Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

La fonctionnaire s’estimant lésée a contesté la décision de l’employeur de modifier ses heures de travail - durant les trois années précédant le dépôt de son grief, elle a travaillé à temps partiel selon un horaire [traduction] << super comprimé>> de 30 heures par semaine, soit de 7h à 17h30 - la fonctionnaire s’estimant lésée ne travaillait pas toujours les heures inscrites à son horaire; parfois elle << mettait des heures en réserve >> jusqu’à ce qu’elle doive 10 heures de travail à son employeur, qu’elle lui remettait alors en travaillant une journée de 10 heures - cet horaire lui permettait de terminer sa journée de travail plus tôt afin de pouvoir prendre soin d’un membre âgé de la famille - elle n’a pas mentionné à son nouveau superviseur qu’elle prenait soin d’un membre âgé de la famille, elle lui a seulement dit qu’elle souhaitait conserver son horaire de travail <<pour des raisons personnelles >> - l’employeur l’a avisée qu’elle ne pouvait pas travailler plus tard que 17h - l’employeur a soutenu que ses heures de travail devaient être effectuées à l’intérieur des heures d’ouverture de l’établissement, qu’il y avait des enjeux liés à la sécurité étant donné qu’il n’y avait pas de supervision après 17h et qu’il n’y avait aucun besoin opérationnel justifiant sa présence au travail après 17h - il l’a aussi avisée qu’elle devrait travailler aux heures indiquées à son horaire - l’arbitre de grief a tranché que la clause 25.09 (Horaire variable) de la convention collective s’appliquait, plutôt que la clause 25.08 (Horaire mobile) de la convention collective - l’employeur a établi les besoins opérationnels du service, lesquels représentaient une justification suffisante en vertu de la convention collective pour exiger de la fonctionnaire s’estimant lésée qu’elle termine sa journée de travail à 17h - l’employeur n’avait pas promis qu’elle pourrait continuer à travailler selon son ancien horaire - il n’y avait pas de principe de préclusion - la fonctionnaire s’estimant lésée avait la responsabilité de fournir des raisons précises lorsqu’elle a demandé d’échapper à la règle afin de pouvoir travailler en dehors des heures d’ouverture de l’établissement, ce qu’elle n’a pas fait. Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2012-05-29
  • Dossier:  566-34-3022
  • Référence:  2012 CRTFP 62

Devant un arbitre de grief


ENTRE

DIANE PILON

fonctionnaire s’estimant lésée

et

AGENCE DU REVENU DU CANADA

employeur

Répertorié
Pilon c. Agence du revenu du Canada

Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage.

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Steven B. Katkin, arbitre de grief

Pour la fonctionnaire s’estimant lésée:
Jerry Kovacs, Alliance de la Fonction publique du Canada

Pour l'employeur:
Christine Diguer, avocate

Affaire entendue à Ottawa (Ontario),
le 13 janvier 2012.
(Traduction de la CRTFP)

I. Grief renvoyé à l’arbitrage

1 Diane Pilon, la fonctionnaire s’estimant lésée, (la « fonctionnaire ») était, à l’époque pertinente, employée à l’Agence du revenu du Canada (l’« employeur » ou l’ARC) à Ottawa, occupant un poste de commis au traitement des comptes et des prestations, groupe et niveau SP-03, à la section Vérification et validation au sein de la direction Vérification des données et programmes d’évaluation (VDPE). Le 12 octobre 2007, elle a présenté un grief libellé comme suit : [traduction] « Par ce grief, je conteste la décision de l’employeur de mettre fin à mon horaire de travail que j’effectuais depuis plus de trois ans, en vertu de l’article 25. » La fonctionnaire a demandé à titre de mesure corrective qu’elle puisse travailler de nouveau selon son horaire de travail antérieur. La convention collective en cause est celle conclue entre l’Agence des douanes et du revenu du Canada, aujourd’hui l’ARC, et l’Alliance de la Fonction publique du Canada (le « syndicat ») pour l’unité de négociation du groupe Exécution des programmes et des services administratifs, ayant comme date d’expiration le 31 octobre 2007 (la « convention collective »). Le grief a été renvoyé à l’arbitrage le 28 juillet 2009.

2 Les dispositions pertinentes de la convention collective sont les suivantes :

[…]

Article 25
Durée du travail

[…]

Travail de jour

25.06 Sauf indication contraire dans les paragraphes 25.09, 25.10 et 25.11 :

a) la semaine normale de travail est de trente-sept heures et demie (37 1/2) et s’étend du lundi au vendredi inclusivement,

et

b) la journée normale de travail est de sept heures et demie (7 1/2) consécutives, sauf la pause-repas, et se situe entre 7 h et 18 h, à l’exception des employé-e-s du groupe Services techniques dont les heures de travail se situent entre 6 h et 18 h.

[…]

25.08 Horaire mobile

Sous réserve des nécessités du service, l’employé-e qui travaille de jour a le droit de demander de travailler selon un horaire mobile allant de 7 h à 18 h, (6 h à 18 h pour les employé-e-s du groupe Services techniques) aux heures que l’employé-e choisit, et cette demande ne peut être refusée sans motif valable.

25.09 Horaire variable

a) Nonobstant les dispositions du paragraphe 25.06, l’employé-e peut, s’il ou elle en fait la demande et que l’Employeur y consent, répartir sa semaine de travail autrement que sur une période de cinq (5) jours à condition que, au cours d’une période de quatorze (14), vingt et un (21) ou vingt-huit (28) jours civils, l’employé-e travaille en moyenne trente-sept heures et demie (37 1/2) par semaine.

b) Au cours de chaque période de quatorze (14), vingt et un (21) ou vingt-huit (28) jours, l’employé-e doit bénéficier de jours de repos les jours qui ne figurent pas à son horaire de travail normal.

c) Les employé-e-s visés par le présent paragraphe sont assujettis aux dispositions concernant les horaires de travail variables qui figurent aux paragraphes 25.24 à 25.27.

[…]

Conditions régissant l’administration des horaires de travail variables

25.24 Les conditions régissant l’administration des horaires de travail variables mis en œuvre conformément aux paragraphes 25.09, 25.10 et 25.23 sont stipulées aux paragraphes 25.24 à 25.27, inclusivement. La présente convention est modifiée par les présentes dispositions dans la mesure indiquée par celles-ci.

25.25 Nonobstant toute disposition contraire dans la présente convention, la mise en œuvre d’un horaire de travail différent ne doit pas entraîner des heures supplémentaires additionnelles ni une rémunération supplémentaire du seul fait du changement d’horaire, et ne doit pas non plus être réputée retirer à l’Employeur le droit d’établir la durée du travail stipulée dans la présente convention.

