Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé était en cours de stage - l’administrateur général a licencié le fonctionnaire s’estimant lésé alors qu’il était en cours de stage, et lui a versé un paiement tenant lieu de préavis en vertu de la LEFP - le fonctionnaire s’estimant lésé a contesté son licenciement et a renvoyé son grief à l’arbitrage en invoquant qu’il s’agissait d’une mesure disciplinaire - l’administrateur général s’est opposé à la compétence d’un arbitre de grief pour instruire le grief - l’arbitre de grief a conclu que, dans les circonstances, il incombait au fonctionnaire s’estimant lésé d’établir que le renvoi en cours de stage invoquait de façon factice la LEFP, qu’il était un subterfuge ou un camouflage - la preuve présentée par le fonctionnaire s’estimant lésé n’a pas établi que son licenciement était fondé sur un motif autre qu’une insatisfaction éprouvée de bonne foi quant à son aptitude à exercer les fonctions rattachées au poste qui lui était confié; l’arbitre de grief a conclu qu’il n’avait pas compétence pour entendre le grief. Objection accueillie. Compétence non assumée.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2012-06-14
  • Dossier:  566-02-3365
  • Référence:  2012 CRTFP 67

Devant un arbitre de grief


ENTRE

CHANDRASHAN PREMAKANTHAN

fonctionnaire s'estimant lésé

et

ADMINISTRATEUR GÉNÉRAL
(Conseil du Trésor)

défendeur

Répertorié
Premakanthan c. Administrateur général (Conseil du Trésor)

Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Stephan J. Bertrand, arbitre de grief

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Jeremy Wright, avocat

Pour le défendeur:
Léa Bou Karam, avocate

Affaire entendue à Ottawa (Ontario),
du 12 au 14 décembre 2011.
(Traduction de la CRTFP)

I. Grief individuel renvoyé à l’arbitrage

1 Le 12 septembre 2008, Chandrashan Premakanthan, le fonctionnaire s’estimant lésé (le « fonctionnaire ») a commencé à travailler à titre d’agent de recherche, un poste classifié au groupe et niveau ES-02, à l’Agence de gestion des ressources humaines de la fonction publique du Canada. Vers le début de 2009, dans le cadre d’une importante restructuration organisationnelle de l’ensemble du gouvernement, l’Agence de gestion des ressources humaines de la fonction publique du Canada a été regroupée au Secrétariat du Conseil du Trésor (le « défendeur »); cette mesure est entrée en vigueur le 2 mars 2009.

2 Dans la lettre d’offre d’emploi du fonctionnaire, il est précisé que la nomination pour une durée indéterminée du fonctionnaire à ce poste à temps plein est assujettie à une période probatoire de douze mois.

3 Le 19 août 2009, le fonctionnaire a été avisé qu’il était licencié en vertu du paragraphe 62(1) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (la « LEFP »), édictée par les articles 12 et 13 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22. Le défendeur justifie le renvoi en cours de stage du fonctionnaire en alléguant des lacunes au niveau de la qualité de son travail, son incapacité à respecter des échéances impératives, et son inaptitude à respecter les pratiques usuelles en matière de congé et de consignation des données à cet égard.

4 Le 18 septembre 2009, le fonctionnaire a contesté son renvoi en cours de stage. Il a renvoyé son grief à l’arbitrage en invoquant qu’il s’agissait d’un licenciement pour des motifs disciplinaires visé à l’alinéa 209(1)b) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la « LRTFP »), édictée par l’article 2 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique. Le défendeur a présenté une exception préliminaire dans laquelle il s’est opposé à la compétence d’un arbitre de grief, faisant valoir que le fonctionnaire avait été licencié conformément aux dispositions de la LEFP.

5 Le grief a également soulevé une question d’interprétation ou d’application de la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C., (1985), ch. H‑6, cette question a toutefois été abandonnée à l’audience.

II. Résumé de la preuve

6 Le défendeur a cité deux témoins à comparaitre, Mary McLaren et Richard Roberts, et a produit en preuve neuf documents. Le fonctionnaire a témoigné pour son propre compte et a produit en preuve onze documents. Le fonctionnaire n’a cité aucun témoin à comparaître.

A. Témoignage de Mme McLaren

7 Mme McLaren était la première à témoigner, essentiellement pour libérer le défendeur du fardeau initial de faire la preuve qu’il s’agit bien d’une période probatoire et qu’un préavis a été signifié au fonctionnaire, ou qu’un paiement lui a été versé tenant lieu de préavis. À l’époque pertinente, elle était directrice administrative de la Direction des ressources humaines du défendeur. Elle a signé la lettre de renvoi en cours de stage datée du 19 août 2009. Selon son témoignage, au cours des 35 dernières années, elle a eu à traiter plusieurs renvois en cours de stage et était bien au courant des facteurs à considérer dans de tels cas.

8 Mme McLaren a confirmé que l’emploi du fonctionnaire était assujetti à une période probatoire de 12 mois, tel qu’il est mentionné dans la lettre d’offre d’emploi dûment acceptée par le fonctionnaire en date du 12 septembre 2008. Elle a expliqué qu’en vertu de la structure hiérarchique en place à l’époque, M. Roberts, directeur, Planification et coordination des ressources humaines, relevait directement d’elle. Mme Karine Allard, conseillère principale, Gestion du rendement et planification de la relève, était la superviseure du fonctionnaire et elle relevait de M. Roberts.

