Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Les fonctionnaires s’estimant lésés ont allégué que l’employeur avait contrevenu aux dispositions de la convention collective sur les jours fériés désignés payés - les fonctionnaires s’estimant lésés travaillaient un horaire modifié par quarts de travail rotatifs de 16 heures ou de 12,75 heures - selon l’article34 de la convention collective, un jour férié désigné payé doit correspondre au nombre d’heures journalières normales prévues dans la convention collective, alors que la clause21.02 précise que les heures journalières normales des employés travaillant par quart de travail rotatif est de 8,5 heures par jour - les fonctionnaires s’estimant lésés étaient en congélors de leurs jours fériés désignés payés, et l’employeur a réclamé un dédommagement sous la forme d’un congé annuel ou d’un congé sans solde, ou en demandant aux fonctionnaires s’estimant lésés de compenser la différence entre la valeur des congés fériés désignés payés et le nombre d’heures qu’ils auraient travaillé ces journées-là - les fonctionnaires s’estimant lésés ne se sont pas acquittés du fardeau de la preuve qui leur incombait pour établir qu’il y avait eu violation de la convention collective - aucune disposition de la convention collective n’interdisait à l’employeur de les mettre en congéet de récupérer ensuite les heures - les fonctionnaires s’estimant lésés ont demandé d’avoir le droit de travailler pendant un jour férié désigné payé, mais la convention collective ne leur confère pas ce droit - l’appendice K ne s’applique pas en l’instance, car elle porte sur la modification des horaires préétablis, pas sur les quarts de travail individuels - la jurisprudence a confirmé le droit de l’employeur de récupérer les heures. Griefs rejetés.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2012-05-10
  • Dossier:  566-02-1756, 3646, 4734 et 4735
  • Référence:  2012 CRTFP 57

Devant un arbitre de grief


ENTRE

ROXANNE CAMPBELL, MIKE CARDINAL ET KEVIN HITCHCOCK

fonctionnaires s'estimant lésés

et

CONSEIL DU TRÉSOR
Service correctionnel du Canada)

employeur

Répertorié
Campbell et al. c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada)

Affaire concernant des griefs individuels renvoyés à l’arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Renaud Paquet, arbitre de grief

Pour les fonctionnaires s'estimant lésés:
Marie-Pier Dupuis-Langis, Union of Canadian Correctional Officers - Syndicat des agents correctionnels du Canada – CSN

Pour l'employeur:
Pierre Marc Champagne, avocat

Affaire entendue à Kingston (Ontario),
du 23 au 25 avril 2012.
(Traduction de la CRTFP)

I. Griefs individuels renvoyés à l’arbitrage

1 Au moment où ils ont déposé leurs griefs, Roxanne Campbell, Mike Cardinal et Kevin Hitchcock, les fonctionnaires s’estimant lésés (les « fonctionnaires »), étaient agents correctionnels au Service correctionnel du Canada (l’« employeur » ou SCC) dans la région de l’Ontario. Mme Campbell et M. Hitchcock travaillaient à l’établissement de Joyceville et M. Cardinal, à l’établissement de Millhaven. Les fonctionnaires ont allégué que l’employeur avait contrevenu à la disposition relative aux jours fériés désignés payés (JFDP) et à d’autres dispositions de la convention collective signée le 26 juin 2006 entre le Conseil du Trésor et l’Union of Canadian Correctional Officers - Syndicat des agents correctionnels du Canada – CSN (le « syndicat ») (la « convention collective »).

2 En vertu de la clause 26.01 de la convention collective, les employés ont droit à un maximum de 12 JFDP par an. Au cours d’une semaine typique, du lundi au vendredi, et selon un horaire de travail de 8 heures par jour, les employés sont automatiquement en congé un JFDP, et ils profitent de leur temps libre. La réalité des agents correctionnels est assez différente. Un établissement pénitentiaire fonctionne 24 heures par jour, 7 jours par semaine, avec un effectif qui peut être réduit un jour de congé, mais sans être inférieur à un certain minimum. Pour des raisons évidentes, le SCC ne peut pas permettre à la plupart de ses employés de prendre congé, par exemple, le jour de l’An ou le jour de la fête du Travail.

