Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé a été renvoyé en cours de stage parce qu’il n’avait pas satisfait aux attentes de l’employeur en ce qui avait trait à sa conduite en milieu de travail et en raison de son incompatibilité avec la direction - l’employeur s’est opposé à la compétence de l’arbitre de grief à entendre et à trancher le grief au motif que le fonctionnaire s’estimant lésé avait été licencié conformément aux dispositions de l’article 62 de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique - le fonctionnaire s’estimant lésé a omis de se présenter à un cours de formation obligatoire et, pour expliquer son absence, a présenté un certificat médical signé par un dentiste précisant que le rendez-vous avait eu lieu plusieurs jours avant le cours de formation - il s’est fait expliquer que le certificat n’était pas suffisant - on s’est aperçu que le fonctionnaire s’estimant lésé effectuait du travail auquel il n’avait pas été affecté et qu’il a, à plusieurs reprises, travaillé ailleurs que dans son aire de travail attitrée - il a refusé de travailler dans son aire de travail attitrée, alléguant qu’il était allergique à ses collègues - il n’a toutefois pas donné à son employeur plus d’explications à cet égard ni fourni de certificat médical à l'audience - le fonctionnaire s’estimant lésé a demandé à son superviseur de ne communiquer avec lui que par courriel à l’avenir - il a été convoqué à une rencontre pour discuter de son comportement, mais il a quitté la rencontre avant qu’elle soit terminée, bien qu’il ait été averti de ne pas le faire - aucune preuve n’a laissé entendre que le renvoi en cours de stage était fondé sur des motifs autres que ceux mentionnés dans la lettre de licenciement - le grief ne portait pas sur l’un des motifs visés à l’article 209 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique - il incombait au fonctionnaire s’estimant lésé de prouver que son renvoi en cours de stage constituait un subterfuge ou un camouflage, mais il ne l’a pas fait - l’arbitre de grief a conclu ne pas avoir la compétence pour instruire l’affaire. Dossier clos.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2012-04-03
  • Dossier:  566-02-3423
  • Référence:  2012 CRTFP 44

Devant un arbitre de grief


ENTRE

MIGUEL CORNEJO RUIZ

fonctionnaire s'estimant lésé

et

ADMINISTRATEUR GÉNÉRAL
(ministère des Affaires étrangères et du Commerce international)

défendeur

Répertorié
Cornejo Ruiz c. Administrateur général (Passeport Canada)

Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Kate Rogers, arbitre de grief

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Lui-même

Pour le défendeur:
Allison Sephton, avocate

Affaire entendue à Ottawa (Ontario),
le 28 novembre 2011.
(Traduction de la CRTFP)

I. Grief individuel renvoyé à l’arbitrage

1 M. Miguel Cornejo Ruiz, le fonctionnaire s’estimant lésé (le « fonctionnaire ») occupait un poste d’examinateur téléphonique au ministère des Affaires étrangères et du Commerce international (le « défendeur » ou l’« employeur »). Il était classifié au groupe et niveau CR-04 et il a été embauché pour une période déterminée, soit du 3 novembre 2008 au 3 novembre 2009; il était assujetti à une période probatoire d’une année. Dans une lettre datée du 18 mars 2009, l’employeur a renvoyé le fonctionnaire en cours de stage, alléguant qu’il n’avait pas satisfait les attentes de l’employeur en ce qui concerne sa conduite en milieu de travail. L’employeur a également mentionné son incompatibilité avec la direction. Il a reçu une indemnité de deux semaines de salaire à titre de préavis.

2 Le 3 avril 2009, le fonctionnaire a présenté un grief contestant son renvoi en cours de stage. Le 23 décembre 2009, le grief a été rejeté au troisième palier de la procédure de règlement de griefs; il a été renvoyé à l’arbitrage le 21 janvier 2010.

