Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

L’Association des pilotes fédéraux du Canada (APFC) a déposé une plainte de pratique déloyale de travail contre le Conseil du Trésor (l’<< employeur >>), et des termes d’un protocole de règlement confidentiel ont été établis, réglant ainsi des questions portant sur le salaire rétroactif et la classification touchant certains individus - les fonctionnaires s’estimant lésés n’étaient pas ceux identifiés par leurs noms dans le règlement mais il précisait que l’employeur acceptait de [traduction] << [...] donner un salaire rétroactif aux employés qui ont assumé ces fonctions dans le passé [...] >> - les fonctionnaires s’estimant lésés ont déposé des griefs dans lesquels ils affirmaient qu’ils avaient aussi exercé les fonctions en question et qu’ils avaient droit au versement d’un salaire rétroactif - à la suite du dépôt des griefs, l’APFC et l’employeur ont signé un second règlement pour résoudre les questions relatives au droit aux heures supplémentaires et à l’ajout de noms d’employés à la liste de personnes qui ont droit au salaire rétroactif - les noms des fonctionnaires s’estimant lésés ne faisaient pas partie du second règlement - l’employeur a soulevé une objection préliminaire concernant la compétence en se fondant sur le fait que les plaintes ne relevaient pas de l’alinéa 209(1)a) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP) - ni les griefs, ni la formule 20 ne faisaient référence à quelque disposition que ce soit de la convention collective en question - les griefs faisaient référence seulement à une admissibilité relevant d’un règlement survenu entre l’APFC et l’employeur - de toute évidence, les griefs n’étaient pas conformes à l’alinéa 209(1)a) de la LRTFP - les décisions précédentes de la Commission relativement au pouvoir d’interprétation et d’exécution des règlements de l’arbitre de grief ne s’appliquaient pas, étant donné que ces décisions concernaient des affaires dans lesquelles des fonctionnaires s’estimant lésés demandaient que soient rouverts les règlements originaux les concernant par suite du prétendu non-respect de ces ententes par l’employeur - dans le présent cas, les fonctionnaires s’estimant lésés ont réclamé les avantages découlant du règlement survenu dans un autre cas - le principe de préclusion ne pouvait pas être utilisé pour investir l’arbitre de compétence de la compétence. Objection préliminaire accueillie. Instructions données.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2012-06-01
  • Dossier:  566-02-2519, 2627, 2692, 2968 et 2995
  • Référence:  2012 CRTFP 64

Devant un arbitre de grief


ENTRE

HARRY WRAY, CALVIN WINTER, PAUL ROBERT RISK, CLIFFORD MISKEY ET EDWARD H. RINN

fonctionnaires s’estimant lésés

et

CONSEIL DU TRÉSOR
(ministère des Transports)

employeur

Répertorié
Wray et al. c. Conseil du Trésor (ministère des Transports)

Affaire concernant des griefs individuels renvoyés à l’arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Kate Rogers, arbitre de grief

Pour les fonctionnaires s’estimant lésés:
Phil Hunt, avocat

Pour l'employeur:
Pierre Marc Champagne, avocat

Affaire entendue à Ottawa (Ontario),
le 3 mai 2012.
(Traduction de la CRTFP)

I. Griefs individuels renvoyés à l’arbitrage

1 Cette décision concerne une objection préliminaire en matière de compétence soulevée par le Conseil du Trésor (l’« employeur ») à l’égard de cinq griefs de salaire rétroactif découlant d’un protocole de règlement.

2 Les fonctionnaires s’estimant lésés (les « fonctionnaires ») sont inspecteurs d’aéronefs (AO-CAI) au ministère des Transports. Au moment du dépôt des griefs, les fonctionnaires étaient visés par la convention collective (la « convention collective ») entre l’employeur et l’Association des pilotes fédéraux du Canada (APFC) pour le groupe Navigation aérienne. La date d’expiration de cette convention collective était le 25 janvier 2008.

3 À l’origine, il n’était pas prévu que les cinq griefs soient entendus ensemble à l’arbitrage. Cependant, les fonctionnaires revendiquent tous un salaire rétroactif à la suite de la mise en œuvre d’un protocole de règlement. Les griefs de Calvin Winter, Paul Robert Risk et Harry Wray sont identiques :

[Traduction]

Transports Canada a publié une entente de règlement (ci‑jointe) dans laquelle il est indiqué que le ministère a accepté de donner un salaire rétroactif aux employés qui ont assumé ces fonctions dans le passé pour les périodes pendant lesquelles ils ont assumé ces fonctions.

