Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Les parties ont réglé les griefs du fonctionnaire s’estimant lésé - l’administrateur général a respecté l’une des conditions de l’entente avec une journée de retard - le fonctionnaire s’estimant lésé a demandé que l’entente de règlement soit déclarée nulle - l’administrateur général a contesté la compétence de l’arbitre de grief de déclarer l’entente de règlement nulle - l’arbitre de grief a conclu qu’il a la compétence pour déterminer, selon le cas, si l’entente de règlement est finale et exécutoire, si une partie a contrevenu à l’entente de règlement et l’ordonnance appropriée - l’arbitre de grief a conclu de plus que les médiateurs ne peuvent être contraints, en vertu de la Loi, de témoigner au regard des médiations auxquelles ils ont participé - l’arbitre de grief a aussi conclu que l’entente de règlement était finale et exécutoire - finalement, l’arbitre de grief a conclu que le fait que l’administrateur général ait respecté avec une journée de retard l’une des conditions de l’entente de règlement ne contrevenait pas à l’entente de règlement de façon essentielle. Objection rejetée. Dossiers clos par ordonnance.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2012-01-24
  • Dossier:  566-02-1147, 2159, 2765
  • Référence:  2012 CRTFP 8

Devant un arbitre de grief


ENTRE

DAVID ZESWICK

fonctionnaire s'estimant lésé

et

ADMINISTRATEUR GÉNÉRAL
(Service correctionnel du Canada)

défendeur

Répertorié
Zeswick c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada)

Affaire concernant des griefs individuels renvoyés à l’arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
John Steeves, arbitre de grief

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Tonia Grace, avocate

Pour le défendeur:
Christine Langille, avocate

Affaire entendue à Abbotsford (Colombie‑Britannique),
les 18 et 19 septembre 2011.
(Traduction de la CRTFP)

I. Question devant l’arbitre de grief

1 Il est question dans cette affaire de trois griefs que les parties ont accepté de renvoyer à la médiation. Cette médiation a eu lieu le 30 mars 2009, et les parties ont signé le jour même une entente (l’« entente ») qui prévoyait entre autres la démission du fonctionnaire s’estimant lésé (le « fonctionnaire »), une indemnité financière pour ce dernier et une disposition qui exigeait le retrait de tous les griefs.

2 Après la signature de l’entente, un conflit est survenu entre les parties concernant le libellé. Ce conflit n’a pas pu être réglé à la satisfaction du fonctionnaire, et l’audience des trois griefs initiaux n’a pas été annulée.

3 Le fonctionnaire soutient maintenant que l’entente est nulle et non exécutoire. C’est cette question qui est l’objet du présent arbitrage, et l’audience des trois griefs a été ajournée pour en permettre l’examen.

II. Résumé de l’argumentation

4 Le fonctionnaire soutient que l’entente du 30 mars 2009 devrait être considérée comme nulle et non exécutoire, et ce, pour trois raisons. Premièrement, on y précisait que le défendeur devait verser au fonctionnaire les paiements prévus [traduction] « dans les 30 jours ». Il a été convenu qu’un des montants a été rendu disponible un jour en retard, soit le 31e jour suivant la date de signature de l’entente. Le fonctionnaire soutient que toutes les obligations découlant de l’entente devaient être remplies dans un délai de 30 jours, et que cette exigence n’a pas été respectée. Deuxièmement, le fonctionnaire a expliqué qu’on ne lui avait pas remis son insigne d’agent correctionnel dans les 30 jours, conformément à l’entente, et que le défendeur a essayé de lui donner une « réplique » plutôt que son véritable insigne.

5 Troisièmement, le fonctionnaire soutient que, avant et pendant la médiation, le défendeur (et possiblement le médiateur) a fait une déclaration trompeuse concernant la valeur de transfert de sa pension au moment de sa démission. Quand il a signé l’entente, il s’attendait à recevoir un montant considérablement plus élevé que celui qu’il a finalement reçu. À titre de réparation, il veut que l’entente soit annulée et que ses trois griefs soient examinés sur le fond par un arbitre de grief.

6 Le défendeur est d’avis que l’entente est valide et exécutoire. Il a commencé par affirmer que je n’avais pas la compétence pour examiner les allégations du fonctionnaire concernant l’entente. J’ai rejeté sa demande. L’audience a donc procédé, et j’ai entendu les preuves sur les allégations du fonctionnaire.

7 Pour ce qui est des paiements qui, conformément à l’entente, devaient être versés dans les 30 jours, le défendeur a reconnu que l’un des paiements avait été disponible un jour en retard. Il ne croit pas toutefois que ce retard justifie d’annuler toute l’entente. Par ailleurs, il s’appuie sur le fait que le fonctionnaire a reçu le chèque avant le 30e jour, même s’il était postdaté du 31e jour. D’autres paiements ont été effectués après les 30 jours, mais le défendeur est d’avis que le délai de l’entente ne s’appliquait pas à ces montants. Pour ce qui est de l’insigne, le défendeur soutient que le délai de 30 jours ne s’appliquait pas non plus dans ce cas, mais de toute façon, il croit que le fait d’offrir au fonctionnaire l’insigne qu’il demandait allait au‑delà de ce qu’exigeait la politique habituelle.

8 Le défendeur nie toute déclaration fausse ou trompeuse concernant la valeur de transfert de la pension du fonctionnaire. Il soutient qu’il n’est nulle part question de la pension du fonctionnaire dans l’entente, et que cette question n’a pas été abordée lors de la médiation. De plus, il soutient que tout écart avec les montants estimés est dû à des changements légitimes apportés à la valeur de la pension à différents moments. Le défendeur soumet que la demande du fonctionnaire, qui veut que l’entente soit annulée et jugée non applicable, devrait être rejetée.

III. Contexte

9 Le défendeur administre des services correctionnels dans l’ensemble du pays. Le fonctionnaire travaillait pour le défendeur, à titre d’agent correctionnel, jusqu’à son congédiement en janvier 2009. Il avait commencé à travailler en 1998. Au moment de son congédiement, il travaillait à l’Établissement de Kent, en Colombie‑Britannique. L’agent négociateur est l’Union of Canadian Correctional Officers – Syndicat des agents correctionnels du Canada – CSN (l’« agent négociateur »).