25.26

a) Les heures de travail d’une journée quelconque figurant à l’horaire variable précisé au paragraphe 25.24 peuvent être supérieures ou inférieures à sept heures et demie (7 1/2); les heures du début et de la fin, les pauses-repas et les périodes de repos sont fixées en fonction des nécessités du service déterminées par l’Employeur, et les heures journalières de travail sont consécutives.

b) L’horaire doit prévoir une moyenne de trente-sept heures et demie (37 1/2) de travail par semaine pendant toute la durée de l’horaire.

[…]

II. Résumé de la preuve

A. Pour la fonctionnaire s’estimant lésée

3 La fonctionnaire a témoigné qu’elle avait été employée à l’ARC pendant plus de 30 ans. Au cours des quelques 15 dernières années, elle travaillait au Centre de technologie d’Ottawa (CTO), dans un immeuble situé sur Gladwin Crescent (l’« immeuble Gladwin »).

4 La fonctionnaire a affirmé que pendant environ trois ans avant qu’elle ne dépose son grief, son horaire de travail était de 7 h à 17 h 30. Á l’époque, elle travaillait à temps partiel selon un horaire de travail [traduction] « super » comprimé de 30 heures par semaine. Elle a expliqué qu’elle habitait à une bonne distance d’Ottawa et qu’elle devait s’occuper d’un membre âgé de sa famille qui vivait dans cette ville. Elle a précisé que son horaire de travail lui permettait de partir plus tôt du bureau une journée pour aller s’occuper de cette personne.

5 La fonctionnaire ayant fait défaut à plusieurs reprises de respecter son horaire de travail, l’employeur lui a remis un document intitulé [traduction] « Conditions d’emploi », soit une lettre précisant l’horaire de travail auquel elle devait se conformer. Dans la première des deux lettres à cet effet, datée du 9 mars 2006 (pièce G-1) et signée par sa chef d’équipe à l’époque, Sharon McClelland, il est précisé que ses heures de travail seraient de 6 h 45 à 17 h 15. La fonctionnaire a toutefois précisé que cet horaire a été en vigueur pour environ un mois, après quoi il a été remplacé par l’horaire indiqué au paragraphe 4.

6 Après une rencontre entre la fonctionnaire, Mme McClelland et sa supérieure immédiate à l’époque, Nadine Saintôt, cette dernière a confirmé à la fonctionnaire son nouvel horaire de travail dans un courriel daté du 13 avril 2006 (pièce G-2), qui se lit comme suit :

[Traduction]

Á la suite de votre courriel et de la discussion que nous avons eue dans mon bureau avec votre chef d’équipe, je vous confirme par la présente par écrit que vos heures de travail doivent être modifiées conformément à la convention collective et à la décision du directeur adjoint à cet égard.

Comme vous nous l’avez mentionné lors de cette rencontre que vous préférez travailler selon cet horaire afin de pas avoir de difficulté à vous y conformer à l’avenir, nous en sommes donc arrivés à une entente.

Ainsi, à partir de la semaine du 24 avril 2006, vos heures de travail seront donc de 7 h à 17 h 30. Veuillez vous assurer de changer votre horaire en conséquence.

Les modifications requises seront apportées aux conditions d’emploi afin de tenir compte de ce changement, et vous recevrez aux fins de signature un document portant ces modifications, d’ici le 24 avril 2006.

[…]

7 La fonctionnaire a affirmé que cet horaire a été reconduit tous les trois mois durant la période pendant laquelle elle travaillait selon l’horaire précité. Elle a indiqué que son horaire de travail avait cependant été modifié une autre fois à l’arrivée d’une nouvelle directrice, Louise Ouellette-Bolduc, en 2007, tel que confirmé dans une lettre énonçant les conditions d’emploi datée du 2 octobre 2007 (pièce G-3). Le présent grief porte sur cette dernière modification à son horaire de travail.

8 La fonctionnaire a indiqué qu’elle avait été convoquée à deux reprises à des rencontres avec Mme Ouellette‑Bolduc; elle ne se souvenait pas des dates précises de ces rencontres. Lors de la première de ces rencontres, la fonctionnaire a dit à sa gestionnaire qu’elle avait travaillé selon un horaire de 7 h à 17 h 30 depuis longtemps, et qu’elle souhaitait pouvoir continuer à travailler selon cet horaire. La fonctionnaire a affirmé que lors de la deuxième rencontre, Mme Ouellette‑Bolduc lui avait dit que les heures de service à l’immeuble Gladwin étaient de 7 h à 17 h, et qu’il n’y avait pas de supervision dans l’immeuble après 17 h. La fonctionnaire a alors répondu à Mme Ouellette‑Bolduc qu’aucune supervision n’était requise, puisqu’un agent de sécurité était de garde dans l’immeuble après 17 h.

9 La fonctionnaire a témoigné que ses fonctions consistaient essentiellement à traiter avec des centres fiscaux de l’ARC par téléphone et, à de rares occasions, avec des contribuables. Elle a estimé qu’elle passait de 25 à 35 % de son temps de travail au téléphone. Elle effectuait aussi diverses tâches à l’ordinateur.

10 En contre-interrogatoire, la fonctionnaire a reconnu qu’elle avait travaillé à temps partiel de 2004 à 2009. Elle a précisé qu’elle avait demandé une confirmation écrite de l’entente sur ses heures de travail conclue avec Mme Saintôt parce qu’elle se méfiait de l’employeur, ayant dû composer par le passé avec plusieurs modifications à son horaire. Elle a indiqué que le deuxième paragraphe du courriel se rapportait à son désir de voir l’entente dûment constatée par écrit. La fonctionnaire, une fonctionnaire ayant environ 30 années de service, a admis que le courriel de Mme Saintôt ne précisait pas qu’elle pouvait travailler selon cet horaire jusqu’à ce qu’elle prenne sa retraite.

11 La fonctionnaire a reconnu que, lors de la deuxième rencontre, Mme Ouellette‑Bolduc lui avait dit qu’à l’immeuble Gladwin, les employés ne pouvaient pas travailler pendant plus de 9,5 heures par jour. La fonctionnaire a aussi reconnu que Mme Ouellette‑Bolduc lui avait dit que les nécessités du service faisaient en sorte qu’il n’était pas requis de travailler après 17 h et que, par conséquent, la fonctionnaire ne pouvait plus travailler au-delà de 17 h.

B. Pour l’employeur

12 Au moment de l’audience, Mme Ouellette‑Bolduc comptait neuf années de service auprès de l’ARC. Elle était directrice de la section Vérification et validation au CTO du mois d’août 2007 au mois de novembre 2007. Un groupe de cinq superviseurs, appelés chefs d’équipe, se rapportait à elle et elle avait 75 employés sous sa responsabilité. Mme McClelland, la chef d’équipe de la fonctionnaire, était l’un des cinq superviseurs relevant alors de Mme Ouellette‑Bolduc.

