Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La fonctionnaire s’estimant lésée a été suspendue pendant dix jours - elle a présenté un grief dans lequel elle conteste cette suspension ainsi que des suspensions de trois et de cinq jours qui lui avaient déjà été imposées pour un comportement similaire à celui reproché en l’espèce - le défendeur a avisé la fonctionnaire s’estimant lésée qu’il ne pouvait accepter le dépôt de son grief puisqu’elle y contestait trois mesures disciplinaires différentes - le défendeur a également soulevé une objection concernant le respect des délais de la partie du grief portant sur les suspensions de trois et de cinq jours - l’arbitre de grief a accueilli l’objection du défendeur concernant le respect des délais, mais a rejeté celle visant la forme du grief - la fonctionnaire s’estimant lésée a été suspendue en lien avec quatre incidents durant lesquels elle a fait preuve de manque de coopération et où elle ne s’est pas présentée ou est arrivée en retard à des séances de formation - la fonctionnaire s’estimant lésée a soutenu qu’elle n’avait pas à se présenter à ces séances de formation puisqu’elle [traduction] << connaissait déjà la matière>> et que, dans le cas d’une autre séance de formation, elle ne savait pas qu’elle devait s’y présenter - elle a également fait valoir qu’elle n’avait pas à fournir certains des renseignements qu’on lui demandait, car il incombait plutôt à l’employeur de former les nouveaux employés; elle a aussi témoigné au sujet d’incidents au cours desquels elle estime que ses collègues lui ont manqué de respect, et ce, sans qu’aucune mesure disciplinaire ne soit prise à leur égard - l’arbitre de grief a conclu que la fonctionnaire s’estimant lésée avait fait preuve d’insubordination et que la suspension était justifiée en vertu du principe des mesures disciplinaires progressives. Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2012-06-12
  • Dossier:  566-02-5546
  • Référence:  2012 CRTFP 66

Devant un arbitre de grief


ENTRE

LYNNE CHAUVIN

la fonctionnaire s'estimant lésée

et

ADMINISTRATEUR GÉNÉRAL
(Commissariats à l’information et à la protection de la vie privée du Canada)

défendeur

Répertorié
Chauvin c. Administrateur général (Commissariats à l’information et à la protection de la vie privée du Canada)

Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Renaud Paquet, arbitre de grief

Pour la fonctionnaire s'estimant lésée:
Elle‑même

Pour le défendeur:
Neida Gonzalez, avocate

Affaire entendue à Ottawa (Ontario),
les 23 et 24 mai 2012.
(Traduction de la CRTFP)

I. Grief individuel renvoyé à l’arbitrage

1 En janvier 2011, Lynne Chauvin, la fonctionnaire s’estimant lésée (la « fonctionnaire ») a été suspendue pour dix jours par l’administrateur général des Commissariats à l’information et à la protection de la vie privée du Canada (le « défendeur »). Le 15 février 2011, la fonctionnaire a déposé un grief pour contester la suspension de dix jours qu’on lui a imposée en janvier 2011. Dans ce grief, elle a aussi contesté deux autres suspensions : une de cinq jours, effectuée du 15 au 19 novembre 2010, et une de trois jours, effectuée du 26 au 28 octobre 2010. La représentante du défendeur a informé la fonctionnaire le 17 février 2011 qu’elle ne pouvait [traduction] « accepter le grief dans sa forme actuelle », puisqu’il portait sur trois questions disciplinaires différentes, et que ces celles-ci devaient être traitées séparément. Le défendeur n’a pas répondu au grief de la fonctionnaire, mais ce dernier a été renvoyé à l’arbitrage.

2 En juillet 2011, le défendeur a communiqué par écrit à la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la « Commission ») pour lui dire que le grief ne pouvait être renvoyé à l’arbitrage, car il n’avait jamais été accepté par le défendeur et qu’il n’était pas passé par la procédure de règlement des griefs. Le défendeur a également contesté le fait que la partie du grief portant sur les suspensions de trois jours et de cinq jours ne respectait pas le délai prescrit. La fonctionnaire n’était pas d’accord avec la position du défendeur. Elle a déclaré qu’elle voulait que les trois suspensions soient entendues par l’arbitre de grief. Toutefois, elle n’a donné dans sa réponse aucun motif ou argument réfutant ceux du défendeur.