3 Les fonctionnaires travaillaient selon des horaires modifiés par roulement. Mme Campbell et M. Cardinal travaillaient des quarts de 12,75 heures; et M. Hitchcock, des quarts de 16 heures. Aux termes de l’article 34 de la convention collective, un JFDP doit correspondre au nombre d’heures journalières normales prévues dans la convention collective. La clause 21.02 prévoit que les heures journalières normales des employés qui travaillent suivant un horaire irrégulier ou par roulement sont établies de telle sorte que les employés travaillent 8,5 heures par jour. Par conséquent, lorsque l’employeur met en congé des employés un JFDP, il estime qu’ils présentent un déficit dans les heures travaillées. Pour M. Cardinal ou Mme Campbell, cela signifiait un déficit de 4,25 heures par JFDP et pour M. Hitchcock, un déficit de 7,5 heures.

4 M. Cardinal a présenté un grief pour contester la décision de l’employeur de déduire ces heures pour le jour férié du 1er juillet 2009. Mme Campbell a présenté un grief pour contester la décision de l’employeur de déduire ces heures pour le jour férié du 1er juillet 2007. M. Hitchcock a déposé deux griefs. Dans le premier grief qu’il a présenté, il a contesté la décision de l’employeur de ne pas lui offrir de travailler le lundi de Pâques 2010. Dans son deuxième grief qu’il a présenté, il a contesté la déduction du temps correspondant à la différence entre la valeur en heures d’un JFDP et le nombre d’heures qu’il aurait travaillées ce jour-là.

5 Ces griefs soulèvent la question de savoir si l’employeur a le droit de mettre en congé de façon unilatérale des employés lors d’un JFDP et la question concernant son droit de réclamer de ses employés le remboursement des heures après un JFDP.

II. Résumé de la preuve

6 Les parties ont présenté 12 documents en preuve, y compris 3 exposés conjoints des faits. Ces exposés reflètent leur accord sur certains faits se rapportant aux présents griefs. Les fonctionnaires ont témoigné. L’employeur a appelé Shauna Dickie et John Kearney comme témoins. Mme Dickie est gestionnaire correctionnelle responsable des horaires et du déploiement des agents correctionnels à l’établissement de Millhaven. M. Kearney est directeur de la politique sur les relations de travail au SCC.

7 Les fonctionnaires ont témoigné qu’ils prennent connaissance de leurs horaires de travail, y compris leurs jours et heures de travail, au début de l’année, ce qui les aide à planifier leur vie personnelle. Ainsi, lorsqu’ils y sont autorisés, ils choisissent les horaires de travail qui leur conviennent le mieux. Étant donné que M. Hitchcock habite très loin de son lieu de travail, il a choisi un horaire de travail de 16 heures par jour, réduisant ainsi de moitié le kilométrage qu’il aurait à parcourir s’il travaillait selon un horaire de 8 heures par jour. M. Cardinal et Mme Campbell ont choisi un horaire de travail de 12,75 heures par jour, ce qui leur permettait de mieux concilier travail et responsabilités familiales. Les fonctionnaires ont témoigné que tout changement à leur horaire de travail prévu à l’origine entraînait des problèmes dans leur vie personnelle et les contraignait à s’adapter à ce changement.

8 Les parties ont convenu que, aux termes de la clause 26.03 de la convention collective, lorsqu’un JFDP coïncide avec le jour de repos d’un employé, le jour férié est reporté au premier jour de travail à l’horaire de l’employé qui suit le JFDP. Selon cette règle, Mme Campbell était réputée avoir effectué son quart de nuit du 2 au 3 juillet 2007 durant un JFDP; M. Cardinal était réputé avoir travaillé durant un JFDP le 3 juillet 2009; M. Hitchcock était réputé avoir travaillé durant un JFDP le 7 avril 2010. Selon leurs horaires de travail prévus à l’origine, les fonctionnaires croyaient que, au début de l’année, ils devaient travailler à ces dates.

