Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé travaillait comme agent des services frontaliers - l’administrateur général a licencié le fonctionnaire s’estimant lésé au motif que ce dernier avait fait usage d’une force excessive envers un voyageur, avait omis de documenter et de signaler l’événement, et n’avait pas dit la vérité au sujet de l’événement - le fonctionnaire s’estimant lésé a présenté un grief contestant son licenciement - le fonctionnaire s’estimant lésé s’est opposé à l’admissibilité des plaintes antérieures portées contre lui, d’une lettre de suspension se rapportant à un incident antérieur, du rapport d’enquête, de la déclaration d’un témoin, et du témoignage d’un témoin - l’administrateur général s’est opposé à l’admissibilité d’une opinion écrite - l’arbitre de grief a admis en preuve la lettre de suspension, le rapport d’enquête, la déclaration, le témoignage et l’opinion écrite, mais non les plaintes antérieures - le fonctionnaire s’estimant lésé a demandé la divulgation des notes d’enquête de l’enquêteur - l’arbitre de grief n’a pas ordonné la divulgation des notes d’enquête - l’arbitre de grief a conclu que les irrégularités survenues durant l’enquête avaient été réglées lors de la nouvelle audience instruite devant lui - l’arbitre de grief a en outre conclu que la preuve présentée par le fonctionnaire s’estimant lésé était moins crédible que celle présentée par l’administrateur général, et que le fonctionnaire s’estimant lésé avait fait usage d’une force excessive envers le voyageur, avait omis de documenter et de signaler l’événement, et n’avait pas dit la vérité au sujet de l’événement - enfin, l’arbitre de grief a conclu que le licenciement ne constituait pas une mesure disciplinaire excessive dans les circonstances. Une objection accueillie. Certaines objections rejetées. Demande rejetée. Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2012-08-21
  • Dossier:  566-02-2748
  • Référence:  2012 CRTFP 88

Devant un arbitre de grief


ENTRE

ANDREW NEWMAN

fonctionnaire s'estimant lésé

et

ADMINISTRATEUR GÉNÉRAL
(Agence des services frontaliers du Canada)

défendeur

Répertorié
Newman c. Administrateur général (Agence des services frontaliers du Canada)

Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Paul Love, arbitre de grief

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Ray Domeij, Alliance de la Fonction publique du Canada

Pour l'employeur:
Adrian Bieniasiewicz, avocat

Affaire entendue à Vancouver (Colombie-Britannique), les 1er et 2 juin 2010,
du 4 au 8 juillet, les 11 et 12 juillet 2011 et du 6 au 8 février 2012.
(Traduction de la CRTFP)

I. Grief individuel renvoyé à l’arbitrage

1 Le fonctionnaire s’estimant lésé, Andrew Newman, (le « fonctionnaire ») a déposé un grief pour contester son licenciement. Il était agent des services frontaliers au poste frontalier Pacific Highway de l’Agence des services frontaliers du Canada (l’« Agence » ou la « défenderesse »). L’Agence a licencié le fonctionnaire par l’intermédiaire de Blake Delgaty, directeur général de la région du Pacifique. Ce dernier a informé le fonctionnaire dans une lettre datée du 26 octobre 2007 (pièce E-18) qu’il était licencié pour avoir menti lors d’une enquête des Affaires internes (l’« enquête ») et pour avoir usé d’une force excessive à l’endroit d’un chauffeur d’autobus nolisé le 22 octobre 2006 (l’« incident »). Après avoir repris dans sa lettre de licenciement (pièce E-18) les faits énoncés dans le rapport d’enquête (pièce E-9), M. Delgaty a écrit ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Quand on vous a demandé d’expliquer pourquoi le récit que vous aviez donné de votre échange avec le chauffeur était en contradiction avec les récits des témoins, vous avez répondu que vous étiez distrait par le fait que le chauffeur affirmait qu’il ne pouvait pas voir. Vous avez indiqué plus tard dans votre rapport de conclusion révisé que vous auriez pu gérer la situation de façon plus appropriée. Quand vous avez été informé de l’allégation selon laquelle vous auriez menti, vous avez indiqué que l’écart entre votre récit et ceux des témoins était dû à une différence de « perspective ».

Andrew, je suis d’avis que les récits du chauffeur et des témoins concernant votre comportement sont détaillés, cohérents et crédibles. Par ailleurs, je constate que ces récits sont à l’opposé et contraire au rapport que vous avez fourni. Je note également un manque de soutien pour votre version des faits, car vous n’aviez aucune autorisation légale de douter de la vision du chauffeur. De plus, vous n’avez pas documenté et signalé ce cas de recours à la force, comme l’exige la politique de l’Agence.

Par conséquent, je conclus que votre récit du comportement du chauffeur et de ses commentaires n’est pas véridique. Je conclus également que vous avez menti lorsque vous avez affirmé être demeuré calme et avoir agi de manière professionnelle à l’égard du chauffeur et que le comportement obstructif de ce dernier s’était aggravé graduellement, jusqu’à nécessiter un recours à la force.

Votre décision injustifiée de recourir à la force est certes une affaire sérieuse, mais nous nous préoccupons encore plus du fait que vous avez été malhonnête lors de l’enquête. Andrew, votre malhonnêteté dans cette affaire représente une violation directe du Code de conduite de l’ASFC et un manque de respect pour l’une de ses valeurs fondamentales : l’intégrité. En tant qu’agent des services frontaliers contribuant au respect des lois, la population canadienne ainsi que votre employeur placent leur confiance en vous; ils attendent de vous que vous assumiez les fonctions qui vous sont assignées d’une manière pouvant résister à l’examen public le plus rigoureux.

Par votre malhonnêteté, vous avez miné votre crédibilité de façon permanente et avez créé un doute sérieux et permanent quant à votre fiabilité lorsqu’il est question de dire la vérité dans une affaire d’exécution de la loi, une enquête ou une poursuite judiciaire. Vous avez abusé de façon permanente et irrémédiable de la confiance nécessaire pour exercer vos fonctions. Par conséquent, par le pouvoir qui m’est conféré par l’Agence, je mets fin à votre emploi à partir du 26 octobre 2007, à la fermeture des bureaux, pour des raisons disciplinaires, en vertu de l’alinéa 12(1)c) de la Loi sur la gestion des finances publiques.

Avant de rendre ma décision, j’ai étudié les commentaires que vous avez faits lors des rencontres préalables à l’audience disciplinaire ainsi que toutes les circonstances atténuantes, y compris vos années de service.

[…]

2 Dans son grief, le fonctionnaire a fait la demande suivante : [traduction] « Je demande ma réintégration, l’annulation des mesures disciplinaires prises à mon égard, le remboursement de mon salaire et de mes avantages sociaux perdus avec intérêts, et toute autre réparation que pourrait m’accorder un arbitre de grief. »

II. Audience

3 Sari Hellsten, directrice de district de l’Agence à l’aéroport international de Vancouver, Kelly Backman, gestionnaire de bureau pour une entreprise de construction, Tony Tse-Chun, le chauffeur d’autobus impliqué dans l’incident, Toni Anderson, surintendante de la circulation au poste frontalier Pacific Highway au moment de l’incident et superviseure du fonctionnaire, le chef Doug Clarke, directeur intérimaire au poste frontalier Pacific Highway, M. Delgaty, de même que le surintendant John Ashikian, enquêteur des Affaires internes, ont témoigné pour le défendeur. Trois agents des services frontaliers — Dan Sullivan, représentant de l’agent négociateur du fonctionnaire, Cory Brezden et Gordon Duthie —, le fonctionnaire et le sergent Joel Johnston ont témoigné pour le fonctionnaire. Le sergent Johnston a été qualifié de témoin expert; il a donné de l’information concernant le recours à la force.

A. Contexte

4 L’Agence possède un Manuel d’exécution des douanes (le « Manuel d’exécution des douanes »), et des passages du chapitre 6 : [traduction] « Fouilles et mesures coercitives – Personnes » et du chapitre 5 : [traduction] « Politique et procédures sur l’usage de la force » (la « Politique »; pièce E-3) ont été versés au dossier. Les points saillants de la Politique sont les suivants :

[Traduction]

[…]

35. Les agents doivent être prêts à fournir une explication exhaustive des motifs de l’intervention sélectionnée dans toute situation.

[…]

38. Les agents doivent préparer un rapport sur l’usage de la force (E642) dans les 24 heures, ou dès que possible, chaque fois qu’ils font usage de la force pour maîtriser une situation.

