Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé a contesté son licenciement pour rendement insatisfaisant au travail ainsi que le refus de l’employeur de lui accorder un congé non payé pour s’occuper de sa famille immédiate et un congé non payé pour la réinstallation d’un conjoint - à la suite de plusieurs évaluations du rendement indiquant que le fonctionnaire s’estimant lésé ne satisfaisait pas aux normes requises, sa participation au Programme de perfectionnement du service extérieur (PPSE) a été prolongée d’une année; durant cette année, il a fait l’objet d’un suivi étroit et a dû suivre un plan d’amélioration du rendement - son rendement ne s’est pas suffisamment amélioré et il a été informé qu’il ne terminerait pas le programme de perfectionnement - on lui a donné le choix de retourner immédiatement à Ottawa pour entreprendre une période de recherche d’emploi de trois mois avec le soutien de son employeur, ou d’être licencié immédiatement afin qu’il puisse demeurer avec sa conjointe, une agente du service extérieur, à son lieu d’affectation - afin de demeurer en poste à l’étranger, le fonctionnaire a fait une demande de congé non payé qui lui a été refusé parce que la décision de le licencier était déjà prise - l’employeur a contesté la compétence de l’arbitre de grief à instruire le grief - l’article 230 de la Loi restreint la compétence de l’arbitre de grief à l’appréciation du caractère raisonnable de l’évaluation du rendement par l’employeur - l’arbitre de grief n’a pas compétence pour statuer quant au caractère raisonnable d’une décision de licencier ou de rétrograder un fonctionnaire - le fonctionnaire s’estimant lésé a fait l’objet de quinze évaluations de rendement par au moins six superviseurs; il n’en a contesté aucune, ni lorsqu’elles ont été réalisées ni devant l’arbitre de grief - le suivi étroit dont il se plaignait faisait partie du programme de formation et n’était pas une manifestation de mauvaise foi de la part de l’employeur - rien ne démontrait que son superviseur avait un préjugé défavorable à son égard ni que la conclusion générale de l’employeur était une manœuvre visant à camoufler son erreur en ce qui a trait à la prolongation de sa participation au PPSE - rien ne démontre que les évaluations et le plan d’amélioration du rendement étaient empreints de mauvaise foi - le fonctionnaire s’estimant lésé était assujetti à des normes de rendement appropriées, qui lui ont été dûment communiquées et dont il comprenait la teneur - il a bénéficié des outils, de la formation et du mentorat nécessaires pour lui permettre de satisfaire aux normes prescrites - malgré un malaise lié à la façon dont on a procédé au licenciement, la question ne relève pas de la compétence d’un arbitre de grief, car elle vise uniquement la décision de licencier le fonctionnaire et non l’évaluation de son rendement - l’évaluation de son rendement étant raisonnable, son licenciement était motivé et le grief contestant le licenciement du fonctionnaire s’estimant lésé doit être rejeté - quant au refus d’accorder ses demandes de congé, l’intention du fonctionnaire s’estimant lésé était de reporter son licenciement - le fonctionnaire s’estimant lésé n’a demandé ses congés qu’après avoir été avisé de son licenciement - l’employeur n’avait pas l’obligation de donner suite à ses demandes de congé et celles-ci n’auraient pas fait obstacle à son licenciement - même si ses demandes avaient été accordées, la question qu’elles soulèvent aurait été théorique. Les griefs sont rejetés.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2012-01-17
  • Dossier:  566-02-3906 et 3907
  • Référence:  2012 CRTFP 6

Devant un arbitre de grief


ENTRE

SCOTT MAZEROLLE

fonctionnaire s'estimant lésé

et

ADMINISTRATEUR GÉNÉRAL
(ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration)

défendeur

Répertorié
Mazerolle c. Administrateur général (ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration)

Affaire concernant des griefs individuels renvoyés à l’arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Kate Rogers, arbitre de grief

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Deborah Cooper, Association professionnelle des agents du service extérieur

Pour le défendeur:
Martin Desmeules, avocat, et Patricia Mullin-Baker, ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration

Affaire entendue à Ottawa (Ontario),
du 20 au 24 juin 2011.
Téléconférence tenue le 28 septembre 2011.
(Traduction de la CRTFP)

I. Griefs individuels renvoyés à l’arbitrage

1 Scott Mazerolle, le fonctionnaire s’estimant lésé (le « fonctionnaire »), travaillait pour le ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration (le « défendeur » ou l’« employeur ») à titre d’agent du service extérieur au niveau FS-01, dans le cadre du Programme de perfectionnement du service extérieur (PPSE, ou le « programme »), lors de son licenciement le 13 juillet 2009 pour rendement insuffisant.

2 Le 31 juillet 2009, le fonctionnaire a déposé un grief pour contester son licenciement. Il a également déposé deux autres griefs à la même date, l’un alléguant la violation de l’article 25 (« Congé non payé pour s’occuper de la proche famille ») de la convention collective entre le Conseil du Trésor et l’Association professionnelle des agents du service extérieur (APASE) pour le groupe du Service extérieur, échue le 30 juin 2007 (la « convention collective »), et l’autre alléguant la violation de l’article 29 (« Congé non payé en cas de réinstallation de l’époux »). Il convient de noter que cette convention collective, bien qu’elle soit échue, était celle en vigueur au moment du dépôt des griefs, car la nouvelle convention collective n’a été signée que le 25 janvier 2010. Les trois griefs ont été déposés au troisième palier de la procédure de règlement des griefs et renvoyés à l’arbitrage le 9 juin 2010. L’employeur a communiqué sa réponse à ces griefs le 27 juillet 2010, soit après leur renvoi à l’arbitrage. Les trois griefs ont été rejetés.

3 Après l’audience de ce grief, Plamondon c. Administrateur général (ministère des Affaires étrangères et du Commerce international), 2011 CRTFP 90, a été publiée. Puisque cette affaire traitait de questions similaires, j’ai invité les parties à soumettre des arguments quant à l’application de cette décision au présent cas. Les parties ont présenté leurs arguments respectifs à cet égard lors d’une téléconférence tenue le 28 septembre 2011.

II. Résumé de la preuve

4 Denise Defoy, analyste principale, Gestion de l’effectif; Catherine Bailey, gestionnaire adjointe du programme d’immigration, consulat du Canada à Buffalo (New York); Ninon Valade, gestionnaire de programme, ambassade du Canada à Vienne (Autriche) (présentement en congé autorisé); Sharon Chomyn, directrice générale, Direction générale de règlement des cas, et Barbara Deiner, directrice régionale, Ressources humaines, Région internationale, ont témoigné pour le compte de l’employeur, et le fonctionnaire a témoigné pour son propre compte.

5 L’employeur a produit en preuve, par consentement, 78 documents en liasse; le fonctionnaire a produit en preuve, également par consentement, 23 documents en liasse. Par souci de commodité, je ferai un résumé de la preuve, y compris des documents s’y rapportant, en commençant tout d’abord par le premier grief, celui contestant le licenciement, puis ensuite en ce qui concerne les deux griefs visant le refus d’accorder les congés sans solde demandés. Par ailleurs, je présenterai la preuve en ordre chronologique, plutôt que de suivre l’ordre dans lequel les témoins l’ont présentée à l’audience.

A. Contexte

6 Le PPSE a été instauré en 1998 pour s’assurer que les agents des visas chargés de la prestation du programme d’immigration du Canada à l’étranger soient dûment formés et rendent ces services de manière efficace. Mme Defoy, coordonnatrice du PPSE de 2005 à 2009, a témoigné qu’entre 5 000 et 8 000 candidatures étaient reçues chaque année dans le cadre de ce programme et que l’employeur pouvait passer en entrevue jusqu’à 600 candidats et candidates pour finalement ne retenir qu’une vingtaine de candidatures.

7 De 1998 à 2005, le programme s’échelonnait sur une période de cinq ans. En 2005, en marge des modifications apportées à la convention collective, la durée du programme a été abrégée à trois ans. La première année du programme consiste en une formation didactique et en milieu de travail, dont un stage en affectation de six semaines à l’étranger. Le volet didactique comporte en outre un cours sur la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 et le Règlement pris en vertu de cette loi, en plus de cours d’orientation et de supervision dans le contexte de la fonction publique. Règle générale, les candidats commencent leur première affectation à l’étranger durant l’été après leur première année de formation, en principe pour une période de deux ans. Lorsque la durée du programme a été ramenée à trois années, les participants ayant déjà complété trois années ou plus du programme ont été évalués et, s’ils avaient satisfait aux exigences du programme, ils étaient promus. Les autres étaient réinscrits au programme de trois années.

8 Mme Defoy a expliqué que le poste des participants au programme est classé au niveau FS-01, une classification conférée aux fonctionnaires en formation. Après avoir réussi le programme, les fonctionnaires sont automatiquement promus au niveau FS-02, le premier niveau d’entrée en fonction pour les agents du service extérieur. Elle a précisé que les agents du service extérieur ne sont pas rattachés à un poste en particulier, faisant plutôt partie d’un bassin de fonctionnaires pouvant être affectés là où le besoin se fait sentir. Ils doivent consentir à être des employés permutants, ce qui signifie qu’ils doivent accepter d’être affectés à l’étranger.

9 Le PPSE étant un programme de formation, il s’ensuit que les participants sont régulièrement assujettis à l’évaluation de leur rendement. Lors de sa transformation en un programme étalé sur trois ans, l’évaluation du rendement était effectuée relativement à la période de zéro à douze mois, de 12 à 24 mois et de 24 à 36 mois. De plus, les participants pouvaient faire l’objet d’une évaluation en dehors du cadre habituel, par exemple si le participant change d’affectation, relève d’un superviseur différent ou est envoyé à une affectation de formation à l’étranger en dehors du cadre prévu. Les évaluations du rendement effectuées par les superviseurs sont ensuite étudiées par un comité d’examen des appréciations pour chaque période d’évaluation, et ce comité prépare un rapport d’évaluation du rendement pour l’ensemble de la période visée.

10 Mme Defoy a expliqué que les participants au programme suivaient un plan d’apprentissage normalisé et étaient assujettis à des normes de rendement dûment établies (onglet 2 de la partie 2 de la pièce E-1). Leur rendement faisait l’objet d’un suivi rigoureux. Dès qu’un problème survenait, elle s’en informait auprès du supérieur du participant et rencontrait ensuite le participant en personne. Ces rencontres avaient pour but de s’assurer que le participant était conscient de ses lacunes en matière de rendement et d’établir un plan d’amélioration de rendement. Elle a souligné que les problèmes de rendement étaient davantage préoccupants au cours de la dernière année du programme, par opposition à la première année. Tous les participants étaient au courant qu’un rendement insatisfaisant résulterait en leur disqualification.

11 Le régime de rémunération du PPSE décrit les conditions du programme, y compris en ce qui a trait à la disqualification. La version du document en vigueur en 2003, à l’époque de l’embauche du fonctionnaire dans le cadre du programme (onglet 1 de la partie 2 de la pièce E-1), prévoyait que deux évaluations ou plus obtenant une appréciation moins qu’entièrement satisfaisante au cours d’une période d’évaluation, ou encore le fait de ne pas être promu à la fin du programme, résultaient en la disqualification du participant. Le document précisait que les participants qui n’étaient pas en période probatoire auraient droit à un statut prioritaire au sein de la fonction publique.

12 Un exemplaire du régime de rémunération du PPSE est remis à chaque participant dès son inscription au programme. Mme Defoy a témoigné que lorsque le programme a été modifié en 2005, une nouvelle version du document avait été élaborée afin d’y intégrer les modifications. Le fonctionnaire a témoigné que, bien qu’il ait reçu une lettre par courriel dans laquelle on l’avisait des changements au programme (onglet E de la pièce G-1), il n’avait pas reçu une copie du nouveau régime de rémunération précisant les nouvelles conditions d’emploi. L’offre d’emploi qu’il avait reçue au mois d’août 2003 (onglet 1 de la partie 1 de la pièce E-1) comprenait quant à elle un résumé des conditions d’emploi. Le fonctionnaire a témoigné qu’il avait compris à la lecture de ce résumé que s’il devait être jugé non qualifié pour occuper ses fonctions, l’employeur s’efforcerait de lui trouver un poste pour lequel il serait qualifié et, si cela n’était pas possible, alors il serait licencié.

13 Le fonctionnaire a été embauché dans le cadre du PPSE au mois d’août 2003. Il a expliqué que c’était alors la deuxième fois qu’il était embauché dans le cadre de ce programme. En 2000, il a été admis au programme, mais n’a pas satisfait aux exigences linguistiques après avoir suivi des cours de langue, et a alors été disqualifié en 2002. Avec l’aide de l’agent d’affectation qui l’avait recruté, il a obtenu un autre poste dans la Section de la gestion des litiges de l’employeur en juin 2002, y travaillant jusqu’en septembre 2003, rejoignant alors de nouveau le PPSE.

14 Parce qu’il ne satisfaisait pas aux critères en ce qui a trait au niveau de bilinguisme requis lors de son admission au programme en 2003, il a été envoyé de nouveau suivre des cours de langue française en septembre 2003. Il a réussi et a obtenu, en mars 2005, le niveau de bilinguisme requis. Dès lors, il pouvait entreprendre le programme de formation.

B. Mars 2005 à mars 2006

15 De mars 2005 à septembre 2005, le fonctionnaire a travaillé au sein de la Division géographique (RIO) lors de sa première affectation dans le cadre du programme; d’octobre à décembre 2005, il a suivi la formation requise portant sur les dispositions législatives et réglementaires. Après avoir complété cette formation, il est revenu à la division RIO jusqu’en janvier 2006, obtenant alors sa première affectation à un poste à l’étranger. L’évaluation du rendement de son affectation au sein de la division RIO (onglet 5 de la partie 2 de la pièce E-1), rédigée par un superviseur qui n’a pas témoigné à l’audience, était essentiellement favorable.

16 L’affectation à la division RIO a été suivie d’une affectation de six semaines à l’étranger, en janvier et février 2006, auprès de l’ambassade du Canada à Londres. Mme Defoy a témoigné qu’elle avait l’habitude de prendre des nouvelles des participants auprès de leur superviseur pendant leur affectation à l’étranger dans le cadre de leur formation. En parlant avec le superviseur du fonctionnaire à Londres, elle a appris que cela n’allait pas trop bien. Bien que les doléances du superviseur étaient plutôt vagues, ce dernier avait signalé à Mme Defoy que le fonctionnaire ne travaillait pas en équipe avec ses collègues et ne les fréquentait pas. Cela était problématique aux yeux du superviseur, car l’affectation au service extérieur est à la fois un métier et un mode de vie, et l’apprentissage du métier passe par la fréquentation de ses collègues de travail. Mme Defoy a témoigné qu’il lui est alors devenu évident à partir de l’évaluation du rendement qu’elle avait alors obtenue que le fonctionnaire avait de la difficulté à satisfaire aux exigences.

17 L’évaluation du rendement du fonctionnaire à Londres a été produite en preuve (onglet 6 de la partie 2 de la pièce E-1), bien que le superviseur ayant rédigé l’évaluation n’ait pas témoigné à l’audience. On y retrouve des commentaires détaillés au sujet du rendement au travail du fonctionnaire permettant de mieux cerner certaines des problématiques observées. En particulier, on y relève que le fonctionnaire avait de la difficulté à gérer ou à organiser les dossiers qu’il devait traiter, de la difficulté à donner les entrevues des demandeurs de visa, et de la difficulté à prendre les décisions qui s’imposaient. Le superviseur a conclu son évaluation comme suit :

[Traduction]

[…]

Scott n’a pas manifesté le degré d’enthousiasme envers son travail ni la motivation d’apprendre que l’on s’attend habituellement de la part d’un fonctionnaire en formation : je relève en particulier le fait qu’à certaines occasions il a semblé réticent à demander ou à accepter des conseils de la part de ses collègues (agents), ou à tout le moins n’a pas cherché à obtenir leur appréciation ou leur aval. Par contre, la plupart du temps on a observé qu’il était disposé à faire appel au personnel administratif pour obtenir des conseils au sujet de la façon de traiter des dossiers ou des méthodes administratives.