9 Environ 14 jours avant ces JFDP, l’employeur a informé chacun des fonctionnaires qu’ils seraient « mis en congé » et qu’ils ne seraient pas censés travailler durant les jours réputés JFDP. Ils ont tous témoigné qu’ils étaient disponibles et disposés à travailler ces jours-là, mais qu’ils avaient reçu l’ordre de ne pas se rendre au travail. Peu de temps après, l’employeur a exigé des fonctionnaires de compenser l’écart entre la valeur en heures d’un JFDP et le nombre d’heures qu’ils devaient travailler ces jours-là.

10 L’employeur a réclamé 4,75 heures de Mme Campbell, 3,25 heures de M. Cardinal et 7,5 heures de M. Hitchcock. Dans le cas de M. Cardinal, le nombre d’heures réclamées aurait dû être de 4,75 heures. Aucun des témoins n’était en mesure d’expliquer pourquoi l’employeur lui avait réclamé 3,25 heures. À la suite de Procureur général du Canada c. Garrah, 2010 CF 1192, l’employeur a diminué les réclamations d’une demi‑heure étant donné que ce cas a établi que la valeur d’un JFDP pour les employés assujettis à un horaire irrégulier équivaut à 8,5 heures. Avant cette décision, l’employeur considérait que la valeur d’un JFDP équivalait à 8,0 heures. Ces chiffres ne sont pas contestés par les parties. La question en litige est de savoir si l’employeur a le droit de « mettre un employé en congé » et dans l’affirmative, de savoir si les fonctionnaires doivent rembourser des heures à l’employeur étant donné qu’ils étaient « mis en congé » ces jours-là. Les éléments de preuve ont montré que Mme Campbell n’avait pas encore remboursé les heures réclamées, que l’employeur avait récupéré les heures qu’ils réclamaient de M. Cardinal de son chèque de paie au début de 2010 et que M. Hitchcock avait travaillé les heures que l’employeur lui réclamait.

11  Les fonctionnaires ont témoigné qu’ils devraient modifier leurs horaires de travail pour rembourser ces heures à l’employeur. Travailler une partie d’un quart de travail supplémentaire implique une réorganisation de la vie personnelle et familiale et entraîne des dépenses supplémentaires pour se rendre au travail. Plus particulièrement pour M. Hitchcock, cela signifie un plus grand nombre de kilomètres à parcourir.

12 L’employeur a produit en preuve sa politique sur les JFDP de 2007. La politique prévoit que les employés qui ne travaillent pas un JFDP doivent compenser l’écart entre le nombre d’heures payées auquel la convention collective leur donne droit et le nombre d’heures prévues à leur horaire de travail. Les employés peuvent rembourser la différence des heures au moyen d’un congé annuel ou d’un congé non payé ou en travaillant pour compenser ces heures. La décision concernant le moment où ces heures seront compensées et la façon de procéder pour ce faire est prise localement. Lors de l’audience, aucun élément de preuve n’a été produit démontrant que l’application locale de cette partie de la politique posait problème. À la fin de chaque trimestre, un employé qui n’a pas compensé ces heures doit rembourser l’employeur au moyen d’un congé annuel ou d’un congé non payé. Si un JFDP se situe au mois de décembre ou lorsque le lundi de Pâques tombe en mars, les employés ont la possibilité de compenser les heures jusqu’à la fin du trimestre suivant.

13 M. Kearney a expliqué le cycle de travail des employés travaillant des postes de 12,75 heures et de ceux travaillant des postes de 16 heures. Dans le premier groupe, le cycle est de 15 semaines et dans le deuxième, il est de 6 semaines. Au cours d’un cycle, les employés travaillent une moyenne de 40 heures par semaine. Les fonctionnaires n’ont pas contredit cet élément de preuve.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour les fonctionnaires s’estimant lésés

14 Les fonctionnaires ont soutenu que l’employeur avait modifié leurs horaires établis en leur donnant congé un JFDP. Les fonctionnaires étaient censés travailler ces jours-là, et ils étaient disposés à le faire. L’employeur n’aurait pas dû les mettre en congé. Chaque fonctionnaire a témoigné de l’importance de ses jours de congé et de la nécessité de connaître à l’avance les jours où il devra travailler et les jours où il sera en congé. La décision de l’employeur de les mettre en congé ces jours-là leur a porté préjudice.

