Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La fonctionnaire s’estimant lésée a contesté son licenciement après avoir échoué le Programme de formation des recrues pour les points d’entrée, dont la réussite est une condition d’emploi du poste d’agent des services frontaliers - dans son grief, elle a allégué que le processus d’examen était déficient, qu’il constituait une mesure disciplinaire et qu’il était discriminatoire - l’employeur s’est opposé à la compétence de l’arbitre de grief pour instruire le volet du grief portant sur la discrimination, ce volet n’ayant pas été soulevé lors de la procédure de règlement des griefs - la fonctionnaire s’estimant lésée souffrait d’endométriose et avait obtenu des mesures d’adaptation au travail - elle a été avisée qu’une place était libre pour elle au centre de formation de Rigaud - bien qu’elle ait exprimé quelques préoccupations au sujet du programme de formation, elle n’a pas demandé de mesures d’adaptation particulières en ce qui concerne la formation - elle a été malade durant la session de formation et manqué deux journées de cours - on lui a demandé d’obtenir les notes de cours de ses collègues et elle a été mise au courant des autres façons de reprendre le temps perdu - la fonctionnaire s’estimant lésée n’a pas obtenu la note de passage requise - elle a déposé une plainte officielle au sujet du processus d’examen, alléguant que son échec était attribuable à diverses distractions pendant l’examen - elle n’a pas invoqué de raison médicale dans sa plainte - la fonctionnaire s’estimant lésée a été affectée à un poste temporaire à Ottawa; l’affectation ne pouvant être reconduite, elle a été licenciée - l’arbitre de grief a accueilli l’objection préliminaire présentée par l’employeur, car il n’était pas convaincu que la question de la discrimination ou des mesures d’adaptation avait été soulevée auprès de l’employeur avant le renvoi du grief à l’arbitrage - même s’il avait eu tort, la preuve n’a pas démontré qu’il y avait eu discrimination - l’employeur n’avait aucune raison de savoir qu’il y avait un problème nécessitant la prise de mesures d’adaptation - l’arbitre de grief a statué que le processus d’examen n’était pas déficient et qu’il n’y avait pas d’intention disciplinaire - le principe de la préclusion ne s’appliquait pas vu l’absence de confiance préjudiciable de la part de la fonctionnaire s’estimant lésée. Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2012-05-04
  • Dossier:  566-02-3032 et 3033
  • Référence:  2012 CRTFP 55

Devant un arbitre de grief


ENTRE

JAMIE LYNN BARANYI

fonctionnaire s'estimant lésée

and

ADMINISTRATEUR GÉNÉRAL
(Agence des services frontaliers du Canada)

défendeur

Répertorié
Baranyi c. Administrateur général (Agence des services frontaliers du Canada)

Affaire concernant des griefs renvoyés à l’arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Augustus Richardson, arbitre de grief

Pour la fonctionnaire s'estimant lésée:
Tiffani Murray, Alliance de la Fonction publique du Canada

Pour le défendeur:
Christine Diguer, avocate

Affaire entendue à Hamilton (Ontario),
du 6 au 9 décembre 2011; arguments écrits déposé le 30 décembre 2011 et les 13 et
20 janvier 2012.
(Traduction de la CRTFP)

I. Introduction

1 Le 15 octobre 2007, la fonctionnaire s’estimant lésée (la « fonctionnaire »), Jamie Lynn Baranyi, une agente des services frontaliers de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC), a échoué à un examen écrit faisant partie du Programme de formation des recrues pour les points d’entrée (FORPE), administré par le Collège des douanes et accises de Rigaud, au Québec (« Rigaud ») au nom de l’ASFC. Pour être embauchée en tant qu’agente des services frontaliers à l’ASFC, Mme Baranyi devait réussir le programme FORPE. Comme elle a échoué à l’examen, elle a été licenciée le 20 juin 2008.

II. Griefs individuels renvoyés à l’arbitrage

2 Le syndicat de Mme Baranyi, l’Alliance de la Fonction publique du Canada (AFPC ou le « syndicat »), a contesté le licenciement de la fonctionnaire. Il a renvoyé le grief à l’arbitrage en vertu de l’alinéa 209(1)b) et du sous-alinéa 209(1)c)(i) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la « Loi »). Il a déclaré ce qui suit :

[Traduction]

  1. La procédure d’examen et son application étaient déficientes et constituaient par conséquent une mesure disciplinaire qui a entraîné le licenciement.
  2. Il y a également eu discrimination contrevenant à l’article 19 de la convention collective entre son syndicat et l’ASFC.

3 L’ASFC s’est opposée à ma compétence pour entendre le deuxième aspect de ce grief. Elle a déclaré que la question n’avait pas été soulevée lors de la procédure de règlement des griefs. Par conséquent, elle croit que je n’ai pas la compétence pour entendre le grief de discrimination. Seules les questions qui se sont rendues au dernier palier de la procédure de règlement des griefs peuvent être renvoyées à l’arbitrage.

4 Pour ce qui est du premier grief, l’ASFC a déclaré que le licenciement de la fonctionnaire n’était pas injuste et ne représentait pas une mesure disciplinaire. La fonctionnaire devait réussir le programme FORPE à Rigaud pour garder son emploi. Comme Mme Baranyi n’a pas réussi le cours, l’ASFC était en droit de la licencier.

II. Résumé de la preuve

5 Comme il y a un licenciement en cause dans ces griefs, l’ASFC s’était préparée à faire valoir ses arguments en premier. J’ai entendu les preuves présentées au nom de l’ASFC par Helene Helde, qui était la directrice à Rigaud quand Mme Baranyi y était; Brad Beattie, qui a administré et corrigé l’examen écrit que Mme Baranyi n’a pas réussi; Lynn Murray, facilitatrice et professeure à Rigaud pendant la période visée; Graham Noseworthy, maintenant retraité, qui était alors le directeur général régional de la région Niagara Falls-Fort Erie (la « région »); Tony Geoghegan, qui était le directeur général régional intérimaire de la région quand Mme Baranyi a été licenciée, en juin 2008, et qui a signé la lettre de licenciement.

6 Mme Baranyi a présenté ses preuves en son nom.

7 Les parties ont aussi convenu que les preuves provenant de Jake Baizana (pour le syndicat) et de Catherine Anderson (pour l’ASFC) sur les discussions qui ont eu lieu lors de la réunion du 30 mars 2009 (dernier niveau de la procédure de règlement des griefs) seraient tirées des notes de réunion de ces deux personnes, marquées « pièce U37 » et « pièce E38 », respectivement.

8 Enfin, après avoir entendu les témoignages oraux le 9 décembre 2011, j’ai reçu des exposés écrits détaillés des avocats de l’ASFC (30 décembre 2011 et 20 janvier 2012) et du syndicat, au nom de Mme Baranyi (13 janvier 2012).

9 Les exposés des faits des témoins contiennent peu de contradictions. Je ne vois aucune utilité à fournir des exposés précis de leurs témoignages. Je crois que je pourrais simplement énoncer les faits comme je les vois, en fonction de ces preuves. Les témoignages des témoins et de Mme Baranyi ne concordent pas sur un ou deux points. Dans ces cas, je décrirai et j’évaluerai les témoignages plus en détail.

A. Contexte factuel

10 Mme Baranyi a déclaré lors de l’interrogatoire principal qu’elle avait appris en 1999 qu’elle souffrait d’endométriose. Cette maladie causait parfois la formation de kystes ovariens pouvant être extrêmement douloureux, ainsi que des écoulements menstruels très abondants et des migraines violentes, parfois même débilitantes. Elle souffrait parfois de dépression et d’anxiété, deux troubles qui, selon elle, étaient liés à sa maladie. Elle souffrait aussi du syndrome du colon irritable, ou l’avait développé après un certain temps.

11 Le 7 mai 2001, Mme Baranyi a accepté une affectation à temps plein pour une durée déterminée pour un poste d’inspectrice des douanes (PM-02) à l’ASFC dans la région. Elle a été embauchée pour une période de stage. Le mandat initial devait se terminer le 29 juin 2001. Les conditions de stage de la fonctionnaire étaient les suivantes (pièce U7, onglet A) :

[Traduction]

[…] réussir le Programme de recrutement et de formation des inspecteurs des douanes (PRFID), qui comprend les éléments suivants :

  1. Une formation sur l’application du Code criminel, y compris une formation sur la protection corporelle, qui exige des efforts physiques, une formation sur les pouvoirs des agents et une formation sur les armes à feu;
  2. Un programme de formation officiel de neuf semaines au Collège des douanes et accises de Rigaud, au Québec, dont les dates seront fixées par votre superviseur. (Pièce U7, onglet A)

12 On avait indiqué dans l’offre que [traduction] « […] un échec au PRFID entraînera un licenciement » (pièce U7, onglet A).

13 Rigaud est une installation de formation centrale pour les agents des douanes et les agents des services frontaliers. Les recrues proviennent de partout au Canada. Elles habitent en résidence pendant qu’elles suivent les cours et passent les examens requis pour réussir leur formation et remplir leurs conditions d’emploi. Avec les années, les inspecteurs des douanes sont devenus des agents des services frontaliers, et Douanes Canada est devenu l’ASFC. Le programme de formation a évolué avec ces changements. Avec les années, il s’est créé une longue liste d’attente pour le programme FORPE.

14 Le 26 juin 2001, Mme Baranyi a accepté une affectation à temps plein d’une durée indéterminée pour un poste d’inspectrice des douanes (PM-02) au pont Peace, dans le district de Fort Erie de ce qui était alors Douanes Canada. Cette fois encore, il était précisé que l’offre était [traduction] « […] conditionnelle à la réussite du Programme de recrutement et de formation des inspecteurs des douanes (PRFID) », qui comprenait les éléments suivants (pièce U7, onglet B) :

[Traduction]

  1. Un programme de formation officiel de neuf semaines au Collège des douanes et accises de Rigaud, au Québec, dont les dates seront fixées par votre superviseur.
  2. Une formation sur l’application du Code criminel, y compris une formation sur la protection corporelle, qui exige des efforts physiques, une formation sur les pouvoirs des agents et une formation sur les armes à feu.

15 Il était noté dans la lettre d’offre que [traduction] « […] un échec à un des éléments du PRFID entraînera un licenciement » (pièce U7, onglet B). Mme Baranyi a déclaré qu’elle comprenait qu’elle [traduction] « devait réussir le programme à Rigaud ».

16 M. Noseworthy a été nommé directeur général régional de la région en 2002. Il a appris qu’un grand nombre d’agents, comme Mme Baranyi, n’avaient pas encore suivi la formation, et il s’est donné comme priorité de les envoyer à Rigaud dès que possible.

17 Pendant cette période (2002-2003), Mme Baranyi est partie en congé de courte durée pour invalidité en raison de sa maladie. Elle a déclaré avoir été absente pendant environ six mois et être retournée au travail dans un poste adapté. Elle a occupé de façon intérimaire un poste adapté d’agente des services de programme/de soutien de novembre 2003 à novembre 2004.

18 Mme Baranyi a expliqué qu’elle avait, en conjonction avec la Sun Life, son fournisseur de prestations d’invalidité, entamé le processus de retour au travail en rencontrant Joanne Brown, la dirigeante principale des ressources humaines de la région. Elle a présenté de l’information obtenue de son médecin et a déclaré que [traduction] « la Sun Life, le médecin et [elle]-même » avaient déterminé qu’elle pouvait recommencer à travailler graduellement dans un poste adapté. La mesure d’adaptation était en fait une affectation à un poste pour lequel elle n’avait pas à porter la lourde ceinture avec tous ses accessoires, qui aggravait les douleurs pelviennes causées par sa maladie.

19 En novembre 2004, Mme Baranyi est entrée dans ses nouvelles fonctions d’agente des services frontaliers au centre d’inscription EXPRES/NEXUS de la région. Il s’agissait aussi d’un poste adapté. Elle avait toujours la même incapacité, mais le poste a été changé. Mme Baranyi a déclaré que, cette fois, elle n’avait pas rencontré Mme Brown au préalable. Son médecin avait simplement rempli les formulaires requis pour démontrer qu’elle avait besoin d’un poste adapté, et on l’avait avisée qu’un poste adapté était disponible pour elle au centre EXPRES/NEXUS.