9 Au printemps 2009, Mme McLaren a eu connaissance des problèmes de rendement du fonctionnaire pour la première fois, alors que M. Roberts lui a fait part de ses préoccupations quant aux lacunes du fonctionnaire au niveau de la qualité de son travail, de son incapacité à respecter des échéances impératives, et de son inaptitude à respecter les pratiques usuelles en matière de congé et de consignation des données à cet égard, ce qui avait amené la direction à demander au fonctionnaire de signaler à M. Roberts par courriel ses heures d’arrivée et de départ du bureau.

10 Mme McLaren a précisé qu’elle n’avait pas cru bon intervenir à la suite des préoccupations soulevées par M. Roberts parce que ce dernier la tenait au courant des mesures prises afin de fournir de l’assistance au fonctionnaire, de suivre sa progression et de lui accorder une prolongation de délai lorsque cela était possible.

11 Mme McLaren a ajouté qu’en se fondant sur les informations obtenues auprès de M. Roberts, de Mme Allard et de M. Paul Philippe, lequel avait remplacé M. Roberts en juillet 2009 après son départ, elle en était éventuellement arrivée à la conclusion que le rendement du fonctionnaire ne s’améliorait pas et ne s’améliorerait probablement pas à l’avenir, ce qui le rendait inapte à occuper le poste qui lui était confié.

12 Mme McLaren a témoigné quant à sa compréhension des trois principaux motifs du renvoi du fonctionnaire en cours de stage. En premier lieu, elle a relevé la question de son incapacité à respecter des échéances impératives, notamment en ce qui a trait à trois projets en particulier, soit le rapport du tableau de bord du quatrième trimestre, l’exercice de gestion des talents des cadres supérieurs, et le projet d’accompagnement dans l’apprentissage. En deuxième lieu, elle a relevé la piètre qualité de son travail, en particulier en ce qui a trait au rapport du tableau de bord du quatrième trimestre et à l’exercice de gestion des talents des cadres supérieurs. En troisième lieu, elle a relevé l’inaptitude du fonctionnaire à respecter les pratiques usuelles en matière de congé et de consignation des données à cet égard. Admettant d’emblée en contre-interrogatoire qu’elle n’avait jamais directement supervisé le fonctionnaire ni constaté d’elle-même les lacunes alléguées, elle a estimé toutefois que les informations qui lui étaient régulièrement communiquées par les directeurs et les gestionnaires l’avaient convaincue que le rendement du fonctionnaire était effectivement insatisfaisant et que le fonctionnaire était inapte à occuper le poste qui lui avait été offert en septembre 2008. Elle a également tenu compte du fait que de l’aide avait été offerte au fonctionnaire à plus d’une occasion et qu’il avait refusé de l’accepter, qu’un projet avait dû être achevé par d’autres personnes alors qu’il était absent à la date d’échéance prévue, et qu’un autre projet, le rapport du tableau de bord du quatrième trimestre n’avait toujours pas été remis et était en retard de deux mois au moment où elle a décidé de renvoyer le fonctionnaire alors qu’il était en cours de stage.

13 Mme McLaren a confirmé que la lettre du 19 août 2009 avait été remise en mains propres au fonctionnaire le même jour et qu’il avait reçu un mois de salaire en guise de préavis. Elle a tenu à souligner que la qualité du travail et le respect des échéances étaient particulièrement importants pour sa direction en raison de son mandat consistant à fournir aux ministères, organismes et institutions du gouvernement fédéral les outils nécessaires en vue d’assurer une gestion efficace et novatrice des ressources humaines, ainsi qu’un effectif et un milieu de travail de haute qualité au service du gouvernement fédéral permettant à celui-ci de fournir les résultats souhaités à l’ensemble de la population canadienne.

B. Témoignage de M. Roberts

14 M. Roberts relevait directement de Mme McLaren. Comme cette dernière, il a eu une longue carrière au sein de la fonction publique qui s’est terminée le 30 juin 2009 après 35 années de service.

15 En raison de la fusion des services, le fonctionnaire relevait de M. Roberts, lequel a été son superviseur pendant environ quatre mois, soit de février 2009 jusqu’à la fin du mois de juin 2009. Le fonctionnaire a relevé directement de M. Roberts jusqu’en avril 2009, époque à laquelle Mme Allard a été nommée au poste de superviseure intermédiaire, un poste non pourvu jusqu’alors. À partir de ce moment, le fonctionnaire relevait directement de Mme Allard tout en continuant à interagir avec M. Roberts dans le cadre de divers projets.

16 M. Roberts a témoigné que les premières préoccupations qui lui ont été signalées concernaient les heures de travail du fonctionnaire et la consignation des informations au sujet de ses congés, ce qui a entraîné plusieurs réunions afin de traiter ces questions et l’exigence, pour le fonctionnaire, de signaler systématiquement ses heures d’arrivée et de départ. Il a cité comme exemple une absence de deux jours du fonctionnaire, soit les 25 et 26 mars 2009, pour laquelle il a présenté la demande imprimée de congé le 20 mai 2009 seulement, et ce, malgré plusieurs rappels lui demandant de présenter sa demande en format électronique. Selon M. Roberts, le formulaire en question n’a été consigné en format électronique qu’au mois de juin 2009. Une autre préoccupation était le fait que le fonctionnaire réaménageait souvent ses heures de travail sans autorisation préalable de la direction. Depuis le 11 avril 2009, les heures d’arrivée et de départ du fonctionnaire devaient être signalées. Cette exigence a été maintenue jusqu’au 23 juin 2009, alors que le fonctionnaire s’est engagé à se conformer à des modalités précises quant à ses heures de travail et à la façon de consigner les congés.