J’ai assumé ces fonctions en tant qu’inspecteur, fonctions régies par la sous-partie 705 du RAC, selon les normes de classification du Conseil du Trésor.

4 À titre de redressement, les fonctionnaires veulent recevoir un salaire rétroactif ouvrant droit à pension.  

5 Clifford Miskey et Edward H. Rinn soutiennent également dans leur grief qu’ils n’ont pas de description de travail à jour, ce qu’ils avaient aussi demandé à titre de redressement.

6 Cette demande de description de travail à jour pourrait soulever des questions factuelles propres à ces deux fonctionnaires, mais la question du droit à un salaire rétroactif dans le cadre du protocole de règlement s’appuie sur des faits communs aux cinq griefs. Pour cette raison, les parties ont demandé que cette question commune soit entendue dans le cadre d’une même affaire. De plus, l’employeur a présenté une objection préliminaire concernant ma compétence pour entendre les griefs de salaire rétroactif. Il soutient que les griefs ne relèvent pas du paragraphe 209(1) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LRTFP). Étant donné les circonstances, les parties ont convenu que l’audience prévue les 3 et 4 mai 2012 porterait uniquement sur l’objection préliminaire concernant ma compétence. Si le conflit entre les parties n’est toujours pas complètement réglé suivant la décision sur l’objection préliminaire, une décision définitive sera rendue afin de déterminer si les questions en suspens seront groupées et présentées lors d’une même audience ou si les griefs seront entendus individuellement.

II. Résumé de la preuve

7 Les parties ont préparé un exposé conjoint des faits comprenant sept pièces jointes. De plus, Daniel Slunder, président national de l’APFC, a témoigné au nom des fonctionnaires et a soumis 10 documents comme éléments de preuve (pièces E‑2 à E‑11). L’employeur a contesté les éléments de preuve présentés par M. Slunder, à l’exception de la pièce E‑2, parce qu’il était d’avis qu’ils n’étaient pas pertinents en l’espèce. Les éléments de preuve ont été acceptés sous réserve de mon ordonnance sur la présente objection concernant la compétence. Pour les besoins de la cause, l’objection de l’employeur concernant les éléments de preuve est rejetée. Ces éléments de preuve étaient très pertinents pour appuyer les arguments des fonctionnaires.

8 L’exposé conjoint des faits (pièce E‑1) se lit comme suit :

[Traduction]

Les fonctionnaires s’estimant lésés (les « fonctionnaires »), Calvin Winter, Clifford Miskey, Harry Wray, Paul Risk et Edward Rinn, et le Conseil du Trésor (Transports Canada) s’entendent sur ce qui suit aux fins de l’arbitrage :

