciste. Le major Hall a trouvé tout à fait inapproprié le comportement du fonctionnaire envers le lieutenant Godin, dans le cadre de son enquête au sujet de l´incident survenu pendant le cours. Aux yeux du major Hall, les qualités personnelles d´un employé affecté à la cuisine étaient importantes, en raison des tâches répétitives à effectuer, du travail monotone et de la proximité des collègues de travail. Il considérait que cela était nécessaire pour assurer que les employés s´entendent bien entre eux.

26 Tout compte fait, le major Hall a conclu que le fonctionnaire manifestait un mode de fonctionnement caractérisé par des comportements inappropriés et des problèmes de communication. Le 12 mai 2005, il a décidé, avec le concours du commandant de la base, de mettre fin à l´emploi du fonctionnaire en cours de stage.

Application des principes législatifs et jurisprudentiels à la décision de licenciement

27 Le Ministère doit prouver que le renvoi du fonctionnaire en cours de stage était fondé sur un motif crédible lié à l´emploi. Il ne s´agit pas ici d´un cas de congédiement fondé sur un motif valable. Il n´incombe pas au Ministère d´établir selon la prépondérance des probabilités qu´il existait un motif valable justifiant le licenciement du fonctionnaire. Mon rôle à titre d´arbitre de grief ne consiste pas à substituer ma décision à celle de l´employeur; mon rôle consiste à examiner la preuve présentée au soutien des motifs sur lesquels se fonde le licenciement et de l´apprécier en fonction des exigences relatives aux motifs liés à l´emploi justifiant le licenciement.

28 Le fait que le fonctionnaire était alors en période probatoire n´a pas été contesté. La preuve et les conclusions de fait auxquelles je suis arrivée à partir de la preuve mènent à conclure de manière sans équivoque que le Ministère s´est acquitté de son fardeau; il avait un motif lié à l´emploi permettant de fonder sa décision de renvoyer le fonctionnaire en cours de stage. Le fait de crier à son superviseur est un motif lié à l´emploi. Le fait de traiter un supérieur de menteur est un motif lié à l´emploi, tout comme le fait de se mettre en colère contre un supérieur. Le fait de formuler des commentaires à caractère sexiste ou raciste est également un motif lié à l´emploi. J´aborderai maintenant les allégations de mauvaise foi ou de recours à une supercherie par le Ministère.

Est-ce que le Ministère a utilisé le stage probatoire dans le cadre d´une supercherie ou d´un camouflage?

29 Le fonctionnaire soutient que la décision du Ministère et les motifs qu´il a invoqués étaient une supercherie, une ruse ou empreints de mauvaise foi. Je conclus que la preuve ne justifie pas d´en arriver aux conclusions auxquelles le fonctionnaire m´invite à souscrire. La preuve n´établit pas qu´il y ait eu mauvaise foi, supercherie ou ruse. Il m´apparaît plutôt que les motifs invoqués par le fonctionnaire reposent davantage sur une analyse axée sur des motifs valables pouvant justifier le licenciement. Comme je l´ai mentionné précédemment, je n´applique pas l´analyse axée sur des motifs valables, et je ne suis pas habilitée à substituer ma décision à celle du Ministère, celui-ci étant présumé avoir agi de bonne foi si sa décision de licencier le fonctionnaire était effectivement fondée sur un motif lié à l´emploi. Le fonctionnaire avait le fardeau de présenter une preuve suffisante afin d´établir qu´il était davantage probable que le Ministère avait un autre motif pour licencier le fonctionnaire que celui mentionné dans la lettre de licenciement.

30 Je vais maintenant traiter des faits fondant les allégations de mauvaise foi ou de supercherie soulevés par le fonctionnaire, en commençant par ce qui suit :

Recours à des représailles parce que le fonctionnaire avait déposé une plainte au sujet de son statut, obligeant l´employeur à lui accorder un statut d´employé nommé pour une durée indéterminée.

31 Il n´a pas été établi en preuve que le fonctionnaire a obtenu son poste de durée indéterminée en raison du fait qu´il a déposé une plainte ni de représailles du fait qu´il a déposé cette plainte. Trois faits m´amènent à rejeter cette allégation.