15 Les fonctionnaires ont fait valoir que, en vertu de l’article 34 de la convention collective, la semaine de travail des employés travaillant selon un horaire modifié doit correspondre en moyenne, pendant toute la durée de l’horaire, au nombre d’heures hebdomadaires de travail prévues dans la convention collective, dans le cas présent, 40 heures par semaine. Si les fonctionnaires avaient travaillé durant leurs JFDP, lesquels étaient des jours de travail normaux dans leur cas, ils auraient atteint cette moyenne. Toutefois, cela ne leur a pas été possible étant donné qu’ils ont reçu l’ordre de demeurer chez eux et qu’ils ont été pénalisés pour avoir travaillé selon un horaire modifié.

16 La décision de l’employeur de ne pas offrir aux fonctionnaires de travailler durant leurs JFDP était motivée par le fait qu’il a décidé d’inscrire moins de personnel sur le tableau de service pour ces jours-là. L’employeur n’a présenté aucun argument pour justifier sa décision de réduire le nombre habituel du personnel. La décision unilatérale de l’employeur ne peut pas priver les employés de leur droit de travailler ces jours‑là. Cette décision [traduction] « a eu des effets préjudiciables pour les fonctionnaires », qui devaient alors rembourser des heures à l’employeur. Par exemple, un employé qui travaille un poste de 12,75 heures et qui est « mis en congé » pendant 6 des 11 JFDP devrait rembourser à l’employeur 25,5 heures, ce qui est insensé.

17 La décision de l’employeur de mettre en congé les fonctionnaires durant leurs JFDP a eu un double effet sur leurs horaires de travail initiaux. Premièrement, l’employeur a modifié leurs horaires pour les mettre en congé un jour où ils étaient censés travailler. Deuxièmement, leurs horaires devaient être modifiés de nouveau afin de leur permettre de travailler pour compenser l’écart entre la valeur en heures d’un JFDP et le nombre d’heures prévues à l’horaire. Ces changements de quarts à l’horaire étaient assujettis à la clause 21.03 de la convention collective, qui prévoit au paragraphe a) que les changements aux horaires des quarts de travail doivent être effectués au moins 14 jours à l’avance. Le nouvel horaire doit être toutefois négocié avec le syndicat comme le prévoit l’appendice « K ». Il n’en a pas été ainsi dans les présents cas. L’employeur a imposé le nouvel horaire de façon unilatérale.

18 L’employeur ne devrait pas avoir le droit, en vertu de la convention collective, de décider de façon unilatérale de mettre en congé des employés durant leurs JFDP. Il ne doit pas non plus être autorisé à obliger les employés de rembourser des heures de travail après un JFDP, ce qui a été imposé aux fonctionnaires dans les cas présents. De plus, en vertu de la politique de l’employeur, il appartient à la direction locale de décider si les employés seront en mesure de rembourser les heures qu’ils doivent à l’employeur. En fin de compte, cela pourrait vouloir dire que les employés n’ont pas le droit de travailler en moyenne 40 heures par semaine au cours d’un cycle de travail donné.

19 En résumé, l’employeur a contrevenu à la convention collective. Il aurait dû autoriser les fonctionnaires à travailler durant leurs JFDP, et il n’aurait pas dû leur exiger de rembourser des heures après les avoir obligés à ne pas travailler.

20 Les fonctionnaires m’ont renvoyé aux décisions suivantes : Power c. Conseil du Trésor (Transports Canada), dossier de la CRTFP 166-02-17064 (19880225); Spears c. Conseil du Trésor (Transports Canada), dossier de la CRTFP 166-02-14759 (19850130); Clarkson c. Conseil du Trésor (Agence des services frontaliers du Canada), 2009 CRTFP 87; Union of Canadian Correctional Officers – Syndicat des agents correctionnels du Canada – CSN c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2011 CRTFP 120; Garrah c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2009 CRTFP 148; Alliance de la Fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor, 2011 CRTFP 133; Bazinet c. Conseil du Trésor (ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux), 2011 CRTFP 111.

B. Pour l’employeur

21 L’employeur a soutenu ne pas avoir contrevenu à la convention collective étant donné qu’il avait le droit de mettre en congé les fonctionnaires un JFDP et de leur réclamer de compenser l’écart entre la valeur en heures d’un JFDP et le nombre d’heures qu’ils devaient travailler.

