Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé a soutenu qu’il avait fait l’objet d’une mesure disciplinaire sans motif valable lorsqu’on lui a fait prendre un congé sans solde en raison de ses activités politiques - l’employeur a répondu que la décision de lui faire prendre un congé avait été prise par la Commission de la fonction publique (CFP) en vertu de l’autorité que lui confère l’article118 de la LEFP, et qu’il n’avait pas le pouvoir de donner suite à la mesure corrective demandée - la CFP a demandé qu’on lui accorde le statut d’intervenant, ce qui a été accepté - le fonctionnaire s’estimant lésé avait demandé à la CFP la permission de tenter d’être nommé candidat dans une circonscription électorale fédérale - l’employeur n’a pas pris part à la demande et il n’a joué aucun rôle dans la décision de la CFP d’accepter la demande sous certaines conditions - la CFP a avisé l’employeur qu’elle lançait une enquête relativement à des allégations selon lesquelles le fonctionnaire s’estimant lésé se serait livré à des activités politiques inappropriées - selon le rapport final, le fonctionnaire s’estimant lésé s’était livré à des activités politiques inappropriées, et la CFP a émis des directives sur les mesures correctives à appliquer ordonnant que le fonctionnaire s’estimant lésé prennent un congé autorisé jusqu’au moment où il démontrerait qu’il s’était conformé aux conditions établies dans la décision originale lui accordant la permission de présenter sa candidature - le fonctionnaire s’estimant lésé a été autorisé à retourner au travail après avoir avisé l’employeur qu’il n’avait pas été nommé - même si une copie de la décision de la CFP a été versée au dossier du fonctionnaire s’estimant lésé, comme l’exigeait la CFP, l’employeur a avisé qu’il ne se fonderait pas sur cette décision pour des cas ultérieurs de discipline - le grief n’était pas visé par l’article209 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP), puisque la mesure contestée n’était ni une mesure disciplinaire, ni une violation de la convention collective - pour qu’une mesure soit considérée comme étant disciplinaire, elle doit provenir de l’employeur, et la CFP n’était pas l’employeur - la partie 7 de la LEFP établit un régime pour les activités politiques des employés de la fonction publique, et les pouvoirs conférés à la CFP dans la partie 7 ne peuvent être délégués aux administrateurs généraux - seule la CFP pouvait donner la permission de se livrer à des activités politiques, lancer une enquête en vertu de l’article 118, et ordonner l’application des mesures correctives qu’elle jugeait appropriées - il y a une différence entre une sanction disciplinaire et une mesure corrective - le congé sans solde imposé par la CFP était une mesure corrective, et non une mesure disciplinaire conformément à l’article 209 de la LRTFP. Objection accueillie.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2012-01-23
  • Dossier:  566-02-3751
  • Référence:  2012 CRTFP 7

Devant un arbitre de grief


ENTRE

PETER KRAHN

fonctionnaire s’estimant lésé

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(ministère de l’Environnement)

employeur

et

COMMISSION DE LA FONCTION PUBLIQUE

intervenante

Répertorié
Krahn c. Conseil du Trésor (ministère de l’Environnement)

Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Kate Rogers, arbitre de grief

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Nao Fernando, Institut professionnel de la fonction publique du Canada

Pour l'employeur:
Richard Fader, avocat, Conseil du Trésor

Pour l’intervenante :
Marc Séguin, avocat, Commission de la fonction publique

Affaire entendue à Vancouver(Colombie-Britannique),
le 23 août 2011.
(Traduction de la CRTFP)

Grief individuel renvoyé à l’arbitrage

1 Peter Krahn, le fonctionnaire s’estimant lésé (le « fonctionnaire »), a déposé un grief le 11 juin 2007, alléguant qu’il avait été suspendu d’une manière inappropriée sans solde, du 30 mai au 25 juin 2007, lorsqu’on l’avait placé malgré lui en congé sans solde à cause de ses activités politiques. Il a allégué, entre autres, que la décision de le placer en congé sans solde constituait une violation des articles 5 et 38 de la convention collective entre le Conseil du Trésor et l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada (IPFPC) pour le groupe Architecture, génie et arpentage – date d’expiration le 30 septembre 2007 (la « convention collective »). Dans son grief, le fonctionnaire a aussi remis en doute la constitutionnalité de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22 (LEFP), mais cet élément du grief a été retiré par la suite. Lorsqu’il a déposé son grief, le fonctionnaire occupait le poste de conseiller technique et en litiges, classifié ENG-04, à la Division de l’intégration stratégique d’Environnement Canada (l’« employeur ») à Vancouver, en Colombie‑Britannique.

2 Le 27 avril 2010, l’employeur a répondu au grief au dernier palier de la procédure de règlement des griefs, affirmant que la décision de placer le fonctionnaire en congé sans solde avait été prise par la Commission de la fonction publique (CFP) en vertu du pouvoir qui lui est conféré par l’article 118 de la LEFP et que, par conséquent, l’employeur n’avait pas le pouvoir d’appliquer la mesure corrective réclamée par le fonctionnaire. Ce dernier a renvoyé son grief à l’arbitrage le 17 mai 2010.