Nota : Voir l’annexe B pour un exemple de rapport sur l’usage de la force (E642) et les instructions sur la façon de le remplir.

[…]

58. Les agents doivent, dès que possible après un incident où ils ont fait de la force, en consigner les détails dans leur carnet douanier (CE1).

59. Un rapport sur l’usage de la force (E642) doit être préparé dans les 24 heures, ou dès que possible, et remis au surintendant du quart de travail après chaque situation ou incident où la force a été utilisée.

[…]

5 La Politique est fondée sur le Modèle d’intervention pour la gestion d’incidents (MIGI). L’intention de ce modèle est de faire en sorte que les agents des services frontaliers [traduction] « […] évaluent continuellement le risque et interviennent de la façon nécessaire pour assurer la sécurité du public et des agents ». Le MIGI est reproduit sous forme de graphique à l’annexe D du Manuel d’exécution des douanes. Les facteurs conjoncturels sont au centre, entourés des évaluations des agents des services frontaliers, qui évaluent si le sujet est coopératif ou non, résistant ou combatif ou pose un risque de décès ou de lésions corporelles graves. Les interventions des agents des services frontaliers peuvent être les suivantes : présence, intervention verbale, contrôle à mains nues, contrôle à mains fermées, aérosol, armes à impact et force mortelle. Le concept du repositionnement tactique consiste à encercler les menaces et les interventions. J’ai entendu les explications de plusieurs témoins concernant le MIGI. Les concepts sont faciles à comprendre, mais pour les appliquer, les agents des services frontaliers peuvent avoir à évaluer très rapidement une situation et à réévaluer continuellement leurs réactions ainsi que le comportement du sujet lors d’un incident.

6 Après le 1er septembre 2001, la direction locale du poste frontalier Pacific Highway a commencé à utiliser les cartes de déclaration du voyageur (les « cartes E-311 ») afin de traiter les autobus, dont les autobus nolisés. Ces cartes sont habituellement utilisées par les passagers aériens. Elles doivent être remplies par la personne responsable du ménage ou par chaque individu. Les voyageurs doivent y inscrire de l’information concernant leur absence du Canada, leurs achats, les biens qu’ils rapportent au pays, et autre information. Les éléments de preuve de toutes les parties semblent montrer que ces cartes étaient utilisées au poste frontalier Pacific Highway au moment de l’incident. Les parties ne s’entendaient en ce qui concerne le caractère obligatoire ou discrétionnaire de l’utilisation de ces cartes pour traiter les autobus. J’ai entendu les témoignages de plusieurs personnes à ce sujet. Ce n’est pas parce qu’il a demandé des cartes E-311 à un chauffeur d’autobus que le fonctionnaire a fait l’objet d’une mesure disciplinaire.

7 Bien que ce point ait été abordé à fond dans les témoignages, Il ne s’agit pas ici d’une affaire où le fonctionnaire aurait fourni à M. Tse-Chun des cartes E-311, et où ce dernier aurait refusé de les remplir ou de les distribuer à ses passagers. Il est clair que les agents des services frontaliers acceptent parfois, à leur discrétion, des déclarations verbales plutôt que des cartes E-311. En l’espèce, un autre agent des services frontaliers a recueilli les déclarations verbales des passagers de l’autobus après que le fonctionnaire et M. Tse-Chun se soient rendus au bureau frontalier terrestre du poste frontalier Pacific Highway (le « bureau frontalier terrestre »).

8 Il convient maintenant de discuter de certaines questions relatives aux éléments de preuve, pour lesquelles j’ai dû prendre une décision lors de l’audience.

B. Questions relatives aux éléments de preuve

1. Admissibilité des plaintes précédentes

9 Durant le témoignage de la surintendante Anderson, la défenderesse a tenté de faire admettre en preuve des plaintes précédentes du public ayant donné lieu à des discussions avec le fonctionnaire. Cette preuve tentait de démontrer un modèle de comportement que l’Agence a pris en considération dans sa décision de licencier le fonctionnaire. Le fonctionnaire s’est opposé à cette pratique en soutenant que l’admission des plaintes précédentes lui causerait un préjudice. Le fonctionnaire n’a pas pu contester les allégations contenues dans les autres plaintes, car l’Agence ne lui a pas imposé de mesure disciplinaire en lien avec ces autres plaintes. On n’a pas accordé les règles de la justice naturelle à l’égard du fonctionnaire, et il n’a pas pu donner sa version des faits concernant les allégations contenues dans ces plaintes.

10 J’ai conclu que les plaintes précédentes n’étaient pas admissibles, car elles n’étaient pas inscrites au dossier disciplinaire du fonctionnaire. Je suis d’avis que les plaintes précédentes ne peuvent pas être utilisées pour déterminer s’il est probable ou non que le fonctionnaire ait commis les fautes de conduite présumées. Elles ne peuvent pas non plus servir à déterminer si la mesure disciplinaire était appropriée, ou si une autre sanction aurait été plus appropriée.

2. Admissibilité du dossier disciplinaire du fonctionnaire

11 La défenderesse a affirmé que le fonctionnaire avait été suspendu pour une journée, le 28 juillet 2006, pour des raisons disciplinaires. Le fonctionnaire a déposé un grief pour contester cette décision, mais le grief n’a pas été renvoyé à l’arbitrage. Le fonctionnaire a affirmé que cette affaire était toujours en cours, car le la défenderesse n’avait pas rendu de décision au dernier palier de la procédure de règlement des griefs.

12 La défenderesse a soutenu que, en vertu de l’article 90 du Règlement de la Commission des relations de travail dans la fonction publique, DORS/2005-79, un employé a 40 jours pour renvoyer un grief à l’arbitrage s’il n’a reçu aucune décision dans le cadre de la procédure de règlement des griefs. Le fonctionnaire a affirmé qu’aucune date d’audience n’avait été fixée jusqu’à maintenant au dernier palier de la procédure de règlement des griefs, qu’une décision définitive n’avait toujours pas été rendue et que le grief concernant la suspension disciplinaire d’une journée était toujours en cours. Il a ajouté tant que le grief ne serait pas tranché en arbitrage, cette affaire serait considérée comme étant non réglée et que, par conséquent, aucun élément de preuve sur ce grief ne devait être entendu. La défenderesse a répliqué que si le fonctionnaire souhaitait contester sa décision, il aurait dû renvoyer son grief à l’arbitrage dans le délai de 40 jours.

13 J’ai conclu que je pouvais entendre les éléments de preuve concernant la suspension disciplinaire d’une journée. J’ai indiqué que si ce conflit entre les parties n’était pas réglé, j’allais déterminer quels éléments de preuve, en fonction des circonstances en l’espèce, pouvaient être utilisés pour évaluer les deuxième et troisième parties du critère établi dans Wm. Scott & Company Ltd. v. Canadian Food and Allied Workers Union, Local P-162William Scott »), [1977] 1 Can. L.R.B.R. 1 (Colombie-Britannique). Le fonctionnaire a soutenu qu’en admettant la lettre de suspension, j’allais essentiellement rendre une décision sur un grief qui serait renvoyé à un autre arbitre de grief.

14 À l’audience de juin 2010, il n’y a pas eu d’entente sur la question de savoir si la lettre de suspension du 28 juillet 2006 faisait partie du dossier disciplinaire du fonctionnaire; cette question était difficile à trancher en se fondant sur les observations des parties. Le fonctionnaire a indiqué qu’il allait présenter des éléments de preuve, car il s’agissait d’une affaire en cours, mais il n’a présenté aucun élément de preuve ni abordé la question dans sa plaidoirie finale.

15 Lors d’une objection relative à la preuve dans le cadre du contre-interrogatoire du fonctionnaire qui a eu lieu le 6 février 2012 en après-midi, il a fallu déterminer si la défenderesse pouvait admettre en preuve le contenu de plaintes précédentes mentionnées dans un courriel du surintendant Brezden au chef Clarke, daté du 24 octobre 2007 (pièce E-15). Le fonctionnaire a concédé à ce moment-là que la lettre de suspension du 28 juillet 2006 faisait partie de son dossier disciplinaire. La lettre a ensuite été admise en preuve en tant que pièce E-4. La suspension disciplinaire d’une journée a été imposée à la suite d’un incident survenu le 22 novembre 2005, où le fonctionnaire avait interagi physiquement avec un voyageur lors de l’examen secondaire de ce dernier. L’élément saillant de la lettre de suspension est reproduit ci-dessous :

[Traduction]

[…]

À la suite d’une altercation verbale avec [un voyageur] dans la zone d’examen initial, vous l’avez dirigé vers la zone d’examen secondaire. Bien que vous ayez eu des signes que le voyageur était agité lors de votre altercation verbale avec lui à la zone d’examen initial, vous avez décidé d’éliminer la distance qui vous séparait de lui. Lors de notre rencontre, vous avez expliqué que vous pensiez qu’une agression était imminente et que vous n’aviez pas eu d’autre choix que de maîtriser physiquement le voyageur. Cependant, l’espace entre vous et le voyageur était suffisant pour vous permettre d’utiliser des techniques de désamorçage avant de maîtriser physiquement le voyageur.