3 Le 2 juillet 2010, l’employeur s’est opposé à la compétence d’un arbitre de grief de la Commission des relations de travail de la fonction publique (CRTFP) à instruire le grief, alléguant que le fonctionnaire avait été licencié conformément à l’article 62 de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (la « LEFP »), L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13, et qu’en vertu du paragraphe 211a) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la« LRTFP »), L.C. 2003, ch. 22, la CRTFP n’a pas compétence pour instruire un grief portant sur un licenciement en vertu de la LEFP.

4 Le 19 juillet 2010, le fonctionnaire a répliqué à l’objection de l’employeur concernant la compétence de l’arbitre de grief. Il a allégué que son renvoi en cours de stage constituait en fait une mesure disciplinaire et que, par conséquent, la CRTFP avait compétence pour instruire le grief. L’arbitre de grief auquel le présent dossier a initialement été attribué a statué qu’il ne pouvait pas instruire l’affaire uniquement sur la base d’arguments écrits et, par conséquent, il a ordonné que l’affaire soit entendue dans le cadre d’une audience qui traiterait tant de l’objection à la compétence que du fond de l’affaire. Le président de la CRTFP m’a par la suite désignée afin de tenir une audience dans cette affaire.

II. Résumé de la preuve

5 Les parties ont présenté un exposé conjoint des faits (pièce E-1) accompagné d’un cartable contenant sept documents (pièce E-2), lesquels ont été admis sur consentement. Mme Geneviève Paradis, qui était à l’époque pertinente directrice intérimaire, Bureau des services intégrés, a témoigné pour le compte de l’employeur. Le fonctionnaire a témoigné pour son propre compte.

6 Selon l’exposé conjoint des faits (pièce E-1), le fonctionnaire a été embauché au poste d’examinateur téléphonique. Il relevait de Mme Louise Sabourin, gestionnaire intérimaire du service, laquelle relevait de Mme Paradis. Le superviseur immédiat du fonctionnaire était M. Xavier Girard. Lors de son embauche, il a reçu un exemplaire des Normes de conduite des employés de Passeport Canada (pièce E-2, onglet 7) ainsi que des explications à ce sujet.

7 Selon l’exposé conjoint des faits (pièce E-1), le 19 février 2009 le fonctionnaire ne s’est pas présenté à un cours de formation obligatoire. M. Girard et Mme Sabourin l’ont rencontré le 24 février 2009 afin de discuter de cette absence. Ils ont dit au fonctionnaire qu’un certificat médical était requis pour motiver son absence du cours.

8 Plusieurs jours plus tard, le fonctionnaire a remis à M. Girard un certificat d’un cabinet de dentistes précisant que le fonctionnaire avait un rendez-vous chez le dentiste le 19 février 2009. Toutefois, le fonctionnaire a expliqué que la date inscrite était incorrecte et que le rendez-vous avait eu lieu quelques jours avant le 19 février 2009. Le fonctionnaire a expliqué qu’il ne s’était pas senti bien après le rendez-vous chez le dentiste et que c’était pour cette raison qu’il ne s’était pas présenté à sa formation. Selon l’exposé conjoint des faits (pièce E-1), M. Girard a dit au fonctionnaire que ce certificat n’était pas suffisant pour justifier son absence de la formation obligatoire. Lors d’une rencontre avec le fonctionnaire le 10 mars 2010, Mme Sabourin et M. Girard ont avisé le fonctionnaire que le certificat médical présenté n’était pas satisfaisant. Ils lui ont également mentionné que, dorénavant, il devait avertir la direction de tout conflit d’horaire et laisser un message détaillé s’il devait s’absenter du travail, et qu’il devait s’inscrire de nouveau au cours de formation à une date ultérieure. Enfin, il a été avisé que s’il ne se conformait pas à ces directives, il pourrait être renvoyé en cours de stage. Après cette rencontre, le fonctionnaire a avisé M. Girard qu’il ne serait pas en mesure de lui fournir un certificat médical parce qu’il ne voulait pas risquer que l’on consulte son dossier médical.

