Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Les fonctionnaires s’estimant lésés ont allégué que la façon dont l’employeur appliquait la politique nationale sur la répartition des heures supplémentaires violait la convention collective - les fonctionnaires s’estimant lésés ont contesté la période de référence d’une année utilisée pour évaluer la répartition équitable des heures supplémentaires et la distinction établie par l’employeur entre les heures supplémentaires travaillées volontairement et celles travaillées obligatoirement - l’employeur a soutenu que les griefs étaient prématurés puisqu’ils ont été présentés avant la fin de l’exercice financier - il a également soulevé la question des mesures correctives à envisager dans de telles situations - dans le cas d’un des fonctionnaires s’estimant lésés, les heures supplémentaires ont été attribuées à un autre employé en raison d’une défaillance du système informatisé d’établissement des horaires pour les heures supplémentaires - à deux reprises, l’employeur a tenté de corriger son erreur en offrant des quarts de travail en heures supplémentaires à la fonctionnaire s’estimant lésée, mais cette dernière les a refusés - dans le cas du deuxième fonctionnaire s’estimant lésé, le quart de travail en heures supplémentaires a été offert à un autre employé parce que l’employeur n’avait pas pris en compte le nombre d’heures supplémentaires obligatoires travaillées par cet employé - en vertu de la politique nationale de l’employeur, celui-ci doit produire des rapports trimestriels afin de relever les écarts dans la répartition des heures supplémentaires et les rectifier au besoin - selon l’arbitre de grief, la convention collective ne prévoit aucune restriction quant à la période de référence à utiliser lorsqu’il est question d’évaluer le caractère équitable de la répartition des heures supplémentaires et rien n’empêche l’employeur de le faire annuellement - l’arbitre de grief a rejeté l’argument de l’employeur voulant que les griefs étaient prématurés et a déclaré que les fonctionnaires s’estimant lésés pouvaient présenter leur grief au moment de la violation alléguée ou une fois la période de référence écoulée - la présentation d’un grief au moment de la violation alléguée, comme l’ont fait les fonctionnaires s’estimant lésés, est l’approche qui favorise le plus les relations de travail positives - puisque le caractère équitable est évalué sur une période d’une année, le fait d’avoir travaillé moins d’heures supplémentaires ne donne pas systématiquement le droit à un employé de travailler un quart de travail particulier en heures supplémentaires - l’arbitre de grief a réfuté la distinction établie par l’employeur entre les heures supplémentaires effectuées volontairement et celles effectuées obligatoirement aux fins de la répartition des heures supplémentaires car une telle distinction n’était pas établie dans la convention collective - l’arbitre de grief a rejeté l’argument de l’employeur voulant que les mesures correctives en cas de violation du principe de la répartition équitable devraient être restreintes à des déclarations - dans le cadre de la procédure de règlement de griefs, on peut offrir à la fonctionnaire s’estimant lésée d’autres quarts de travail en heures supplémentaires afin de le compenser; toutefois, à l’étape de l’arbitrage du grief, il est trop tard pour appliquer une telle solution et une indemnité pécuniaire devient alors la mesure corrective appropriée - l’arbitre de grief a rejeté le grief de la fonctionnaire s’estimant lésée qui n’a pas été appelé pour travailler des heures supplémentaires en raison d’une défaillance du système informatique, statuant que l’employeur avait tenté de rectifier son erreur, mais que la fonctionnaire s’estimant lésée l’en avait empêché - pour ce qui est du deuxième fonctionnaire s’estimant lésé, la preuve a établi que même si l’employeur avait comptabilisé correctement les heures supplémentaires qui avaient déjà été offertes au fonctionnaire s’estimant lésé et à l’autre personne en cause, le fait d’offrir ce quart de travail en heures supplémentaires à cette autre personne n’aurait pas constitué une violation de la convention collective. Griefs rejetés.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2012-05-04
  • Dossier:  566-02-5200 et 6404
  • Référence:  2012 CRTFP 54

Devant un arbitre de grief


ENTRE

AARON BALDASARO ET VICKIE THIESSEN

fonctionnaires s'estimant lésés

et

CONSEIL DU TRÉSOR
Service correctionnel du Canada)

employeur

Répertorié
Baldasaro et Thiessen c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada)

Affaire concernant des griefs individuels renvoyés à l’arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Renaud Paquet, arbitre de grief

Pour les fonctionnaires s'estimant lésés:
Corinne Blanchette, Union of Canadian Correctional Officers - Syndicat des agents correctionnels du Canada - CSN

Pour l'employeur:
Christine Diguer, avocate

Affaire entendue à Abbotsford (Colombie-Britannique),
du 11 au 13 avril 2012.
(Traduction de la CRTFP)

I. Griefs individuels renvoyés à l’arbitrage

1 Au moment de la présentation de leur grief respectif en août et en septembre 2010, Aaron Baldasaro et Vickie Thiessen (les « fonctionnaires s’estimant lésés » ou les « fonctionnaires ») étaient agents correctionnels. Ils étaient au service de Service correctionnel du Canada (l’« employeur », ou « SCC ») dans la région du Pacifique. Mme Thiessen travaillait à l’établissement Village de guérison Kwìkwèxwelhp et M. Baldasaro, à l’établissement Matsqui. Les fonctionnaires ont allégué que l’employeur, en offrant de manière inéquitable les heures supplémentaires à effectuer, avait violé la clause 21.10a) de la convention collective signée le 26 juin 2006 par le Conseil du Trésor et le Union of Canadian Correctional Officers - Syndicat des agents correctionnels du Canada - CSN (le « syndicat ») (la « convention collective »). La clause 21.10a) est libellé comme suit :

21.10 Répartition des heures supplémentaires

L'Employeur fait tout effort raisonnable pour :

  1. répartir les heures supplémentaires de travail sur une base équitable parmi les employé-e-s qualifiés facilement disponibles, […]

2 La répartition équitable des heures supplémentaires est un enjeu de longue date entre l’employeur et le syndicat. Ainsi que je l’expliquerai dans cette décision, jusqu’au 1er novembre 2009, les heures supplémentaires étaient réparties entre les employés disponibles et qualifiés suivant les procédures établies au sein de chaque établissement. Le 1er novembre 2009, l’employeur a révoqué ces procédures propres à chaque établissement et les a remplacées par une procédure normalisée établie dans le cadre d’une politique nationale sur la gestion des heures supplémentaires (la « politique nationale »).

3 Ces deux griefs portent sur la répartition des heures supplémentaires aux termes de la politique nationale. Ils sont les deux premiers griefs à être entendus parmi les quelque 500 griefs renvoyés à l’arbitrage aux termes de la politique nationale. Les parties les ont choisis à titre de cas types qui devraient en principe permettre de répondre à plusieurs interrogations au sujet de la répartition équitable des heures supplémentaires parmi les agents correctionnels.

II. Résumé de la preuve

4 Les parties ont versé 52 documents en preuve. Les fonctionnaires ont témoigné. Ils ont également cité à témoigner M. Gaelen Joe, agent correctionnel à l’établissement Matsqui et président de la section locale de leur syndicat. L’employeur a cité à témoigner M. John Kearney, M. Philippe Ariss, M. Randy Warren, M. Andrew Burke, Mme Danielle Laberge et M. Andrew Marshall. M. Kearney est directeur, Politiques en relations de travail, au sein du SCC. M. Ariss est gestionnaire, Système d’établissement des horaires de travail et du déploiement (SHTD), pour le SCC. À l’époque pertinente aux griefs, M. Warren, M. Burke, Mme Laberge et M. Marshall étaient soit gestionnaire correctionnel (GC), soit gestionnaire, Opérations (GO), à l’établissement Village de guérison Kwìkwèxwelhp ou à l’établissement Matsqui. À cette même époque, ils s’occupaient notamment de l’établissement des horaires de travail des employés, de l’attribution des heures supplémentaires, de l’application de la politique nationale et de l’utilisation du SHTD.