17 M. Roberts a également témoigné à propos de divers projets qui avaient été confiés au fonctionnaire, dont les trois projets mentionnés ci-dessus. Il a affirmé qu’il avait remarqué assez rapidement des lacunes quant à la qualité du travail du fonctionnaire et avait alors conclu qu’il aurait à exercer un suivi rigoureux de son travail. M. Roberts a relevé plus particulièrement le fait que le fonctionnaire préparait des rapports dont les données étaient incomplètes ou qui contenaient des erreurs flagrantes. Selon son témoignage, ces lacunes ont été portées à l’attention du fonctionnaire lors de plusieurs réunions de suivi de son travail, en plus d’être signalées par la suite à Mme McLaren dans le cadre de réunions bilatérales.

18 M. Roberts a aussi fourni divers exemples de situations où le fonctionnaire a été incapable de respecter des échéances impératives qui lui avaient pourtant été clairement communiquées. Il a mentionné un projet confié au fonctionnaire dans le cadre duquel ce dernier devait préparer une présentation PowerPoint consistant à dresser un portrait démographique de la population des cadres supérieurs (EX), ce qu’il a qualifié de tâche relativement simple à effectuer. Il a indiqué que l’objectif était de préparer une présentation constituée de dix tableaux et graphiques, que cette présentation devait être présentée à un comité sur les ressources humaines le 20 mai 2009. Il a mentionné que l’échéance pour la remise de l’ébauche de la présentation était le 7 mai 2009 afin qu’on puisse l’étudier et y apporter des corrections, et que la version finale devait être prête le 15 mai 2009. Selon M. Roberts, le fonctionnaire ne lui a rien présenté à l’échéance impartie du 7 mai. Il a ajouté que seulement trois des dix tableaux attendus lui avaient été présentés le 14 mai 2009 et que, puisque le fonctionnaire avait pris congé à la date d’échéance du 15 mai, deux autres fonctionnaires avaient dû être appelés en renfort afin d’essayer d’achever la présentation; finalement, la version finale de la présentation ne contenait que quatre tableaux, et il manquait des analyses très importantes. Il a précisé que la qualité du produit final présenté au comité était à peine acceptable. Un courriel produit en preuve (pièce G‑6) révèle que le fonctionnaire avait demandé certaines des données requises aux fins de la présentation auprès d’une tierce partie seulement le 14 mai 2009, soit la journée précédant l’échéance finale.

19 Entre le 5 et le 19 mai 2009, M. Roberts a rencontré le fonctionnaire à cinq reprises afin de discuter avec lui de sa charge de travail, d’examiner son travail, d’obtenir un suivi au sujet du projet, et de discuter de la question des échéances. M. Roberts a précisé qu’il avait offert de l’aide au fonctionnaire, mais que ses offres avaient été refusées.

20 M. Roberts a aussi donné un autre exemple où le fonctionnaire devait réviser une liste sur la formation des fonctionnaires, qui contenait de l’information au sujet de la formation reçue par ces fonctionnaires, et communiquer par la suite ces données à son homologue au SCT à qui on avait confié la tâche d’assurer un suivi auprès des deux groupes de fonctionnaires à la suite de la fusion des deux services. En dépit du fait que la demande de communiquer ces informations avait été faite à la fin du mois de février 2009, la tâche n’a finalement été achevée qu’à la mi-mai 2009, et ce, malgré de nombreux rappels. Selon M. Roberts, cette tâche relativement peu compliquée aurait dû en principe avoir été accomplie en moins de deux semaines, et n’aurait jamais dû prendre deux mois et demi comme ce fût le cas. Il a ajouté qu’une autre tâche de nature similaire, qui avait été confiée au fonctionnaire vers la même époque et qui consistait à préparer un relevé des fonctionnaires devant suivre un plan d’apprentissage, a été accomplie par le fonctionnaire d’une manière tout aussi insatisfaisante.

21 Au vu des lacunes du fonctionnaire et du prétendu non-respect des échéances par celui-ci, M. Roberts a exigé qu’il lui présente un plan de travail écrit pour un projet qu’il lui avait confié le 24 mai 2009. Ce projet portait sur la préparation du rapport du tableau de bord du quatrième trimestre dont l’échéance était le 15 juin 2009. Selon M. Roberts, le projet ne nécessitait pas une analyse statistique complexe et pouvait en principe être effectué en deux semaines. M. Roberts a précisé que le fonctionnaire travaillait avec des données sur l’effectif depuis le printemps 2008, qu’il avait accès au manuel de formation sur la préparation des rapports de tableau de bord trimestriels, en plus d’avoir accès à des exemples de rapports de tableau de bord trimestriels antérieurs. En dépit de tout cela, le fonctionnaire n’avait pas présenté à M. Roberts la version préliminaire du rapport à la date d’échéance fixée, soit le 7 juin 2009, et ne lui a pas présenté la version finale à la fin de juin 2009. C’est à ce moment que M. Roberts a cessé de travailler pour le défendeur. Selon M. Roberts, il avait offert de l’aide au fonctionnaire, mais celui-ci a poliment, mais fermement refusé ses offres, affirmant qu’il était capable de surmonter les difficultés qu’il avait rencontrées, n’ayant jamais clairement précisé la nature de ces difficultés. M. Roberts a dû se résigner à aviser Mme McLaren que le rapport de suivi du quatrième trimestre ne serait pas prêt à l’échéance prévue, occasionnant une certaine déception chez celle-ci.