22 Dans les cas présents, il ne s’agit pas d’une question de modification d’horaire, comme l’affirment les fonctionnaires, mais simplement de changement de quart afin de permettre l’application des dispositions de la convention collective relatives aux JFDP. Par conséquent, les dispositions de l’appendice « K » ne s’appliquent pas aux présents griefs.

23 L’employeur n’est pas tenu de fournir aux employés un horaire fixe pour une période de 52 semaines. Au besoin, il peut modifier les postes à l’horaire. Dans les cas présents, l’employeur a agi ainsi après avoir donné aux fonctionnaires un préavis de 14 jours. Il arrive que, en raison d’une « mise en congé » lors d’un JFDP, un employé ne travaille pas une moyenne de 40 heures par semaine, mais aucune disposition de la convention collective ne garantit aux employés un nombre minimal d’heures de travail.

24 Un JFDP est un jour férié payé. Il s’agit d’un congé payé accordé aux employés en vertu de la convention collective. Il est étrange que des employés revendiquent le droit de travailler des JFDP et présentent des griefs puisqu’ils doivent prendre congé ces jours‑là. Un JFDP n’accorde pas le droit de travailler ce jour‑là, mais plutôt le droit de rester à la maison tout en étant payé.

25 La convention collective comprend 12 JFDP possibles d’une valeur de 8,5 heures chacun pour les employés assujettis à un horaire de travail modifié. Au cours d’une année complète, il existe un grand écart entre les heures qui doivent être accordées à un employé pour ses JFDP et le nombre d’heures prévues à l’horaire pour ces jours-là. Les employés doivent compenser cet écart en travaillant le nombre d’heures à rembourser ou en prenant un congé annuel ou un congé non payé.

26 L’employeur m’a renvoyé aux décisions suivantes : Garrah; White c. Conseil du Trésor (Solliciteur général Canada - Service Correctionnel), 2003 CRTFP 40; White c. Canada (Solliciteur général), 2004 CF 1017; Wallis c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2004 CRTFP 180. L’employeur m’a également renvoyé au paragraphe 8:3130 du Canadian Labour Arbitration de Brown et Beatty.

IV. Motifs

27 Comme il a été mentionné précédemment dans la présente décision, ces griefs soulèvent la question de savoir si l’employeur a le droit de mettre en congé de façon unilatérale des employés lors d’un JFDP et la question concernant son droit de réclamer des heures de ses employés après un JFDP. Il incombait aux fonctionnaires de démontrer que l’employeur a contrevenu à la convention collective en les mettant en congé un JFDP et en leur réclamant le remboursement de la différence entre la valeur en heures d’un JFDP et le nombre d’heures de travail qui étaient prévues à leurs horaires. Ils ne se sont pas acquittés du fardeau de la preuve ou en étaient incapables étant donné qu’aucune disposition de la convention collective n’empêche l’employeur de « mettre en congé » des employés ni de « récupérer » des heures par la suite en exigeant leur remboursement par les employés.

28 Les dispositions suivantes de la convention collective sont pertinentes aux présents griefs ou aux arguments soumis par les parties :

[…]

21.02 Lorsque les heures de travail des employé-e-s sont établies suivant un horaire irrégulier ou par roulement :

     a. elles doivent être établies de façon à ce que les employé‑e‑s :

  1. travaillent une moyenne de quarante (40) heures par semaine,
    et
  2. travaillent huit virgule cinq (8,5) heures par jour.

[…]

21.03

  1. Les horaires des quarts de travail doivent être affichés au moins quatorze (14) jours civils avant la date du début du nouvel horaire afin de permettre à un-e employé-e d’obtenir un avis raisonnable pour connaître le quart de travail qui lui est affecté. Le quart de travail, comme il est indiqué dans l’horaire, doit correspondre à l’horaire du quart de travail régulier de l’employé-e.

[…]

21.04 L’horaire des heures de travail ne peut pas être interprété comme garantissant à l’employé-e une durée de travail minimale ou maximale.