3 En janvier 2012, j’ai rencontré les parties pour clarifier cette question et discuter avec elles en préparation de l’audience. J’ai ensuite statué que l’audience porterait uniquement sur la suspension de dix jours. Selon les délais impartis, il était trop tard, le 15 février 2011, pour contester les suspensions d’octobre et de novembre 2010. La fonctionnaire était visée par la convention collective conclue entre le Conseil du Trésor et l’Association canadienne des employés professionnels pour le groupe Économique et services de sciences sociales (date d’expiration : le 21 juin 2011) (la « convention collective »). Selon la clause 40.12 de la convention collective, la fonctionnaire devait déposer son grief dans les 25 jours suivants le moment où elle a appris qu’elle serait suspendue en octobre et en novembre 2010. En février 2011, le délai de 25 jours était expiré. Je rejette l’argument du défendeur, qui a soutenu que le grief ne pouvait être accepté parce qu’il portait sur trois suspensions distinctes. Rien dans la convention collective ou dans la législation n’interdit à un fonctionnaire de déposer un grief pour contester plusieurs suspensions disciplinaires. Par conséquent, je rejette également l’allégation du défendeur, qui croit que le grief ne peut pas être renvoyé à l’arbitrage parce que lui- même a décidé de ne pas le traiter.

4 À l’ouverture, j’ai rappelé aux parties que l’audience porterait uniquement sur la suspension de dix jours. Les parties ont accepté la décision voulant que les suspensions de trois et de cinq jours ne respectaient pas le délai prescrit et que l’audience ne porterait que sur la suspension de dix jours. La fonctionnaire a également confirmé qu’elle renvoyait son grief à l’arbitrage en vertu de l’alinéa 209(1)b) seulement de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, et non du sous‑alinéa 209(1)c)(i), comme elle l’a indiqué dans l’Avis de renvoi à l’arbitrage de son grief.

II. Résumé de la preuve

5 Le défendeur a produit 19 documents en preuve. Il a cité Jennifer Stoddart, Patricia Kosseim et Anne Desjardins comme témoins. Au moment du dépôt du grief, Mme Stoddart était commissaire à la protection de la vie privée. C’est elle qui a imposé la suspension de dix jours. Mme Kosseim était l’avocate générale du défendeur. Lorsque les incidents ayant donné lieu à la suspension de dix jours se sont produits, elle était la superviseure directe de la fonctionnaire. Mme Desjardins était conseillère en ressources humaines pour le défendeur. La fonctionnaire a témoigné. Elle n’a présenté aucun document en preuve.

6 La fonctionnaire a commencé à travailler pour le défendeur en 2007. Au moment du dépôt du grief, elle était technicienne juridique à la direction des services juridiques du défendeur. Selon Mme Kosseim, la fonctionnaire, durant ses premières années d’emploi, faisait un très bon travail, était très compétente et respectait toujours les échéances. Les problèmes sont survenus quand elle a été nommée technicienne juridique.

7 En juin 2010, le défendeur a imposé à la fonctionnaire une suspension d’une journée; en octobre 2010, il lui a imposé une suspension de trois jours; en novembre 2010, il lui a imposé une suspension de cinq jours. Les lettres de suspension ont été produites en preuve. Dans ces lettres, le défendeur a, entre autres choses, imposé une mesure disciplinaire à la fonctionnaire pour son insubordination. En effet, la fonctionnaire n’a collaboré ni avec son superviseur ni avec ses collègues pour leur permettre d’accéder au Système de gestion des dossiers, des documents et de l’information (SGDDI), elle a remis des travaux non terminés et elle n’a pas collaboré avec ses collègues dans l’exercice de ses fonctions. Dans chaque lettre, le défendeur a averti la fonctionnaire que si elle commettait d’autres écarts de conduite, elle pourrait être visée par une mesure disciplinaire plus sévère, notamment un licenciement.

