Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé a déposé un grief contestant son licenciement pour motif non disciplinaire - le défendeur a fait valoir que le renvoi du grief à l’arbitrage était hors délai - l’arbitre de grief a conclu que le fonctionnaire s’estimant lésé n’avait pas renvoyé son grief à l’arbitrage dans le délai imparti au paragraphe 90(1) du Règlement de la Commission des relations de travail dans la fonction publique, que ce délai n’avait pas été prorogé par une entente entre les parties ou par une ordonnance du président de la Commission des relations de travail dans la fonction publique, et que le defendeur avait soulevé son objection dans le délai prévu à l’alinéa 95(1)b). Objection accueillie. Dossier clos.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2012-06-21
  • Dossier:  566-02-5233
  • Référence:  2012 CRTFP 69

Devant un arbitre de grief


ENTRE

RÉJEAN LEGAULT

fonctionnaire s'estimant lésé

et

ADMINISTRATEUR GÉNÉRAL
(Statistique Canada)

défendeur

Répertorié
Legault c. Administrateur général (Statistique Canada)

Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l'arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Stephan J. Bertrand, arbitre de grief

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Lui-même

Pour le défendeur:
Léa Bou Karam

Affaire entendue à Montréal (Québec),
les 3 et 4 mai 2012.

I. Grief individuel renvoyé à l'arbitrage

1 Le 30 juillet 2010, Statistique Canada (la « défenderesse ») mettait fin à l’emploi de Réjean Legault, le fonctionnaire s’estimant lésé (le « fonctionnaire »), en se fondant sur l’alinéa 12(1)e) de la Loi sur la gestion des finances publiques, L.R.C. (1985), ch. F‑11, pour cause d’incapacité médicale. Le paragraphe 12(1) prévoit ce qui suit :

12. (1) Sous réserve des alinéas 11.1(1)f) et g), chaque administrateur général peut, à l’égard du secteur de l’administration publique centrale dont il est responsable :

[…]

e) prévoir, pour des raisons autres qu’un manquement à la discipline ou une inconduite, le licenciement ou la rétrogradation à un poste situé dans une échelle de traitement comportant un plafond inférieur d’une personne employée dans la fonction publique;

[…]

Pour leur part, les alinéas 11.1(1)f) et g) se lisent comme suit :

11.1 (1) Le Conseil du Trésor peut, dans l’exercice des attributions en matière de gestion des ressources humaines que lui confère l’alinéa
7(1)e) :

[…]

f) élaborer des lignes directrices ou des directives sur l’exercice des pouvoirs conférés par la présente loi aux administrateurs généraux de l’administration publique centrale, ainsi que les rapports que ceux-ci doivent préparer sur l’exercice de ces pouvoirs;

g) élaborer des lignes directrices ou des directives :

(i) d’une part, sur la façon dont les administrateurs généraux de l’administration publique centrale peuvent s’occuper des griefs présentés sous le régime de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique auxquels ils sont parties et plus particulièrement de ceux de ces griefs qui sont renvoyés à l’arbitrage en vertu du paragraphe 209(1) de cette loi,

(ii) d’autre part, sur les rapports que ces administrateurs doivent préparer sur ces griefs;

[…]

Enfin, l’alinéa 7(1)e) énonce ce qui suit :

7. (1) Le Conseil du Trésor peut agir au nom du Conseil privé de la Reine pour le Canada à l’égard des questions suivantes :

[…]

e) la gestion des ressources humaines de l’administration publique fédérale, notamment la détermination des conditions d’emploi;

[…]

2 Le 24 août 2010, le fonctionnaire a déposé un grief contestant la fin de son emploi; il y demandait, en guise de mesure correctrice, une « réinstallation dans un poste et retour au travail dans une date future indéterminée. » La défenderesse a rejeté le grief au palier final de la procédure de règlement des griefs le 24 décembre 2010. Le fonctionnaire a renvoyé son grief à l’arbitrage le 6 avril 2011.

3 Le 5 mai 2011, la défenderesse a soulevé une objection quant au renvoi à l’arbitrage de grief au motif que le grief n’a pas été renvoyé dans le délai prescrit. Les parties ont été convoquées à une audience les 3 et 4 mai 2012 pour traiter cette objection préliminaire.

II. Audience

4 Le 30 janvier 2012, une agente du greffe de la Commission des relations de travail dans la fonction publique (l’« agente du greffe ») a demandé aux parties de confirmer leur disponibilité pour une audience à Montréal (Québec) les 3 et 4 mai 2012, qui traiterait exclusivement de l’objection au délai de renvoi du grief à l’arbitrage. Le fonctionnaire a confirmé sa disponibilité dans un courriel daté du 11 février 2012.

