Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé a contesté le refus de l’employeur de lui accorder un congé d’études non payé - le fonctionnaire s’estimant lésé était titulaire d’un baccalauréat en sciences infirmières et travaillait comme gestionnaire de cas au ministère de la Défense nationale - il a voulu s’inscrire à l’université pour devenir un infirmier praticien (IP) - il y avait des différences importantes entre le travail accompli par un gestionnaire de cas et un IP - l’employeur a refusé sa demande de congé d’études, mais lui a accordé un congé non payé - l’arbitre de grief a conclu que l’employeur avait refusé la demande pour le motif que le fonctionnaire s’estimant lésé n’avait pas satisfait aux critères en matière de seuil prévus à la clause18.02 de la convention collective et non, tel qu’allégué par le fonctionnaire s’estimant lésé, pour le motif des besoins opérationnels, bien que ce dernier motif ait été invoqué au quatrième palier de la procédure de règlement des griefs - le fonctionnaire s’estimant lésé n’a pas contesté le fait qu’il n’avait pas satisfait aux exigences en matière de seuil - la question de l’évaluation des besoins opérationnels par l’employeur n’était pas pertinente car le fonctionnaire s’estimant lésé n’était pas admissible au congé d’études. Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2012-04-05
  • Dossier:  566-02-5229
  • Référence:  2012 CRTFP 45

Devant un arbitre de grief


ENTRE

CRAIG O'BRIEN

fonctionnaire s'estimant lésé

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(ministère de la Défense nationale)

employeur

Répertorié
O'Brien c. Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale)

Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Renaud Paquet, arbitre de grief

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Nicholas Pernal, Institut professionnel de la fonction publique du Canada

Pour l'employeur:
Lesa Brown, avocate

Affaire entendue à Ottawa (Ontario)
les 26 et 27 mars 2012.
(Traduction de la CRTFP)

I. Grief individuel renvoyé à l’arbitrage

1 Le 22 novembre 2010, Craig O’Brien, le fonctionnaire s’estimant lésé (le « fonctionnaire »), a présenté un grief contestant la décision du ministère de la Défense nationale (l’« employeur ») de rejeter sa demande de congé d’études pour la période du 15 novembre 2009 au 13 septembre 2010. Le fonctionnaire a allégué que l’employeur avait enfreint la clause 18.02 de la convention collective entre l’employeur et l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada pour l’unité de négociation du groupe Services de santé (date d’expiration : le 30 septembre 2011) (la « convention collective »). En guise de mesure corrective, le fonctionnaire a demandé que l’employeur approuve sa demande et qu’il lui verse une indemnité tenant lieu de traitement pour la période du congé d’études.

2 Au premier palier de la procédure de règlement des griefs, l’employeur a répondu qu’il n’avait pas le pouvoir d’accorder la mesure corrective et que l’affaire devait être entendue à un palier supérieur. Après cette réponse, les parties ont convenu de soumettre directement le grief au dernier palier de la procédure de règlement des griefs. Le 18 février 2011, l’employeur a répondu, au dernier palier, que [traduction] « […] la demande de congé d’études avait été examinée par l’autorité responsable, mais a été refusée à cause des besoins opérationnels du service au moment de la demande ».

3 La clause de la convention collective ayant donné lieu au grief se lit en partie comme suit :

18.02 Congé d'études

(a) Un employé peut bénéficier d'un congé d'études non payé d'une durée allant jusqu'à un (1) an, renouvelable sur accord mutuel, pour fréquenter un établissement reconnu en vue d'acquérir une formation complémentaire ou spéciale dans un domaine du savoir qui nécessite une préparation particulière pour permettre au demandeur du congé de mieux remplir son rôle actuel, ou d'entreprendre des études dans un domaine qui nécessite une formation en vue de fournir un service que l'employeur exige ou qu'il se propose de fournir.