  1. les faits exposés dans les présentes sont admis comme s’ils avaient été établis en preuve, sous réserve de leur pertinence par rapport aux questions en litige et du poids que leur accordera l’arbitre de grief;
  2. les documents joints aux présentes à titre de pièces sont admis comme ayant été prouvés, sous réserve de leur pertinence par rapport aux questions en litige et du poids que leur accordera l’arbitre de grief;
  3. chaque pièce jointe aux présentes est une copie conforme d’un document dont l’original a été imprimé, écrit, signé ou exécuté tel qu’il est présumé l’avoir été, et qui a été envoyé ou reçu, selon le cas, par les personnes dont les noms y figurent aux dates indiquées ou aux alentours de celles-ci.
  1. Aux alentours d’avril 2008, l’Association des pilotes fédéraux du Canada (« APFC » ou le « syndicat »), l’agent négociateur des fonctionnaires, a déposé une plainte de pratique déloyale de travail alléguant que l’obligation de négocier de bonne foi et les dispositions sur le gel de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, avaient été violées. Une copie de la plainte, datée du 24 avril 2008, est jointe aux présentes (pièce A).
  2. La plainte a été déposée après que Transports Canada a offert un poste pour une période déterminée à un niveau plus élevé (AO-CAI-03) et un salaire rétroactif à vingt‑deux (22) pilotes de niveau AO‑CAI‑02 qui étaient affectés à temps plein à un poste d’inspecteur de ligne ou d’inspecteur principal de l’exploitation pour les opérations de vol des « gros aéronefs » de l’Aviation commerciale et d’affaires dépassant une certaine catégorie de poids. Les parties étaient en négociation collective au moment de la proposition de nomination.
  3. Le 16 juillet 2008, ou autour de cette date, les parties à la plainte pour pratique déloyale de travail ont exécuté les termes d’un protocole de règlement confidentiel. Ce protocole réglait les questions qui touchaient les vingt‑deux (22) pilotes de gros aéronefs affectés à un poste d’inspecteur qui avaient été initialement sélectionnés par l’employeur pour un poste de niveau plus élevé, et ajoutait trois noms à cette liste. Les vingt‑cinq (25) employés visés étaient tous identifiés à l’annexe A. De plus, douze (12) autres pilotes de gros aéronefs affectés à un poste d’inspecteur qui avaient assumé les fonctions dans le passé étaient identifiés à l’annexe B. Le protocole comprenait également à l’annexe C un avis public approuvé à l’intention de tous les membres du groupe Navigation aérienne (AO) confirmant le règlement confidentiel de la plainte. Une copie du protocole de règlement, en date du 16 juillet 2008, et de ses annexes, est jointe aux présentes (pièce B). Les deux parties demandent à l’arbitre de grief de protéger la confidentialité des termes du protocole de règlement dans son examen du présent exposé conjoint des faits et la préparation de toute décision rapportée.
  4. Entre autres termes du protocole de règlement, l’avis public avisait tous les membres du groupe AO que Transports Canada s’était engagé à nommer 25 employés à un poste AO-CAI-03 pour une période indéterminée et à leur offrir un salaire rétroactif à partir de la date de leur changement de fonctions. On précisait aussi que Transports Canada avait accepté de « donner un salaire rétroactif aux employés qui ont assumé ces fonctions dans le passé pour les périodes pendant lesquelles ils ont assumé ces fonctions ».
  5. Après avoir lu l’avis, les fonctionnaires ont tous présenté un grief individuel, parce qu’ils avaient eux aussi assumé les fonctions associées à de « gros aéronefs », mais qu’ils n’avaient pas été indemnisés. Tous les fonctionnaires occupaient un poste AO‑CAI-02 au moment du dépôt de leur grief. Une copie des griefs individuels est jointe aux présentes (pièces C, D, E, F et G).  
  6. Le fait que les parties approuvent le présent exposé des faits ne porte aucunement atteinte à leur droit de présenter des éléments de preuve supplémentaires à l’audience ou de contester de la manière habituelle l’admissibilité des éléments de preuve présentés en vertu de la jurisprudence applicable et des pratiques des arbitres de grief quant à l’admissibilité des éléments de preuve dans la procédure d’arbitrage.

[…]

9 M. Slunder a déclaré qu’il était président national de l’APFC depuis juillet 2009 et qu’à ce titre, il avait accès à tous les dossiers du syndicat. Les pièces E‑2 à E‑11 sont toutes des documents détenus par l’APFC. M. Slunder a expliqué que deux règlements avaient été conclus pour régler une plainte de pratique déloyale de travail. Après le règlement initial (pièce E‑1, onglet B), M. Slunder a signé un autre protocole de règlement (pièce E‑2) qui visait à résoudre quelques questions en suspens, comme le droit au paiement des heures supplémentaires, qui avaient été renvoyées à la médiation. Entre autres modifications, d’autres noms ont été ajoutés à la liste des employés admissibles dans le deuxième règlement. M. Slunder a déclaré que l’employeur avait admis que certains employés avaient pu être oubliés et a avancé d’autres noms. Il a noté que l’un des représentants de l’employeur qui avait signé le protocole de règlement initial avait communiqué avec lui par courriel pour l’aviser que l’employeur songeait à ajouter d’autres noms à la liste des employés admissibles (pièce E‑11).

III. Résumé de l’argumentation

A. Pour l’employeur

10 L’employeur a soutenu que ces griefs visent à exécuter une obligation contractuelle découlant non pas de la convention collective, mais bien du protocole de règlement. Bien que M. Miskey et M. Rinn aient cité des clauses de la convention collective pour appuyer leurs allégations concernant les descriptions de travail complète et à jour, aucun des fonctionnaires n’a cité des clauses de la convention collective pour appuyer ses prétentions quant au salaire rétroactif. Malgré ce fait, les fonctionnaires ont décidé de renvoyer leurs griefs à l’arbitrage en vertu de l’alinéa 209(1)a) de la LRTFP, et ils sont limités par ce choix.