5 Le 15 février 2012, l’agente du greffe a avisé les parties que l’audience aurait lieu les 3 et 4 mai 2012, et que ces dates étaient considérées comme « finales ».

6 Le 27 mars 2012, l’agente du greffe a fait parvenir un avis d’audience aux parties, leur indiquant les dates et le lieu de l’audience. Cet avis d’audience indique clairement qu’ à défaut de comparaître à l’audience, l’arbitre de grief peut statuer sur la question en fonction de la preuve et des observations qui lui seront alors présentées, et cela, sans envoyer de nouvel avis. Le dossier de grief indique que le fonctionnaire a reçu l’avis d’audience le 28 mars 2012.

7 Le fonctionnaire ne s’est pas présenté à l’audience le 3 mai 2012, et cela sans préavis, contrairement à la défenderesse, qui était présente. J’ai suspendu l’audience jusqu’au lendemain afin de permettre à l’agente du greffe de communiquer avec le fonctionnaire et d’obtenir des explications.

8 Dans l’après-midi du 3 mai 2012, lors d’une conversation téléphonique avec l’agente du greffe, le fonctionnaire a indiqué qu’il ne s’était pas présenté à l’audience car il ne se sentait pas suffisamment prêt. L’agente du greffe lui a demandé s’il désirait une remise de l’audience, et le fonctionnaire a répondu que non, en ajoutant qu’il n’avait pas l’intention de se présenter à la reprise de l’audience le lendemain.

9 Le fonctionnaire ne s’est pas présenté à la reprise de l’audience le 4 mai 2012, malgré qu’il en ait été avisé, qu’il ait initialement confirmé sa disponibilité pour cette journée et qu’il n’ait en aucun temps demandé une remise de l’audience. Compte tenu de la décision du fonctionnaire de ne pas participer à la procédure d’arbitrage de grief, j’ai procédé en son absence et invité la défenderesse à présenter son objection préliminaire portant sur le délai de renvoi du grief à l’arbitrage.

A. Résumé de la preuve

10 Dominic Farand a témoigné pour la défenderesse. Il a indiqué avoir agi à titre de conseiller en relations de travail pour la défenderesse de mars 2010 à mars 2012. M. Farand a confirmé s’être familiarisé avec le dossier du fonctionnaire et avoir lui‑même rédigé la décision au palier final de la procédure de règlement des griefs, qui a été signée par le statisticien en chef du Canada, Wayne R. Smith, et postée, par courrier recommandé, par M. Farand, le 24 décembre 2010.

11 Selon la décision au palier final de la procédure de règlement des griefs, la défenderesse avait offert plusieurs fois au fonctionnaire la possibilité de choisir parmi des options concernant son statut d’emploi, et cela depuis 2007, mais celui-ci avait refusé de choisir une des options proposées. Il est à noter que le fonctionnaire était, selon le témoignage de M. Farand, en congé sans solde pour cause de maladie depuis novembre 2002, ayant préalablement épuisé son solde de crédits de congé de maladie. Le fonctionnaire a été absent, sans aucun retour au travail, de 2001 jusqu’au 30 juillet 2010, date à laquelle la défenderesse a mis fin à son emploi pour cause d’incapacité médicale.

12 M. Farand a indiqué que le fonctionnaire avait fait une demande de retraite médicale en 2004, qui avait été approuvée par Santé Canada et son médecin traitant et la Régie des rentes du Québec. Cependant, le fonctionnaire avait éventuellement changé d’idée et retiré sa demande, ce qui explique en partie, selon M. Farand, la période prolongée de congé sans solde.

13 Selon M. Farand, les nombreux refus du fonctionnaire, son comportement étrange et ses allégations invraisemblables rendaient les communications avec le fonctionnaire et la possibilité d’une résolution de son statut d’emploi très difficiles, voir même impossibles.

14 Le fonctionnaire a reçu la décision au palier final de la procédure de règlement des griefs au plus tard le 31 décembre 2010, selon M. Farand, puisque le fonctionnaire lui avait envoyé le jour en question un courriel traitant du bien-fondé de cette décision. Bien qu’il ait indiqué son intention de contester la décision au palier final de la procédure de règlement des griefs dans son courriel du 31 décembre 2010, le fonctionnaire n’a déposé son avis de renvoi à l’arbitrage que le 6 avril 2011.

B. Résumé de l’argumentation

15 La défenderesse soutient qu’en vertu du paragraphe 90(1) du Règlement de la Commission des relations de travail dans la fonction publique (le« Règlement »), le fonctionnaire disposait de 40 jours suivant la date à laquelle il a reçu la décision du dernier palier de la procédure de règlement des griefs pour renvoyer son grief à l’arbitrage. Ce paragraphe prévoit ce qui suit :

90. (1) Sous réserve du paragraphe (2), le renvoi d’un grief à l’arbitrage peut se faire au plus tard quarante jours après le jour où la personne qui a présenté le grief a reçu la décision rendue au dernier palier de la procédure applicable au grief.