(b) L'employé en congé d'études non payé en vertu du présent paragraphe reçoit une indemnité tenant lieu de traitement variant de cinquante pour cent (50 %) à cent pour cent (100 %) de son taux de rémunération de base. Le pourcentage de l'indemnité est à la discrétion de l'employeur. Lorsque l'employé reçoit une subvention ou une bourse d'études ou d'entretien, l'indemnité de congé d'éducation peut être réduite. Dans ces cas, le montant de la réduction ne dépasse pas le montant de la subvention ou de la bourse d'études ou d'entretien.

[…]

II. Résumé de la preuve

4 Les parties ont produit en preuve 20 documents. Le fonctionnaire a témoigné. L’employeur a cité comme témoins la Major Shirley MacLean et le Lieutenant-colonel Sean Blundell. Entre juillet 2007 et juillet 2010, la Major MacLean était gestionnaire de la clinique de santé à la base des Forces canadiennes (BFC) de Petawawa, en Ontario. Le fonctionnaire relevait d’un chef d’équipe et d’un gestionnaire, qui relevaient eux-mêmes de la Major MacLean. De 2009 à avril 2010, le Lieutenant-colonel Blundell était le commandant responsable de deux ambulances de campagne, lesquelles assurent le soutien et les services médicaux aux 5000 soldats de la BFC de Petawawa. La Major MacLean relevait du Lieutenant-colonel Blundell.

5 Le fonctionnaire a tenté plus d’une fois d’obtenir un congé d’études pour l’année scolaire 2009-2010. Une partie de la preuve produite à l’audience concerne la demande qui précède celle de février 2010 dont il est question en l’espèce. J’examinerai également cette preuve étant donné qu’elle aide à comprendre le contexte du grief.

6 Entre 2006 et 2011, le fonctionnaire a travaillé pour la clinique de santé de la BFC de Petawawa en tant que gestionnaire de cas. Il était alors titulaire d’un baccalauréat en sciences infirmières. En tant que gestionnaire de cas, il lui incombait d’établir une relation continue et d’aider les membres des Forces canadiennes qui étaient blessés ou aux prises avec des problèmes médicaux graves à naviguer de manière efficace dans les systèmes de soins de santé des Forces canadiennes et civil pour qu’ils aient accès aux avantages leur permettant d’atteindre un état de santé et de bien-être optimal. Le rôle du gestionnaire de cas consiste à aider les membres des Forces canadiennes visés à retourner au travail ou à faciliter leur transfert aux services de soins de santé civils ou au ministère des Anciens combattants.

7 À l’automne 2010, le fonctionnaire a obtenu son diplôme d’infirmier praticien (IP) de l’Université Queen’s. Il a quitté la fonction publique en avril 2011 et est maintenant IP à l’hôpital de district de Deep River.

8 Dans les Forces canadiennes, les IP font partie d’unités de prestation de soins de santé (UPSS). Ils effectuent des évaluations de santé complètes et diagnostiquent des maladies ou des troubles. Ils assurent la gestion des soins aux patients dans les limites de leur champ d’activité et supervisent la thérapie prodiguée aux patients atteints de maladies chroniques stables en prodiguant des interventions pharmacologiques ou du counselling. Selon la preuve produite à l’audience, il existe une distinction nette et des différences importantes entre un infirmier exerçant les fonctions de gestionnaire de cas et un IP.

9 Selon les témoins, les gestionnaires de cas de la BFC de Petawawa avaient une très grosse charge de travail en 2009 et en 2010. La BFC de Petawawa était une des trois bases qui dépêchaient des soldats, en rotation, pour les opérations militaires en Afghanistan. Les gestionnaires de cas devaient donc intervenir auprès d’un plus grand nombre de soldats, soit une priorité opérationnelle. De plus, des postes de gestionnaire de cas étaient vacants à cette époque. En mars 2009, on comptait trois postes de gestionnaire de cas et l’employeur était en voie d’en doter un quatrième. Il y avait aussi un poste de chef d’équipe.