13 Mme Ouellette‑Bolduc a témoigné que lorsqu’elle est entrée en fonction, elle a aussitôt rencontré les chefs d’équipe pour vérifier les heures de travail de tous les employés afin de s’assurer que les horaires de travail en place étaient suffisants pour combler la charge de travail de la section. Lors de sa rencontre avec Mme McClelland, Mme Ouellette‑Bolduc a appris que la fonctionnaire travaillait 30 heures par semaine à temps partiel selon un horaire [traduction] « super » comprimé sur une période de 28 jours. Elle a alors été informée que la méthode employée par la fonctionnaire pour comptabiliser ses heures de travail dans le système informatique du ministère différait de la pratique normale en la matière. Ainsi, la fonctionnaire comptabilisait comme suit ses heures de travail : le mardi et le jeudi, elle comptabilisait 10,5 heures par jour, de 7 h à 17 h 30; le mercredi, deux heures; puis le vendredi, 8,5 heures. Bien que la fonctionnaire inscrivait ces heures dans le système, suivant une entente avec sa chef d’équipe, elle ne se présentait pas au travail le mercredi avant d’avoir accumulé 10 heures inscrites dans le système sans toutefois les avoir effectuées; une fois ces heures accumulées, elle se présentait alors au bureau pour travailler une journée de travail de 10 heures, sans inscrire ces heures par la suite. Mme Ouellette‑Bolduc a informé Mme McClelland qu’elle ne permettrait pas la poursuite de cette façon de faire, et que la fonctionnaire devait effectuer ses heures telles qu’elles étaient inscrites dans le système. Mme Ouellette‑Bolduc a aussi précisé que les employés ne devaient pas travailler 10 heures par jour, et qu’en vertu de la politique de la VDPE les employés ne devaient pas travailler plus de 9,5 heures par jour.

14 Mme Ouellette‑Bolduc a témoigné qu’après examen du dossier de la fonctionnaire, elle a relevé qu’il n’y avait aucune entente au dossier stipulant qu’elle travaillait à temps partiel, bien qu’elle travaillait effectivement à temps partiel. Il y avait bien une lettre énonçant les conditions d’emploi de la fonctionnaire, mais selon Mme Ouellette‑Bolduc cette lettre était désuète. Elle a témoigné qu’on avait recours à une telle lettre pour régler certains problèmes relevés quant au rendement d’un employé. Il s’agit d’un outil offrant la souplesse voulue pour permettre à la direction et à l’employé de bien cerner les attentes de chacun et les améliorations requises dans certains domaines définis. Mme Ouellette‑Bolduc a indiqué que lorsqu’elle était chef d’équipe, elle avait l’habitude de passer en revue avec les employés les conditions d’emploi énoncées dans la lettre toutes les quatre semaines. Elle a précisé que cette méthode permettait d’engager un dialogue et permettait de rappeler aux employés visés que la lettre n’était pas simplement classée au dossier et oubliée par la suite.

15 Mme Ouellette‑Bolduc a aussi étudié la banque de congés de la fonctionnaire. Elle a relevé que cette dernière demandait souvent un congé le jour même visé par sa demande. Elle a ensuite vérifié l’horaire de travail de la fonctionnaire pour les 26 semaines précédant le moment où elle était entrée en fonction à titre de gestionnaire et a comparé les heures prévues à l’horaire de travail à celles inscrites sur les feuilles de temps de la fonctionnaire. Mme Ouellette‑Bolduc a alors découvert que la fonctionnaire avait travaillé selon l’horaire de travail prévu pendant seulement 7 des 26 semaines en question. Elle a souligné que cela n’indiquait pas en soi une utilisation frauduleuse de sa banque de congés, mais plutôt que les heures de travail choisies par la fonctionnaire n’étaient pas fonctionnelles. Mme Ouellette‑Bolduc a précisé que pendant les trois à quatre mois avant son entrée en fonction, la conformité de la fonctionnaire à l’horaire de travail établi s’était améliorée, dans une certaine mesure.

16 Mme Ouellette‑Bolduc a ensuite étudié les heures de travail de la fonctionnaire. Elle a témoigné qu’elle avait consulté ses collègues et le directeur adjoint au sujet du fait que des employés pouvaient travailler après 17 h à l’immeuble Gladwin. Ils lui ont dit ne pas être au courant que des employés travaillaient en dehors des heures normales de travail de l’établissement, soit de 7 h à 17 h. Mme Ouellette‑Bolduc a aussi consulté des conseillers en relations de travail, car cette situation soulevait à ses yeux des questions de sécurité. L’établissement était en fait un ancien entrepôt reconverti. Bien qu’un agent de sécurité y était de garde au poste de réception et disposait d’un téléphone, il n’avait pas de contact visuel direct ailleurs dans l’immeuble, celui-ci n’étant pas doté de caméras. Mme Ouellette‑Bolduc a témoigné que les nécessités du service n’exigeaient pas que les employés travaillent après 17 h.

17 Mme Ouellette‑Bolduc a affirmé qu’elle a eu une première rencontre avec la fonctionnaire le 25 septembre 2007, afin de passer en revue et de modifier les modalités de comptabilisation de ses heures de travail dans le système, d’établir une entente écrite au sujet de son travail à temps partiel, et de modifier la lettre énonçant ses conditions d’emploi, le tout ayant été consigné au compte rendu des discussions rédigé par Mme Ouellette‑Bolduc à la suite de cette rencontre (pièce E-1, onglet 2‑A). Mme Ouellette‑Bolduc a signalé une erreur typographique apparaissant à la dernière ligne de ce compte rendu, qui se lit comme suit : [traduction] « Diane a été avisée que cette pratique devait cesser à compter du vendredi 28 septembre 2007 et que les six heures alors dues devaient être récupérées durant la semaine du 1er octobre 2008. » Mme Ouellette‑Bolduc a indiqué qu’il aurait fallu lire plutôt « du 1er octobre 2007 ».