A. Politique nationale

5 Avant novembre 2009, chaque établissement du SCC avait ses propres procédures concernant la répartition équitable des heures supplémentaires. La plupart de ces établissements offraient les heures supplémentaires à l’employé qualifié disponible ayant travaillé le moins grand nombre d’heures supplémentaires au cours du trimestre ou de l’exercice en cours. En ce sens, le caractère équitable de la répartition des heures supplémentaires était calculé de nouveau quotidiennement. Afin de diminuer leurs coûts, des établissements choisissaient d’offrir les heures supplémentaires aux employés qui pouvaient être rémunérés à tarif et demi, plutôt que de les offrir à d’autres employés qui auraient été rémunérés à tarif double. Il existait aussi d’autres différences entre les procédures des établissements dans l’ensemble du pays à cet égard, mais il ne serait pas utile d’en faire ici un examen plus approfondi. Le 1er novembre 2009, toutes ces procédures particulières ont été révoquées et remplacées par la politique nationale.

6 En vertu de la politique nationale, les GC sont chargés d’effectuer le suivi et de diminuer les besoins en heures supplémentaires; de donner un préavis aux employés, dans la mesure du possible, des heures supplémentaires qu’ils devront travailler; de faire tout effort raisonnable pour offrir les heures supplémentaires aux employés du même groupe et niveau que le poste visé; de veiller à amoindrir les coûts encourus en raison des heures supplémentaires; de s’entretenir avec les représentants syndicaux locaux au sujet des données se rapportant aux heures supplémentaires, et ce, à chaque trimestre. La politique précise en outre que les GC doivent consentir tout effort raisonnable pour répartir les heures supplémentaires sur une base équitable parmi tous les employés qualifiés et disponibles. Les GC doivent également conserver un registre de toutes les heures supplémentaires offertes et effectuées volontairement. Comme le caractère équitable de la répartition des heures supplémentaires est calculé sur une période de 12 mois, les heures supplémentaires doivent faire l’objet d’une analyse trimestrielle afin de procéder à des rajustements continus.

7 M. Kearney a témoigné que l’employeur établissait une distinction entre les heures supplémentaires facultatives et les heures supplémentaires obligatoires. Certains employés doivent travailler des heures supplémentaires pour satisfaire des besoins opérationnels très précis, à la discrétion de l’employeur. Par exemple, les employés membres d’une équipe pénitentiaire d’intervention d’urgence (EPIU) sont tenus de travailler des heures supplémentaires sans droit de refus lorsqu’ils sont appelés dans le cadre de leur affectation à une EPIU. Ces heures supplémentaires sont comptabilisées séparément, et il n’en est pas tenu compte aux fins du calcul et de l’évaluation de la répartition équitable des heures supplémentaires.

8 Selon la politique nationale, lors de la répartition des heures supplémentaires, les GC doivent tenir compte du nombre d’heures supplémentaires déjà offertes durant l’année. Ainsi, les heures supplémentaires facultatives offertes et refusées, offertes mais demeurées sans réponse, offertes et effectuées, et celles effectuées dans le cadre d’une formation, notamment de la formation dans le cadre d’une EPIU, sont compilées. Ainsi, lorsque je parlerai des heures supplémentaires facultatives offertes, toutes les heures précitées seront incluses. À noter que cela ne comprend pas les heures supplémentaires obligatoires, lesquelles sont compilées séparément.

9 La politique nationale définit comme suit l’offre équitable des heures supplémentaires :

Offre équitable des heures supplémentaires : signifie que, au cours de l’exercice financier (du 1er avril au 31 mars), la direction a fait tout effort raisonnable pour offrir à un employé approximativement le même nombre d’heures supplémentaires qu’aux autres employés qualifiés facilement disponibles du même secteur de travail. Cependant, certains employés peuvent avoir travaillé moins d’heures supplémentaires que d’autres à la fin de la période de déclaration.

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

10 M. Kearney a témoigné que l’examen trimestriel permettait de rajuster les écarts résultant parfois de l’application de la politique nationale. Lorsque des écarts sont constatés, des mesures peuvent être prises pour corriger la situation et pour offrir des quarts de travail en heures supplémentaires aux employés à qui l’on n’avait pas offert leur juste part en heures supplémentaires. Ainsi, un employé à qui l’on n’aurait pas offert suffisamment d’heures supplémentaires parce qu’il ou elle n’était disponible qu’à tarif double se verrait offrir un plus grand nombre de quarts de travail en heures supplémentaires à la suite de l’examen trimestriel des données, de manière à rétablir le caractère équitable de la répartition des heures supplémentaires.

11 Selon M. Kearney, le président de chaque section locale doit recevoir des rapports mensuels et trimestriels (cumulatifs et non cumulatifs) sur la répartition des heures supplémentaires parmi les employés. Les présidents des sections locales et les employés peuvent recevoir d’autres rapports sur les heures supplémentaires s’ils ont besoin de précisions à cet égard. De plus, les employés peuvent demander des explications au GC responsable de l’établissement des horaires de travail ou du SHTD s’ils estiment qu’il y a un problème en ce qui concerne la répartition des heures supplémentaires. Les témoins des fonctionnaires ont affirmé qu’il était parfois difficile d’obtenir de l’employeur les renseignements dont ils avaient besoin afin d’évaluer le caractère équitable des heures supplémentaires offertes. Ils ont mentionné que la présentation des rapports était parfois incohérente et qu’il était parfois difficile d’obtenir des rapports cumulatifs. De l’avis des témoins de l’employeur, cela n’était pas vraiment problématique, car les délégués syndicaux pouvaient demander en tout temps le rapport dont ils avaient besoin.

B. Mise en œuvre de la politique nationale à l’échelle locale

12 Lorsqu’un GC doit obtenir les services d’agents correctionnels afin d’effectuer des heures supplémentaires, il ou elle inscrit au SHTD les besoins requis à cet égard et les détails concernant le quart de travail en heures supplémentaires proposé. Le SHTD génère alors automatiquement une liste d’agents qualifiés qui satisfont les besoins requis et qui ont fait connaître leur disponibilité à travailler des heures supplémentaires pendant le quart de travail en question. La liste du SHTD classe les agents dans l’ordre selon lequel ils devraient normalement être invités à travailler. La liste présente tout d’abord les agents qui seraient rémunérés à tarif et demi. Viennent ensuite les agents devant être rémunérés à tarif double. Parmi ces deux groupes, les agents sont classés en ordre croissant en fonction du nombre d’heures supplémentaires facultatives qui leur ont été offertes durant l’année. En d’autres termes, l’agent rémunéré à tarif et demi à qui l’on a offert le moins grand nombre d’heures supplémentaires facultatives figurera en tête de liste.

13 Selon les GC qui ont témoigné, ils appellent systématiquement l’agent dont le nom apparaît en tête de liste et continuent selon l’ordre établi jusqu’à ce qu’ils aient comblé les besoins en heures supplémentaires pour le quart de travail proposé. M. Kearney a témoigné que les GC se servaient de la liste du SHTD comme outil leur permettant de prendre des décisions discrétionnaires au sujet de quels agents devaient être appelés à travailler des heures supplémentaires. Selon M. Kearney, il est possible que les GC ne respectent pas nécessairement l’ordre établi dans la liste. Par contre, les GC ayant témoigné à ce sujet ont affirmé qu’ils respectaient en tout temps l’ordre établi dans la liste.