3 Le 23 août 2010, la CFP a avisé la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la « CRTFP ») que ce grief présentait un intérêt particulier pour elle et elle a demandé qu’on lui accorde le statut d’intervenante pour qu’elle puisse faire valoir son point de vue sur la compétence de la CRTFP de rendre une décision dans cette affaire et, si la CRTFP devait assumer la compétence, participer pleinement à l’examen de la question de fond devant un arbitre de grief. L’employeur a appuyé la demande de statut d’intervenante de la CFP pour que cette dernière puisse présenter des arguments à propos de la décision qui est au cœur du grief en cause, mais le fonctionnaire s’y est opposé au motif que cette mesure lui causerait un préjudice.

4 Le 28 octobre 2010, un arbitre de grief de la CRTFP a décidé d’accorder à la CFP le statut d’intervenante, en précisant que la portée du rôle de cette dernière à l’audience devrait être déterminée par l’arbitre de grief qui entendrait le grief. Le 5 juillet 2011, l’employeur a de nouveau soulevé la question de la portée du rôle de la CFP en tant qu’intervenante. À la suite d’une conférence préparatoire à l’audience, tenue le 11 août 2011, j’ai décidé que seule la question de la compétence serait entendue à l’audience prévue pour août 2011 et que la CFP aurait le droit de faire valoir ses arguments sur cette question.

II. Résumé de la preuve

5 Deux personnes ont témoigné à l’audience tenue le 23 août 2011. Carole Lemay, qui était au moment des événements en cause directrice des Relations de travail, de la classification et de la rémunération, a témoigné au nom de l’employeur. Bernie Claus, qui était alors délégué syndical pour l’IPFPC, a témoigné au nom du fonctionnaire. L’employeur a présenté en preuve 22 documents; le fonctionnaire a produit 2 documents. J’ai résumé seulement les témoignages et les documents pertinents.

6 Dans son témoignage, Mme Lemay a dit que l’employeur n’avait joué aucun rôle dans la demande initiale que le fonctionnaire avait présentée pour obtenir la permission de tenter de devenir candidat dans une circonscription électorale fédérale, demande qui avait été faite le 12 février 2007 (pièce E-1). Le fonctionnaire avait adressé sa demande directement à la CFP, sans en envoyer de copie à l’employeur. Ce dernier était toutefois au courant de la demande du fonctionnaire et lui avait demandé de remplir un « Rapport confidentiel sur les conflits d’intérêts » (pièce E-2). Lorsque la CFP, le 9 mars 2007, avait envoyé au fonctionnaire la lettre précisant les conditions selon lesquelles elle lui accordait la permission de se présenter comme candidat, elle en avait envoyé une copie à l’employeur, mais sans solliciter de commentaires de sa part (pièce E‑3).

7 La CFP a accordé au fonctionnaire la permission de se porter candidat, étant entendu qu’il présenterait au préalable une demande de congé sans solde, congé qui devrait être pris pendant la période électorale ou pendant toute partie de la période durant laquelle il tenterait de devenir candidat ou ferait campagne, s’il était déterminé que sa capacité d’exercer ses fonctions de façon impartiale était atteinte. D’autres conditions étaient aussi imposées (pièce E-3). Dans sa lettre, la CFP soulignait que le sous‑ministre du fonctionnaire serait avisé que le fonctionnaire avait obtenu la permission de se présenter comme candidat et que la CFP lui avait aussi accordé un congé sans solde pour la période électorale.

8 L’employeur ne s’est pas prononcé sur la candidature du fonctionnaire. Il a été officiellement avisé, le 23 mars 2007, que sous réserve de tout changement qui pourrait amener la CFP à reconsidérer sa décision, cette dernière avait accordé au fonctionnaire la permission de se présenter comme candidat. La CFP soulignait que l’employeur était obligé d’autoriser le congé sans solde du fonctionnaire pendant la période électorale, aux termes des instructions qui lui avaient été données par la CFP (pièce E-6). Mme Lemay a dit que l’employeur n’avait pas le pouvoir discrétionnaire de modifier la décision de la CFP d’accorder au fonctionnaire la permission de se présenter comme candidat, ce qui signifiait qu’il ne pouvait pas refuser d’acquiescer à toute demande subséquente de congé sans solde à cette fin.

9 Le 20 mars 2007, la Direction générale des enquêtes de la CFP a avisé l’employeur qu’elle entreprenait une enquête sur des allégations selon lesquelles le fonctionnaire se serait livré à des activités politiques irrégulières (pièce E-4). L’enquête s’est terminée par la publication d’un rapport final, le 27 avril 2007, dans lequel on concluait que le fonctionnaire s’était livré à des activités politiques irrégulières. L’employeur n’avait pas entrepris l’enquête, n’avait joué aucun rôle dans la décision d’entreprendre une enquête et n’avait pas participé à l’enquête. Selon la CFP, l’employeur avait simplement joué le rôle de « partie intéressée » (pièce E-4).

10 Dans son témoignage, Mme Lemay a dit que pendant l’enquête de la CFP, l’employeur avait peut‑être reçu des copies conformes de documents que les parties s’étaient envoyés, mais qu’il n’avait pas présenté d’arguments et qu’il ne s’était pas prononcé sur le fait que les activités politiques du fonctionnaire étaient régulières ou non. L’employeur ne s’était pas prononcé non plus sur les conclusions de la CFP (pièce E‑9), n’avait pas participé au processus décisionnel et considérait qu’il n’avait aucun pouvoir discrétionnaire pour appliquer les mesures correctives qui seraient proposées, même si on lui avait donné la possibilité de présenter des arguments (pièce E-9).