Le fait que Scott n’ait pas beaucoup d’interactions avec ses collègues et qu’il n’ait que rarement fait appel à ces derniers pour obtenir des conseils ou des éclaircissements ne témoigne pas d’une grande motivation à apprendre, compte tenu du fait qu’après tout, c’est là l’une des principales façons d’acquérir des connaissances au sujet des usages locaux nécessaires pour accomplir le travail requis.

[…]

18 Le fonctionnaire a reconnu avoir reçu des commentaires à cet égard au cours de son affectation à Londres, mais a affirmé que personne ne lui avait dit que son rendement était problématique avant sa dernière semaine de travail, au moment de la préparation de l’évaluation de son rendement au travail. Il a souligné que rendu là, il ne lui restait qu’une couple de jours pour corriger les problématiques qu’on venait de porter à sa connaissance.

19 Le fonctionnaire est rentré au Canada à la fin de février 2006, à la fin de son affectation à l’étranger, et a été encore affecté à la division RIO. Vers le début du mois de mars 2006, le comité d’examen des appréciations, composé à l’époque de Mme Defoy, Barbara Diener, directrice régionale des Ressources humaines, et de M. Chubak, qui n’a pas témoigné à l’audience, a passé en revue les évaluations du rendement du fonctionnaire pour la période du 8 septembre 2003 au 10 mars 2006 (onglet 7 de la partie 2 de la pièce E-1), bien que cette appréciation précise que la norme d’examen pour la période de zéro à 18 mois était appliquée à cette fin. Cette appréciation a relevé en particulier les problèmes du fonctionnaire lors de son affectation à Londres. Malgré les commentaires généralement favorables qu’il avait reçus lors de l’évaluation de son rendement durant son affectation à la division RIO, le comité a néanmoins conclu que son rendement sur l’ensemble de la période était insatisfaisant parce que les notes qu’il avait obtenues à l’évaluation de la division RIO (onglet 5 de la partie 2 de la pièce E-1) n’étaient pas aussi reluisantes que le texte narratif. Cela a amené le comité d’examen à conclure que l’évaluation de la division RIO était simplement « correcte », alors que l’évaluation de Londres était [traduction] « vraiment pire » que celle de la division RIO.

20 Mme Defoy a témoigné qu’elle jugeait significative l’évaluation défavorable de Londres parce que le travail effectué en mission à l’étranger donne la vraie mesure du rendement d’un participant dans le cadre de son travail et que cela était vraiment différent qu’une affectation à l’administration centrale. Elle a affirmé qu’elle ne trouvait pas qu’elle sautait trop hâtivement aux conclusions en ce qui a trait au rendement du fonctionnaire, tout en estimant qu’il fallait régler les problématiques à cet égard sans tarder. Elle a témoigné qu’il lui incombait de conseiller les participants au sujet de la culture du milieu de travail dans lequel ils évoluent et du comportement à adopter lors de leur affectation à l’étranger. Elle a souligné que l’absence d’enthousiasme manifesté par un participant pouvait avoir des répercussions sur le jugement, l’esprit d’équipe et les relations interpersonnelles du participant, et que ces éléments faisaient partie des compétences évaluées.

21 En raison des problématiques relevées par Mme Defoy, une réunion a été fixée au 21 mars 2006 entre le fonctionnaire, Mme Defoy et Ninon Valade, directrice du personnel à l’époque, afin de discuter du rendement du fonctionnaire. Mme Valade a témoigné que son rendement était venu à son attention tout d’abord pour des questions de ponctualité au travail, puis ensuite en raison des évaluations de rendement insatisfaisantes provenant de Londres et du comité d’examen des appréciations. Elle était d’avis que les préoccupations étaient justifiées et voulait s’assurer que le fonctionnaire comprenait bien les attentes de l’employeur. Elle estimait qu’il devait surmonter sa timidité et interagir davantage avec ses collègues, ce qui l’aiderait par ailleurs. Elle estimait aussi qu’une affectation à l’étranger était beaucoup plus exigeante qu’une affectation à l’administration centrale, en raison de la charge de travail considérable et qu’il devait être en mesure de composer avec une telle situation et de mettre en place un système pour y arriver. Elle trouvait par ailleurs qu’il devait se responsabiliser en proposant lui-même un plan d’apprentissage lui permettant d’acquérir les compétences dont il avait besoin.

22 Aussi, en raison des réserves de Mme Valade au sujet du rendement du fonctionnaire, elle trouvait qu’on ne devait pas l’envoyer en affectation à l’étranger comme cela serait normalement le cas à titre de prochaine étape de sa formation dans le cadre du PPSE. Elle a expliqué qu’elle estimait qu’on ne pouvait prendre le risque de l’affecter en mission à l’étranger, n’ayant pas confiance en sa capacité de prendre les décisions qui s’imposaient ni de composer avec des urgences Elle trouvait qu’il fallait plutôt lui donner une formation d’une année de plus à Ottawa, en combinaison avec deux affectations en formation à l’étranger.

23 Le fonctionnaire a témoigné qu’il avait été déçu d’apprendre qu’il ne serait pas affecté à Manille, aux Philippines. Il trouvait que l’année supplémentaire en poste à Ottawa ne lui serait pas particulièrement utile, puisque l’essence-même du travail d’un agent du service extérieur consiste en des fonctions accomplies à l’étranger. Il était aussi préoccupé par la perspective de devoir expliquer à ses collègues pourquoi il devait passer une année de plus à Ottawa. Il a dit que malgré tout, il s’était résigné à accepter la décision.

C. Avril 2006 à juillet 2007

24 De la fin du mois d’avril jusqu’à la fin du mois de juin 2006, le fonctionnaire a pris un congé sans solde pour s’occuper de sa famille immédiate. À son retour, il a été affecté à des fonctions au sein de la Section de la formation à l’administration centrale. Il y a travaillé de la fin juin jusqu’à la mi-octobre 2006, puis de la fin novembre 2006 jusqu’à la fin janvier 2007, et ensuite de mars à juillet 2007. Durant les périodes intermédiaires, le fonctionnaire a été envoyé en affectation au Ghana et à New York, dans le cadre de sa formation. Deux évaluations de rendement ont été préparées relativement à son travail au sein de la Section de la formation, l’une couvrant la période de juin 2006 à janvier 2007, et l’autre de janvier à juillet 2007.

25 Ces deux évaluations du rendement ont été produites en preuve, bien que le superviseur les ayant rédigées n’ait pas témoigné à l’audience. La première évaluation (onglet 10 de la partie 2 de la pièce E-1), visant la période allant jusqu’en janvier 2007, n’était pas favorable. On y relevait des problèmes au niveau de la prise de décision et du jugement du fonctionnaire, de son aptitude à gérer sa charge de travail et à respecter les échéances, et de son aptitude à travailler en collaboration, entre autres. La superviseure a notamment observé qu’elle [traduction] « […] n’avai[t] pas l’impression que M. Mazerolle se montrait particulièrement intéressé par les diverses tâches qu’il devait accomplir ».

26 Du 16 octobre au 23 novembre 2006, le fonctionnaire a été affecté en stage de formation à Accra, au Ghana. Mme Defoy avait choisi cette affectation. Elle a témoigné qu’elle avait choisi cette affectation parce que le directeur de cette mission était reconnu comme étant un bon gestionnaire et qu’il ne changerait pas de mission pendant l’affectation du fonctionnaire, donc la situation serait stable.

27 Le fonctionnaire a témoigné qu’il trouvait que cette affectation s’était bien déroulée. Il avait écouté les critiques formulées à l’égard de son travail et avait cherché à suivre les conseils qu’on lui avait donnés. Il avait socialisé avec ses collègues, posé des questions, et essayé de manifester de l’enthousiasme au travail. Il trouvait que ses efforts avaient été récompensés, ayant obtenu ce qu’il estimait être une évaluation satisfaisante. Mme Defoy a témoigné qu’à son avis, l’affectation et l’évaluation lui ont paru comme étant plutôt positives. L’évaluation de la mission à Accra (onglet 8 de la partie 2 de la pièce E-1), indique que dans chacun des domaines de compétence, les cotes obtenues par le fonctionnaire étaient plus fortes que celles de ses évaluations précédentes. Dans certains domaines, il avait reçu la cote [traduction] « dépasse les exigences », et [traduction] « maîtrise les éléments requis » pour la plupart des autres. Les commentaires de son superviseur étaient favorables, notamment à savoir qu’il [traduction] « était agréable de travailler avec lui », [traduction] « faisait preuve d’initiative », [traduction] « démontrait manifestement le souci d’achever le travail à effectuer et de travailler en surtemps au besoin », et [traduction] « demandait l’avis et s’informait auprès de ses collègues pour perfectionner ses connaissances ».

28 L’affectation du fonctionnaire en formation à New York a eu lieu du 29 janvier au 2 mars 2007. Mme Defoy a témoigné que cette affectation avait été choisie parce qu’il avait demandé une affectation qui lui permettrait de revenir à Ottawa les fins de semaine pour vaquer aux besoins de sa famille. New York était la seule mission ayant un bureau des visas et disposant de liaisons aériennes directes à destination d’Ottawa.

29 Le fonctionnaire a témoigné qu’il avait eu des commentaires et des critiques constructives de la part du gestionnaire de programme adjoint au bureau de New York, et il estimait qu’en conséquence il se débrouillait bien et qu’il obtiendrait une bonne évaluation. Cependant, à son retour à Ottawa, il a été déçu lorsque Mme Defoy lui a dit que son évaluation était correcte, mais sans plus.

30 Mme Defoy a témoigné qu’elle avait parlé au gestionnaire du bureau de New York et que celui-ci lui avait dit que le fonctionnaire essayait fort, mais qu’il n’était pas [traduction] « tout à fait là encore ». Le gestionnaire lui a notamment dit que le fonctionnaire avait de la difficulté à dire non et de la difficulté à expliquer les motifs de ses décisions lors des entrevues. L’évaluation du rendement du fonctionnaire relativement à son affectation à New York (onglet 9 de la partie 2 de la pièce E-1) indiquait qu’il continuait à se perfectionner dans plusieurs domaines, tout en soulignant que son rendement s’était amélioré durant sa période d’affectation. Le gestionnaire a souligné qu’une exposition accrue du fonctionnaire à ce type de travail lui donnerait la confiance et lui permettrait d’améliorer les aptitudes requises accomplir ses fonctions avec un rendement satisfaisant.

31 Mme Defoy a témoigné qu’elle s’attendait à plus de la part du fonctionnaire, car ce n’était pas sa première affectation à l’étranger, mais sa troisième. Elle a dit que malgré le fait qu’il ait satisfait à certaines des compétences requises, il ne satisfaisait pas à suffisamment de ces compétences. Selon l’évaluation, il lui est apparu que le fonctionnaire n’était toujours pas porté à socialiser avec ses collègues, n’organisait pas bien son travail, et ne maîtrisait pas vraiment ses fonctions. Elle a souligné qu’elle s’attendait à ce qu’il atteigne le même niveau de rendement que les autres agents qui n’avaient eu qu’une seule affectation à l’étranger. Or, ce n’était pas le cas.

32 Le 28 mars 2007, le fonctionnaire a eu une autre rencontre avec Mme Defoy et Mme Valade afin de passer en revue son rendement au cours de l’année écoulée et de discuter de sa prochaine affectation à l’étranger en Pologne, à Varsovie. Mme Valade a témoigné qu’elle voulait qu’il comprenne bien que la prochaine affectation faisait encore partie du programme de formation et que son rendement ferait encore l’objet d’une évaluation. Elle a signalé que les évaluations des affectations à Accra et à New York n’étaient pas concluantes. Elle a dit qu’elle était préoccupée du fait qu’il ne se montrait pas très enthousiaste envers son boulot et lui avait demandé si c’était vraiment un travail qui lui convenait. Elle a dit qu’elle n’avait jamais eu le sentiment qu’il aimait son travail. Elle estimait que s’il devait réussir, il fallait qu’il y mette du cœur et manifester de l’enthousiasme et l’esprit d’initiative.

33 Mme Defoy a témoigné que Varsovie avait été choisie à titre de prochaine affectation pour le fonctionnaire parce que l’employeur croyait que ce serait une bonne affectation pour ce dernier, notamment en raison de la taille de la mission et de l’expérience du superviseur. De plus, l’épouse du fonctionnaire étant également un agent du service extérieur, on avait pris des dispositions pour que celle-ci soit également affectée à Varsovie. Mme Defoy a expliqué qu’après la rencontre avec Mme Valade, il avait été décidé d’accorder au fonctionnaire l’affectation à Varsovie à titre de reconnaissance des progrès qu’il avait réalisés.

34 Mme Valade a témoigné qu’il n’était pas rare de discuter d’une affectation envisagée avec le superviseur du lieu de l’affectation proposée afin de s’assurer qu’il ou elle était disposé d’accepter de superviser le stagiaire. Le superviseur reçoit la liste des éléments auxquels l’employeur voulait que le stagiaire soit exposé ainsi que les rapports que le superviseur devait fournir. En l’occurrence, Mme Valade estimait que Varsovie constituait une bonne affectation pour le fonctionnaire parce que la superviseure de la mission, Catherine Bailey, était une bonne gestionnaire, qui prenait le temps voulu pour former les employés, et que c’était un bureau de petite taille offrant toute la gamme des services, ce qui procurerait au fonctionnaire une expérience précieuse.

35 Mme Bailey a témoigné qu’on avait communiqué avec elle avant d’y affecter le fonctionnaire afin de lui demander si elle était disposée à assumer la responsabilité de le superviser. On lui a dit que son rendement lors de ses affectations temporaires n’avait pas été entièrement satisfaisant et qu’il avait certaines difficultés à planifier la charge de travail qu’il devait accomplir. Mme Valade lui a conseillé de parler avec son ancien superviseur à la division RIO, ce qu’elle fit. À la suite de cette conversation, elle a conclu qu’elle serait capable de travailler avec le fonctionnaire et a accepté qu’il soit affecté à sa mission.

36 Entre son affectation à New York et celle à Varsovie, le fonctionnaire est retourné compléter son affectation à la Section de la formation. La deuxième évaluation (onglet 11 de la partie 2 de la pièce E-1) se rapportant à cette deuxième partie de son affectation à cette section, de la mi-janvier jusqu’à la fin de juillet 2007, était essentiellement favorable. Il a obtenu des cotes supérieures. En dépit de certaines habiletés encore « en développement », son superviseur soulignait que [traduction] « […] L’attitude de M. Mazerolle envers son travail s’est nettement améliorée. Il s’est joint aux discussions en groupe, a demandé conseil auprès de ses collègues et adapté ses méthodes de travail à celles des membres de son groupe. »

D. Août 2007 à décembre 2008

37 Le fonctionnaire a commencé à travailler le 8 août 2007 au matin, le lendemain de son arrivée à Varsovie. La mission était de petite taille, avec trois Canadiens affectés aux dossiers d’immigration. Alors que la mission avait été chargée de recevoir toutes les demandes de visas pour l’ensemble de la région de 2006 à 2009, il y avait eu depuis lors dispense de l’exigence d’un visa pour la plupart des pays de la région baltique et la charge de travail de la mission avait été considérablement réduite en conséquence. Le fonctionnaire a été affecté à la section des demandes autres que celles d’immigration, chargée de traiter en outre des demandes de permis de travail, des documents de voyage et des permis d’études, dont la mission demeure toujours chargée du traitement, en plus de superviser le travail de quatre employés recrutés sur place.