14 La politique nationale énonce que les GC locaux doivent produire des rapports trimestriels afin de vérifier s’il y a des écarts quant à la répartition des heures supplémentaires. Toujours selon la politique nationale, les GC doivent traiter les écarts relativement à la répartition des heures supplémentaires; ils peuvent décider de prioriser les employés auxquels une juste part d’heures supplémentaires n’aurait pas été offerte, même si cela peut entraîner des coûts supplémentaires, par exemple en appelant un agent qui serait rémunéré au tarif double plutôt qu’au tarif et demi. Toutefois, selon le témoignage des GC à l’audience, cela ne se passe pas comme ça à l’échelle locale. Les vérifications ou les rajustements ne sont habituellement pas faits. En fait, il semblerait plutôt que les GC procèdent à une vérification seulement sur demande, soit parce qu’un employé estime ne pas avoir obtenu sa juste part des heures supplémentaires offertes, soit parce qu’un employé ne comprend pas pourquoi des heures supplémentaires ont été offertes à d’autres agents plutôt qu’à lui.

C. Preuve se rapportant spécifiquement au grief de Mme Thiessen

15 Selon Mme Thiessen, les données qu’elle avait saisies dans le SHTD indiquaient qu’elle était disponible pour effectuer des heures supplémentaires le 22 juin 2010. En raison d’une défaillance du SHTD, lorsque le GC a demandé la liste de tous les employés disponibles pour travailler un quart de travail en heures supplémentaires, le nom de Mme Thiessen n’est pas apparu. C’est pourquoi elle n’a pas été appelée pour travailler ce quart de travail, alors qu’elle aurait dû l’être. Elle était qualifiée et disponible, et avait le moins grand nombre d’heures supplémentaires travaillées jusqu’alors au cours de l’année.

16 À la clôture du trimestre, le 30 juin 2010, Mme Thiessen avait été disponible pour effectuer 15 heures de travail en heures supplémentaires, mais elle n’avait reçu aucune offre de travailler des heures supplémentaires. Le même scénario s’est produit à la clôture de l’exercice, alors qu’elle avait été disponible pour travailler 143 heures de travail en heures supplémentaires. Le GC a analysé la situation et conclu qu’à l’exception du 22 juin 2010, chaque fois que Mme Thiessen était disponible, aucune heure supplémentaire ne lui avait été offerte.

17 L’employeur a voulu rectifier son erreur du 22 juin 2010. Il a offert à Mme Thiessen un quart de travail en heures supplémentaires peu après cette date. Elle a cependant refusé en disant qu’elle ne voulait pas prendre la place de la prochaine personne à qui ce quart de travail en heures supplémentaires devait être offert. Plus tard au cours de l’exercice, l’employeur a offert à Mme Thiessen un quart de travail en heures supplémentaires à titre d’employé surnuméraire à un moment convenable tant pour elle que pour l’employeur, de manière à ce que son quart de travail en heures supplémentaires n’ait aucune incidence sur les heures supplémentaires offertes aux autres employés. Elle a refusé cette offre également. Mme Thiessen a notamment témoigné qu’elle avait une vie passablement occupée et de nombreuses responsabilités en dehors de sa vie professionnelle et qu’elle ne pouvait pas accepter l’offre de l’employeur.

18 Dans son grief, Mme Thiessen a demandé que l’employeur fasse preuve d’une plus grande transparence en ce qui concerne la répartition équitable des heures supplémentaires. L’employeur a alors consenti à afficher de l’information qui ne l’était pas auparavant. Or, selon Mme Thiessen, cela n’était toujours pas suffisant et l’employeur devait communiquer davantage d’information à cet égard.

D. Preuve se rapportant spécifiquement au grief de M. Baldasaro

19 M. Baldasaro a indiqué qu’il était disponible pour travailler des heures supplémentaires durant le quart de jour de la journée du 26 août 2010. Ce quart de travail commençait à 7 h et se terminait à 18 h 45. M. Baldasaro aurait été rémunéré au tarif double s’il avait été affecté à ce quart de travail en heures supplémentaires. Or, ce quart de travail a été offert à « S. H. », qui devait également être rémunéré au tarif double. M. Baldasaro est d’avis qu’on aurait dû lui offrir ce quart de travail parce qu’il avait travaillé moins d’heures supplémentaires pendant cet exercice que S. H.

20 Selon les renseignements fournis par le SHTD à Mme Laberge, qui s’occupait de la répartition des quarts de travail en heures supplémentaires le 26 août 2010, 19,75 heures supplémentaires avaient été offertes à S. H. durant l’exercice, alors qu’on en avait offert 34 à M. Baldasaro. Mme Laberge a donc appelé S. H., puisque le SHTD lui indiquait qu’un moins grand nombre d’heures supplémentaires lui avait été offert. Elle n’a pas vérifié outre mesure, puisqu’elle avait eu la directive d’appeler les agents selon l’ordre de la liste apparaissant à l’écran du SHTD.

21 M. Baldasaro a produit en preuve un document généré par le SHTD indiquant que les totaux affichés, pour S. H. et lui-même, ne correspondaient pas au nombre d’heures supplémentaires travaillées par ceux-ci durant l’exercice visé. Ce document indiquait que M. Baldasaro avait travaillé 28,75 heures en heures supplémentaires avant le 26 août 2010 et que S. H. avait travaillé 42 heures en heures supplémentaires durant la même période.

22 Un troisième document généré par le SHTD et présenté par l’employeur indiquait qu’avant le 26 août 2010, M. Baldasaro avait travaillé 19,25 heures en heures supplémentaires facultatives, qu’on lui avait offertes et qu’il était soit non disponible ou avait refusé 14,75 heures supplémentaires de plus, et qu’il avait été requis d’effectuer 9,5 heures supplémentaires obligatoires. Ces données aident à rapprocher les données figurant aux deux autres documents générés par le SHTD. Le nombre d’heures supplémentaires apparaissant à l’écran du SHTD lorsque le GC a appelé les employés pour leur proposer d’effectuer des heures supplémentaires le 26 août 2010 ne comprenait pas les 9,5 heures supplémentaires obligatoires travaillées par M. Baldasaro ni les heures supplémentaires obligatoires travaillées par S. H. Ces données comprenaient toutefois les 14,75 heures pour lesquelles M. Baldasaro avait été appelé, mais n’était pas disponible. Aucune preuve n’a été présentée à savoir, parmi les 19,75 heures figurant à l’écran du SHTD utilisé par Mme Laberge, le nombre d’heures durant lesquelles S.H. n’était pas disponible.

23  Dans un autre rapport généré par le SHTD et produit en preuve par l’employeur, il est indiqué qu’entre le 1er avril 2010 et le 31 mars 2011, M. Baldasaro s’était vu offrir 104,75 heures supplémentaires facultatives, qu’il avait travaillé 9,5 heures en heures supplémentaires obligatoires, et qu’il avait été disponible pour effectuer 1663 heures supplémentaires. À titre de comparaison, S. H. s’était vue offrir 87,75 heures supplémentaires facultatives, avait travaillé 72,75 heures en heures supplémentaires et 38,5 heures en heures supplémentaires obligatoires, et avait été disponible pour travailler 592,75 heures supplémentaires. M. Marshall a témoigné qu’il n’y avait pas nécessairement de divergence entre ces données. Les écarts, le cas échéant, pouvaient fort probablement s’expliquer en vérifiant les offres d’heures supplémentaires pour toutes les journées où des heures supplémentaires ont été travaillées et offertes aux deux agents correctionnels en cause. Il a admis qu’une telle analyse n’avait pas été effectuée, puisque personne n’avait fait de demande à cet égard.

