Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La fonctionnaire s’estimant lésée a avisé son employeur qu’elle était disponible pour travailler lors de son congé férié reporté - la convention collective stipulait que <<[l]orsque l’Employeur requiert les services d’employé-e-s qui ne sont pas tenus de travailler un jour férié désigné payé, l’Employeur offre le travail à ceux d’entre eux qualifiés et facilement disponibles en commençant par celui qui a effectué [...] le moins d’heures de travail pendant des jours fériés désignés payés [...]>> - l’employeur a laissé un message à la fonctionnaire s’estimant lésée pour lui offrir de travailler le quart de jour lors de son congé férié reporté - la fonctionnaire s’estimant lésée n’a pas rappelé - l’employeur a ensuite offert le quart de nuit de ce même jour à un autre employé qui n’était pas en congé férié désigné payé - l’arbitre de grief a conclu que l’employeur avait enfreint la convention collective en n’offrant pas le quart de nuit à la fonctionnaire s’estimant lésée; l’employeur ne pouvait pas présumer que la fonctionnaire s’estimant lésée n’était pas disponible pour ce quart - l’arbitre de grief a accordé à la fonctionnaire s’estimant lésée la rémunération qu’elle aurait dû avoir pour ce quart de nuit. Grief accueilli en partie.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2012-04-24
  • Dossier:  566-02-2209
  • Référence:  2012 CRTFP 50

Devant un arbitre de grief


ENTRE

JOY HOPKINS

fonctionnaire s'estimant lésée

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(Service correctionnel du Canada)

employeur

Répertorié
Hopkins c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada)

Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Renaud Paquet, arbitre de grief

Pour la fonctionnaire s'estimant lésée:
Corinne Blanchette, Union of Canadian Correctional Officers – Syndicat des agents correctionnels du Canada – CSN

Pour l'employeur:
Christine Diguer, avocate

Affaire entendue à Abbotsford (Colombie-Britannique),
les 10 et 11 avril 2012.
(Traduction de la CRTFP)

I. Grief individuel renvoyé à l’arbitrage

1 Joy Hopkins, la fonctionnaire s’estimant lésée (la « fonctionnaire »), a déposé une plainte alléguant que le Service correctionnel du Canada (l’« employeur ») avait contrevenu à la clause 26.10 de la convention collective entre le Conseil du Trésor et le Union of Canadian Correctional Officers – Syndicat des agents correctionnels du Canada – CSN, pour l’unité de négociation du groupe Services correctionnels (CX), signée le 26 juin 2006 (la « convention collective »). Au moment du dépôt de son grief, la fonctionnaire était agente correctionnelle à l’Établissement Mountain, situé à Agassiz, en Colombie-Britannique (l’« établissement »).

2 Selon la fonctionnaire, l’employeur aurait dû l’appeler pour lui offrir de travailler pendant le quart de nuit du 25 mars 2008, alors qu’elle était en congé férié reporté. La fonctionnaire a soutenu qu’en omettant de l’appeler pour lui offrir ce quart de travail, l’employeur a enfreint la clause 26.10 de la convention collective, qui se lit comme suit :

26.10 Lorsque l’Employeur requiert les services d’employé-e-s qui ne sont pas tenus de travailler un jour férié désigné payé, l’Employeur offre le travail à ceux d’entre eux qualifiés et facilement disponibles en commençant par celui qui a effectué, depuis le 1er avril de chaque exercice financier, le moins d’heures de travail pendant des jours fériés désignés payés.

Aux fins du paragraphe 26.10 on considère qu’un-e employé-e qui s’est fait offrir des heures de travail et qui les a refusées, a effectué les heures de travail en question.

II. Résumé de la preuve

3 Les parties ont présenté neuf documents en preuve. La fonctionnaire a témoigné et a cité Mike Laycock comme témoin. M. Laycock est agent correctionnel et président de la section locale du syndicat à l’établissement. Au moment de la présentation du grief, il était représentant de la section locale du syndicat à l’établissement. L’employeur a cité Caralynn Morris et Aaron Billesberger comme témoins. Tous deux étaient gestionnaires correctionnels à l’établissement au moment du grief.