En tant qu’agent des services frontaliers, vous avez des responsabilités à l’égard de la population canadienne et de votre employeur d’assumer les fonctions qui vous sont assignées d’une manière pouvant résister à l’examen public le plus rigoureux. Ils attendent de vous que vous exerciez un jugement adéquat quand vous vous trouvez dans une situation comme celle-ci, et que vous utilisiez les techniques qui vous ont été enseignées en formation. Le fait que vous n’avez pas essayé d’évaluer si vous pouviez faire autrement que de maîtriser physiquement le voyageur est un exemple de mauvais jugement et va à l’encontre de ce que vous avez appris en formation.

[…]

16 Lors du contre-interrogatoire, le fonctionnaire a cité une partie de la lettre de suspension (pièce E-4) comme circonstance atténuante. La défenderesse voulait interroger le fonctionnaire pour obtenir plus de détails sur le plan d’action et les plaintes. Étant donné ma décision précédente, je n’ai pas autorisé la défenderesse à interroger le fonctionnaire en détail à ce sujet. Il est évident que l’Agence a pris en considération les plaintes précédentes ainsi que la lettre de suspension dans sa décision de licencier le fonctionnaire.

17 Le dossier disciplinaire du fonctionnaire contient une suspension disciplinaire d’une journée sans rémunération. L’Agence a imposé cette suspension au fonctionnaire après avoir accepté les conclusions d’un rapport d’enquête des Affaires internes concernant un incident survenu le 22 novembre 2005. La surintendante Anderson a indiqué que le fonctionnaire semblait regretter sa réaction, qu’il admettait son rôle dans la détérioration de la situation et qu’il avait cinq années de service à son actif au moment de l’incident. La suspension disciplinaire d’une journée a été imposée le 28 juillet 2006 (pièce E-4).

18 Je ne peux pas m’appuyer sur la lettre de suspension (pièce E-4) pour supposer que le fonctionnaire a probablement fait usage d’une force excessive le 22 octobre 2006. Cependant, la preuve démontre clairement que le fonctionnaire pensait à la lettre de suspension lors de ses échanges avec les surintendants Anderson et Brezden qui ont eu lieu à la suite de l’incident en l’espèce. La lettre de suspension est également pertinente aux deuxième et troisième critères établis dans le test William Scott, qui consistent à déterminer si la mesure disciplinaire choisie est anormalement sévère compte tenu des circonstances, et si une mesure disciplinaire moins sévère devrait y être substituée.

3. Admissibilité du rapport d’enquête

19 Lors de la première audience, en juin 2010, le fonctionnaire s’est opposé à ce que le rapport du surintendant Ashikian (pièce E-9) soit admis en preuve. Il a fait valoir que ce document lui causait un préjudice, qu’il contenait des ouï-dire et qu’il tirait des conclusions qu’il valait mieux laisser entre les mains de l’arbitre de grief. Le fonctionnaire a soutenu que le rapport contenait de l’information fournie par des témoins qui ne seraient pas cités à comparaître lors du contre-interrogatoire.

20 La défenderesse a affirmé qu’il était normal de déposer un rapport d’enquête en preuve, et qu’un grand nombre des personnes mentionnées dans le rapport du surintendant Ashikian (pièce E-9) avaient été citées à comparaître ou le seraient. L’Agence a fondé sa décision de licencier le fonctionnaire sur ce rapport.

21 Le fonctionnaire a fait valoir que le préjudice éventuel que lui causerait le rapport du surintendant Ashikian (pièce E-9) avait plus de poids que sa valeur probante, et que le surintendant Ashikian ne pouvait rien apporter dans cette affaire autre le fait qu’il avait mené l’enquête. Le fonctionnaire a indiqué que la jurisprudence appuyait sa position, mais qu’il n’avait pas cette jurisprudence avec lui, car il n’avait pas prévu que la défenderesse présenterait le rapport d’enquête (pièce E-9) comme élément de preuve.

22 La défenderesse a affirmé que le surintendant Ashikian avait interrogé des gens et avait établi qu’il y avait eu usage de force excessive. Elle a ajouté que l’Agence avait fondé sa décision sur les conclusions du rapport d’enquête (pièce E-9); elle ne comprenait pas l’objection du fonctionnaire. Le surintendant Ashikian était chargé de mener l’enquête conformément à la procédure normale, et l’Agence a examiné son rapport et a pris une mesure disciplinaire à l’égard du fonctionnaire. Les éléments de preuve par ouï-dire sont recevables par un arbitre de grief.

23 Le fonctionnaire a indiqué qu’il avait demandé des documents trois semaines avant l’audience et qu’on l’avait avisé qu’il ne les aurait pas avant le jour de l’audience. La défenderesse a nié cette assertion; elle a affirmé qu’elle avait téléphoné deux fois au fonctionnaire pour obtenir les coordonnées afin d’envoyer le rapport d’enquête (pièce E-9), et que le fonctionnaire n’avait pas répondu.

24 Il a fallu reporter l’audience et entendre le reste de l’affaire plus tard, car certains témoins n’étaient pas disponibles. Je suis d’avis que quand l’une des parties soutient que la jurisprudence appuie sa position, elle devrait citer les affaires en question. J’ai ordonné aux parties de soumettre des arguments écrits sur l’admissibilité du rapport du surintendant Ashikian (pièce E-9). Le fonctionnaire a présenté ses arguments le 14 juin 2010. La défenderesse a répondu le 23 juin 2010, et le fonctionnaire a répliqué le 15 juillet 2010.

25 Après avoir examiné les arguments écrits des parties, j’ai conclu que le rapport d’enquête (pièce E-9) était recevable. Le 8 octobre 2010, j’ai informé les parties par écrit que le rapport était recevable et que je donnerais mes raisons par écrit dans la présente décision.

26 Le fonctionnaire a soutenu que, selon les ouvrages suivants, le rapport d’enquête (pièce E-9) constituait une preuve par ouï-dire : Canadian Labour Arbitration, 4e édition, Brown et Beatty, paragraphe 3:4310; The Law of Evidence in Canada, 3e édition (2009), Sopinka, Lederman et Bryant, paragraphe 6.2; Black’s Law Dictionary, 6e édition (1990), Black, Nolan et Nolan-Haley. Toute l’information révélée par le surintendant Ashikian peut être introduite en citant les témoins à comparaître. Le rapport contient des conclusions et des inférences relativement à la crédibilité qui sont préjudiciables et qui empiètent sur la compétence de l’arbitre de grief de trancher ces questions en se fondant sur les éléments de preuve et les témoignages appropriés. Le fonctionnaire m’a renvoyé à Alberta v. Alberta Union of Provincial Employees, [2000] A.G.A.A. No. 46 (QL); Canadian Union of Public Employees – Local 1750 v. Ontario (Workplace Safety and Insurance Board), dossier de la Commission de règlement des griefs des employés de la Couronne 2003-3741 (20050930). Il m’a également renvoyé à British Columbia Institute of Technology v. British Columbia Government Employees’ Union (1995), 47 L.A.C. (4e) 99, où l’arbitre de grief a refusé d’admettre un rapport d’enquête en preuve :

[Traduction]

[…]

Le rapport d’enquête ne constitue pas une décision d’arbitrage. Il ne s’agit pas d’une décision juridique de quelque sorte que ce soit, et n’a pas été élaboré dans un tel bu […].

[…]

Il revient cependant à ce conseil d’arbitrage d’en arriver à des conclusions exécutoires. La présentation du rapport d’enquête ne peut en aucun cas servir de substitut. S’il était accepté, il serait associé aux autres preuves, ce qui ternirait le processus de présentation de la preuve et, simplement par son influence potentielle sur l’arbitre de grief, la décision de ce dernier s’en trouverait également ternie.

Le rapport d’enquête est donc préjudiciable […].