11 Dans son rapport d’enquête (pièce E-9), la CFP a déterminé que le fonctionnaire s’était livré à des activités politiques irrégulières. Le 29 mai 2007, la CFP a émis ses directives et sa décision quant aux mesures correctives à appliquer, dans un rapport de décision (pièce E-10). La CFP a ordonné que le fonctionnaire soit placé en congé depuis la date de la décision jusqu’au moment où il démontrerait qu’il se conforme aux conditions établies dans la décision originale lui accordant la permission de se présenter pour être candidat à une élection.

12 Mme Lemay a témoigné que l’employeur avait rempli et signé les formulaires de congé sans solde pour des raisons administratives, parce que la CFP avait ordonné que le fonctionnaire soit placé en congé sans solde et qu’il était nécessaire de donner des instructions aux conseillers à la paye. Elle a fait remarquer que le formulaire de congé indiquait que le congé avait été ordonné par la CFP et qu’il se terminerait seulement au moment où la CFP l’ordonnerait. Mme Lemay a ajouté que même si une copie de la décision de la CFP était versée au dossier du fonctionnaire, comme l’exigeait la CFP, on ne se fonderait pas sur cette décision pour des cas ultérieurs de discipline. À son avis, comme il s’agissait d’une mesure corrective prise par la CFP, il n’était pas question de discipline et cette mesure ne serait pas prise en considération dans une situation de mesures disciplinaires progressives. Mme Lemay a dit que l’employeur n’avait pas jugé que le comportement du fonctionnaire était coupable et n’avait eu aucun désir de le punir. L’employeur avait tout simplement suivi les instructions de la CFP. Selon Mme Lemay, les mesures correctives imposées par la CFP diffèrent des mesures disciplinaires imposées par l’employeur, même si elle reconnaissait que le résultat semble le même.

13 Mme Lemay a témoigné que le fonctionnaire avait été autorisé à retourner au travail après avoir averti l’employeur, le 25 juin 2007, qu’il n’avait pas été choisi comme candidat pour l’élection fédérale (pièce E-15). La CFP a par la suite avisé l’employeur qu’elle aurait dû être consultée lors de la prise de la décision concernant le retour au travail du fonctionnaire (pièce E-16). De plus, la CFP a indiqué à l’employeur qu’elle effectuerait une évaluation pour déterminer si le fonctionnaire pouvait exercer ses fonctions d’une manière politiquement impartiale.

14 Mme Lemay a témoigné que même si l’employeur avait fourni à la CFP de l’information sur la nature de l’emploi du fonctionnaire et avait dit à la CFP qu’il croyait que le fonctionnaire pouvait exercer ses fonctions de manière politiquement impartiale, la décision finale concernant le retour au travail appartenait à la CFP. En dernier ressort, la CFP a décidé que le retour au travail du fonctionnaire prendrait effet à la date de retour au travail que l’employeur avait fixée, mais l’employeur n’a pas participé à cette décision.

15 M. Claus est un employé de l’employeur. Il a témoigné que le fonctionnaire avait communiqué avec lui parce qu’il était délégué syndical du syndicat représentant le fonctionnaire, l’IPFPC. Le fonctionnaire voulait obtenir de l’aide et des conseils. En tant que délégué syndical, M. Claus a fait des recherches sur Internet et a trouvé sur la page Web de la CFP un document qui donnait à entendre que les fonctionnaires qui n’étaient pas satisfaits des conditions imposées à leurs activités politiques pouvaient déposer un grief et que les fonctionnaires s’étant vu imposer une sanction disciplinaire par leur employeur à cause de leurs activités politiques pouvaient faire appel à la CRTFP (pièce G-2). M. Claus a reconnu que la zone de texte située à côté de la section sur les recours dans le document présenté en preuve n’était pas dans le document original, mais avait été ajoutée par lui.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour l’employeur

16 L’employeur a allégué que ce grief n’était pas visé par l’article 209 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP) parce que la mesure faisant l’objet du grief n’était ni une mesure disciplinaire, ni une violation de la convention collective. Le fonctionnaire a allégué la violation des articles 5 et 38 de la convention collective, mais ces articles n’attribuent pas de compétence. Citant Canada (Procureur général) c. Lâm, 2008 CF 874 (CF), l’employeur a soutenu que l’article 5 (Droits de la direction) ne conférait aucun droit substantif. Cependant, comme l’article 38 (Normes de discipline) concerne la discipline, il faut déterminer si ce grief porte sur une mesure disciplinaire.

17 L’employeur a prétendu qu’il est important de se rappeler que trois lois régissent les divers aspects des relations de travail dans la fonction publique fédérale, soit la LRTFP, la LEFP et la Loi sur la gestion des finances publiques, L.R.C. (1985), ch. F‑11 (LGFP). Ces trois lois doivent être lues ensemble.

18 Le paragraphe 12(1) de la LGFP confère aux administrateurs généraux le pouvoir d’établir des normes de discipline et de prescrire des mesures disciplinaires. Le pouvoir d’imposer des mesures disciplinaires ou de suspendre un employé est donné exclusivement aux administrateurs généraux. La terminologie concernant la discipline et les mesures disciplinaires utilisée dans la LGFP n’est pas employée dans la LEFP. L’article 118 de la LEFP donne à la CFP le pouvoir de mener une enquête sur toute allégation selon laquelle un fonctionnaire n’aurait pas respecté les dispositions relatives aux activités politiques permises établies dans la LEFP et lui donne aussi le pouvoir de congédier le fonctionnaire ou de prendre les mesures correctives qu’elle estime appropriées. Le paragraphe 15(1) de la LEFP prévoit que le pouvoir de mener des enquêtes et d’imposer des mesures correctives ou de congédier des fonctionnaires qui violent les dispositions de la Partie 7 (Activités politiques) de la LEFP ne peut pas être délégué aux administrateurs généraux. De plus, l’article 13 du Règlement concernant les activités politiques, DORS/2005-373, souligne le fait que l’administrateur général n’a aucun pouvoir dans le processus.