38 Mme Bailey a témoigné que des problèmes de rendement ont commencé à émerger peu après son arrivée à la mission. Elle a témoigné que le fonctionnaire avait de la difficulté à gérer sa charge de travail, à travailler en équipe et à appliquer convenablement les dispositions de la loi. Elle a précisé que bien qu’il fallait s’attendre à ce qu’un nouvel agent puisse avoir certaines difficultés à s’acquitter de ses nouvelles fonctions et qu’il aurait besoin de conseils et d’une certaine formation à cet égard, il était raisonnable également de s’attendre à ce que son rendement s’améliore au fil du temps. Or, ce n’est pas ce qu’elle a constaté dans le cas du fonctionnaire.

39 À la fin du mois d’octobre 2007, Mme Bailey a présenté à Mme Defoy une évaluation narrative détaillée du rendement au travail du fonctionnaire, dans laquelle elle lui faisait part de ses préoccupations (onglet 10 de la partie 1 de la pièce E-1). Elle a précisé que c’était à la demande de Mme Defoy qu’elle lui avait fourni ces renseignements au sujet des progrès du fonctionnaire, le courriel qu’elle lui avait transmis étant en réponse à cette demande. Elle a témoigné que l’essentiel de la teneur de son courriel était à savoir que, bien qu’il satisfaisait aux exigences quant aux compétences requises dans certains domaines, le fonctionnaire éprouvait certaines difficultés dans d’autres domaines. Elle a témoigné que bien qu’il était courtois et intelligent, il était difficile de le motiver. Elle le trouvait timide. À preuve, il restait généralement dans son bureau. En raison du fait qu’il ne se mêlait pas aux autres employés, ceux-ci le trouvaient peu amical, voire hautain. Elle a souligné que l’une des fonctions d’un agent du service extérieur était de représenter son pays, ce qui nécessite un certain degré d’entregent. Elle a également observé que cela lui prenait beaucoup de temps à effectuer son travail dans le cadre de certains projets. De plus, elle a souligné qu’il n’était pas organisé, ce qui nuisait à sa capacité d’achever le travail à accomplir en temps opportun. Elle a aussi observé qu’il ne semblait pas s’approprier son espace de bureau, ne conservant rien de personnel dans son bureau, ce qui conférait l’impression qu’il ne faisait pas partie du décor. Elle a aussi souligné qu’au début sa ponctualité laissait à désirer, et qu’elle avait dû l’aborder à ce sujet.

40 Le 9 novembre 2007, Mme Bailey a rencontré le fonctionnaire pour discuter de ses préoccupations. Elle a témoigné qu’elle trouvait que la rencontre s’était bien déroulée. Ils y ont discuté de stratégies, des façons de mieux gérer sa charge de travail et sa production. Elle lui a fait part de ses attentes. En particulier, elle a expliqué qu’elle était préoccupée non seulement du nombre de demandes qu’il traitait, mais du fait qu’il fallait qu’il se perfectionne dans tous les domaines se rapportant à son travail. Elle lui a dit que son travail ne consistait pas uniquement à traiter diligemment les demandes de visas, mais aussi à travailler en réseau, à forger des alliances et ainsi de suite. Elle a témoigné qu’elle était sortie de la rencontre plutôt optimiste quant à la suite des choses. Elle a transmis par courriel à Mme Defoy les notes de sa rencontre (onglet 11 de la partie 1 de la pièce E-1).

41 En janvier 2008, Mme Bailey a préparé un rapport d’évaluation du rendement du fonctionnaire pour la période du 8 août 2007 au 16 janvier 2008 (onglet 12 de la partie 2 de la pièce E-1). L’évaluation était plutôt favorable en général, tout en relevant des faiblesses dans trois domaines en particulier. Il y est notamment précisé que le fonctionnaire avait encore de la difficulté à gérer son temps, en était encore au point de travailler sur l’esprit d’équipe, et en était toujours au stade du développement d’une stratégie pour travailler en réseau.

42 Le 31 janvier 2008, le comité d’examen des appréciations, constitué cette fois de Mme Defoy, Mme Diener et de Mark Eichhorst, l’agent d’affectation du fonctionnaire, a tenu une réunion afin de passer en revue les évaluations du rendement du fonctionnaire pour la période du 10 mars 2006 au 18 janvier 2008 (onglet 13 de la partie 2 de la pièce E-1). Le rapport du comité soulignait que l’exercice consistait en l’examen programmé dans le cadre de la période de formation de 36 mois, portant sur une période de près de deux ans. Dans l’ensemble, le comité a jugé que le rendement du fonctionnaire était satisfaisant. Mme Defoy a témoigné que l’examen a produit un rapport mitigé, relevant des améliorations à certains égards, mais des lacunes à d’autres égards. Le comité estimait que le fonctionnaire en était toujours à l’étape du développement de ses compétences.

43 Mme Defoy a témoigné qu’elle avait envoyé un courriel au fonctionnaire le 4 février 2008 (onglet 13 de la partie 1 de la pièce E-1), résumant l’examen effectué par le comité d’examen des appréciations. Elle l’a avisé qu’il devait démontrer sa maîtrise des compétences fondamentales en matière de pensée critique et de gestion par l’action dans le cadre de sa dernière évaluation. Elle l’a également avisé qu’il devait compléter 12 mois d’affectation à l’étranger avant de pouvoir être promu. Elle a souligné qu’il aurait complété les 12 mois d’affectation à l’étranger le 7 août 2008 et que le comité d’examen des appréciations étudierait sa dernière évaluation du rendement à la fin de l’été 2008.

44 Mme Bailey a rédigé une autre évaluation du rendement du fonctionnaire en mai 2008 (onglet 14 de la partie 2 de la pièce E-1). Elle l’a rencontré le 9 mai 2008 pour lui remettre une copie de la version provisoire de l’évaluation et lui faire part de ses préoccupations. Elle a témoigné qu’ils avaient eu une conversation franche. Dans un courriel qu’elle a envoyé à Mme Defoy le 12 mai 2008, dans lequel elle résumait la conversation qu’elle avait eue avec le fonctionnaire (onglet 14 de la partie 1 de la pièce E-1), Mme Bailey a observé qu’à plusieurs égards il fonctionnait plutôt à un niveau de commis qu’à un niveau d’agent. Elle a témoigné qu’à son avis, un agent posséderait une compréhension plus pointue et plus complexe de la législation, alors qu’un fonctionnaire au niveau de commis ne ferait que simplement traiter des demandes, sans plus. Elle a expliqué que malgré la diminution de la charge de travail à la mission, il éprouvait encore de la difficulté à effectuer le travail à accomplir. Elle a témoigné que bien qu’il soit toujours gentil et semblait faire tout son possible, il ne faisait pas preuve de beaucoup d’initiative et n’était pas constant.

45 Par ailleurs, après avoir communiqué son évaluation à Mme Defoy (onglet 14 de la partie 2 de la pièce E-1), Mme Bailey estimait que la rencontre avec le fonctionnaire avait porté ses fruits. Elle a observé que depuis cette rencontre, il s’était grandement amélioré, si bien que si elle devait évaluer à nouveau son rendement, elle lui attribuerait une cote de maîtrise des compétences dans tous les domaines notés. Elle était d’avis qu’il exerçait maintenant ses fonctions au niveau FS-02. Elle a affirmé que s’il continuait à travailler au même niveau, sa prochaine évaluation confirmerait sa maîtrise des compétences dans tous les domaines notés.

46 Cependant, rendu au mois d’août 2008, le rendement du fonctionnaire semblait avoir régressé. Mme Bailey a témoigné qu’il aurait dû faire preuve à cette époque d’un plus haut niveau d’expertise dans ses fonctions que ce qu’il semblait pouvoir le faire alors. En outre, en préparation de ce qui devait être en principe sa dernière évaluation de rendement dans le cadre de sa participation au PPSE, elle lui avait demandé de lui fournir à la fin du mois de juillet 2008 ses commentaires aux fins de cette évaluation. Or, il ne l’a fait qu’après cette échéance; elle a relevé que cela était souvent un problème dans son cas (onglet 16 de la partie 1 de la pièce E-1). Les évaluations portant sur son travail faisaient état de problèmes jusqu’au point que Mme Bailey écrive dans un courriel envoyé à Mme Defoy le 19 août 2008 que, malgré qu’elle ait cru un moment que le fonctionnaire était capable de composer convenablement avec la charge de travail qu’on lui confiait, elle n’en était plus aussi certaine. Elle a témoigné en outre qu’il faisait davantage d’interprétation que cela était permis. Elle a également témoigné qu’elle avait continué à prendre du temps pour s’occuper de lui parce qu’elle continuait à estimer qu’il travaillait consciencieusement et qu’il pouvait surmonter cet obstacle. Elle a dit qu’elle aurait sincèrement voulu qu’il soit promu. Cependant, dit-elle, les problèmes ont continué au cours des mois suivants. Bien qu’elle ne voulait pas lui envoyer une foule de courriels au sujet de son rendement, elle devait néanmoins continuer à lui transmettre des directives et lui donner des conseils au sujet du traitement et du contrôle de sa charge de travail.

47 L’évaluation rédigée par Mme Bailey en août 2008 (onglet 15 de la partie 2 de la pièce E-1) faisait état de faiblesses dans tous les domaines notés. Un texte narratif détaillé joint à l’évaluation donnait divers exemples des problèmes observés au cours de la période visée par l’évaluation. Mme Bailey a clairement indiqué qu’à son avis, le fonctionnaire n’était pas en mesure d’occuper une fonction autre que celle d’un agent de traitement des demandes, ce qui était insuffisant. Elle a signalé son manque d’esprit d’initiative et de dynamisme, son incapacité à travailler en équipe et ses problèmes au niveau de la gestion de son temps.

48 Alors que l’occasion lui a été donnée d’examiner la version provisoire de son évaluation et de formuler ses commentaires à cet égard, le fonctionnaire a observé qu’il avait trouvé cette année plutôt éprouvante (onglet 16 de la partie 1 de la pièce E-1). Il estimait qu’il avait eu moins de temps pour montrer ce dont il était capable, car il avait eu une affectation d’une année à l’étranger seulement, alors que les autres participants au programme avaient bénéficié d’affectations de deux ans à l’étranger avant d’avoir leur dernière évaluation du rendement. Il a témoigné qu’il avait trouvé la surveillance constante et l’évaluation incessante de son travail particulièrement destructives au plan personnel, et que cela l’avait affecté.

49 Après avoir reçu l’évaluation du rendement du fonctionnaire effectuée en août 2008, le comité d’examen des appréciations a étudié le rendement du fonctionnaire (onglet 16 de la partie 2 de la pièce E-1). Pour tous les domaines, sauf un, Mme Defoy a observé, au nom du comité, que le fonctionnaire n’avait pas satisfait à la norme requise. Les commentaires écrits dans l’examen des appréciations indiquaient que le comité était d’avis que le fonctionnaire ne possédait pas les aptitudes requises pour occuper des fonctions au niveau FS-02, ce qui était exigé en cas de promotion à la fin du programme. Toutefois, ce qui paraît surprenant à première vue, le comité a jugé que son rendement pour la période visée avait été satisfaisant.

50 Bien que Mme Defoy ne croyait pas que le fonctionnaire avait satisfait aux normes requises pour être promu à la fin du PPSE, elle estimait qu’elle n’avait pas d’autre choix que de lui accorder la promotion du programme parce qu’il n’avait pas été averti suffisamment à l’avance qu’il ne serait pas promu (onglet 17 de la partie 1 de la pièce E-1). Le 20 août 2008, elle l’a avisé qu’il allait être promu seulement parce qu’elle avait omis de lui donner un préavis suffisant du fait qu’il ne serait pas promu. Elle lui a fait savoir sans équivoque que son rendement n’était pas satisfaisant, et l’a averti qu’en tant qu’agent au niveau FS-02 la barre serait encore plus haute. Elle l’a également avisé que s’il n’avait pas été promu, il aurait eu le choix de prendre un congé sans solde afin de pouvoir demeurer en poste à la mission, ou de rentrer à l’administration centrale pour trouver un emploi dans un autre domaine (onglet 19 de la partie 2 de la pièce E-1).

51 Le fonctionnaire a témoigné qu’il était soulagé d’avoir été promu du programme. Il estimait qu’il pouvait enfin se débarrasser de la mauvaise réputation qu’il croyait lui être restée collée depuis son affectation à Londres. Il croyait qu’enfin la surveillance et la critique constantes seraient choses du passé. Aussi, bien qu’il savait pertinemment que sa nomination était attribuable à un impair d’ordre technique, il a affirmé qu’il en était satisfait parce qu’il estimait que cela le libérerait du joug des évaluations du rendement incessantes.

52 Bien que Mme Defoy ait avisé le fonctionnaire qu’il serait promu à la fin du programme, sa nomination n’a jamais été traitée. Mme Defoy a témoigné qu’elle avait commis une erreur et avait parlé trop vite. Mme Diener, qui était la directrice régionale des ressources humaines et aussi membre du comité d’examen des appréciations à l’époque pertinente, a témoigné que, lorsque la décision d’accorder la promotion au fonctionnaire avait été prise au départ, cela était uniquement en raison du fait qu’on ne lui avait pas donné un avertissement raisonnable des conséquences du fait de ne pas satisfaire aux normes de rendement établies. Elle a expliqué qu’on croyait qu’il fallait lui accorder la promotion au niveau FS-02 en raison du défaut de le mettre en garde à cet égard, mais qu’elle s’inquiétait que cela soit plutôt un mal plutôt qu’un bien, car il ne serait pas alors en mesure de satisfaire aux normes de rendement plus rigoureuses exigées des agents de niveau FS-02. Donc, en novembre 2008, elle a changé d’avis à ce sujet. En étudiant le dossier du fonctionnaire, elle a jugé qu’il lui était impossible de signer la lettre de promotion parce que le fonctionnaire ne satisfaisait tout simplement pas aux normes de rendement. Elle jugea alors que le meilleur choix dans les circonstances serait de lui accorder une prolongation dans ses fonctions à titre d’agent de niveau FS-01 et de lui accorder une année supplémentaire dans le cadre du programme, en établissant des objectifs précis à atteindre et un plan de gestion du rendement pour l’aider à les atteindre. Elle a proposé que le comité d’examen des appréciations se réunisse afin d’étudier le rendement du fonctionnaire et de décider s’il devait ou non être recommandé sa nomination aux fins d’une promotion.

53 Le 26 novembre 2008, Mme Defoy a téléphoné au fonctionnaire pour l’informer qu’il recevrait une lettre de la directrice, Mme Chomyn, dans laquelle son statut lui serait précisé. Elle lui a expliqué que le comité n’avait pas recommandé sa nomination au niveau FS-02 parce qu’il n’avait pas démontré ses compétences à cette fin.

54 La lettre de Mme Chomyn (onglet 26 de la partie 1 de la pièce E-1) établit clairement les motifs pour lesquels la décision a été prise de ne pas lui accorder la promotion du PPSE. Il y est précisé qu’il demeurerait assujetti au PPSE jusqu’à la fin de sa période d’affectation prévue à Varsovie, soit jusqu’en juillet 2009. Il bénéficierait alors de la même occasion d’une affectation de deux années à l’étranger comme les autres participants au PPSE. On lui confierait alors la même charge de travail que celle confiée aux autres participants au cours de la troisième année du programme. Il serait de plus assujetti à un plan d’amélioration du rendement (PAR) et à l’encadrement de son superviseur. À la fin du mois de juin 2009, son rendement ferait encore une fois l’objet d’une évaluation. Dans la lettre, il était également précisé que s’il ne satisfaisait toujours pas aux compétences requises pour être promu, il serait mis fin immédiatement à son affectation à l’étranger et il devait rentrer au Canada, où l’employeur essaierait de l’aider à trouver un autre emploi. Si aucun autre emploi convenable n’était trouvé, il serait licencié pour rendement insuffisant.