9 Tel qu’il est précisé dans l’exposé conjoint des faits, le 13 mars 2009, M. Girard a découvert que le fonctionnaire effectuait des tâches qui ne lui avaient pas été assignées. M. Girard a alors avisé le fonctionnaire qu’il ne devait pas modifier ses tâches sans en avoir tout d’abord discuté avec son superviseur. Un peu plus tard, lors de cette même journée, M. Girard s’est rendu compte que le fonctionnaire travaillait à l’extérieur de son aire de travail attitrée. M. Girard a alors demandé au fonctionnaire de retourner à son aire de travail attitrée lors de son prochain quart de travail.

10 Le fonctionnaire a répondu à M. Girard qu’il était allergique aux personnes qui étaient assises à côté de lui dans son aire de travail attitrée; il n’a toutefois pas donné plus d’explications à cet égard. M. Girard lui a demandé de fournir un certificat médical expliquant la nature précise de ses allergies de manière à ce qu’on puisse lui offrir des mesures d’adaptation, puisqu’aucun renseignement à ce sujet ne figurait dans son dossier et qu’il n’avait pas manifesté de tels problèmes auparavant.

11 Selon l’exposé conjoint des faits, le 17 mars 2009, M. Girard a encore surpris le fonctionnaire à travailler dans une aire de travail autre que son aire de travail attitrée. Le fonctionnaire lui a dit qu’il croyait déranger les autres employés de son aire de travail attitrée, mais M. Girard n’avait pas reçu de plainte à ce sujet. M. Girard a dit au fonctionnaire qu’il faisait preuve d’insubordination, et lui a ordonné de retourner à son aire de travail attitrée. Le fonctionnaire n’a pas obtempéré. Lorsque M. Girard l’a de nouveau surpris à travailler ailleurs que dans son aire de travail attitrée, le fonctionnaire lui a encore expliqué qu’il était allergique à ses collègues de travail et même à lui, M. Girard. Il a alors demandé à M. Girard de ne pas l’approcher et de ne communiquer avec lui que par courriel. M. Girard a répondu au fonctionnaire qu’en tant que superviseur, il devait avoir des contacts verbaux avec lui. Il a également demandé au fonctionnaire de retourner à son aire de travail attitrée. Le fonctionnaire n’a pas obtempéré, et a encore une fois été surpris à travailler ailleurs que dans son aire de travail attitrée. M. Girard a de nouveau averti le fonctionnaire qu’il faisait preuve d’insubordination.

12 Une rencontre a été organisée le 17 mars 2009 entre le fonctionnaire, Mme Sabourin et M. Girard. Selon l’exposé conjoint des faits, le fonctionnaire a alors été avisé que sa conduite constituait de l’insubordination et qu’il devait travailler dans son aire de travail attitrée. Le fonctionnaire a quitté avant la fin de la rencontre, et ce, malgré les avertissements selon lesquels cela constituait également de l’insubordination. Le fonctionnaire a reconnu qu’il pouvait faire l’objet de mesures disciplinaires en raison de son insubordination, affirmant du même souffle qu’il désirait quitter la rencontre. On lui a alors demandé de retourner à son poste de travail.

13 Le fonctionnaire n’est pas retourné à son poste de travail. Environ une demi-heure après le départ du fonctionnaire de la réunion, Mme Sabourin l’a trouvé assis à un poste de travail qui n’était pas situé dans son aire de travail attitrée. Elle lui a demandé de retourner à son aire de travail attitrée; il a refusé d’obtempérer. Elle lui a alors dit que sa conduite constituait de l’insubordination; le fonctionnaire lui a répondu qu’il comprenait, et a demandé qu’on l’accompagne à son casier, étant alors convaincu qu’il serait licencié.

14 Le 18 mars 2009, le fonctionnaire a rencontré M. Girard et Mme Sabourin. Selon l’exposé conjoint des faits, il a alors été avisé qu’il était renvoyé en cours de stage en raison de son insubordination et de son incompatibilité avec la direction. On lui a alors remis une lettre de Mme Paradis datée du 18 mars 2009, dans laquelle on précise les motifs de son renvoi en cours de stage (pièce E-2, onglet 1).