[…]

Je suis d’accord avec le syndicat sur le fait que la valeur probante du rapport, s’il en a une, est éclipsée par le risque de préjudice. Je conviens également que le rapport d’enquête ne devrait pas être admis, parce qu’il me dicterait la décision à prendre dans cette affaire. Or, il me revient de prendre cette décision en fonction des preuves qui me sont présentées, et non d’un rapport sur ces preuves […].

[…]

27 La défenderesse a déclaré que le surintendant Ashikian ainsi que les personnes interrogées étaient disponibles pour le contre-interrogatoire. Le rapport d’enquête (pièce E-9) a fait partie intégrante du processus décisionnel de l’Agence. En empêchant la défenderesse de produire le rapport en preuve, on restreindrait grandement son droit de faire valoir ses arguments. Le paragraphe 226(1) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, édictée par l’article 2 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, prévoit spécifiquement qu’un arbitre de grief peut accepter des preuves par ouï-dire :

226. (1) Pour instruire toute affaire dont il est saisi, l’arbitre de grief peut :

[…]

d) accepter des éléments de preuve, qu’ils soient admissibles ou non en justice […]

[…]

28 Un arbitre de grief ne peut pas rejeter d’emblée des éléments de preuve simplement parce que ce sont des éléments de preuve par ouï-dire; voir Canada (Procureur général) c. Basra, 2010 CAF 24, paragraphe 21. La défenderesse a cité le paragraphe 6.346 de The Law of Evidence in Canada, 2e édition (1999), Sopinka, Lederman et Bryant :

[Traduction]

§6.346 Dans les procédures de la plupart des tribunaux administratifs et commissions d’arbitrage des relations de travail, les preuves par ouï-dire sont largement admissibles, et le poids à leur accorder est à la discrétion du tribunal ou de la commission, sauf si l’acceptation de cette preuve constitue un déni manifeste de justice naturelle. Dans la mesure où la preuve par ouï-dire est pertinente, elle peut servir de fondement à une décision, peu importe si elle est appuyée par d’autres preuves qui seraient admissibles dans un tribunal judiciaire.

[J’omets les notes en bas de page]

29 Le fonctionnaire a répliqué que les personnes mentionnées dans le rapport d’enquête (pièce E-9) n’ont pas toutes été citées comme témoins, et que celles qui ont présenté des éléments de preuve n’ont pas eu à parapher les déclarations qu’elles ont données au surintendant Ashikian. Il a été impossible de vérifier, lors du contre-interrogatoire, la véracité des commentaires du surintendant Ashikian. Il y a déni de justice naturelle lorsqu’aucune raison valide n’est donnée pour le défaut de témoigner d’un témoin; voir B. v. Catholic Children’s Aid Society of Metropolitan Toronto (1987), 59 O.R. (2d) 417 (Div. Ct.). Le fonctionnaire a fait valoir que le préjudice que lui causerait l’admission du rapport était plus important que son effet probant et que le rapport ne devrait pas être admis.

30 Le surintendant Ashikian a interrogé huit témoins, dont le fonctionnaire. La défenderesse a cité tous ces témoins à comparaître sauf Glenn Bonnett, chef intérimaire des opérations relatives à la circulation au poste frontalier Pacific Highway, et Kim Scoville, directeur des divisions des programmes et des communications pour la région du Pacifique de l’Agence au moment de l’incident. Je note que le chef intérimaire Bonnet et M. Scoville n’ont pas été témoins de l’incident. La déclaration du chef intérimaire Bonnett est citée aux paragraphes 7a) à f), pages 5 et 6, du rapport d’enquête (pièce E-9). Ses commentaires portent en partie sur les procédures à suivre au poste frontalier Pacific Highway et ses préoccupations concernant les allégations de Mme Hellsten et de Mme Backman. Le rapport ne précise pas l’information que M. Scoville a fournie au surintendant Ashikian.

31 Dans sa déclaration d’ouverture, la défenderesse a indiqué qu’il avait été allégué que le fonctionnaire avait été malhonnête pendant l’enquête. La défenderesse a déclaré qu’elle citerait à comparaître le chef Clarke et M. Delgaty, qui étaient impliqués dans la décision de licencier le fonctionnaire, laquelle était fondée sur le rapport d’enquête (pièce E-9).

32 Je note que la différence entre l’affaire en l’espèce et British Columbia Institute of Technology est que la défenderesse dans British Columbia Institute of Technology n’a pas proposé de faire comparaître les témoins pour appuyer sa défense. Aussi, aucune allégation de déclarations mensongères n’a été faite durant la très longue enquête sur le harcèlement. À mon avis, dans la présente affaire, le rapport d’enquête (pièce E-9) est pertinent au regard des allégations au sujet de déclarations mensongères du fonctionnaire durant l’enquête. Le rapport contient les versions des faits des témoins, la déclaration du fonctionnaire (pièce E-9, annexe A) et la conclusion modifiée de la déclaration du fonctionnaire (pièce E-9, page 6), soit : [traduction] « J’aurais pu gérer la situation d’une manière plus appropriée et obtenir tout de même un résultat satisfaisant pour tous les intervenants ». Il est clair que cette information est pertinente à l’allégation que le fonctionnaire a fait des déclarations mensongères durant l’enquête. Les témoins interrogés par le surintendant Ashikian ont comparu et ont été contre-interrogés. Le fonctionnaire a donc eu l’occasion d’éprouver leur témoignage.

33 Je constate que, dans d’autres décisions, certains arbitres de grief ou de différend n’ont pas admis de rapports d’enquête. Selon eux, les rapports d’enquête présentent des conclusions finales que les arbitres doivent tirer eux-mêmes. Ainsi, l’information contenue dans les rapports d’enquête est préjudiciable et n’a aucune valeur probante.

34 Je ne suis pas lié par l’information contenue dans le rapport d’enquête (pièce E-9) ou par ses conclusions. Quand il a fallu décider si le rapport pouvait être déposé en preuve, j’ai simplement déterminé si le document était admissible et non quel valeur probante il avait. Si on jugeait irrecevable le rapport, qui contient l’information sur laquelle l’Agence a fondé sa décision, on ne pourrait pas constater les « déclarations mensongères » faites durant l’enquête. Ces déclarations mensongères ont été découvertes en comparant les témoignages des témoins et l’information fournie par le fonctionnaire.

35 Il ne s’agit pas d’un cas où il est question de déclarations antérieures conséquentes ou inconséquentes, mais bien d’allégations de déclarations mensongères durant une enquête, lesquelles étaient à la base de la décision de l’Agence de licencier le fonctionnaire. Le rapport d’enquête (pièce E-9) est pertinent, car il explique la décision de l’Agence. La déclaration du fonctionnaire au surintendant Ashikian et la conclusion de ce dernier sont des preuves des déclarations mensongères formulées par le fonctionnaire durant l’enquête. Le rapport est important dans le récit des événements.

36 Il s’agissait d’une audience de novo : Tipple c. Canada (Conseil du Trésor), [1985] A.C.F. no 818 (C.A.) (QL). Il ne s’agissait pas uniquement d’examiner les conclusions du surintendant Ashikian ou la décision de l’Agence de licencier le fonctionnaire. La défenderesse devait justifier sa décision de licencier le fonctionnaire d’après la prépondérance des probabilités en présentant des preuves claires, cohérentes et convaincantes (voir F.H. c. McDougall, 2008 CSC 53). Les preuves par ouï-dire sont largement admissibles dans les procédures d’arbitrage. L’Agence s’est basée sur le rapport du surintendant Ashikian (pièce E-9) pour licencier le fonctionnaire. Il est essentiel que j’étudie le rapport pour comprendre pourquoi l’Agence a décidé de licencier le fonctionnaire. Plus particulièrement, je ne peux pas examiner de manière adéquate l’allégation de déclarations mensongères durant l’enquête si le rapport n’est pas déposé en preuve. Le rapport est pertinent au regard des questions que je dois trancher; il est donc recevable. C’est à moi qu’il revient d’évaluer quel poids lui accorder.

37 Lors du contre-interrogatoire du surintendant Ashikian, le fonctionnaire a de nouveau souligné que le rapport d’enquête (pièce E-9) devait être exclu, au motif que le document était incomplet (il manquait les pages 1 à 5). Le fonctionnaire n’avait pas utilisé cet argument plus tôt dans ses observations écrites. Selon la preuve, le rapport d’enquête était complet; il ne manquait que cinq pages de notes du surintendant Ashikian relativement à son entretien avec le fonctionnaire. Toutefois, ces notes ont été intégrées au contenu du rapport.