10 À l’origine de la présente demande, il y avait trois griefs. Dans le premier, présenté en 2006, comme l’a expliqué l’avocate, le fonctionnaire contestait des questions relatives à la rémunération. Dans le deuxième, il contestait la décision prise par le défendeur en mai 2008 de le suspendre de ses fonctions. Quant au troisième grief, il portait sur la décision prise par le défendeur en janvier 2009 de le congédier. Ces griefs ont été soumis à la procédure de règlement des griefs, mais les différends n’ont pas été réglés et ils ont été renvoyés à la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la « Commission »). Après entente entre les parties, le président de la Commission a nommé un médiateur, et la médiation a eu lieu le 30 mars 2009.

11 Pour la séance de médiation, le médiateur a décidé d’installer les représentants du défendeur dans une salle, et le fonctionnaire et ses représentants de l’agent négociateur dans une autre salle. Les deux parties ne se sont donc pas rencontrées; le médiateur faisait la navette entre les deux salles. Selon son témoignage, le fonctionnaire s’attendait à ce qu’on discute de son retour au travail au cours de la médiation, mais la discussion a plutôt porté sur sa démission et les modalités de sa démission. Comme nous le verrons, l’entente qui allait être conclue par la suite prévoyait la réintégration du fonctionnaire dans ses fonctions, puis la démission de ce dernier. Il y a un certain désaccord à propos de l’information qui a été fournie par le médiateur aux parties, au fonctionnaire et à ses représentants. Ainsi, le montant de la valeur de transfert de la pension du fonctionnaire fait l’objet d’un litige. J’examine ci‑dessous le rôle du médiateur et si on peut le contraindre à témoigner.

12 Dans la salle du défendeur pendant la médiation, il y avait quatre personnes : Diane Knopf, directrice de l’Établissement de Kent; Beth Tyler, agente régionale en chef des relations de travail; Erin Saso, conseillère en relations de travail; Patricia Demers, également conseillère en relations de travail. Dans l’autre salle, il y avait le fonctionnaire et ses représentants : Brian Zimmerman, président de la section locale de l’agent négociateur de l’Établissement de Kent, et Tatiana Irvine, coordonnatrice des griefs.

13 Il est convenu que la médiation s’est déroulée jusqu’au début de l’après‑midi du 30 mars 2009. À ce moment, le médiateur a avisé les parties qu’on en était arrivé à un règlement. Tous se sont réunis dans la même pièce pour signer un document qui avait été préparé par Mme Saso. Au dire de tous, chacun était satisfait du document, qui portait les deux éléments ajoutés à la main décrits ci‑dessous, et tous se sont serré la main. Il y a aujourd’hui désaccord au sujet des propos qui ont été échangés entre les parties à cette réunion finale. Je présente ci‑dessous la preuve contextuelle relative à ce désaccord et je fournis d’autres détails dans les motifs de la décision.

14 Le document décrivant les modalités de l’entente a été signé par M. Zimmerman, au nom de l’agent négociateur, et par le fonctionnaire. Mme Knopf et Mme Saso ont signé le document au nom du défendeur. C’est cette entente qui est en litige dans le présent arbitrage. Les parties énumérées étaient le fonctionnaire, l’agent négociateur et le défendeur. Le corps de l’entente était formulé de la façon suivante :

[Traduction]

[…]

Les parties ont pris une décision en vue de régler les griefs suivants : [numéros des griefs retirés] ainsi que tous les autres griefs non réglés qui ont été présentés par le fonctionnaire et son syndicat. Les parties reconnaissent que tous les aspects de ces affaires ont été réglés à leur satisfaction, selon les modalités décrites ci‑dessous.

L’employeur convient par les présentes :

  1. d’annuler la lettre de suspension datée du 2 mai 2008 et la lettre de congédiement datée du 5 janvier 2009;
  2. de réintégrer le fonctionnaire, avec rémunération, à compter du 2 mai 2008;
  3. de convertir tous les crédits de congé non payé en crédits de congé payé;
  4. de convertir les congés de maladie accordés par anticipation en d’autres congés payés;
  5. de payer tous les montants prévus ci‑dessus dans les trente (30) jours.

Le fonctionnaire et le syndicat conviennent par les présentes :

  1. de retirer les griefs mentionnés ci‑dessus dans les trente (30) jours qui suivent l’application des modalités de la présente entente;
  2. que le fonctionnaire donnera sa démission en date du 15 décembre 2008.

L’employeur convient aussi :

  1. [sic] d’accepter la lettre de démission du fonctionnaire.

Les parties conviennent par les présentes :

  1. de ne pas divulguer les détails de la présente entente;
  2. que la présente entente est conclue sous réserve de tous droits et sans établir de précédent, et qu’elle constitue le règlement complet et définitif des affaires en cause.

[…]

L’insigne d’agent correctionnel de M. Zeswick sera placé dans un étui et lui sera remis.

[Je souligne]

J’ai souligné « avec rémunération » au point 2 ainsi que la dernière ligne de l’entente, qui porte sur l’« insigne d’agent correctionnel », pour montrer que ces inscriptions ont été écrites à la main alors que le reste du document était dactylographié. Chaque inscription ajoutée à la main a été paraphée. Selon la preuve, ces deux modifications ont été ajoutées à l’entente à la toute fin, probablement lorsque les parties se sont retrouvées pour signer l’entente. Rien ne prouve qu’il y ait eu controverse à propos de ces éléments au moment de la signature. L’ajout des mots « avec rémunération » ne fait pas l’objet d’un litige dans le présent arbitrage.

15 Il y a désaccord à propos du genre d’insigne qui a été remis au fonctionnaire par le défendeur dans le cadre de la mise en application de l’entente et du moment où l’insigne a été remis. La preuve donne à penser que Mme Knopf, la directrice, a suggéré d’ajouter cette phrase à la toute fin pour « adoucir » le règlement pour le fonctionnaire. Ce dernier a témoigné que l’insigne était une question importante pour lui. Selon son témoignage, lui ou ses représentants ont parlé de cette question avec le médiateur lorsque les parties étaient dans des salles distinctes.