22 M. Roberts a affirmé qu’il avait rencontré le fonctionnaire au moins dix fois entre le 30 mars 2009 et le 24 juin 2009, et qu’il lui avait fréquemment réitéré ses préoccupations au sujet de la qualité de son travail et de son défaut de respecter les échéances fixées. Il a souligné que, bien qu’il ait écouté les raisons du fonctionnaire pour expliquer ses lacunes, il estimait qu’aucune de ces raisons ne justifiait son rendement insatisfaisant. De plus, il a expliqué qu’il comprenait que la répétition des données découlant de la fusion puisse expliquer un certain délai additionnel, mais que cela avait été pris en compte lors de l’établissement des échéances.

23 Enfin, M. Roberts a confirmé que ses préoccupations au sujet du rendement du fonctionnaire étaient régulièrement communiquées à Mme McLaren lors de leurs réunions bilatérales, et ce, jusqu’à son départ. En contre-interrogatoire, il a admis n’avoir jamais évalué le rendement du fonctionnaire parce qu’il l’avait supervisé pendant une trop courte période durant l’exercice 2008-2009 et que, puisque le fonctionnaire a été licencié en août 2009, le rendement de ce dernier n’avait pas pu être évalué pour l’exercice 2009-2010.

C. Témoignage du fonctionnaire

24 Bien que le fonctionnaire ait été nommé pour une période indéterminée en septembre 2008, il n’était pas étranger à la fonction publique fédérale. Depuis 2003, il travaillait occasionnellement auprès de divers ministères fédéraux, tant à titre d’étudiant qu’à titre d’employé occasionnel.

25 Le fonctionnaire a commencé son emploi pour une période indéterminée au sein de l’Agence de gestion des ressources humaines de la fonction publique du Canada le 12 septembre 2008. En raison de la fusion des services en 2009, il a commencé à relever d’une nouvelle superviseure, Mme Allard, à compter d’avril 2009. Auparavant, durant une période transitoire, le fonctionnaire relevait directement de M. Roberts. Selon le témoignage du fonctionnaire, c’est à cette époque qu’on a commencé à lui faire part de préoccupations au sujet de son rendement et de ses heures de travail.

26 Selon le fonctionnaire, son assiduité au travail et la manière de consigner ses absences et ses congés ne posaient pas de problème. Il a indiqué que son défaut de signaler correctement le congé de mars 2009 était attribuable à sa méconnaissance de la procédure à suivre en matière de congés en usage auprès de ses nouveaux gestionnaires à la suite de la fusion, qu’il avait eu des difficultés techniques à consigner son congé par voie électronique, et qu’il avait fini par présenter les formulaires requis à cet effet. Il a déploré le fait qu’il ait été contraint de signaler ses heures d’arrivée et de départ pendant environ deux mois, mentionnant que cette exigence avait été retirée par la suite sans quelque problème que ce soit. Il a ajouté qu’il s’était ensuite conformé à toutes les modalités régissant la saisie des congés et qu’à son avis, ce problème avait été réglé.

27 Le fonctionnaire a donné moult détails au sujet de sa participation aux trois projets dont avait parlé Mme McLaren. En somme, il a témoigné qu’il avait exercé ses fonctions le mieux qu’il pouvait eu égard aux circonstances. Bien qu’il n’ait pas vigoureusement contesté le fait que certains de ses travaux aient été remis en retard ou que leur qualité pouvait parfois laisser à désirer, il a attribué ces résultats à certains problèmes récurrents : il ne pouvait consulter la personne qui était chargée de préparer les rapports de tableau de bord trimestriels, cette personne n’étant plus au service du SCT; il devait se fier à des documents de formation pour préparer les rapports de tableau de bord trimestriels; après la fusion, il devait souvent obtenir deux ensembles de données distinctes, ces données devant être assimilées au préalable, ce qui doublait le travail à accomplir; certains des projets qui lui étaient confiés nécessitaient l’obtention de données auprès de tierces parties et il devait alors attendre pour obtenir ces données; à leur arrivée, certaines des données étaient dans un format nécessitant un reformatage; d’autres projets ponctuels devaient parfois être traités en même temps que les projets mentionnés. En contre-interrogatoire, le fonctionnaire a toutefois admis que certains de ces projets ponctuels étaient simples et pouvaient être réalisés relativement rapidement, alors que d’autres pouvaient prendre plus de temps, précisant qu’un de ces projets ponctuels avait nécessité qu’il y consacre toute son attention pendant deux semaines en juillet 2009.

28 Le fonctionnaire a témoigné qu’il avait présenté le rapport du tableau de bord du quatrième trimestre le 19 août 2009, le jour de son renvoi en cours de stage. Il n’a cependant pas été en mesure de fournir de la documentation écrite au soutien de cette allégation. Le rapport du tableau de bord du quatrième trimestre n’a pas été produit en preuve, ni aucun courriel confirmant le dépôt de ce rapport.

29 Le fonctionnaire a admis qu’on lui avait offert de l’aide, mais que son refus était attribuable au fait qu’il jugeait que sa superviseure immédiate, Mme Allard, n’était pas bonne avec les statistiques ou les données techniques, et qu’il avait perdu confiance en M. Roberts après que celui-ci lui avait prétendument demandé de [traduction] « truquer » les données dans un rapport qu’il préparait, ce que M. Roberts a nié avoir fait lorsqu’il a témoigné à ce sujet en précisant ce qui s’était passé à cette occasion. Le fonctionnaire s’est décrit comme étant le seul expert en la matière au sein de son unité de travail.