20 Le 7 décembre 2004, l’ASFC, qui avait été formée récemment, a offert à Mme Baranyi un poste d’inspectrice des douanes (PM-03), dont le mandat devait commencer le 8 octobre 2004. L’offre était accompagnée d’un [traduction] « […] document résumant les conditions d’emploi pertinentes » (pièce U7, onglet C), dans lequel on trouvait la déclaration suivante : [traduction] « Cette offre d’emploi est conditionnelle à la réussite du Programme de recrutement et de formation des inspecteurs des douanes (PRFID) » (pièce U7, onglet C). Mme Baranyi a accepté l’offre le 16 décembre 2004.

21 Il y avait toujours une liste d’attente pour la formation à Rigaud. Mme Baranyi a continué de travailler au centre EXPRES/NEXUS. Elle s’est décrite comme étant une bonne employée, ce qui n’a pas été contredit par l’ASFC. Elle aimait son travail.

22 Deux événements sont survenus au printemps 2007.

23 Premièrement, Mme Baranyi a appris qu’on lui avait enfin trouvé une place à Rigaud et qu’elle allait suivre le programme FORPE en septembre. Deuxièmement, elle a appris qu’elle allait subir une intervention chirurgicale majeure (une hystérectomie) le 13 novembre 2007 afin de corriger les symptômes débilitants associés à son endométriose.

24 Ces deux événements inspiraient à Mme Baranyi des sentiments partagés.

25 Mme Baranyi a déclaré que, quand elle a appris qu’elle s’en allait à Rigaud, elle était [traduction] « enthousiaste à l’idée de compléter [sa] formation pour pouvoir gravir les échelons de l’organisation ». D’un autre côté, elle avait peur [traduction] « de perdre [son] poste si [elle échouait] au programme ». Elle ne savait pas comment elle allait [traduction] « trouver un autre emploi si [elle était] invalide ». Elle avait aussi des sentiments partagés quand elle pensait à sa chirurgie prochaine. Elle espérait désespérément être soulagée de ses symptômes, mais la pensée qu’elle ne pourrait pas avoir d’enfants la déprimait. Elle a déclaré qu’elle craignait aussi que [traduction] « le stress associé à [sa] chirurgie prochaine » nuise à sa capacité de réussir le programme FORPE à Rigaud.

26 Mme Baranyi a déclaré qu’elle avait discuté avec M. Noseworthy et Doug Branton, son superviseur, de ses préoccupations concernant le programme FORPE et sa chirurgie. Elle leur aurait demandé de rester dans son poste adapté au centre EXPRES/NEXUS, et ce pour deux raisons. Premièrement, elle aurait du temps pour se remettre après sa chirurgie. Deuxièmement, elle adorait son travail au centre EXPRES/NEXUS. Elle a indiqué qu’on lui avait dit qu’elle était la dernière personne sur la liste d’attente pour le programme FORPE, qu’elle devait suivre le cours, que d’autres personnes avaient besoin d’un poste adapté et qu’aucun poste n’était disponible pour ces personnes en ce moment. Mme Baranyi a ajouté qu’elle avait compris que cela voulait dire qu’elle [traduction] « ne pouvait pas rester au centre EXPRES/NEXUS ».

27 Mme Baranyi a déclaré qu’elle avait discuté de ses préoccupations avec Carrie Taylor, sa représentante du Programme d’aide aux employés. Le 31 mai 2007, elle a envoyé à Mme Taylor un courriel dans lequel elle demandait de la rencontrer : [traduction] « […] pour discuter de certaines questions/préoccupations en privé » (pièce U29). Elle a déclaré que, pendant la rencontre, elle avait parlé de ses préoccupations par rapport à sa chirurgie prochaine et à sa formation à Rigaud. Elle a indiqué qu’elle se demandait si elle pouvait rester dans son poste au centre EXPRES/NEXUS et aller à Rigaud plus tard après sa chirurgie. Elle a ajouté qu’elle aurait un traitement médical à suivre (elle allait devoir recevoir des injections toutes les quatre semaines en milieu hospitalier) pendant qu’elle serait à Rigaud. Elle a dit à Mme Taylor que cette situation la stressait beaucoup et elle lui a posé les questions suivantes : [traduction] « Je n’aime pas cette situation. Est-ce que j’ai un choix? Qu’est-ce que je peux faire? »

28 Je suis convaincu que Mme Baranyi et Mme Taylor ont eu un entretien le 11 juillet 2007. Il est tout à fait probable que la fonctionnaire ait mentionné lors de cette rencontre qu’elle adorait son travail au centre EXPRES/NEXUS et qu’elle ait exprimé ses préoccupations quant au programme FORPE. Toutefois, je ne suis pas convaincu qu’il s’agissait de plus qu’une discussion informelle. Plus précisément, je ne suis pas convaincu que la fonctionnaire ait dit quoi que ce soit qui représenterait une déclaration que son état de santé allait nuire à sa capacité de réussir le programme FORPE à Rigaud, ou qu’elle ait dit qu’elle avait besoin d’un poste adapté en raison de son état. Mme Baranyi n’a rien déclaré à cet effet. De plus, après avoir examiné les courriels échangés entre Mme Taylor et Mme Baranyi les 11 et 12 juillet 2007, je note que seuls les points suivants sont mentionnés (pièce U30) :

  1. Le fait que Mme Baranyi devait remettre son insigne d’agent avant de partir à Rigaud;
  2. Les éléments de son uniforme dont elle aurait besoin pour la cérémonie de remise des diplômes à Rigaud;
  3. Où aller et comment procéder pour recevoir ses injections quand elle serait à Rigaud;
  4. Mme Baranyi avisant Mme Taylor qu’elle aurait besoin de six à huit semaines pour se remettre après sa chirurgie;
  5. Mme Baranyi demandant où elle devrait se rendre à son retour de Rigaud.

29 Aucune mention n’est faite quant à l’invalidité de la fonctionnaire ou du fait que son état pourrait nuire à sa capacité de réussir la formation à Rigaud. Mme Baranyi ne demande pas non plus qu’on lui permette de garder son poste adapté ou qu’on reporte son voyage à Rigaud à une date postérieure, soit après sa chirurgie en novembre. Elle connaissait bien le processus d’adaptation ainsi que l’incidence de sa maladie sur sa capacité de fonctionner. On aurait pensé qu’il aurait été mention de ces questions dans l’échange de courriels si une discussion sérieuse avait eu lieu concernant un problème exigeant une mesure d’adaptation. Le fait qu’il ne soit aucunement fait mention des préoccupations de la fonctionnaire quant à sa capacité de réussir le programme FORPE ou des mesures d’adaptation dont elle avait besoin pour lui permettre de subir sa chirurgie avant de suivre le programme FORPE porte à croire que ces points n’ont pas été discutés.

30 Mme Baranyi a déclaré qu’elle avait parlé de ses préoccupations à M. Noseworthy avant de partir à Rigaud. Elle lui aurait dit ce qui suit : [traduction] « Je suis contente d’être membre de l’équipe […] je comprends que je dois suivre la formation, mais est-ce qu’il serait possible de m’accorder un droit acquis ou de me nommer à un poste? » Elle a aussi déclaré ce qui suit : [traduction] « Nous avons discuté de ce qui pourrait être fait si je ne réussissais pas la formation, et il a promis que j’aurais toujours un poste à l’Agence, que ce soit un poste de commis ou un emploi au service des finances ou au centre d’inscription du côté des États-Unis. » Elle a indiqué qu’elle avait discuté avec M. Noseworthy de ces questions avant et après sa formation à Rigaud.

31 Le témoignage de M. Noseworthy diffère de celui de Mme Baranyi pour ce qui est des discussions qu’il aurait eues avec elle avant qu’elle parte à Rigaud. Il a déclaré qu’en juin 2007, Al Campbell, le gestionnaire responsable des ressources humaines, lui a annoncé qu’il y avait une place pour Mme Baranyi à Rigaud. M. Campbell lui a assuré que Mme Baranyi était prête à suivre la formation. Il lui a dit que [traduction] « le personnel avait rencontré Mme Baranyi, que le superviseur avait rencontré Mme Baranyi et que tout le monde était confiant qu’elle réussirait la formation, y compris Mme Baranyi […] elle a donc été inscrite, et elle est partie à Rigaud ». M. Noseworthy a déclaré qu’il était possible qu’il ait eu des discussions informelles avec Mme Baranyi avant qu’elle parte à Rigaud, car il y avait beaucoup d’échanges entre leurs deux milieux de travail. Mais il ne se souvenait de rien qui aurait été dit au sujet du programme FORPE ou des préoccupations de la fonctionnaire concernant Rigaud.

32 Après avoir étudié toutes les preuves, je suis convaincu que Mme Baranyi n’a pas confié à M. Noseworthy qu’elle craignait de ne pas réussir le programme FORPE à Rigaud et surtout que M. Noseworthy n’a pas promis à la fonctionnaire qu’elle aurait toujours un poste à l’Agence. J’arrive à cette conclusion pour les raisons suivantes.

33 Premièrement, il me paraît très peu probable qu’une personne occupant le poste de M. Noseworthy aurait promis à Mme Baranyi qu’elle aurait toujours un poste à l’ASFC même si elle ne réussissait pas le programme FORPE. La réussite de cet examen était une condition énoncée dans son contrat de travail, et cette condition avait été respectée dans le passé. Si M. Noseworthy décidait d’ignorer cette condition dans le cas de Mme Baranyi, il créerait de gros problèmes pour l’ASFC pour ce qui est des autres employés qui ont échoué à la formation. Ce geste aurait entraîné des rumeurs de favoritisme, et ces rumeurs sont toujours dangereuses dans les grandes bureaucraties.

34 Deuxièmement, si une telle promesse avait été faite, surtout si elle avait été faite avant que Mme Baranyi parte à Rigaud, il en aurait probablement été question par écrit. Nulle part dans les documents écrits produits en preuve ne fait-on référence à une telle promesse. En effet, on ne fait pas référence à cette promesse dans le grief.

35 Cela ne signifie pas que les discussions en question n’ont jamais eu lieu. Comme je le mentionnerai plus tard, je suis convaincu que ces discussions ont bien eu lieu, mais bien après l’échec de Mme Baranyi.

36 Mme Baranyi a commencé le programme FORPE le 4 septembre 2007. Le programme FORPE remplaçait le PRFID et il était plus court, soit sept semaines au lieu de neuf. J’ai cru comprendre en examinant les preuves des témoins, y compris Mme Baranyi, que le programme avait été raccourci à la suite des changements apportés à la formation offerte à Rigaud, et non parce qu’on avait voulu raccourcir la période de formation sans diminuer la matière.

37 Mme Baranyi a reçu quelques documents à son arrivée à Rigaud en septembre 2007.

38 Un de ces documents, la [traduction] « Feuille d’identification de l’apprenant » du programme FORPE, était inclus dans le dossier de tous les apprenants (pièce E13). On y demandait des renseignements personnels de base, comme l’adresse et les coordonnées d’un contact en cas d’urgence. Le document contenait une section [traduction] « Autres informations : (p. ex. maladies/médicaments/allergies) ». Mme Baranyi a inscrit ses allergies dans cette section. Elle a également indiqué qu’elle prenait des médicaments, et elle a ajouté ce qui suit : [traduction] « Maladie - endométriose – Le traitement est une dose de Lupron injectée par une infirmière toutes les quatre semaines » (pièce E13).

39 Le [traduction] « Manuel du programme » du programme FORPE faisait aussi partie des documents remis (pièce E8). On y présentait les leçons et les objectifs du programme. On précisait que l’autoformation était un élément important du programme. On y trouvait le passage suivant : [traduction] « Vous allez voir une grande partie du contenu par vous-même. N’hésitez pas à parler à un facilitateur si vous avez besoin d’une aide individuelle ou d’un encadrement » (pièce E8, page 2). Les participants devaient assister à toutes les séances et obtenir toute l’information liée à la formation. On précisait ce qui suit : [traduction] « Dans des cas exceptionnels, comme une maladie ou un imprévu, des mesures peuvent être prises pour veiller à ce que vous receviez l’information appropriée et que vous puissiez terminer votre formation » (pièce E8, page 22).