19 L’employeur a prétendu que la situation du fonctionnaire était semblable à celle qu’on retrouve dans Foster c. Conseil du Trésor (Défense nationale), dossier de la CRTFP 166-02-26267 (19950524) (confirmé dans [1996] A.C.F. No 1107 (QL)). Dans ce cas, le fonctionnaire avait été licencié par application de l’article 748 du Code criminel, L.R.C. (1985), ch. C-46, qui prévoyait que tout emploi public devient vacant dès que son titulaire est déclaré coupable d’un acte criminel et condamné en conséquence à une peine d’emprisonnement de plus de cinq ans. L’arbitre de grief avait déterminé qu’il n’avait pas compétence pour entendre un grief contre un licenciement découlant de l’application de l’article 748 du Code criminel parce que le licenciement résultait inévitablement de l’application du Code, et non de l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire par l’employeur. Par conséquent, comme il ne s’agissait pas d’une mesure disciplinaire, le grief ne pouvait pas être renvoyé à un arbitre de grief.

20 L’employeur a prétendu que pour déterminer si la mesure prise par un employeur est visée par l’alinéa 209(1)b) de la LRTFP, il faut examiner l’intention de l’employeur. Pour qu’une mesure constitue une sanction disciplinaire, il doit y avoir eu une intention et un pouvoir discrétionnaire de punir. De plus, la discipline n’est pas caractérisée seulement par l’intention de punir ou l’exercice du pouvoir discrétionnaire de punir, mais aussi par la possibilité et l’intention de se fonder sur la mesure disciplinaire pour imposer d’autres mesures disciplinaires par la suite. L’employeur a cité Clark v. New Brunswick (Department of Natural Resources and Energy), [1995] N.B.L.A.A. No. 15 (QL); Peters c. Conseil du Trésor (ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien), 2007 CRTFP 7; Canada (Procureur général) c. Frazee, 2007 CF 1176, à l’appui de ces principes.

21 Citant Canada (Procureur général) c. Assh, 2005 CF 734, l’employeur a soutenu que le fait que les plaintes et griefs ne peuvent pas tous être renvoyés à l’arbitrage ne signifie pas que le système est injuste. Les fonctionnaires peuvent toujours demander un contrôle judiciaire des décisions qui ne peuvent faire l’objet d’un arbitrage. L’employeur a également cité Vaughan c. Canada, 2005 CSC 11, soulignant la déférence accordée au régime législatif établi par le législateur.

22 L’employeur a allégué que la convention collective ne s’appliquait pas, compte tenu des faits du présent cas. Citant Lâm, il a prétendu que la clause 5.01 (Droits de la direction) ne confère pas de droits formels aux fonctionnaires. De plus, pour que l’article 38 (Normes de discipline) s’applique, il doit y avoir eu mesure disciplinaire. En l’espèce, le fonctionnaire n’a pas fait l’objet d’une mesure disciplinaire. La convention collective ne confère pas de pouvoir disciplinaire; cependant, la LGFP le fait, comme il est souligné dans King c. Administrateur général (Agence des services frontaliers du Canada), 2010 CRTFP 125.

23 L’employeur a prétendu que depuis le début jusqu’à la fin, la question en cause était une décision de la CFP et qu’il n’avait aucun mot à dire. Il ne s’agissait pas d’une mesure disciplinaire sur laquelle l’employeur pouvait exercer un pouvoir discrétionnaire. Pour que la CRTFP ait compétence dans cette affaire, le grief doit porter sur un des éléments décrits à l’article 209 de la LRTFP, ce qui n’est pas le cas. Il s’agissait, tout simplement, d’une mesure fondée sur le pouvoir législatif de la CFP.

24 L’employeur a aussi fait remarquer que la compétence doit être attribuée dans les lois habilitantes; les parties ne peuvent pas donner leur consentement dans le but de conférer une compétence qui n’est pas inscrite dans les lois.

B. Pour le fonctionnaire s’estimant lésé

25 Le fonctionnaire a déclaré que les faits sont clairs. Il a fait l’objet d’une enquête de la CFP concernant une violation présumée de la LEFP, et il a été trouvé coupable. À la suite de cette décision, on l’a envoyé en congé non payé à titre de punition. On lui a demandé de laisser sa carte de sécurité et son BlackBerry, et on l’a envoyé en congé non payé malgré lui.

26 Le fonctionnaire a soutenu que cette action était en tout point une mesure disciplinaire. Il y avait une accusation de violation à la LEFP, on a mené une enquête et imposé une pénalité, y compris une pénalité pécuniaire. De plus, l’employeur a consigné la pénalité dans son dossier personnel. Mme Lemay a affirmé que la lettre imposant la pénalité ne serait pas utilisée comme fondement pour une future mesure disciplinaire, mais il n’y avait aucune autre raison de tenir ce dossier si ce n’était pour s’en servir comme dossier disciplinaire.