38 Je note que j’ai déjà déterminé que le rapport d’enquête (pièce E-9) était recevable. Le rapport était, en substance, identique à la version préparée par le surintendant Ashikian. Ce dernier n’avait pas l’habitude de joindre à ces rapports des notes d’entrevue complètes. Il est clair que ces notes ne faisaient pas partie du rapport, mais qu’elles étaient paraphrasées dans ce même rapport.

4. Admissibilité de la déclaration de M. Tse-Chun

39 Le fonctionnaire s’est opposé à l’admissibilité du témoignage de M. Tse-Chun, sur la base que ce dernier n’avait pas signé sa déclaration. Il voulait aussi les notes du surintendant Ashikian et les questions qu’il avait posées parce que M. Tse-Chun avait besoin des services d’un interprète lors de l’audience; ainsi, toute allégation que le rapport d’enquête (pièce E-9) était exact est douteuse. Je note qu’on renvoie à la déclaration de M. Tse-Chun dans le rapport d’enquête.

40 Pendant le témoignage de M. Tse-Chun, le fonctionnaire s’est opposé au fait que la défenderesse paraphe la déclaration de M. Tse-Chun par l’entremise de M. Tse-Chun. J’ai accepté l’objection du fonctionnaire selon laquelle M. Tse-Chun était incapable de vérifier l’exactitude de la déclaration écrite en anglais étant donné ses difficultés langagières et qu’il a dû avoir recours à un interprète en mandarin pour témoigner.

41 Après avoir entendu tous les témoignages, particulièrement celui du surintendant Ashikian, j’étais convaincu que ce dernier avait rendu l’information que lui avait fournie M. Tse-Chun de la manière dont il recueillait habituellement des déclarations, et ce, avec exactitude. Après avoir entendu le témoignage du surintendant Ashikian, je suis satisfait que toutes les questions importantes concernant l’authenticité de la déclaration de M. Tse-Chun ont été réglées. J’ai constaté qu’il y avait un écart entre la déclaration de M. Tse-Chun et son témoignage, mais ce fait affecte le poids du témoignage de M. Tse-Chun et non l’admissibilité de sa déclaration. La déclaration de M. Tse-Chun a été admise en preuve en tant que pièce E-20.

5. Admissibilité du témoignage de la surintendante Anderson sur le recours à la force

42 Le fonctionnaire s’est opposé à une partie de la preuve fournie par la surintendante Anderson, qu’il a qualifiée de preuve d’expert sur le recours à la force.

43 La surintendante Anderson connait bien le Manuel d’exécution des douanes et le MIGI, et elle a supervisé le fonctionnaire. La défenderesse a soutenu que la surintendante Anderson pouvait expliquer dans quelles circonstances un recours à la force était justifié, qu’il n’était pas nécessaire de demander à un expert de parler du MIGI, et que tous les agents des services frontaliers connaissent le MIGI. Selon le fonctionnaire, la surintendante Anderson devait être qualifiée comme une experte pour formuler une opinion. La défenderesse a répliqué que tous les employés devaient être des experts du MIGI, car ils le mettent en application.

44 À mon avis, la défenderesse a le droit de présenter des éléments de preuve expliquant pourquoi la conduite du fonctionnaire a fait l’objet d’une enquête et pourquoi il a été licencié. En définitive, c’est à moi qu’il revient de décider, après avoir entendu toute la preuve dans cette affaire, si le fonctionnaire a usé ou non d’une force excessive, déraisonnable ou injustifiée. La surintendante Anderson a reçu de la formation sur le MIGI. Elle a supervisé des employés qui appliquaient le MIGI, et elle l’a appliqué elle-même dans ses relations avec le public. Par conséquent, il est justifié de penser qu’elle peut parler de la force utilisée et se prononcer sur la question de savoir si cette force était raisonnable.

6. Admissibilité de l’opinion écrite du sergent Johnston sur le recours à la force

45 À l’audience de juillet 2011, le sergent Johnston était qualifié pour donner son opinion d’expert concernant le recours à la force, y compris une explication sur le recours progressif à la force par les agents de la paix. Le curriculum vitæ du sergent Johnston a été produit en tant que pièce G-1. Le fonctionnaire a alors tenté de déposer une opinion écrite du sergent Johnston datée du 2 juin 2010. Ce document n’a pas été fourni au défendeur avant l’audience.

46 La défenderesse s’est opposée à l’admissibilité de l’opinion écrite du sergent Johnston, car elle ne l’avait pas reçue avant l’audience. Ellea cité la Loi sur la preuve au Canada, L.R.C., 1985, ch. C-5, et a déclaré qu’il avait droit à un avis de 30 jours. Le fonctionnaire a indiqué qu’il ne s’appuierait pas sur l’opinion écrite; qu’il allait simplement présenter l’opinion orale du sergent Johnston. La défenderesse a répliqué que la Loi sur la preuve au Canada s’appliquait aussi aux opinions orales des experts. Le fonctionnaire a soutenu qu’il venait de recevoir l’opinion écrite, ce qui était surprenant, car elle était datée du 2 juin 2010.

47 Le sergent Johnston a pris connaissance de ce grief en 2010. On lui a remis les documents contextuels, y compris le rapport d’enquête (pièce E-9) et la lettre de licenciement (pièce E-18). Il a formulé son opinion par écrit, et ce document incluait un résumé de l’incident.

48 J’ai reporté l’examen de la preuve de l’opinion du sergent Johnston jusqu’à ce que la défenderesse ait eu 30 jours de préavis, ce qui est conforme aux exigences de la Loi sur la preuve au Canada. L’opinion écrite du sergent Johnston a été admise en preuve (pièce G-4) lors de son témoignage présenté à l’audience de février 2012.

7. Contre-interrogatoire abusif de M. Delgaty et du surintendant Ashikian

49 À deux reprises, j’ai jugé que le contre-interrogatoire mené à l’endroit des témoins était abusif et que le fonctionnaire devait passer au sujet suivant. La première fois est survenue lorsque le fonctionnaire a demandé à M. Delgaty combien il était payé pour son travail. Le fonctionnaire a rabaissé ou dénigré le témoin en commentant la façon dont M. Delgaty exerçait son pouvoir délégataire au nom des contribuables canadiens. La deuxième fois, le fonctionnaire était abusif dans sa façon de questionner le surintendant Ashikian au sujet de ses connaissances des exemptions douanières personnelles et de l’usage de la force.

8. Production des notes du surintendant Ashikian

50 Le fonctionnaire a demandé qu’on lui remette la liste des questions posées par le surintendant Ashikian pour interroger les témoins, de même que ses notes. Le fonctionnaire n’a pas présenté cette demande avant l’audience. La défenderesse a dit que la demande avait été prise en considération et que, à son avis, ces renseignements avaient été détruits. Le surintendant a affirmé qu’il n’avait plus ces notes en sa possession. Le fonctionnaire a renvoyé à une déclaration de la page 18 du rapport d’enquête (pièce E-9), selon laquelle ces documents ont été conservés.

51 En raison de l’information fournie par la défenderesse, je n’ai pas été en mesure d’ordonner la production des documents en question, puisque les notes n’existaient apparemment plus au moment de l’audience et que le surintendant Ashikian ne les avait pas en sa possession.

C. Résumé de la preuve

52 Il y a maintenant lieu d’examiner la preuve présentée au sujet de l’incident. Je commencerai par expliquer l’incident, puis je présenterai les points saillants des interrogatoires principaux, des contre-interrogatoires et des réinterrogatoires des témoins. Je ne reproduirai toutefois pas tous les témoignages entendus au cours de la longue audience. En revanche, je produirai une description plus détaillée des témoignages que je ne le ferais normalement, puisque cette affaire porte principalement sur les faits, qui sont contestés.

53 L’incident s’est déroulé au poste frontalier Pacific Highway, le soir du 22 octobre 2006. Le fonctionnaire était en uniforme et effectuait un quart d’après-midi durant lequel il s’occupait du traitement des autobus, des passagers et de leurs bagages. Un autre agent des services frontaliers aidait le fonctionnaire plus tôt dans la soirée, mais au moment qui nous intéresse, cet agent a été appelé à travailler ailleurs, et le fonctionnaire était seul. C’était une soirée occupée, car un certain nombre d’événements avaient lieu dans la région de Seattle, Washington, notamment une partie des Seahawks de Seattle. Au moment de l’incident, il faisait noir et il pleuvait.