8 Le 11 janvier 2011, le défendeur a imposé à la fonctionnaire la suspension de dix jours qui fait l’objet de ce grief. Selon le défendeur, cette décision était fondée sur quatre incidents survenus en novembre et en décembre 2010. Lors de ces incidents, la fonctionnaire a refusé de fournir de l’information à une collègue technicienne juridique, n’a pas assisté à des séances offertes dans le cadre de la Semaine de la gestion de l’information du défendeur, n’a pas collaboré lorsqu’on lui a demandé de fournir de l’information concernant le SGDDI pour une séance de formation et elle ne s’est tout d’abord pas présentée à cette séance de formation et y est par la suite arrivée en retard. Les quatre paragraphes suivants résument les éléments de preuve produits à l’audience pour chacun des incidents énoncés.

9 Mme Kosseim a déclaré que la fonctionnaire avait refusé de fournir de l’information de base à sa nouvelle collègue technicienne juridique. Le 23 novembre 2010, la nouvelle technicienne juridique a écrit à Mme Kosseim pour lui dire qu’elle ne savait pas comment ouvrir les dossiers dans le SGDDI, comment leur donner un numéro, comment faire des dossiers papier et comment fermer un dossier. Mme Kosseim a réacheminé ces questions à la fonctionnaire le jour même. Le lendemain, Mme Kosseim a demandé à la fonctionnaire de partager ses connaissances avec sa nouvelle collègue et de la mettre au courant de la manière dont se font les choses dans le service. Le 29 novembre 2010, à l’occasion d’une réunion, la fonctionnaire a remis à Mme Kosseim une copie imprimée des questions envoyées par courriel par la nouvelle technicienne juridique, datant du 23 novembre, à côté desquelles elle a inséré une réponse manuscrite. En somme, la fonctionnaire n’a pas fourni les renseignements demandés et s’est contentée d’indiquer qu’elle était la personne responsable de la création des dossiers électroniques, de leur assigner un numéro et de la fermeture des dossiers papier. Lors d’une rencontre qui a eu lieu le 6 décembre 2010, Mme Kosseim a redemandé à la fonctionnaire de répondre aux questions. Le 29 décembre, la fonctionnaire a fourni des réponses qui, selon Mme Kosseim, étaient incomplètes et peu utiles. La fonctionnaire a déclaré que le défendeur aurait dû former la nouvelle technicienne juridique puisqu’il l’avait embauchée. Elle a ajouté que la nouvelle ne pouvait même pas effectuer des tâches simples, comme préparer des étiquettes.

10 Mme Kosseim a déclaré que, le 23 novembre 2010, elle a fortement encouragé la fonctionnaire à participer aux activités prévues du 23 au 26 novembre 2010, dans le cadre de la Semaine de la gestion de l’information du défendeur. Le 24 novembre, elle a écrit à la fonctionnaire pour lui demander de participer aux séances liées à son travail, particulièrement celles sur la sensibilisation à la sécurité et la tenue de dossiers [traduction] « […] ainsi qu’aux futures séances de formation sur l’accès à l’information et la protection des renseignements personnels ». Selon Mme Kosseim, la fonctionnaire lui aurait dit le 29 novembre qu’elle n’avait assisté à aucune des séances sans fournir de motif pour expliquer son absence aux séances. À l’audience, la fonctionnaire a d’abord déclaré qu’elle n’avait assisté à aucune des séances, parce qu’elle [traduction] « savait déjà tout a ». Cependant, lors du contre‑interrogatoire, elle a affirmé qu’elle avait participé à une des séances, mais qu’elle ne se rappelait plus laquelle.

