Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Lors d’une conférence préparatoire, dans un souci de transparence, l’arbitre de grief a indiqué aux parties qu’elle était amie avec la supérieure hiérarchique de l’avocat représentant l’employeur et qu’elles avaient travaillé ensemble il y a plus de 20 ans - la fonctionnaire s’estimant lésée a indiqué qu’elle n’était pas à l’aise avec cette information - elle a demandé qu’un autre arbitre de grief soit saisi du dossier - l’arbitre de grief a traité cette objection de la fonctionnaire s’estimant lésée comme une demande de récusation formelle - en se fondant sur le critère de la crainte raisonnable de partialité décrit dans la jurisprudence, l’arbitre de grief a déterminé qu’une récusation n’était pas justifiée. Demande rejetée.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

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  • Date:  2012-06-01
  • Dossier:  566-20-5245
  • Référence:  2012 CRTFP 65

Devant un arbitre de grief


ENTRE

MARIE-CLAUDY NELSON

fonctionnaire s’estimant lésée

et

SERVICE CANADIEN DU RENSEIGNEMENT DE SÉCURITÉ

employeur

Répertorié
Nelson c. Service canadien du renseignement de sécurité

Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Linda Gobeil, arbitre de grief

Pour la fonctionnaire s’estimant lésée:
Elle-même

Pour l'employeur:
Karl Chemsi, avocat

Entendue lors de la conférence
préparatoire du 10 mai 2012.

I. Demande de récusation

1 J’ai été assignée comme arbitre de grief, conformément à l’alinéa 223(2)d) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, pour entendre le grief de la fonctionnaire s’estimant lésée, Marie-Claudy Nelson (la « fonctionnaire »), contre son employeur, le Service canadien de renseignement de sécurité (le « SCRS »), numéro de dossier 566-20-5245.

2 L’audience du grief doit avoir lieu du 2 au 6 juillet 2012.

3 Les parties ont été convoquées à une conférence préparatoire à l’audience le 10 mai 2012. Lors de cette conférence préparatoire, la fonctionnaire était présente mais elle n’était pas représentée par  un avocat ou autrement. Me Karl Chemsi, avocat du ministère de la Justice du Canada, et un gestionnaire du SCRS représentaient le SCRS.

4 Lors de la conférence préparatoire du 10 mai 2012, par souci de transparence, j’ai informé les parties que l’avocate générale principale et directrice du SCRS, auquel Me Chemsi se rapporte de façon hiérarchique, est une amie et que nous avions travaillé ensemble il y a plus de 20 ans. J’ai aussi indiqué que j’avais revu les documents au dossier en date de la conférence préparatoire.

5 J’ai alors indiqué aux parties qu’en dépit de cette relation d’amitié, j’étais convaincue que cette situation n’avait aucune incidence sur les procédures en cours et n’affectait en rien ma capacité de décider en toute impartialité et transparence du grief de la fonctionnaire.

6 La fonctionnaire a indiqué ne pas être à l’aise avec cette information. Elle a aussi précisé que cette objection n’avait rien de personnel à mon endroit et a demandé qu’un autre arbitre de grief soit saisi de son dossier. Pour sa part, l’avocat de l’employeur a indiqué que la raison invoquée par la fonctionnaire n’était pas suffisante et ne constituait pas un motif pour justifier mon retrait du dossier.

7 J’ai indiqué aux parties que j’allais réfléchir à l’objection formulée par la fonctionnaire et revenir aux parties avec une décision.

II. Motifs

8 Après mûre réflexion et eu égard à la jurisprudence applicable, j’ai décidé de traiter l’objection de la fonctionnaire comme une demande de récusation formelle. Enfin, j’ai décidé de rejeter cette demande de récusation pour les raisons suivantes.

9 Le test applicable afin de déterminer s’il y a cause raisonnable de crainte ou une probabilité raisonnable de partialité a été élaboré par la Cour suprême dans  Committee for Justice and Liberty Foundation c l’Office national de l’énergie, [1978], 1 R.C.S. 369 :

La Cour d’appel a défini avec justesse le critère applicable dans une affaire de ce genre. Selon le passage précité, la crainte de partialité doit être raisonnable et le fait d’une personne sensée et raisonnable qui se poserait elle-même la question et prendrait les renseignements nécessaires à ce sujet. Selon les termes de la Cour d’appel, ce critère consiste à se demander « à quelle conclusion en arriverait une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur de façon réaliste et pratique? […]

10 De même, dans Adams v. British Columbia (Workers’ Compensation Board) (1989), 42 B.C.L.R. (2ed) 228 (C.A.C.B), il est question de la nature de la preuve nécessaire pour démontrer l’exigence d’une apparence de partialité :

[Traduction]

[…]

… des preuves suffisantes pour démontrer à une personne raisonnable qu’il y a tout lieu de craindre que la personne contre laquelle [l’allégation] est formulée ne fera pas montre d’un esprit impartial […] de simples soupçons ne sauraient être considérés comme suffisants.

[…]

11 Dans les circonstances, j’estime que la fonctionnaire doit démontrer au-del à des simples soupçons, qu’une personne raisonnable et bien renseignée pourrait croire que, selon toute vraisemblance, je serais partiale dans le traitement du dossier de grief de la fonctionnaire et ne rendrais pas une décision juste.

12 Dans Haight-Smith, BCLRB No B244/1999, la requérante argumentait que l’un des membres du panel qui avait entendu son grief était biaisé en raison de sa relation d’amitié avec l’avocat du syndicat. L’arbitre a rejeté l’argument de la plaignante en précisant que le simple fait, pour le membre du panel, d’être ami avec l’avocat syndical ne permettait pas de conclure automatiquement qu’il y avait crainte raisonnable de partialité. Selon l’arbitre, on ne peut exiger la récusation pour la simple raison qu’il y a une relation d’amitié.

13 Dans Société des alcools du Québec et Syndicats des employés de magasins et de bureaux de la S.A.Q. 92-1025, le Juge Forget s’exprime ainsi :

On ne peut donc conclure de ces décisions, que la demande en récusation ne peut reposer sur un simple soupçon, mais doit s’appuyer sur une raisonnable appréhension de partialité fondée sur une preuve suffisamment sérieuse.

14 Dans la présente affaire, aucun motif, mis à part l’information que j’ai volontairement fournie aux parties sur ma relation d’amitié ou sur ma relation de travail avec l’avocate générale principale et directrice du SCRS, n’a été avancé. On peut donc conclure que l’objection de la fonctionnaire est basée sur un simple soupçon. De plus, je n’ai personnellement aucune information, au dossier ou autrement, qui m’indique que l’avocate générale principale et directrice du SCRS a été impliquée dans la présente affaire. Toutefois, si tel était le cas, cette information ne m’a jamais été divulguée. Finalement, selon l’information obtenue lors de la conférence préparatoire du 10 mai 2012, le nom de la directrice générale n’apparaît aucunement sur la liste des témoins potentiels de l’employeur dans cette affaire.

15 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

III. Ordonnance

16 La demande de récusation est rejetée.

17 L’audition du grief de la fonctionnaire aura lieu conformément au calendrier établi par la Commission des relations de travail dans la fonction publique.

Le 1 juin 2012.

Linda Gobeil,
arbitre de grief

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