40 La fonctionnaire a aussi reçu le [traduction] « Guide des objectifs des examens du programme » du programme FORPE (pièce E9). On y expliquait en détail la procédure d’évaluation, qui comprenait des examens écrits et des exercices de simulation, ainsi que le barème de correction. Les participants étaient évalués en fonction de deux [traduction] « points de détermination », D1 et D2. Il y avait deux examens et une série d’exercices de simulation pour chaque point de détermination. Pour réussir les examens écrits de chaque point de détermination, les apprenants devaient obtenir une moyenne de 70 % ou plus pour les deux examens, et ils ne pouvaient pas avoir obtenu une note de moins de 50 % pour un examen (pièce E9, page 2). Il y avait aussi un avertissement pour les participants : [traduction] « Si vous éprouvez, avant ou pendant la période d’examen, un malaise physique suffisamment grave pour nuire à votre réussite, vous devez immédiatement en informer les responsables de l’examen ou l’administrateur de la formation » (pièce E9, page 4).

41 Mme Helde et Mme Murray ont toutes les deux déclaré que l’administration et le corps professoral de Rigaud attendaient des recrues qu’elles assument personnellement la responsabilité de leur réussite. Les recrues sont des adultes et elles sont traitées en adulte. Elles doivent assister aux séances, faire leurs lectures et faire leurs devoirs. Si elles manquent un cours, elles doivent se rattraper en parlant avec les professeurs, en obtenant les notes d’autres recrues ou en faisant leurs lectures plus soigneusement.

42 Sur la question des mesures d’adaptation, Mme Helde a expliqué que, dans le passé, on avait pris des mesures d’adaptation à Rigaud pour des personnes qui avaient une déficience, comme de la dyslexie. Toutefois, le collège n’a pas les installations nécessaires pour évaluer les déficiences ou offrir à ces personnes des mesures d’adaptation convenables. Il s’en remet aux recrues et à leur superviseur pour régler ces questions avant l’arrivée des recrues et l’informer des détails des mesures requises. Dans le cas de Mme Baranyi, Rigaud n’a reçu aucune information et aucun conseil laissant entendre que la fonctionnaire souffrait d’une déficience qui nuirait à sa réussite.

43 Après avoir étudié les preuves de Mme Helde, de Mme Murray et de Mme Baranyi, je suis convaincu que l’administration et le corps professoral savaient que Mme Baranyi souffrait d’endométriose et avait besoin d’un traitement (une visite à l’hôpital toutes les quatre semaines pour recevoir une injection). Toutefois, Mme Baranyi n’a jamais donné à penser que sa maladie nuirait à sa capacité d’apprendre, de comprendre ou d’étudier en vue des examens qu’elle allait devoir passer.

44 La formation de sept semaines à Rigaud était divisée en deux parties. Comme je l’ai déjà mentionné, chacune des parties se terminait par une évaluation par [traduction] « point de détermination » qui consistait en deux examens écrits et une série d’exercices de simulation. La première période d’évaluation (D1) a eu lieu les 17 et 18 septembre 2007 et la deuxième (D2), les 15 et 16 octobre 2007.

45 Pour les deux évaluations (D1 et D2), l’avis suivant apparaissait sur la page couverture de chaque examen écrit (Mme Baranyi a signé tous ses examens) :

[Traduction]

IMPORTANT : Si vous éprouvez un malaise physique ou psychologique suffisamment grave pour nuire à votre réussite, vous être responsable d’en aviser la personne qui administre l’examen avant le début de l’examen. Si vous commencez l’examen malgré votre malaise, vous devez accepter les résultats de l’examen (pièce E15).

Il y avait un espace immédiatement sous l’avertissement où les recrues devaient apposer leurs initiales. Mme Baranyi a apposé ses initiales sur tous les examens.

46 Mme Baranyi a réussi les examens écrits et les exercices de simulation de la première partie (D1) les 17 et 18 septembre 2007. Cependant, ses résultats pour les parties avec et sans documentation étaient « moyens ». On lui a recommandé par la suite de revoir complètement plusieurs parties du matériel. De plus, [traduction] « comme vous avez obtenu des résultats moyens pour les deux examens, nous vous recommandons de prendre rendez-vous avec Brad Beattie (2658) pour discuter de votre cheminement » (pièce E15).

47 Mme Baranyi a signé ses résultats directement sous la recommandation. Toutefois, elle n’a pas tenté de prendre rendez-vous avec M. Beattie pour discuter de son cheminement ou de ses résultats d’examen.

48 Le lundi 24 septembre, elle était en classe. Elle ne se sentait pas bien. Vers 11 h 20, elle avait une violente migraine. Elle se sentait faible. Elle avait des écoulements menstruels abondants en raison du traitement qu’elle recevait pour son endométriose. Un camarade de classe l’a reconduite à l’hôpital local, où elle a passé la nuit (pièces E18 et U21). Elle est sortie de l’hôpital le lendemain, soit un mardi, et elle était de retour à Rigaud tard dans la journée. Elle a donc manqué presque deux jours de classe. À son retour, elle a dû signer une renonciation (pièce U20).

49 Dans la renonciation, Mme Baranyi a déclaré qu’elle avait été absente parce qu’elle avait été malade, et elle a ajouté ce qui suit : [traduction] « […] mon spécialiste m’a recommandé de me rendre à la salle d’urgence la plus près pour recevoir mes médicaments et passer quelques tests » (pièce U20). La renonciation contenait l’avertissement suivant :

[Traduction]

Par la présente, je consens que ni l’Agence des services frontaliers du Canada ou son Centre d’apprentissage, ni le Programme de formation des recrues pour les points d’entrée ou son personnel de formation n’assument une quelconque responsabilité concernant la matière enseignée pendant mon absence. Je recevrai tous les documents distribués en classe pendant mon absence. Je comprends que je suis responsable de tout le contenu que j’ai manqué.

50 Mme Baranyi a déclaré qu’elle s’était sentie obligée de signer la renonciation : [traduction] « […] il me semblait que je n’avais pas le choix de signer la renonciation, parce que je devais la signer pour pouvoir revenir au collège, et si je ne revenais pas, je ne respecterais pas une condition d’emploi et je perdrais mon emploi ».

51 Elle a confié à Mme Murray qu’elle s’inquiétait parce qu’elle avait manqué deux jours de classe. Mme Murray l’a rassurée. Elle lui a suggéré d’obtenir les notes de ses camarades de classe et lui a dit quel matériel de référence consulter. Elle pouvait aussi étudier une affiche dans la salle de classe, les notes sur le tableau ainsi que les notes et le matériel sur le site intranet de Rigaud. Mme Baranyi a obtenu des notes de ses camarades de classe.

52 Il est à noter que Mme Baranyi a pris une part active aux activités parascolaires pendant qu’elle était à Rigaud. Elle a participé à des défis et épreuves physiques parascolaires. Elle a assisté à une soirée karaoké et elle est sortie plusieurs fois avec ses camarades de classe à Rigaud, à Ottawa, à Montréal, et même à New York (à sept heures de route) durant la fin de semaine de l’Action de grâces, du 6 au 8 octobre 2007 (longtemps après son séjour à l’hôpital). Elle a déclaré qu’elle étudiait avec ses camarades de classe pendant ces voyages.

53 Mme Baranyi et les autres recrues ont passé l’évaluation D2 les 15 et 16 octobre 2007. Comme pour l’évaluation D1, l’évaluation D2 comprenait, d’une part, deux examens écrits, un avec et un sans documentation, et d’autre part, des exercices de simulation. Le même avertissement sur les malaises physiques ou psychologiques apparaissait sur chacun de ces examens, et tous étaient signés et paraphés par Mme Baranyi (pièce E6). M. Beattie a expliqué la procédure d’examen aux participants avant de commencer l’examen, puis il a confié la salle à un surveillant (un membre du personnel administratif de Rigaud), et il est retourné à son bureau pour corriger une autre série d’examens. Il a dit aux recrues qu’il serait disponible pour répondre à des questions pendant l’examen.

54 Pendant l’examen, Mme Baranyi a eu au moins une question à laquelle le surveillant ne pouvait pas répondre; on est donc allé chercher M. Beattie, et Mme Baranyi a pu lui poser sa question. Les plaintes de Mme Baranyi sur le processus d’examen portaient principalement sur son échange avec M. Beattie et les allées et venues périodiques de ce dernier entre son bureau et la salle de classe pendant l’examen. Je reviendrai sur ces détails plus tard.

55 Mme Baranyi a terminé l’examen, mais elle a obtenu une note moyenne de moins de 70 % pour les deux examens. Elle n’a donc pas rempli la deuxième condition pour les examens écrits de l’évaluation D2 et, par conséquent, elle n’a pas réussi la formation (pièce E16). Elle était la seule dans son groupe de recrues à échouer à l’examen. Une autre personne a échoué aux exercices de simulation.

56 L’examen de Mme Baranyi a été recorrigé deux fois par d’autres employés. La note finale variait légèrement d’une fois à l’autre, mais dans aucun des cas elle n’atteignait la note de passage. Mme Baranyi a reçu les résultats le 18 octobre 2007. Elle a refusé de signer le rapport d’évaluation. Conformément à la procédure normale de Rigaud, Mme Baranyi a été escortée à sa chambre, où on lui a ordonné de faire ses valises, puis elle a été escortée à l’extérieur du bâtiment. Elle a trouvé ce traitement extrêmement troublant. Je suis convaincu que c’était le cas.

57 Le 22 octobre 2007, Mme Baranyi a déposé une plainte officielle sur le processus d’examen, particulièrement sur les commentaires de M. Beattie [traduction] « […] avant et pendant l’examen avec documentation qui ont nui à [sa] capacité de réussir l’examen » (pièce E11).

58 La plainte faisait plus de trois pages à simple interligne et portait uniquement sur les prétendues distractions causées par M. Beattie. Parmi ces distractions, Mme Baranyi a mentionné des commentaires qui :

  1. la faisait douter des réponses qu’elle avait données plus tôt pendant l’examen;
  2. détournaient son attention;
  3. [traduction] « […] [la] faisaient paniquer en [lui] rappelant que [sa] carrière de 10 ans à l’Agence était entre ses mains […] » (pièce E11, pages 1 et 2).

59 On ressent bien le ton de la plainte de Mme Baranyi dans le passage suivant (pièce E11, pages 1 et 2) :

[Traduction]

[…]

J’ai cru comprendre que le censeur doit être présent pour énoncer les instructions devant la classe. Aucun commentaire ne devrait être fait à ce moment-là. Brad Beattie a fait plusieurs commentaires avant le début de l’examen avec documentation, y compris les suivants :

Faites attention de ne pas vous contredire dans vos réponses. Par exemple, choisissez une seule démarche par article, ne forcez pas quelqu’un à payer pour un article avant de saisir ce même article.

Décidez ce que vous voulez faire et évitez de vous contredire. Par exemple, une fouille sommaire et une fouille personnelle.

Rappelez-vous qu’il s’agit d’un examen par déduction, alors n’inscrivez pas plus de réponses que nécessaire. Il vaut mieux ne pas mettre une réponse si vous n’êtes pas certain qu’elle est correcte, car si une partie de la réponse n’est pas bonne, toute la réponse sera considérée comme mauvaise.

C’est moi qui corrigerai vos examens. Je serai dans mon bureau si vous avez des questions.

Je me suis sentie intimidée par Brad Beattie et j’avais peur de lui poser des questions. Il m’a fait paniquer, car ses commentaires me rappelaient que ma carrière de 10 ans à l’Agence était entre ses mains.

J’ai posé une question à Brad pendant l’examen avec documentation, et je crois que sa réponse était une attaque personnelle. Par la suite, j’étais encore plus distraite. Quand je lui ai demandé de jeter un œil à la réponse que j’avais inscrite au bas de la question, voici ce qu’il m’a répondu :

Mais pourquoi TU perds autant de temps? Je n’arrive pas à croire que TU gaspilles tout ce temps. Qu’est-ce que TU fais? Tu dois écrire tes réponses sur la feuille de réponse.