11 Mme Kosseim a déclaré qu’elle avait demandé plusieurs fois à la fonctionnaire de l’aider à préparer la séance de formation sur le SGDDI qui devait avoir lieu le 9 décembre 2010. Cette séance visait à montrer au personnel juridique comment sauvegarder les dossiers de façon uniforme dans le SGDDI de manière à faciliter les recherches et l’extraction de données. Dans le passé, la fonctionnaire avait été la seule personne à sauvegarder des dossiers dans le SGDDI. Grâce à cette formation, tout le personnel juridique pourrait effectuer cette tâche. Mme Kosseim a déclaré qu’elle avait besoin de la coopération de la fonctionnaire, étant donné qu’elle était la spécialiste du contenu du SGDDI. Le 24 novembre 2010, Mme Kosseim a demandé par écrit à la fonctionnaire de préparer des prototypes de profils qui pourraient être utilisés à la séance du 9 décembre 2010 portant sur la sauvegarde des opinions juridiques, des documents se rapportant aux litiges, des documents de correspondance juridique, des notes juridiques et des instructions juridiques. Le 29 novembre 2010, Mme Kosseim a demandé de nouveau à la fonctionnaire de préparer les prototypes de profils. Le 6 décembre, la fonctionnaire a fourni à Mme Kosseim de la documentation qui, selon cette dernière, était incomplète et insatisfaisante. Mme Kosseim a d’ailleurs fait part de son opinion à la fonctionnaire. En avril 2011, longtemps après la séance de formation et deux mois après la suspension de dix jours, la fonctionnaire a fourni une autre version des profils qui, à son avis, était complète et excellente. Mme Kosseim savait très bien que la fonctionnaire pouvait préparer les profils demandés. Ce retard démontre le comportement récalcitrant de la fonctionnaire.

12 Mme Kosseim a déclaré que la fonctionnaire était censée assister à la séance de formation du 9 décembre 2012 sur le SGDDI et y participer activement, car elle était la spécialiste du contenu du SGDDI. Elle a déclaré qu’elle avait noté, au début de la séance, que la fonctionnaire était absente. Elle est allée voir la fonctionnaire à son poste de travail pour lui rappeler qu’elle devait assister à la séance. La fonctionnaire serait arrivée à la séance 40 minutes en retard, et ce retard aurait nui à la formation. En outre, la fonctionnaire n’avait pas ses lunettes et ne pouvait pas voir les projections. La fonctionnaire a déclaré qu’elle connaissait très bien tous les aspects du SGDDI, qu’elle n’avait pas besoin d’être présente à cette formation et que ça aurait été une perte de temps pour elle. Elle a ajouté qu’elle ne savait pas qu’elle devait assister à la séance, et elle a admis qu’au départ, elle ne s’est pas présentée et que, environ 30 minutes après le début de la séance, Mme Kosseim était venue la voir pour lui demander de s’y présenter. Elle a terminé la tâche qu’elle était en train de faire et elle est arrivée à la séance cinq minutes plus tard.

13 La fonctionnaire a parlé de plusieurs questions qui n’étaient pas liées aux quatre incidents ayant donné lieu à la suspension de dix jours. Elle a déclaré que son superviseur intérimaire l’avait réprimandé en décembre 2009. En septembre 2010, elle a dû réparer plusieurs erreurs introduites par l’autre technicienne juridique dans certains dossiers. La fonctionnaire a aussi mentionné que sa description de travail avait été signée par son superviseur en 2007, mais ne lui avait été présentée qu’en juillet 2009. Elle l’a signée en mars 2010. Elle a parlé d’une note datée du 11 février 2010 que lui a envoyée son superviseur intérimaire pour lui demander de participer aux réunions et de l’aviser si elle ne pouvait pas être présente. La fonctionnaire a déclaré qu’elle a vu cette note en avril 2010 seulement. Elle a précisé qu’elle avisait toujours les gens quand elle avait d’autres obligations et ne pouvait pas être au travail. Elle a mentionné des incidents où ses collègues avocats auraient été impolis avec elle et lui auraient manqué de respect.