27 Il est question à l’article 118 de la LEFP de « mesures correctives », mais ce terme est synonyme de « mesures disciplinaires ». Dans le cas présent, la mesure comprenait une pénalité financière. L’article 35 de la convention collective sur la procédure de grief prévoit que les griefs comprenant une pénalité pécuniaire peuvent être portés en arbitrage, et l’article 38 (Normes de discipline) appuie cette position.

28 Le fonctionnaire a soutenu que l’objection de l’employeur en matière de compétence n’était qu’une tentative d’éviter sa responsabilité et de le laisser sans recours efficace pour le tort qui a été fait. Un argument comme celui‑là nie la relation de travail entre le fonctionnaire et l’employeur et masque le fait qu’un congé non payé et non sollicité est une pénalité pécuniaire.

29 Le fonctionnaire a soutenu que l’argument selon lequel la compétence est perdue en raison d’une autre loi ne tient plus depuis Weber c. Ontario Hydro, [1995] 2 R.C.S. 929, qui établit que le litige doit être considéré dans son essence. Le fonctionnaire a soutenu que Weber établit que, si un arbitre de différends peut accorder un redressement efficace, il faut faire preuve de déférence à l’égard du processus d’arbitrage de différends. Le fonctionnaire est d’avis que, dans le cas présent, il ne fait aucun doute que je peux accorder les mesures de redressement demandées. Le fonctionnaire a également cité St. Anne Nackawic Pulp & Paper Co. Ltd. c. Section locale 219 du Syndicat canadien des travailleurs du papier, [1986] 1 R.C.S. 704, et Allen c. Alberta, 2003 CSC 13 pour appuyer son argument selon lequel les commissions de travail ont la compétence exclusive à l’égard des litiges découlant des conventions collectives.

30 Le fonctionnaire a aussi cité Guenette v. Canada (Attorney General) [2002] O.J. no 3062 (QL) et Pleau v. Canada (Attorney General), 1999 NSCA 159, comme exemples de décisions où le tribunal n’a pas reconnu la compétence exclusive des commissions de travail parce que les litiges ne découlaient pas de la convention collective et que le processus de grief ne pouvait pas fournir un redressement efficace. Mais dans le cas présent, le fonctionnaire a soutenu que le litige découlait de la convention collective, puisque l’employeur a transgressé l’article 5 (Droits de la direction).

31 Le fonctionnaire a souligné que les questions sont simples. Je dois déterminer si le fonctionnaire est un employé, s’il est visé par les dispositions de la convention collective et s’il a droit à l’arbitrage de grief. Le fait d’envoyer quelqu’un en congé non payé est essentiellement une mesure disciplinaire. Le fait que la lettre l’informant qu’il serait envoyé en congé forcé non payé ait été consignée dans son dossier personnel est en soi une preuve que la mesure corrective était bien une mesure disciplinaire. Le fonctionnaire est d’avis que si l’objection de l’employeur en matière de compétence était accueillie, le domaine des relations de travail s’en trouverait bouleversé.

C. Pour la CFP

32 La CFP a soutenu que la partie 7 de la LEFP crée un régime pour les activités politiques des employés de la fonction publique. Ce régime établit explicitement un équilibre entre le droit des employés de se livrer à des activités politiques et l’obligation d’assurer la neutralité et l’impartialité de la fonction publique (article 112). En outre, le principe d’objectivité politique fait partie intégrante du préambule de la LEFP.

33 En plus de la partie 7 de la LEFP, l’alinéa 11c) confie à la CFP le mandat d’appliquer les dispositions de la LEFP relatives aux activités politiques. Bien que le paragraphe 15(1) permette à la CFP de déléguer certaines de ses fonctions à un administrateur général, il exclut précisément ses pouvoirs découlant de la partie 7 sur les activités politiques. Il est clair que la CFP a la compétence exclusive à l’égard des activités politiques.

34 La CFP a soutenu que les règles sur les activités politiques des employés de la fonction publique sont énoncées clairement dans la LEFP. Le paragraphe 114(1) prévoit que les employés désireux d’être choisis, avant ou pendant la période électorale, comme candidat à une élection fédérale doivent demander et obtenir la permission de la Commission. Il est indiqué au paragraphe 114(3) que les employés qui veulent se porter candidats à une élection fédérale doivent d’abord « […] demander à la Commission et obtenir d’elle un congé sans solde ». La CFP a soutenu que, si elle n’avait pas accordé le congé en question, il aurait fallu demander un contrôle judiciaire.

35 Selon l’article 118 de la LEFP, la CFP a le pouvoir d’enquêter sur toute allégation de violation d’une disposition de la partie 7 par un employé, de congédier l’employé et d’imposer toute autre mesure corrective qu’elle juge appropriée si l’allégation s’avère justifiée.

36 La CFP a soutenu que ce grief a pour but d’obtenir un redressement pour lequel les parties n’ont aucune autorité. Dans le cas présent, il y a un lien évident entre l’objet du grief et la décision de la CFP. En fait, il s’agit d’un grief contre la décision de la CFP. Mais la CFP n’est pas une partie dans cette affaire. Les décisions de la CFP ne devraient et ne peuvent pas être examinées par les arbitres de grief de la CRTFP, parce que la CFP ne fait pas partie du processus. Par ailleurs, un arbitre de grief de la CRTFP aurait de la difficulté à ordonner à la CFP de faire quoi que ce soit, parce qu’il n’en a pas la compétence ou le pouvoir. Une décision de la CFP prise en vertu de l’article 118 de la LEFP peut être examinée uniquement dans le cadre d’un contrôle judiciaire. Si un arbitre de grief pouvait examiner les décisions de la CFP, ces dernières pourraient être annulées ou changées. La CFP a soutenu que cette situation irait à l’encontre de l’article 11 de la LEFP.