J’estime que cette réponse était une insulte et une attaque personnelle. J’ai essayé de me calmer pour terminer l’examen, mais je ne pouvais pas arrêter de penser que Brad aller corriger mon examen avec une opinion préconçue fondée sur la question que je lui avais posée pendant l’examen.

60 Mme Baranyi s’est aussi plainte du fait que M. Beattie était entré dans la salle de classe et en était sorti plusieurs fois, [traduction] « ce que plusieurs d’entre nous avons trouvé distrayant ». De plus, il [traduction] « […] travaillait sur les ordinateurs pendant que nous faisions nos examens. Les ordinateurs ont émis des bips à plusieurs reprises, ce qui était assez distrayant » (pièce E11, page 2).

61 L’ASFC a enquêté sur la plainte de Mme Baranyi. On a communiqué avec Rigaud et on a interrogé M. Beattie. Le 6 novembre 2007, Margaret Rashid, directrice générale responsable des programmes de ressources humaines, a envoyé un courriel à Mme Baranyi pour l’aviser que Cathy Munroe et elle-même avaient examiné sa plainte ainsi que l’information qui avait été fournie par la direction de Rigaud. Elle a précisé qu’on avait déterminé que Mme Baranyi avait eu [traduction] « […] les mêmes chances que toutes les autres recrues ». Elle a indiqué que les commentaires de M. Beattie étaient [traduction] « […] de l’information standard fournie à toutes les recrues lors de ce genre de séances d’évaluation ». Elle a noté que d’autres évaluateurs avaient vérifié les résultats de Mme Baranyi [traduction] « […] pour éliminer tout risque de parti pris », et qu’ils étaient arrivés aux mêmes résultats. Mme Rashid a conclu en disant que [traduction] « […] il n’est pas nécessaire d’examiner la question plus à fond », et elle a dit à Mme Baranyi que si elle le souhaitait, elle pouvait déposer un grief officiel (pièce E12).

62 Je tiens à noter qu’il n’est fait nulle part mention de la maladie de Mme Baranyi dans la plainte officielle. Il n’est pas non plus question du fait que cette maladie aurait nui à sa capacité de réussir l’examen ou du fait qu’aucune mesure d’adaptation ne lui aurait été offerte. En fait, les détails contenus dans l’exposé des faits de sa plainte officielle ainsi que la force de son argumentation suggèrent que sa maladie ne diminuait ni sa mémoire ni sa capacité de raisonnement.

63 Je suis convaincu, sur la foi de la preuve, que M. Beattie n’a pas intimidé Mme Baranyi et ne l’a pas harcelée de quelque manière que ce soit. J’appuie ma conclusion sur les témoignages de Mme Baranyi et de M. Beattie ainsi que sur l’énoncé écrit des faits fournis par Mme Baranyi dans sa plainte initiale du 22 octobre 2007 (pièce E11) et dans une plainte ultérieure auprès de la Commission canadienne des droits de la personne (pièce U7, onglet N). Je suis d’avis que les allées et venues de M. Beattie constituaient un comportement normal. Pendant un examen, les étudiants ont parfois des questions. Les surveillants ou les conseillers viennent leur répondre. Des étudiants quittent la salle avant la fin de l’examen. Des livres sont ouverts et fermés. On entend des bruits de feuille. Et oui, dans les salles de classe modernes, on éteint les ordinateurs. Tout cela est normal.

64 Selon la preuve, le plus qu’on puisse concéder à Mme Baranyi, c’est qu’il est probable que M. Beattie ait répondu à sa question sur un ton exaspéré. Après avoir examiné la preuve, je suis convaincu qu’au début de l’examen, il avait expressément déconseillé aux recrues d’adopter l’approche au sujet de laquelle elle lui a posé une question. C’est pourquoi il a pu sembler exaspéré (si ce sentiment était en fait exprimé). Mais l’exaspération n’est pas du harcèlement ni n’a pour but de ridiculiser. Et dans ce cas, le sentiment était bref. Je suis convaincu que, si l’incident s’est réellement produit, il s’agissait au plus d’un petit accroc qui n’a pas nui à la capacité de la fonctionnaire de réussir l’examen. Mme Baranyi pouvait terminer l’examen selon les instructions, ce qu’elle a fait. Elle a réussi l’examen, mais elle n’a pas atteint la note de passage moyenne requise (pièce E16).

65 Mme Baranyi a très bien pu ressentir du stress relativement à l’examen. Beaucoup de choses dépendaient de sa réussite. Mais toutes les autres recrues qui ont passé l’examen avec elle étaient en proie au même stress et étaient exposées aux mêmes conséquences. Je peux comprendre que le stress de Mme Baranyi était peut-être plus grand, parce qu’elle y avait travaillé plus longtemps. Par conséquent, elle avait peut-être plus à perdre qu’une nouvelle recrue. D’un autre côté, on pourrait penser justement que, parce qu’elle avait travaillé si longtemps à l’ASFC, elle aurait été moins stressée que les autres, parce qu’elle savait plus de choses et avait plus d’expérience qu’une nouvelle recrue.

66 Je veux également souligner que toutes les preuves qui ont été présentées au nom de la fonctionnaire pour démontrer la faiblesse du processus d’examen ou du programme FORPE visaient le comportement de M. Beattie. On n’a produit aucune preuve suggérant que le programme FORPE était trop court pour offrir une formation adéquate aux recrues, qu’il y avait des failles dans le processus d’évaluation par simulation ou que le programme de formation [traduction] « […] ne permettait pas d’évaluer avec équité et exactitude [les] aptitudes [de Mme Baranyi] » (grief, pièce U7, onglet F).

67 Mme Baranyi est revenue dans sa région (la « région ») après son départ de Rigaud. Elle a rencontré M. Noseworthy le 23 octobre, ou autour de cette date. Elle a appuyé son argument de préclusion principalement sur cette rencontre.

68 Mme Baranyi a déclaré qu’elle avait expliqué à M. Noseworthy ce qui s’était passé à Rigaud. Elle lui aurait rappelé qu’il lui avait toujours promis qu’elle aurait un emploi à l’ASFC [traduction] « peu importe comment ça se passait à Rigaud », et elle lui aurait dit qu’elle voulait que des mesures soient prises pour régler ses préoccupations concernant son expérience à Rigaud. Elle voulait qu’on lui permette de passer une autre version de l’examen. M. Noseworthy lui aurait confié qu’elle était un atout pour l’ASFC, parce qu’elle y travaillait depuis longtemps et qu’elle avait de l’expérience. Il aurait ajouté qu’il n’était pas d’accord avec la politique de renvoyer les employés qui ne réussissent pas le programme FORPE. Il lui aurait assuré qu’il [traduction] « allait faire son possible pour [qu’elle] puisse rester à l’Agence, peut-être dans un poste aux services des finances ou un poste de commis ». Il lui aurait précisé qu’elle était censée être congédiée, mais qu’il n’était pas d’accord avec la politique. Il lui aurait dit de s’en remettre à lui et qu’il allait voir ce qu’il pouvait faire.

69 Mme Baranyi a déclaré qu’un ou deux jours plus tard, M. Noseworthy lui a dit qu’il avait parlé avec un collègue à Ottawa et qu’une affectation était disponible à la Division des services opérationnels de la Direction générale des opérations de l’ASFC, à Ottawa, sous la direction de Beverly Boyd. M. Noseworthy lui aurait expliqué que [traduction] « le maintien de [son] emploi ou de [son] affectation pourrait donner lieu à un poste permanent à Ottawa, mais que cela dépendait de [son] rendement ». Elle a accepté cette affectation immédiatement (pièce E22). Elle a déclaré n’avoir reçu aucune autre offre.

70 M. Noseworthy a déclaré qu’il n’était pas d’accord avec la politique de congédier les agents qui ne réussissaient pas la formation à Rigaud, particulièrement dans le cas de ceux qui ont travaillé pendant un certain temps avant de partir à Rigaud. Il a ajouté que, avant le cas de Mme Baranyi, il était arrivé à un compromis qui, bien qu’il n’avait pas été approuvé par les responsables des ressources humaines, avait été accepté par le syndicat. Ce compromis consistait en fait à rétrograder la personne, généralement à un poste de commis. Après deux ans, la personne pouvait réessayer la formation à Rigaud. Il avait utilisé cette procédure pour cinq autres employés, dont quatre avaient réessayé la formation après deux ans, avaient réussi et avaient retrouvé le poste qu’ils occupaient avant de suivre la formation à Rigaud la première fois.

71 M. Noseworthy a déclaré que, quand Mme Baranyi était revenue de Rigaud, elle était bouleversée. Elle n’avait pas aimé comment elle avait été traitée à Rigaud, et elle soutenait qu’elle avait échoué à l’examen en partie à cause de M. Beattie. M. Noseworthy a déclaré que la question des mesures d’adaptation n’a pas été soulevée et que [traduction] « il n’en a pas été question lors de [la] conversation ». Il a ajouté qu’il a parlé à la fonctionnaire des [traduction] « cinq autres personnes qui avaient été dans sa position » et qu’il lui a dit qu’il [traduction] « était prêt à faire la même chose pour elle pour deux ans ». Mme Baranyi n’aurait pas aimé la suggestion. Elle lui aurait demandé : [traduction] « Il n’y a rien d’autre que vous pouvez faire? ». Il lui aurait répondu qu’il allait essayer de trouver quelque chose, mais qu’elle allait devoir quitter la région. M. Noseworthy a déclaré que la fonctionnaire avait [traduction] « répété que ce n’était pas juste et qu’elle avait été une bonne employée pendant des années ». Pendant l’interrogatoire principal, quand on l’a questionné au sujet du poste de commis, il a répondu que Mme Baranyi [traduction] « n’a pas refusé, elle a seulement dit que c’était injuste […], que c’était injuste qu’elle ne pouvait pas être agente des services frontaliers […], qu’on devrait tenir compte du fait qu’elle était une bonne employée et qu’on devrait simplement la nommer au poste ». M. Noseworthy a déclaré qu’il comprenait la position de la fonctionnaire. Il a noté ce qui suit : [traduction] « […] je n’avais pas l’autorité de la nommer au poste d’agente des services frontaliers, puisque selon l’entente, elle devait réussir la formation à Rigaud, et elle a échoué ».

72 Après avoir entendu Mme Baranyi et M. Noseworthy, je suis convaincu de ce qui suit :

  1. M. Noseworthy était prêt à faire la seule chose qu’il avait le pouvoir de faire pour permettre à Mme Baranyi de continuer de travailler pendant deux ans, après quoi elle aurait pu reprendre le programme FORPE : il lui a proposé un poste de commis.
  2. M. Noseworthy a dit à Mme Baranyi qu’il avait déjà utilisé ce compromis pour cinq autres agents qui avaient échoué au programme FORPE.
  3. Mme Baranyi trouvait que cette solution n’était pas juste dans sa situation, car ce qui lui était arrivé à Rigaud n’était pas, selon elle, juste et raisonnable.
  4. Mme Baranyi a demandé à M. Noseworthy s’il pouvait trouver une meilleure solution. Elle voulait une solution qui lui permettrait de maintenir sa situation et son poste d’agente des services frontaliers.
  5. M. Noseworthy a dit qu’il ferait de son mieux pour trouver un autre poste, mais que tout autre poste allait forcément être à l’extérieur de la région, et qu’elle ne serait donc plus sous sa supervision.
  6. M. Noseworthy a trouvé pour Mme Baranyi une affectation à la Division des services opérationnels, à Ottawa.
  7. Mme Boyd a offert l’affectation à Mme Baranyi, et cette dernière l’a acceptée.

73 Mme Baranyi a commencé son travail à Ottawa. Elle avait bien compris que le poste était d’une durée déterminée, et que le mandat initial était du 26 novembre 2007 au 29 février 2008 (pièce E22). Toutefois, elle avait compris – et elle espérait – que si elle travaillait assez fort et qu’elle faisait ses preuves, le poste deviendrait un poste permanent, et en effet, le mandat a été prolongé jusqu’au 1er juin 2008 (pièce E23).