54 M. Tse-Chun conduisait un autobus nolisé qui transportait une équipe de hockey de niveau bantam de la région de Vancouver qui participait à un tournoi de hockey à Seattle. Environ 30 à 35 passagers, des garçons et des adultes, voyageaient dans l’autobus. Parmi les passagers figuraient Mme Hellsten et Mme Backman, deux adultes qui accompagnaient leurs fils et les autres garçons. Bien que Mme Hellsten et Mme Backman aient chacune un fils jouant dans la même équipe de hockey, elles ne sont pas des amies, mais plutôt des connaissances. Avant l’incident, Mme Backman ne savait pas que Mme Hellsten travaillait pour l’Agence.

55 L’autobus est arrivé au poste frontalier Pacific Highway. L’incident est survenu après que le fonctionnaire soit monté dans l’autobus. Le fonctionnaire a alors ordonné à M. Tse-Chun de sortir de l’autobus. Les deux individus se sont rendus dans le bureau frontalier terrestre. Une fois à l’intérieur, le fonctionnaire et la surintendante Anderson ont interagi avec M. Tse-Chun. Un autre agent des services frontaliers s’est occupé du traitement de l’autobus et de ses passagers. M. Tse-Chun a ensuite eu la permission de retourner dans son autobus.

56 Les événements survenus dans l’autobus, à l’extérieur de l’autobus et à l’intérieur du bureau frontalier terrestre sont les événements contestés. En ce qui concerne les événements à l’intérieur et à l’extérieur de l’autobus, j’ai entendu des preuves présentées par Mme Hellsten, Mme Backman, M. Tse-Chun et le fonctionnaire. En ce qui a trait aux événements qui sont survenus à l’intérieur du bureau frontalier terrestre, j’ai entendu les témoignages de Mme Hellsten, Mme Backman, M. Tse-Chun, la surintendante Anderson, l’agent Duthie et le fonctionnaire. Le fonctionnaire a cité le surintendant Brezden pour témoigner à propos des déclarations de la surintendante Anderson à l’intention du surintendant Brezden au sujet de l’incident, soit deux jours après l’incident alors que le surintendant se renseignait au nom du fonctionnaire.

57 Mme Hellsten a parlé de ses préoccupations de façon générale au chef Clarke. Celui-ci a invité Mme Hellsten à fournir une déclaration en tant que témoin. Elle a rédigé une déclaration et a demandé à Mme Backman d’en faire autant. Mme Hellsten a remis les déclarations au chef Clarke. Après les avoir lues, le chef Clarke a rencontré le fonctionnaire, l’a relevé de ses fonctions d’application de la loi et l’a affecté au Centre de traitement CANPASS, aux environs du 24 novembre 2006.

58 L’incident a ensuite fait l’objet d’une enquête menée par le surintendant Ashikian. Frank Bardoul, gestionnaire des Affaires internes, a affecté le surintendant Ashikian à cette enquête le 12 décembre 2006 à la suite du renvoi du dossier par M. Scoville, le 22 novembre 2006 ou aux environs de cette date.

59 Il convient maintenant de résumer les témoignages des témoins.

1. Témoignage de Mme Hellsten

a. Interrogatoire principal

60 Mme Hellsten travaille pour l’Agence et ses prédécesseurs depuis 1983. Depuis avril 2010, elle occupe le poste de directrice de district à l’aéroport international de Vancouver. Elle est responsable de la surveillance du traitement des passagers et des marchandises; plus de 400 employés relèvent d’elle. Au moment de l’incident, elle était chargée de l’observation commerciale auprès de l’Agence. Elle relève de M. Delgaty.

61 Mme Hellsten a confirmé qu’elle était à bord de l’autobus nolisé et qu’elle revenait de la partie de hockey de son fils à Seattle. L’autobus est arrivé au poste frontalier Pacific Highway vers 19 h 30. Environ 35 à 40 personnes étaient à bord de l’autobus, dont 17 joueurs de l’équipe de hockey de niveau bantam. Mme Hellsten était assise au centre de l’autobus, du côté gauche, derrière M. Tse-Chun. Selon elle, elle était assise à environ 10 ou 12 pieds de M. Tse-Chun.

62 Mme Hellsten a indiqué que M. Tse-Chun était d'origine asiatique, qu’il était mince et qu’il mesurait probablement cinq pieds deux ou trois pouces. Mme Hellsten a décrit M. Tse-Chun comme étant silencieux, poli et respectueux à l’endroit des passagers avant l’incident, et qu’il était calme à l’arrivée au poste frontalier Pacific Highway.

63 Mme Hellsten a déclaré que le fonctionnaire est monté dans l’autobus et qu’elle pouvait entendre la conversation entre lui et M. Tse-Chun. Mme Hellsten a précisé qu’elle pouvait clairement percevoir le ton de la conversation et voir l’interaction entre le fonctionnaire et M. Tse-Chun. M. Tse-Chun était assis et le fonctionnaire était debout. Le fonctionnaire a demandé à M. Tse-Chun s’il avait les cartes E-311 de tous les passagers de l’autobus, ce à quoi M. Tse-Chun a répondu par la négative. Le fonctionnaire a alors demandé à M. Tse-Chun pourquoi il ne les avait pas, et M. Tse-Chun a répondu qu’il ne savait pas qu’il fallait avoir des cartes E-311 pour un séjour d’une journée, n’ayant pas souvent traversé la frontière.

64 Mme Hellsten a affirmé que le ton du fonctionnaire est rapidement passé de très ferme à impérieux. Le fonctionnaire ne semblait pas heureux de la réponse de M. Tse-Chun et tentait d’aller au fond de la question en adoptant un ton sévère. M. Tse-Chun parlait plus doucement que le fonctionnaire. Il n’a pas cherché à défier le fonctionnaire, il ne faisait pas preuve d’agressivité et il n’a pas formulé de remarques déplacées.

65 Le fonctionnaire a dit à M. Tse-Chun que puisqu’il n’était pas au courant du règlement, il irait en chercher un exemplaire à l’intérieur et lui montrer. Mme Hellsten a déclaré que le fonctionnaire avait dit cela sur un ton impoli. M. Tse-Chun n’a pas répondu et a attendu que le fonctionnaire revienne avec l’information.

66 Mme Hellsten a expliqué que le fonctionnaire est revenu avec une feuille de papier qu’il a placée brusquement devant M. Tse-Chun. Il a dit : [traduction] « Voilà, lisez ça ». Mme Hellsten a supposé qu’il s’agissait de l’information sur les cartes E-311. M. Tse-Chun a répondu : [traduction] « Je n’arrive pas à voir, je ne peux pas lire ». Mme Hellsten a précisé que la lumière dans l’autobus était tamisée et qu’il faisait sombre.

67 Mme Hellsten a déclaré que le fonctionnaire a alors digressé au sujet de la vue de M. Tse-Chun. Il a demandé à plusieurs reprises à M. Tse-Chun, sur un ton condescendant, comment il pouvait conduire l’autobus s’il n’arrivait pas à voir. Il s’est également tourné vers les passagers de l’autobus pour leur demander s’ils se sentaient en sécurité avec un chauffeur qui ne pouvait pas voir ni conduire l’autobus. Les passagers ont répondu, en gros, qu’ils n’étaient pas inquiets et qu’ils étaient plus que satisfaits des services de M. Tse-Chun.

68 M. Tse-Chun secouait continuellement la tête et ne répondait pas. Le fonctionnaire lui a dit qu’il devrait parler à son employeur pour trouver un autre chauffeur, puisqu’avec ses problèmes de vision, M. Tse-Chun ne pouvait pas continuer à conduire l’autobus de façon sécuritaire. Le fonctionnaire a dit à M. Tse-Chun qu’il allait devoir le suivre à l’intérieur du bureau frontalier terrestre pour régler la question avec l’employeur de M. Tse-Chun. Selon Mme Hellsten, M. Tse-Chun adoptait un comportement conciliant. Elle a dit qu’il a quitté l’autobus avec le fonctionnaire. Elle a précisé que M. Tse-Chun était un homme de petite taille et qu’il n’était [traduction] « pas intimidant » pour le fonctionnaire.

69 Mme Hellsten a dit qu’elle a alors entendu les autres passagers commencer à s’agiter et sembler troublés. Lorsqu’elle s’est retournée, elle a aperçu le fonctionnaire et M. Tse-Chun devant l’autobus. Elle a remarqué que le fonctionnaire tenait M. Tse-Chun par le cou ou par la nuque et qu’il le poussait vers l’avant. Elle a affirmé que M. Tse-Chun était obéissant et que, à en juger par leurs commentaires, les passagers de l’autobus semblaient outrés et contrariés par le traitement que le fonctionnaire infligeait à M. Tse-Chun.