30 Le fonctionnaire a affirmé que malgré les nombreuses réunions avec la direction au sujet de leurs préoccupations quant aux échéances et aux congés, il ne se souvenait pas qu’on lui ait fait part de quelque insatisfaction quant à son rendement au travail. Il a souligné qu’aucune évaluation de son rendement n’avait été effectuée avant son licenciement. En contre-interrogatoire, le fonctionnaire a été interrogé au sujet des quelque 15 rencontres qu’il avait eues avec ses superviseurs entre mars et août 2009. Alors qu’il a pu, durant son interrogatoire principal, fournir des informations très détaillées et précises au sujet de son rendement au cours de cette période en particulier, durant  son contre-interrogatoire, il ne se souvenait pas de la raison d’être de ces rencontres ni de leur teneur.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour le défendeur

31 Le défendeur a soutenu que je n’avais pas compétence pour entendre cette affaire, puisque le fonctionnaire avait été licencié sous le régime de LEFP pour un motif lié à l’emploi. Le défendeur a de plus fait valoir qu’il avait clairement été établi en preuve que les motifs justifiant le renvoi du fonctionnaire en cours de stage avaient uniquement trait à son rendement au travail et que la LRTFP interdit formellement le renvoi d’un grief à l’arbitrage sur une telle question.

32 Le défendeur a aussi fait valoir que, bien que je sois habilité à étudier la situation afin de m’assurer de la véracité des faits et vérifier qu’il ne s’agit pas en fait d’un subterfuge ou d’un camouflage, je ne suis pas autorisé à substituer mon jugement à celui du défendeur. Le défendeur a en outre soutenu que je n’avais pas à conclure au bien-fondé de toutes les raisons invoquées par celui-ci pour renvoyer le fonctionnaire en cours de stage, car un seul motif lié à l’emploi est suffisant à cette fin.

33 Selon le défendeur, l’administrateur général n’a qu’à établir la preuve que le fonctionnaire renvoyé était en cours de stage, que la période probatoire était en cours au moment du renvoi, et qu’un préavis ou un paiement tenant lieu de préavis a été versé au fonctionnaire visé. L’administrateur général n’est pas tenu de prouver un motif déterminé. Il incombe plutôt au fonctionnaire visé par le renvoi d’établir en preuve que la décision de l’employeur ne reposait pas sur une insatisfaction éprouvée de bonne foi quant à son aptitude à occuper son emploi, et invoquait plutôt de façon factice la LEFP, qu’elle était un subterfuge ou un camouflage.

34 Le défendeur a soutenu qu’il s’était acquitté du fardeau de la preuve qui lui incombait, ayant établi que le fonctionnaire licencié était en cours de stage, que la période probatoire était en cours au moment du renvoi, qu’un paiement tenant lieu de préavis avait été versé au fonctionnaire, et que la décision du défendeur était fondée sur trois motifs liés à l’emploi. Quant au fonctionnaire, il n’a pas établi que la décision de l’employeur ne reposait pas sur une insatisfaction éprouvée de bonne foi quant à son aptitude à occuper son emploi et reposait plutôt sur un subterfuge ou sur un camouflage. Selon le défendeur, le fait que le fonctionnaire était en désaccord avec l’évaluation de son rendement par le défendeur ne permet pas pour autant de caractériser sa décision de subterfuge ou de camouflage.

35 Le défendeur a aussi fait valoir que, bien qu’un administrateur général ne soit pas tenu d’avertir un fonctionnaire que certains agissements ne sont pas conformes aux normes de conduite de l’employeur avant de le licencier, pas plus qu’il n’est obligé de tenter de corriger une telle conduite, il a néanmoins rencontré le fonctionnaire à plusieurs reprises entre mars 2009 et août 2009 et lui a fait part de ses lacunes et de son insatisfaction à son égard.

36 De l’avis du défendeur, les motifs de licenciement du fonctionnaire étaient effectivement liés à son emploi, en particulier à son rendement au travail.

37 Le défendeur m’a renvoyé aux décisions suivantes au soutien de son argumentation : Canada (Procureur général) c. Penner, [1989] 3 C.F. 429 (C.A.); Canada (Procureur général) c. Leonarduzzi, 2001 CFPI 529; Tello c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada),2010 CRTFP 134; Ducharme c. Administrateur général (ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences), 2010 CRTFP 136; McMath c. Administrateur général (Service Correctionnel du Canada), 2011 CRTFP 42; Dyck c. Administrateur général (ministère des Transports), 2011 CRTFP 108; Salib c. Agence canadienne d’inspection des aliments, 2010 CRTFP 104; Melanson c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2009 CRTFP 33; Rousseau c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2009 CRTFP 91.

B. Pour le fonctionnaire

38 Le fonctionnaire a soutenu que le défendeur était tenu de traiter avec ses employés d’une manière ouverte, raisonnable, franche et transparente et que toute décision de procéder au renvoi en cours de stage d’un fonctionnaire devait reposer sur des motifs objectifs et susceptibles d’être étayés, et non pas être prise de façon arbitraire, discriminatoire ou de mauvaise foi. Le fonctionnaire a en outre soutenu que les motifs du défendeur pour renvoyer un fonctionnaire en cours de stage doivent non seulement être liés à l’emploi, mais également être légitimes.

39 Le fonctionnaire a fait valoir que la décision de Mme McLaren était à la fois arbitraire et empreinte de mauvaise foi. Selon lui, le fait qu’elle ne l’ait pas personnellement supervisé et qu’il n’existe aucune preuve que les personnes l’ayant supervisé aient recommandé son licenciement en dit long à cet égard. Subsidiairement, il a soutenu que le défendeur n’avait pas établi une insatisfaction légitime quant à son aptitude à occuper son poste au moyen d’une preuve objective et démontrable.