4 Selon la clause 26.10 de la convention collective, lorsque l’employeur doit recourir aux services d’agents correctionnels supplémentaires un jour férié désigné payé, il offre les heures de travail aux agents qui n’étaient pas censés travailler, étant en congé férié, et qui sont qualifiés et facilement disponibles. Tous les témoins étaient d’accord sur ce point. Ils ont également convenu qu’il n’y avait pas de différence, aux fins du présent cas, entre le fait qu’un agent soit en congé férié ou en congé férié reporté.

5 Les 25, 26, 27 et 28 mars 2008, Mme Hopkins devait travailler pendant le quart de nuit commençant à 18 h 30 et se terminant à 7 h 15. Toutefois, le 25 mars 2008, elle était en congé férié. Conformément à la procédure en place à l’établissement, elle avait mentionné à l’avance qu’elle était disponible pour travailler ce jour-là si l’employeur devait recourir aux services d’employés supplémentaires. Dans cette procédure, il n’y a aucune indication sur les quarts de travail pour lesquels un employé est disponible pour travailler pendant son congé férié.

6 Le 24 mars 2008, Mme Morris accomplissait le quart de nuit. Elle était la gestionnaire correctionnelle chargée de s’assurer qu’un nombre suffisant d’agents correctionnels seraient en fonction pendant le quart de jour du lendemain. Après 17 h 40 ce jour-là, elle a appelé Mme Hopkins pour lui offrir le quart de jour du 25 mars 2008 débutant à 6 h 30 et se terminant à 19 h 15. Mme Hopkins a reconnu que Mme Morris lui avait laissé un message, mais au moment où Mme Hopkins en a pris connaissance, plus tard le même jour, elle a estimé qu’il n’y avait pas lieu de rappeler la gestionnaire, puisque cette dernière aurait déjà trouvé quelqu’un. Mme Morris a souligné le fait qu’elle avait laissé un message à Mme Hopkins.

7 Le 25 mars 2008, M. Billesberger accomplissait le quart de jour. Il était le gestionnaire correctionnel chargé de s’assurer qu’un nombre suffisant d’agents correctionnels seraient en fonction pendant le quart de nuit commençant à 18 h 30 ce jour-là. Il a vu la note de Mme Morris disant qu’elle avait laissé un message à Mme Hopkins le 24 mars 2008 pour lui offrir de travailler durant le quart de jour. Il croit avoir parlé de cette note à Mme Morris, mais il n’en est plus certain, étant donné que les événements sont survenus quatre ans plus tôt. Le 25 mars 2008 à 14 h 30, il a reçu un appel d’un agent qui s’est porté malade pour le quart de nuit, puis, à 15 h 31, il a reçu un appel d’un autre agent, qui s’est également porté malade pour le même quart de travail. M. Billesberger a appelé un agent en congé férié pour remplacer le premier agent qui s’était porté malade et a recouru aux services d’un autre agent rémunéré au tarif des heures supplémentaires afin de remplacer le deuxième agent qui s’était porté malade. Il n’a pas appelé Mme Hopkins, qui a affirmé qu’elle était disponible pour travailler durant ce quart de nuit de 12,75 heures. M. Billesberger avait présumé que Mme Hopkins n’était pas disponible pour travailler durant ce quart de travail. Mme Hopkins était qualifiée pour effectuer ce quart de travail.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour la fonctionnaire s’estimant lésée

8 La convention collective oblige l’employeur à offrir du travail en premier lieu aux employés qui sont en congé férié. Le 25 mars 2008, il a enfreint la convention collective en faisant travailler un agent en heures supplémentaires pendant le quart de nuit au lieu d’offrir le quart de travail à la fonctionnaire.