24 M. Joe a témoigné qu’il n’avait pas accès à suffisamment d’information et de données de la part de l’employeur à l’établissement Matsqui pour lui permettre de surveiller et de vérifier si l’employeur répartissait équitablement les heures supplémentaires et pour faire en sorte que le système de répartition des heures supplémentaires fonctionne de manière équitable et harmonieuse. Les témoins de l’employeur ont témoigné que le syndicat ou un employé pouvait obtenir tous les renseignements nécessaires afin de vérifier si les heures supplémentaires étaient réparties équitablement. L’employeur n’a jamais refusé de fournir les renseignements demandés par le syndicat.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour les fonctionnaires s’estimant lésés

25 Aucune heure supplémentaire n’a été offerte à Mme Thiessen le 22 juin 2010 à cause d’une erreur dans le SHTD. L’erreur n’a jamais été corrigée, si bien qu’à la fin de l’exercice Mme Thiessen n’avait pas travaillé d’heures supplémentaires malgré le fait qu’elle était disponible pour travailler 143 heures supplémentaires durant cette période. Le principe du caractère équitable de la répartition des heures supplémentaires était ainsi rompu. De plus, l’employeur n’a pas pu expliquer pourquoi Mme Thiessen n’avait pas travaillé d’heures supplémentaires pendant cet exercice. L’employeur a ainsi violé la convention collective, et devrait être condamné à verser à Mme Thiessen huit heures en heures supplémentaires au tarif prévu à cet effet.

26 M. Baldasaro ne s’est pas vu offrir d’heures supplémentaires à effectuer le 26 août 2010, en raison d’une erreur de comptabilisation du SHTD. Les heures consacrées à la formation EPIU et celles travaillées dans l’EPIU n’étaient pas calculées dans le total des heures supplémentaires figurant au SHTD. Cela a fait en sorte que le SHTD indiquait que S. H. avait travaillé moins d’heures supplémentaires que M. Baldasaro, bien qu’en fait elle en avait travaillé davantage que ce dernier. Le GC s’était fié aux calculs effectués par le SHTD et a appelé S. H. plutôt que M. Baldasaro. Il n’y a pas lieu de distinguer les heures supplémentaires facultatives et obligatoires aux fins du calcul des heures supplémentaires et de la répartition des heures supplémentaires à effectuer. Une telle distinction n’apparaît nulle part dans la convention collective. Si les parties avaient voulu établir une telle distinction aux fins de la répartition des heures supplémentaires, elles auraient prévu cela par écrit dans la convention collective.

27 À la clôture de l’exercice, M. Baldasaro était désavantagé par rapport à S. H.. Cela devient évident lorsque l’on compare le rapport entre les heures travaillées et les heures de disponibilité. La jurisprudence est claire quant aux mesures correctives à cet égard. Si le grief est accueilli, l’arbitre de grief devrait ordonner à l’employeur de verser à M. Baldasaro les sommes correspondant aux occasions manquées de travailler des heures supplémentaires.

28 La preuve a établi que l’employeur n’avait pas effectué les vérifications ou les examens trimestriels et annuels dans le but de déceler les écarts au niveau de la répartition des heures supplémentaires, que ce soit à Kwìkwèxwelhp ou à Matsqui. La politique nationale n’a pas été respectée à cet égard. Elle n’a pas plus été respectée en regard de l’obligation de communiquer au syndicat l’information sur heures supplémentaires générées par le SHTD. En effet, cela n’a pas été fait sur une base régulière. L’information communiquée n’était pas transparente. La façon de communiquer ou d’afficher l’information ne permettait pas au syndicat ou à ses membres de surveiller à tous égards la répartition équitable des heures supplémentaires.

29 Les fonctionnaires s’estimant lésés m’ont renvoyé à Boujikian c. Conseil du Trésor (Citoyenneté et Immigration Canada), dossier de la CRTFP 166-02-27738 (19980615); Dagg c. Canada (Ministre des Finances), [1997] 2 C.S.C. 403; Casper c. Conseil du Trésor (ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CRTFP 27; Allard et al. c. Conseil du Trésor (ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CRTFP 26; Hunt et Shaw c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2009 CRTFP 65; Sturt-Smith c. Conseil du Trésor, dossier de la CRTFP 166-02-15137 (19860731); Weeks c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2010 CRTFP 132; Lauzon c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2009 CRTFP 126; Mungham c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2005 CRTFP 106.

B. Pour l’employeur

30 L’employeur a soutenu qu’il n’avait pas violé la convention collective et qu’il répartissait les heures supplémentaires sur une base équitable. Les témoins de l’employeur ont expliqué que l’application de la politique nationale était transparente, notamment en raison de la production des rapports qui pouvaient être consultés en tout temps par le syndicat ou les employés. Le problème est plutôt que le syndicat est réticent en ce qui concerne la politique nationale. Les GC vérifient régulièrement la répartition des heures supplémentaires et effectuent une analyse plus approfondie s’ils reçoivent une demande de la part des employés ou du syndicat à cette fin.

31 Les décisions antérieures rendues en Cour fédérale et par les arbitres de grief ont établi que le caractère équitable doit être apprécié sur une période de temps raisonnable, qu’il doit être évalué en comparant les heures attribuées à un fonctionnaire s’estimant lésé aux heures attribuées à des employés occupant des fonctions similaires au cours de la période visée. En établissant la comparaison entre le nombre d’heures supplémentaires, l’arbitre de grief doit établir si des facteurs peuvent expliquer les écarts observés, notamment les différences au plan de la disponibilité, des congés et d’autres facteurs. L’employeur a respecté ces principes et n’a pas violé la convention collective.

32 L’employeur est en droit d’établir les paramètres du caractère équitable. C’est ce qu’il a fait dans le cadre de la politique nationale. En vertu de celle-ci, un employé ne peut revendiquer le droit d’effectuer des heures supplémentaires pour un quart de travail particulier. Le caractère équitable ne peut être établi sur une base quotidienne. L’employeur a décidé de l’établir sur une base annuelle. Aucune preuve n’a été présentée selon laquelle l’employeur ne pouvait procéder de cette manière.

33 Puisque le caractère équitable de la répartition des heures supplémentaires est évalué sur une base annuelle, les griefs sont prématurés parce qu’il est impossible d’établir en juin ou en août d’une année donnée si la répartition des heures supplémentaires a été équitable. La réponse à cette question viendra une fois l’exercice complété. L’offre des heures supplémentaires pour un quart de travail donné doit s’inscrire dans le contexte de toutes les offres d’heures supplémentaires faites au cours de l’exercice.

34 L’employeur a fait valoir que si l’un des griefs devait être accueilli, l’arbitre de grief devrait alors simplement statuer que la convention collective avait été violée et ne pas ordonner quelque mesure que ce soit. Le fait d’ordonner à l’employeur de verser une indemnité pour compenser un quart de travail en heures supplémentaires non travaillé aurait un caractère punitif, puisque le quart de travail n’a pas été effectué par le fonctionnaire pertinent dans ce cas-ci. Il n’y a pas lieu d’ordonner des mesures de nature punitive lorsque l’employeur a agi de bonne foi.