16 Le fonctionnaire a témoigné que le défendeur lui a remis une réplique de l’insigne en juillet 2009, mais que cette mesure ne l’a pas satisfait, car il voulait avoir son propre insigne. L’agent négociateur en a fait part au défendeur, avec qui il a eu quelques conversations à propos de la demande du fonctionnaire. Selon le défendeur, aucun employé n’a le droit de recevoir son propre insigne. Le défendeur s’est appuyé sur ses propres « Lignes directrices » (Insignes du SCC, 2005‑10‑06). Ces lignes directrices prévoient entre autres que les membres du personnel qui comptent au moins 20 ans de service « […] ont le droit de recevoir, à titre commémoratif, une réplique de l’insigne portant la mention “Retraité” lorsqu’ils quittent le SCC […] ». Le fonctionnaire n’avait pas 20 ans de service. Du point de vue de l’agent négociateur, M. Zimmerman, président de la section locale de l’Établissement de Kent, un employé qui prend sa retraite après 35 ans de service a le droit de se voir remettre son propre insigne, ainsi que d’autres choses, comme une lettre du premier ministre. Quoi qu’il en soit, le défendeur a fini par décider de remettre au fonctionnaire son propre insigne, à la condition que ce dernier retourne la réplique de l’insigne. C’est en septembre 2009 que le défendeur a remis son propre insigne au fonctionnaire, mais ce dernier n’a pas retourné la réplique de l’insigne.

17 Selon le fonctionnaire, l’entente exigeait que le défendeur lui remette son propre insigne « dans les 30 jours » suivant la date de l’entente. Comme il a reçu son insigne bien après l’expiration de cette période, le fonctionnaire estime que l’entente est nulle et non exécutoire.

18 Expliquons maintenant les autres points de l’entente. Le fonctionnaire a été réintégré à compter de mai 2008, mais il devait démissionner en date du 15 décembre 2008. Cette disposition était à l’avantage du fonctionnaire, puisque cela lui permettait d’avoir 10 ans d’ancienneté; la convention collective prévoit une indemnité de départ à la suite d’une démission, mais seulement pour les employés qui ont 10 ans ou plus de service. Cette disposition permettait aussi d’allonger la période de service ouvrant droit à pension. Le point 3 de l’entente était aussi à l’avantage du fonctionnaire, puisqu’il prévoyait la conversion des congés non payés, que le fonctionnaire avait déjà pris, en congés payés.

19 Comme commentaire final sur l’entente elle‑même, je dirai que l’entente contenait, comme on peut le voir, une disposition prévoyant que les parties convenaient de ne pas en dévoiler les détails. Toutefois, comme l’entente fait l’objet d’un litige, y compris ses détails, il n’est pas possible logiquement d’arbitrer ce litige sans examiner ces détails. Dans la preuve présentée, les parties ont tenu compte de ce fait.

20 Les parties ont donc commencé à mettre l’entente en application. Cette tâche incombait principalement au défendeur, puisqu’il devait calculer les divers paiements à verser au fonctionnaire. En dernier ressort, après l’application de toutes les modalités de l’entente, le fonctionnaire devait retirer ses griefs. Il ne l’a pas encore fait.

21 En ce qui concerne l’exigence de payer les montants « dans les 30 jours », qu’on trouve au point 5 de l’entente, le fonctionnaire et M. Zimmerman ont témoigné qu’il était clair durant la médiation qu’il s’agissait de 30 jours civils. Le fonctionnaire souhaitait que [traduction] « tout ça prenne fin » et que tout soit réglé en un mois. Le défendeur a déclaré que la méthode de calcul de la période n’a jamais été abordée durant la médiation. Les témoins du défendeur ont dit qu’après la signature de l’entente, il y a eu des discussions internes non concluantes sur la façon de calculer cette période. Finalement, le défendeur a décidé de faire tout son possible pour verser tous les paiements au plus tard le 30 avril 2009, en supposant que cette date était bien 30 jours après le 30 mars 2009. Dans les arguments présentés au cours du présent arbitrage, les parties ont convenu que la période de 30 jours doit être calculée en fonction des jours civils, mais en excluant le 30 mars 2009, date de la médiation et de la signature de l’entente. De cette façon, le 30e jour était le 29 avril 2009.

22 Le défendeur a émis quatre chèques au fonctionnaire, en application de l’entente. Beverley Norwood, conseillère en rémunération travaillant pour le défendeur, a témoigné au sujet du traitement de ces paiements. Elle a aussi déclaré que le défendeur, peut‑être sans que le fonctionnaire le sache à ce moment, a renoncé à un montant de 6 078,03 $ qui lui était dû relativement à un trop‑payé pour des congés antérieurs.

23 Le premier paiement a été traité par Mme Norwood le 3 avril 2009; le chèque était daté du 16 avril 2009. Il s’agissait du montant découlant de la conversion des congés non payés en congés payés. Ce montant avait été déduit d’un trop‑payé antérieur qui était dû au défendeur par le fonctionnaire, et on avait déduit l’impôt et les cotisations au Régime de pensions du Canada. Le montant brut était de 3 310,66 $ et le montant net du chèque était de 252,51 $. Personne ne conteste le fait que ce paiement a été fait dans les 30 jours suivant la date de l’entente.

24 Le deuxième paiement a été traité le 21 avril 2009, et le chèque était daté du 30 avril 2009. Ce paiement était associé au salaire rétroactif (depuis mai 2008) et on avait appliqué des déductions. Le montant brut était de 42 532,42 $ et le montant net du chèque était de 23 292,42 $. La preuve montre que le fonctionnaire a eu le chèque à sa disposition le 27 ou le 28 avril 2009. Toutefois, le chèque était postdaté du 30 avril 2009, et le fonctionnaire a témoigné que la banque n’a pas voulu l’accepter avant le 30 avril 2009. Comme les fonds n’étaient pas disponibles le 29 avril 2009 (le dernier jour de la période de 30 jours prévue dans l’entente), le fonctionnaire affirme que toute l’entente est nulle et non exécutoire parce que ce paiement a été fait un jour en retard.

25 Le troisième paiement était associé à l’indemnité de départ. Ce paiement a été traité le 6 avril 2009, et le chèque était daté du 6 mai 2009. Le montant brut était de 6 621,34 $ et le montant net du chèque était de 5 297,07 $. Un quatrième chèque de la même date (6 mai 2009), d’un montant brut de 3 824,15 $ et d’un montant net de 2 688,38 $, était associé aux congés annuels inutilisés. Le fonctionnaire soumet que ces deux chèques lui ont été payés bien après le 29 avril 2009 et que, par conséquent, l’entente est nulle pour ce motif également.