(2) Si la personne dont la décision constitue le dernier palier de la procédure applicable au grief n’a pas remis de décision à l’expiration du délai dans lequel elle était tenue de le faire selon la présente partie ou, le cas échéant, selon la convention collective, le renvoi du grief à l’arbitrage peut se faire au plus tard quarante jours après l’expiration de ce délai.

Selon le courriel du 31 décembre 2010, le fonctionnaire avait reçu la décision du palier final de la procédure de règlement des griefs. Il n’a cependant renvoyé son grief à l’arbitrage que le 6 avril 2011, ce qui excède largement le délai prescrit.

16 La défenderesse soutient également qu’aucune demande de prorogation du délai pour le renvoi à l’arbitrage n’a été soumise en vertu de l’article 61 du Règlement, qui prévoit ce qui suit :

61. Malgré les autres dispositions de la présente partie, tout délai, prévu par celle-ci ou par une procédure de grief énoncée dans une convention collective, pour l’accomplissement d’un acte, la présentation d’un grief à un palier de la procédure applicable aux griefs, le renvoi d’un grief à l’arbitrage ou la remise ou le dépôt d’un avis, d’une réponse ou d’un document peut être prorogé avant ou après son expiration :

a) soit par une entente entre les parties;

b) soit par le président, à la demande d’une partie, par souci d’équité.

17 La défenderesse soutient que le rejet du renvoi à l’arbitrage du grief du fonctionnaire est justifié puisque ce dernier a renvoyé son grief à l’arbitrage en dehors du délai prescrit, qu’il n’a pas demandé une prorogation du délai, qu’il n’a pas demandé une remise de l’audience portant sur le délai et qu’il n’a pas motivé son absence à l’audience.

III. Motifs

18 Le renvoi à l’arbitrage du grief du fonctionnaire est clairement hors délai. Le fonctionnaire a reçu la décision au dernier palier de la procédure de règlements des griefs le 31 décembre 2010 et disposait, selon le paragraphe 90(1) du Règlement, de 40 jours suivant cette date pour renvoyer son grief à l’arbitrage, ce qu’il n’a pas fait. Le fonctionnaire a renvoyé son grief à l’arbitrage le 6 avril 2011, soit 96 jours suivant la réception de la décision au dernier palier, c’est- à-dire plus de deux fois le délai prescrit.

19 L’objection préliminaire de la défenderesse selon laquelle le grief n’avait pas été renvoyé selon les délais prescrits a été soulevée le 5 mai 2011, soit à l’intérieur du délai de 30 jours prévu à l’alinéa 95(1)b) du Règlement, qui se lit comme suit :

95. (1) Toute partie peut, au plus tard trente jours après avoir reçu copie de l’avis de renvoi du grief à l’arbitrage :

a) soulever une objection au motif que le délai prévu par la présente partie ou par une convention collective pour la présentation d’un grief à un palier de la procédure applicable au grief n’a pas été respecté;

b) soulever une objection au motif que le délai prévu par la présente partie ou par une convention collective pour le renvoi du grief à l’arbitrage n’a pas été respecté.

20 Les parties ont été convoquées à une audience les 3 et 4 mai 2012, à Montréal, dans le seul but de traiter l’objection préliminaire liée au délai de renvoi du grief à l’arbitrage. Le fonctionnaire a confirmé sa disponibilité dans un courriel daté du 11 février 2012 et a reçu un avis d’audience confirmant l’heure et le lieu de l’audience le 28 mars 2012. Lorsque rejoint par l’agente du greffe le 3 mai 2012, le fonctionnaire n’a pas allégué ne pas avoir reçu l’avis d’audience, mais plutôt qu’il ne se sentait pas prêt à procéder. Le fonctionnaire n’a pas demandé une remise de l’audience et ne s’est pas présenté le lendemain lors de la reprise de l’audience.

21 Puisque le délai applicable au renvoi à l’arbitrage de ce grief n’a été ni respecté par le fonctionnaire ni prorogé par une entente entre les parties ou par une ordonnance du président de la Commission des relations de travail dans la fonction publique, ce qui aurait pu être fait à la demande du fonctionnaire en vertu de l’article 61 du Règlement, je ne peux que conclure que le grief n’a pas été validement renvoyé à l’arbitrage.

22 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

IV. Ordonnance

23 L’objection préliminaire au délai de renvoi du grief à l’arbitrage est accueillie.

24 Je déclare que le grief n’a pas été validement renvoyé à l’arbitrage et j’ordonne que le dossier soit clos.

Le 21 juin 2012.

Stephan J. Bertrand,
arbitre de grief

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