35 En ce qui a trait à Mme Thiessen, l’employeur a offert de rectifier son erreur en lui offrant de travailler un autre quart de travail en heures supplémentaires. Or, elle a refusé une telle offre à deux reprises. Elle a en outre témoigné qu’elle n’était pas souvent disponible pour travailler des heures supplémentaires en raison de ses responsabilités à l’extérieur du milieu de travail.

36 En ce qui a trait à M. Baldasaro, l’employeur a admis qu’en vertu de la politique nationale les heures supplémentaires facultatives et les heures supplémentaires obligatoires étaient traitées différemment. Aucune disposition de la convention collective n’interdit à l’employeur d’adopter et de mettre en œuvre une telle politique. Les rapports du SHTD n’ont pas démontré que M. Baldasaro avait été traité de manière inéquitable.

37 L’employeur m’a renvoyé à Procureur général du Canada c. Bucholtz et al., 2011 CF 1259; Union of Canadian Correctional Officers - Syndicat des agents correctionnels du Canada - CSN c. Conseil du Trésor, 2010 CRTFP 85; Canada (Procureur général) c. Lussier, [1993] C.A.F. no 64 (C.A.F.).

IV. Motifs

38 Ces deux griefs soulèvent des questions importantes au sujet de la répartition équitable des heures supplémentaires parmi les employés qualifiés et disponibles. Ni les qualités requises des fonctionnaires pour effectuer les heures supplémentaires offertes ni leur disponibilité ne sont en cause dans le cadre de ces deux griefs. La décision en l’instance portera plutôt sur les questions suivantes :

  • La période de référence de l’évaluation de la répartition équitable des heures supplémentaires.
  • Le moment opportun pour le dépôt d’un grief par un fonctionnaire.
  • L’obligation d’offrir les heures supplémentaires à l’employé ayant travaillé le moins grand nombre d’heures supplémentaires durant la période de référence.
  • La distinction entre les heures supplémentaires facultatives et les heures supplémentaires obligatoires.
  • Les mesures correctives appropriées en cas de violation du principe du caractère équitable.

A. Période de référence de l’évaluation de la répartition équitable des heures supplémentaires

39 Un pénitencier fonctionne continuellement, et ce, avec un effectif ne pouvant être réduit en deçà d’un niveau donné. La plupart du temps, lorsqu’un employé prévu à l’horaire doit s’absenter, il doit être remplacé. À l’occasion, il arrive qu’une situation d’urgence fasse en sorte que des agents qui ne sont pas à l’horaire doivent travailler. Ces réalités opérationnelles font en sorte que les agents correctionnels sont fréquemment appelés à effectuer des heures supplémentaires. Il convient de tenir compte de ce contexte en décidant si la convention collective permet à l’employeur d’évaluer le caractère équitable de la répartition des heures supplémentaires sur une base annuelle.

40 En premier lieu, la convention collective ne mentionne aucune restriction ni directive particulière quant à la période durant laquelle il convient d’évaluer le caractère équitable de la répartition des heures supplémentaires. En second lieu, rien dans la convention collective n’empêche l’employeur d’évaluer le caractère équitable sur une base annuelle. En troisième lieu, la jurisprudence de la présente commission et de son prédécesseur établit clairement que le terme « équitable » ne signifie pas « égal », et que le caractère équitable doit être évalué sur une période plus longue qu’une seule journée. En quatrième lieu, depuis 2005, la plupart des décisions rendues par des arbitres de grief mettant en cause ces parties ont effectivement évalué le caractère équitable de cette pratique sur une base quotidienne, mais uniquement en raison de la présence de politiques ou de méthodes en place dans les établissements du SCC qui supposaient une évaluation quotidienne de la répartition équitable des heures supplémentaires.

41 Puisque les procédures établies dans chaque établissement relativement à la répartition des heures supplémentaires ont été révoquées en novembre 2009, rien n’empêche l’employeur d’évaluer le caractère équitable sur une base annuelle. Étant donné l’absence de restrictions à cet égard dans la convention collective, l’employeur a le droit d’établir une période de référence pour évaluer le caractère équitable de la répartition des heures supplémentaires des agents correctionnels. L’employeur a décidé d’employer à cet effet l’exercice, commençant le 1er avril et se terminant le 31 mars, à titre de période durant laquelle il effectuerait l’évaluation du caractère équitable de la répartition des heures supplémentaires. Aucun élément de preuve n’a été présenté permettant d’établir que cette période n’était pas raisonnable ou qu’elle ne permettait pas de procéder à une évaluation juste ou raisonnable de la répartition équitable des heures supplémentaires. En outre, il existe une abondante jurisprudence mettant en cause ces parties ou leurs prédécesseurs confirmant que l’employeur ne viole pas la convention collective en procédant à l’évaluation de la répartition équitable des heures supplémentaires sur une base annuelle.

B. Moment opportun pour présenter un grief

42 L’employeur a soutenu que ces deux griefs étaient prématurés parce qu’il était impossible d’établir en juin ou en août 2010 si le caractère équitable de la répartition des heures supplémentaires était respecté. De l’avis de l’employeur, la réponse à cette question ne pouvait être connue qu’une fois analysées toutes les offres d’heures supplémentaires faites au cours de l’ensemble de l’exercice. L’employeur a également adopté cette position dans le cadre de sa réponse aux griefs présentés par les fonctionnaires s’estimant lésés. Je ne puis cependant souscrire à cet argument. Ces griefs ne sont pas prématurés. En effet, selon le libellé non équivoque de l’article 208 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique,L.C., 2003, ch. 22 (la « Loi »), un fonctionnaire a le droit de présenter un grief lorsqu’il ou elle « s’estime lésé », et non uniquement lorsqu’il ou elle est en mesure d’établir le bien-fondé de son grief.

43  Selon la preuve, les deux fonctionnaires s’estimaient lésés par l’employeur en raison du fait que ce dernier ne leur avait pas offert un quart de travail en heures supplémentaires en juin ou en août 2010, selon le cas. Cette situation ne s’est pas produite à la fin de l’exercice, mais plutôt à l’époque précitée. Les fonctionnaires ont le droit de présenter un grief lorsqu’ils s’estiment lésés, en vertu du paragraphe 208(1) de la Loi. Ce paragraphe se lit comme suit :

208. (1) Sous réserve des paragraphes (2) à (7), le fonctionnaire a le droit de présenter un grief individuel lorsqu’il s’estime lésé :

a) par l’interprétation ou l’application à son égard :

(i) soit de toute disposition d’une loi ou d’un règlement, ou de toute directive ou de tout autre document de l’employeur concernant les conditions d’emploi,

(ii) soit de toute disposition d’une convention collective ou d’une décision arbitrale;

b) par suite de tout fait portant atteinte à ses conditions d’emploi.

44 Par conséquent, en vertu de la législation à cet égard, Mme Thiessen et M. Baldasaro avaient le droit de présenter un grief afin de contester la décision de l’employeur de ne pas leur offrir d’effectuer des heures supplémentaires en juin ou en août 2010, respectivement, dans les délais prévus dans la convention collective. Cette interprétation s’appuie également sur le libellé de la clause 20.10 de la convention collective, précisant à cet égard qu’un employé a le droit de présenter un grief dans les délais impartis après avoir été « notifié » ou « prend connaissance, pour la première fois, de l’action ou des circonstances donnant lieu au grief » [le passage en évidence l’est dans l’original].