32 Tout d´abord, le fonctionnaire n´a pas demandé sa nomination à un poste de durée indéterminée à titre de mesure de redressement dans le cadre de sa plainte, et donc il est difficile d´établir un lien entre sa plainte et sa nomination à un poste de durée indéterminée. Le 2 décembre 2004, le fonctionnaire a déposé une plainte fondée sur le motif qu´il estimait [traduction] « que ses qualités personnelles seraient remises en cause dans l´éventualité d´un emploi ultérieur ». Son poste de durée déterminée devait prendre fin le 14 décembre 2004, ce qu´il savait ayant reçu un préavis à cet égard le 12 novembre 2004. Les mesures de redressement qu´il demandait dans sa plainte consistaient notamment en une reconnaissance par le Ministère de ses actes répréhensibles, la cessation par celui-ci de l´utilisation de quatre événements particuliers dans le cadre de ses évaluations de rendement ultérieures, et l´amélioration de son milieu de travail. Les incidents dont il est question dans sa plainte sont les suivants :

  • Un incident à la caisse au sujet des modalités de perception des paiements, opposant le fonctionnaire à l´adjudant, et lors duquel le fonctionnaire affirme que sa façon de faire avait éventuellement été reconnue comme étant la bonne, mais sans qu´on ne lui offre des excuses à ce propos.
  • Le 26 novembre 2004, le fonctionnaire a haussé le ton en s´adressant à Mme Hollett et s´est excusé par la suite. L´incident s´est produit en raison d´un désaccord au sujet de la taille des portions de dessert.
  • Une rencontre avec l´adjudant à la suite de cet incident le 26 novembre 2004, à l´occasion de laquelle l´adjudant a formulé des commentaires blessants et choquants envers le fonctionnaire.
  • Le 1er décembre 2004, lorsque le sergent a donné des instructions sur les modalités d´utilisation de la caisse en laissant entendre que le fonctionnaire pouvait voler de l´argent de la caisse.

33 Ensuite, le major Hall, celui qui a pris la décision d´accorder au fonctionnaire le statut d´employé occupant un poste de durée indéterminée, l´avait fait, car il jugeait que le fonctionnaire y était admissible, le poste était ouvert, et il lui semblait équitable de procéder ainsi. Il était au courant de la plainte et l´avait acheminée à la personne chargée de la traiter conformément à la politique à cet égard. Il a témoigné qu´il n´avait pas été influencé par l´existence de cette plainte. Aucun élément de la preuve n´a soulevé quelque doute au sujet du témoignage du major Hall. Si le major Hall n´a pas été forcé (par la plainte) de lui accorder le statut d´employé à un poste d´une durée indéterminée, il est peu probable qu´il ait voulu exercer des représailles pour quelque chose qui ne le visait pas.

34 Enfin, lors de la rencontre du fonctionnaire avec le major Hall en mai 2005, le fonctionnaire a fait un commentaire à caractère racial, contrevenant ainsi à la politique de tolérance zéro du Ministère à cet égard. Son comportement faisait de nouveau la démonstration de ce que le major Hall avait appris par ailleurs de ses sources administratives. Cela constituait un motif lié à l´emploi suffisant pour mettre fin à la période probatoire du fonctionnaire, sans qu´il ait à considérer de quelque manière l´existence de la plainte.

35 Le fonctionnaire a ensuite allégué ce qui suit :

Recours à des renseignements provenant d´une seule source, notamment un supérieur immédiat qui n´aimait pas le fonctionnaire.

36 Mme Hollett est arrivée en septembre 2004 et n´avait jamais travaillé avec le fonctionnaire auparavant. Les employés lui ont réservé un accueil mitigé; elle savait pertinemment qu´ils n´avaient pas eu de superviseur civil depuis plusieurs années. Elle était membre de la même unité de négociation que le fonctionnaire et avait peu d´autorité à l´égard des employés. Elle donnait son avis et des conseils aux employés et tentait de résoudre les problèmes pouvant survenir dans leur milieu de travail. Si cela ne suffisait pas, elle s´en remettait à la chaîne de commandement du Ministère pour résoudre le problème. Elle n´avait rien à dire quant à l´obtention par le fonctionnaire de sa nomination à un poste de durée indéterminée ni la décision de mettre fin à son stage. Elle avait effectivement formulé des commentaires dans le cadre de l´évaluation du rendement du fonctionnaire pendant sa période probatoire au début de l´année 2005, mais la décision finale quant au contenu de l´évaluation et aux conséquences de celle-ci ne lui incombait pas. Mme Hollett a fait part de ses préoccupations et a signalé les incidents mettant en cause le comportement du fonctionnaire, mais a également fait part de ses forces. Plusieurs préoccupations de Mme Hollett avaient été étudiées ou avaient fait l´objet d´une enquête de la part de ses supérieurs, ce qui était venu ajouter un complément d´information à cet égard.

37 Le major Hall a décidé d´accorder au fonctionnaire le statut d´employé à un poste de durée indéterminée et a par la suite mis fin à son emploi. Le major Hall a obtenu de l´information au sujet du fonctionnaire d´au moins quatre sources autres que Mme Hollett. Elle n´était pas la source unique de l´information qu´il recevait. La preuve de l´allégation n´a pas été établie.

38 Le fonctionnaire a ensuite allégué ce qui suit :

Conspiration afin d´établir que le fonctionnaire aurait fait des commentaires à caractère sexiste ou racial lors d´un cours en communications.