18 Mme Ouellette‑Bolduc a témoigné qu’elle avait rencontré une deuxième fois la fonctionnaire le 2 octobre 2007 pour discuter avec elle de ses heures de travail et de son emploi à temps partiel. Mme McClelland et Chris Aylward, un représentant syndical, étaient également présents à cette rencontre. Mme Ouellette‑Bolduc a indiqué qu’elle avait compris que la fonctionnaire avait déjà eu des difficultés avec la direction par le passé. Bien qu’elle n’y était pas tenue, elle a informé la fonctionnaire qu’elle pouvait demander qu’un représentant syndical soit présent à la rencontre à titre d’observateur. Le compte rendu des discussions a été préparé par Mme McClelland et révisé par Mme Ouellette‑Bolduc (pièce E-1, onglet 2-B). Mme Ouellette‑Bolduc a affirmé que plusieurs jours avant la rencontre, elle avait fourni à la fonctionnaire une copie de l’ébauche des documents qui y seraient abordés. Lors de la rencontre, elle a remis à chacun des participants une chemise contenant une copie de l’ébauche de l’entente sur le travail à temps partiel (pièce E-1, onglet 3), d’une lettre énonçant les conditions d’emploi (pièce E-1, onglet 5), les dispositions pertinentes de la convention collective (pièce E-1, onglet 7) et une analyse de ces dispositions (pièce E‑1, onglet 6), ses points de décision à l’appui de la modification apportée à l’horaire de travail de la fonctionnaire (pièce E‑1, onglet 7), et des exemples d’horaires de travail présentant divers horaires possibles proposés à la fonctionnaire.

19 Mme Ouellette‑Bolduc a souligné une erreur typographique au point 3 de la lettre des conditions d’emploi (pièce E-1, onglet 5), laquelle se lit en partie comme suit : [traduction] « Vos heures de travail, au bureau, sont de 7 h à 17 h 30 […] » Mme Ouellette‑Bolduc a témoigné que, sur l’original de ce document, les heures indiquées ont été corrigées à la main afin d’indiquer « de 7 h à 17 h », ce changement ayant été paraphé tant par elle-même que par la fonctionnaire. La fonctionnaire n’a pas réfuté ce fait.

20 Les points mentionnés à la pièce E-1, onglet 7, par Mme Ouellette‑Bolduc à l’appui de sa décision de changer l’horaire de travail de la fonctionnaire sont les suivants :

[Traduction]

  • Les heures d’exploitation de l’immeuble Gladwin sont de 7 h à 17 h.
  • La section Vérification et validation n’a pas de nécessité de service exigeant que des employés travaillent dans cette section après 17 h.
  • Aucun personnel de supervision n’est affecté à l’immeuble après 17 h.
  • La politique de la section VDPE est de limiter le nombre d’heures de travail effectuées au cours d’une même journée à 9,5 heures.
  • Le rendement au travail diminue après un certain nombre d’heures de travail au cours d’une même journée; le rendement de Diane au travail a été en-deçà des attentes.
  • La direction a fait preuve de souplesse à cet égard, en acceptant que Diane travaille selon un horaire à temps partiel (30 heures par semaine) ainsi que selon un horaire de travail « super » comprimé sur un calendrier de 28 jours.
  • Selon les données fournies par le SAE, Diane n’a pas travaillé selon un horaire de travail de 10 heures par jour durant la période de 3 ans précédant la présentation de son grief tel qu’indiqué dans son grief. Un examen de ces données révèle que les journées de travail de 10 heures n’ont commencé qu’à compter de mars 2006.

21 Mme Ouellette‑Bolduc a témoigné que, bien qu’elle ait compris que la fonctionnaire travaillait selon un horaire de travail de 7 h à 17 h 30 depuis longtemps déjà, la fonctionnaire lui avait seulement dit qu’elle travaillait selon cet horaire pour des raisons personnelles. Mme Ouellette‑Bolduc a affirmé que la fonctionnaire ne lui a jamais dit qu’elle devait s’occuper d’une personne âgée. Mme Ouellette-Bolduc a précisé qu’elle avait dit à la fonctionnaire qu’elle pouvait être souple quant à ses heures de travail, mais qu’elle n’était pas disposée à accorder une dérogation permettant à un employé de travailler en dehors des heures de service à l’immeuble Gladwin.

22 En contre-interrogatoire, Mme Ouellette‑Bolduc a admis que la fonctionnaire avait été autorisée à travailler de 7 h à 17 h 30 et que, selon les renseignements dont elle disposait, ses congés avaient également été autorisés. Elle a par ailleurs affirmé qu’elle n’était pas au courant de la teneur des discussions entre la fonctionnaire et ses gestionnaires précédents au sujet de ses heures de travail, et qu’elle n’avait pas discuté de cette question avec ces gestionnaires.

23 En ce qui a trait à sa vérification des horaires de travail de la fonctionnaire, Mme Ouellette‑Bolduc a affirmé que si elle s’en était tenue uniquement à un examen de ses horaires de travail comprimés, elle aurait alors vérifié uniquement ses horaires de travail sur huit semaines. Cependant, le fait que la fonctionnaire ait travaillé pendant un horaire de travail complet seulement durant sept semaines sur une période de 26 semaines lui a paru problématique, à savoir si l’horaire de travail établi était convenable pour la fonctionnaire, si cela avait une incidence sur les autres employés faisant partie de la même équipe, et si cela avait des répercussions sur l’aptitude de Mme Ouellette‑Bolduc à respecter les objectifs du mandat qui lui était confié.

24 Mme Ouellette‑Bolduc a témoigné qu’elle ne voyait aucune raison valable ni quelque nécessité du service pouvant justifier qu’un employé soit assis à son bureau et disponible pour répondre à des clients après 17 h. Elle a réitéré qu’il n’y avait aucun personnel de supervision dans l’immeuble après 17 h. L’agent de sécurité, bien qu’ayant accès à un téléphone, se trouvait assez loin de l’aire de travail de la fonctionnaire, ce qui représentait un risque à son avis. Mme Ouellette‑Bolduc a reconnu qu’elle ne pouvait tenir compte du risque de sécurité éventuel qu’après son entrée en fonction en 2007.

25 En réponse à une question du représentant de la fonctionnaire, Mme Ouellette‑Bolduc a affirmé que l’horaire de travail de 7 h à 17 h était établi en lien direct avec des enjeux liés au rendement, à la santé et à la sécurité au travail, à la supervision ainsi qu’aux nécessités du service. Elle a souligné que puisqu’il y avait de la supervision pendant ces heures, cet horaire était l’horaire habituel pour les postes nécessitant la saisie de données. Mme Ouellette‑Bolduc a affirmé qu’elle a tenté d’offrir le plus de souplesse possible à la fonctionnaire.

26 En réponse à la question à savoir pourquoi la réponse donnée au premier niveau de la procédure de règlement des griefs, qu’elle avait pourtant signée, ne formulait pas les raisons qu’elle avait données dans ses points de décision à l’appui de sa décision de changer l’horaire de travail de la fonctionnaire, Mme Ouellette‑Bolduc a répondu s’être fiée à cet égard aux conseils obtenus auprès des conseillers en relations de travail, auxquels elle avait fourni tous les documents pertinents, y compris ses points de décision. Elle a souligné que les motifs justifiant la modification de l’horaire de travail étaient clairement exposés dans les documents qu’elle avait préparés pour la rencontre du 2 octobre 2007 et qu’elle avait effectivement fournis à la fonctionnaire préalablement à cette rencontre.