74 Malheureusement, le mandat n’a pas pu être prolongé une deuxième fois. Mme Baranyi en a été informée le 15 avril 2008, ou autour de cette date. À ce moment-là, elle a envoyé un courriel à M. Noseworthy [traduction] « […] pour voir [s’il aurait] des conseils ou des suggestions à [lui] offrir », pour citer ses propres mots (pièce E24, page 2). Elle a mentionné qu’elle aimerait avoir [traduction] « […] un poste d’une durée déterminée ou indéterminée à l’administration centrale [à Ottawa] ou dans la région de Niagara […], [et] dans les secteurs des enquêtes et de l’application de la loi, ou de l’élaboration des politiques et des programmes ». Elle a également mentionné qu’elle accepterait un poste d’une durée déterminée ou indéterminée ailleurs au pays (pièce E24, pages 2 et 3). Elle a ajouté qu’elle avait déjà postulé un poste de conseiller principal (FB-06) à l’administration centrale, mais elle s’attendait à ce que les résultats de ce concours n’arrivent pas avant un certain temps. Enfin, elle a précisé qu’elle avait déposé un grief pour contester son licenciement (pièce E24, page 3).

75 Ce grief, qui est en effet un grief de licenciement, ne m’a pas été confié. Dans le cadre de communications subséquentes avec la fonctionnaire, M. Noseworthy a suggéré qu’il était hâtif de déposer un grief, car elle n’avait pas encore été licenciée. Il a aussi souligné qu’il n’avait pas l’autorité ou la capacité d’agir, car le grief avait été présenté au quatrième palier. Le grief a été retiré par la suite.

76 Mme Baranyi et M. Noseworthy ont eu quelques conversations téléphoniques peu de temps après le 15 avril 2008. M. Noseworthy a déclaré que, lors de ces discussions, il a dit à la fonctionnaire [traduction] « qu’elle avait toujours l’option d’accepter un poste de commis dans la région ». Elle n’a pas aimé cette suggestion, mais elle ne l’a pas immédiatement rejetée. Elle a répété qu’il était [traduction] « injuste que l’organisation [la] rétrograde, tandis [qu’elle avait] été une bonne employée pendant si longtemps » et, selon le témoignage de M. Noseworthy, elle aurait demandé [traduction] « pourquoi on la forçait à choisir entre une rétrogradation et un licenciement parce qu’elle avait échoué à Rigaud ». Toutefois, à ce moment-là, elle explorait d’autres options de façon à pouvoir rester à Ottawa.

77 Pendant l’interrogatoire principal, M. Noseworthy a confirmé que Mme Baranyi n’a [traduction] « jamais accepté ou refusé le poste de commis; elle a seulement dit qu’on ne la traitait pas de manière équitable, et qu’il était injuste de la forcer à accepter une rétrogradation ». M. Noseworthy lui aurait expliqué qu’il [traduction] « [comprenait] sa frustration, mais qu’il n’y avait rien d’autre [qu’il pouvait] faire pour lui permettre de garder son emploi et de réessayer à Rigaud dans deux ans ». Par ailleurs, quand il a appris que l’affectation de Mme Baranyi ne serait pas prolongée, M. Noseworthy a parlé à M. Campbell. Il lui a demandé : [traduction] « Qu’est-ce que nous pouvons faire? », et M. Campbell lui a répondu : [traduction] « Signez la lettre de licenciement ». M. Noseworthy n’était pas d’accord. Il a dit : [traduction] « Non, elle peut toujours opter pour le compromis […] si elle veut accepter la rétrogradation à un poste de commis, je prendrai les mesures nécessaires ». Cependant, M. Noseworthy avait des problèmes de santé, et peu après cet échange, au début mai, il est parti en congé de maladie. Il a quitté le bureau, et M. Geoghegan a assumé les fonctions de directeur général régional intérimaire pendant son absence.

78 Comme on l’a noté, Mme Baranyi a postulé au moins deux autres postes. Pour une raison quelconque, ça n’a pas bien tourné, et elle est revenue dans la région le 1er juin 2008, ou autour de cette date. Elle ne savait pas quelles seraient sa situation ou ses fonctions. Elle a fini par rencontrer M. Campbell, et ce dernier lui a remis une lettre de licenciement datée du 20 juin 2008. Un des deux griefs devant moi est fondé sur cette lettre (pièce U7, onglet E). Le motif invoqué pour le licenciement de la fonctionnaire est le fait qu’elle a échoué au programme FORPE, donc qu’elle n’a [traduction] « […] pas satisfait à cette condition d’emploi, qui est énoncée dans [la] lettre d’affectation pour une période indéterminée du 26 juin 2001 » (pièce U7, onglet E).

IV. Les griefs

79 Le 24 juin 2008, le syndicat de Mme Baranyi a présenté un grief en son nom en vertu de l’article 208 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la « Loi »). En somme, Mme Baranyi affirmait dans ce grief que son licenciement :

  1. était sans justification adéquate et suffisante, était arbitraire, et était donc déraisonnable et injuste;
  2. était justifié par un processus administratif (le programme FORPE) qui avait été mené de façon incorrecte et qui avait échoué à rendre une évaluation juste et raisonnable de ses capacités en raison de nombreuses lacunes dans la partie du processus d’évaluation effectuée sous la forme d’une simulation;
  3. était fondé sur une modification unilatérale d’une condition d’emploi, en ce sens que le programme de formation qu’elle a suivi ne comptait que 7 semaines, plutôt que les 13 semaines prévues auparavant.

80 À titre de mesure de redressement, Mme Baranyi a demandé ce qui suit (pièce U7, onglet F) :

[Traduction]

Que l’on déclare que l’ASFC a modifié unilatéralement et illégalement une condition associée à mon emploi et que l’on me permette de suivre ma formation de 13 semaines consécutives. Qu’on m’offre une occasion raisonnable de remédier aux prétendues lacunes associées à mon rendement au cours du processus de formation du PRFID (le programme FORPE) ainsi que du soutien approprié pour y parvenir. Je me réserve le droit d’exercer tout autre recours que je jugerai approprié.

81 Le grief a été entendu au quatrième palier de la procédure de règlement des griefs le 24 août 2008.

82 Le grief a fait l’objet d’une discussion qui a eu lieu au cours de la rencontre au dernier palier, tenue le 30 mars 2009 avec Jake Baizana (pour le syndicat) et Catherine Anderson (pour l’ASFC). Leurs notes ont été produites en tant que pièce U37 et E38, respectivement.

83 Les notes d’allocution de M. Baizana s’étendent sur deux pages et demie. Les seules notes directement en lien avec l’objection préliminaire de l’ASFC sont les suivantes (pièce U37) :

[Traduction]

  1. « La fonctionnaire s’estimant lésée souffre d’une maladie bien documentée; l’ASFC en était pleinement consciente et était également au courant du stress engendré par cette maladie. »
  2. « [Elle] a pris tous les arrangements nécessaires pour continuer de recevoir ses traitements médicaux pendant qu’elle allait au collège, à Rigaud (Québec). »
  3. « La fonctionnaire a été admise à l’hôpital en raison de son état de santé au cours du programme, ce qui lui a fait manquer deux jours de formation. »
  4. « Une plainte sera déposée auprès de la CCDP » (pièce U37).

84 Le reste des notes portait sur la plainte de la fonctionnaire au sujet des commentaires et des gestes de M. Beattie, qui auraient causé son échec à l’examen ou, du moins, y auraient contribué. Voici des exemples du contenu de ces notes (pièce U38) :

  1. « La fonctionnaire a été constamment assujettie à des tactiques d’intimidation et on lui a répété que sa carrière était en jeu. Le stress occasionné a gravement nui à ses capacités au collège et pendant le processus d’examen. »
  2. « Elle a été assujettie à de l’intimidation et à du harcèlement de la part de Brad Beattie, qui s’occupait de l’administration des examens. »
  3. « Les commentaires de Brad Beattie lui ont fait […] douter de la validité de ses réponses. Brad Beattie a dit aux recrues qu’il “allait lui-même s’occuper de corriger les examiner et que nous devrions faire attention de ne pas nous contredire, que notre carrière était entre ses mains”. »

85 Dans ses notes, Mme Anderson a mentionné qu’« une plainte officielle et une plainte auprès de la CCDP ont aussi été entamées » (pièce E38).

86 Le 3 juin 2009, Mme Baranyi a déposé une plainte de discrimination de 22 pages auprès de la CCDP (pièce U7, onglet N). La plainte décrivait en détail son passé avec l’ASFC, sa maladie et les traitements qu’elle devait subir, le temps qu’elle a passé à Rigaud et les circonstances de l’examen auquel elle a échoué (pièce U7, onglet N).

87 Dans une lettre du 22 juin 2009, la CCDP a indiqué à la fonctionnaire qu’elle ne traiterait pas la plainte, car celle-ci pouvait être examinée en vertu d’une autre loi du Parlement, plus précisément la Loi. Elle l’a invitée à présenter un grief, si ce n’était pas déjà fait, et à [traduction] « […] soumettre ses allégations par l’entremise de la procédure de règlement des griefs » (pièce U7, onglet N). La CCDP a fourni une copie de sa lettre à l’ASFC [traduction] « […] pour l’aviser de l’intention [de Mme Baranyi] de présenter un grief de discrimination contre l’organisation » (pièce U7, onglet N).

88 Le 1er juillet 2009 ou aux environs de cette date, l’ASFC a présenté à Mme Baranyi sa réponse au dernier palier de la procédure de règlement des griefs. Elle a rejeté son grief, en appuyant sa décision sur le motif suivant, si j’ai bien compris (pièce U7, onglet H) :

[Traduction]

Un examen exhaustif de votre participation au programme FORPE confirme que vous avez été traitée de façon équitable et qu’on vous a donné les mêmes chances que les autres participants au programme. Les séances ont été réalisées adéquatement et les résultats de vos examens écrits ont été révisés et confirmés par trois personnes différentes avant que la décision finale soit prise. Votre insuccès n’était pas attribuable à quelque maladie que ce soit ou à un manquement relativement à des mesures d’adaptation requises ou demandées.

89 Le 7 août 2009 ou aux environs de cette date, le syndicat a déposé [traduction] « deux exemplaires des griefs de Jamie Lynn Baranyi, de même que deux exemplaires des formules 20 [Interprétation ou application d’une disposition d’une convention collective, en vertu du sous-alinéa 89(1)a)(i) du Règlement de la Commission des relations de travail dans la fonction publique] et 21 [Licenciement, rétrogradation, suspension, sanction pécuniaire ou mutation, en vertu du sous-alinéa 89(1)a)(ii) du Règlement de la Commission des relations de travail dans la fonction publique], requis pour présenter le grief au processus d’arbitrage ».

90 La formule 20 présentée par le syndicat indiquait qu’il y avait eu violation de l’article 19 (la clause sur l’élimination de la discrimination) de la convention collective entre le Conseil du Trésor et l’Alliance de la Fonction publique du Canada, date d’expiration : 20 juin 2007 (la « convention collective »). Une copie du grief du 24 juin 2008 y était jointe. La Commission des relations de travail dans la fonction publique (la « Commission ») a ouvert le dossier 566-02-3033 (« dossier 3033 ») pour ce grief.

91 La formule 21 déclarait que la fonctionnaire présentait le grief à l’arbitrage en vertu du sous-alinéa 209(1)c)(i) de la Loi. Le syndicat y a joint une copie du grief du 24 juin 2008. La Commission a ouvert le dossier 566-02-3032 (« dossier 3032 ») pour ce grief.

92 Le syndicat a également joint à sa lettre du 7 août 2009 [traduction] « […] une copie de la formule 24 [Avis à la CCDP], qui a été envoyé à la CCDP en date d’aujourd’hui ». L’avis, présenté en vertu du paragraphe 92(1) de la Loi, décrivait ainsi les questions relatives à l’application de la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. (1985), ch. H-6 (LCDP) (pièce U7, onglet J) :

  1. commentaires discriminatoires formulés au sujet de ses absences pour des raisons médicales;
  2. défaut de prendre des mesures d’adaptation;
  3. cessation d’emploi en raison de son invalidité;
  4. dépôt d’une plainte auprès de la CCDP : pièce U7, onglet J.