45 L’employeur a répondu à ces griefs au dernier palier de la procédure de règlement des griefs en novembre et en décembre 2011, respectivement. Rendu à cette date, l’exercice 2010-2011 était terminé, et les parties auraient alors eu accès à toute l’information nécessaire pour évaluer le caractère équitable de la répartition des heures supplémentaires au cours de l’exercice visé. Le même raisonnement s’applique à l’audience d’arbitrage. Selon la pratique antérieure en la matière, il est rare qu’une audience soit tenue pendant l’exercice au cours duquel ont été effectuées les heures supplémentaires qui font l’objet du grief.

46 Je conclus du même coup que les agents correctionnels pourraient plutôt choisir d’accepter la logique adoptée par l’employeur à cet égard et ainsi choisir d’attendre la fin de l’exercice avant de présenter leurs griefs. Ils pourraient alors se plaindre de la répartition inéquitable des heures supplémentaires pour la totalité de l’exercice. Ils pourraient tout aussi bien alors se plaindre de la répartition inéquitable des heures supplémentaires relativement à une date en particulier qui n’aurait pas été rectifiée par la suite au cours de l’exercice.

47 J’ajouterais par ailleurs qu’il m’apparaît que les fonctionnaires s’estimant lésés ont agi de la manière qui favorise davantage des relations de travail harmonieuses. Les fonctionnaires, en présentant leurs griefs dès le départ, ont alerté l’employeur quant à l’existence d’un problème et lui ont donné le temps voulu pour corriger la situation. S’ils avaient attendu à la fin de l’exercice, l’employeur n’aurait pas été en mesure de corriger la répartition prétendument inéquitable des heures supplémentaires.

C. Attribution des heures supplémentaires aux employés ayant le moins grand nombre d’heures de travail

48 Il est important de citer ici à nouveau l’extrait suivant du texte de la politique nationale, lequel précise le sens donné par l’employeur à la notion d’offre équitable des heures supplémentaires :

Offre équitable des heures supplémentaires : signifie que, au cours de l’exercice financier (du 1er avril au 31 mars), la direction a fait tout effort raisonnable pour offrir à un employé approximativement le même nombre d’heures supplémentaires qu’aux autres employés qualifiés facilement disponibles du même secteur de travail. Cependant, certains employés peuvent avoir travaillé moins d’heures supplémentaires que d’autres à la fin de la période de déclaration.

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

49 Aucune politique nationale sur la répartition des heures supplémentaires ne peut faire fi, compte tenu du libellé de la convention collective, de la manière de répartir les heures supplémentaires parmi les employés qualifiés et disponibles. En d’autres termes, une telle politique doit notamment tenir compte des employés qui ont la priorité relativement à l’attribution des heures supplémentaires, étant donné que la convention collective exige de l’employeur qu’il fasse tout effort raisonnable pour répartir les heures supplémentaires sur une base équitable. J’ai déjà établi que l’exercice pouvait à juste titre servir de période de référence pour l’évaluation de cette obligation. Je souscris également à l’argument de l’employeur voulant qu’en vertu de la convention collective, les quarts de travail en heures supplémentaires ne reviennent pas systématiquement aux agents à qui l’on a offert le moins grand nombre d’heures supplémentaires au cours d’un exercice donné. Par contre, l’employeur ne peut pas en faire complètement abstraction non plus.

50 En vertu de la politique nationale, les GC doivent tenir compte du nombre d’heures supplémentaires déjà offertes à l’employé au cours de l’exercice. Ils utilisent le SHTD pour les aider à cet égard; ce système permet de classer les agents en commençant par celui devant être rémunéré à tarif et demi et comptant le moins d’heures supplémentaires offertes. La preuve testimoniale présentée à cet égard est sans équivoque : les GC respectent l’ordre établi par cette liste. Sur cette base, la pratique bien établie de l’employeur veut que, depuis novembre 2009, il offre les heures supplémentaires aux agents en fonction de leur tarif de rémunération pour les heures supplémentaires à effectuer et les agents ayant le moins nombre d’heures supplémentaires offertes. J’ajouterais que l’employeur doit avoir en place un système lui permettant d’étayer le caractère équitable sur une base annuelle. Il ne peut pas simplement attendre quelques mois avant la fin de l’exercice pour analyser le caractère équitable de la répartition des heures supplémentaires. D’une certaine manière, il le fait chaque fois qu’il offre des heures supplémentaires.

51  Cela ne signifie pas pour autant qu’un arbitre de grief doive nécessairement accueillir un grief pour le simple motif que l’employé démontre qu’il ou elle n’a pas été appelé pour effectuer un quart de travail en heures supplémentaires, bien qu’il ou elle compte le moins d’heures supplémentaires offertes. L’arbitre de grief devrait alors tout d’abord déterminer si l’omission à cet égard a résulté en une répartition inéquitable des heures supplémentaires à cet employé une fois l’exercice terminé. Cela signifie que l’employeur pourrait rectifier son omission plus tard au cours de l’exercice et ainsi assurer la répartition équitable des heures supplémentaires. Il se pourrait également que l’employeur ait eu une raison valable d’offrir les heures supplémentaires à un autre employé figurant à la liste, mais je ne ferai pas ici quelque conjecture quant à ce que pourraient être de telles raisons valables.

52 Je dois souligner l’importance des vérifications et des examens trimestriels qui font partie intégrante de la politique nationale, tel qu’il a été expliqué par M. Kearney lors de son témoignage. Ces mesures sont essentielles pour assurer le caractère équitable de la répartition des heures supplémentaires. Même si les témoins ont indiqué que ces examens étaient effectués sur demande, cela n’est pas suffisant pour assurer le caractère équitable de la répartition des heures supplémentaires. Les écarts dans la répartition des heures supplémentaires ne pourront être décelés que dans le cadre d’un examen ou d’une vérification à cet égard. De toute évidence, un écart ne peut être comblé si son existence n’a pas été décelée.

53 Dans Mungham, tout comme dans bon nombre d’autres décisions ayant appliqué un raisonnement similaire, l’arbitre de grief a conclu que l’employeur avait violé la convention collective en ne respectant pas ses propres politiques et procédures sur la répartition des heures supplémentaires. Selon ces procédures, le caractère équitable était évalué quotidiennement. En vertu de la politique nationale, le caractère équitable est évalué annuellement, alors que la répartition des heures supplémentaires se fait par l’affectation à un quart de travail donné en fonction du nombre d’heures supplémentaires offertes aux agents au cours de l’exercice. La principale différence entre ces deux régimes réside dans le fait que, dans le cadre de la politique nationale, l’employeur peut apporter des correctifs en cours d’exercice et rajuster son offre d’heures supplémentaires s’il appert que la politique nationale et son application se soldent par en une répartition inéquitable des heures supplémentaires.

D. Distinction entre les heures supplémentaires facultatives et les heures supplémentaires obligatoires 

54 Dans le cadre de la politique nationale et du SHTD, l’employeur ne comptabilise pas les heures supplémentaires obligatoires auxquelles sont astreints les agents correctionnels. En outre, une preuve a été présentée lors de l’audience en ce qui a trait aux heures supplémentaires devant être effectuées par les agents affectés à un EPIU, ces heures étant considérées par l’employeur comme étant obligatoires parce que les agents affectés à ces équipes doivent obligatoirement travailler si on leur demande de le faire. Les heures supplémentaires obligatoires peuvent également être effectuées à l’occasion d’une situation d’urgence par des agents qui ne sont pas membres d’une EPIU. Les fonctionnaires ont toutefois contesté cette distinction entre les heures supplémentaires obligatoires et les heures supplémentaires facultatives, faisant valoir qu’une telle distinction n’apparaissait nulle part dans la convention collective.