9 Le 25 mars 2008, la fonctionnaire était en congé férié. Conformément à la procédure en place, elle avait indiqué qu’elle était disponible pour travailler ce jour-là. Le 24 mars 2008, elle a reçu un message de Mme Morris, qui lui offrait de travailler le 25 mars pendant le quart de jour. Toutefois, au moment où elle a pris le message, il était trop tard et elle n’a pas rappelé. L’employeur a supposé à tort qu’elle n’était pas disponible pour travailler pendant le quart de nuit. Le quart de nuit devait être pourvu et il aurait dû être offert à la fonctionnaire.

10 La fonctionnaire a réclamé le paiement de 12,75 heures à temps et demi pour le quart de nuit manqué du 25 mars 2008. Elle a également demandé le remboursement des 4,75 heures qu’elle a dû travailler pour compenser la différence entre la valeur du jour férié correspondant à 8 heures et celle de son quart de travail de 12,75 heures prévu à l’horaire.

11 La fonctionnaire m’a renvoyé aux décisions suivantes : Saindon et al. c. Conseil du Trésor (Solliciteur général Canada - Service correctionnel), 2002 CRTFP 73; et Purchase c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2005 CRTFP 66.

B. Pour l’employeur

12 La preuve montre que Mme Morris a laissé un message à la fonctionnaire pour lui offrir de travailler le 25 mars 2008 durant le quart de jour. La fonctionnaire ne l’a pas rappelée, et l’employeur en a conclu qu’elle n’était pas disponible pour le quart de nuit. L’employeur n’a aucune obligation de continuer à vérifier si les employés sont disponibles. Un appel suffit, et rien dans la convention collective n’oblige l’employeur à appeler plus d’une fois. Si l’employé ne rappelle pas, il est raisonnable de la part de l’employeur de conclure que la personne n’est pas disponible.

13 La convention collective ne garantit pas aux employés des quarts de travail particuliers, mais plutôt des offres de travail selon un ordre de priorité. La fonctionnaire n’a pas mentionné sa préférence pour le quart de nuit plutôt que pour celui de jour. En lui offrant un quart de travail, l’employeur a respecté la convention collective.

14 La fonctionnaire ne s’est pas acquittée du fardeau de prouver que l’employeur avait enfreint la convention collective. Par conséquent, le grief devrait être rejeté.

IV. Motifs

15 Les faits en l’espèce sont très simples. Le 25 mars 2008, la fonctionnaire était en congé férié. Elle s’était déclarée disponible pour travailler ce jour-là. L’employeur l’a appelée le 24 mars pour lui offrir de travailler le 25 mars pendant le quart de jour. La fonctionnaire a eu le message quelques heures plus tard. Elle n’a pas retourné l’appel de l’employeur, puisqu’elle pensait qu’il était trop tard. Comme elle n’avait pas donné de réponse, l’employeur a présumé que la fonctionnaire n’était pas non plus disponible pour le prochain quart de travail, soit le quart de nuit du 25 mars. Or, la fonctionnaire a témoigné qu’elle était disponible pour effectuer le quart de nuit.

16 L’employeur n’a pas remis en question le fait que le travail devait être offert en priorité aux employés qui sont en congé férié. Sur ce point, la clause 26.10 de la convention collective est assez claire et a été interprétée dans Saindon et al. ainsi que dans Purchase. L’employeur a plutôt soutenu qu’il avait rempli son obligation en offrant à la fonctionnaire le quart de jour et qu’il n’avait pas à la rappeler pour le quart de nuit, puisqu’elle ne lui avait pas rendu son appel en premier lieu.