11 Les faits dans le présent cas établissent clairement que les fonctionnaires ont déposé un grief parce que leurs noms ne figuraient pas sur la liste des employés visés par le règlement négocié par l’employeur et l’APFC dans le but de régler une plainte de pratique déloyale de travail. La plainte du syndicat portait sur les allégations de négociation de mauvaise foi et de violation des dispositions sur le gel de la LRTFP – alinéas 190(1)b) et c) – qui ne donnent pas lieu à des droits individuels. Les droits décrits dans la plainte sont strictement des droits syndicaux. Par ailleurs, le règlement ne modifiait pas la convention collective, et il n’y a pas non plus été intégré.

12 L’employeur a cité Pelletier-Chabot et Perron-Croteau c. Conseil du Trésor (Archives publiques du Canada), dossiers de la CRTFP 166-02-11948 et 11949 (19820713), et MacLean et al. c. Conseil du Trésor (Musée des beaux-arts du Canada), dossiers de la CRTFP 166-02-23640 à 23646 (19930720). Il a maintenu que les arbitres de grief de la Commission des relations de travail dans la fonction publique (CRTFP) n’ont pas la compétence pour exécuter des règlements ne faisant pas partie d’une convention collective applicable en vertu de la LRTFP.

13 L’employeur a établi une distinction entre les faits en l’espèce et ceux des décisions Amos c. Administrateur général (ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux), 2008 CRTFP 74 (jugement infirmé dans 2009 CF 1181, puis confirmé dans 2011 CAF 38), et Thom c. Conseil du Trésor (ministère des Pêches et des Océans), 2012 CRTFP 34. Dans ces cas, les fonctionnaires demandaient l’application de règlements négociés et voulaient que la CRTFP continue d’être saisie de leurs griefs, parce que leurs employeurs n’avaient pas respecté leurs obligations découlant de leurs ententes de règlement respectives. Dans les présents griefs, les fonctionnaires ne sont pas inclus dans le règlement dont ils demandent l’application, ils en sont des tierces parties.

14 L’employeur a noté que les griefs ont été déposés dans la période entre la première et la deuxième entente de règlement, et que la deuxième entente visait à résoudre les questions qui étaient demeurées en suspens après la signature de la première entente. Il est indiqué au troisième paragraphe de la deuxième entente de règlement que ce document représente un règlement définitif de toutes les questions en suspens. Les questions des fonctionnaires auraient pu être résolues avant la deuxième entente, mais leurs noms ne figurent pas sur la liste des employés supplémentaires visés par le règlement.

15 Les fonctionnaires pourraient soutenir que, puisque la première entente de règlement (2008) n’était pas définitive et exécutoire, selon le principe de préclusion, l’employeur ne peut pas soulever d’objection, mais le premier règlement a été confirmé et modifié par la deuxième entente (2009). La plainte initiale a été retirée après la signature de la deuxième entente de règlement.

16 L’employeur a soutenu que, pour ces motifs, les griefs devraient être rejetés faute de compétence, pour ce qui est de la question du salaire rétroactif en vertu du règlement.

B. Pour les fonctionnaires s’estimant lésés

17 Les fonctionnaires ont soutenu que leurs revendications sont contractuelles et découlent du règlement qui a été conclu pour régler la plainte de pratique déloyale de travail. Ils ont déclaré que le règlement permettait le paiement des demandes d’employés ne figurant pas explicitement sur la liste de l’annexe. En particulier, les fonctionnaires ont noté que l’avis de règlement qui a été transmis aux employés établissait clairement que les employés qui avaient assumé dans le passé certaines des fonctions en question pourraient bénéficier des avantages du règlement. Par ailleurs, la conduite de l’employeur démontre que la liste des employés visés par le règlement n’était pas définitive, car des noms y ont été ajoutés après la signature du deuxième règlement.

18 Les fonctionnaires ont maintenu qu’un arbitre de grief de la CRTFP avait la compétence pour déterminer si une entente de règlement est définitive et exécutoire et si une des parties a dérogé aux conditions de cette entente. Ils ont cité Amos et Thom pour appuyer leur argument selon lequel le pouvoir de redressement des arbitres de grief a été étendu par l’article 236 de la LRTFP et que, conformément à l’objectif explicite de la LRTFP de favoriser des relations de travail harmonieuses, on met maintenant l’accent sur le règlement volontaire des différends. Les processus d’exécution et de mise en œuvre des ententes de règlement sont essentiels à l’accomplissement de ce but. Dans Amos, la Cour d’appel fédérale a conclu qu’il serait injuste et inefficace d’exiger d’un fonctionnaire s’estimant lésé qu’il dépose un nouveau grief pour demander l’exécution d’une obligation découlant d’un règlement et qu’une telle exigence ne serait pas en accord avec l’objectif de la loi de promouvoir la résolution efficace des différends. Les fonctionnaires ont fait valoir qu’il est important que les arbitres de grief adoptent une approche contextuelle pour ce qui est d’établir si un règlement a été exécuté.