40 Selon le fonctionnaire, le défendeur n’aurait pas dû prendre en compte les questions de l’assiduité et des congés en tant que facteurs légitimes dans sa prise de décision, ces questions ayant été résolues en juin 2009 lorsque le défendeur avait conclu que le fonctionnaire s’était conformé aux modalités se rapportant aux congés et à sa présence au travail.

41 Pour ce qui est des problèmes de rendement rapportés par la lettre de renvoi en cours de stage, le fonctionnaire a présenté divers éléments pouvant justifier ses prétendues lacunes à cet égard, notamment le fait qu’il ait eu à surmonter des défis imprévus lors de la réalisation de plusieurs des projets qui lui avaient été confiés, que les échéances fixées étaient irréalistes, qu’on ne lui avait pas donné une formation suffisante pour effectuer ces tâches, et que le défendeur ne lui avait pas offert une aide véritable et avait manifesté une attitude rigide devant les difficultés imprévues qu’il avait dû surmonter.

42 Essentiellement, le fonctionnaire a soutenu que le défendeur n’avait pas traité avec lui d’une manière ouverte, raisonnable, franche et transparente, et que la décision de procéder à son renvoi en cours de stage ne reposait pas sur des motifs objectifs et susceptibles d’être étayés, mais avait plutôt été prise de façon arbitraire et de mauvaise foi. Le fonctionnaire demande sa réintégration, en sus du paiement de son salaire et des avantages sociaux dont il aurait dû bénéficier. Subsidiairement, il réclame une indemnité pécuniaire en guise de dommages pour les pertes passées et futures.

43 Au soutien de son argumentation, le fonctionnaire m’a renvoyé à : Jacmain c. Procureur général (Canada) et al., [1978] 2 R.C.S. 15; Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9; Tello; Honda Canada Inc. c. Keays, 2008 CSC 39; Dhaliwal c. Conseil du Trésor (Solliciteur général du Canada — Service correctionnel), 2004 CRTFP 109; Morissette c. Conseil du Trésor (ministère de la Justice), 2006 CRTFP 10; Rousseau.

IV. Motifs

44 La compétence d’un arbitre de grief nommé en vertu de la LRTFP en vue d’instruire une affaire portant sur un renvoi en cours de stage est régie par des principes juridiques établis de longue date, que l’on retrouve notamment dans Jacmain, Penner et Leonarduzzi, et plus récemment dans Tello. En premier lieu, il convient de souligner qu’un administrateur général a le droit de renvoyer un fonctionnaire en cours de stage à tout moment, sans avoir à prouver un motif déterminé, pourvu qu’il ait donné au fonctionnaire un préavis ou une indemnité en guise de préavis. C’est ce qui ressort du libellé de l’article 62 de la LEFP :

62. (1) À tout moment au cours de la période de stage, l’administrateur général peut aviser le fonctionnaire de son intention de mettre fin à son emploi au terme du délai de préavis :

a) fixé, pour la catégorie de fonctionnaires dont il fait partie, par règlement du Conseil du Trésor dans le cas d’une administration figurant aux annexes I ou IV de la Loi sur la gestion des finances publiques […]

[…]

Le fonctionnaire perd sa qualité de fonctionnaire au terme de ce délai.

(2) Au lieu de donner l’avis prévu au paragraphe (1), l’administrateur général peut aviser le fonctionnaire de la cessation de son emploi et du fait qu’une indemnité équivalant au salaire auquel il aurait eu droit au cours de la période de préavis lui sera versée. Le fonctionnaire perd sa qualité de fonctionnaire à la date fixée par l’administrateur général.

En deuxième lieu, selon le paragraphe 211a) de la LRTFP, un grief portant sur un licenciement en vertu de la LEFP ne peut être renvoyé à l’arbitrage; cette disposition est libellée comme suit :

211. L’article 209 n’a pas pour effet de permettre le renvoi à l’arbitrage d’un grief individuel portant sur :

a) soit tout licenciement prévu sous le régime de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique;

[…]

Ainsi, un arbitre de grief a compétence pour instruire un grief portant sur un renvoi en cours de stage lorsque celui-ci n’a pas été effectué sous le régime de la LEFP ou a invoqué de façon factice la LEFP, est un subterfuge ou un camouflage. En troisième lieu, il convient de rappeler que la raison d’être d’une période probatoire est de donner l’occasion à l’administrateur général d’évaluer l’aptitude d’un fonctionnaire à exercer les fonctions rattachées au poste qui lui est confié. Donc, lorsqu‘un fonctionnaire établi que le renvoi en cours de stage n’est pas fondé sur une insatisfaction éprouvée de bonne foi quant à son aptitude à exercer les fonctions rattachées au poste qui lui est confié, un arbitre de grief a compétence pour statuer sur le licenciement du fonctionnaire.

45 À la lumière des principes précités, le seuil à atteindre par le fonctionnaire visé par un tel renvoi s’avère élevé. Le fonctionnaire doit établir, selon la prépondérance des probabilités, que l’administrateur général n’éprouvait pas de bonne foi une insatisfaction quant à son aptitude à exercer les fonctions rattachées au poste qui lui est confié et que son licenciement invoque de façon factice la LEFP, est un subterfuge ou un camouflage. Après tout, un administrateur général ne devrait pas pouvoir se prévaloir du mécanisme de renvoi en cours de stage prévu à la LEFP de manière à camoufler des motifs de renvoi certes réels, mais illégitimes, et qui ne sont pas compatibles avec une insatisfaction éprouvée de bonne foi quant à l’aptitude du fonctionnaire visé à exercer les fonctions rattachées au poste qui lui est confié.