39 Le témoignage du fonctionnaire confirme qu´il avait fait des commentaires à caractère racial durant le cours du mois de mars 2005, bien qu´il ait cette fois fourni des explications au sujet de ses commentaires. Il a exhibé un dessin qu´il avait fait à l´occasion de ce cours et affirmé qu´il avait utilisé ce dessin afin de se présenter aux autres participants. Le dessin le montre en position prosternée devant une femme assise sur un trône. Il s´agit d´une référence à caractère sexiste. L´animatrice du cours s´est sentie mal à l´aise. Il nie avoir fait d´autres références à caractère sexiste, sauf que la prépondérance de la preuve contredit ses dires. M. Kroeger, un témoin cité par le fonctionnaire et qui avait participé au même cours que lui, ne lui fut d´aucun secours, puisqu´il n´était pas dans le même petit groupe que le fonctionnaire durant le cours, ne se souvenait pas de l´introduction du fonctionnaire au cours de laquelle il aurait exhibé le dessin ou, du moins, n´avait pas entendu les commentaires en cause, il n´était pas présent en tout temps avec le fonctionnaire, et il n´avait pas entendu toutes les interactions entre le fonctionnaire et l´animatrice du cours. Par contre, Mme McFarlane se rappelait très bien du comportement du fonctionnaire et de ses réactions à cette époque, et les documents obtenus dans le cadre de l´enquête du Ministère à ce sujet concordent avec sa version verbale des événements. Les renseignements obtenus par le lieutenant Godin et sur lesquels le major Hall s´est fondé provenaient de Mme McFarlane et du fonctionnaire. Il n´y a aucune preuve d´une conspiration quelconque.

40 L´allégation suivante du fonctionnaire se lit comme suit :

Conspiration impliquant la superviseure civile du fonctionnaire à travers la chaîne de commandement militaire jusqu´au niveau d´un major, dans le but de congédier le fonctionnaire comme représailles au dépôt d´une plainte par le fonctionnaire contre un sergent et un adjudant.

41 Il n´y a aucune preuve de conspiration, outre l´allégation du fonctionnaire quant à l´existence d´une telle conspiration. La chaîne de commandement était constituée d´au moins cinq individus; chacun de ces individus a eu à traiter avec le fonctionnaire à des moments différents. Alors que le fonctionnaire continuait à occuper ses fonctions au cours du mois de janvier 2005, Mme Hollett, le lieutenant Godin, le capitaine Keenan et le major Hall ont eu les interactions les plus importantes avec le fonctionnaire. Ces trois derniers officiers ne sont toutefois pas nommés dans la plainte du fonctionnaire et il n´y a aucune preuve voulant que leurs actions aient été motivées par l´existence de cette plainte. Par ailleurs, Mme Hollett n´était pas au courant de l´existence de cette plainte.

42 Je suis également convaincue du fait que le major Hall ait relevé les défaillances ayant trait à l´une des personnes nommées dans la plainte déposée par le fonctionnaire, ce qui soutient également la conclusion à savoir que la plainte du fonctionnaire n´a eu aucune incidence sur la décision de mettre fin à l´emploi du fonctionnaire. En effet, je pense qu´il serait improbable que le major Hall critique la source de l´information sur laquelle il s´est fondé pour prendre sa décision.

43 Le fonctionnaire a ensuite allégué ce qui suit :

Défaut du Ministère de procéder à une enquête approfondie au sujet des gestes reprochés ou d´obtenir la version du fonctionnaire à cet égard.

44 La preuve montre que le Ministère a enquêté à au moins quatre reprises au sujet des allégations d´inconduite du fonctionnaire et qu´il lui a donné à chaque fois l´occasion de réfuter ces allégations. Le premier incident d´inconduite était celui au cours duquel le fonctionnaire avait élevé la voix en s´adressant à Mme Hollett au sujet de la taille des desserts. Le sergent et l´adjudant ont rencontré les deux personnes pour obtenir leur version des faits.

45 Le deuxième incident d´inconduite était celui concernant l´affichage de l´horaire en janvier 2005 et l´interaction entre Mme Hollett et le fonctionnaire. Le chef cuisinier Barley a fait enquête à ce sujet en février 2005, a parlé aux deux personnes et à d´autres témoins, et a recommandé aux deux personnes d´apporter des changements à leurs relations interpersonnelles.

46 Le troisième incident d´inconduite se rapporte aux allégations de commentaires à caractère sexiste et racial exprimés lors du cours au mois de mars 2005. Le lieutenant Godin a mené l´enquête, recueillant des courriels, des déclarations et le témoignage de Mme McFarlane. Le lieutenant Godin a rencontré le fonctionnaire et son représentant de l´agent négociateur le 13 avril 2005 pour leur communiquer les renseignements pertinents et demander au fonctionnaire de lui faire part de ses commentaires à ce sujet. Le fonctionnaire était davantage intéressé à savoir qui avait formulé ces allégations que de fournir des explications à ce sujet.