26 Pour ce qui est de la pension du fonctionnaire, personne ne conteste qu’il avait droit à un paiement lorsqu’il a cessé d’occuper son emploi. Toutefois, se fiant à plusieurs évaluations de sa pension, le fonctionnaire se dit préoccupé par le fait que le montant qu’il a obtenu en fin de compte était beaucoup moins élevé que ce à quoi il s’attendait. Plus sérieusement, il prétend que le montant était de beaucoup inférieur à ce que le défendeur ou le médiateur lui avait dit, et il s’était fié à ce qu’on lui avait dit lorsqu’il avait accepté les modalités de l’entente, d’où l’allégation de déclaration trompeuse présentée par le fonctionnaire.

27 La question particulière qui est en litige à propos de la pension du fonctionnaire est le montant de la valeur de transfert au moment de sa démission. Le 22 avril 2009, le fonctionnaire a rencontré Samara Gale, conseillère en rémunération et avantages sociaux travaillant pour le défendeur (Mme Norwood était également présente), pour discuter de sa pension et d’autres questions liées à la mise en application de l’entente. À cette rencontre, le fonctionnaire a choisi de prendre la valeur de transfert de sa pension plutôt qu’une pension différée ou une allocation annuelle, et il a rempli et signé un formulaire pour consigner cette option. En fait, le fonctionnaire s’était déjà informé en juin 2008 de la valeur de transfert de sa pension, et de nouveau en septembre 2008. Les détails des différentes valeurs sont complexes et prêtent à controverse. Ils sont examinés plus loin.

28 Quoi qu’il en soit, le formulaire que le fonctionnaire a signé lorsqu’il a choisi de prendre la valeur de transfert de sa pension comportait la description suivante de la valeur de transfert :

[Traduction]

[…]

La valeur de transfert est la valeur actuarielle actuelle de la pension différée à laquelle a droit le cotisant. Elle comprend la valeur des prestations de survivant et de la prestation minimale de cinq ans. Cette option est offerte aux cotisants qui sont âgés de plus de 50 ans au moment de la cessation d’emploi. La valeur comprend seulement le service accompagné d’option pour lequel la personne a été payée à la date de l’exercice de l’option ou à la date de la cessation d’emploi, selon la plus tardive des deux dates. La valeur de transfert doit être versée dans un instrument d’épargne-retraite immobilisé dans la mesure permise par la législation fiscale.

[…]

Des explications semblables de la valeur de transfert ont été données au fonctionnaire à plusieurs occasions. Mme Gale et d’autres personnes l’ont aussi encouragé vivement à obtenir d’une autre source des conseils financiers et des conseils en matière de placements.

29 La valeur de transfert de la pension du fonctionnaire a été calculée, et on l’a avisé, le 5 juillet 2009, que le montant de 83 308,40 $ avait été transféré à son institution financière. Il s’agit là du montant devant être versé dans un instrument immobilisé, dont il est question dans la définition ci‑dessus de la valeur de transfert, cette mesure étant exigée lorsqu’une personne choisit de recevoir ses prestations de retraite sous forme de valeur de transfert. Ni le défendeur ni le fonctionnaire n’ont de contrôle sur ce montant ou sur le fait qu’il doive être immobilisé. Dans un courriel daté du 9 juin 2008 (et à d’autres occasions, comme le 22 avril 2009, avant que le fonctionnaire choisisse cette option), le défendeur lui a expliqué la question de l’immobilisation. Un montant de 26 759,76 $ devait lui être versé directement, moins les déductions. Dans une pièce jointe au courriel du 9 juin 2008, on expliquait que ce montant lui était versé parce que la valeur du transfert excédait les limites permises dans la Loi de l’impôt sur le revenu; lorsqu’il y a un montant excédentaire, ce dernier [traduction] « […] est versé en espèces à l’ex‑fonctionnaire et imposé à ce moment‑là ».

30 Le fonctionnaire a témoigné qu’il a reçu finalement un montant d’environ 16 000 $, qui correspondait au montant de 26 759,76 $ mentionné ci‑dessus, moins les déductions, ce qui l’a déconcerté parce qu’il s’attendait à un montant considérablement plus élevé. Ainsi, on lui avait dit le 9 juin 2008 que la valeur de transfert de sa pension était d’« environ 120 468,51 $ ». Il ajoute qu’on lui avait aussi parlé d’un montant semblable au cours de la médiation.

IV. Décision et motifs

A. Demande préliminaire

31 Au début de l’audience sur la demande du fonctionnaire d’annuler l’entente, le défendeur a soulevé une question préliminaire; il était d’avis que je n’avais pas compétence pour examiner l’allégation du fonctionnaire selon laquelle l’entente était nulle et non exécutoire. Selon le défendeur, l’entente avait été signée par les parties et avait été mise en application intégralement et je n’avais aucun pouvoir de vérifier l’entente. Le fonctionnaire a contesté cette demande.

32 La décision charnière sur cette question est Amos c. Canada (Procureur général), 2011 CAF 38. Dans ce cas, les faits concernaient une entente de règlement qui était contestée par M. Amos. Ce dernier a allégué que le défendeur n’avait pas respecté les modalités de l’entente. L’affaire a été soumise à un arbitre de grief, et le défendeur s’est opposé à la compétence de l’arbitre de grief. Celui‑ci a refusé l’objection du défendeur. Le défendeur a présenté une demande de contrôle judiciaire de cette décision et la Cour fédérale a annulé la décision de l’arbitre de grief. La Cour d’appel fédérale a ensuite accueilli l’appel interjeté par M. Amos et a conclu que la décision de l’arbitre de grief était raisonnable à tous égards.