15 Mme Paradis a témoigné que sa décision de renvoyer le fonctionnaire en cours de stage était fondée sur trois motifs, soit son défaut de se présenter au cours de formation obligatoire sans fournir une justification valable, le fait qu’il effectuait des tâches qui ne lui avaient pas été assignées, et le fait qu’il travaillait systématiquement dans une aire de travail autre que celle qui lui avait été attitrée, et ce, malgré les avertissements selon lesquels sa conduite constituait de l’insubordination.

16 Mme Paradis a expliqué qu’il était important que les employés travaillent dans l’aire de travail qui leur était attitrée parce que le lieu de travail était très vaste et qu’il y avait plusieurs aires de travail. Pour assurer l’efficacité de la supervision, il était important que les employés occupent les aires de travail attitrées. Elle a reconnu que les aires de travail attitrées pouvaient être différentes selon le travail à effectuer. Les fonctionnaires peuvent par contre choisir leur poste de travail à l’intérieur de l’aire de travail qui leur était attitrée, pourvu qu’ils restent à l’intérieur du périmètre de leur aire de travail respective.

17 Mme Paradis a témoigné que l’employeur était préoccupé par le comportement du fonctionnaire parce que ce dernier avait manifesté ce comportement pendant plusieurs semaines, que les incidents observés étaient de nature variée, et que le fonctionnaire avait choisi de ne pas modifier son comportement même si l’employeur lui en avait donné l’occasion.

18 Le fonctionnaire a expliqué qu’il avait eu de fortes réactions allergiques aux personnes assises dans l’aire de travail qui lui était attitrée. Il éternuait constamment et ses yeux larmoyaient. Il ne pouvait cependant fournir des renseignements médicaux ou un certificat médical au sujet de ses allergies. Il a expliqué qu’il ne savait pas ce qui causait ses allergies. Il a aussi précisé qu’il devait produire un certain nombre de dossiers et qu’il travaillait mieux lorsqu’il travaillait dans une autre aire de travail que celle qui lui avait été attitrée.

II. Résumé de l’argumentation

A. Pour l’employeur

19 L’employeur s’est de nouveau opposé à ma compétence d’instruire le grief. La preuve a établi que le fonctionnaire était en période probatoire, qu’il avait reçu une indemnité à titre de préavis, et que son licenciement était fondé sur des motifs liés à l’emploi. Le fonctionnaire n’a pas contesté les faits présentés à l’audience. Lorsqu’il est question de renvoi en cours de stage, un arbitre de grief a compétence pour instruire l’affaire seulement s’il y a une preuve de mauvaise foi, de discrimination ou d’un autre motif pertinent. Or, en l’occurrence, il n’y a aucune preuve démontrant que le fonctionnaire a été renvoyé en cours de stage pour des motifs autres que ceux fournis par l’employeur.

20 Le fonctionnaire a été renvoyé pour trois motifs différents. En premier lieu, il ne s’est pas présenté au cours de formation obligatoire sans en aviser l’employeur au préalable et sans fournir d’explication valable; en outre, il a refusé de fournir un certificat médical pouvant justifier son absence. Deuxièmement, il a accompli sans autorisation des tâches qui ne lui avaient pas été assignées. Troisièmement, il a refusé à plusieurs reprises de travailler dans l’aire de travail qui lui était attitrée, malgré les directives à cet effet. Il savait que sa conduite constituait de l’insubordination et a continué malgré tout à ne pas obtempérer aux directives.

21 Ces incidents expliquent pourquoi l’employeur a jugé le fonctionnaire inapte à occuper son emploi. La période probatoire vise justement à permettre à l’employeur d’évaluer les aptitudes d’un employé. En l’espèce, le fonctionnaire a été jugé inapte à occuper son emploi. L’arbitre de grief ne peut substituer son jugement à celui de l’employeur à cet égard. L’employeur a établi ses attentes et en a fait part au fonctionnaire. L’employeur a donné l’occasion au fonctionnaire de corriger son comportement, et ce dernier n’a pas saisi cette occasion.