46 En l’espèce, il n’est pas contesté que le fonctionnaire était assujetti à une période probatoire, qu’il était toujours en cours de stage au moment de son licenciement, et qu’on lui a versé l’indemnité tenant lieu de préavis requise en vertu de l’alinéa 61(2)a) de la LEFP. L’administrateur général s’est donc acquitté du fardeau de la preuve qui lui incombait, et il incombe alors au fonctionnaire d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que son renvoi en cours de stage invoquait de façon factice la LEFP, qu’il était un subterfuge ou un camouflage.

47 Le SCT avait trois motifs pour renvoyer le fonctionnaire en cours de stage : des lacunes au niveau de la qualité du travail du fonctionnaire, son incapacité à respecter des échéances impératives, et son inaptitude à respecter les pratiques usuelles en matière de congé et de consignation des données à cet égard. Au moment d’étayer sa cause, le défendeur a présenté plusieurs exemples concrets des lacunes du fonctionnaire, lesquels ont étoffé les raisons fondamentales motivant son licenciement.

48 Je ne suis pas d’accord avec l’argument du fonctionnaire voulant que le fait que Mme McLaren ne l’ait pas supervisé personnellement et qu’elle n’ait pas cherché à obtenir des recommandations de la part des personnes qui l’avaient supervisé soit indicatif d’une quelconque mauvaise foi ou d’une décision arbitraire de sa part. Dans Sved c. Administrateur général (Commission nationale des libérations conditionnelles), 2012 CRTFP 16, au paragraphe 129, l’arbitre de grief s’exprime ainsi à ce sujet :

[129] Je suis également d’avis que, contrairement à ce qu’a soutenu la fonctionnaire, le gestionnaire qui signe la lettre de licenciement n’est pas tenu d’avoir personnellement été témoin des incidents ou des comportements ayant mené au licenciement de la fonctionnaire. Il est requis du gestionnaire qu’il prenne une décision éclairée, énonçant les raisons justifiant le licenciement, qu’il s’agisse de ses propres observations ou de celles d’autres personnes. Le fait pour le gestionnaire d’avoir tenu compte de documents dont il n’était pas l’auteur ne saurait constituer du ouï-dire. Il est courant qu’un stagiaire relève de plus d’un superviseur. S’il fallait conclure à un traitement inéquitable ou à la mauvaise foi de la part de l’employeur envers un stagiaire du simple fait que la personne ayant signé la lettre de licenciement n’avait pas une connaissance personnelle des lacunes au plan des aptitudes ou du comportement du stagiaire, cela serait à la fois déraisonnable et irréaliste. En l’instance, l’employeur a présenté des preuves substantielles, par l’entremise des deux superviseurs de la fonctionnaire, des motifs justifiant son licenciement. Une preuve documentaire a été présentée au soutien de leur témoignage. La fonctionnaire ne s’est pas opposée à la production en preuve de ces documents. Partant, il n’y a aucune preuve que les motifs fournis par l’employeur pour licencier la fonctionnaire étaient un subterfuge, non pertinents ou empreints de mauvaise foi.

49 Il est également difficile pour moi de concilier la prétention du fonctionnaire voulant qu’il n’ait pas eu un encadrement suffisant ou la formation requise avec le fait qu’il se disait être le seul expert en la matière au sein de l’équipe et qu’il a refusé de l’aide à plus d’une occasion.

50 Le fonctionnaire a consacré le plus clair de son temps à chercher à me convaincre que son rendement au travail était acceptable et que toute lacune de sa part était attribuable à des circonstances indépendantes de sa volonté. Il n’a cependant pas produit quelque élément de preuve établissant que le défendeur avait agi en évoquant de façon factice la LEFP ou que son renvoi en cours de stage constituait un subterfuge ou un camouflage. Il a plutôt laissé entendre que, puisqu’on ne pouvait lui reprocher les échéances manquées ou son travail de qualité douteuse, je devais présumer que le défendeur avait agi de mauvaise foi ou que son renvoi en cours de stage était un subterfuge ou un camouflage. Or, en droit, la mauvaise foi ne se présume pas : il faut en faire la preuve. Ceci étant, le fonctionnaire n’a présenté aucun élément de preuve pouvant laisser entendre que les échéances imposées dans le cadre des projets qui lui étaient confiés étaient irréalistes, ou encore que le défendeur avait déraisonnablement fait fi des circonstances extraordinaires pouvant survenir au-delà de celles auxquelles on pourrait normalement s’attendre dans le cours de la réalisation de tels projets. On ne m’a présenté aucune comparaison à cet égard. Par ailleurs, M. Roberts a laissé entendre que les projets confiés au fonctionnaire étaient relativement communs et simples, et qu’il avait accès à suffisamment d’outils, d’instructions et d’exemples antérieurs pour les réaliser. Aucune preuve indépendante, par exemple un courriel ou une note de service interne, n’a été présentée au soutien de l’allégation du fonctionnaire voulant que les échéances fixées aient été irréalistes, qu’il ait buté sur des difficultés imprévues ou qu’il ait eu besoin d’une aide ou d’une formation ciblée afin de fournir un rendement à la hauteur des attentes à cet égard.

51 Le témoignage de M. Roberts indiquant qu’il avait rencontré le fonctionnaire à plusieurs reprises de mars à juin 2009 afin d’examiner son travail et son rendement n’a pas été véritablement contesté par le fonctionnaire. Après avoir affirmé ne pas se souvenir s’il avait été question de ses lacunes à l’occasion de ces rencontres, le fonctionnaire a admis en contre-interrogatoire qu’il était possible qu’il en ait été effectivement question.