93 Le 21 août 2009, la CCDP a indiqué à la Commission qu’elle n’avait pas l’intention de faire valoir son point de vue sur l’affaire dont il était question dans l’avis qui lui a été envoyé.

94 La Commission a envoyé des copies des deux griefs à l’ASFC. Dans un courriel envoyé le 26 août 2009, l’ASFC a répondu [traduction] « [qu’un] seul grief est joint » à la lettre de la Commission et que [traduction] « […] en tant que défendeur, nous pouvons confirmer que selon nos dossiers, un seul grief a été présenté par cette ancienne employée ». La confusion de l’ASFC était exprimée dans un autre courriel envoyé par la suite à la Commission, où Joanne Kelly mentionnait qu’il n’y avait [traduction] « […] qu’un seul grief, mais deux renvois », et elle expliquait que d’après les dossiers de l’ASFC, le grief correspondait au dossier 3032. Elle a ajouté que le dossier 3033 [traduction] « […] portait sur l’article 19 – Discrimination au terme de la convention collective du groupe FB (AFPC) » et que [traduction] « […] la fonctionnaire s’estimant lésée n’a soulevé aucune question de discrimination dans son grief, alors [elle] se demand[ait] pourquoi cette question est maintenant soulevée ».

95 Dans une lettre datée du 10 novembre 2009, l’ASFC a annoncé officiellement qu’elle s’opposait à ce que la Commission se penche sur le dossier 3033, parce que le syndicat et Mme Baranyi n’avaient jamais soulevé la question de discrimination aux termes de la convention collective auparavant et qu’il n’en était pas fait mention dans le grief initial.

96 Le 26 novembre, le syndicat a répondu que [traduction] « […] deux questions substantielles émanant d’un seul grief sont présentées à la Commission ». Plus précisément, [traduction] « […] l’une porte sur la cessation d’emploi, et l’autre porte sur l’obligation de ne pas faire preuve de discrimination, qui est prévue dans la convention collective […] » entre l’ASFC et le syndicat. Il a poursuivi en ces termes :

[Traduction]

Au cours du processus de règlement des griefs, l’ASFC était au courant du fait que la fonctionnaire avait allégué, entre autres choses, que sa décision de mettre fin à son emploi, jugée arbitraire, discriminatoire et empreinte de mauvaise foi, avait été prise alors qu’elle connaissait ou aurait dû connaître sa maladie et ses répercussions sur son travail. Cette allégation se confirme dans la réponse au dernier palier, qui fait directement référence à ces aspects de son grief : « Votre insuccès n’était pas attribuable à quelque maladie que ce soit ou à un manquement relativement à des mesures d’adaptation requises ou demandées. »

[Les passages en évidence le sont dans l’original]

97 Le syndicat a conclu en affirmant que [traduction] « […] la Commission a clairement la compétence requise pour étudier les questions relatives aux droits de la personne dans le cadre de ce grief » et que l’objection de l’ASFC devrait être rejetée.

98 Il a été déterminé que la question serait réglée à l’audience.

V. Résumé de l’argumentation

A. L’objection préliminaire

99 Au début de l’audience, l’ASFC a de nouveau contesté la compétence de la Commission d’entendre et de trancher la question de discrimination en vertu de l’article 19 de la convention collective.

100 L’avocat de l’ASFC a fait valoir que la première fois où l’ASFC avait été informée que Mme Baranyi se plaignait de discrimination, que ce soit en vertu de la LCDP ou de l’article 19 de la convention collective, c’était au moment où la formule 20 (l’avis) avait été déposée dans le dossier 3033, le ou vers le 7 août 2009. Aucune mention de discrimination ou de quelque manquement que ce soit à l’égard d’une demande de mesures d’adaptation n’a été faite en octobre 2007 (lorsque Mme Baranyi s’est plainte au sujet des résultats de l’examen) ou lorsqu’elle a présenté son grief à la suite de son licenciement en juin 2008. L’avocat de l’ASFC a soutenu que seules les questions traitées au dernier palier de la procédure de règlement des griefs pouvaient être renvoyées à l’arbitrage. Par conséquent, l’absence de toute mention de discrimination pendant ce processus me privait de ma compétence à cet égard; voir Shneidman c. Procureur général du Canada, 2007 CAF 192, et Burchill c. Procureur général du Canada, [1981] 1 C.F. 109 (C.A.). Même si j’avais la compétence, il reste que l’ASFC n’a pas reçu de véritable avis de plainte de discrimination. Trop de temps s’est écoulé avant que l’ASFC ne soit prévenue pour que celle-ci ait pu considérer l’allégation de discrimination ou y donner suite. Je devrais donc rejeter le grief de discrimination (soit le dossier 3033).

101 La représentante du syndicat m’a exhorté de rejeter l’objection préliminaire de l’ASFC. Elle a affirmé que l’ASFC avait été mise au courant de l’allégation de discrimination en mars 2009 lors de la réunion au dernier palier, et qu’il avait également été dit pendant cette rencontre qu’une plainte serait déposée auprès de la CCDP. En fait, elle s’est appuyé sur Shneidman pour soutenir que la Commission avait la compétence pour entendre un renvoi à l’arbitrage, puisque le grief était suffisamment détaillé pour que l’ASFC soit informée de sa nature; Shneidman, au paragraphe 27. Elle a fait une distinction avec Burchill au motif que dans l’affaire qui nous occupe, on ne soulève pas de nouvelle question. Dans tous les cas, elle a invoqué la décision de la Cour suprême du Canada dans Parry Sound (district), Conseil d’administration des services sociaux c. S.E.E.F.P.O., section locale 324, 2003 CSC 42, au paragraphe 68, selon laquelle les griefs ne devraient pas être gagnés ou perdus pour un vice de forme, mais plutôt en raison de leur bien-fondé.

102 Lors de l’audience, j’ai décidé d’entendre toute la preuve avant de me prononcer sur l’objection préliminaire de l’ASFC quant à ma compétence pour instruire le grief de discrimination. Ayant entendu toute la preuve et ayant examiné tous les arguments et toute la jurisprudence citée, j’ai conclu que l’objection de l’ASFC devait l’emporter.

103 À mon avis, les arguments du syndicat comportent deux failles : l’une juridique, l’autre factuelle.

104 Premièrement, le problème n’est pas un vice de forme. Il s’agit plutôt de ma compétence même à instruire l’affaire. Selon mon interprétation des décisions de la Cour d’appel fédérale Shneidman et Burchill (par lesquelles je suis lié), un employé peut renvoyer une affaire à l’arbitrage, en vertu du paragraphe 209(1) de la Loi, seulement « […] après l’avoir porté jusqu’au dernier palier de la procédure applicable sans avoir obtenu satisfaction […] » Si la question précise que l’employé souhaite soumettre à l’arbitrage n’a pas été portée jusqu’au dernier palier de la procédure de règlement des griefs, alors « […] rien ne vient donner à l’arbitre compétence pour connaître du grief […] »; Burchill au paragraphe 5; voir Shneidman, qui va dans le même sens. Pour que je puisse avoir compétence pour entendre le grief de discrimination, il est essentiel que la question ait été soulevée durant la procédure de règlement des griefs.

105 Cela m’amène à la seconde faille (factuelle) que je perçois dans l’argumentation du syndicat.

106 La preuve ne m’a pas convaincu (et le fardeau de la preuve incombait au syndicat) que le syndicat ou la fonctionnaire avait soulevé la question de discrimination ou de mesures d’adaptation auprès de l’ASFC avant que le grief soit renvoyé à l’arbitrage.

107 Je suis parvenu à cette conclusion pour plusieurs raisons.

108 Premièrement, rien dans la preuve ne suggère que la discrimination et les mesures d’adaptation étaient des questions auxquelles Mme Baranyi aurait pensé ou qu’elle aurait invoquées pendant la période précédant la réunion au dernier palier.

109 Je commencerai par faire la remarque suivante : de fait, l’état de santé de Mme Baranyi ne l’invalidait pas ou ne l’empêchait pas d’étudier et de subir les examens tenus à Rigaud. Je tiens pour avéré que l’ASFC savait que Mme Baranyi souffrait d’endométriose et qu’en raison de sa maladie, il lui était difficile, sinon impossible, de porter l’équipement normalement porté par un agent des services frontaliers. Bien entendu, elle avait bénéficié de mesures d’adaptation relativement à cette déficience par le passé. Mais cela ne signifie pas que l’ASFC ou Mme Baranyi considérerait nécessairement que cette déficience pourrait nuire à son rendement à Rigaud.

110 La position défendue par la fonctionnaire durant l’audience s’approchait dangereusement de l’assertion selon laquelle, en raison de son incapacité dans un aspect de son travail, elle aurait dû bénéficier de mesures d’adaptation dans d’autres aspects. Mais le fait qu’une personne ait une déficience qui altère sa capacité à accomplir certaines fonctions ne l’empêche pas de réaliser toutes ses fonctions. Un paraplégique peut avoir besoin de mesures d’adaptation pour accéder physiquement à son lieu de travail ou d’un bureau d’ordinateur abaissé, cela ne signifie pas qu’il est incapable d’exécuter des tâches mentales ou des tâches physiques qui ne requièrent pas l’usage de ses jambes. De la même façon, dans l’affaire dont je suis saisi, aucune preuve n’a été produite attestant que Mme Baranyi avait une capacité limitée pour accomplir les tâches mentales ou sociales qu’impliquent l’apprentissage, l’étude ou la préparation d’examens écrits et de simulations. Il est vrai qu’elle était stressée, mais son stress n’était pas directement lié à l’endométriose dont elle est atteinte. Elle éprouvait un stress normal associé à la préparation et à la passation d’examens dont elle savait, à l’instar de toutes les recrues à Rigaud, qu’ils détermineraient son aptitude à conserver son emploi. À mon avis, un tel stress ne constitue pas une incapacité; il s’agit d’une réalité de la vie que tous expérimentent à différents degrés. Même si une part du stress qu’elle ressentait était reliée aux difficultés quotidiennes du fait de souffrir d’endométriose – ou à des inquiétudes relatives à la chirurgie à venir – la preuve ne montre pas que la maladie l’invalidait de quelque façon que ce soit. Après tout, elle a bien réussi la première évaluation de stage, qui comprenait à la fois des examens écrits et une simulation.

111 J’admets qu’au moment où Mme Baranyi a eu connaissance de son affectation à Rigaud, elle a discuté avec ses superviseurs ou sa représentante du PAE au printemps ou à l’été 2007 de la possibilité de reporter cette affectation après la chirurgie prévue. D’après la preuve, cette demande n’a pas été présentée sous la forme d’une demande de mesure d’adaptation parce que la chirurgie qu’elle devait subir après avoir commencé le programme à Rigaud compromettrait d’une certaine façon sa capacité à réussir le programme FORPE avant la chirurgie. Au mieux, la preuve ne révèle rien de plus qu’une préoccupation, selon laquelle elle a pensé qu’elle pourrait éprouver du stress occasionné par l’appréhension de la chirurgie à venir. Même si tel était le cas, le compte-rendu de Mme Baranyi sur son séjour à Rigaud ne contient aucune mention au sujet de quelque stress de la sorte ayant nui à son rendement. Comme il a déjà été indiqué, l’accent était mis sur M. Beattie.

112 Je reconnais également que Mme Baranyi a manqué deux jours de cours en raison de son hospitalisation. Mais le fait qu’un étudiant puisse manquer un jour ou deux de cours en raison d’une maladie ou d’autres motifs n’est pas nouveau. Que ce soit à l’école, au collège ou à l’université, tous les étudiants doivent affronter le même obstacle. Cette situation fait partie de la vie d’étudiant, si ce n’est de la vie elle-même. Dans tous les cas, l’étudiant doit trouver des notes, lire les livres ou se renseigner auprès de ses formateurs sur la matière manquée. Certains vont même jusqu’à dire que cela fait partie du processus d’apprentissage. Il ne s’agit certainement pas d’une situation propre à Mme Baranyi ou aux personnes souffrant de la même maladie qu’elle.

113 Si l’état de santé de Mme Baranyi ne l’empêchait pas, dans les faits, de participer au programme donné à Rigaud, on peut difficilement admettre qu’elle (ou son syndicat) aurait soulevé la question de sa maladie au dernier palier de la procédure de règlement des griefs.