22 L’employeur a fait valoir qu’il s’était acquitté du fardeau de démontrer que le renvoi en cours de stage du fonctionnaire était justifié par un motif lié à l’emploi. Il s’est prévalu de son droit aux termes de l’article 62 de la LEFP. La preuve n’a pas été contestée, et il n’y a pas de preuve de mauvaise foi ni d’un quelconque subterfuge. Le fonctionnaire n’est tout simplement pas d’accord avec son renvoi en cours de stage. Or, cela n’est pas un motif suffisant pour qu’un arbitre de grief soit saisi d’une telle affaire.

23 L’employeur m’a renvoyée à Carbray c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2010 CRTFP 76, et Ducharme c. Administrateur général (ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences), 2010 CRTFP 136. Il a également fourni des copies de Dyck c. Administrateur général (ministère des Transports), 2011 CRTFP 108; McMath c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2011 CRTFP 42; Tello c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2010 CRTFP 134; Canada (Procureur général) c. Penner, [1989] 3 C.F. 429 (QL); Archambault c. Canada (Agence des douanes et du revenu), 2005 CF 183; Rousseau c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2009 CRTFP 91; Currie c. Administrateur général (ministère des Pêches et Océans), 2010 CRTFP 10; Maqsood c. Conseil du Trésor (ministère de l’Industrie), 2009 CRTFP 175; Bilton c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2010 CRTFP 39; Canada (Procureur général) c. Leonarduzzi, 2001 CFPI 529.

24 L’employeur m’a demandé de rejeter le grief au motif que je n’avais pas compétence pour l’instruire.

B. Pour le fonctionnaire

25 Le fonctionnaire a soutenu que la CRTFP avait compétence pour examiner les motifs invoqués pour justifier un renvoi en cours de stage et décider s’il s’agissait d’un subterfuge ou d’un camouflage. Il a demandé que l’on applique le principe de l’équité.

26 Le fonctionnaire a affirmé qu’il était apte à occuper cet emploi. Il a soutenu qu’il n’avait pas à faire la preuve de ses allergies, reconnaissant par ailleurs qu’il n’avait pas de renseignements médicaux au soutien de son allégation qu’il éprouvait effectivement des allergies. Il a fait valoir qu’il aurait dû bénéficier de mesures d’adaptation. Il a affirmé que malgré les avertissements de l’employeur lui indiquant de se conformer à ses directives, il n’avait pas obtempéré, et ce, pour sa propre protection.

27 Le fonctionnaire a dit qu’il n’était pas en mesure de présenter de preuves à l’appui de ses allégations de mauvaise foi et de discrimination, bien qu’il estime par ailleurs que l’employeur a agi de manière discriminatoire à son égard et fait preuve de mauvaise foi.

IV. Motifs

28 Il est question, en l’espèce, d’un grief contestant un renvoi en cours de stage effectué en vertu de l’article 62 de la LEFP. Il n’est pas contesté que le fonctionnaire était en période probatoire et qu’il a reçu une indemnité à titre de préavis. Tel qu’il est précisé dans la lettre de licenciement, les motifs fournis pour justifier le renvoi en cours de stage étaient que le fonctionnaire [traduction] « […] n’a pas satisfait les attentes de la direction en ce qui concerne des normes de conduite convenables dans son milieu de travail », et qu’il n’était pas compatible avec son milieu de travail, en particulier avec la direction. La preuve, non contredite, démontre que pendant plusieurs semaines le fonctionnaire a affiché un comportement que l’employeur a caractérisé comme étant de l’insubordination. Il ne s’est pas présenté à un cours de formation obligatoire et n’a pas fourni de justification valable, il a travaillé sans autorisation à des tâches auxquelles il n’avait pas été assignées, et il a travaillé systématiquement dans une aire de travail autre que celle qui lui avait été attitrée malgré les demandes répétées de l’employeur. Il a été informé des attentes de l’employeur mais ne les a pas satisfaites.