IV. Réplique de l’employeur

37 Concernant le fait que la lettre d’ordonnance de la CFP sur la mesure corrective a été placée dans le dossier personnel du fonctionnaire, l’employeur a soutenu qu’il n’avait pas le choix, car la CFP exigeait dans son ordonnance que la lettre soit placée dans le dossier du fonctionnaire.

38 L’employeur a noté que l’article 35 de la convention collective ne fait que reproduire les dispositions de la LRTFP sur l’arbitrage. Par ailleurs, le fonctionnaire n’est pas sans recours, puisqu’il peut présenter à la Cour fédérale une demande de contrôle judiciaire de la décision de la CFP.

39 L’employeur a affirmé qu’il ne pouvait manifestement pas régler le grief, puisque cela irait à l’encontre de l’intention du Parlement de créer des régimes distincts.

40 Pour ce qui est de Weber et St. Anne Nackawic Pulp & Paper Co. Ltd., l’employeur a soutenu que les faits et les dispositions dans les deux cas étaient complètement différents de ceux dans le cas présent et que ces décisions ne sont pas très utiles. Par ailleurs, Vaughan et Assh,ainsi que l’article 236 de la LRTFP, remplacent Guenette et Pleau.

41 L’employeur a noté que l’article 5 de la convention collective (Droits de la direction) reconnaissait les droits de l’employeur découlant de la LGFP, y compris son droit d’imposer des mesures disciplinaires. Mais il n’est fait mention nulle part dans la convention collective ou la LGFP de mesures correctives prises en vertu de la LEFP.

V. Réplique du fonctionnaire s’estimant lésé

42 Le fonctionnaire a noté que la CFP avait pensé à un certain moment que le processus de traitement des griefs était approprié, car elle a publié sur son site Web qu’il était possible d’intenter un recours auprès de la CRTFP (pièce G-2). Le fonctionnaire est d’avis que ce document lie l’employeur et la CFP, car il s’agissait de la position officielle de la CFP à ce moment‑là.

VI. Motifs

43 Le fonctionnaire a soutenu qu’il a été suspendu sans solde pour une période indéterminée parce qu’il se serait livré à des activités politiques partisanes pendant les heures de travail. Il a affirmé que, bien que l’action ait été qualifiée de congé non payé, cette action était en tout point une mesure disciplinaire, car il y a eu une accusation d’inconduite, puis une enquête, une décision et une pénalité pécuniaire. De plus, la mesure disciplinaire a été consignée dans son dossier personnel. Le fonctionnaire a soutenu que sa convention collective lui donnait le droit de renvoyer un grief sur une mesure disciplinaire à l’arbitrage.

44 De son côté, l’employeur a soutenu qu’il n’a pas suspendu le fonctionnaire; la CFP lui a ordonné d’envoyer le fonctionnaire en congé non payé après avoir mené une enquête. L’employeur a précisé qu’il n’avait pas le choix de suivre l’ordonnance de la CFP, qu’il n’a pas contribué à la décision et qu’il n’a pas participé à l’enquête, sinon en donnant à la CFP l’information qu’elle demandait. Compte tenu de ces faits, l’employeur a soutenu que le fonctionnaire n’avait pas été visé par une mesure disciplinaire conformément à la LGFP et que la CRTFP n’a pas la compétence de rendre une décision sur ce grief. L’employeur a ajouté que l’article 35 de la convention collective ne fait que répéter le libellé du paragraphe 209(1) de la LRTFP, qu’il s’applique uniquement en cas de mesure disciplinaire, et que l’article 5 ne s’applique pas.

45 Les faits sont relativement clairs. En février 2007, le fonctionnaire a demandé à la CFP la permission de se porter candidat à la prochaine élection (pièce E‑1). Dans une lettre envoyée le 9 mars 2007, la CFP lui a accordé la permission de se présenter dans sa circonscription (pièce E‑3) à certaines conditions. Il devait entre autres :

[Traduction]

[…] soumettre à l’avance à l’examen de la Commission une demande de congé non payé pour toute la période ou une partie de la période de votre candidature […] afin de participer à des activités politiques qui augmenteront votre notoriété, ce qui pourrait nuire ou être perçu comme nuisant à l’exercice de vos fonctions d’une manière impartiale sur le plan politique […]

46 Cette lettre, dans laquelle on donne au fonctionnaire la permission de poser sa candidature dans sa circonscription et de se présenter à l’élection fédérale, venait directement de la CFP. On y précise que la CFP avisera le sous‑ministre de l’employeur du fonctionnaire que non seulement elle accorde au fonctionnaire la permission de poser sa candidature et de se présenter à l’élection, mais qu’elle lui accorde un congé non payé pour la période d’élection (pièce E‑3). Le 23 mars 2007, la CFP a avisé officiellement le sous‑ministre qu’elle avait [traduction] « approuvé officiellement » la demande du fonctionnaire, qui voulait avoir la permission de poser sa candidature dans sa circonscription, et qu’elle avait aussi approuvé un congé non payé qui commencerait le jour où le fonctionnaire deviendrait un candidat à l’élection (pièce E‑6). Cependant, la CFP a aussi avisé le sous‑ministre qu’elle se réservait le droit de revenir sur sa décision si des changements survenaient dans la situation du fonctionnaire ou à la suite de toute enquête menée en vertu de l’article 118 de la LEFP.