114 Deuxièmement, et à l’appui de cette conclusion, avant le dépôt de son grief en juin 2008, rien dans la conduite ou les plaintes de Mme Baranyi ne laissait croire qu’elle considérait le litige comme une question de discrimination ou un défaut de prendre des mesures d’adaptation. Si elle avait pensé avoir besoin de mesures d’adaptation, elle en aurait fait la demande. Elle était certainement accoutumée au processus de prise de mesures d’adaptation. Par le passé, elle avait réclamé des mesures d’adaptation en raison de sa maladie et en avait reçu. Lorsqu’elle était à Rigaud, elle a eu plusieurs occasions d’informer ses formateurs qu’elle [traduction] « éprouv[ait] quelque indisposition physique ou psychologique suffisamment grave pour nuire à […] [son] rendement ». Chaque fois, elle a déclaré par écrit qu’elle ne souffrait pas de telle indisposition. Enfin, à l’époque pertinente, elle n’a en aucune manière relié ses plaintes explicites et répétées au sujet de la conduite de M. Beattie pendant l’examen à son endométriose ni au fait qu’elle avait manqué deux jours de classe en raison de son hospitalisation. À la place, ses plaintes mettaient uniquement l’accent sur ce qu’elle prétendait être du harcèlement ou une conduite perturbatrice de sa part. Elle a toujours attribué son échec à M. Beattie et non à son endométriose.

115 Le fait que Mme Baranyi ne pensait pas que la question relevait de la discrimination est aussi étayé par le formulaire de grief. Le formulaire ne contient pas le terme « discrimination » ni « mesure d’adaptation ». Dans son allégation, elle ne prétend pas avoir été victime de discrimination d’une façon ou d’une autre, elle affirme plutôt que la décision du 20 juin 2008 a été prise [traduction] « […] sans motif valable et suffisant, de façon arbitraire et donc déraisonnable et abusive ». Le grief mettait uniquement l’accent sur le processus d’examen, en partie parce qu’il couvrait moins de semaines que ce qui avait été indiqué au départ, mais principalement, en raison de ce qui suit (pièce U7, onglet F) :

[Traduction]

 

[…] [le programme FORPE] n’a pas été mené et donné correctement, ce qui le rend invalide du fait que le programme de formation, qui a été conçu et mis en place dans le but d’évaluer mes compétences professionnelles, n’était pas en mesure de fournir une évaluation juste et exacte de mon rendement, en raison de nombreux défauts dans le test de simulation utilisé dans le cadre du programme, dont des scénarios de simulation irréalistes, un manque de cohérence dans la préparation des acteurs utilisés pour les simulations, une formation inadéquate des évaluateurs, des contradictions entre les conseils en matière de formation et les critères d’évaluation et une valeur excessive accordée à certains critères par rapport à l’évaluation globale de « mon rendement ».

116 Nulle part dans ce texte on ne laisse entendre que le programme FORPE n’était pas en mesure de fournir une évaluation juste et exacte du rendement de la fonctionnaire en raison de son invalidité.

117 Cette conclusion est aussi étayée par la plainte détaillée de manière exhaustive que Mme Baranyi a déposée auprès de la CCDP en juin 2009. Elle consiste en un historique de 22 pages à simple interligne de sa période d’emploi au sein de l’ASFC. Dans sa plainte, la fonctionnaire relate l’époque où elle était à Rigaud, ses affectations subséquentes à Ottawa qui n’ont pas été prolongées, son licenciement et les événements qui ont suivi (pièce U7, onglet N). En ce qui a trait à la période passée à Rigaud, elle mentionne [traduction] « […] les problèmes débilitants causés par une maladie à long terme et les effets secondaires affaiblissants des traitements médicaux » et le fait que l’administration de Rigaud était au courant de son état de santé. Toutefois, elle n’a pas laissé entendre que ces « effets secondaires » ont altéré ou limité sa capacité à participer au cours donné à Rigaud et à le réussir. Elle a plutôt échoué en raison du stress associé au fait qu’elle devait le réussir pour conserver son emploi. À titre d’exemple, je cite les extraits suivants, qui à quelques variations près se répétaient un certain nombre de fois dans la plainte :

[Traduction]

On nous rappelait sans cesse, à mes collègues et à moi, l’humiliation, la dépréciation de notre réputation, la dépression, l’anxiété et le risque de vivre un trouble de stress post-traumatique, qui nous guetteraient si nous ne réussissions pas au collège.

De fait, les tactiques d’intimidation, démoralisantes et décourageantes, ainsi que la peur constante que nos carrières soient « en péril » créaient un stress si débilitant que nous étions tous d’avis que ce stress pouvait à lui seul nuire gravement à notre rendement au collège.

[…]

118 Je cite ces passages non pas pour laisser croire qu’ils contiennent quelque fondement quant à la description donnée du collège de Rigaud. D’ailleurs, aucune preuve n’a été produite par Mme Baranyi ou toute autre personne suggérant que l’administration, le personnel enseignant ou les conseillers de l’établissement n’étaient pas professionnels et courtois ou que l’expérience vécue par les recrues différait grandement de celle que vivent tous les étudiants, mis à part le stress associé au fait de savoir que l’échec mènerait à la perte de l’emploi. Les passages montrent simplement que le point soulevé par Mme Baranyi n’était pas que son endométriose était à l’origine de son échec; mais que c’était plutôt la façon dont la formation avait été donnée au collège (en particulier, la conduite de M. Beattie, selon ses allégations) qui en était la cause.

119 Or, si telle était l’argumentation présentée par Mme Baranyi dans la plainte qu’elle a déposée auprès de la CCDP, il est difficile de croire que Mme Anderson et M. Baizana aient discuté d’autres questions lors de la réunion tenue le 30 mars 2009, au dernier palier de la procédure de règlement des griefs.

120 Il faut également considérer que la discrimination et les mesures d’adaptation sont des questions complexes qui impliquent des principes de droit et de pratique distincts de ceux qui sont associés aux mesures disciplinaires ou au licenciement. Une assertion selon laquelle un employé souffre d’une invalidité requérant des mesures d’adaptation nécessite de la part de l’ASFC la prise en compte d’un ensemble de principes, de faits, de lois et d’éléments de preuve qui diffèrent de ceux qui sont associés aux mesures disciplinaires et au licenciement. Une mention lancée en passant au cours d’une réunion au dernier palier de la procédure de règlement des griefs, pour indiquer que la fonctionnaire allait déposer une plainte de discrimination auprès de la CCDP ne constitue pas, selon moi, le type d’avis nécessaire permettant à l’ASFC de considérer le grief comme devant être traité en application des dispositions de non-discrimination de la convention collective, d’autant plus que rien dans la preuve ou les faits ne laissait croire à ce stade que la discrimination ou les mesures d’adaptation faisaient l’objet d’un litige sur lequel l’ASFC devait se pencher.

121 En soutenant que les questions de discrimination et de mesures d’adaptation avaient été discutées de manière substantielle à la réunion au dernier palier, la représentante du syndicat s’est appuyée sur la dernière phrase de la partie importante de la réponse de l’ASFC du 1er juillet 2009, qui se lit comme suit : [traduction] « Votre insuccès n’était pas attribuable à quelque maladie que ce soit ou à un manquement relativement à des mesures d’adaptation requises ou demandées. » Je n’interprète pas cette phrase comme une preuve qu’une discussion importante a eu lieu au sujet des questions de discrimination et de mesures d’adaptation lors de l’audience au dernier palier. À mon avis, cette observation concorde aussi avec la remarque de l’ASFC selon laquelle il n’y a pas eu d’allégation ni d’invocation de discrimination fondée sur une déficience, plus particulièrement compte tenu du récit global de la plainte de Mme Baranyi concernant les événements survenus à Rigaud.

122 Par conséquent, je suis persuadé que les questions de discrimination ou de mesures d’adaptation n’ont pas été soulevées du tout ou à tout le moins ne l’ont pas été de manière substantielle, que ce soit dans la présentation du grief, au cours de la procédure de règlement du grief et surtout, lors de la réunion au dernier palier. Cela étant, je n’ai pas la compétence pour entendre un grief concernant toute allégation de discrimination alléguée en vertu de l’article 19 de la convention collective et je dois rejeter le grief déposé au moyen de la formule 20 (dossier 3033).

123 Néanmoins, je ne peux clore l’affaire sans mentionner que, même si ma conclusion était erronée et que j’avais compétence pour examiner l’allégation de discrimination en vertu de l’article 19 de la convention collective, je conclurais sur la base des faits et des motifs énoncés précédemment que le grief n’a pas été prouvé.

124 D’abord, la règle générale est qu’il appartient à l’employé de signaler à l’ASFC qu’il a une incapacité, afin qu’elle puisse en considérer la nature et évaluer les mesures d’adaptation possibles. Selon la preuve et les faits, j’ai conclu qu’à aucun moment, Mme Baranyi n’avait fait savoir à l’ASFC que son endométriose l’empêchait d’une façon ou d’une autre d’écouter, d’apprendre ou d’étudier, ou que sa maladie altérait sa capacité de raisonner ou de faire des examens écrits.

125 De toute façon, il ne s’agit pas d’un cas où l’ASFC aurait dû savoir qu’il y avait un problème qui requérait des mesures d’adaptation. Il n’y avait rien qu’elle aurait dû savoir, parce qu’il n’y avait pas de preuve ni d’indication que l’endométriose de Mme Baranyi avait quelque incidence que ce soit sur sa mémoire, ses facultés mentales ou ses capacités d’apprentissage. Le fait qu’elle travaillait si bien au centre EXPRES/NEXUS suggère même le contraire.

126 Aucune preuve non plus n’a été présentée attestant que Mme Baranyi avait demandé des mesures d’adaptation particulières, et ce, même si elle en a eu expressément l’occasion (au début de chaque examen, par exemple). Si elle en avait fait la demande, la preuve indique clairement qu’il y avait des processus en place qui auraient été enclenchés. D’autres recrues qui souffraient d’une incapacité, comme la dyslexie, avaient bénéficié de mesures d’adaptation par le passé. En l’absence de preuve d’une incapacité pouvant avoir une incidence sur le rendement ou d’une demande de mesures d’adaptation, rien n’engageait l’ASFC à remplir ses obligations en vertu de la convention collective ou d’une législation sur les droits de la personne. Ceci étant, le grief de discrimination de Mme Baranyi n’aurait pas été gagné sur la base de son bien-fondé.

B. Le grief de licenciement (dossier 3032)

127 Mme Baranyi était membre de la fonction publique centrale. Par conséquent, en vertu du sous-alinéa 209(1)c)(i) de la Loi, elle pouvait renvoyer à l’arbitrage un grief portant sur « […] la rétrogradation ou le licenciement imposé sous le régime soit de l’alinéa 12(1)d) de la Loi sur la gestion des finances publiques pour rendement insuffisant, soit de l’alinéa 12(1)e) de cette loi pour toute raison autre que l’insuffisance du rendement, un manquement à la discipline ou une inconduite ».

128 Aux fins du présent grief, je suis prêt à procéder en partant du principe que l’ASFC doit justifier sa décision de licencier la fonctionnaire. J’estime qu’un licenciement est justifié si l’employé ne satisfait pas à une condition de son contrat de travail, à moins que l’employeur ait eu une conduite incorrecte, injuste ou inappropriée qui a empêché l’employé de s’y conformer. La question que je dois alors examiner et sur laquelle les parties ont pris la peine de se pencher longuement consiste à déterminer si, dans quelque circonstance que ce soit, l’ASFC a agi d’une manière qui rendrait le licenciement de la fonctionnaire inéquitable, injuste ou déraisonnable.

VI. Arguments de la fonctionnaire s’estimant lésée

129 Mme Baranyi a déposé un grief au sujet de son licenciement, affirmant qu’il s’agissait d’une mesure injuste, excessive et arbitraire. L’audience a permis de déterminer que le grief était fondé sur les éléments de base suivants :

  1. La conduite de M. Beattie durant l’examen écrit de la partie D2 constituait du harcèlement et de l’intimidation à un tel degré qu’il a nui à la capacité de Mme Baranyi de passer l’examen.
  2. M. Noseworthy l’a assurée, après qu’elle ait échoué à l’examen du programme FORPE, qu’il y aurait toujours un poste pour elle à l’ASFC, et que cette affirmation donnait lieu à une préclusion qui interdisait l’ASFC de mettre fin à son emploi.