47 Le quatrième incident d´inconduite s´est produit à l´occasion de la rencontre du major Hall avec le fonctionnaire avant qu´il prenne sa décision finale au sujet du stage du fonctionnaire. Le major Hall a offert au fonctionnaire l´occasion d´expliquer tous ses agissements. La réunion a eu lieu en présence du représentant de l´agent négociateur du fonctionnaire. J´ai déjà conclu que le fonctionnaire avait fait une remarque à caractère racial à l´occasion de cette rencontre.

48 Ces quatre exemples montrent qu´une enquête a eu lieu dans chaque cas et que le fonctionnaire a eu l´occasion d´expliquer ses agissements. Cela contredit quelque allégation de mauvaise foi pouvant découler d´un défaut d´enquêter convenablement à cet égard. Je conclus que cette allégation est également sans fondement.

49 La dernière allégation du fonctionnaire se lit comme suit :

Avoir traité le fonctionnaire d´une manière telle qu´il lui était impossible de progresser.

50 Le fonctionnaire soutient qu´il était constamment sous surveillance ou sous la loupe de ses supérieurs pendant qu´il était au travail, ce qui était inusité pour lui étant donné sa carrière. Il estimait qu´en raison de ses longs états de service, il ne devait plus être assujetti à un tel degré de surveillance.

51 La période probationnaire de 12 mois à laquelle il était assujetti donnait au Ministère à la fois l´occasion, mais aussi l´obligation d´apprécier son rendement et ses qualités personnelles comme dans le cas de quelque nouveau candidat pouvant chercher à devenir un employé à un poste de durée indéterminée au sein de la fonction publique fédérale. Le fonctionnaire n´a présenté aucune preuve voulant que le Ministère avait pour pratique ou politique d´abaisser le seuil de rendement auquel serait tenu un fonctionnaire qui avait déjà occupé un poste occasionnel ou de durée déterminée. Les attentes qu´il pouvait avoir à cet égard ne sont pas suffisantes pour établir que cela était le cas. La preuve montre et je conclus que le Ministère a effectivement signalé au fonctionnaire les failles qu´il devait corriger et lui avaient donné des conseils sur les moyens à prendre pour améliorer son rendement, un soutien en lui fournissant de la formation, et des encouragements à diverses occasions. Tout cela m´incite à croire et m´a convaincu que le Ministère avait traité le fonctionnaire de façon à l´aider à progresser. Il n´y a pas de preuve de mauvaise foi ou de ruse.

Application des principes législatifs et jurisprudentiels à l´allégation de mauvaise foi, de supercherie ou de ruse

52 La jurisprudence est à savoir que le fonctionnaire a le fardeau d´établir que la décision de l´employeur était une supercherie ou une ruse ou a été prise de mauvaise foi. Ce fardeau nécessite davantage qu´une allégation ou une contestation des motifs soulevés par l´employeur. Le fonctionnaire doit présenter une preuve suffisante pour établir qu´il est plus probable que les motifs liés à l´emploi invoqués par l´employeur ne sont pas les motifs véritables pour le licenciement. Le fonctionnaire n´a pas présenté la preuve requise en l´occurrence. Il croit qu´il y a un motif autre que celui invoqué, mais cette croyance à elle seule ne suffit pas. Il tente de contredire la preuve présentée au sujet des événements sur lesquels le Ministère fonde ses motifs de renvoi, mais en vain. Il est en désaccord avec les conclusions du Ministère, mais est incapable de satisfaire le seuil de preuve requis pour établir les éléments justifiant son opposition. Par conséquent, la défense de mauvaise foi, de supercherie ou de ruse ne peut être retenue.

Conclusion

53 Ce cas s´inscrit clairement dans les principes juridiques découlant de la Loi et de la jurisprudence dont il a été fait mention précédemment. Je conclus que l´article 211 de la Loi empêche un arbitre de grief d´être saisi du grief du fonctionnaire, car il se rapporte à un licenciement visé par la LEFP. Le licenciement était un renvoi en cours de stage fondé sur des motifs liés à l´emploi, en l´absence d´une preuve de mauvaise foi, de supercherie ou de ruse. Par conséquent, je n´ai pas compétence pour instruire le grief sur le fond.

54 Pour ces motifs, je rends l´ordonnance qui suit :

Ordonnance

55 Je n´ai pas compétence pour instruire ce grief, et j´ordonne que le dossier soit classé.

Le 13 janvier 2012.

Traduction de la CRTFP

Deborah M. Howes,
arbitre de grief

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