19 Les fonctionnaires ont fait valoir que, de façon subsidiaire, le principe de préclusion équitable empêchait l’employeur de considérer la liste des employés admissibles comme était définitive. L’employeur a continué d’ajouter des noms à la liste après l’exécution du deuxième règlement et le retrait de la plainte de pratique déloyale de travail. Les fonctionnaires ont maintenu que, étant donné que des noms ont été ajoutés à la liste après le deuxième règlement, il était raisonnable de penser que le processus d’évaluation de l’admissibilité des employés était toujours en cours.

C. Réplique de l’employeur

20 L’employeur a répété que les fonctionnaires ne faisaient pas partie du règlement dont ils demandent l’exécution. De plus, ce qui a donné lieu au règlement était une plainte de pratique déloyale de travail, qui serait entendue par un commissaire de la CRTFP, pas un arbitre de grief. Compte tenu de ce fait, un arbitre de grief ne pourrait pas se prononcer sur une question liée au règlement d’une telle plainte.

IV. Motifs

21 La présente décision porte exclusivement sur l’objection préliminaire de l’employeur sur ma compétence au motif que les revendications de salaire rétroactif des cinq fonctionnaires découlant d’une entente de règlement ne peuvent être renvoyées à l’arbitrage. Bien que M. Miskey et M. Rinn aient aussi fait valoir qu’ils n’avaient pas de description de poste complète et à jour, les parties ont convenu que la question serait traitée séparément, à un autre moment.

22 Les arbitres de grief de la CRTFP tirent leur compétence uniquement de la LRTFP. Ils n’ont pas de compétence inhérente. En ce qui concerne les griefs individuels, la LRTFP limite la compétence des arbitres de grief aux affaires visées par le paragraphe 209(1). Pour pouvoir être renvoyé à l’arbitrage, un grief doit porter sur l’interprétation ou l’application d’une disposition d’une convention collective applicable à un employé (alinéa 209(1)a)), une mesure disciplinaire entraînant le licenciement, la suspension, la rétrogradation ou une sanction pécuniaire (alinéa 209(1)b)), ou pour un fonctionnaire de l’administration publique centrale, sur la rétrogradation ou le licenciement pour rendement insuffisant ou pour d’autres raisons non disciplinaires qui ne sont pas visées par d’autres lois ou sur la mutation sans le consentement de l’employé (alinéa 209(1)c)). Ce sont les paramètres qui circonscrivent la compétence des arbitres de grief dans les cas de griefs individuels.

23 Les griefs ont été renvoyés à l’arbitrage au moyen de la formule 20, qui est la formule requise pour les griefs concernant une infraction alléguée à la convention collective. Toutefois, ni dans les griefs, ni dans la formule 20, il n’est fait mention d’une disposition précise en cause de la convention collective. À première vue, il ne fait aucun doute que les réclamations de salaire rétroactif présentées dans les présents griefs n’ont pas trait à une infraction de la convention collective, mais uniquement à un droit découlant d’une entente conclue entre l’APFC et l’employeur au sujet d’une plainte de pratique déloyale de travail. Par conséquent, de prime abord, les griefs en l’espèce ne satisfont pas aux critères de l’alinéa 209(1)a) de la LRTFP.

24 Les fonctionnaires ont soutenu que même s’ils ne comportaient pas d’allégation d’infraction à la convention collective, les griefs pouvaient être renvoyés à l’arbitrage. Ils fondent cette affirmation sur leur conviction que selon Amos, les arbitres de grief ont non seulement le pouvoir, mais aussi l’obligation d’interpréter et de faire appliquer des ententes conclues sur des questions soumises à la CRTFP. Citant Amos et Thom à titre d’exemples de cas dans lesquels les arbitres de grief avaient statué qu’ils avaient compétence pour interpréter et faire exécuter des ententes de règlement, les fonctionnaires ont prétendu que j’avais également compétence pour interpréter et faire appliquer dans leur cas l’entente de règlement conclue entre l’APFC et l’employeur sur la plainte de pratique déloyale de travail.