VII. Motifs

A. Harcèlement pendant l’examen

130 En ce qui concerne le premier argument, la représentante de la fonctionnaire a déclaré que la preuve permettait de conclure que la conduite de M. Beattie a intimidé et distrait Mme Baranyi au point où elle a été incapable de réussir l’examen. Je ne suis pas d’accord.

131 D’abord, la preuve ne m’a pas convaincu que M. Beattie a fait quoi que ce soit de déplacé ou qu’il a humilié, harcelé ou dérouté Mme Baranyi de quelque façon que ce soit. Il a expliqué la procédure de l’examen. Son explication a été donnée à une personne qui avait déjà écrit et réussi deux autres examens quelques semaines plus tôt. Elle connaissait bien le processus. Le fait qu’il soit sorti de la salle pendant que les recrues écrivaient leur examen faisait partie de la procédure normale. Il est revenu pour répondre à sa question. À la limite, on pourrait dire d’après la preuve qu’il a peut-être semblé exaspéré lorsqu’il est revenu pour répondre à la question de Mme Baranyi au sujet du processus (elle voulait savoir où écrire les réponses), alors qu’il croyait l’avoir déjà expliqué au début de l’examen. Mais émettre un son d’exaspération (en supposant que c’est bel et bien ce qu’il a fait) n’équivaut pas à dénigrer quelqu’un. Et le fait qu’il soit sorti de la salle à plusieurs reprises ne constitue pas du harcèlement à l’endroit de Mme Baranyi en particulier, ni à l’endroit des autres recrues en général. Personne d’autre n’a échoué à l’examen écrit. Si la conduite de M. Beattie s’était écartée un tant soit peu de l’ordinaire, il y aurait probablement eu d’autres plaintes ou d’autres échecs, alors qu’il ne semble pas que cela ait été le cas.

132 Ensuite, la plupart des plaintes de Mme Baranyi, voire toutes ses plaintes, portent sur des éléments que l’on pourrait qualifier de stress lié à la situation. Elle rédigeait un examen écrit qu’elle devait réussir pour conserver son poste. Il n’est pas surprenant que cette situation lui ait occasionné du stress, mais ce stress était naturel dans les circonstances. Il n’a pas été accentué de façon anormale ou inappropriée par quoi que ce soit que M. Beattie a fait ou omis de faire. En outre, le stress n’était pas intense au point de l’empêcher de faire et de réussir les deux examens ou de réaliser et de réussir la simulation qui faisait partie du processus d’évaluation. Autrement dit, le stress subi n’était pas d’un niveau tel qu’il empêchait Mme Baranyi de fonctionner. Celle-ci a tout simplement été incapable d’obtenir la note moyenne exigée. S’il est vrai que cet échec est manifestement et sans contredit un événement extrêmement contrariant, et s’il est vrai qu’il a évidemment des conséquences majeures sur la vie et les finances de Mme Baranyi (la perte de son emploi), il n’est pas le résultat de quoi que ce soit que l’ASFC ou le personnel de Rigaud a fait ou omis de faire.

133 Je compatis avec Mme Baranyi au sujet de l’état de détresse émotionnelle dans lequel elle s’est retrouvée lorsqu’elle a appris qu’elle avait échoué à l’examen. Mais on ne peut attribuer la faute, si faute il y a eu, à M. Beattie ou au personnel de Rigaud, ou même à l’ASFC. Il arrive que des recrues échouent à des examens, que ce soit en raison du stress ou d’un manque de préparation. Mais dans un cas comme dans l’autre, on ne peut pas dire que l’échec a été causé par une procédure injuste, excessive ou arbitraire, et on ne peut pas non plus dire qu’il a été causé par la personne ou l’institution qui a fait passer le test.

134 On ne peut pas dire non plus que le licenciement de Mme Baranyi, résultat de son échec, était injuste, excessif ou arbitre. Elle devait réussir le programme pour obtenir le poste. L’ASFC a le droit d’imposer des normes minimales à ses employés (dans la mesure où elle respecte son obligation de prendre des mesures d’adaptation, bien sûr) et d’insister pour que le respect de ces normes soit une condition pour conserver un poste.

135 La représentante syndicale a affirmé que la demande que Mme Baranyi a présentée à la suite de son échec, c’est-à-dire de passer une autre version de l’examen, était une demande d’adaptation à laquelle l’ASFC aurait dû consentir. Mais la fonctionnaire a passé un examen pour lequel elle n’avait pas demandé de mesure d’adaptation. Elle a échoué pour des raisons qui n’ont aucun lien avec une invalidité quelconque. Par conséquent, elle n’avait pas droit à une deuxième chance pour des raisons d’adaptation.

136 Par conséquent, je suis convaincu que le licenciement de Mme Baranyi, qui est le résultat de son incapacité à réussir le programme de Rigaud, ne constitue pas une mesure injuste ou déraisonnable. De plus, rien n’indique que son licenciement ait été une mesure disciplinaire. Selon la preuve présentée, Mme Baranyi était une employée compétente et appréciée. C’est d’ailleurs au moins en partie pourquoi M. Noseworthy lui a proposé des options comme il l’a fait. Sa seule faute a été de ne pas réussir à respecter l’une des conditions rattachées à son poste : réussir le programme FORPE. Un licenciement faisant suite à un tel échec ne constitue pas une mesure disciplinaire.

B. Préclusion

137 J’en viens maintenant au second motif, la préclusion. Le syndicat a fait valoir que j’avais la compétence pour appliquer le principe de préclusion. Elle a soutenu qu’il fallait des paroles ou des actes clairs et sans équivoque, susceptibles d’avoir une incidence sur les rapports juridiques entre les parties, sur lesquels aurait pu se fonder la personne à laquelle ils s’adressaient, combinés avec un préjudice pour cette personne.

138 Les arguments du syndicat tiennent à ce que, ayant été assurée par M. Noseworthy qu’il y aurait toujours un poste pour elle à l’ASFC, Mme Baranyi s’est appuyée sur cette garantie au moment d’accepter l’affectation à Ottawa et que l’ASFC était tenue de maintenir cette offre à son intention, même si l’affectation ne s’est pas transformée en poste permanent.

139 Or, les faits et les points de droit ne justifient pas le recours au principe de préclusion en l’espèce.

140 La préclusion, selon mon interprétation, exige à tout le moins les deux faits suivants :

  1. Une partie à un contrat déclare à l’autre partie qu’elle n’insistera pas sur un droit particulier lui étant accordé aux termes du contrat;
  2. L’autre partie change sa position en se fiant à cette déclaration – voir Brown et Beatty, Canadian Labour Arbitration (édition en ligne, Canadian Labour Law Library), paragraphes 2:2200 et 2:2211; Re Smoky River Coal Ltd and United Steelworkers of America, Local 7621 (1985) 18 D.L.R. (4e) 742, p. 746.

141 Quelle a été la déclaration de M. Noseworthy? Je conclus que, après l’examen, il a dit ce qui suit à Mme Baranyi :

  1. Elle pourrait accepter une rétrogradation à un poste de commis ou à un autre poste administratif, attendre deux ans et soumettre de nouveau sa candidature à un poste d’agent des services frontaliers (en participant une autre fois au programme FORPE de Rigaud); ou
  2. Il tenterait de trouver un nouveau poste dans la fonction publique auquel elle pourrait être transférée et, si sa candidature était retenue, elle obtiendrait ainsi un emploi permanent.

142 Je suis convaincu que Mme Baranyi a compris que M. Noseworthy lui offrait ces deux options en tant que solution de rechange à la mesure qu’il serait forcé de prendre si elle échouait à l’examen de Rigaud : le licenciement.

143 J’ai également conclu que Mme Baranyi n’a pas accepté la première option, ni agi pour y donner suite. Une solution aussi [traduction] « injuste » (selon elle) à son problème ne l’intéressait pas. Elle a plutôt tranché en faveur de la deuxième option. Comme cela lui avait été promis, elle a obtenu une affectation à Ottawa. Son poste a changé, mais pas à son détriment. Au lieu d’un licenciement, elle a obtenu un emploi. Au lieu d’une rétrogradation, elle s’est retrouvée à un poste à la hauteur de celui qu’elle occupait à titre d’agente des services frontaliers.

144 Je retiens l’exposé du syndicat selon lequel M. Noseworthy n’a jamais officiellement offert une rétrogradation à un poste de commis à Mme Baranyi. Je crois aussi qu’il aurait été prêt à lui offrir cette rétrogradation si elle était venue vers lui et le lui avait demandé.

145 Là n’est cependant pas la question. Le principe de préclusion se pose lorsqu’on s’interroge sur l’équité d’une situation dans laquelle une partie ne peut exercer ses droits en vertu d’un contrat s’il est injuste ou inéquitable qu’elle le fasse en raison de son comportement. Mais en quoi la situation est-elle injuste ou inéquitable ici? Mme Baranyi voulait certainement invoquer le principe de préclusion contre l’ASFC. Elle voulait empêcher l’ASFC d’exercer son droit contractuel de la licencier en raison de son échec au programme FORPE. Telle est la réparation qu’elle souhaitait, selon ses mots : [traduction] « […] la réintégration à mon poste d’agente des services frontaliers à partir de la date du licenciement, le 20 juin 2008. » Mais en quoi le comportement de l’ASFC pourrait-il donner lieu à une préclusion?

146 Ce pourrait être le cas si l’ASFC avait administré le programme FORPE ou l’examen d’une manière injuste ou inappropriée. En fait, cette allégation était au cœur du grief pour licenciement. J’ai toutefois conclu que les faits ne soutenaient pas une telle accusation.

147 L’autre possibilité tiendrait à des actes ou à des paroles de l’ASFC à cause desquels Mme Baranyi aurait changé de poste, à son détriment, parce qu’elle s’y fiait. Mais qu’a pu dire ou faire l’ASFC (c’est-à-dire M. Noseworthy)? Les [traduction] « promesses » ou les [traduction] « déclarations » faites (expressément ou implicitement) à Mme Baranyi consistaient en une offre de rétrogradation à un poste de commis (qu’elle a déclinée, l’estimant injuste) ou d’aide à la recherche d’un autre poste (ce qui a été fait). L’issue peut-elle justifier une préclusion si Mme Baranyi a obtenu exactement ce qu’elle demandait? La réponse est non. Il n’y a pas eu de préjudice, ne serait-ce que parce que le poste qu’elle a ensuite obtenu grâce à M. Noseworthy a rendu sa situation meilleure que si rien n’avait été fait.

148 Par ailleurs, on aurait pu faire valoir que Mme Baranyi a accepté le poste à Ottawa uniquement sur la base d’une promesse ou d’une déclaration – à laquelle elle se fiait – quant à la garantie d’un poste de commis dans la région si toutes les autres options n’aboutissaient pas. Si telle avait été la position de Mme Baranyi, on serait en droit de penser qu’un poste de ce type aurait compté parmi les réparations demandées dans le grief. Mais le grief pour licenciement ne visait pas l’établissement d’un droit à une rétrogradation à un poste de commis en invoquant la préclusion. La principale réparation tenait plutôt à [traduction] « […] la réintégration à [son] poste d’agente des services frontaliers à partir de la date du licenciement, le 20 juin 2008 ». Toutefois, même de son propre aveu, elle ne pouvait aspirer au poste d’agente des services frontaliers en cas d’échec auprogramme FORPE à Rigaud. Cela ne lui a jamais été promis. M. Noseworthy lui a dit qu’il ne pouvait lui accorder ce poste. Pour ces motifs et sur la base de ces faits, l’argument de la préclusion est rejeté.

149 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

VIII. Ordonnance

150 Le grief sur le licenciement (dossier 3032) est rejeté. Je n’ai pas la compétence pour me pencher sur le grief de discrimination et j’ordonne la fermeture du dossier 3033.

Le 4 mai 2012.

Traduction de la CRTFP

Augustus Richardson,
arbitre de grief

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