27 En ré-interrogatoire, Mme Ouellette‑Bolduc a affirmé que lors de toutes les interactions qu’elle a eues avec la fonctionnaire, cette dernière lui a répété à maintes reprises qu’elle souhaitait qu’elle reconsidère la question de son horaire de travail pour des raisons personnelles, sans préciser davantage. Elle a souligné qu’au CTO une proportion importante des employés y travaillait selon un horaire de travail comprimé, et qu’il fallait donc une raison valable pour justifier une exception. Mme Ouellette‑Bolduc a témoigné que, selon les renseignements fournis par la fonctionnaire, elle n’était pas en mesure de faire une exception dans son cas.

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour la fonctionnaire s’estimant lésée

28 La fonctionnaire a reconnu que les heures de service à l’immeuble Gladwin étaient de 7 h à 17 h.

29 La fonctionnaire a souligné que le libellé de la clause 25.08 de la convention collective indique son caractère impératif. Elle a aussi soutenu que les nécessités du service devaient être évaluées en fonction des faits établis dans chaque cas d’espèce.

30 La fonctionnaire m’a renvoyé à Jenks et al. c. Agence du revenu du Canada, 2010 CRTFP 27, pour illustrer une situation dans laquelle l’employeur avait des motifs valables pour refuser la demande des fonctionnaires s’estimant lésés dans ce cas visant à faire changer l’heure du début de leur quart de travail de 7 h 30 à 7 h. La décision était fondée sur le fait que les nécessités du service étaient telles que l’horaire de travail devait en principe être de 7 h 30 à 17 h. Elle a fait valoir que dans Jenks, l’employeur avait présenté suffisamment d’éléments probants pour justifier sa décision, notamment sa politique sur les heures de travail et sa politique en matière de premiers soins, de santé et de sécurité au travail conformément à la partie II du Code canadien du travail, L.R.C. (1985), ch. L-2, exigeant notamment la présence d’au moins un employé ayant une formation en premiers soins si un employé travaille en dehors des heures de travail normales.

31 La fonctionnaire a soutenu qu’en l’instance, les préoccupations de l’employeur quant à l’absence de supervision visaient plutôt la sécurité physique des employés présents dans l’immeuble après les heures normales de bureau, et non au sujet de la supervision des employés comme tel. Elle a fait valoir que Mme Ouellette‑Bolduc avait témoigné que la supervision signifiait la présence d’autres personnes dans les lieux de travail. La fonctionnaire a souligné qu’il n’avait pas été établi en preuve que la présence d’un ou d’une chef d’équipe était requise afin de superviser en personne le travail qu’elle effectuait. Elle a soutenu que pendant les trois années précédant l’arrivée de Mme Ouellette‑Bolduc, le fait que les gestionnaires précédents de la fonctionnaire lui avaient permis de travailler jusqu’à 17 h 30 constituait une preuve suffisante que ses heures de travail étaient requises aux fins des nécessités du service de la division. La fonctionnaire a dit que la meilleure raison donnée pour justifier un changement à son horaire de travail était que la présence des employés n’était pas nécessaire à l’immeuble Gladwin après 17 h.

32 Quant aux raisons données par la fonctionnaire pour demander de terminer à 17 h 30, soit le fait de devoir s’occuper d’une personne âgée et la distance entre sa résidence et Ottawa, elle a soutenu qu’elle avait déjà donné ces raisons à ses gestionnaires précédents. Elle a ajouté qu’il n’avait pas été établi en preuve que Mme Ouellette‑Bolduc lui avait demandé de lui donner davantage de précisions autrement que le fait qu’il s’agissait de raisons personnelles, et qu’à défaut de lui préciser ces raisons la fonctionnaire ne pourrait plus se prévaloir de son horaire de travail de 7 h à 17 h 30.

33 La fonctionnaire a fait valoir que l’employeur n’avait pas le droit de restreindre les heures de service prévues à la clause 25.08 de la convention collective et que les nécessités du service ne pouvaient servir à lui refuser ses droits en vertu de cette disposition de la convention collective. Par conséquent, le refus d’accorder sa demande était déraisonnable.

34 La fonctionnaire a qualifié le courriel de Mme Saintôt (pièce G-2, reproduit ci‑dessus au paragraphe 6 de cette décision) comme étant un engagement à maintenir les heures de travail de la fonctionnaire de 7 h à 17 h 30. Au soutien de cette position, la fonctionnaire m’a renvoyé à Prévost c. Bureau du surintendant des institutions financières, 2011 CRTFP 119, et Ontario Public Service Employees Union v. Ontario (Ministry of Labour) (2008), 179 L.A.C. (4e) 387.

B. Pour l’employeur

35 L’employeur a fait valoir qu’en octobre 2007, l’employeur avait décidé que l’horaire de travail de la fonctionnaire ne pouvait pas aller au-delà de 17 h et qu’elle devait travailler les heures de travail qu’elle comptabilisait dans le système de l’employeur. L’employeur a souligné que la fonctionnaire avait alors été autorisée de continuer à travailler selon un horaire de travail comprimé et une semaine de travail à temps partiel, et avait été invitée à formuler des suggestions ou des solutions de rechange à l’horaire de travail proposé par l’employeur.

36 L’employeur a fait valoir qu’un horaire de travail variable n’était pas un droit garanti aux employés, mais plutôt une modalité autorisée avec l’approbation de l’employeur, tel que prévu à la clause 25.09a) de la convention collective. Au soutien de son argumentation à cet égard, l’employeur m’a renvoyé à La Reine c. Boyachok, [1981] 1 C.F 344 (C.A.), et Boudreau et al. c. Conseil du Trésor (ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences), 2008 CRTFP 66. Il a en outre cité les paragraphes 27 et 28 de Boudreau et al., lesquels se lisent comme suit :

27 Cela dit, je ne partage pas le point de vue des fonctionnaires s’estimant lésés selon lequel la décision d’autoriser ou de ne pas autoriser un employé à travailler selon un horaire variable doit être basée sur les nécessités du service. Il s’agit d’une décision qui appartient exclusivement à l’employeur. Il a donc tout à fait le droit de refuser ces demandes pour des motifs autres que les nécessités du service.

28 Dans Boyachok, la Cour d’appel fédérale a établi que l’arbitre, qui avait à se prononcer sur une disposition comparable de la convention collective « […] a[vait] commis une erreur en mettant en doute la validité des motifs donnés par l'employeur, à tous les paliers, pour expliquer la révocation de son consentement […] ». Appliquée à l’affaire qui nous occupe, cette décision signifie que l’employeur a tout à fait le droit de refuser la demande d’horaire variable d’un employé et que l’arbitre n’est pas habilité à mettre en doute ses motifs. Cela ne m’empêche toutefois pas de conclure que l’employeur n’a pas interprété correctement la convention collective dans ce cas-ci.