33 Avant Amos, comme il est expliqué dans cette décision, en vertu de l’ancienne Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P‑35 (l’« ancienne Loi »), l’existence d’une entente définitive et exécutoire avait pour effet de retirer toute compétence à l’arbitre de grief (Amos, au paragr. 10). S’il y avait un différend à propos d’une entente, ce différend pouvait faire l’objet d’un nouveau grief. L’importance de Amos est que la Cour d’appel fédérale s’est déclarée d’accord avec la décision antérieure d’un arbitre de grief selon laquelle la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la « nouvelle Loi »), édictée par l’article 2 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, c. 22, en tant que loi remplaçant la loi antérieure, changeait les choses. Plus particulièrement, la Cour a confirmé les conclusions de l’arbitre de grief sur trois points; un arbitre de grief a compétence, en vertu de la nouvelle Loi, pour décider : si une entente de règlement est définitive et exécutoire, si une partie a respecté ou non l’entente de règlement et, dans le cas de non‑respect, de la réparation à accorder dans les circonstances.

34 En l’espèce, j’ai rejeté la demande préliminaire du défendeur voulant que je n’aie pas compétence pour examiner l’allégation du fonctionnaire selon laquelle le défendeur n’a pas respecté les modalités de l’entente. Sans décider du bien‑fondé de la question, j’ai conclu que j’avais compétence pour décider si l’entente était nulle et non exécutoire parce qu’un ou plusieurs paiements avaient été faits en retard. De la même façon, j’ai conclu que j’avais compétence pour décider si le défendeur avait remis au fonctionnaire son insigne, comme l’exigeait l’entente, et s’il l’avait fait dans le délai prévu dans l’entente.

35 En ce qui concerne la question de la déclaration trompeuse et frauduleuse, j’ai aussi rejeté l’allégation du défendeur selon laquelle je n’avais pas compétence. J’ai remarqué que même avant Amos, la loi a toujours prévu qu’un arbitre de grief a compétence pour décider s’il y a eu de fausses déclarations liées à une entente de règlement (ou de la fraude, une influence indue ou l’iniquité; Amos, au paragr. 70). J’ai conclu, sans prendre de décision sur le fond des déclarations trompeuses, qu’une partie ne pouvait invoquer l’existence d’une entente de règlement pour éviter l’examen minutieux d’une allégation de déclaration trompeuse par un arbitre de grief.

B. Médiateur et preuve de l’intention réciproque

36 Il est utile et pertinent d’examiner le rôle d’un médiateur dans le contexte de la nouvelle Loi et dans l’objectif de prouver l’intention réciproque des parties dans la conclusion d’une entente de règlement.

37 Comme il est décrit ci‑dessus, le médiateur dans le cas qui nous occupe a séparé les parties au début de la médiation, et l’entente a été élaborée après les discussions que le médiateur a eues avec chacune des parties séparément. Il n’y a pas eu de négociations, ou même de discussions, face à face entre les parties. Bien qu’il y ait différents modes de médiation, il n’est pas rare que les médiateurs du domaine des relations de travail aient des conversations avec une partie en l’absence de l’autre partie. Dans le présent cas, le médiateur a choisi de séparer les parties pendant tout le déroulement du processus de médiation. Les parties se sont réunies seulement à la fin du processus, pour signer l’entente. En général, cette technique peut très bien être utilisée dans un processus de médiation efficace. Le médiateur est un messager qui communique l’information à chacune des parties, mais, ce qui est plus important, le médiateur a pour rôle de présenter cette information d’une manière susceptible de mener à une entente qui soit appropriée aux questions en litige.

38 L’inconvénient de ce genre de médiation est évidemment que chaque partie n’entend pas directement ce que dit l’autre partie. De plus, chaque partie doit se fier au médiateur pour connaître la position de l’autre partie et l’information fournie par l’autre partie. Toutefois, toutes les parties doivent signer l’entente de règlement définitive, et c’est à cette étape que l’information fournie par le médiateur est mise à l’épreuve. Autrement dit, si l’entente finale contient de l’information incorrecte ou une position qu’une partie n’a pas acceptée, on peut s’attendre à ce que l’« entente » ne soit pas signée.

39 Il peut néanmoins y avoir des différends, après la signature de l’entente, au sujet de l’interprétation ou de l’application d’une entente conclue par voie de médiation. Quand les parties n’ont pas négocié directement l’une avec l’autre, comme dans le présent cas, il peut survenir des difficultés lorsque l’une des parties essaie de prouver l’intention des deux parties. Dans certains cas, il peut s’avérer impossible de prouver l’intention réciproque. Ainsi, dans le cas qui nous occupe, le fonctionnaire affirme qu’il était clair au cours du processus de médiation que l’expression « dans les 30 jours » s’appliquait à tous les éléments de l’entente, alors que le défendeur n’est pas d’accord.

40 Pour compliquer davantage les choses, on ne peut obliger le médiateur à donner un témoignage sur ce qui a été dit au cours de la médiation, ceci en vertu de l’article 243 de la nouvelle Loi, qui est formulé de la façon suivante :

243. Les commissaires [de la Commission des relations de travail dans la fonction publique], les membres d’une commission de l’intérêt public ou d’un conseil d’arbitrage, les arbitres de grief, les médiateurs, les personnes employées par la Commission, les personnes dont les services sont retenus au titre du paragraphe 50(1) et les personnes saisies d’un renvoi aux termes du paragraphe 182(1) ne sont tenus de déposer dans aucune action – ou autre procédure – au civil relativement à des renseignements obtenus dans l’accomplissement de leurs fonctions aux termes de la présente loi.

L’effet de cette disposition est que le législateur a décidé que les médiateurs ne peuvent être contraints à témoigner relativement à l’information qu’ils reçoivent et distribuent dans l’accomplissement de leurs fonctions aux termes de la nouvelle Loi. S’il y a des différends après la signature d’une entente, les parties ne peuvent se fonder que sur la formulation de l’entente elle‑même pour régler ces différends.

41 Comme dans le cas qui nous occupe, ce que l’une des parties a dit au médiateur ou ce que le médiateur a dit à l’une des parties en l’absence de l’autre partie peut constituer une preuve pertinente lorsqu’il s’agit de déterminer ce qui a été convenu. Toutefois, cette preuve peut s’avérer insuffisante pour établir l’intention réciproque, parce qu’une entente de règlement est un contrat qui contient ce sur quoi les parties se sont entendues, et ce qui a été dit au médiateur par une des parties, ou ce que le médiateur a dit à l’une des parties, ne mène pas toujours à une entente. En réalité, il est de la nature de la médiation (et de la négociation) que diverses approches et divers résultats soient proposés par le médiateur (ou même les parties) dans l’objectif d’en arriver à un terrain d’entente. Il se peut que l’entente définitive soit fondée sur des considérations bien différentes des discussions qui ont eu lieu pendant le processus de médiation. Le législateur a de toute évidence reconnu la valeur de ce processus et, aux termes de l’article 243 de la nouvelle Loi, les parties ne peuvent contraindre un médiateur à témoigner pour présenter en preuve ce qui a été dit au cours de la médiation.