55 Le fonctionnaire a témoigné qu’il avait été bouleversé d’apprendre qu’il ne serait pas promu et qu’à la place il devait faire l’objet d’une surveillance étroite et être astreint à un PAR. Il n’avait rien entendu au sujet de son statut depuis le mois d’août, alors qu’on lui avait dit qu’il serait promu. Aucune autre évaluation de son rendement n’avait été effectuée depuis, et aucune indication ne lui avait été donnée voulant que l’employeur songeait à revenir sur sa décision de le promouvoir au niveau FS-02, et donc cette nouvelle lui est parvenue sans crier gare et a eu un effet très démoralisant.

E. Décembre 2008 à juillet 2009

56 Le fonctionnaire a signé le PAR (onglet 30 de la partie 1 de la pièce E-1) le 15 décembre 2008, après qu’on lui ait précisé (onglet 29 de la partie 1 de la pièce E-1) qu’il devait atteindre la cote « maîtrise des compétences » pour tous les éléments des compétences du niveau FS-01 évaluées pour réussir le programme. Le PAR précisait en outre les objectifs à atteindre et établissait les indicateurs qui seraient utilisés, ainsi que les dates auxquelles il devait avoir atteint les divers objectifs. Il était de plus précisé dans le PAR que s’il n’atteignait pas les objectifs de rendement, il serait mis fin à sa participation au programme. Il était précisé nommément qu’advenant sa disqualification du programme, son affectation à Varsovie prendrait fin et qu’il aurait un délai de trois mois à l’administration centrale à Ottawa pour se trouver un autre emploi. S’il n’en trouvait pas dans ce délai, il serait licencié.

57 Il était précisé au PAR que le rendement du fonctionnaire devait être formellement évalué toutes les quatre semaines. De fait, des évaluations de son rendement ont été effectuées le 16 janvier 2009 (onglet 17 de la partie 2 de la pièce E-1), le 20 février 2009 (onglet 18 de la partie 2 de la pièce E-1), le 20 mars 2009 (onglet 19 de la partie 2 de la pièce E-1), le 30 avril 2009 (onglet 20 de la partie 2 de la pièce E-1), le 29 mai 2009 (onglet 21 de la partie 2 de la pièce E-1), et le 26 juin 2009 (onglet 22 de la partie 2 de la pièce E-1). Mme Bailey lui a précisé qu’il serait évalué selon la norme applicable au niveau FS-01, car elle croyait tout d’abord que ce serait la norme pour le niveau FS-02 qui serait utilisée (onglet 25 de la partie 1 de la pièce E-1).

58 Mme Bailey a témoigné que chaque évaluation avait produit des résultats différents. Elle a souligné qu’elle avait tenté d’aborder chaque exercice d’évaluation avec un nouveau regard, au lieu que son appréciation soit teintée des notions préconçues au sujet du rendement du fonctionnaire par le passé. Ceci étant, elle persistait dans ses attentes à son égard, soit qu’il devait s’améliorer dans tous les domaines. Or, il ne l’a pas fait. À part des évaluations de janvier et de mars 2009, lesquelles étaient généralement satisfaisantes, des lacunes ont été relevées lors de chacune des évaluations subséquentes. L’organisation et la gestion de sa charge de travail étaient ses principaux problèmes récurrents, alors qu’il n’arrivait jamais à atteindre la cote de maîtrise des compétences à cet égard.

59 Mme Bailey a témoigné qu’elle savait pertinemment que le fonctionnaire se sentait vulnérable et que le PAR pouvait avoir été démoralisant à ses yeux. Elle a expliqué qu’elle n’avait pas songé l’envoyer suivre des cours ou un autre type de formation parce qu’elle ne connaissait pas de ressources disponibles à cette fin sur place et, le cas échéant, puisque l’affectation était en Pologne, la langue aurait constitué un obstacle à cet égard. Elle estimait que ses conseils et son encadrement auraient dû être suffisants pour l’aider à corriger ces problèmes.

60 Le fonctionnaire a témoigné que, dans son optique, le régime des évaluations mensuelles lui paraissait sévère et irréaliste. Il avait l’impression qu’il n’avait pas droit à l’erreur, car tout ce qu’il faisait était scruté à la loupe et relayé aux instances supérieures. Il en est résulté qu’il est devenu encore plus lent à faire son travail, et a perdu sa confiance.

61 Rendu au mois de mai 2009, il était de plus en plus acquis qu’il était fort probable que le fonctionnaire n’arriverait pas à satisfaire aux exigences du PPSE. Dans un échange de courriels entre Mme Bailey, Mme Defoy et Mme Diener au sujet de son rendement au travail (onglet 35 de la partie 1 de la pièce E-1), Mme Bailey a souligné que sa principale doléance à l’égard du fonctionnaire était son manque d’esprit d’initiative et de motivation.

62 En mai 2009, on avait également décidé de diminuer les effectifs à la mission de Varsovie en raison des modifications aux exigences en matière de visa, réduisant d’autant la charge de travail à la mission. Ainsi, on informa alors le fonctionnaire que peu importe la décision au sujet de sa promotion, son affectation à Varsovie se terminerait au cours de l’été 2009 (onglet 37 de la partie 1 de la pièce E-1). Bien qu’il avait fait valoir des arguments au soutien de la prolongation de son affectation à Varsovie (onglet 37 de la partie 1 de la pièce E-1), l’employeur était d’avis que même s’il était promu, son rendement n’était pas suffisamment fort pour qu’il soit affecté à ce qui deviendrait un service constitué de seulement deux fonctionnaires (onglet 33 de la partie 1 de la pièce E-1).

63 L’évaluation finale du rendement au travail du fonctionnaire effectuée par Mme Bailey (onglet 22 de la partie 2 de la pièce E-1), achevée le 26 juin 2009, comportait une évaluation narrative exhaustive (onglet 23 de la partie 2 de la pièce E-1), faisant état de ses préoccupations et présentant des exemples précis de certaines des problématiques qu’elle avait relevées à cet égard. L’évaluation et l’analyse narrative ont toutes les deux étaient communiquées en copie conforme au fonctionnaire, lequel a fait savoir qu’il souhaitait répondre à certaines des doléances soulevées dans l’évaluation avant qu’une décision finale soit prise à son égard.

64 À la fin du mois de juin 2009, le comité d’examen des appréciations, constitué pour l’occasion de Mme Defoy, de Mme Diener et de M. Eichhorst, s’est réuni afin d’examiner le rendement du fonctionnaire pour la période du 10 novembre 2008 jusqu’à la fin du mois de juin 2009 (onglet 24 de la partie 2 de la pièce E-1). Le comité a conclu qu’il n’avait pas satisfait aux normes requises relativement à trois des sept domaines de compétence requis afin d’être promu à la fin du PPSE. On y soulignait notamment qu’il avait de la difficulté à respecter les échéances et à s’acquitter de la charge de travail, soit le même problème que celui constaté au cours de sa première année du programme. En dernière analyse, le comité d’examen des appréciations a conclu que le rendement du fonctionnaire sur l’ensemble de la période corrective était insatisfaisant.

65 Le fonctionnaire avait demandé de pouvoir s’adresser au comité d’examen des appréciations et de formuler des commentaires au sujet des évaluations à son sujet et ce, avant toute décision définitive quant à son avenir au sein du programme. Bien qu’il ait dit qu’il transmettrait ses commentaires avant que le comité d’examen des appréciations se réunisse à la fin du mois de juin, il ne l’a pas fait. Mme Defoy a souligné que le non-respect des échéances était l’une de ses principales lacunes (onglet 43 de la partie 1 de la pièce E-1). Une conférence téléphonique a été organisée le 9 juillet 2009, afin de permettre au fonctionnaire et au comité d’examen des appréciations de discuter des évaluations et lui fournir l’occasion de s’expliquer au sujet des problématiques relevées.

66 Le fonctionnaire a fourni ses commentaires par écrit peu avant la conférence téléphonique (onglet 45 de la partie 1 de la pièce E-1) et d’autres commentaires par la suite (onglet 47 de la partie 1 de la pièce E-1). Il a indiqué qu’il n’avait pas pu fournir ses commentaires plus tôt en raison du grand nombre de dossiers à traiter empilés sur son bureau. Dans ses commentaires formulés par écrit, il a notamment fait valoir que la surveillance et les critiques incessantes dont il faisait l’objet rendaient son milieu de travail particulièrement stressant. Il estimait par ailleurs que les critiques formulées à l’égard de son travail étaient indument négatives et faisaient fi du contexte et des circonstances entourant les problématiques observées. Dans ses commentaires écrits adressés au comité d’examen des appréciations, il s’interrogeait à savoir s’il pouvait faire quoi que ce soit qui serait suffisant pour satisfaire son superviseur et qu’il espérait que les évaluations négatives dont il faisait l’objet n’étaient tout simplement pas une tentative de justifier son licenciement.

67 Le fonctionnaire a été informé durant la conférence téléphonique du 9 juillet 2009 que, bien qu’aucune décision finale n’ait encore été prise à cet égard, il était probable que le comité d’examen des appréciations ne recommanderait pas qu’il soit promu. On lui également dit à cette occasion que, s’il n’était pas promu, il aurait le choix de rentrer immédiatement au Canada pour y chercher un autre emploi pendant trois mois tout en continuant à être rémunéré, sinon de rester à Varsovie avec son épouse, laquelle travaillait également au sein de la même mission. S’il choisissait de demeurer à Varsovie à titre de conjoint réinstallé en raison de l’affectation de son épouse à cet endroit, il serait licencié.

68 Le comité d’examen des appréciations s’est réuni après la conférence téléphonique et a réfléchi aux commentaires formulés par le fonctionnaire et aux commentaires formulés par la suite par Mme Bailey. Le comité d’examen a finalement décidé qu’il n’y avait pas lieu que le fonctionnaire soit promu. Il a été informé de sa décision à l’occasion d’une conférence téléphonique qui a eu lieu le 13 juillet 2009 à laquelle participaient également, entre autres, Mme Chomyn, la directrice du personnel de la Région internationale à l’époque, M. Eichhorst et Mme Defoy. À cette occasion, on a encore une fois proposé au fonctionnaire de retourner immédiatement à Ottawa pour entreprendre des recherches d’emploi pendant trois mois avec le soutien de l’employeur, ou qu’il soit immédiatement licencié de façon à ce qu’il puisse demeurer à Varsovie avec sa famille à titre de conjoint réinstallé en raison de l’affectation de son épouse à cet endroit.

69 Le fonctionnaire a témoigné qu’il avait trouvé cette conférence téléphonique particulièrement éprouvante. Il trouvait particulièrement stressant de devoir prendre la décision de retourner ou non à Ottawa. On ne lui avait pas donné beaucoup de temps pour se décider, car l’employeur voulait avoir sa réponse dans les heures qui suivaient. Il ne pouvait pas s’imaginer laisser sa famille à Varsovie. Il estimait qu’on lui demandait ni plus ni moins que d’abandonner sa famille afin de pouvoir accepter l’assistance de l’employeur afin de se trouver un autre emploi. Il lui paraissait que tout ce qu’on lui offrait finalement c’était trois mois de salaire, un bureau, un téléphone, l’accès à un ordinateur, et son voyage de retour à Ottawa, mais non son voyage de retour d’Ottawa vers Varsovie. Il a témoigné qu’il ne voyait pas ce qui pressait tant qu’il devait prendre une décision sur–le-champ.

70 Le fonctionnaire a également témoigné qu’il ne comprenait pas pourquoi on ne lui offrait pas plutôt l’occasion de prendre un congé non payé de manière à ce qu’il puisse alors rester à Varsovie pendant la durée de l’affectation de son épouse à cet endroit, et ensuite profiter de l’offre d’assistance de l’employeur dans ses recherches d’emploi. Il a témoigné qu’il croyait qu’un congé non payé pouvait être une solution convenable, car cette possibilité avait déjà été évoquée par Mme Defoy. Cette dernière a par ailleurs reconnu lors de son témoignage qu’elle lui avait proposé diverses possibilités au mois d’août 2008 dans l’éventualité où il n’était pas promu et que, parmi ces possibilités il y avait celle d’obtenir un congé non payé (onglet 19 de la partie 1 de la pièce E-1).

F. Congé non payé

71 Le fonctionnaire a témoigné qu’il s’était rendu compte en septembre 2008 que son affectation à Varsovie n’était que pour deux ans. Il pensait qu’il était inscrit à sa formule de confirmation d’affectation (pièce G-1, onglet F) que son affectation était d’une durée de trois ans, de manière à coïncider avec la période d’affectation de son épouse; la formule de confirmation lui avait été délivrée en mai 2007, avant son affectation à Varsovie. Quand il a découvert que son affectation était pour une période de deux ans, il a indiqué dans son formulaire de préférence d’affectation (pièce G-1, onglet G) que, bien qu’il ne prévoyait pas à cette époque de devoir prendre un congé non payé, tout dépendait de la prolongation ou non de son affectation. Il avait précisé que, dans la négative, il demanderait un congé non payé en cas de réinstallation temporaire d’un époux.Il a témoigné qu’il avait réitéré sa demande de congé non payé en cas de réinstallation temporaire d’un époux vers le début de novembre 2008 lors d’un échange de courriels avec son agent d’affectation.

72 Le 30 juin 2009, le fonctionnaire a réitéré de nouveau sa demande de congé non payé en cas de réinstallation temporaire d’un époux, car l’employeur avait confirmé que son affectation à Varsovie prendrait fin à l’été 2009 en raison d’une réorganisation interne. Le fonctionnaire avait alors transmis sa demande par courriel à son agent d’affectation (onglet 41 de la partie 1 de la pièce E-1), lui demandant également de l’informer de la marche à suivre pour demander officiellement le congé et lui précisant qu’il comprenait qu’il lui faudrait alors présenter un formulaire de demande de congé.

73 Mme Chomyn a témoigné que, règle générale, les agents du service extérieur transmettent leur demande de congé par courriel, laquelle est ensuite approuvée, le cas échéant, par communication téléphonique ou par retour de courriel. Elle a précisé qu’elle s’attendait à ce qu’une mention écrite de la demande soit aussi systématiquement consignée, indiquant le type de congé demandé, la date du congé et la durée de celui-ci.

74 Le fonctionnaire a également réitéré sa demande de congé non payé durant les discussions qui se sont conclues par son licenciement. Le 10 juillet 2009, il a communiqué par courriel avec Mme Defoy (onglet 48 de la partie 1 de la pièce E-1), afin de lui rappeler qu’elle lui avait dit un an auparavant qu’un congé non payé serait une possibilité s’il n’était pas promu au niveau FS-02, et lui demandait alors d’approuver sa demande à cet effet. Lors de la conférence téléphonique du 13 juillet 2009, entre le fonctionnaire, Mme Chomyn et d’autres intervenants, il a réitéré de nouveau sa demande de congé non payé en cas de réinstallation temporaire d’un époux. Le fonctionnaire a témoigné qu’il ne comprenait pas pourquoi un congé non payé n’était pas une possibilité dans son cas.

75 Mme Chomyn a témoigné que, tout en se disant au courant du fait que le fonctionnaire avait mentionné qu’il avait demandé un congé non payé en cas de réinstallation temporaire d’un époux, il ne lui avait jamais transmis une demande officielle à cet effet. Elle croyait qu’on l’avait avisé qu’il n’avait pas droit à un tel congé, car son épouse n’était pas en situation de réinstallation, mais se trouvait déjà à Varsovie avec lui. Elle a également témoigné qu’il n’avait jamais non plus présenté une demande officielle de congé non payé pour s’occuper de la proche famille.