55 Je suis d’accord avec les fonctionnaires sur ce point. Si les parties avaient voulu établir une distinction entre la répartition des heures supplémentaires facultatives et obligatoires, elles auraient prévu cela par écrit dans la convention collective et auraient expressément exclu les heures supplémentaires obligatoires de la répartition équitable des heures supplémentaires. Or, elles ne l’ont pas fait.

56 Lorsque l’employeur appelle des agents qualifiés à travailler au sein d’une EPIU, il est normal qu’il ne tienne pas compte d’autres agents comptant moins d’heures supplémentaires, mais qui ne sont pas qualifiés à travailler au sein d’une EPIU. Par contre, il devrait comptabiliser ces heures à titre d’heures supplémentaires offertes à ces employés qualifiés. En ne procédant pas de cette manière, l’employeur se trouve à biaiser systématiquement la répartition équitable des heures supplémentaires. Il devrait plutôt inclure les heures supplémentaires obligatoires dans ce calcul. Cela aurait pour effet d’augmenter le nombre d’heures supplémentaires inscrites à l’égard de ces employés et les occasions d’effectuer des heures supplémentaires pour les employés qui n’effectuent pas des heures supplémentaires obligatoires. À la fin de l’exercice, le total des heures supplémentaires des employés de chacun de ces deux groupes serait alors équitable. Sinon, il est fort probable que le contraire se produise.

57 L’employeur n’a soumis aucune jurisprudence en appui au fait que les heures supplémentaires obligatoires ne devraient pas être comptabilisées aux fins de l’évaluation du caractère équitable de la répartition des heures supplémentaires. Toutefois, en raison du libellé de la clause 21.10 de la convention collective et en l’absence de quelque distinction dans la convention collective entre les heures supplémentaires obligatoires et les heures supplémentaires facultatives, je conclus que l’employeur doit inclure les heures supplémentaires obligatoires aux fins de l’évaluation du caractère équitable de la répartition des heures supplémentaires. Si l’employeur souhaite exclure les heures supplémentaires obligatoires de la clause 21.10a), il doit obtenir l’accord du syndicat afin de modifier cette clause en conséquence.

E. Mesures correctives appropriées en cas de violation du principe du caractère équitable 

58 L’employeur a fait valoir que les mesures correctives appropriées dans le cadre d’une décision arbitrale concluant à une violation de la convention collective devraient se limiter une déclaration de violation de la convention collective. L’employeur m’a renvoyé à Lussier au soutien de son argumentation. Cette décision ne m’est d’aucun secours en l’instance. Dans Lussier, l’arbitre de grief a conclu que l’employeur avait violé la convention collective en refusant d’accorder un congé annuel à un employé. Il a ordonné à l’employeur de verser une somme de 100 $ à titre de dommages au fonctionnaire s’estimant lésé. La Cour d’appel fédérale a annulé cette décision au motif que l’arbitre de grief avait outrepassé sa compétence en accordant une telle indemnité. Je suis d’avis que l’enjeu et les principes en cause dans cette affaire sont tout à fait différents de ceux sur lesquels je suis appelé à me pencher en l’instance.

59 La position avancée par l’employeur dans la présente affaire va à l’encontre de la jurisprudence qui prévaut en la matière. J’ai soulevé cette question auprès de l’employeur durant l’audience, mais il a maintenu sa position. Qui plus est, la mesure corrective qu’il propose ne répare en rien le préjudice subi par les fonctionnaires s’estimant lésés. Je ne suis pas certain si l’employeur le réalise ou s’il choisit simplement de l’ignorer, mais la réalité est que dans le cas de M. Baldasaro, par exemple, il aurait été rémunéré au tarif double pour 11,75 heures de travail s’il avait été appelé à effectuer le quart de travail en heures supplémentaires le 26 août 2010. Cela représente une perte de plus 700 $ pour ce dernier. Une déclaration ne contribuera pas à dédommager M. Baldasaro pour cette perte.

60 Considérant le fait que les griefs ne sont que rarement entendus en arbitrage durant l’exercice au cours duquel ils sont présentés, et étant donné la jurisprudence en la matière, la mesure corrective appropriée de la part d’un arbitre de grief serait d’ordonner à l’employeur de dédommager un fonctionnaire s’estimant lésé ayant établi en preuve une répartition inéquitable des heures supplémentaires à son égard. Cela serait cohérent avec la plupart des décisions d’arbitrage rendues par cette juridiction, notamment Mungham, Weeks, Sturt-Smith, Hunt et Shaw, Casper, Boujikian et Lauzon.

61 Toutefois, dans les cas où des rajustements peuvent encore être apportés à la répartition des heures supplémentaires durant un exercice donné, l’employeur pourrait, dans le cadre de la procédure interne de règlement des griefs, offrir d’autres quarts de travail en heures supplémentaires afin de dédommager un employé en cas de répartition inéquitable des heures supplémentaires. Une fois rendu à l’étape de l’arbitrage du grief, il est trop tard pour appliquer une telle solution et une indemnité monétaire devient alors la mesure corrective appropriée.

F. Grief de Mme Thiessen

62 L’employeur a admis qu’il n’avait pas respecté sa propre politique en n’offrant pas à Mme Thiessen d’effectuer un quart de travail en heures supplémentaires le 22 juin 2010, à cause d’une défaillance du SHTD. Cette journée-là, Mme Thiessen aurait dû être appelée à effectuer des heures supplémentaires puisqu’elle comptait le moins d’heures supplémentaires durant l’exercice jusqu’à cette date, mais on ne l’a pas appelé parce que l’écran du SHTD n’indiquait pas qu’elle était disponible pour travailler durant ce quart de travail, alors qu’elle l’était.

63 Lorsque l’employeur a réalisé son erreur, il a tenté de la rectifier en offrant à Mme Thiessen un autre quart de travail en heures supplémentaires. Elle a refusé en disant ne pas vouloir enlever à ses collègues de travail l’occasion de travailler des heures supplémentaires. Plus tard au cours de l’exercice, l’employeur lui a présenté une autre occasion d’effectuer des heures supplémentaires. Il lui a proposé de travailler un quart de travail en heures supplémentaires à titre d’employé surnuméraire au moment qui lui serait convenable. Elle a refusé cette offre également, au motif qu’elle avait une vie passablement occupée et qu’elle n’était pas disponible.

64 À la fin de l’exercice, Mme Thiessen avait été disponible pour travailler 143 heures supplémentaires mais, outre les deux offres présentées pour compenser le quart de travail en heures supplémentaires manqué du 22 juin 2010, on  ne lui a pas offert de travailler des quarts de travail en heures supplémentaires. Le GC a témoigné qu’il avait analysé l’état des heures supplémentaires de Mme Thiessen pour l’exercice 2010-2011. Pour chacun des quarts de travail pour lesquels Mme Thiessen avait indiqué sa disponibilité, aucun travail en heures supplémentaires ne lui a été offert. Cela explique pourquoi elle n’a pas effectué d’heures supplémentaires durant cet exercice. La preuve à cet égard n’a pas été réfutée.