42 À la lumière de cette analyse, il ne m’est pas possible dans le cas qui nous occupe d’accorder une grande importance aux preuves concernant ce qui a été dit au médiateur par une des parties ou par le médiateur à l’une des parties, en l’absence de l’autre partie, pour déterminer l’intention réciproque.

C. Respect du délai prévu dans l’entente

43 Le fonctionnaire soutient que tous les éléments de l’entente étaient soumis au délai de 30 jours prévu au point 5. L’entente est datée du 30 mars 2009; le 30e jour était donc le 29 avril 2009. Comme des paiements ont été faits après le 29 avril 2009, le fonctionnaire est d’avis que l’entente est nulle.

44 Je remarque que l’entente est divisée en quatre parties. La première partie comprend les points 1 à 5; la deuxième partie comprend les points 6 et 7; la troisième partie comprend le point 7 (il y a deux points 7); et la quatrième partie comprend les points 8 et 9. Le délai de 30 jours est inscrit au point 5, dans la première partie de l’entente, qui est formulé de la façon suivante : « de payer tous les montants prévus ci‑dessus dans les trente (30) jours [je souligne] ». J’en conclus que cela signifie ce qui est écrit, soit que le délai mentionné ne s’applique qu’aux points 1 à 4. Il s’ensuit que le délai de 30 jours ne s’applique pas au reste de l’entente et, plus précisément, il ne s’applique pas non plus au texte ajouté à la main qui porte sur l’insigne du fonctionnaire. Je retiens le témoignage de Mme Tyler selon lequel l’entente a été structurée de cette façon parce que le défendeur n’avait que peu de contrôle, sinon aucun, sur les points qui n’étaient pas visés par le délai. Par exemple, le défendeur ne pouvait pas accepter que le délai de 30 jours s’applique à la présentation de la démission du fonctionnaire ou au retrait des griefs par le fonctionnaire.

45 Comme il a été mentionné, quatre chèques différents ont été payés au fonctionnaire aux termes de l’entente. Le premier, d’un montant de 252,21 $, était daté du 16 avril 2009. Il était associé au point 3 de l’entente, la conversion des congés non payés du fonctionnaire en des congés payés, et donc soumis au délai de 30 jours. On avait déduit un trop‑payé considérable. Ce chèque a été payé dans le délai prévu de 30 jours (c’est‑à‑dire le ou avant le 29 avril 2009). Le deuxième chèque, d’un montant de 23 292,42 $, était associé au salaire rétroactif découlant de la réintégration du fonctionnaire (point 2 de l’entente). Il devait donc être versé dans les 30 jours. Le fonctionnaire avait ce chèque en main le 27 ou 28 avril 2009, mais comme le chèque était postdaté du 30 avril 2009, le fonctionnaire n’a pu l’encaisser qu’un jour après le délai de 30 jours prévu dans l’entente. Je reviendrai à cette question un peu plus loin.

46 Le troisième chèque, d’un montant de 5 297,07 $, était daté du 6 mai 2009. Il était associé à l’indemnité de départ découlant de la démission du fonctionnaire, qui prenait effet le 15 décembre 2008 (le premier point 7 de l’entente). Un quatrième chèque, d’un montant de 2 688,38 $, aussi daté du 6 mai 2009, était associé au paiement des congés annuels non utilisés, qui découlait aussi de la démission du fonctionnaire (deuxième point 7 de l’entente). Ni l’un ni l’autre de ces paiements n’étaient soumis au délai de 30 jours parce qu’ils ne découlaient pas des points « ci‑dessus » de la première partie de l’entente. Pour terminer, je ne suis pas en mesure de conclure qu’ils ont été payés avec un retard indu.

47 Pour en revenir au deuxième chèque, encore une fois, le fonctionnaire l’a eu à sa disposition avant la fin de la période de 30 jours. Mais il a témoigné que la banque n’avait pas voulu l’accepter avant le 30 avril parce que le chèque avait été postdaté du 30 avril 2009. Par conséquent, le fonctionnaire n’a pu toucher cet argent qu’un jour après le délai prévu. Est‑ce que ce fait annule l’ensemble de l’entente, comme le prétend le fonctionnaire?

48 Le fonctionnaire a déclaré à quel point il était fâché de ce retard d’une journée et à quel point ce retard était contraire à son désir de voir toute l’affaire se terminer dans un mois. Je reconnais ce point, mais on ne peut pas dire que le retard d’une journée a causé d’autres préjudices au fonctionnaire. En réalité, le retard était minimal, peut‑être même négligeable. En outre, rien ne prouve que le retard ait été motivé par la mauvaise foi du défendeur. Mme Norwood était responsable du traitement du chèque. J’accepte son témoignage selon lequel il y a eu une discussion à l’interne sur la façon de calculer la période de 30 jours. À la fin, on a pris la décision d’émettre le chèque le plus tôt possible, ce qui a été fait avec diligence. Selon la preuve, le défendeur a supposé que le délai de 30 jours se terminait le 30 avril 2009, ce qui était une erreur, mais une erreur par inadvertance qui n’a eu qu’une incidence négative minime, sinon nulle, sur le fonctionnaire.

49 Dans l’ensemble, le fonctionnaire est d’avis qu’un retard d’une journée dans un paiement est tellement fondamental au respect de l’entente entre les parties qu’il a pour effet d’annuler l’ensemble de l’entente. Je ne suis pas d’accord. En l’absence de mauvaise foi de la part du défendeur ou de préjudice au fonctionnaire et à la lumière des efforts diligents qu’a faits le défendeur pour respecter le délai de 30 jours, je conclus qu’un retard d’une journée constitue un défaut mineur dans l’application de l’entente. De considérer cet élément comme une violation fondamentale de l’entente équivaudrait à imposer aux parties une norme de perfection lorsqu’elles procèdent à la mise en application des ententes de règlement. Dans les relations de travail, la diligence est importante, mais il n’est pas nécessaire de respecter une norme de perfection pour qu’une entente soit exécutoire, et il n’est pas non plus souhaitable d’imposer une telle norme aux parties, qui, après tout, essaient de résoudre des problèmes le plus rapidement et au moindre coût possible.