76 Mme Chomyn a témoigné que les demandes formulées par le fonctionnaire à la fin du mois de juin et au début du mois de juillet 2009 pour obtenir un congé non payé n’avaient pas été accordées parce qu’elles avaient été faites après que la décision avait déjà été prise de le licencier. Elle estimait par ailleurs qu’il n’aurait pas été justifiable que le fonctionnaire demeure porté à l’effectif tout en étant en congé non payé, uniquement aux fins de lui permettre de lui donner l’occasion de retourner à Ottawa pour effectuer des recherches d’emploi à la fin de l’affectation de son épouse. Il aurait été problématique de le licencier aussi longtemps après l’événement déclencheur, en plus de compliquer indument le processus de dotation.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour l’employeur

77 L’employeur a fait valoir que l’alinéa 12(1)d) de la Loi sur la gestion des finances publiques, L.R.C. (1985), ch. F-11 (LGFP) confère à l’administrateur général le pouvoir de licencier un fonctionnaire dans les cas où il est d’avis que son rendement est insuffisant. Le cas échéant, en vertu du paragraphe 12(3) le licenciement doit être motivé.

78 Par ailleurs, l’article 230 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP) restreint la compétence d’un arbitre de grief instruisant une affaire de licenciement ou de rétrogradation pour rendement insuffisant. Si l’arbitre de grief conclut qu’il était raisonnable pour l’administrateur général d’estimer que le rendement du fonctionnaire était insatisfaisant, alors l’arbitre de grief doit conclure que la rétrogradation ou le licenciement, selon le cas, était motivé.

79 L’employeur a en outre plaidé que la jurisprudence établie sous le régime de l’ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (l’« ancienne LRTFP »), notamment Nnagbo c. Conseil du Trésor (Travaux publics et Services gouvernementaux Canada), 2001 CRTFP 1, a été supplantée par Raymond c. Conseil du Trésor, 2010 CRTFP 23, qui est la première décision rendue sous le régime de la LRTFP à se pencher sur la question d’un licenciement pour rendement insuffisant. Dans Raymond, l’arbitre de grief a conclu que ce ne sont pas tous les critères élaborés sous le régime de l’ancienne LRTFP en vue d’apprécier la validité du jugement porté par l’employeur relativement au rendement d’un fonctionnaire qui ont été transposés dans la LRTFP.

80 En particulier, l’employeur a soutenu qu’il avait été statué dans Raymond que les facteurs qui n’ont aucun lien avec l’évaluation du rendement ne sont pas pertinents et ne devraient pas être pris en compte par un arbitre de grief, notamment les facteurs comme celui à savoir si le fonctionnaire a été avisé par écrit de la possibilité qu’il soit licencié, si l’employeur a fait des efforts pour lui trouver un autre emploi, ou si un congé dûment approuvé aurait pu être substitué au licenciement ou aurait pu permettre de repousser le licenciement à une date ultérieure. Des facteurs de cette nature n’ont pas de lien logique avec l’évaluation du rendement comme tel, et il ne doit donc pas en être tenu compte par l’arbitre de grief appelé à décider du caractère raisonnable du jugement porté par l’administrateur général relativement au rendement du fonctionnaire.

81 Dans Raymond, l’arbitre de grief a statué que les seuls éléments élaborés dans la jurisprudence sous le régime de l’ancienne LRTFP qui se recoupent avec ceux élaborés sous le régime de la LRTFP se rapportent uniquement à l’évaluation du rendement. L’arbitre de grief a conclu que l’évaluation du rendement par l’employeur ne pouvait être jugée raisonnable si l’exercice était empreint de mauvaise foi, ni d’ailleurs si le fonctionnaire n’était pas assujetti à des normes de rendement appropriées, si ces normes, le cas échéant, n’avaient pas été clairement communiquées au fonctionnaire, ou si le fonctionnaire n’avait pas reçu les outils, la formation et l’encadrement nécessaires pour atteindre les normes de rendement.

82 L’employeur a également fait valoir que l’article 230 de la LRTFP ne conférait pas à l’arbitre de grief le pouvoir de substituer son jugement à celui de l’employeur; ni n’autorise-t-il un arbitre de grief de substituer une pénalité en lieu et place d’un licenciement. Citant Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, l’employeur a soutenu qu’il y avait lieu de respecter le raisonnement du décideur et qu’une décision devait être tenue pour raisonnable dans la mesure où elle s’inscrivait à l’intérieur des conséquences acceptables éventuelles. Ceci étant, un arbitre de grief ne devrait pas substituer son opinion à celle des personnes qui savaient effectivement ce qui était attendu d’un fonctionnaire occupant une fonction donnée.

83 L’employeur a aussi soutenu que toute insinuation à savoir qu’il y ait une quelconque mauvaise foi dans son appréciation du rendement du fonctionnaire ne résiste pas à une analyse rigoureuse. D’ailleurs, le fonctionnaire ne semble pas mettre en cause l’évaluation de son rendement au travail comme tel. Par ailleurs, aucune preuve du caractère déraisonnable des évaluations n’a été présentée. Les évaluations du rendement n’ont pas été manipulées. Tous les témoins cités à témoigner par l’employeur ont affirmé qu’ils souhaitaient qu’il réussisse, et ils lui ont tous fourni de la rétroaction, des conseils, de l’encadrement et de la formation. Aucun élément de preuve n’est venu étayer l’existence de quelque conspiration ou dessein caché visant à se débarrasser de lui ou qu’il ait été sciemment placé en situation d’échec.

84 L’employeur a aussi fait valoir que la preuve d’une certaine confusion quant à la promotion éventuelle du fonctionnaire ne permettait pas non plus d’étayer quelque conclusion voulant que l’employeur ait agi de mauvaise foi. Le fait qu’il croyait que tout irait bien parce qu’il serait promu ne vient en rien contredire le fait qu’il présentait toujours des problématiques au niveau de son rendement et que son rendement ferait l’objet d’un suivi et d’une appréciation en regard de normes encore plus élevées.

85 L’employeur a soutenu que le fonctionnaire avait été assujetti à des normes de rendement appropriées, et celles-ci lui avaient été communiquées clairement. Tous les participants à ce programme de formation étaient assujettis aux mêmes normes. Les attentes de l’employeur lui avaient également été communiquées dans le cadre d’ateliers d’orientation, de cours didactiques, d’évaluations et de la rétroaction qui lui était fournie. Si le fonctionnaire entretenait quelque confusion quant aux attentes à son égard, il aurait pu simplement s’en enquérir, mais il ne l’a pas fait.

86 Le fonctionnaire avait également reçu la formation, les outils et l’encadrement nécessaires pour atteindre les normes de rendement. En fait, il avait obtenu plus de temps et d’occasions de formation que les autres participants du programme, ayant bénéficié de six années de formation, notamment sous la forme de cours de langue, d’ateliers d’orientation et de formation en classe. Il a eu droit à trois affectations de formation à l’étranger, alors que les autres participants n’ont obtenu qu’une seule affectation. Il a bénéficié d’une rétroaction systématique et du soutien d’un superviseur qui n’a pas ménagé les efforts pour l’aider. S’il estimait qu’il avait besoin d’un complément de formation, il lui incombait d’en faire la demande.

87 L’employeur a fait valoir que la lettre d’offre d’emploi au fonctionnaire, dans laquelle il était indiqué qu’il aurait droit à un statut prioritaire afin de trouver un autre emploi au sein de la fonction publique s’il devait être retranché du PPSE, était en fait une erreur. La Loi sur l’emploi dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, notamment aux articles 12 et 13, ne prévoit pas de statut prioritaire dans de telles circonstances. Le fonctionnaire savait que sa participation au programme serait terminée si son rendement était jugé insatisfaisant. L’employeur a aussi fait valoir qu’il avait offert au fonctionnaire l’occasion de retourner à Ottawa et ainsi être libéré de son affectation pendant une période de trois mois pour lui permettre de chercher un autre emploi. Il a choisi, pour des raisons personnelles, de décliner cette offre.

88 L’employeur a soutenu qu’à tout événement, le défaut d’un employeur d’avertir un employé des conséquences de son rendement insatisfaisant, ou de l’aviser de se chercher un autre emploi dans le cas d’un employé dont le rendement est jugé insatisfaisant, ne sont pas des facteurs ayant un lien logique avec l’évaluation de son rendement, par conséquent, un arbitre de grief ne peut en tenir compte.

89 En ce qui a trait aux griefs contestant le refus de lui accorder un congé non payé en cas de réinstallation temporaire d’un époux et d’un congé non payé pour s’occuper de la proche famille, l’employeur a soutenu qu’ils étaient sans objet. L’emploi du fonctionnaire a pris fin le 20 juillet 2009; aucun congé ne survit à un licenciement. L’octroi de ces congés n’aurait pas non plus empêché le licenciement du fonctionnaire.

B. Pour le fonctionnaire s’estimant lésé

90 Le fonctionnaire a souligné que, lors de son embauche en 2003, il avait obtenu un contrat exécutoire, établissant ses conditions d’emploi, y compris une disposition prévoyant l’éventualité d’une disqualification du PPSE. Cette disposition énonçait des alternatives au licenciement de la fonction publique dans l’éventualité où les participants ne réussissaient pas le programme. Bien que l’employeur ait suggéré que la disposition prévoyant l’engagement de la part de l’employeur à s’efforcer de trouver un autre emploi aux fonctionnaires à la suite de leur disqualification du programme soit en réalité une erreur de sa part, le fonctionnaire a accepté l’offre dans laquelle cette disposition était énoncée, conférant ainsi à cette disposition un caractère contractuel obligatoire.

91 Les premiers 10 mois de la participation du fonctionnaire au programme ont été relativement positifs. Il a obtenu une évaluation raisonnable relativement à sa première affectation au sein de la division RIO. Ce n’est que lors de sa première affectation à l’étranger, à Londres, que des problèmes ont commencé à se manifester. Le fonctionnaire a souligné que, bien qu’il recevait quotidiennement une rétroaction, il n’a pas su qu’il y avait d’importantes lacunes au niveau de son rendement qu’une fois rendu à la fin de cette affectation, alors qu’il ne pouvait plus rien faire pour redresser la situation.

92 Le fonctionnaire a fait valoir que les préoccupations soulevées au sujet de son rendement à Londres ne correspondaient pas à un portrait équilibré de l’ensemble de son rendement. Pourtant, en raison de cette évaluation, il a fait l’objet d’une surveillance étroite et systématique. Il a précisé qu’il ne mettait pas en cause chacune des évaluations ponctuelles, les normes qui avaient été établies ni même le fait qu’il avait certaines difficultés, mais remettait plutôt en question l’évaluation de l’ensemble de son rendement.

93 La première véritable affectation à l’étranger du fonctionnaire a été reportée, et on l’a plutôt envoyé en formation à deux autres affectations. Il a obtenu une excellente évaluation puis une bonne évaluation à ces occasions, mais on a continué à le surveiller de près et à l’informer régulièrement de ses lacunes. En outre, il a été établi en preuve qu’avant même qu’il soit enfin affecté à l’étranger à Varsovie, on avait informé la personne qui allait superviser son travail au sujet de son travail et de son dossier, ce qui signifiait qu’il se rendait à cette affectation avec un nuage au-dessus de lui. Il estimait donc que cela constituait de la mauvaise foi de la part de l’employeur d’influencer de la sorte la première impression que son nouveau superviseur se ferait de lui en l’informant des problématiques de rendement qu’il avait pu connaître auparavant.

94 Le fonctionnaire a soutenu qu’en dépit des préoccupations au sujet de son rendement, l’évaluation de son rendement par le comité d’examen des appréciations portant sur la période de mars 2006 à janvier 2008 (onglet 7 de la partie 2 de la pièce E-1) indiquait qu’il maîtrisait toutes les compétences requises et que, sous réserve de sa réussite de son affectation à l’étranger, il avait complété sa participation au programme. En août 2008, et en dépit de certaines réserves au sujet de son rendement, on l’a informé qu’il allait être promu. Le fait qu’on lui ait par la suite fait savoir que c’était là une erreur ne changeait rien au fait que tout le monde se comportait à son égard comme s’il avait effectivement réussi sa formation et été promu au niveau FS-02. Cette nomination ne pouvait par la suite être révoquée que par le biais d’un appel de la nomination en question ou par l’administrateur général, ni l’une ni l’autre de ces démarches ayant été entreprise par quiconque.

95 L’employeur a fait volte-face en ce qui a trait à la nomination du fonctionnaire, l’astreignant plutôt à un PAR des plus rigoureux. Le fonctionnaire a soutenu que cela constituait de la mauvaise foi de la part de l’employeur. De plus, le PAR ne proposait aucune mesure autrement que celle d’une surveillance étroite afin de l’aider à s’améliorer. On ne lui a pas offert de suivre des cours de formation ni quelque autre démarche particulière, et ce bien que des cours étaient effectivement disponibles.

96 Le fonctionnaire a fait valoir que la constante surveillance de son rendement durant cette période faisait partie tout simplement d’un effort concerté de l’employeur pour corriger ses erreurs en cherchant des motifs pour le licencier. Le but de la surveillance dont il faisait l’objet était davantage de documenter ses lacunes plutôt que de l’aider à les surmonter. Il a reconnu avoir eu de la difficulté à maintenir le niveau de rendement requis en raison de la constante surveillance dont il faisait l’objet et de la pression continue exercée sur lui, signalant que personne n’aurait pu endurer le niveau de surveillance auquel il était astreint.

97 Le fonctionnaire a soutenu que les circonstances de son licenciement démontraient en soi la mauvaise foi de l’employeur. La demande voulant qu’il choisisse entre son licenciement immédiat et trois mois d’aide pour se trouver un nouvel emploi, cette dernière possibilité étant tributaire de son retour immédiat à Ottawa, était déraisonnable et témoignait d’une grande insensibilité. L’employeur savait pertinemment qu’il ne pouvait pas accepter l’offre d’assistance pour l’aider à trouver un nouvel emploi à cause de sa situation familiale et donc, en lui proposant un marché qu’il ne pouvait accepter, l’employeur avait agi de mauvaise foi. Le fonctionnaire a cité Wallace c. United Grain Growers Ltd., [1997] 3 R.C.S. 701, au soutien de la proposition voulant que l’employé est le plus vulnérable lors de la rupture du lien d’emploi et, partant, c’est à ce moment qu’il a le plus besoin de protection, ce qui exige des employeurs qu’ils agissent de manière transparente et en toute bonne foi.

98 Le fonctionnaire a également soutenu que Raymond ne pouvait être interprétée de la manière proposée par l’employeur. La suggestion voulant qu’un arbitre de grief ne pourrait que tenir compte des seules appréciations, rétroactions et évaluations du rendement revient à faire fi du principe de l’application régulière de la loi. Nul ne peut prétendre que le Parlement ait voulu restreindre l’application régulière de la loi. Les gestionnaires ne devraient pas être laissés libres de faire valoir le bien-fondé de leurs décisions simplement en remplissant des évaluations et en donnant de la rétroaction à leurs employés, et enlevant du fait même toute compétence aux arbitres de grief. Cela mènerait à une absurdité et réduirait les normes à cet égard à leur plus simple expression, confirmant qu’on pourrait ainsi licencier les employés sans égard à l’application régulière de la loi, en plus de rendre les contrats d’emploi, comme celui signé par le fonctionnaire en l’instance, nuls et non avenu.