14 Mme Stoddart a expliqué pourquoi elle avait imposé la suspension de dix jours. Elle a fondé sa décision sur les recommandations de Mme Kosseim et de Mme Desjardins, ainsi que sur les quatre incidents décrits ci‑dessus et les mesures disciplinaires qui avaient été prises dans le passé à l’égard de la fonctionnaire et qui étaient toutes liées à son insubordination. Mme Stoddart a conclu que la fonctionnaire refusait d’améliorer sa conduite et ne voulait pas coopérer avec ses collègues de travail et sa superviseure. Il était alors justifié de prendre une mesure disciplinaire plus sévère.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour le défendeur

15 Le défendeur a fait valoir que la fonctionnaire était coupable d’inconduite, car elle a fait preuve d’insubordination dans les quatre cas décrits ci‑dessus, comme le démontrent les éléments de preuve présentés à l’audience. Les éléments de preuve montrent clairement que des ordres ont été donnés à la fonctionnaire, que la personne qui a donné ces ordres était habilitée à le faire et que la fonctionnaire a refusé de se plier à ces ordres. Le défendeur a cité de nouveau les éléments de preuve à l’appui de son argument.

16 Pendant le contre‑interrogatoire, la fonctionnaire a admis certains de ses torts, mais elle a également nié certaines allégations. Aucun lien n’a pu être établi entre son témoignage et la plupart des éléments de preuve présentés à l’audience. Elle a refusé de répondre aux questions de sa collègue technicienne juridique, d’assister à des séances sur la gestion de l’information et de préparer le matériel adéquat pour la formation du 9 décembre 2010 sur le SGDDI, et, au départ, elle était absente à cette formation. Ces incidents sont tous des cas d’insubordination.

17 Une mesure disciplinaire a été prise à l’égard de la fonctionnaire en octobre 2010 sous la forme d’une suspension de trois jours pour insubordination. Une autre suspension, de cinq jours cette fois, a été imposée en novembre 2010 pour les mêmes raisons. Selon le principe des mesures disciplinaires progressives, le défendeur était en droit de prendre une mesure disciplinaire plus sévère en janvier 2011 pour les nouveaux cas d’insubordination.

18 Le défendeur m’a renvoyé aux décisions suivantes : Focker c. Agence du revenu du Canada, 2008 CRTFP 7; Rioux c. Conseil du Trésor (Agence des services frontaliers du Canada), 2011 CRTFP 32; Desrochers c. Conseil du Trésor (Solliciteur général du Canada), dossier de la CRTFP 166-02-26340 (19980116); Desrochers c. Solliciteur général du Canada, 2002 CAF 333; Shuniah Forest Products Ltd. v. Industrial Wood and Allied Workers of Canada, Local 2693, [2000] O.L.A.A. No. 811 (QL); Trillea-Scarborough Shopping Centre Holdings Ltd. v. Service Employees International Union, Local 204 (1990), 14 L.A.C. (4e) 396; Vancouver General Hospital v. Hospital Employees’ Union, (2002) 107 L.A.C. (4e) 392; British Columbia Hydro and Power Authority v. International Brotherhood of Electrical Workers, Local 258, (2002), 113 L.A.C. (4e) 337; Chopra et al. c. Conseil du Trésor (ministère de la Santé), 2011 CRTFP 99; Hogarth c. Conseil du Trésor (Approvisionnement et Services Canada), dossier de la CRTFP 166­02­15583 (19870331); Noel c. Conseil du Trésor (Développement des ressources humaines Canada), 2002 CRTFP 26; Byfield c. Agence du revenu du Canada, 2006 CRTFP 119; Doucette c. Conseil du Trésor (ministère de la Défense nationale), 2003 CRTFP 66; Duske c. Agence canadienne d’inspection des aliments, 2007 CRTFP 94; Cloutier c. Conseil du Trésor (ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CRTFP 50; Wentges c. Administrateur général (ministère de la Santé), 2010 CRTFP 24; Bérard c. Conseil du Trésor (Agriculture Canada), dossiers de la CRTFP 166-02-22344 et 22914 (19930423); Faryna v. Chorny, [1952] 2 D.L.R.354. Le défendeur m’a aussi renvoyé à plusieurs articles de la quatrième édition de l’ouvrage Canadian Labour Arbitration (Brown et Beatty).