10 Le 20 juillet 2009, le fonctionnaire a présenté à la Major MacLean une demande de congé d’études pour la période allant de septembre 2009 à septembre 2010. Il a par la suite écrit qu’il avait été accepté au programme d’IP de l’Université Queen’s et qu’il avait besoin d’une réponse avant le 5 août 2009. Le 30 juillet 2009, la Major Maclean a répondu au fonctionnaire que la formation d’IP n’allait pas rehausser son rôle de gestionnaire de cas et qu’elle n’était pas une exigence pour le fonctionnement des UPSS. Elle a ajouté que son absence allait aggraver le manque de gestionnaires de cas. À cette époque, seulement deux postes de gestionnaire de cas étaient dotés. À l’été 2009, des options autres qu’un congé d’études ont été envisagées dans le but d’accommoder le fonctionnaire; l’employeur a refusé ces options en raison, principalement, des besoins opérationnels.

11 Le 1er septembre 2009, le fonctionnaire a présenté trois griefs relativement à la décision de l’employeur a) de lui refuser son congé d’études, b) de lui refuser son congé sans solde et c) de refuser qu’il travaille à temps partiel. Le 18 septembre 2009, le Lieutenant-colonel Blundell a rejeté le grief relatif à la demande de congé d’études et a affirmé qu’il n’allait pas recommander aux autorités supérieures d’accorder ce congé parce que cela ne serait pas avantageux pour l’employeur. Toutefois, le Lieutenant-colonel Blundell a autorisé la demande de congé sans solde pour des besoins personnels du fonctionnaire à partir du 16 novembre 2009 dans le but de lui permettre de terminer son programme d’études. Dans sa réponse au grief ainsi qu’à l’audience, le Lieutenant-colonel Blundell a affirmé que l’employeur venait de compléter un processus de sélection en vue d’embaucher deux nouveaux gestionnaires de cas. Il espérait alors que l’arrivée de ces deux nouveaux employés aide à rétablir la charge de travail en ce qui concerne la gestion des cas. C’est pour cette raison qu’il a permis au fonctionnaire de prendre un congé sans solde et qu’il lui a offert de travailler à temps partiel durant les quelques semaines précédant le début du congé sans solde. Avant le début de ces congés, le fonctionnaire utilisait ses congés annuels payés pour suivre son programme d’études, qui avait débuté en septembre 2009.

12 Le 15 février 2010, le fonctionnaire a présenté une nouvelle demande de congé d’études pour la période allant de novembre 2009 à septembre 2010 en vue d’entreprendre (ou de terminer) son certificat d’IP à l’Université Queen’s. Il a par la suite écrit qu’il avait choisi d’entreprendre ce programme d’études afin de faire progresser sa carrière dans le secteur des soins de santé et qu’il espérait exercer les fonctions d’IP auprès de son employeur à la fin du programme. Il a également mentionné par écrit qu’il croyait que cette formation profiterait à la clinique de la BFC de Petawawa. Il croyait que sa demande pourrait aider l’employeur à cause de la nécessité de doter des postes d’IP. Les témoins de l’employeur ont pour leur part affirmé que la dotation de ces postes n’était pas une priorité pour l’employeur en raison du type de services assurés par les IP.

13 Le 17 mars 2010, la Major MacLean a répondu à la demande du fonctionnaire. Elle a écrit que la situation n’avait pas changé depuis sa dernière demande, que sa formation d’IP n’allait pas rehausser son rôle de gestionnaire de cas et que la présence d’IP n’était pas essentielle au fonctionnement de l’UPSS. La demande a par la suite été transmise au commandant, qui ne l’a pas appuyée. Ce dernier a envoyé sa recommandation négative au quartier général de l’employeur le 7 avril 2010. Le 3 juin 2010, un colonel-commandant de la chaîne de commandement, au quartier général de l’employeur, a écrit que la demande de congé d’études du fonctionnaire ne répondait pas aux critères énoncés dans la convention collective puisque la formation en question n’allait pas améliorer ses fonctions de gestionnaire de cas. Le 21 octobre 2010, le chef du personnel militaire refusait la demande de congé d’études en se fondant sur [traduction] « […] les critères d’autorisation de ce type de congé, en tenant dûment compte des besoins de l’unité, du ministère et de l’individu ». À ses yeux, le besoin essentiel de gestionnaires de cas l’emportait sur la nécessité de former des IP à ce moment.