65 Selon la preuve présentée à l’audience, tous les faits en l’instance et les principes énoncés précédemment, je conclus que je dois rejeter ce grief. L’employeur avait commis une erreur au départ, mais il a tenté de la rectifier à deux reprises. Il a offert des choix à Mme Thiessen quant aux quarts de travail en heures supplémentaires auxquels elle aurait pu être affectée. Il m’apparaît que l’employeur a fait tout effort raisonnable afin de répartir équitablement les heures supplémentaires en ce qui a trait à Mme Thiessen. Je crois son témoignage selon lequel elle a une vie très chargée. Cependant, elle devait à tout le moins se rendre disponible pour effectuer un quart de travail de huit heures en heures supplémentaires à un moment convenable tant pour elle que pour l’employeur. Elle a refusé et a ainsi empêché l’employeur de rectifier son erreur.

G. Grief de M. Baldasaro

66 Dans son grief, M. Baldasaro conteste le fait qu’il n’a pas été appelé pour effectuer un quart de travail en heures supplémentaires de 11,75 heures, rémunérées au tarif double, le 26 août 2010, alors qu’il était disponible et comptait moins d’heures supplémentaires que S. H., qui était également disponible et aurait également été rémunéré au tarif double. L’écran du SHTD consulté par Mme Laberge indiquait que S. H. comptait 19,75 heures supplémentaires offertes jusqu’alors durant l’exercice, et que M. Baldasaro comptait 34 heures à ce chapitre. À la lumière de ces informations, Mme Laberge a appelé S. H. pour lui offrir ce quart de travail. Or, selon la preuve présentée, les informations figurant au SHTD et sur lesquelles Mme Laberge s’était fondée ne comprenaient pas les heures supplémentaires obligatoires travaillées durant l’exercice. Afin de respecter la convention collective, l’employeur aurait dû ajouter ces heures de manière à présenter le portrait d’ensemble complet des heures supplémentaires offertes avant d’attribuer le quart de travail en heures supplémentaires du 26 août 2010.

67 M. Baldasaro a produit en preuve un rapport du SHTD montrant qu’il avait travaillé 28,75 heures en heures supplémentaires avant le 26 août 2010 et que S. H. avait travaillé 42 heures en heures supplémentaires durant la même période. Ces données comprenaient les heures supplémentaires obligatoires effectuées, mais non les heures supplémentaires offertes et refusées par l’un et l’autre des agents, ces informations faisant partie d’un rapport utilisé par Mme Laberge pour procéder aux appels en vue de combler le quart de travail du 26 août 2010. Enfin, l’employeur a présenté en preuve un rapport indiquant que M. Baldasaro avait effectué 9,5 heures supplémentaires obligatoires entre le 1er avril et le 25 août 2010.

68 Si je fais le total de toutes les heures que l’employeur aurait dû comptabiliser en date du 25 août 2010, j’arrive à un total de 43,5 heures supplémentaires offertes à M. Baldasaro, et à au moins 42 heures supplémentaires offertes à S. H. Le total pour S. H. pourrait être plus élevé, dans l’éventualité où elle aurait refusé d’effectuer des heures supplémentaires entre le 1er avril et le 25 août 2010. Je ne dispose pas cependant de la preuve des heures supplémentaires qu’elle aurait refusées durant cette période. Par conséquent, je n’ai aucune preuve devant moi voulant que Mme Laberge aurait pris une décision erronée, même si elle avait pris cette décision en se fondant sur des informations erronées. De plus, comme je l’ai évoqué précédemment, équitable n’est pas le synonyme d’égal, et l’employeur n’est pas obligé d’offrir des heures supplémentaires à l’employé ayant effectué le moins d’heures supplémentaires. En l’instance, une différence d’une heure ne saurait servir de fondement à la prétention que la répartition des heures supplémentaires était inéquitable dans ce cas. Il n’était pas inéquitable de la part de Mme Laberge d’offrir des heures supplémentaires à effectuer lors du quart de travail du 26 août 2010 à S. H. plutôt qu’à M. Baldasaro.

69 Dans un autre rapport généré par le SHTD et produit en preuve par l’employeur à l’audience, il est indiqué qu’entre le 1er avril 2010 et le 31 mars 2011, M. Baldasaro s’était vu offrir 104,75 heures supplémentaires et qu’il avait travaillé 9,5 heures en heures supplémentaires obligatoires, soit un total de 114,25 heures. Il avait indiqué sa disponibilité pour effectuer 1663 heures supplémentaires. À titre de comparaison, S. H. s’était vue offrir 87,75 heures supplémentaires et avait travaillé 38,5 heures en heures supplémentaires obligatoires, pour un total de 126,25 heures supplémentaires. Elle était disponible pour travailler 592,75 heures supplémentaires. En fin de compte, S. H. s’était vue offrir ou avait travaillé douze heures supplémentaires de plus que M. Baldasaro durant cet exercice. Cette différence de douze heures ne pourrait en soi être considérée comme étant inéquitable. Il convient toutefois d’apprécier cela dans le contexte où M. Baldasaro avait une disponibilité de 1070 heures de plus que S. H., soit près de 200 p. cent de plus.

70 La comparaison entre les données comptabilisées, pour l’ensemble de l’exercice, de M Baldasaro et de S. H. montre des écarts importants entre leurs deux situations. En vertu de la politique nationale, ce type d’écart doit faire l’objet d’une analyse, comme ce fut le cas pour Mme Thiessen. Or, dans le cas de M. Baldasaro, cela n’a pas été fait. M. Marshall a témoigné que ces écarts pourraient s’expliquer en vérifiant les offres d’heures supplémentaires présentées chaque jour durant l’exercice. Je ne suis pas certain que cela soit exact. Cependant, ce n’est pas l’objet du grief de M. Baldasaro. Son grief portait plutôt sur le quart de travail du 26 août 2006 qui ne lui a pas été offert, et la preuve présentée à l’audience n’a pas permis d’établir qu’il avait été traité de manière inéquitable en ce qui a trait à cette journée précise.

H. Autres considérations

71 Des éléments de preuve se rapportant à la question du partage de l’information ont été présentés à l’audience et occupé une bonne partie de l’audition. Presque tous les témoins ont témoigné à cet égard. Je n’ai fait part que d’une partie infime de ces éléments de preuve, puisque cela ne m’apparaissait pas pertinent comme tel à la disposition des griefs devant moi et des questions à trancher quant à l’interprétation de la clause 21.10a) de la convention collective.

72 Cependant, la problématique du partage de l’information m’apparaît impérieuse, et je suis d’avis que cela pourrait expliquer, du moins en partie, pourquoi on se retrouve avec plus de 500 griefs à trancher en arbitrage portant sur la clause 21.10a) de la convention collective. Aucune autre clause d’une convention collective assujettie à la compétence de la Commission des relations de travail dans la fonction publique ne fait l’objet d’un aussi grand nombre de griefs. Il serait naïf de croire qu’une meilleure communication entre les parties éliminerait la présentation de tous ces griefs, mais j’ai la ferme conviction que cela permettrait d’en réduire le nombre.

73 L’application intégrale de la politique nationale et ce que cela implique, comme l’évoquait le témoignage de M. Kearney, serait un excellent début afin d’améliorer la communication entre les parties. Il y aurait lieu de faire rapport et de discuter de façon continue, plus transparente, plus intelligible et plus systématique avec le syndicat. Pour le moment, cela semble se faire uniquement en mode réaction. À mon avis, l’employeur devrait se montrer plus proactif à cet égard. Il faudra y mettre du temps, mais cela vaudrait les efforts qui y seraient consacrés.

74 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

75 Le grief de Mme Thiessen est rejeté.

76 Le grief de M. Baldasaro est rejeté.

Le 4 mai 2012.

Traduction de la CRTFP

Renaud Paquet,
arbitre de grief

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