[…]

26.01 Sous réserve du paragraphe 26.02, les jours suivants sont des jours fériés désignés payés pour les employé-e-s :

  1. le Jour de l’an,
  2. le Vendredi saint,
  3. le lundi de Pâques,
  4. le jour fixé par proclamation du gouverneur en conseil pour la célébration de l’anniversaire de la Souveraine,
  5. la fête du Canada,
  6. la fête du Travail,
  7. le jour fixé par proclamation du gouverneur en conseil comme jour national d’action de grâces,
  8. le jour du Souvenir,
  9. le jour de Noël,
  10. l’après-Noël,
  11. un (1) autre jour dans l’année qui, de l’avis de l’Employeur, est reconnu comme jour de congé provincial ou municipal dans la région où travaille l’employé-e ou dans toute région où, de l’avis de l’Employeur, un tel jour additionnel n’est pas reconnu en tant que congé provincial ou municipal, le premier lundi d’août,
  12. un (1) jour additionnel lorsqu’une loi du Parlement le proclame comme jour férié national.

[…]

26.03 Lorsqu’un jour désigné comme jour férié en vertu du paragraphe 26.01 coïncide avec le jour de repos d’un-e employé-e, le jour férié est reporté au premier (1er) jour de travail à l’horaire de l’employé-e qui suit son jour de repos. Lorsqu’un jour qui est un jour férié désigné est reporté de cette façon à un jour où l’employé-e est en congé payé, il est compté comme un jour férié et non comme un jour de congé.

[…]

26.05

  1. Lorsqu’un-e employé-e travaille pendant un jour férié, il est rémunéré à tarif et demi (1 1/2) pour toutes les heures effectuées jusqu’à concurrence du nombre d’heures journalières normales prévues à son horaire tel qu’indiqué à l’article 21 de la présente convention collective, et à tarif double (2) par la suite, en plus de la rémunération qu’il aurait reçue s’il n’avait pas travaillé ce jour-là.

[…]

ARTICLE 34
HORAIRE DE TRAVAIL MODIFIÉ

**
L’Employeur et le Syndicat conviennent que les conditions suivantes s’appliquent aux employé-e-s à l’intention desquels des horaires de travail modifiés ont été convenus conformément aux dispositions pertinentes de la présente convention collective. La convention est modifiée par les présentes dispositions dans la mesure indiquée.

**
1. Conditions générales

Les heures de travail figurant à l’horaire d’une journée quelconque peuvent être supérieures ou inférieures à l’horaire de travail de la journée normale de travail qu’indique la présente convention; les heures du début et de la fin du travail, des pauses-repas et des pauses-repos sont fixées par entente entre le Syndicat et l’Employeur au niveau local et approuvées conformément à la lettre d’entente en annexe. Les heures de travail journalières sont consécutives.

Dans le cas des employé-e-s travaillant par quarts, ces horaires doivent prévoir que leur semaine normale de travail correspond, en moyenne, au nombre d’heures hebdomadaires de travail prévues dans la présente convention pendant toute la durée de l’horaire.

Lorsqu’un-e employé-e modifie son horaire modifié ou qu’il ne travaille plus selon un tel horaire, tous les rajustements voulus sont faits.

**
2. Congés - Généralités

Les congés sont accordés en heures, le nombre d’heures débitées pour chaque jour de congé correspondant au nombre d’heures de travail normalement prévues à l'horaire de l’employé-e pour la journée en question.

[…]

3. Champ d’application particulier

Pour plus de précision, les dispositions suivantes sont appliquées comme suit :

[…]

Jours fériés désignés payés

a.Un jour férié désigné payé correspond au nombre d’heures journalières normales prévues dans la présente convention.

[…]

*APPENDICE « K»

[…]

Après avoir été approuvé et mis en application, un horaire pourra uniquement être modifié d’un commun accord des parties patronale et syndicale locales et après avoir été examiné et approuvé par le comité national. Toutefois, lorsque le niveau de sécurité de l’établissement change ou qu’un changement organisationnel est apporté (par exemple, nombre de postes approuvés, heures d’ouverture des postes, classification ou type de postes aux fins du déploiement), le calendrier sera soumis à nouveau au comité national, qui déterminera s’il est conforme aux principes qui précèdent. Le comité national examinera chaque année les horaires en vigueur dans un établissement afin de veiller à ce qu’ils soient toujours conformes aux principes qui précèdent.