14 La Major Maclean et le Lieutenant-colonel Blundell n’ont pas été consultés et n’ont pas participé à la rédaction de la réponse finale de l’employeur relativement à la demande de congé d’études du fonctionnaire ni à la réponse au dernier palier.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour le fonctionnaire

15 Le fonctionnaire a soutenu que l’employeur avait refusé sa demande de congé d’études en raison des besoins opérationnels. Il m’a renvoyé à la réponse de l’employeur au dernier palier de la procédure de règlement des griefs, où il était clairement mentionné que le congé était refusé en raison des besoins opérationnels. Il incombait à l’employeur de prouver l’existence de ces besoins. D’ailleurs, un congé sans solde a été accordé au fonctionnaire pour la période durant laquelle ce dernier avait sollicité un congé d’études. En outre, je devrais tirer une conclusion défavorable puisque l’employeur n’a pas appelé le chef du personnel militaire à témoigner, et ce, même si c’est lui qui a pris la décision finale de refuser la demande de congé d’études du fonctionnaire.

16 L’analyse de la Major MacLean était trop restreinte. Elle n’a pas vraiment examiné les besoins en IP de l’employeur. De plus, l’employeur n’a pas tenu compte de l’article 18 de la convention collective dans son ensemble. L’article, qui s’intitule « Promotion professionnelle », reconnaît que, de temps à autre, un employé doit avoir la possibilité de participer à des activités de perfectionnement, notamment de la formation universitaire.

17 Le fonctionnaire m’a renvoyé à Tucci c. Procureur général du Canada (Revenu Canada, Douanes, Accises et Impôt) (1997), 126 F.T.R. 147, et Morton c. Conseil du Trésor (Agriculture Canada), dossier de la CRTFP 166-02-14208 (19840409).

B. Pour l’employeur

18 Selon la clause 18.02 de la convention collective, l’employeur peut autoriser ou refuser un congé d’études à sa discrétion. Il incombe au fonctionnaire de démontrer que l’employeur a exercé sa discrétion de manière déraisonnable, arbitraire et de mauvaise foi. Or, le fonctionnaire ne s’est pas acquitté du fardeau de la preuve.

19 L’employeur a agi de manière raisonnable : il croyait que le fonctionnaire ne satisfaisait pas aux critères d’autorisation d’un congé d’études et a refusé d’accéder à sa demande. La preuve présentée à l’audience a démontré ce point. L’employeur a expliqué dans plusieurs documents et à l’aide de témoins que la demande avait été refusée parce que le fonctionnaire n’avait pas besoin de suivre le programme d’études d’IP pour exercer ses fonctions de gestionnaire de cas. En outre, l’employeur n’avait pas besoin que des employés soient formés pour devenir IP puisqu’il avait plutôt besoin de gestionnaires de cas. Cela a été expliqué au fonctionnaire à la suite de chacune de ses demandes de congé d’études.

20 L’employeur a fait valoir qu’il n’y avait pas lieu de tirer une conclusion défavorable du fait que le chef du personnel militaire de son quartier général n’ait pas été cité comme témoin. Les deux témoins qui ont été appelés à témoigner étaient mieux qualifiés pour expliquer la situation qui prévalait au moment de la demande de congé d’études étant donné qu’ils se trouvaient dans la chaîne de commandement de la BFC de Petawawa au moment de la présentation de la demande par le fonctionnaire.