D. L’insigne de service du fonctionnaire s’estimant lésé

50 La prochaine question à trancher est le conflit au sujet de l’insigne de service du fonctionnaire. Encore une fois, le libellé faisant l’objet du litige a été écrit à la main au bas de l’entente, à la fin de la séance de médiation, le 30 mars 2009. Il indique : [traduction] « L’insigne d’agent correctionnel de M. Zeswick sera placé dans un étui et lui sera remis. » Le libellé a été accepté et paraphé, mais un conflit est survenu après la signature de l’entente afin de déterminer si le fonctionnaire avait droit à une réplique de l’insigne ou à son propre insigne de service. On ne s’entend pas non plus à savoir si le délai de 30 jours prévu dans l’entente s’applique à la remise de l’insigne.

51 Je doute fort que ce conflit n’ait été autre chose qu’une divergence d’interprétation du libellé manuscrit. Le fonctionnaire soutient qu’il avait toujours été convenu qu’il recevrait son insigne même plutôt qu’une réplique. Mais à la lumière des éléments de preuve, il est loin d’être évident que les deux parties s’étaient entendues sur la question. L’entente fait référence à [traduction] « l’insigne d’agent correctionnel de M. Zeswick […] », et la politique du défendeur prévoit uniquement la remise d’une réplique de l’insigne aux employés comptant 20 ans de service. Il est raisonnable de la part du défendeur de demander pour quelle raison le fonctionnaire devrait être traité différemment des autres employés (en vertu de l’entente), d’autant plus qu’il n’a que 10 ans de service. Quoi qu’il en soit, le fonctionnaire a bien reçu son insigne. L’évènement a eu lieu en septembre 2009, mais comme il est indiqué plus loin, le délai de 30 jours prévu dans l’entente ne s’appliquait pas à la remise de l’insigne.

E. Allégation de présentation erronée

52 Finalement, je dois me prononcer sur la question du versement de la valeur de transfert de la pension de retraite du fonctionnaire.

53 J’ai de la difficulté à admettre que cette question ait fait partie de l’entente de quelque façon que ce soit. Il est vrai que le défendeur a fourni des renseignements sur la pension de retraite du fonctionnaire lors de la séance de médiation, mais comme Mme Tyler l’a expliqué, il s’agissait de la préparation habituelle à la médiation dans les cas où il y a eu une cessation d’emploi. Dans son témoignage, le fonctionnaire s’est dit convaincu que la question concernant sa pension avait été débattue lors de la médiation. Toutefois, elle n’est mentionnée nulle part dans l’entente. De plus, le défendeur a déclaré dans son témoignage que la question n’avait pas été discutée et n’avait certainement pas fait l’objet d’un accord. Les éléments de preuve étayent le point de vue du défendeur sur ce qui s’est passé. En supposant, sans trancher la question, que le fonctionnaire ait soulevé le point pendant la médiation, le fait est qu’il n’y a pas eu d’entente sur le sujet. Ce que dit une partie au médiateur durant la médiation ne constitue pas une entente exécutoire; il doit y avoir des preuves d’une entente sur la question. Or, de telles preuves n’existent pas dans le cas qui nous occupe.

54 Je traiterai néanmoins les préoccupations du fonctionnaire au sujet de sa pension de retraite.

55 Les éléments de preuve indiquent que le fonctionnaire s’est renseigné au sujet de la valeur de transfert de sa pension en juin 2008, un peu moins d’un an avant la signature de l’entente en mars 2009. Dans un courriel datant du 9 juin 2008, Mme Gale, la conseillère en rémunération et avantages sociaux du défendeur, a informé le fonctionnaire que la valeur de transfert était [traduction] « estimée à 120 468,51 $ ». Ce chiffre provenait d’un imprimé daté du 29 mai 2008 qui comprenait ce montant total, mais subdivisé en deux, à savoir un montant de 74 341,89 $ correspondant au total « à l’intérieur de la limite » et un montant de 46 126,62 $ correspondant au total « en sus de la limite ». Comme il a été mentionné précédemment, le montant « à l’intérieur de la limite » devait être immobilisé dans un instrument d’épargne et ne pouvait être versé au fonctionnaire en espèces, tandis que le montant « en sus de la limite » était un montant excédentaire au sens des dispositions législatives de l’impôt sur le revenu, et était versé au fonctionnaire en espèces. Par conséquent, le fonctionnaire n’avait pas accès au montant total de la valeur de transfert de sa pension – 120 468,51 $ – en raison de la structure juridique du régime de pension de retraite.

56 Des évaluations similaires de la valeur de transfert ont été fournies dans d’autres estimations. Le 27 mars 2009, le montant total s’élevait à 122 899,03 $ et était composé d’un montant immobilisé de 86 690,88 $ et d’un montant excédentaire de 36 208,15 $, que le fonctionnaire pouvait obtenir en espèces à cette date. Le 8 septembre 2009, les chiffres étaient respectivement de 121 702,84 $, de 72 913,41 $ et de 48 789,43 $. Charlene Nicholson, la coordonnatrice de la rémunération du défendeur, a expliqué lors de son témoignage que ces différences dans les estimations étaient attribuables à un certain nombre de facteurs prescrits par les lois sur les pensions et les règlements connexes. Ces facteurs incluaient les taux de mortalité, les taux d’intérêt et les taux des prestations de survivant. Le défendeur utilisait la mention [traduction] « estimée à » ou [traduction] « sous réserve d’une vérification » dans tous les renseignements fournis sur la valeur de transfert d’une pension de retraite, parce que cette valeur pouvait changer (et changeait effectivement) au fil du temps à mesure que ces facteurs variaient.