47 Il s’est avéré qu’une plainte avait été déposée concernant les activités politiques inappropriées présumées du fonctionnaire. Dans une lettre datée du 20 mars 2007, la Direction générale des enquêtes de la CFP a avisé l’employeur qu’elle allait lancer une enquête conformément aux pouvoirs qui lui étaient conférés par l’article 118 de la LEFP (pièce E‑4). Cette enquête s’est déroulée jusqu’à la fin avril. Le 27 avril 2007, le rapport d’enquête a été publié (pièce E‑9). On concluait dans ce rapport que le fonctionnaire s’était en effet livré à des activités politiques inappropriées. Le 29 mai 2007, la CFP a avisé le fonctionnaire et l’employeur qu’elle avait accepté les conclusions du rapport et qu’elle imposait [traduction] « […] des mesures correctives pour empêcher que cette situation se reproduise » (pièce E‑10). Les mesures correctives ont été consignées dans le compte rendu de la décision (pièce E‑10) :

[Traduction]

[…]

Conformément au pouvoir de prendre des mesures correctives qui lui est conféré par l’article 118 de la LEFP, la Commission ordonne que :

  • l’employé soit envoyé en congé non payé à partir de la date de la décision jusqu’à ce qu’il prouve à la Commission qu’il satisfait aux conditions énumérées dans la permission qui lui a été accordée (compte rendu de la décision 07‑03‑PB‑207) […]

[…]

48 Mme Lemay a témoigné que l’employeur n’a contribué à aucune des décisions concernant les activités politiques du fonctionnaire. L’employeur n’avait pas le choix d’envoyer le fonctionnaire en congé, puisque c’est ce qu’ordonnait la CFP. Toutefois, pour des raisons purement administratives, le formulaire a été rempli par l’employeur et signé par le sous‑ministre. La CFP a fixé la durée du congé du fonctionnaire. C’est également elle qui a ordonné qu’une copie de sa décision soit placée dans le dossier personnel du fonctionnaire. Mme Lemay a ajouté que l’employeur ne considérait pas qu’il s’agissait d’une question de discipline et qu’il ne comptait pas s’appuyer sur la décision de la CFP pour imposer de futures pénalités disciplinaires, le cas échéant.

49 Il est clair que l’ordonnance pour un congé non payé de la CFP est au cœur de ce que le fonctionnaire décrit comme étant une suspension pour des motifs disciplinaires. Aux yeux du fonctionnaire, cette mesure ressemblait beaucoup à une mesure disciplinaire. La mesure était appliquée malgré lui, faisait suite à une enquête qui a révélé que son comportement représentait une infraction à la loi régissant les activités politiques des fonctionnaires, et cette conclusion s’accompagnait d’une pénalité pécuniaire. Mais cette mesure était‑elle en fait [traduction] « […] une mesure disciplinaire entraînant le licenciement, la rétrogradation, la suspension ou une sanction pécuniaire », ce qui la placerait dans la portée de l’alinéa 209(1)b) de la LRTFP ou de l’article 35 de la convention collective?

50 Le simple fait de décrire une mesure comme étant « disciplinaire » n’en fait pas une mesure disciplinaire. Les mesures qui ont des effets négatifs sur les fonctionnaires ne sont pas toutes des « mesures disciplinaires ». La terminologie est importante dans le contexte des relations de travail à la fonction publique fédérale. Les licenciements ne sont pas nécessairement fondés sur des raisons disciplinaires, les suspensions ne sont pas nécessairement des mesures disciplinaires et les pertes financières ne sont pas nécessairement des pénalités imposées pour des raisons disciplinaires.

51 Pour être qualifiée de disciplinaire, une action doit d’abord provenir de l’employeur. Bien que cela semble aller de soi, il convient de le rappeler. En lisant les dispositions législatives, particulièrement la LGFP, on constate que l’employeur est le Conseil du Trésor. Selon l’alinéa 7(1)e) de la LGFP, le Conseil du Trésor agit au nom du Conseil privé à l’égard des questions liées à la gestion des ressources humaines de l’administration publique fédérale, notamment la détermination des conditions d’emploi des fonctionnaires. Le Conseil du Trésor conserve l’autorité de créer des politiques et d’émettre des directives concernant les pouvoirs conférés aux administrateurs généraux par la LGFP, mais l’alinéa 12(1)c) donne aux administrateurs généraux l’autorité d’établir des normes disciplinaires et d’imposer des pénalités, notamment un licenciement, une rétrogradation, une suspension ou une sanction pécuniaire. Les administrateurs généraux sont définis au paragraphe 11(1) de la LGFP, au sein d’un ministère de l’administration publique centrale, comme étant les sous‑ministres. Selon le paragraphe 12.2(1), un administrateur général peut déléguer de ses pouvoirs ou de ses fonctions en matière de gestion des ressources humaines. Je crois que ces dispositions établissent clairement que seuls les sous‑ministres ou leurs délégués ont le droit d’imposer des mesures disciplinaires dans la fonction publique, conformément aux pouvoirs qui leur sont conférés par la LGFP.