21 L’employeur m’a renvoyé à Pronovost c. Conseil du Trésor (ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences), 2007 CRTFP 93; Ewen c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2006 CRTFP 113; Salois c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2001 CRTFP 88.

IV. Motifs

22 Selon l’employeur, il n’y a pas eu infraction à la convention collective puisque la demande de congé d’études du fonctionnaire a été refusée au motif qu’elle ne répondait pas aux deux critères énoncés à la clause 18.02a) de la convention collective. Selon le fonctionnaire, bien que l’employeur ait invoqué les exigences opérationnelles du service pour justifier son refus, cette exigence n’existait pas étant donné que l’employeur a accordé un congé sans solde au fonctionnaire. Subsidiairement, il a affirmé que l’analyse de l’employeur était trop restreinte, qu’elle ne prenait pas en considération le besoin en IP de l’employeur et qu’elle ne tenait pas compte de l’esprit de l’article de la convention collective intitulé « Promotion professionnelle ».

23 Selon la clause 18.02 de la convention collective, au moins un des deux critères énoncés doit être satisfait pour qu’un fonctionnaire puisse bénéficier d’un congé d’études. Pour que le premier critère soit satisfait, la formation doit être nécessaire afin que l’employé s’acquitte plus adéquatement de ses fonctions en cours. Pour que le second critère soit satisfait, la formation doit viser un domaine qui permettrait d’assurer à l’employeur un service dont il a besoin ou qu’il prévoit offrir. Il m’incombe par conséquent de décider si le fonctionnaire satisfait à l’un de ces critères.

24 Dans sa réponse au dernier palier de la procédure de règlement des griefs, l’employeur a écrit que la demande de congé avait été refusée en raison des exigences opérationnelles. Toutefois, la preuve présentée à l’audience indique clairement que ce n’était pas le motif du refus de l’employeur. La preuve démontre plutôt que l’employeur a rejeté la demande parce qu’il croyait que celle-ci ne satisfaisait à aucun des deux critères de la clause 18.02 de la convention collective, comme il a été mentionné dans la réponse du 17 mars 2010 de la Major MacLean et dans celle du 21 octobre 2010 du chef du personnel militaire. C’est cette réponse que le fonctionnaire a contestée. En outre, les témoignages de la Major MacLean et du Lieutenant-colonel Blundell appuient manifestement la théorie selon laquelle la demande du fonctionnaire a été refusée parce que, aux yeux de l’employeur, elle ne satisfaisait pas aux critères énoncés à la clause 18.02. Leurs témoignages n’ont pas été contredits et, par conséquent, demeurent valables. Je n’avais pas besoin d’entendre le chef du personnel militaire pour rendre ma décision; en outre, aucun argument ou précédent pouvant m’amener à tirer une conclusion défavorable relativement au fait que l’employeur ne l’ait pas appelé à témoigner ne m’a été présenté.

25 Dans cette affaire, c’est la situation telle qu’elle existait au moment de la présentation du grief qui est en cause. Il n’y a pas de doute que l’employeur a refusé ou a recommandé à la chaîne de commandement de refuser la demande de congé d’études parce qu’elle ne répondait pas à l’un ou l’autre des critères énoncés à la clause 18.02 de la convention collective. C’est ce qui faisait l’objet du grief, non la réponse de l’employeur au dernier palier. S’il y a eu confusion en ce qui concerne le motif de l’employeur de rejeter la demande de congé d’études, la réponse au dernier palier pourrait être utile pour comprendre les motifs du refus, mais ce n’est pas le cas.