70 Peu de temps après, un agent des services frontaliers est monté dans l’autobus et a terminé le processus de traitement en demandant aux passagers de lui présenter une pièce d’identité et de déclarer les biens achetés aux États-Unis. M. Tse-Chun se trouvait alors dans le bureau frontalier terrestre. Une fois le processus de traitement terminé, quelques passagers ont demandé à Mme Hellsten s’ils pouvaient aller aux toilettes. Elle s’est dit qu’il n’y avait pas de problème, puisqu’ils avaient été traités. Elle a accompagné quelques personnes au bureau frontalier terrestre et leur a indiqué la direction des toilettes.

71 Mme Hellsten a souligné qu’elle et Mme Backman sont entrées dans le bureau frontalier terrestre. Mme Backman s’était occupée de la réservation de l’autobus et avait le dossier avec elle, et toutes deux pensaient qu’elles avaient peut-être des renseignements qui pourraient être utiles.

72 Mme Hellsten a rencontré la surintendante Anderson, qui discutait avec le fonctionnaire. Elle a pu voir M. Tse-Chun assis d’un côté de la pièce; il était simplement assis et ne semblait pas agité. Mme Hellsten a entendu la conversation entre le fonctionnaire et la surintendante Anderson. Elle a entendu le fonctionnaire dire qu’il ne savait pas quoi faire sauf contacter la compagnie d’autobus pour faire venir un autre chauffeur.

73 Mme Hellsten s’est approchée de la surintendante Anderson et lui a demandé si elle avait besoin de renseignements supplémentaires ou s’il y avait un problème autre que le fait que les cartes E-311 n’avaient pas été remplies. La surintendante Anderson a répondu que rien d’autre n’était requis et qu’il n’y avait pas de problème. Elle s’est excusée auprès de M. Tse-Chun pour le retard. M. Tse-Chun est retourné à l’autobus avec Mme Hellsten et Mme Backman.

74 Mme Hellsten a dit que l’autobus est reparti du poste frontalier Pacific Highway vers 20 h 15.

75 Après l’incident et en raison de ses préoccupations au sujet de la conduite du fonctionnaire, Mme Hellsten a d’abord tenté de contacter Gail Stewart, directrice du district Pacific Highway; elle a supposé que l’Agence enquêtait sur cet incident.

76 Mme Hellsten a téléphoné au chef Clarke et, à la demande de ce dernier, elle a ensuite rédigé une déclaration (pièce E-1). Le chef Clarke a indiqué à Mme Hellsten que sa déclaration serait utile pour l’enquête. On lui a demandé si elle connaissait d’autres personnes qui avaient été témoins de l’incident et s’ils pouvaient également rédiger des déclarations. Mme Hellsten a rédigé sa déclaration au mois de novembre 2006 et elle a demandé à Mme Backman d’en rédiger une.

77 Mme Hellsten a remis sa déclaration (pièce E-1) et celle de Mme Backman (pièce E-2) au chef Clarke. J’établis comme fait que Mme Hellsten et Mme Backman ne se sont pas consultées avant de préparer leurs déclarations, et que Mme Hellsten n’a pas lu la déclaration de Mme Backman.

78 Mme Hellsten a déclaré qu’elle avait présenté une déclaration (pièce E-1) parce qu’elle était très préoccupée par le comportement du fonctionnaire, par la façon dont il avait interagi avec M. Tse-Chun et par le ton qu’il avait adopté. Selon elle, il ne s’agit pas du comportement professionnel que l’Agence préconise de la part de ses agents des services frontaliers. Elle a déclaré qu’elle était particulièrement préoccupée par la force excessive dont le fonctionnaire s’est servi pour escorter M. Tse-Chun à l’intérieur du bureau frontalier terrestre.

79 Le surintendant Ashikian a interrogé Mme Hellsten. Le surintendant Ashikian a examiné sa déclaration (pièce E-1) avec elle, et elle a attesté l’exactitude de l’entrevue en apposant sa signature. Elle croit que l’entrevue a eu lieu en décembre 2006.

b. Contre-interrogatoire

80 Mme Hellsten a déclaré que le voyage d’une journée à Seattle avait été organisé pour un tournoi de hockey. Elle a précisé qu’ils avaient voyagé dans un autobus nolisé ordinaire. Elle ne connaissait pas le nombre de rangées, ni la longueur de l’autobus. Elle croit qu’elle était assise au milieu de l’autobus, dans un siège du côté de l’allée. Elle n’était pas certaine du nombre de rangées. Elle a convenu qu’il y avait entre cinq et dix rangées entre sa place et l’avant de l’autobus. Les sièges de l’autobus étaient hauts. Elle ne se rappelait pas qui était assis devant elle. Elle a dit qu’elle pouvait voir le dos de M. Tse-Chun. Elle croit s’être levée lorsqu’il y a eu de l’agitation au sujet du recours à la force. Elle ne se souvenait pas si la lumière du plafonnier, au-dessus de M. Tse-Chun, était allumée.

81 Lorsque le fonctionnaire est monté à bord de l’autobus, les passagers se sont tus en raison de son ton. La discussion sur le fait que M. Tse-Chun ne savait pas qu’il fallait présenter des cartes E-311 a eu lieu et elle a duré environ cinq minutes. Elle a déclaré qu’il n’y avait pas de cartes E-311 à bord de l’autobus.

82 Mme Hellsten a indiqué que l’on s’attend des agents des services frontaliers qu’ils fassent preuve de professionnalisme. Il faut maintenant présenter un passeport, mais un agent des services frontaliers doit, en tout temps, déterminer si les passagers d’un autobus sont admissibles au Canada.

83 Mme Hellsten n’a pas vu le fonctionnaire et M. Tse-Chun sortir de l’autobus, mais elle a entendu le fonctionnaire demander à M. Tse-Chun de sortir. Elle a vu une partie de l’interaction entre le fonctionnaire et M. Tse-Chun à l’extérieur. Mme Hellsten a aperçu la scène qui se déroulait à l’avant de l’autobus depuis son siège, alors que le fonctionnaire tenait M. Tse-Chun par le collet. Mme Hellsten n’a rien vu avant cela. Elle a dit que M. Tse-Chun et le fonctionnaire étaient ensuite entrés dans le bureau frontalier terrestre.

84 Selon Mme Hellsten, M. Tse-Chun mesurait cinq pieds deux pouces et pesait environ 120 livres.

85 L’agitation que Mme Hellsten a entendue provenait des réactions des passagers concernant l’incident en cours. Elle ne pourrait préciser à quel moment exactement, mais elle a vu le fonctionnaire pousser M. Tse-Chun devant lui, et elle a vu que le fonctionnaire tenait le collet de M. Tse-Chun. Mme Hellsten n’a rien vu avant cela. Elle ne regardait pas vers l’avant; elle s’est retournée et a regardé lorsqu’il y a eu de l’agitation dans l’autobus. Elle ne pouvait dire avec certitude s’il était possible de voir à l’extérieur, tout près de la porte de l’autobus.

86 Mme Hellsten n’était pas certaine s’il pleuvait à ce moment-là. Elle a dit que M. Tse-Chun avait été entraîné vers l’avant et que le fonctionnaire le tenait par le collet.

87 L’agent des services frontaliers qui est monté dans l’autobus par la suite afin de prendre les déclarations verbales était poli. Mme Hellsten n’a pas prêté attention à savoir s’il s’agissait du fonctionnaire ou d’un autre agent des services frontaliers, mais la personne en question faisait preuve de politesse et de professionnalisme, et avait le sens de l’humour. L’agent des services frontaliers a demandé aux passagers de présenter leurs pièces d’identité. Il leur a demandé s’ils avaient fait des achats et si quelqu’un rapportait des biens d’une valeur de plus de 50 $. Les passagers ont répondu par la négative. Mme Hellsten ne se rappelait pas si le fonctionnaire était l’agent des services frontaliers qui avait procédé au traitement de l’autobus après avoir emmené M. Tse-Chun à l’extérieur de l’autobus.

88 Mme Hellsten a dit que des gens sont sortis de l’autobus pour se dégourdir les jambes, et que plus d’une personne avait besoin d’aller aux toilettes. Mme Hellsten n’a pas demandé le nom du fonctionnaire et elle n’a pas déposé de plainte auprès de la surintendante Anderson lorsque celle-ci a parlé avec le fonctionnaire.