99 Le fonctionnaire a fait valoir qu’au contraire, l’article 230 de la LRTFP établit les modalités à suivre afin de débusquer les motifs et fait en sorte que le fardeau de la preuve à cet égard incombe à l’employeur. Cette disposition ne vise qu’à limiter l’examen exhaustif des indicateurs de rendement, et non à usurper le droit du fonctionnaire à l’application régulière de la loi nécessaire pour établir une évaluation raisonnable de rendement. L’exigence faite à l’employeur de chercher un autre emploi pour le fonctionnaire qu’il entend licencier ne constitue qu’une facette de l’application régulière de la loi requise avant qu’un licenciement puisse être jugé comme étant effectivement une mesure raisonnable. Cette exigence est notamment prescrite dans les politiques du Conseil du Trésor, les principes de la common law et, de surcroît, dans le libellé même du contrat d’emploi conclu avec le fonctionnaire.

100 Dans Raymond, il a certes été statué que certains facteurs établis dans Nnagbo ne pouvaient pas être transposés intégralement de l’ancienne LRTFP à la LRTFP, tout en précisant que d’autres facteurs peuvent l’être. Ainsi, divers facteurs, comme la mauvaise foi, le défaut d’établir des normes de rendement appropriées, le défaut de communiquer les nomes d’emploi, et le défaut de fournir les outils, la formation et l’encadrement nécessaires, sont autant de facteurs qui ont été retenus par l’arbitre de grief dans Raymond comme étant transposés à l’analyse d’un licenciement pour rendement insuffisant en vertu de la nouvelle LRTFP.

101 L’arbitre de grief dans Raymond n’a pas tenu compte de certains facteurs retenus dans Nnagbo, comme l’exigence d’un avis écrit et de recherche d’un autre emploi, essentiellement parce que dans Raymond il s’agissait d’une rétrogradation et non d’un licenciement et donc, ces facteurs ne trouvaient pas application. Ceci étant, Raymond n’est pas déterminante en ce qui concerne ces éléments, puisque l’arbitre de grief n’avait pas à en tenir compte afin de juger du caractère raisonnable de la rétrogradation en cause.

102 Il est évident que les fonctionnaires doivent savoir quelles sont les conséquences potentielles d’un rendement insuffisant au travail, notamment par l’entremise d’un avis écrit, et quels efforts ont été déployés pour leur trouver un autre emploi. Ces facteurs sont en lien logique avec l’évaluation du rendement du fonctionnaire. S’il n’en est pas tenu compte, alors l’évaluation ne peut être jugée raisonnable. Le contrat d’emploi du fonctionnaire, les lignes directrices du Conseil du Trésor et la common law ont tous adopté des facteurs semblables à ceux précisés dans Nnagbo. Le fonctionnaire a cité Goodyear Canada Inc. v. United Steelworkers of America, Local 818 (1997), 48 CLAS 320, au soutien de l’argument voulant que ces facteurs soient largement acceptés en common law. Il a soutenu que, par conséquent, Raymond doit être interprétée d’une manière cohérente en fonction de ces facteurs.

103 Le fonctionnaire a affirmé que, bien qu’on lui ait dit que sa participation dans le PPSE prendrait fin dans l’éventualité où son rendement était jugé insatisfaisant, on ne lui a pas dit que cela mettait fin à son emploi au sein de la fonction publique. En fait, on lui a toujours fait miroiter la possibilité qu’il puisse y occuper un autre emploi. Il n’a jamais reçu d’avis écrit à savoir qu’il pouvait être licencié.

104 L’employeur a fait défaut de fournir au fonctionnaire un autre emploi raisonnable, a fait défaut de lui fournir un avis écrit à savoir qu’il pouvait être licencié, et a fait défaut de lui fournir ou de lui conseiller des outils, des cours de formation ou quelque autre méthode pouvant aider le fonctionnaire. Les attentes quant à son rendement étaient floues, alors que même Mme Bailey n’était pas toujours certaine des normes devant s’appliquer. Il a cité O’Leary c. Conseil du Trésor (ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien), 2007 CRTFP 10 (confirmé par 2008 CF 212); et Morissette c. Conseil du Trésor (ministère de la Justice), 2006 CRTFP 10, au soutien de la proposition voulant que le défaut de considérer les facteurs requis minait le bien-fondé de l’évaluation de son rendement.

105 Le fonctionnaire a soutenu que la LGFP prescrit qu’il incombe à l’employeur de veiller à éviter le gaspillage des fonds publics. L’employeur a indiqué que la formation d’un agent du service extérieur était une mesure onéreuse. Par conséquent, il aurait dû voir à lui trouver un autre emploi pour lui de manière à ce que les compétences acquises par le fonctionnaire puissent être mises à profit ailleurs au sein de la fonction publique. L’employeur ne l’a pas fait.

106 L’évaluation du rendement du fonctionnaire ne peut être jugée comme ayant été raisonnable. Le caractère raisonnable ressort de la démonstration que tout ce qui devait être fait l’a été. Or, en l’occurrence, cela n’a pas été fait. Le licenciement aurait dû être la mesure de dernier recours, après avoir suivi une procédure équitable. Son rendement a été apprécié uniquement en fonction du programme de formation, et non en fonction de son rendement à titre de fonctionnaire. Ceci étant, son licenciement était inapproprié et ne doit pas être entériné.

107 En ce qui a trait à ses demandes de congé non payé, le fonctionnaire a soutenu qu’il avait tout d’abord évoqué cette question dans sa correspondance entre le mois d’août et le mois de novembre 2008, lorsqu’il lui est apparu que son affectation à Varsovie ne serait pas prolongée. Il a également clairement fait savoir à son agent d’affectation en novembre 2008 qu’il voulait obtenir un congé non payé si son affectation à Varsovie n’était pas prolongée. Il apparaît clairement à la lecture de cette correspondance qu’il désirait que son congé non payé commence la journée même que son affectation se terminait prématurément.

108 Les demandes du fonctionnaire pour obtenir un congé non payé n’ont pas été formulées à la dernière minute. Et même si cela avait été le cas, Mme Defoy avait déjà fait savoir au fonctionnaire qu’il serait admissible à un congé non payé s’il n’était pas promu. Il s’est fié à ses dires. L’employeur a choisi d’ignorer les demandes de congé du fonctionnaire, au lieu d’en tenir compte. Les deux types de congé demandés étaient non discrétionnaires, et alors l’employeur aurait dû les accorder.

109 Même si on en arrivait à la conclusion que le fonctionnaire avait demandé le congé non payé seulement au cours des deux semaines précédant son licenciement, il avait encore droit à un congé non payé. Il n’avait pas été mis fin à son emploi, mais plutôt à sa participation dans le programme de formation. L’octroi d’un congé non payé aurait notamment permis de s’assurer qu’il conservait son statut prioritaire.

110 Le fonctionnaire a demandé qu’il soit réintégré au niveau FS-02, en date du mois d’août 2008, époque à laquelle on l’a informé qu’il avait été promu, avec salaire rétroactif et les intérêts sur cette somme, le tout sans perte d’avantages sociaux, et ce jusqu’à ce qu’un autre emploi soit trouvé pour lui à son retour au Canada, déduction faite des sommes qu’il pourrait tirer d’un emploi occupé durant la période pertinente.

111 À défaut des mesures précitées, le fonctionnaire a demandé qu’il soit réintégré au niveau FS-02 jusqu’à la date de la suppression du poste visé, et ensuite être en congé non payé en cas de réinstallation temporaire d’un époux ou pour s’occuper de sa proche famille, et ce, jusqu’à la fin de l’affectation de son épouse à Varsovie et qu’il puisse alors rentrer au Canada. Il a aussi demandé qu’il soit inscrit à la liste prioritaire pendant une année à compter de son retour au Canada, et que l’employeur lui fournisse de l’assistance pour ses recherches d’emploi, notamment, mais sans s’y restreindre l’accès à un bureau et au courrier électronique, la diffusion de son curriculum vitae et la fourniture d’antécédents professionnels, en plus du soutien d’un conseiller en recherche d’emploi.

112 Le fonctionnaire a également demandé des dommages au montant de 10 000 $ pour souffrances et douleurs en plus d’une indemnité au montant de 1 383 $ en remboursement du coût de son billet d’avion de la Pologne à Ottawa pour être présent à l’audience.

C. Réplique de l’employeur

113 L’employeur a demandé qu’il soit traité séparément de la question du redressement, une fois rendue la décision sur le fond.

114 L’employeur a affirmé que la surveillance constante du rendement du fonctionnaire avait pour but de l’aider et était mesurée. Toutes ses évaluations de rendement faisaient état de certaines réserves quant au niveau de rendement du fonctionnaire.

115 L’employeur n’a pas agi de mauvaise foi lors du licenciement du fonctionnaire. Mme Chomyn a traité l’affaire de manière professionnelle, sans être insensible, parce que le fonctionnaire tardait à répondre à la demande de l’employeur qu’il prenne une décision. L’employeur aurait été, sans aucun doute, ouvert à envisager diverses possibilités.

116 La proposition voulant que le défaut de trouver un autre emploi pour le fonctionnaire rende déraisonnable l’évaluation de son rendement est une extrapolation qui va au-delà de la logique. Le libellé de l’article 230 de la LRTFP fait clairement ressortir que l’exigence de la recherche d’un autre emploi n’a aucun lien logique avec l’évaluation du rendement. Malgré tout, en dépit du fait que l’employeur n’était aucunement obligé de lui trouver un autre emploi, il a offert au fonctionnaire de le ramener à Ottawa pour ce faire.

117 L’employeur a soutenu que le fonctionnaire n’a pas présenté de demande officielle de congé non payé; à tout événement, une telle demande suppose qu’il soit alors encore à son service. L’employeur a fait valoir que le fait que le fonctionnaire pensait qu’un congé non payé figurait parmi les possibilités envisageables en cas de licenciement n’est pas pertinent, car cela n’a aucun lien avec l’évaluation de son rendement et n’est pas une preuve de mauvaise foi.

IV. Arguments portant sur Plamondon

A. Pour l’employeur

118 L’employeur a plaidé que Plamondon est une décision cohérente en regard du libellé de la LRTFP et qu’il y a lieu d’en suivre les principes. S’il y a une distinction à faire entre la présente affaire et les circonstances dans Plamondon, ce serait que dans la présente affaire des normes de rendement claires étaient dûment établies et mises en pratique, alors que dans Plamondon, des normes de rendement explicites n’étaient pas toujours clairement formulées. Par conséquent, la présente affaire est encore plus probante.

119 L’employeur a réitéré que l’article 230 de la LRTFP précise en termes très clairs la marche à suivre pour apprécier le rendement d’un fonctionnaire. La formation d’une opinion raisonnable au sujet du rendement d’un fonctionnaire passe par des étapes particulières et distinctes.

B. Pour le fonctionnaire s’estimant lésé

120 Le fonctionnaire a fait valoir qu’il faut suivre un processus particulier afin d’évaluer le rendement d’un fonctionnaire, que ce processus doit se dérouler en toute bonne foi, et qu’il doit être raisonnable. Il est généralement reconnu que le processus d’évaluation du rendement d’un fonctionnaire exige notamment que l’employeur ait établi des normes de rendement, fourni la formation et l’encadrement nécessaires, et averti le fonctionnaire des conséquences d’un rendement insatisfaisant. De plus, les politiques de l’employeur stipulent que ce dernier doit chercher un autre emploi pour le fonctionnaire avant de décider de licencier le fonctionnaire en raison de son rendement insuffisant. Ce qui plus est, le contrat d’emploi du fonctionnaire prévoit un engagement similaire de la part de l’employeur.

121 Le fonctionnaire a soutenu que pour être jugée raisonnable, l’évaluation du rendement du fonctionnaire par l’employeur doit avoir été réalisée conformément aux paramètres établis dans ses propres politiques, dont l’obligation de chercher un autre emploi pour le fonctionnaire. Dans Raymond, la première décision à statuer sur des questions en lien avec le rendement insatisfaisant d’un fonctionnaire, il était évident que l’employeur avait effectué des recherches afin de trouver un autre emploi, puisque dans cette affaire le fonctionnaire s’estimant lésé avait été rétrogradé et non licencié.

122 Bien que dans Plamondon il soit reconnu que l’opinion de l’administrateur général doit être raisonnable et formée dans le cadre d’un processus équitable, cette décision ne présente pas une analyse ou une réflexion au sujet des éléments qui conféreraient un caractère raisonnable à une évaluation du rendement. L’arbitre de grief a erré en concluant qu’il n’avait pas compétence pour décider si l’employeur aurait dû rétrograder un fonctionnaire au lieu de le licencier pour son rendement insatisfaisant, ni si l’employeur avait manqué à son obligation de chercher un autre emploi. Le défaut par l’employeur de chercher un autre emploi constitue de la mauvaise foi. L’employeur avait la possibilité d’agir autrement, mais il ne l’a pas fait.

V. Motifs

123 Le fonctionnaire occupait un emploi d’agent du service extérieur au niveau FS-01 dans le cadre du PPSE, un programme de perfectionnement professionnel destiné à former les agents du service extérieur chargés de mettre en œuvre le programme d’immigration du Canada dans les missions du Canada à l’étranger. Il a été licencié le 13 juillet 2009 pour rendement insuffisant. Le fonctionnaire a allégué que son licenciement n’était pas motivé. En particulier, il a allégué que l’employeur avait fait défaut de suivre un processus équitable et avait agi de mauvaise foi, tant dans l’évaluation de son rendement que dans la décision de le licencier au lieu de l’aider à chercher un autre emploi. Il a allégué que l’employeur aurait pu et aurait dû, entre autres, lui accorder un congé non payé jusqu’à ce qu’il soit en mesure de retourner à Ottawa pour chercher un autre emploi. En plus de contester son licenciement, le fonctionnaire a également contesté le refus de l’employeur d’accorder ses deux demandes de congé non payé.

124 Lorsqu’un arbitre de grief instruit une affaire portant sur le licenciement d’un fonctionnaire pour rendement insuffisant, sa compétence est limitée en raison du libellé de l’article 230 de la LRTFP, qui se lit comme suit :

230. L’arbitre de grief saisi d’un grief individuel portant sur le licenciement ou la rétrogradation pour rendement insuffisant d’un fonctionnaire de l’administration publique centrale ou d’un organisme distinct désigné au titre du paragraphe 209(3) doit décider que le licenciement ou la rétrogradation étaient motivés s’il conclut qu’il était raisonnable que l’administrateur général estime le rendement du fonctionnaire insuffisant.

125 L’article 230 de la LRTFP n’est en vigueur que depuis 2005, soit depuis la promulgation officielle de la LRTFP. Partant, il existe peu de jurisprudence portant sur cet article en particulier. Ceci dit, des arbitres se sont penchés sur son interprétation, notamment dans Raymond, une décision rendue en 2010 par un arbitre de grief de la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la « Commission »), et dans Plamondon, une décision rendue en 2011, alors que ces deux décisions se sont directement penchées sur le sens à donner au libellé de cet article. Les deux décisions en sont arrivées à la même conclusion. L’arbitre de grief doit examiner le caractère raisonnable de l’évaluation du rendement effectuée par l’employeur, et non le caractère raisonnable de la décision de licencier ou de rétrograder un fonctionnaire. Il en découle, tel qu’observé dans Raymond, que je suis limitée à tirer une conclusion parmi les deux suivantes : soit que l’évaluation à savoir que le rendement du fonctionnaire était insatisfaisant était raisonnable, soit qu’elle ne l’était pas. Si l’évaluation était raisonnable, je dois conclure que le licenciement était motivé, et je ne puis alors intervenir dans la décision de licencier le fonctionnaire. Si l’évaluation du rendement du fonctionnaire était déraisonnable, son licenciement sera annulé. Aucune autre conclusion n’est possible.