26 Je constate que l’employeur a refusé d’accorder le congé demandé parce qu’il croyait que le fonctionnaire ne satisfaisait à aucune des exigences minimales en vue d’accorder le congé. Je constate également que le fonctionnaire n’a pas contesté la conclusion de l’employeur à cet égard. Même si l’employeur pourrait avoir invoqué d’autres facteurs, comme les exigences opérationnelles du service, pour prendre sa décision, il n’en demeure pas moins qu’il a fondé sa décision sur la question des exigences minimales énoncées à la clause 18.02 de la convention collective. La prise en compte d’autres facteurs, quels qu’ils soient, n’était que secondaire et n’avait aucune influence ou incidence sur le raisonnement à l’origine de la décision de l’employeur. L’argument du fonctionnaire en ce qui concerne les exigences opérationnelles ne peut s’appliquer à la lumière de ma décision. La question du caractère raisonnable du refus de l’employeur d’accorder le congé pour des questions opérationnelles ne peut s’appliquer que dans les cas où les besoins opérationnels constituent la raison du refus, ce qui n’est pas le cas ici.

27 De plus, l’argument du fonctionnaire selon lequel il était déraisonnable de refuser le congé pour des motifs liés aux besoins opérationnels du service ne pouvait s’appliquer que dans l’éventualité où ce dernier aurait d’abord satisfait aux exigences minimales relatives au congé. Si un employé satisfait à ce qu’on a appelé précédemment les exigences minimales relatives à un congé d’études, la convention collective mentionne que le congé « peut » être accordé. Le libellé de la clause 18.02 de la convention collective indique clairement, par l’utilisation du terme « peut », que l’autorisation du congé est discrétionnaire. L’employeur doit exercer cette discrétion de manière raisonnable, mais il n’a besoin de l’exercer que dans l’éventualité où le fonctionnaire se qualifie pour un congé d’études, ce qui n’est pas le cas dans cette affaire. Comme le fonctionnaire ne se qualifie pas pour un congé d’études, la question de savoir si l’employeur a bien évalué ou non les exigences opérationnelles du service n’est pas pertinente. En conséquence, l’employeur n’était pas tenu d’exercer sa discrétion et d’examiner sa demande en vertu de cette disposition, ce qui aurait pu comprendre une évaluation des exigences opérationnelles du service.

28 Le fonctionnaire m’a renvoyé à Morton et Tucci. L’employeur m’a renvoyé à Pronovost. Ces trois décisions traitent de la question des besoins opérationnels ou du fardeau de la preuve qui y est relié. Elles ne sont pas utiles en l’espèce étant donné que, en vertu de ma décision, la question est devenue non pertinente.

29 Dans Ewen et Salois, l’arbitre de grief a affirmé que, dans les affaires portant sur un congé autorisé à sa discrétion, l’employeur ne doit pas exercer cette discrétion de manière arbitraire ou discriminatoire, ou encore de mauvaise foi. En l’espèce, l’employeur n’était pas tenu d’exercer sa discrétion puisque le fonctionnaire n’avait manifestement pas satisfait aux exigences minimales énoncées à la clause 18.02 de la convention collective. En tout état de cause, l’employeur a démontré qu’il avait une raison logique de refuser la demande de congé d’études du fonctionnaire. L’employeur croyait de bonne foi que la demande ne satisfaisait à aucun des critères énoncés à la clause 18.02. En conséquence, l’employeur n’a pas enfreint la clause 18.02 et l’a appliqué correctement.

30 Le fonctionnaire a également fait valoir que l’analyse de la Major MacLean était trop restreinte et qu’elle n’avait pas vraiment examiné les besoins de l’employeur au chapitre des IP. Je ne suis pas d’accord avec cette allégation. Les témoins de l’employeur ont affirmé qu’ils n’avaient pas besoin de doter des postes d’IP et leur témoignage à cet égard n’a pas été contredit. Le fonctionnaire a également déclaré que l’employeur n’avait pas tenu compte de l’article 18 de la convention collective dans son ensemble. Compte tenu du fait que les exigences minimales d’obtention d’un congé d’études sont clairement énoncées à la clause 18.02 de la convention collective, cet argument est non pertinent en raison du fait que le fonctionnaire n’a pas satisfait à ces exigences.

31 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

32 Le grief est rejeté.

Le 5 avril 2012.

Traduction de la CRTFP

Renaud Paquet,
arbitre de grief

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