25 Or, l’argumentation des fonctionnaires ne tient pas compte d’un fait essentiel. Dans Amos et Thom, la question de la compétence des arbitres de grief a été soulevée dans le contexte où les fonctionnaires s’estimant lésés ont demandé la réouverture de leurs griefs initiaux à la suite de ce qu’ils estimaient être un manquement de la part de leurs employeurs respectif à leur obligation d’honorer leur entente de règlement. Ce n’est pas le cas dans l’affaire qui nous occupe. Les fonctionnaires réclament les avantages conférés par une entente qui a été conclue dans une tout autre affaire. Ils ne tentent pas de faire rouvrir la plainte de pratique déloyale de travail qui a donné lieu à l’entente et ils ne pourraient pas le faire, car ils n’étaient pas parties à la plainte ni à son règlement.

26 Les fonctionnaires ont déclaré que l’importance accordée, dans la LRTFP, au règlement de différends sur une base volontaire donnait aux arbitres de grief le mandat d’interpréter et de faire appliquer les ententes. Ils ont affirmé que si un arbitre de grief ne pouvait interpréter et faire exécuter une entente, le seul recours dont disposeraient les fonctionnaires s’estimant lésés serait de déposer plus de griefs, lesquels ne pourraient être renvoyés à l’arbitrage. Cette situation, ont-ils soutenu, serait inadmissible. Ils ont fait remarquer que dans Amos, la Cour d’appel fédérale avait rejeté cette notion, jugée inacceptable. Pourtant, ces griefs me semblent correspondre exactement à cette description. Ce sont de nouveaux griefs distincts visant à faire exécuter une entente. Ils ne constituent pas des demandes afin de rouvrir un grief existant.

27 J’estime important de souligner également que l’entente en question a été rouverte par les parties concernées. L’APFC et l’employeur ont non seulement rouvert l’entente pour étudier des questions en suspens, mais ils ont aussi négocié une nouvelle entente pour régler ces questions. Au cours de cette négociation, de nouveaux noms ont été ajoutés à la liste des employés admissibles. Ce fait indique clairement quelles sont les parties à l’entente et montre le processus qui aurait dû être suivi au nom des fonctionnaires en l’espèce.

28 À mon avis, l’argument avancé par les fonctionnaires s’appuyant sur Amos et Thom étendrait la compétence d’un arbitre de grief au-delà des limites fixées par le paragraphe 209(1) de la LRTFP. Je ne crois pas que les décisions citées aient cet effet. De fait, elles ont conclu qu’un arbitre de grief n’était pas dessaisi d’une affaireà partir du moment où une entente était conclue, mais qu’il conservait sa compétence à l’égard du grief initial pour déterminer si l’entente avait été respectée et pour émettre toute ordonnance appropriée dans les circonstances.

29 Les fonctionnaires ont également soutenu que les mesures prises par l’employeur pour continuer d’indemniser des employés admissibles même après la mise en application de la seconde entente et le retrait de la plainte constituaient un obstacle ou une préclusion, qui empêchaient pour ainsi dire l’employeur d’opposer une objection à la compétence de l’arbitre de grief. Cet argument tient pour acquis que les parties peuvent donner compétence à un arbitre de grief. Or, comme je l’ai déjà souligné, les arbitres de grief tirent leur compétence de la législation et non des parties. Pour ce motif, cet argument ne tient donc pas. Les présents griefs n’entrent pas dans le cadre d’application de l’alinéa 209(1)a) de la LRTFP, que l’employeur ait fait objection ou non à ma compétence. Par conséquent, je ne peux assumer compétence.

30 Pour tous ces motifs, je conclus que je n’ai pas compétence pour instruire ces griefs, étant donné qu’ils se rapportent à des revendications de salaire rétroactif fondées sur une entente de règlement.

31 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

32 L’objection préliminaire de l’employeur concernant la compétence est accueillie.

33 Les griefs de Paul Robert Risk, Harry Wray et Calvin Winter sont rejetés.

34 Les griefs d’Edward H. Rinn et de Clifford Miskey sont rejetés en ce qui concerne les revendications de salaire rétroactif. Les parties ont convenu de fixer une date, en consultation avec le greffe de la CRTFP, afin de discuter des questions en suspens, qui portent sur leur description de travail.

Le 1er juin 2012.

Traduction de la CRTFP

Kate Rogers,
arbitre de grief

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