[…]

A. Employés « mis en congé »

29 Comme l’indique leur nom, les JFDP sont censés être des jours où les employés ne travaillent pas et pour lesquels ils sont payés. Normalement, on ne devrait pas demander aux employés de travailler des jours comme le Jour de l’an, le jour de Noël, le jour de l’action de grâces ou le jour de la fête du Travail. Dans la plupart des lieux de travail du gouvernement fédéral, tous les employés sont en congé payé les JFDP. Dans les pénitenciers fédéraux, pour des raisons évidentes, il en est autrement. Certains employés doivent travailler afin d’assurer le fonctionnement de l’organisme correctionnel.

30 Dans les présents griefs, les employés réclament le droit de travailler un JFDP. La convention collective ne leur accorde pas un tel droit. Les JFDP sont censés être des jours de congé, mais ce ne peut être toujours le cas pour tous les employés en raison des besoins opérationnels des établissements correctionnels. En mettant en congé des employés lors d’un JFDP, l’employé leur accorde tout simplement le congé auquel ils ont droit en vertu de la convention collective. Il me semble plus normal de mettre en congé des employés lors d’un JFDP que de leur demander de travailler. L’employeur ne devrait leur demander de travailler que pour répondre à un besoin opérationnel. Autrement, les employés ne devraient pas être demandés de travailler un JFDP. De plus, l’employeur a le pouvoir de définir de façon unilatérale la portée et le niveau des services correctionnels à fournir durant un JFDP. Il a également le pouvoir de décider du nombre d’agents nécessaires pour fournir ces services et par conséquent, du nombre d’agents qui seront « mis en congé ».

31 Les fonctionnaires ont témoigné qu’ils ont besoin de connaitre leurs horaires de travail bien à l’avance pour planifier les activités de leur vie. Il s’agit là d’une demande légitime, et la méthode d’établir les horaires de travail satisfait à cette demande. Au début de l’année, les employés prennent connaissance de leurs horaires de travail pour l’année complète. Ils peuvent facilement repérer les JFDP et les dates de ces jours sur l’horaire de travail, ainsi que leurs jours de repos prévus à l’horaire. Les employés reçoivent un préavis de 14 jours pour les informer s’ils sont « mis en congé » ou s’ils sont censés travailler. Il n’y a rien à reprocher à ce système, qui respecte pleinement la convention collective.

32 Lorsqu’un employeur met en congé un employé durant un JFDP, il ne change pas l’horaire de travail préétabli conformément à l’article 34 ou à l’appendice « K » de la convention collective. Il change plutôt le quart à l’horaire de l’employé. Pour effectuer ce changement, l’employeur doit fournir un préavis minimal. Dans les présents griefs, l’employeur a respecté ce délai de préavis. Sur ce point, ces griefs diffèrent de Union of Canadian Correctional Officers - Syndicat des agents correctionnels du Canada - CSN, qui portait sur des modifications d’horaire de travail.

33 Le syndicat a soutenu que la décision de l’employeur de ne pas offrir aux fonctionnaires de travailler durant leurs JFDP était motivée par le fait qu’il a décidé d’inscrire moins de personnel sur le tableau de service pour ces jours-là. Selon le syndicat, cette décision unilatérale a privé les employés de leur droit de travailler ces jours-là. Il est peut-être vrai que la décision de l’employeur a empêché certains employés de travailler durant leurs JFDP. Toutefois, aucun élément de preuve n’a été produit lors de l’audience pour étayer l’allégation selon laquelle cette décision a contrevenu d’une façon quelconque à la convention collective.

34 En ce qui concerne le droit de l’employeur de « mettre en congé » des employés, j’estime que la jurisprudence soumise par le syndicat est inutile. Dans Power, l’employeur a mis à l’horaire, de façon unilatérale, un congé annuel qu’il a refusé de reporter à l’année suivante. Dans Spears, l’arbitre de grief a défini ce que constituait une modification d’horaire pour un quart de travail d’un employé. Dans les présents griefs, la question en litige est le droit de l’employeur de mettre en congé des employés lors de JFDP. Dans Clarkson, l’employeur a « mis en congé » l’employé sur préavis de deux jours, et la question en litige portait sur les conséquences du délai insuffisant de ce préavis, ce qui n’est pas le cas aux présents griefs. Les décisions Alliance de la Fonction publique du Canada et Bazinet traitent de la rémunération des heures supplémentaires travaillées un JFDP, ce qui n’est pas en litige aux présents griefs.