52 La LGFP doit être lue de concert avec la LEFP. Bien que la LGFP porte sur l’autorité législative de mettre en place des conditions d’emploi pour les fonctionnaires, il est question dans son préambule de son objectif de contribuer à conserver une fonction publique non partisane et fondée sur le mérite. À cette fin, elle établit la CFP et le Tribunal de la dotation de la fonction publique, fournit des directives pour les nominations au sein de la fonction publique, donne à la CFP le pouvoir de mener des vérifications et des enquêtes et, dans la partie 7, établit un régime pour les activités politiques des fonctionnaires.

53 Bien que le paragraphe 15(1) de la LEFP autorise la CFP à déléguer aux administrateurs généraux bon nombre de ses pouvoirs et de ses fonctions, comme ses pouvoirs de dotation, les pouvoirs sur les activités politiques énoncés à la partie 7 (Activités politiques) sont spécifiquement exclus. Ces pouvoirs ne peuvent pas être délégués aux administrateurs généraux. Dans le contexte du présent grief, cela signifie que seule la CFP peut accorder à un fonctionnaire la permission de poser sa candidature et de se présenter à une élection provinciale ou fédérale, et qu’elle seule peut lancer une enquête en vertu de l’article 118 de la LEFP, ce qui comprend entre autres, le pouvoir d’ordonner que soit prise une mesure corrective qu’elle juge appropriée.

54 Je le répète, la terminologie est importante. Selon l’alinéa 12(1)c) de la LGFP, les administrateurs généraux ont la compétence exclusive pour ce qui est d’infliger des sanctions disciplinaires. Selon l’article 118 de la LEFP, la CFP a la compétence exclusive pour ce qui est de prendre des mesures correctives. Il ne fait aucun doute que ces deux actions sont différentes, même si elles peuvent avoir des points communs. Compte tenu des faits présentés dans le présent grief, le congé imposé par la CFP était une « mesure corrective » et non une mesure disciplinaire.

55 Selon l’alinéa 209(1)b) de la LRTFP, la CRTFP a la compétence à l’égard des griefs portant sur « […] une mesure disciplinaire entraînant le licenciement, la rétrogradation, la suspension ou une sanction pécuniaire ». Ce n’est pas le cas du présent grief. Ce grief ne porte pas sur une mesure disciplinaire. Comme je l’ai indiqué, les mesures disciplinaires relèvent des administrateurs généraux.

56 Le fonctionnaire a soutenu que le grief était admissible à l’arbitrage, conformément à l’alinéa 209(1)a) de la LRTFP, car la mesure corrective imposée par la CFP était une mesure disciplinaire au sens de la convention collective, particulièrement de l’article 35 (Procédure de règlement des griefs). Je ne suis pas d’accord. L’article 35 ne fait qu’établir une procédure de règlement des griefs qui reprend le libellé de la LRTFP et qui, en fait, renvoie explicitement à la LRTFP. La convention collective ne peut pas étendre la compétence de la CRTFP et lui permettre de rendre des décisions sur les mesures correctives imposées par la CFP. L’employeur (l’administrateur général) et le fonctionnaire sont les deux parties dans cette affaire. La CFP n’en est pas une. En toute logique, je ne vois pas trop comment je pourrais ordonner à l’administrateur général d’annuler une décision qui relève exclusivement de la compétence de la CFP.

57 Les renvois des parties à la jurisprudence ne m’ont pas paru très utiles. Par exemple, Weber et St. Anne Nackawic Pulp & Paper Co. Ltd., citées par le fonctionnaire, portent sur des questions et des faits différents. Il n’est pas question ici de recoupement de compétence ou de compétence concurrente et du droit des parties d’intenter une action au civil. Et les cas cités par l’employeur sur la définition de discipline n’étaient pas non plus particulièrement utiles dans les circonstances, car la mesure faisant l’objet du grief est en fait une mesure corrective ordonnée par la CFP.

58 De tous les cas qui ont été cités, seul Foster peut être considéré comme étant analogue. Dans ce cas, le fonctionnaire a été reconnu coupable d’un acte criminel sous le régime du Code criminel et condamné à plus de cinq ans d’emprisonnement. Il a été congédié en vertu de l’article 748 du Code criminel. L’employeur n’a pas eu son mot à dire dans ce cas. L’arbitre de grief a conclu qu’il n’avait aucune compétence, parce que conformément à l’article 748 du Code criminel, les licenciements n’entrent pas dans la portée de l’article 92 de l’ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (aujourd’hui l’article 209 de la LRTFP). Cette décision a été confirmée à l’issue d’un contrôle judiciaire.

59 Tout comme un licenciement en vertu de l’article 748 du Code criminel n’est pas une mesure disciplinaire s’inscrivant dans la portée de l’alinéa 209(1)b) de la LRTFP, une mesure corrective imposée en vertu de l’article 118 de la LEFP n’est pas une mesure disciplinaire entraînant une suspension ou une pénalité pécuniaire s’inscrivant dans la portée de l’alinéa 209(1)b) de la LRTFP. Pour ces motifs, je conclus que ce grief ne relève pas de ma compétence.

60 Enfin, le fait que la CFP aurait suggéré sur son site Web qu’il était possible d’intenter un recours auprès de la CRTFP n’est pas, à mon avis, un élément déterminant. Il faut trouver la compétence dans la loi; elle ne peut pas être accordée avec le consentement des parties (voir, par exemple, Foster).

61 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

VII.Ordonnance

62 L’objection relative à la compétence est accueillie, et j’ordonne que le dossier soit classé.

Le 23 janvier 2012.

Traduction de la CRTFP

Kate Rogers,
arbitre de grief

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