37 L’employeur a notamment fait valoir que Jenks portait sur la clause 25.08 de la même convention collective que celle visée en l’instance, laquelle traite des horaires mobile, alors que la présente affaire porte plutôt sur les horaires variables de travail visés par la clause 25.09 de la convention collective. Il a soutenu en outre qu’un employé affecté à un horaire mobile ne travaillait pas nécessairement selon un horaire variable. L’employeur a aussi fait valoir que, dans l’éventualité où la clause 25.08 s’appliquait en l’instance, il avait fourni suffisamment de motifs ayant trait aux nécessités du service permettant de justifier sa décision de changer l’horaire de travail de la fonctionnaire. Á cet égard, l’employeur a souligné que, dans sa décision, Mme Ouellette‑Bolduc avait tenu compte des heures d’exploitation de l’immeuble Gladwin. Après avoir consulté ses collègues et le directeur adjoint ainsi que des conseillers en relations de travail, elle avait obtenu la confirmation qu’aucun autre employé, y compris ceux travaillant selon un horaire variable, ne travaillait après 17 h à l’immeuble Gladwin, à part la fonctionnaire.

38 Quant aux raisons données par la fonctionnaire pour travailler jusqu’à 17 h 30, l’employeur a souligné que, malgré son témoignage à savoir qu’en 2006 elle avait informé ses gestionnaires et ses chefs d’équipe qu’elle résidait à une bonne distance de son lieu de travail et devait s’occuper d’une personne âgée, Mme Ouellette‑Bolduc a témoigné que la fonctionnaire lui avait seulement dit qu’elle avait des raisons personnelles, sans élaborer davantage à ce sujet. Par conséquent, elle ne pouvait faire une exception pour la fonctionnaire, car celle-ci ne lui avait pas fourni quelque justification à cet égard.

39 L’employeur a ensuite abordé l’argument de la fonctionnaire voulant que, par le courriel de Mme Saintôt (pièce G-2), l’employeur s’était engagé à maintenir son horaire de travail de 7 h à 17 h 30. L’employeur a soutenu que le fait que la fonctionnaire avait déjà bénéficié de cet horaire de travail pendant trois ans ne lui donnait pas nécessairement le droit de conserver cet horaire de travail. De plus, l’employeur a soutenu que le courriel ne constituait en rien une promesse et que, en tout cas, la fonctionnaire n’avait pas agi en vertu de cette promesse à son propre détriment. L’employeur a de plus fait valoir que la fonctionnaire ne pouvait unilatéralement modifier les conditions de son emploi. En ce qui a trait à Ontario (Ministry of Labour),citée par la fonctionnaire, l’employeur a fait valoir que cette décision se distinguait des faits en l’espèce et se rapportait à une situation entièrement différente.

40 L’employeur a soutenu que, dans la mesure où la clause 25.08 s’appliquait en l’instance, il avait fourni suffisamment de motifs ayant trait aux nécessités du service permettant de justifier son refus d’accorder à la fonctionnaire sa demande de pouvoir travailler après 17 h à l’immeuble Gladwin.

41 L’employeur a soutenu que la meilleure preuve était constituée des comptes rendus des rencontres avec la fonctionnaire, qui avaient été rédigés à l’époque de ces rencontres et qui lui avaient été fournis au moment de la décision prise à cet égard. L’employeur a en outre fait valoir que ces comptes rendus démontraient que sa décision n’était pas arbitraire, mais plutôt réfléchie et justifiée.

C. Réfutation par la fonctionnaire s’estimant lésée

42 La fonctionnaire a souligné que les faits dans Jenks se rapportaient également aux employés travaillant selon un horaire de travail comprimé.

43 La fonctionnaire a souligné qu’il était déraisonnable de la part de Mme Ouellette‑Bolduc de ne pas avoir consulté les gestionnaires précédents de la fonctionnaire auxquels cette dernière aurait, selon son témoignage, fourni les raisons justifiant le fait qu’elle soit autorisée à travailler jusqu’à 17 h 30.

44 La fonctionnaire a soutenu que la clause 25.09 de la convention collective n’est pas en cause en l’instance, car l’employeur l’avait déjà autorisée à travailler selon un horaire de travail comprimé, ce qu’elle a fait d’ailleurs durant longtemps. Elle a fait valoir que la disposition pertinente de la convention collective est la clause 25.08, car l’employeur lui a refusé sans motif valable de pouvoir travailler jusqu’à 17 h 30. La fonctionnaire a soutenu que les motifs fournis par l’employeur, soit que sa décision était fondée sur les nécessités du service, étaient insuffisants.

IV. Motifs

45 Tant le grief que le renvoi à l’arbitrage renvoient à l’article 25 de la convention collective sans préciser une clause en particulier. Partant, la première question à trancher consiste à décider quelles dispositions de la convention collective sont pertinentes en regard des faits en l’instance. La fonctionnaire a soutenu qu’il s’agit de la clause 25.08, qui traite des horaires mobiles, alors que l’employeur prétend que c’est la clause 25.09, laquelle porte sur les horaires de travail variables. Pour les motifs exposés ci-après, je suis d’avis que la clause pertinente est la clause 25.09.

46 La règle générale régissant les heures de travail dans la convention collective est énoncée à la clause 25.06, intitulée « Travail de jour ». En vertu de la clause 25.08, intitulée « Horaire mobile », sous réserve des nécessités du service, l’employé qui travaille de jour a le droit de demander de travailler durant sa journée normale de travail de sept heures et demie (7 1/2) consécutives selon un horaire mobile s’étendant sur une période de 11 ou de 12 heures selon le groupe visé, soit allant de 7 h à 18 h ou de 6 h à 18 h pour les employés du groupe Services techniques. Tel que précisé à la clause 25.06a), la semaine normale de travail des employés travaillant selon un horaire mobile est de 37,5 heures et s’étend du lundi au vendredi.

47 La convention collective précise clairement que la clause 25.09, traitant des horaires variables, constitue une exception à la règle générale énoncée à la clause 25.06. Le premier élément attestant de ce fait est le libellé même de la phrase introductive de la 25.06, qui se lit comme suit : « Sauf indication contraire dans les paragraphes 25.09, 25.10 et 25.11 […] » Le fait que la clause 25.09 constitue un régime distinct de celui de la règle générale énoncée à la clause 25.06 est mis en évidence par le libellé introductif de cette clause, qui se lit comme suit : « Nonobstant les dispositions du paragraphe 25.06 […] » De plus, la clause 25.09c) stipule que « [l]es employé-e-s visés par le présent paragraphe sont assujettis aux dispositions concernant les horaires de travail variables qui figurent aux paragraphes 25.24 à 25.27 ». L’intitulé de ces dernières dispositions se lit comme suit : « Conditions régissant l’administration des horaires de travail variables ». La clause 25.24 se lit comme suit :

25.24 Les conditions régissant l’administration des horaires de travail variables mis en œuvre conformément aux paragraphes 25.09, 25.10 et 25.23 sont stipulées aux paragraphes 25.24 à 25.27, inclusivement. La présente convention est modifiée par les présentes dispositions dans la mesure indiquée par celles-ci.