126 Raymond et Plamondon cristallisent la rupture avec les approches antérieures adoptées dans l’analyse des licenciements non disciplinaires pour rendement insuffisant. Alors que ce n’est qu’en 1993 que les arbitres de grief se sont vus conférer la compétence d’instruire des affaires portant sur un licenciement non disciplinaire fondé sur un motif comme celui de l’incompétence ou du rendement insuffisant, une jurisprudence s’est développée établissant des critères pour apprécier si un licenciement pour rendement insuffisant était raisonnable ou non. L’énoncé le plus succinct de ces critères se trouve dans Nnagbo, une décision rendue par l’ancienne Commission et donc antérieure à l’entrée en vigueur de l’article 230 de la LRTFP. Dans cette affaire, il a été statué que l’employeur cherchant à licencier un fonctionnaire pour rendement insatisfaisant doit montrer qu’il a agi de bonne foi, qu’il a fixé des normes de rendement appropriées qui ont été clairement communiquées au fonctionnaire, qu’il a donné au fonctionnaire les outils, la formation et l’encadrement nécessaires pour qu’il puisse atteindre les normes fixées dans un délai raisonnable, et qu’il a averti le fonctionnaire par écrit des conséquences s’il n’atteignait pas les normes fixées, et que le fonctionnaire n’a pas satisfait à ces normes de rendement.

127 En se penchant sur les critères énoncés dans Nnagbo à la lumière de l’article 230 de la LRTFP, l’arbitre de grief dans Raymond a relevé que certains de ces critères se rapportaient davantage à l’appréciation de la décision prise par l’administrateur général de licencier un fonctionnaire pour rendement insatisfaisant qu’à l’évaluation du rendement comme telle. L’arbitre de grief a statué que seulement les critères applicables à l’évaluation du rendement étaient pertinents à l’analyse effectuée sous le régime de l’article 230 :

[…]

131 […] Ainsi, je ne vois pas comment on pourrait conclure qu’il était raisonnable qu’un administrateur général estime le rendement de l’un de ses fonctionnaires insuffisant, si preuve est faite que :

  • L’administrateur général ou les superviseurs qui ont apprécié le rendement du fonctionnaire se sont livrés à un exercice empreint de mauvaise foi;
  • Le fonctionnaire n’était pas assujetti à des normes de rendement appropriées;
  • L’employeur n’avait pas communiqué clairement au fonctionnaire les normes de rendement qu’il devait satisfaire; ou
  • Le fonctionnaire n’avait pas reçu les outils, la formation et l’encadrement nécessaires pour atteindre les normes de rendement dans un délai jugé raisonnable.

[…]

128 Je suis d’avis que Raymond, dont les principes ont été repris dans Plamondon, énonce les critères appropriés afin d’apprécier le caractère raisonnable de l’opinion de l’administrateur général voulant que le rendement du fonctionnaire était insatisfaisant. Par conséquent, je vais apprécier le caractère raisonnable de l’évaluation du rendement du fonctionnaire par l’administrateur général en fonction de ces critères.

129 Je me pencherai tout d’abord sur la question à savoir si l’évaluation du rendement du fonctionnaire consistait en un exercice de mauvaise foi; à cet égard, je relève qu’entre 2005, l’année au cours de laquelle le fonctionnaire a commencé la partie essentielle de sa formation, et 2009, lorsqu’il a été licencié, 15 évaluations de rendement avaient été effectuées. Parmi celles-ci, six ont été préparées par les cinq superviseurs desquels il relevait successivement pendant ses différentes affectations au cours des deux années avant son affectation à l’étranger à Varsovie. Les autres évaluations ont été préparées par Mme Bailey, sa superviseure à Varsovie. Toutes les évaluations de rendement ont été produites en preuve par consentement des parties. Aucune preuve n’a été présentée voulant que le fonctionnaire ait contesté ces évaluations ou présenté un grief à leur égard lorsqu’il en avait pris connaissance. D’ailleurs, il n’a pas contesté concrètement la teneur de ces évaluations lors de l’audience non plus. En plus, le comité d’examen des appréciations a étudié chacune de ces évaluations. Aucune preuve n’a été présentée et aucune prétention n’a été formulée voulant que le comité d’examen des appréciations était biaisé ou déraisonnable dans ses analyses du rendement du fonctionnaire.

130 Le fonctionnaire a affirmé qu’il estimait que les évaluations du rendement prises individuellement ne le préoccupaient pas autant que l’évaluation de son rendement dans son ensemble. Il a soutenu que l’employeur s’est arrêté indument aux évaluations qui faisaient état de ses lacunes dans certains domaines, plutôt que d’adopter une approche plus équilibrée et de tenir compte de son rendement dans son ensemble. Il a soutenu que cette concentration par l’employeur sur ses lacunes plutôt que sur ses forces était empreinte de mauvaise foi. En particulier, il a allégué que cette mauvaise foi se traduisait tout d’abord par la surveillance étroite exercée à son endroit, par les évaluations fréquentes de son rendement, et par la surveillance dont il a fait l’objet par la suite après son affectation à Londres; ensuite, par la mise en garde donnée à Mme Bailey au sujet des problèmes de rendement du fonctionnaire, avant même son arrivée à Varsovie, ce qui a induit un biais chez elle à son égard; et troisièmement, par la tentative de corriger l’erreur au sujet de sa promotion en août 2008.

131 En ce qui a trait à l’allégation du fonctionnaire que la mauvaise foi de l’employeur a motivé la surveillance étroite exercée à son endroit et les évaluations fréquentes de son rendement, il convient de souligner qu’il était un participant dans le cadre d’un programme de perfectionnement comprenant divers volets, dont une formation en classe, des affectations à l’étranger de courte durée, et une affectation à l’étranger d’une durée de deux ans. En plus de la formation, de l’encadrement et de la rétroaction, le programme était régulièrement ponctué par des évaluations du rendement des participants. Mme Defoy a témoigné que les évaluations sont échelonnées suivant un calendrier régulier et qu’en plus, une évaluation du rendement du participant est effectuée lors d’un changement de superviseur ou de l’affectation du participant à une formation à l’étranger en dehors du calendrier régulier. Elle a témoigné que le rendement des participants fait l’objet d’un suivi serré de manière à pouvoir repérer et corriger les lacunes des participants au niveau de leur rendement au travail. Chacune des évaluations du rendement du fonctionnaire a fait l’objet d’une analyse par le comité d’examen des appréciations, qui les étudie et fournit une évaluation de l’ensemble du rendement du fonctionnaire. Rien dans la preuve ne laisse supposer que le comité d’examen des appréciations était biaisé à son égard ou qu’il ait agi de façon inéquitable dans l’analyse des évaluations du rendement du fonctionnaire.

132 Dans les évaluations du rendement du fonctionnaire effectuées entre janvier 2005 et juillet 2007, soit avant son affectation à l’étranger à la mission de Varsovie, des préoccupations sont apparues, même en regard des évaluations jugées plus favorables. Par exemple, la plupart des évaluations faisaient état de son incapacité à gérer efficacement sa charge de travail. Au volet de l’analyse et du jugement critique, quatre des cinq évaluations ont relevé des problèmes à cet égard. Plusieurs superviseurs ont relevé des problèmes au niveau du travail en réseau, de l’esprit d’équipe et de la concertation. Deux des cinq superviseurs s’interrogeaient sur son enthousiasme et son engagement envers son travail. Les problèmes de rendement du fonctionnaire ont persisté lors de son affectation à Varsovie. Son rendement a alors dû faire l’objet d’une surveillance.

133 La surveillance étroite dont le fonctionnaire se plaignait fait partie intégrante du programme, s’agissant en fait d’un programme de formation. Tel que souligné précédemment, Mme Defoy a témoigné que le but d’une telle surveillance étroite est de cerner les lacunes du participant, de lui signaler ces problématiques, et d’élaborer un plan d’amélioration, au besoin. Il est difficile de conclure que la surveillance dont le fonctionnaire faisait l’objet puisse être attribuable à quelque autre motivation. Je ne puis conclure à quelque mauvaise foi de l’employeur en ce qui a trait à la surveillance du rendement du fonctionnaire.

134 Le fonctionnaire a également allégué que l’attitude de Mme Bailey envers lui avais été biaisée dès le départ, parce qu’on l’avait informée, même avant l’arrivée du fonctionnaire à Varsovie, qu’il y avait des problèmes au niveau de son rendement. Il a soutenu que cela constituait de la mauvaise foi et influençait ses évaluations de son rendement. Je ne suis pas de cet avis. Bien qu’il soit vrai qu’on ait informé Mme Bailey des problèmes de rendement du fonctionnaire lorsqu’on lui a demandé si elle acceptait qu’il soit affecté à Varsovie, aucun élément de preuve ne laisse croire que cette information avait pour but de l’influencer, ni que cela ait effectivement influencé son évaluation du rendement du fonctionnaire.

135 Mme Valade a témoigné qu’il n’était pas inusité de discuter avec un gestionnaire d’un candidat éventuel à une affectation régulière ou dans le cadre d’une formation, car cela lui donne une certaine idée de la formation qui sera requise et des rapports qu’il faudra préparer. Mme Bailey a témoigné qu’après avoir parlé au superviseur précédent du fonctionnaire, elle avait conclu qu’elle pouvait travailler avec lui. Rien dans son témoignage ni dans d’autres éléments de preuve ne permet de conclure qu’elle avait abordé la tâche d’encadrer le fonctionnaire pour un motif autre que sa diligence et son désir sincère de l’aider à réussir. En outre, Mme Bailey a témoigné qu’elle avait tenté d’aborder chaque exercice d’évaluation avec un nouveau regard, au lieu que son appréciation soit teintée des notions préconçues au sujet du rendement du fonctionnaire par le passé. Rien dans son témoignage ni dans d’autres éléments de preuve ne permet de conclure qu’elle entretenait quelque préjugé à son égard ou que ses évaluations représentaient autre chose que son appréciation sincère du rendement du fonctionnaire.

136 Le fonctionnaire a aussi allégué que la conclusion de l’employeur voulant que son rendement était insatisfaisant dans son ensemble était également empreint de mauvaise foi, parce que cela était une tentative de l’employeur de corriger son erreur en ce qui avait trait à la promotion du fonctionnaire au mois d’août 2008. Il a soutenu qu’en fait, il avait été promu au niveau FS-02 et que l’employeur avait ensuite fait volte-face plusieurs mois plus tard, bien qu’il n’avait pas le pouvoir de révoquer sa nomination en procédant de cette manière. Il a soutenu que le retrait de sa nomination et le fait de l’astreindre à un PAR rigoureux par la suite constituaient de la mauvaise foi.

137 Il ne fait aucun doute dans mon esprit que Mme Defoy a dit au fonctionnaire qu’il serait promu. Celle-ci l’a reconnu dans son témoignage et les documents versés en preuve le confirment (onglet 17 de la partie 1 et onglet 19 de la partie 2 de la pièce E-1). Mme Defoy a témoigné qu’elle avait commis une erreur. Elle croyait que parce que le fonctionnaire n’avait pas reçu un avis écrit l’informant qu’il ne serait pas promu qu’elle n’avait pas d’autre choix que de lui accorder la promotion. Elle a admis dans son témoignage que cela était une erreur de sa part. Toutefois, selon le témoignage de Mme Diener, la promotion n’a pas été traitée. En relisant la lettre de promotion, elle est revenue sur sa décision parce qu’elle estimait que le fonctionnaire ne serait pas capable de fournir un rendement satisfaisant au niveau FS-02.

138 Bien qu’il apparaisse évident que l’employeur soit revenu sur sa promesse de promouvoir le fonctionnaire, aucun élément de preuve n’a été présenté au soutien de l’allégation du fonctionnaire qu’il avait effectivement été promu à ce niveau supérieur, par exemple un certificat de nomination ou des relevés de paie, et Mme Diener a témoigné que la promotion du fonctionnaire au niveau FS-02 n’avait jamais été traitée. Compte tenu de ce fait, je ne puis conclure que l’employeur a procédé de manière répréhensible à la révocation d’une nomination. Je ne suis pas non plus convaincue que l’employeur ait voulu camoufler son erreur d’avoir malencontreusement avisé le fonctionnaire qu’il serait promu en l’astreignant à un PAR concocté pour le mettre en situation d’échec. En fait, le témoignage de Mme Diener est plutôt à savoir qu’elle estimait que, si on avait promu le fonctionnaire au niveau FS-02 alors qu’il peinait à réussir dans le cadre du PPSE, cela l’aurait sûrement mené à sa perte.

139 Le fonctionnaire ne pouvait se bercer d’illusions que l’employeur était satisfait de son rendement. Mme Defoy l’avait avisé que la seule raison pour laquelle il serait promu c’était parce qu’elle avait omis de lui donner un préavis par écrit. Elle lui a clairement fait savoir que son rendement n’était pas satisfaisant. Dans son témoignage, le fonctionnaire a reconnu qu’il savait pertinemment qu’une question de forme était la seule raison pour laquelle il serait promu. Il est difficile de comprendre comment il pouvait penser qu’une promotion à un échelon supérieur mettrait fin au suivi et à la surveillance étroite dont il faisait l’objet, alors que l’employeur avait clairement fait savoir que son rendement ne satisfaisait pas aux attentes à cet égard au niveau de classification inférieur de ce groupe.

140 Le fonctionnaire a fait valoir que le PAR avait été instauré à la suite de la décision de ne pas lui accorder la promotion afin de documenter ses lacunes aux fins de son licenciement ultérieur, plutôt qu’une tentative sincère visant à l’aider à les surmonter. Il a soutenu que durant les six derniers mois de son emploi, l’employeur s’était essentiellement livré à un exercice de mauvaise foi en l’astreignant à une surveillance rigoureuse de son rendement et des critiques incessantes.

141 Je ne puis conclure que le PAR et les évaluations réalisées par Mme Bailey au cours des six derniers mois de l’emploi du fonctionnaire étaient motivés par une quelconque mauvaise foi. À mon avis, l’imposition du PAR constituait une mesure cohérente avec l’approche adoptée jusqu’alors par l’employeur à son égard, quasiment depuis le début de sa participation au programme. Après une évaluation défavorable de son affectation à Londres, son affectation à l’étranger à Manille a été annulée; des affectations complémentaires, tant à l’administration centrale et à l’étranger, ont été conçues de façon à lui donner plus de profondeur et d’expérience pour qu’il soit mieux outillé pour composer avec les exigences plus ardues d’une affectation à l’étranger.

142 Le maintien de la participation du fonctionnaire dans le programme et l’imposition d’un PAR de janvier à juillet 2009 s’inscrivent d’ailleurs dans une telle approche. De plus, en août 2008, il s’était défendu en disant qu’il n’avait eu qu’une année d’affectation à l’étranger alors que les autres participants au programme avaient bénéficié de deux années d’affectation à l’étranger. En maintenant sa participation jusqu’à l’été 2009, l’employeur s’assurait qu’il avait eu droit à la même expérience, aux mêmes occasions et à la même charge de travail que les autres participants (onglet 26 de la partie 1 de la pièce E-1). Aucun élément de preuve ne permet de conclure que Mme Bailey ait approché la tâche d’encadrer le fonctionnaire durant la période visée par le PAR d’une manière différente que celle qu’elle avait adoptée auparavant à l’égard de l’évaluation de son rendement, outre le fait que ces évaluations devaient être effectuées chaque mois dans le cadre du PAR.