B. Heures des employés « récupérées »

35 Aux termes de la convention collective, la valeur d’un JFDP pour les employés assujettis à un horaire irrégulière équivaut à 8,5 heures. Cela a été confirmé par la Cour fédérale dans Garrah. Lorsque les employés doivent travailler lors d’un JFDP un nombre d’heures supérieur à la valeur en heures d’un JFDP, il est normal qu’ils soient automatiquement tenus de rembourser certaines heures à l’employeur. Ce principe a été confirmé dans White et Wallis. Sur ce point, dans Wallis, à une époque où la valeur d’un JFDP était de 8 heures, l’arbitre de grief a écrit ce qui suit, un passage qui résume bien la jurisprudence :

[…]

37 L’assouplissement de l’horaire de travail est très important pour les employés. Le fonctionnaire s’estimant lésé prétend que l’interprétation par la direction - et par M. Mackenzie, dans White, supra - a eu des conséquences néfastes pour les employés travaillant par postes de douze heures. Pourtant, l’horaire de travail variable ne peut pas leur offrir des avantages l’emportant sur ceux que l’employeur offre aux employés qui ne sont pas assujettis à un horaire variable ou qui travaillent par postes de huit heures, à moins que ce ne soit clairement précisé dans la convention collective. Le remboursement est une mesure administrative conçue pour assurer l’équité du système à l’égard des autres employés. On ne peut pas le considérer comme tricher les employés travaillant par postes selon un horaire variable, même s’ils peuvent en avoir l’impression.

[…]

36 Les jours où ils ont été « mis en congé », Mme Campbell et M. Cardinal étaient affectés à un poste de 12,75 heures. Sachant qu’un JFDP a une valeur de 8,5 heures, chacun d’eux doit rembourser à l’employeur 4,25 heures. Toutefois, dans le cas de M. Cardinal, ce nombre a été réduit à 3,25 heures, et l’employeur m’a confirmé lors de l’audience qu’aucun autre rajustement ne sera effectué. Ces heures devaient être remboursées. La convention collective donne droit à chaque employé à 12 JFDP possibles de 8,5 heures pour un total possible de 93,5 heures de congé par année, et non 12 JFDP possibles de 12,75 heures pour un total possible de 140,25 heures. La même logique s’applique au cas de M. Hitchcock, qui a été « mis en congé » un jour où il était censé travailler 16 heures. Dans son cas, il devait rembourser 7,5 heures à l’employeur.

37 Ces paiements en trop d’heures de travail résultent de l’horaire de travail convenu par les parties. L’employeur doit être raisonnable dans sa façon de demander le remboursement des paiements en trop. En vertu de sa politique et de la preuve orale produite lors de l’audience, l’employeur offre aux employés la possibilité de prendre un congé annuel ou un congé non payé, ou encore de compenser les heures jusqu’à la fin du trimestre suivant, sauf dans les cas où les JFDP tombent à la fin du trimestre. Dans ces cas, l’employé doit compenser les heures à la fin du trimestre suivant.

38 De toute évidence, j’estime que ces possibilités sont raisonnables. Les employés peuvent, au choix, remplacer ces heures par une autre forme de congé ou travailler ces heures. S’ils ne veulent pas travailler une partie d’un quart de travail, ils ont la possibilité de prendre un congé annuel. S’ils préfèrent ne pas utiliser les heures du congé annuel, ils peuvent choisir de prendre un congé non payé.

39 Si l’employeur n’avait pas donné aux fonctionnaires la possibilité de travailler ces heures, j’aurais conclu que, compte tenu des circonstances, l’employeur n’était pas raisonnable dans son administration des heures des JFDP. Toutefois, les fonctionnaires n’ont présenté aucune preuve pour démontrer que l’employeur ne leur a offert aucune possibilité pour travailler les heures qu’il devait récupérer.

40 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

41 Les griefs sont rejetés.

Le 10 mai 2012.

Traduction de la CRTFP

Renaud Paquet,
arbitre de grief

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