48 L’on retrouve en outre dans Boudreau un soutien à l’établissement de la différentiation entre les dispositions de la convention collective régissant les horaires mobiles et celles régissant les horaires variables. Dans ce cas, le libellé de la convention collective était identique à celui de la convention collective pertinente en l’instance, sauf en ce qui a trait aux modalités visant les heures de travail particulières des employés du groupe des Services techniques prévues aux clauses 25.06b) et 25.08. La question à trancher dans Boudreau était à savoir si les horaires de travail variables devaient être établis entre 7 h et 18 h, tel que précisé dans la clause 25.08 de la convention collective pertinente. Le syndicat, le même que celui en l’instance, a soutenu qu’une telle restriction ne s’appliquait pas, car la clause 25.09 est une exception à la règle générale établie par la clause 25.06. En se rangeant à l’argumentation du syndicat relativement à ce point précis, l’arbitre de grief a formulé son raisonnement de la manière suivante :

[…]

23 Il m’apparaît évident que la disposition de la convention collective qui indique que la journée normale de travail se situe entre 7 h et 18 h ne s’applique pas aux horaires variables, parce qu’il va de soi que la règle qui dit que la journée normale de travail est d’une durée de sept heures et demie, et qui est elle aussi énoncée à la stipulation 25.06b), ne s’applique pas.

24 Ajoutons à cela que la stipulation 25.26a) de la convention collective précise que les heures du début et de la fin sont fixées en fonction des nécessités du service. Rien n’indique qu’elles ne peuvent pas se situer en dehors de la période allant de 7 h à 18 h.

25 Si l’employeur et l’agent négociateur des fonctionnaires s’estimant lésés avaient voulu imposer des restrictions quant à la période à l’intérieur de laquelle les employés peuvent travailler selon un horaire variable, ils auraient prévu un libellé à cette fin dans la convention collective, comme ils l’ont fait à la stipulation 25.08, qui traite de l’horaire mobile. Or, la stipulation 25.09 et la stipulation 25.26a) ne contiennent aucun libellé de ce genre.

[…]

49 Il appert donc que l’arbitre de grief dans ce cas a conclu à l’existence d’une nette distinction entre la clause 25.08 de la convention collective, portant sur les horaires mobiles, et les dispositions régissant les horaires variables énoncées à la clause 25.09.

50 Selon la preuve présentée, la fonctionnaire travaillait selon un horaire variable, communément appelé un [traduction] « horaire de travail comprimé ». Mme Ouellette-Bolduc a témoigné que la fonctionnaire travaillait selon un horaire de travail comprimé, et cette expression est notamment employée dans la pièce E-1, onglet 2-B, un compte rendu d’une rencontre qu’elle a eue avec la fonctionnaire. De toute évidence, l’« horaire de travail » auquel fait référence la fonctionnaire dans son grief et auquel l’employeur a mis fin et qui fait l’objet de l’audience était un horaire de travail variable. Puisque la preuve présentée devant moi a établi qu’à toute époque pertinente à cette affaire la fonctionnaire en l’instance travaillait selon un horaire de travail variable, je conclus que la clause 25.08 ne s’applique pas à sa situation.

51 L’employeur m’a renvoyé à Boyachok. Le jugement rendu par la Cour d’appel fédérale ne précise pas la clause de la convention collective visée par le grief ni le groupe d’employés en cause. Par ailleurs, la décision ne fait aucunement mention de la question des nécessités du service, laquelle est aussi au cœur du litige à trancher en l’instance. Étant donné le clivage entre les circonstances entourant l’une et l’autre de ces deux affaires, cette décision ne m’apparaît pas d’un grand secours en l’instance.

52 Les deux parties m’ont renvoyé à Jenks au soutien de différents éléments de leur argumentation respective. Ce dernier cas, comme celui-ci, portait sur des griefs mettant en cause l’interprétation de la clause 25.08 de la même convention collective en ce qui avait trait à des centaines de fonctionnaires travaillant pour l’ARC dans les centres fiscaux de Hamilton et de Windsor, en Ontario. Bien que le résumé de la preuve dans cette dernière décision évoque le fait que deux fonctionnaires du centre fiscal de Windsor avaient déjà travaillé selon un horaire de travail comprimé, Jenks porte plutôt sur une situation dans laquelle les fonctionnaires travaillaient selon un horaire mobile. Les nécessités du service de l’employeur faisaient en sorte que les heures d’exploitation dans les deux bureaux soient de 7 h 30 à 17 h. Les fonctionnaires s’estimant lésés dans ce cas demandaient que leur quart de travail commence à 7 h.

53 Dans son argumentation, la fonctionnaire a distingué Jenks du présent cas en raison de l’importance de la preuve présentée dans l’un et l’autre de ces cas en ce qui a trait aux nécessités du service. La fonctionnaire a souligné le fait que dans Jenks l’employeur avait présenté plusieurs documents au soutien de sa position, dont des notes de service aux employés au sujet des heures de travail, du fait de travailler seul en dehors des heures normales de travail, et des préoccupations en matière de santé et de sécurité à cet égard. Cela tranchait, selon la fonctionnaire, avec le fait que dans le présent cas, l’employeur n’avait pas présenté en preuve des documents de cette nature, en concluant que la preuve ainsi présentée était insuffisante pour étayer sa position. Puisque chaque cas doit être jugé selon les faits qui y sont propres, je dois évaluer la valeur probante de la preuve présentée devant moi sur la question des nécessités du service.