143 Les problèmes de rendement du fonctionnaire ont été systématiquement relevés par plus d’un superviseur pendant sa participation au PPSE. Il est vrai qu’il y a eu quelques évaluations favorables en cours de route. Par exemple, l’analyse de son rendement par le comité d’examen des appréciations pour la période comprise entre le mois de mars 2006 et janvier 2008 (onglet 13 de la partie 2 de la pièce E-1), a résulté en une évaluation favorable dans l’ensemble. Cependant, dans les notes écrites jointes à cette évaluation, et aussi dans un courriel à ce sujet (onglet 13 de la partie 1 de la pièce E-1), Mme Defoy a formulé certaines réserves, soulignant que malgré les améliorations observées, certains problèmes de rendement persistaient. Comme elle l’a indiqué dans le courriel à cet effet, le fonctionnaire [traduction] « était en bonne voie de satisfaire à toutes les compétences », par opposition au fait qu’il les avait déjà toutes satisfaites. De plus, malgré cette évaluation prometteuse, il ne semblait pas en mesure de maintenir un rendement satisfaisant sur un horizon plus long.

144 À la lumière de ces faits, je ne puis conclure à quelque mauvaise foi dans l’évaluation du rendement du fonctionnaire. Rien dans la preuve ne laisse supposer que ses superviseurs entretenaient quelque préjugé à son égard ou que leurs évaluations de son rendement aient été inéquitables ou déraisonnables.

145 Ayant conclu en l’absence de mauvaise foi ou de préjugé défavorable, la prochaine question à trancher consiste à savoir si le fonctionnaire était assujetti à des normes de rendement appropriées et, le cas échéant, si elles lui avaient été communiquées. Je suis d’avis qu’il a été clairement établi en preuve qu’il était assujetti aux mêmes normes de rendement (onglet 2 de la partie 2 de la pièce E-1) que tous les autres participants au PPSE. Ce qui plus est, tel que mentionné par Mme Defoy lors de son témoignage, tous les participants au PPSE suivaient le même plan d’apprentissage normalisé. Ils étaient tous au courant des attentes de l’employeur, véhiculées tant par les indicateurs de rendement du Service extérieur (onglet 2 de la partie 2 de la pièce E-1), les évaluations de rendement, et les rencontres visant à établir et à passer en revue avec eux leurs objectifs de rendement, organisées avec leur superviseur et aussi avec Mme Defoy lorsque les circonstances nécessitaient qu’elle intervienne. Enfin, le PAR conçu pour le fonctionnaire (onglet 30 de la partie 1 de la pièce E-1) énonçait clairement les attentes de l’employeur quant au rendement du fonctionnaire pour la période de janvier à juillet 2009.

146 Compte tenu de la situation du fonctionnaire, il va sans dire qu’il comprenait les attentes au niveau du rendement de l’employeur à son égard. Il s’agissait, après tout, de la raison d’être des modalités de surveillance du rendement et d’encadrement du fonctionnaire qui étaient un élément principal de ce programme. En plus des rencontres et de la rétroaction de ses superviseurs et de Mme Defoy, le fonctionnaire avait aussi eu deux rencontres avec Mme Valade au cours des deux premières années de sa participation au PPSE, ces rencontres visant essentiellement à préciser les attentes de l’employeur.

147 Je conclus que le fonctionnaire était assujetti à des normes de rendement appropriées et qu’il connaissait pertinemment les attentes de l’employeur à son égard. Il reste maintenant à savoir s’il avait reçu les outils, la formation et l’encadrement nécessaires pour atteindre les normes de rendement dans un délai raisonnable.

148 Le PPSE est un programme de formation structuré et appuyé par un plan d’apprentissage normalisé. Le fonctionnaire, tout comme les autres participants, était obligé de suivre certains cours, par exemple un cours sur l’application de la législation et de la réglementation, et de compléter divers stages de formation à l’étranger. Ses problèmes de rendement s’étant manifestés de manière évidente lors de son premier stage de formation à l’étranger, il a dû continuer sa formation à l’administration centrale pendant une année supplémentaire et effectuer deux autres stages de formation à l’étranger. Bien que le programme était généralement d’une durée de trois ans pour la plupart des participants, il y a participé pendant quatre années. Mme Defoy et Mme Valade ont toutes les deux témoigné du soin qui avait été pris dans la sélection des stages de formation à l’étranger auxquels il avait été affecté. Ainsi, à titre d’illustration, on avait estimé que Varsovie était une bonne affectation pour lui, parce que Mme Bailey était reconnue comme étant une instructrice compétente.

149 Le fonctionnaire a allégué que lorsqu’il était devenu évident qu’il peinait à satisfaire aux exigences, l’employeur aurait dû lui offrir des formations complémentaires et d’autres cours. Mme Bailey a témoigné qu’elle n’avait pas songé l’envoyer suivre des cours ou un autre type de formation parce qu’elle ne connaissait pas de ressources disponibles à cette fin à Varsovie. Elle a souligné qu’il y aurait eu des difficultés de nature linguistique, puisque le fonctionnaire ne savait pas s’exprimer en polonais, alors que les cours donnés à Varsovie auraient été en polonais. De plus, elle estimait que ses conseils et son encadrement auraient dû être suffisants pour l’aider. Aucune preuve présentée par ailleurs ne laisse entrevoir qu’il ait lui-même demandé de s’inscrire à des cours complémentaires. Il m’apparaît qu’il lui incombait d’entreprendre au moins certaines démarches en ce sens s’il estimait qu’il avait besoin de suivre d’autres cours au-delà de la formation qui lui était déjà offerte dans le cadre du PPSE. Il ne l’a pas fait. Il ne semble pas non plus qu’il ait demandé de s’inscrire à certains cours et que l’employeur aurait refusé de considérer ses demandes à cet effet, par ailleurs.

150 J’estime que l’employeur a consenti tous les efforts requis pour s’assurer que le fonctionnaire reçoive toute la formation nécessaire pour réussir le programme. Le fait que la formation consistait en une combinaison de cours didactiques et d’encadrement en milieu de travail ne diminue en rien la somme des efforts qui ont été consacrés à sa formation ni la valeur qu’il pouvait en tirer.

151 En appréciant l’évaluation du rendement du fonctionnaire par l’administrateur général en fonction des critères élaborés dans Raymond, je conclus que son évaluation était raisonnable. Le fonctionnaire avait également fait valoir que l’opinion de l’administrateur général ne pouvait pas être considérée comme étant raisonnable s’il n’a pas suivi un processus équitable pour y arriver. Lorsque l’employeur ignore ses propres politiques, règles et procédures, nul ne pourrait conclure qu’un processus équitable a été suivi. Il soutient plus particulièrement qu’il était énoncé dans la lettre d’offre qui lui a été adressée, dans les conditions d’emploi régissant les fonctionnaires participant au PPSE, ainsi que dans les politiques de l’employeur, l’engagement à savoir que, dans l’éventualité où un fonctionnaire était disqualifié du programme en raison d’un rendement insatisfaisant, l’employeur s’efforcerait de trouver un autre emploi pour le fonctionnaire. En l’occurrence, cela n’a pas été fait, en dépit des possibilités qui s’offraient à l’employeur à cet égard.

152 Le fonctionnaire a également soutenu qu’il ignorait qu’il pouvait être mis fin à son emploi au sein de la fonction publique en raison de son rendement insatisfaisant. Bien qu’il ait compris qu’il pouvait être mis fin à sa participation dans le PPSE si son rendement était jugé insatisfaisant durant sa formation, il croyait toutefois que l’engagement de l’employeur de lui trouver un autre emploi signifiait que son emploi au sein de la fonction publique serait maintenu. Le fonctionnaire a soutenu que le défaut de l’employeur de lui chercher un autre emploi rompait avec son obligation de suivre un processus équitable et, par conséquent, l’employeur avait agi de mauvaise foi.

153 Il ne fait aucun doute que la clause en cas de disqualification prévue dans les modalités et conditions d’emploi visant les participants au PPSE et d’autres documents, ainsi que dans les politiques du Conseil du Trésor, établit que l’employeur s’engage à explorer la possibilité d’offrir un autre emploi au fonctionnaire avant de décider de le licencier pour rendement insatisfaisant. On pourrait s’interroger à savoir si l’offre de l’employeur au fonctionnaire de rentrer à Ottawa et de lui verser un salaire pendant trois mois, de lui fournir un bureau et l’accès à un ordinateur pour effectuer par lui-même des recherches d’emploi satisfait aux exigences à cet égard. Il ne semble pas que cela soit le cas, si l’on suit les critères établis dans Nnagbo. Par ailleurs, compte tenu de l’atmosphère chargée en émotions dans laquelle son licenciement s’est produit, le fait de ne lui avoir accordé que quelques jours pour se décider et réfléchir à comment il devait aussi composer avec le fait que sa famille se trouvait également à Varsovie avec lui m’apparaît comme étant un traitement indument sévère. Le fonctionnaire était brillant, et l’employeur avait investi beaucoup de temps et d’efforts afin de parfaire sa formation. Il devait sûrement posséder des compétences qui auraient pu être mises à contribution, même si le poste d’agent du service extérieur ne convenait pas. Il m’apparaît désolant qu’on ne lui ait pas accordé une occasion véritable de se trouver un emploi au sein de l’employeur.

154 En dépit du malaise que je ressens quant à la manière que l’on a procédé au licenciement du fonctionnaire, je suis d’avis que cette question n’est pas de la compétence d’un arbitre de grief aux termes de l’article 230 de la LRTFP, car elle se rapporte uniquement à la décision de licencier le fonctionnaire et non à l’évaluation de son rendement. Bien que le fonctionnaire ait fait valoir que le Parlement n’a sûrement pas voulu un tel résultat, je me dois de fonder ma décision sur le libellé de la LRTFP, lequel est clair à cet égard. Tel qu’indiqué précédemment, en vertu de l’article 230, si l’arbitre de grief conclut qu’il était raisonnable pour l’administrateur général d’estimer que le rendement du fonctionnaire était insatisfaisant, alors l’arbitre de grief est tenu de conclure que le licenciement du fonctionnaire était motivé. Il n’y a aucun autre élément à ajouter à cette équation. J’ai conclu que l’évaluation du rendement du fonctionnaire par l’administrateur général était raisonnable. Par conséquent, je dois conclure que son licenciement était motivé, ce qui signifie que le grief contestant son licenciement doit être rejeté.

155 Le fonctionnaire avait également présenté deux autres griefs, contestant le refus de l’employeur de lui accorder un congé non payé. L’un des griefs vise le refus de l’employeur de lui accorder le congé prévu à l’article 25 de la convention collective, et l’autre vise le refus de l’employeur de lui accorder le congé prévu à l’article 29 de la convention collective. Contrairement à la plupart des cas portant sur une demande de congé, aucun formulaire de demande de congé n’a été produit en preuve en l’instance. Mme Chomyn a témoigné que, règle générale, les agents du service extérieur transmettent leur demande de congé par courriel, laquelle est ensuite approuvée, le cas échéant, par communication téléphonique ou par retour de courriel. Elle a précisé qu’elle s’attendait à ce qu’une mention écrite de la demande soit aussi systématiquement consignée, indiquant le type de congé demandé, la date du congé et la durée de celui-ci.

156 La preuve présentée relativement à une demande d’un congé non payé pour s’occuper de la proche famille est plutôt minime. En fait, à part d’une allusion à la possibilité de prendre un congé parental advenant la fin prématurée de son affectation à Varsovie, dans un courriel envoyé en novembre 2008 (page 10 de l’onglet T de la pièce G-1), aucune documentation n’appuie sa prétention voulant qu’il ait demandé un congé à cette fin avant le 13 juillet 2009, après qu’on l’ait informé qu’il serait licencié.

157 La preuve présentée relativement à une demande d’un congé non payé en cas de réinstallation temporaire d’un époux est presque aussi ténue. Le fonctionnaire a mentionné cela à titre de possibilité, en mai 2008, dans son formulaire de préférence d’affectation, dans l’éventualité où son affectation à Varsovie prenait fin avant celle de son épouse. Le fonctionnaire a réitéré cette possibilité en novembre 2008 lors d’un échange de courriels avec son agent d’affectation. Dans aucune de ces situations on ne retrouve quelque trace de demande officielle d’un tel congé par le fonctionnaire, ni de refus de la part de l’employeur.

158 Le 30 juin 2009, le fonctionnaire a encore une fois évoqué la possibilité d’un congé non payé en cas de réinstallation temporaire d’un époux, dans un courriel envoyé à son agent d’affectation (onglet 41 de la partie 1 de la pièce E-1), lorsqu’il a appris que son affectation à Varsovie serait écourtée. Dans ce courriel, il lui demandait également de l’informer de la démarche à suivre pour demander officiellement le congé et lui précisait qu’il comprenait qu’il lui faudrait alors présenter un formulaire de demande de congé. Ce courriel me porte à croire que, jusqu’alors, aucune demande officielle visant ce congé n’avait été formulée.

159 Le fonctionnaire a réitéré ses demandes de congé non payé dans le cadre des discussions ayant eu lieu peu avant son licenciement. Il ne fait aucun doute que lorsqu’il a formulé ses demandes, son intention était de repousser son licenciement à une date ultérieure. Il pensait que, s’il bénéficiait d’un congé non payé jusqu’au retour de sa famille au Canada, il aurait alors pu profiter de l’offre que l’employeur lui avait faite de l’aider à chercher un autre emploi. Dans les conversations et les courriels échangés au sujet de son licenciement, il avait indiqué que l’un ou l’autre de ces congés, que ce soit un congé non payé en cas de réinstallation temporaire d’un époux ou un congé non payé pour s’occuper de la proche famille, ferait son affaire. Mme Chomyn a témoigné que l’employeur n’avait pas accordé ses demandes de congé parce qu’il estimait qu’il n’aurait pas été justifiable que le fonctionnaire demeure porté à l’effectif tout en étant en congé non payé jusqu’à la fin de l’affectation de son épouse. Il estimait en outre qu’il aurait été problématique de le licencier à la fin de son congé sans solde, en plus de compliquer indument le processus de dotation.

160 Je ne crois pas que la preuve appuie la proposition voulant que le fonctionnaire ait formulé une demande officielle de congé non payé à quelque moment que ce soit avant la conférence téléphonique du 13 juillet 2009, durant laquelle l’employeur l’a avisé qu’il serait licencié s’il choisissait de ne pas retourner à Ottawa immédiatement pour se chercher un autre emploi. Jusqu’à ce moment, tout ce qu’il avait fait en ce qui avait trait à une demande de congé non payé était d’évoquer l’éventualité qu’il était possible qu’il présente une demande de congé non payé en cas de réinstallation temporaire d’un époux. L’élément qui se rapproche le plus d’une demande dans les règles était sa demande de renseignement à propos du processus à suivre pour faire une demande officielle de congé non payé, le 30 juin 2009.

161 Par ailleurs, je ne suis pas d’avis que l’employeur ait l’obligation de considérer une demande de congé non payé formulée en marge d’un licenciement, dans le but d’éviter le licenciement. L’octroi d’un tel congé n’aurait pas non plus empêché l’employeur de licencier le fonctionnaire en raison de son rendement insatisfaisant. Par conséquent, je ne puis conclure que l’employeur ait contrevenu à l’article 25 ni à l’article 29 de la convention collective. Ceci dit, même si une demande officielle de congé avait été présentée et refusée, les griefs contestant le refus d’accorder un congé non payé seraient caducs, le grief contestant le licenciement ayant été rejeté.

162 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

VI. Ordonnance

163 Le grief contestant le licenciement du fonctionnaire pour rendement insatisfaisant est rejeté.

164 Le grief contestant le refus du congé non payé en vertu de l’article 25 de la convention collective (« Congé non payé pour s’occuper de la proche famille ») est rejeté.

165 Le grief contestant le refus du congé non payé en vertu de l’article 29 de la convention collective (« Congé non payé en cas de réinstallation temporaire d’un époux ») est rejeté.

Le 17 janvier 2012.

Traduction de la CRTFP

Kate Rogers,
arbitre de grief

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