52 Le fonctionnaire n’a pas non plus véritablement réfuté l’allégation du défendeur voulant que la qualité de son travail laisse parfois à désirer, ni qu’il remettait son travail en retard. Il a plutôt cherché à justifier ces écarts par des explications qui lui semblaient valables. Dans une affaire portant sur un renvoi en cours de stage, il ne revient pas à l’arbitre de grief de juger la pertinence de l’insatisfaction de l’administrateur général au regard de l’aptitude du fonctionnaire à exercer les fonctions rattachées au poste qui lui est confié en procédant à un réexamen du rendement ou de la conduite du fonctionnaire en cause et de substituer son jugement à celui de l’administrateur général; il ne revient pas non plus à l’arbitre de grief d’évaluer le rendement du fonctionnaire pendant l’exercice de ses fonctions ou la validité des explications données pour se justifier. Le rôle de l’arbitre de grief consiste à s’assurer que le renvoi en cours de stage est ce qu’il semble être et que la décision de l’administrateur général de renvoyer le fonctionnaire encours de stage n’invoquait pas de façon factice la LEFP et ne constituait pas un subterfuge ou un camouflage.

53 Il a été établi en preuve que le fonctionnaire a présenté son travail en retard à plusieurs reprises et que, à une occasion, il n’a pas remis le travail, soit le rapport du tableau de bord du quatrième trimestre, qu’il a refusé l’aide qui lui était offerte, qu’il a remis du travail dont la qualité laissait à désirer, qu’il a été convoqué à plusieurs reprises pour discuter des problèmes en rapport avec son rendement, le non-respect des échéances et ses congés, et que le défendeur a fait connaître au fonctionnaire ses doléances à ce sujet lors de ces rencontres. Non seulement le fonctionnaire a-t-il failli à la tâche d’établir que la décision de l’employeur ne reposait pas sur une insatisfaction éprouvée de bonne foi quant à son aptitude à occuper son emploi, mais la preuve a plutôt révélé des exemples évidents de cette insatisfaction.

54 Je n’ai aucune raison de mettre en doute les motivations de Mme McLaren. Elle a travaillé au sein de la fonction publique pendant plus de 35 ans, le plus clair de ces années dans le domaine des ressources humaines. Elle a été impliquée dans bon nombre de dossiers de renvoi en cours de stage et sait sans aucun doute reconnaître les facteurs à considérer lors de telles décisions. Rien dans la preuve présentée devant moi ne me permet de croire que sa décision de renvoyer le fonctionnaire n’était pas motivée par une insatisfaction éprouvée de bonne foi quant à l’aptitude du fonctionnaire à exercer les fonctions rattachées au poste qui lui était confié, ou que sa décision invoquait de façon factice la LEFP, constituait un subterfuge ou un camouflage.

55 Il peut y avoir lieu de s’interroger à savoir si la question des congés du fonctionnaire constituait ou non un motif légitime pour procéder à son renvoi en cours de stage. La preuve a révélé en outre que le fonctionnaire ne s’était pas conformé aux directives reçues de M. Roberts à cet égard. Il a signé le formulaire de demande de congé et de rapport d’absence concernant son congé de maladie des 25 et 26 mars 2009 que le 20 mai 2009, et ce, après des demandes répétées de la part de M. Roberts à cet effet. Par ailleurs, le fonctionnaire a fourni des explications à ce sujet et s’est par la suite conformé aux directives. M. Roberts a d’ailleurs confirmé qu’avant son départ, vers la fin du mois de juin, le fonctionnaire s’était conformé à ses directives, tout en précisant que d’autres problèmes subsistaient malgré tout. Ces autres problèmes, notamment les lacunes au niveau de la qualité de son travail et son incapacité à respecter des échéances impératives, constituaient à mon avis une insatisfaction éprouvée de bonne foi quant à l’aptitude du fonctionnaire à exercer les fonctions rattachées au poste qui lui était confié. Je souscris à l’argument du défendeur voulant qu’un employeur n’est pas tenu d’établir le caractère légitime de toutes les raisons données pour justifier le licenciement du fonctionnaire. Un seul motif lié à l’emploi peut suffire à établir une insatisfaction éprouvée de bonne foi quant à l’aptitude d’un fonctionnaire à exercer les fonctions rattachées à son poste. En l’espèce, il en avait au moins deux. J’estime par ailleurs que, bien qu’ils ne soient pas évoqués dans la lettre de renvoi en cours de stage remise au fonctionnaire, les trois projets dont il était question n’avaient pas nécessairement à y figurer, n’étant finalement que des exemples illustrant le rendement insatisfaisant du fonctionnaire et étoffant d’autant les raisons fondamentales motivant son licenciement.

56 Après avoir analysé l’ensemble de la preuve, je conclus que le témoignage du fonctionnaire ne concorde pas avec la prépondérance de la preuve présentée en l’espèce. Par conséquent, selon la prépondérance des probabilités, je conclus que le défendeur s’est acquitté du fardeau de la preuve qui lui incombait et que le fonctionnaire n’a pas assumé le fardeau de la preuve qui lui incombait d’établir que la décision du défendeur de le renvoyer en cours de stage invoquait de façon factice la LEFP, était un subterfuge ou un camouflage. Par conséquent, je conclus qu’un arbitre de grief n’a pas compétence pour entendre ce grief.

57 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

58 Je déclare qu’un arbitre de grief n’a pas compétence pour entendre le grief.

59 J’ordonne la fermeture du dossier.

Le 14 juin 2012.

Traduction de la CRTFP

Stephan J. Bertrand,
arbitre de grief

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