17 Je ne suis pas d’avis que l’employeur s’est acquitté de son obligation aux termes de la clause 26.10 de la convention collective. Il ne pouvait pas conclure, du fait que la fonctionnaire n’avait pas rendu l’appel de Mme Morris du 24 mars lui offrant le quart de jour du 25 mars, qu’elle n’était pas disponible pour travailler en heures supplémentaires pendant le quart de nuit du même jour. L’appel de Mme Morris concernait le quart de jour et non le quart de nuit. M. Billesberger, qui s’est occupé des appels pour le quart de nuit, aurait dû appeler la fonctionnaire pour lui offrir ce quart de travail. Dans la soirée du 24 mars 2008, après 17 h 40, Mme Morris a laissé un message à la fonctionnaire. Le 25 mars à 14 h 30, puis à 15 h 31, M. Billesberger a appris qu’il aurait besoin de personnel pour remplacer deux agents qui s’étaient portés malades. Il avait largement le temps d’appeler la fonctionnaire pour lui offrir le quart de nuit du 25 mars commençant à 18 h 30. En choisissant de ne pas le faire et en supposant à tort que la fonctionnaire n’était pas disponible pour effectuer ce quart de travail, M. Billesberger a contrevenu à la convention collective.

18 Dans leur argumentation, les parties n’ont pas fait référence au lien existant entre les deux paragraphes de la clause 26.10 de la convention collective, mais il pourrait être utile de s’y pencher. Même si la deuxième partie de la clause 26.10 spécifie qu’un employé qui refuse des heures de travail est réputé avoir effectué les heures de travail en question, je crois que l’employeur aurait dû traiter chaque quart de travail séparément aux fins de ces offres de travail. Il n’était pas raisonnable de la part de l’employeur de présumer que Mme Hopkins n’était pas disponible pour travailler durant le quart de nuit parce qu’elle n’avait pas rendu l’appel de Mme Morris pour l’offre du quart de jour. Le deuxième paragraphe de la clause 26.10 vise la compilation des heures travaillées, étant donné que dans la première partie, il est indiqué que l’offre de travail est fondée sur le nombre d’heures travaillées pendant des jours fériés désignés payés au cours de l’exercice financier.

19 Selon la procédure en place, la fonctionnaire n’était pas tenue de préciser les quarts de travail pour lesquels elle était disponible, le 25 mars 2008. L’employeur devait donc tenir pour acquis qu’elle était disponible pour effectuer l’un ou l’autre des quarts de travail. Il ne pouvait pas conclure qu’elle n’était pas disponible pour le quart de nuit en se basant sur le fait qu’elle n’était pas disponible pour le quart de jour.

20 L’employeur a affirmé qu’un appel suffisait pour offrir du travail. J’en conviens, mais cet unique appel doit être effectué pour chaque quart de travail à pourvoir. Je ne considère pas qu’il soit raisonnable de la part de l’employeur de présumer qu’un employé n’est pas disponible pour un quart de travail parce que celui-ci ne l’a pas rappelé au sujet d’un quart de travail précédent.

21 La fonctionnaire a réclamé que le quart de travail perdu lui soit payé. Je suis en accord avec sa demande, étant donné que l’employeur a enfreint la convention collective. La fonctionnaire a également demandé une indemnisation pour les 4,75 heures qu’elle a dû travailler ou rembourser pour compenser la différence entre la valeur du jour férié de 8 heures et celle de son quart de travail de 12,75 heures prévu à l’horaire. Je n’approuve pas cette demande. Ces 4,75 heures représentent la différence entre la valeur d’un jour férié désigné payé et le nombre d’heures de son quart de travail prévu à l’horaire. Ce remboursement doit se faire qu’un employé travaille ou non un jour férié désigné payé. La fonctionnaire ne m’a présenté aucun argument pouvant me convaincre du bien-fondé de sa demande.

22 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

23 Le grief est accueilli.

24 J’ordonne à l’employeur de payer à la fonctionnaire le quart de nuit du 25 mars 2008 comme si elle l’avait effectué, y compris toute prime qu’elle aurait touchée ce faisant.

25 Je demeure saisi de l’affaire pendant une période de 30 jours, dans l’éventualité où les parties ne parviendraient pas à s’entendre sur le montant dû à la fonctionnaire.

Le 24 avril 2012.

Traduction de la CRTFP

Renaud Paquet,
arbitre de grief

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