54 La fonctionnaire a demandé que son horaire de travail variable soit rétabli tel qu’il était avant la modification qui lui a été apportée par Mme Ouellette Bolduc, c’est‑à-dire qu’il soit rétabli à un horaire de 7 h à 17 h 30. Selon la clause 25.26a) de la convention collective, en outre les heures du début et de la fin « […] sont fixées en fonction des nécessités du service déterminées par l’Employeur […] ». En l’occurrence, l’employeur a établi que ses nécessités du service faisaient en sorte que les heures de travail variables de la fonctionnaire devaient être effectuées en fonction des heures d’exploitation de l’immeuble Gladwin, soit de 7 h à 17 h. Par ailleurs, la fonctionnaire a admis qu’il s’agissait là effectivement des heures d’exploitation de l’immeuble Gladwin. De plus, selon le témoignage non contredit de Mme Ouellette Bolduc, avant de rencontrer la fonctionnaire, elle avait consulté ses collègues et le directeur adjoint et avait obtenu la confirmation qu’à leur connaissance aucun autre employé ne travaillait après 17 h à l’immeuble Gladwin, y compris ceux travaillant selon un horaire variable. Tel qu’il appert du compte rendu de la rencontre du 2 octobre 2007 à laquelle assistaient la fonctionnaire, M. Aylward, Mme Ouellette-Bolduc et Mme McClelland, Mme Ouellette-Bolduc a mentionné tous ces points de décision à l’appui de sa décision de changer l’horaire de travail de la fonctionnaire. Á mon avis cela m’apparaît comme étant un motif valable au sens de la clause 25.26a) justifiant que l’employeur puisse demander à la fonctionnaire de terminer à 17 h. La preuve présentée par la fonctionnaire ne permet pas de réfuter la preuve de l’employeur à cet égard.

55 Même en assumant, tel que le prétend la fonctionnaire, que la clause 25.08 est la clause pertinente en l’instance, elle est également tributaire des nécessités du service. Mon analyse de la question des nécessités du service serait la même que si la clause 25.08 était la clause pertinente en l’instance.

56 J’aborderai maintenant l’argument de la fonctionnaire voulant que le courriel de Mme Saintôt daté du 13 avril 2006 (pièce G-2, et reproduit précédemment dans la présente décision) constituait une promesse de maintenir les heures de travail de la fonctionnaire de 7 h à 17 h 30. Je le reproduis ici pour en faciliter la consultation :

[Traduction]

Á la suite de votre courriel et de la discussion que nous avons eue dans mon bureau avec votre chef d’équipe, je vous confirme par la présente par écrit que vos heures de travail doivent être modifiées conformément à la convention collective et à la décision du directeur adjoint à cet égard.

Comme vous nous l’avez mentionné lors de cette rencontre que vous préférez travailler selon cet horaire afin de ne pas avoir de difficulté à vous y conformer à l’avenir, nous en sommes donc arrivés à une entente.

Ainsi, à partir de la semaine du 24 avril 2006, vos heures de travail seront donc de 7 h à 17 h 30. Veuillez vous assurer de changer votre horaire en conséquence.

Les modifications requises seront apportées aux modalités et conditions d’emploi afin de tenir compte de ce changement, et vous recevrez aux fins de signature un document portant ces modifications, d’ici le 24 avril 2006.

[…]

57 L’argument avancé par la fonctionnaire revient à invoquer le principe de préclusion. Dans Prévost, à laquelle m’a renvoyé la fonctionnaire, l’arbitre de grief a résumé en ces termes le principe de préclusion :

[…]

113 Le principe de préclusion repose essentiellement sur la doctrine de l’équité, laquelle exige que trois conditions soient satisfaites. Premièrement, une des parties, par ses paroles ou sa conduite, fait une promesse ou donne des assurances. Deuxièmement, la promesse ou les assurances sont destinées à modifier les rapports juridiques des parties. Troisièmement, la partie à qui la promesse a été faite ou les assurances ont été données prend une mesure ou change sa position sur la foi de ces déclarations. Par conséquent, si une partie agit sur la foi de la promesse ou des assurances, alors l’autre partie ne peut pas revenir sur ses déclarations et agir comme si elle ne les avait pas faites. La partie qui avance l’argument du principe de préclusion a le fardeau de la preuve.

[…]

58 Il convient de replacer dans son contexte le courriel de Mme Saintôt en appliquant le principe de préclusion au présent cas. La fonctionnaire a témoigné qu’elle avait demandé une confirmation écrite de l’entente sur ses heures de travail conclue avec Mme Saintôt parce qu’elle se méfiait de l’employeur, ayant dû composer avec de problèmes à cet égard par le passé. En contre-interrogatoire, elle a précisé que le deuxième paragraphe du courriel se rapportait à son désir de voir l’entente dûment constatée par écrit. La fonctionnaire, ayant environ 30 années de service, a admis que le courriel de Mme Saintôt ne précisait pas qu’elle pouvait travailler selon cet horaire jusqu’à ce qu’elle prenne sa retraite. Á mon avis, cela constitue une indication sans équivoque que la fonctionnaire ne s’attendait pas à ce que cette modalité se continue indéfiniment. Par ailleurs, la fonctionnaire ayant notamment affirmé que son horaire de travail avait été reconduit tous les trois mois, aucune raison ne justifiait de reconduire régulièrement cette modalité si cette modalité constituait effectivement une entente irrévocable.

59 Il a été établi en preuve que la fonctionnaire travaillait jusqu’à 17 h 30 pendant les trois années précédant le mois d’octobre 2007, parfois à temps partiel. Or, selon le témoignage non contredit de Mme Ouellette­Bolduc, la fonctionnaire était la seule fonctionnaire travaillant à l’immeuble Gladwin à travailler au-delà des heures d’exploitation de cet établissement. Compte tenu de l’ensemble des circonstances, je conclus que la fonctionnaire n’a pas étayé le bien-fondé de l’application du principe de préclusion. Je rejette donc cet argument, la fonctionnaire ayant fait défaut d’établir en preuve l’existence d’une promesse à maintenir indéfiniment son horaire de travail.

60 La fonctionnaire a soutenu que Mme Ouellette­Bolduc aurait pu communiquer avec ses gestionnaires précédents afin de s’enquérir au sujet des raisons pour lesquelles la fonctionnaire avait demandé que son horaire de travail se termine à 17 h 30. Lors de son témoignage, Mme Ouellette­Bolduc a reconnu qu’elle n’avait pas communiqué avec ces personnes, en précisant que lorsque la fonctionnaire lui avait demandé de maintenir son horaire de travail se terminant à 17 h 30, elle avait mentionné que cela était nécessaire pour des raisons personnelles, sans préciser davantage la nature de ces raisons.

61 Compte tenu des circonstances en l’instance, je ne suis pas d’avis qu’il incombait à Mme Ouellette­Bolduc de communiquer avec les gestionnaires précédents de la fonctionnaire pour obtenir des explications au sujet des raisons motivant l’établissement de l’horaire de travail de la fonctionnaire. Il m’appert qu’étant la personne ayant demandé un tel horaire de travail, la fonctionnaire aurait dû faire valoir les raisons particulières justifiant sa demande qu’une exception lui soit accordée eu égard aux heures d’exploitation de l’immeuble Gladwin.

62 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

63 Le grief est rejeté.

Le 29 mai 2012.

Traduction de la CRTFP

Steven B. Katkin,
arbitre de grief

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