B. Pour la fonctionnaire

19 Dans son argumentation, la fonctionnaire a répété la plupart des points qu’elle avait soulevés dans son témoignage. Elle a répété que son superviseur intérimaire l’avait réprimandé en décembre 2009 et qu’il était arrivé à certains avocats de lui manquer de respect, même si le défendeur avait donné à tout le personnel une formation obligatoire sur le respect en milieu de travail. Elle a ajouté qu’à quelques occasions, elle s’était sentie insultée, menacée et harcelée. Elle m’a aussi renvoyé à la note de février 2010 et à sa description de travail, qui lui ont été présentées longtemps après avoir été rédigées.

20 La fonctionnaire a également précisé qu’elle était très dévouée à son travail, et elle a donné des exemples d’occasions où elle avait aidé ses collègues au bureau ou à l’extérieur. Elle avisait toujours sa superviseure quand elle avait un rendez‑vous ou en cas d’absence. Elle croit qu’elle a été traitée injustement, parce que des mesures disciplinaires ont été prises contre elle, mais pas contre les personnes qui lui ont manqué de respect.

IV. Motifs

21 Selon le défendeur, la fonctionnaire a été suspendue parce qu’elle a refusé de suivre les instructions et a fait preuve d’insubordination. Elle avait déjà été suspendue pour des raisons similaires.

22 Il incombait au défendeur de prouver que la fonctionnaire était insubordonnée. De nombreux cas de jurisprudence définissent l’insubordination et expliquent comment établir une preuve d’insubordination. Il y a insubordination lorsqu’un employé refuse de faire ce que son employeur lui demande légalement de faire. Dans le cas où un employé qui devait avoir connaissance des tâches qui lui étaient assignées et qui décide de ne pas s’acquitter de ses fonctions, l’employeur n’a pas besoin de formuler quelque parole que ce soit pour qu’il y ait insubordination. Pour prouver qu’il y a eu insubordination, le défendeur doit prouver que la fonctionnaire a reçu un ordre, que cet ordre a été communiqué clairement par une personne habilitée le donner, et que la fonctionnaire a refusé d’obtempérer. Ces principes ne s’appliquent pas si l’ordre donné met la santé ou la sécurité de l’employé à risque ou le pousse à se livrer à des activités illégales ou illégitimes.

23 Il ne fait aucun doute que les éléments de preuve présentés à l’audience appuient l’allégation que la fonctionnaire était d’insubordonnées et que le défendeur était en droit de prendre une mesure disciplinaire contre elle.

24 Premièrement, la preuve produite par le défendeur est suffisante pour établir, compte tenu de la prépondérance des probabilités, que la fonctionnaire a fait preuve d’insubordination lorsqu’elle a refusé de coopérer quand on lui a demandé d’aider à former sa nouvelle collègue technicienne juridique. Elle a clairement refusé de coopérer pour ce qui est de répondre à quelques questions de base de sa collègue. En fait, elle n’a pas nié avoir omis de fournir les réponses qu’on lui avait demandées. Elle a plutôt expliqué son comportement en affirmant que le défendeur était responsable de former la nouvelle employée. Cette réponse est inadéquate et n’excuse en rien son comportement. La fonctionnaire aurait dû aider à former la nouvelle technicienne juridique, comme le lui avait demandé le défendeur. Elle avait compris ce qu’on lui demandait, et elle a refusé de coopérer. Ce faisant, elle a fait preuve d’insubordination.