29 Le fonctionnaire a contesté son renvoi en cours de stage au motif qu’il souffrait d’allergies dans son milieu de travail et qu’il aurait dû bénéficier de mesures d’adaptation, alors qu’on ne lui en a pas offertes. Cependant, il n’a présenté aucune preuve au soutien de cette allégation et n’a pas contesté les faits présentés par l’employeur. Il a soutenu que son renvoi contrevenait au principe de l’équité.

30 L’employeur a soutenu que je n’avais pas compétence pour instruire ce grief. Il est clairement établi dans la jurisprudence que dans un cas de renvoi en cours de stage, un arbitre de grief aura compétence pour instruire le grief si la preuve démontre qu’il y a eu mauvaise foi ou de la discrimination pouvant mettre en cause la validité des motifs invoqués pour justifier le licenciement. L’employeur a soutenu qu’en l’occurrence, il n’y avait tout simplement aucune preuve démontrant que le renvoi en cours de stage du fonctionnaire était justifié par quelque autre motif que les motifs liés à l’emploi fournis au fonctionnaire.

31 Je suis également de cet avis. Le fonctionnaire a signé l’exposé conjoint des faits, dans lequel sont énoncés tous les motifs fournis par l’employeur pour justifier sa décision. Aucune preuve n’a été présentée pouvant laisser entendre que le renvoi en cours de stage du fonctionnaire était fondé sur des motifs autres que ceux mentionnés dans la lettre de licenciement, et le fonctionnaire a reconnu qu’il ne disposait d’aucune preuve à cet égard.

32 En vertu de l’article 62 de la LEFP, l’administrateur général peut mettre fin à l’emploi d’un fonctionnaire en cours de stage au terme du délai de préavis fixé par règlement. Il n’est pas contesté que le fonctionnaire était en cours de stage et qu’il a reçu l’indemnité requise à titre de préavis.

33 Afin qu’un grief puisse être valablement renvoyé à l’arbitrage, il doit être assujetti aux dispositions de la LRTFP. En particulier, il doit porter sur l’un des motifs visés à l’article 209 de la LRTFP et, de plus, ne pas être visé par l’article 211, lequel empêche le renvoi à l’arbitrage de griefs portant sur un licenciement effectué en vertu de la LEFP. Par ailleurs, il est depuis longtemps établi par la jurisprudence qu’un employeur ne peut éviter l’arbitrage d’un grief en invoquant un renvoi en cours de stage si le licenciement n’est pas justifié par un motif valable lié à l’emploi. Il a notamment été statué en ce sens dans Tello, au paragraphe 110 :

[110] Si un administrateur général renvoie un employé en cours de stage sans égard à l’objet de la période de stage — autrement dit, si la décision ne repose pas sur l’aptitude de l’employé à occuper un emploi de façon continue — cette décision est arbitraire et peut également être prise de mauvaise foi. Dans un tel cas, le licenciement n’est pas conforme à la nouvelle LEFP.

34 Il incombait au fonctionnaire d’établir que son renvoi en cours de stage était un subterfuge ou un camouflage destiné à cacher le fait que le licenciement n’était pas justifié par un motif valable et lié à l’emploi. Tel qu’il a été souligné par l’arbitre de grief dans Tello au paragraphe 112, « […] [i]l incombe au fonctionnaire d’établir que l’administrateur général s’est appuyé de façon factice sur la nouvelle LEFP ou que le renvoi en cours de stage constituait un subterfuge ou un camouflage. »

35 Le fonctionnaire ne s’est pas acquitté du fardeau de la preuve qui lui incombait dans cette affaire. Il n’a présenté aucune preuve pouvant suggérer qu’il y ait eu quelque subterfuge ou camouflage. Il n’a pas contesté la caractérisation par l’employeur des faits reprochés. Il n’a pas présenté de preuve ou fait valoir des arguments qui m’auraient permis de conclure que son renvoi en cours de stage était pour un motif autre qu’un motif lié à l’emploi. Pour ces motifs, je dois conclure que je n’ai pas compétence pour instruire ce grief.

36 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit:

V. Ordonnance

37 J’ordonne la fermeture de ce dossier.

Le 3 avril 2012.

Traduction de la CRTFP

Kate Rogers,
arbitre de grief

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