57 Le 22 avril 2009, le fonctionnaire a choisi de prendre la valeur de transfert de sa pension de retraite au lieu d’une pension différée, par exemple. Dans une lettre datée du même jour et au cours d’une réunion s’étant également déroulée cette journée‑là, on l’a informé que le montant immobilisé de la valeur de transfert de sa pension de retraite était de 82 910,43 $ et que le montant excédentaire qu’il pouvait obtenir en espèces serait de 27 732,66 $. Il a aussi été avisé que ces montants pouvaient changer en raison de la [traduction] « fluctuation des taux d’intérêt ». Finalement, le fonctionnaire a reçu une lettre du défendeur en date du 5 juillet 2009, qui confirmait l’exécution de sa décision de recevoir la valeur de transfert de sa pension de retraite et l’informait que le montant de 83 308,40 $ correspondant à la portion immobilisée de la valeur de transfert avait été transféré à son institution financière. La somme de 26 759,76 $, avant déductions, qui représentait le montant excédentaire, lui a été versée à ce moment‑là. Au cours de son témoignage, le fonctionnaire a affirmé qu’en fin de compte, il avait reçu un paiement net d’environ 16 000,00 $.

58 Il semble que le fonctionnaire ait cru, à différentes périodes, avoir droit à une valeur de transfert de sa pension d’un montant d’environ 120 000,00 $, qui lui serait entièrement payé en espèces. Il reste qu’on l’avait informé plusieurs fois du contraire, en personne et par écrit. Il pouvait uniquement toucher en espèces le montant excédentaire. Alors, quand la transaction relative à la valeur de transfert a été effectuée, en juillet 2009, la valeur totale s’élevait à 110 068,16 $, et le fonctionnaire s’est vu remettre la somme de 26 759,76 $, moins les déductions. La différence, soit 83 308,40 $, a été transférée à la banque du fonctionnaire et versée dans un instrument immobilisé d’épargne, comme la loi l’exige. La transaction était tout à fait conforme aux renseignements qui avaient été fournis au fonctionnaire depuis 2008. D’autre part, le fonctionnaire pensait, comme il l’a écrit à son agent négociateur, en juin 2009, que le défendeur devait lui remettre 65 000,00 $, au lieu de 26 759,76 $ (moins les déductions). De la même façon, aucun élément de preuve ne démontre que le défendeur ait transmis au fonctionnaire quelque renseignement que ce soit, qui aurait donné à entendre qu’il pourrait toucher cette somme en espèces.

59 Il y a eu des différences dans les estimations du montant payable en espèces de la valeur de transfert. L’écart s’étendait de 48 789,43 $, montant le plus élevé annoncé en septembre 2008, à un montant de 27 732,66 $, montant le moins élevé annoncé en avril 2009, et le montant a finalement été établi à 26 759,76 $, en septembre 2009. Comme on l’a expliqué au fonctionnaire, de vive voix et dans les documents qui lui ont été transmis, et comme il a été précisé dans les preuves de la présente affaire, les changements dans l’évaluation des fonds auxquels il pouvait avoir accès étaient le résultat de calculs complexes dans lesquels intervenaient différents facteurs, comme les taux d’intérêt. Je reconnais la complexité de ces questions, mais les représentants du défendeur avaient conseillé à plusieurs reprises au fonctionnaire de demander un avis indépendant sur sa pension de retraite. Or, il ne l’a pas fait.

60 Il s’ensuit que le fonctionnaire n’a reçu aucun renseignement donnant à penser qu’il obtiendrait un paiement différent de ce qu’il a finalement reçu. Il est en désaccord avec le montant en question, mais il connaissait la méthode de calcul et les risques depuis juin 2008 et il a eu amplement l’occasion de demander un avis indépendant sur le calcul. Étant donné qu’il n’y a eu aucune présentation erronée des faits de la part du défendeur à l’encontre du fonctionnaire au sujet de sa pension, il ne peut y avoir eu de déclaration frauduleuse, comme l’a prétendu le fonctionnaire.

V. Résumé

61 J’ai compétence pour déterminer si l’entente est finale et exécutoire et si les parties s’y sont conformées. La demande du défendeur, selon laquelle je n’aurais pas cette compétence, est rejetée.

62 Un médiateur nommé selon les dispositions de la nouvelle Loi n’est pas tenu de témoigner au sujet de ce qui s’est dit durant une médiation régie par la nouvelle Loi. Par conséquent, lorsqu’une entente est conclue dans le cadre d’une médiation et que des conflits surviennent concernant l’intention réciproque, les parties n’ont principalement recours qu’à l’entente même. On ne peut accorder une importance considérable aux propos échangés entre le médiateur et une partie en l’absence de l’autre.

63 Dans le cadre de l’entente, la mention [traduction] « dans les trente (30) jours » s’applique à des points particuliers de l’entente et non à tous. Plus particulièrement, le paiement de congé payé au fonctionnaire, en vertu de l’entente, était assujetti au délai de 30 jours, mais il n’a pas été versé à l’intérieur de cette période. À la place, le fonctionnaire a pu toucher le paiement au 31e jour. Cette erreur de la part du défendeur ne constituait pas une inexécution fondamentale de l’entente et n’a pas pour effet de l’annuler en entier. Les autres paiements n’étaient pas assujettis au délai de 30 jours ou ont été effectués à l’intérieur du délai.

64 L’exigence, prévue dans l’entente, selon laquelle le défendeur devait remettre au fonctionnaire son insigne de service, n’était pas assujettie au délai de 30 jours. De plus, pour ce qui est de déterminer quel insigne devait lui être remis, le défendeur a finalement réglé le litige en donnant au fonctionnaire l’insigne qu’il désirait.

65 La question relative au paiement de la valeur de transfert de la pension du fonctionnaire ne faisait pas partie de l’entente. De toute façon, il n’y a eu aucune présentation erronée des faits, involontaire ou autre, concernant le versement au fonctionnaire de la valeur de transfert de sa pension. Le défendeur lui a transmis en temps opportun des renseignements exacts, à la fois verbalement et par écrit.

66 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

VI. Ordonnance

67 La demande du fonctionnaire d’annuler l’entente est rejetée et la validité de l’entente est confirmée.

68 J’ordonne l’annulation de tout arrangement pris dans le cadre des dossiers de la CRTFP 566‑02‑1147, 2159 et 2765 et la fermeture de ces dossiers.

Le 24 janvier 2012.

Traduction de la CRTFP

John Steeves,
arbitre de grief

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