25 Deuxièmement, la preuve produite par le défendeur appuie clairement son allégation que la superviseure a demandé à la fonctionnaire de participer à des activités organisées par le défendeur dans le cadre de la Semaine de la gestion de l’information, du 23 au 26 novembre 2010. Je conclus qu’il ne fait aucun doute que la fonctionnaire avait compris que son employeur voulait qu’elle assiste à ces activités et que, pour des raisons personnelles, elle a décidé d’ignorer les instructions reçues. La fonctionnaire n’a pas nié cette allégation dans son témoignage initial. En fait, elle a déclaré qu’elle n’était pas allée aux séances, parce qu’elle [traduction] « savait déjà tout ça ». Mme Kosseim a affirmé dans son témoignage que, le 29 novembre, la fonctionnaire lui a dit qu’elle n’était pas allée aux séances. La fonctionnaire s’est contredite lors du contre‑interrogatoire en déclarant qu’elle était allée à l’une des séances, mais qu’elle ne se rappelait pas laquelle. Parce que la fonctionnaire s’est contredite elle-même, je donne plus de poids au témoignage de Mme Kosseim. Je crois que Mme Kosseim a dit clairement à la fonctionnaire qu’elle devait participer à certaines des séances qui étaient offertes pendant la semaine et que la fonctionnaire a fait preuve d’insubordination en ne participant à aucune des séances.

26 Troisièmement, la preuve appuie aussi l’affirmation voulant qu’on ait demandé à la fonctionnaire de préparer des documents pour la formation du 9 décembre 2010 sur le SGDDI, car elle était la spécialiste du contenu du SGDDI, mais qu’elle n’a pas remis les documents à temps. La fonctionnaire n’a pas contesté la preuve. En fait, elle n’a pas du tout abordé la question dans son témoignage. Je suis d’accord avec le défendeur que la fonctionnaire a fait preuve d’insubordination en ne produisant pas le rapport qu’on lui avait demandé.

27 Quatrièmement, Mme Kosseim a déclaré qu’elle avait demandé à la fonctionnaire d’assister à la séance de formation du 9 décembre 2010 sur le SGDDI et d’y participer activement. La fonctionnaire a soutenu qu’elle n’avait pas besoin de s’y présenter, que c’était une perte de temps pour elle et qu’elle ne savait pas qu’elle devait y aller. Je crois que Mme Kosseim a demandé à la fonctionnaire de participer à la séance en raison de son expertise sur le SGDDI, et que la fonctionnaire avait compris que sa présence était requise. Les explications de Mme Kosseim sont crédibles et concordent avec le reste de son témoignage. Je crois que la fonctionnaire a fait preuve d’insubordination, parce qu’elle ne s’est pas initialement présentée à la formation du 9 décembre 2010 sur le SGDDI et, plus tard, parce qu’elle n’y a pas participé activement.

28 La fonctionnaire a présenté très peu de preuves pour contester la preuve d’insubordination de l’employeur. Elle ne peut pas justifier son comportement en mentionnant des occasions où elle s’est sentie offusquée par des collègues ou des superviseurs, car ces incidents ne sont pas liés à la présente affaire.

29 Les quatre incidents susmentionnés s’inscrivent tous dans la définition d’insubordination. Même si je ne tenais pas compte du dernier incident, car je n’ai que la parole de Mme Kosseim contre celle de la fonctionnaire, je conclurais tout de même que la fonctionnaire a été coupable d’insubordination à plus d’une occasion quelques semaines après que le défendeur l’a suspendue pour insubordination pendant trois jours, puis pendant cinq jours. Étant donné la nature de ces incidents et le fait qu’ils sont survenus quelques semaines après que des mesures disciplinaires aient été prises contre la fonctionnaire, le défendeur était en droit d’imposer une suspension plus longue. Il a choisi de suspendre la fonctionnaire pendant dix jours. Il n’était aucunement déraisonnable d’appliquer le principe des mesures disciplinaires progressives et de passer d’une suspension de cinq jours à une suspension de dix jours.

30 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

31 Le grief est rejeté.

Le 12 juin 2012

Traduction de la CRTFP

Renaud Paquet,
arbitre de grief

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.