89 Mme Hellsten n’a jamais suivi de formation sur l’usage de la force. Elle ne pouvait se prononcer sur les détails du MIGI. Selon elle, aucune menace évidente n’aurait pu inciter le fonctionnaire à avoir des contacts physiques avec M. Tse-Chun, puisque celui-ci se conformait à ce que le fonctionnaire lui demandait de faire. Elle n’était au courant d’aucune menace ni d’aucune désobéissance de la part de M. Tse-Chun après sa sortie de l’autobus.

90 Mme Hellsten avait l’impression que M. Tse-Chun était obéissant pendant qu’il était à bord de l’autobus, et qu’il semblait déconcerté. Elle ne pensait pas que l’utilisation des cartes E-311 était obligatoire selon la loi; elle pensait plutôt que ces cartes ne servaient qu’à faciliter le passage en douane. Un autre agent des services frontaliers a par la suite traité les passagers en prenant des déclarations verbales. Il était évident que M. Tse-Chun ne savait pas qu’il fallait remplir des cartes E-311. Mme Hellsten ne pensait pas que M. Tse-Chun cherchait à tromper le fonctionnaire intentionnellement. Elle a entendu M. Tse-Chun dire qu’il ne croyait pas que les cartes E-311 étaient nécessaires pour un séjour d’une journée. Ces cartes sont requises dans les aéroports : si un voyageur n’a pas rempli sa carte, on lui demande d’en remplir une. Selon Mme Hellsten, les cartes E-311 ne sont généralement pas utilisées dans les postes frontaliers terrestres, mais elle a admis ne pas être une spécialiste des politiques de l’Agence dans ce domaine. À son avis, les cartes E-311 servent à faciliter le traitement, mais elle ne pensait pas qu’il pouvait y avoir de pénalité lorsque l’on omettait d’en remplir une.

91 Mme Hellsten a quitté l’autobus une fois le traitement terminé. Elle ne se souvient pas qu’un agent des services frontaliers lui ait dit de demeurer à bord de l’autobus. Si cela était arrivé, elle ne serait pas entrée dans le bureau frontalier terrestre. D’autres autobus étaient en cours de traitement. Mme Hellsten croit que M. Tse-Chun se trouvait à l’intérieur du bureau frontalier terrestre depuis environ 10 minutes lorsqu’elle est entrée. Elle n’était pas en mesure de voir ce qui se passait à l’intérieur du bureau frontalier terrestre.

92 M. Tse-Chun a dit qu’il ne pouvait pas lire ou voir les directives à l’intention des chauffeurs d’autobus les : [traduction] « directives sur les déplacements en autobus » (pièce E-11), lorsque le fonctionnaire les lui a présentées.

93 Après l’incident, d’autres parents ont demandé à Mme Hellsten s’il y aurait un suivi de cet incident; une discussion générale a alors eu lieu. Elle ne se souvenait pas à qui elle avait parlé ni à quel moment, sinon que c’était plus tard au mois de novembre ou décembre 2006. Le fonctionnaire n’a pas demandé à Mme Hellsten si elle avait discuté des détails de ses observations avec d’autres. Elle a dit qu’il n’y avait pas eu de discussion à bord de l’autobus, parce que les passagers [traduction] « se tenaient tous tranquilles ».

94 Mme Hellsten a dit que la réaction initiale du fonctionnaire était correcte, mais qu’il a ensuite adopté un ton condescendant et qu’il parlait fort. M. Tse-Chun n’avait pas les cartes E-311 et il a admis qu’il ne savait pas qu’elles étaient nécessaires pour un séjour d’une journée. Mme Hellsten voulait être certaine que le chef Clarke avait reçu ses renseignements.

95 Mme Hellsten a déclaré que l’équipe de hockey méritait des excuses. Elle ne se souvient pas des termes exacts, mais elle a probablement affirmé que la conduite du fonctionnaire manquait de professionnalisme, comme elle l’a souligné à son surintendant. Mme Hellsten espérait que l’incident ferait l’objet d’une enquête exhaustive et que les mesures disciplinaires appropriées seraient imposées au besoin.

96 On a parlé à Mme Hellsten du délai de présentation de sa déclaration. Elle a répondu qu’il lui avait fallu un certain temps pour entrer en contact avec lui, car elle avait d’autre travail à faire.

97 Mme Hellsten a vu les autres parents de l’équipe de hockey au moins une fois par semaine lors des parties; elle ne restait pas toujours sur place durant les pratiques. Mme Hellsten a dit qu’elle n’avait pas eu de discussion détaillée à ce sujet, sinon pour dire qu’elle avait rapporté l’incident et que celui-ci ferait l’objet d’une enquête. Elle n’a pas pris de déclaration des autres parents et ne leur a pas parlé, sauf Mme Backman, car celle-ci était assise juste à côté de la porte de l’autobus. Mme Hellsten n’a pas demandé de déclaration à M. Tse-Chun. Elle avait l’impression que ce n’était pas à elle de mener une enquête, puisqu’elle faisait partie du groupe des voyageurs, comme les autres parents.

98 Mme Hellsten n’était pas certaine si M. Tse-Chun portait seulement une chemise ou s’il portait une veste, mais elle se souvenait que le fonctionnaire avait pris M. Tse-Chun par le collet. Lorsque Mme Hellsten est entrée dans le bureau frontalier terrestre, elle a vu la surintendante Anderson parler au fonctionnaire. Elle n’a pas vu les interactions avec M. Tse-Chun à l’intérieur du bureau frontalier terrestre, sauf lorsque la surintendante Anderson a indiqué à M. Tse-Chun que rien d’autre n’était requis et qu’il pouvait partir.

99 Mme Hellsten se souvenait que plusieurs autres autobus attendaient en file le soir de l’incident, mais elle n’était pas en mesure de se rappeler combien.

2. Témoignage de Mme Backman

a. Interrogatoire principal

100 Mme Backman a déclaré que, selon elle, l’autobus est arrivé au poste frontalier Pacific Highway à 18 h 30, le 22 octobre 2006. Il faisait noir. Il y avait 17 joueurs de hockey et environ 18 adultes dans l’autobus, en plus de M. Tse-Chun. Mme Backman était assise à l’avant de l’autobus, à droite, du côté de la fenêtre. Il n’y avait personne sur le siège d’à côté. Elle a dit que M. Tse-Chun était de bonne humeur, amical, obligeant et souriant avant son interaction avec le fonctionnaire.

101 Il y avait un autre autobus devant eux au poste frontalier Pacific Highway. M. Tse-Chun a ramassé les déchets dans l’autobus, est descendu de l’autobus avec le sac de déchets et s’est dirigé vers une poubelle. Le fonctionnaire s’est approché de M. Tse-Chun. Ce dernier est remonté dans l’autobus avec le sac de déchets. Mme Backman n’a pas entendu leur conversation. M. Tse-Chun était souriant et naturel lorsqu’il est remonté dans l’autobus.

102 Le fonctionnaire a posé le pied sur les marches de l’autobus, sans s’approcher de M. Tse-Chun. Selon Mme Backman, il a alors demandé les cartes de déclaration. M. Tse-Chun a répondu qu’il n’en avait pas et qu’elles n’étaient pas nécessaires pour les voyages d’une journée. Mme Backman se souvient que le fonctionnaire parlait fort quand il est entré dans l’autobus et que M. Tse-Chun lui répondait à voix basse. Mme Backman entendait clairement la conversation et les échanges entre le fonctionnaire et M. Tse-Chun, et elle voyait leur visage. Le fonctionnaire s’est rapproché de M. Tse-Chun et lui a dit d’une voix forte et sur un ton moqueur et colérique : [traduction] « Allez-vous me dire comment faire mon travail? Vous devez avoir les cartes de déclaration [cartes E-311] ». Selon Mme Backman, M. Tse-Chun parlait d’une voix calme. Mme Backman était responsable de l’organisation du voyage et elle n’avait pas été avisée que les cartes E-311 étaient requises.

103 Selon Mme Backman, le fonctionnaire a continué à poser des questions sans laisser à M. Tse-Chun le temps de lui répondre. Le fonctionnaire semblait agité. Le ton de sa voix montait; M. Tse-Chun était assis silencieusement.

104 Selon Mme Backman, le fonctionnaire se moquait de M. Tse-Chun; le fonctionnaire s’adressait à M. Tse-Chun, puis se tournait vers les passagers en souriant. Selon Mme Backman, le fonctionnaire se donnait en spectacle.

105 Le fonctionnaire a dit à M. Tse-Chun d’attendre pendant qu’il irait chercher un exemplaire du « règlement ». Il est descendu de l’autobus. Mme Backman n’a pas vu où il se dirigeait.

106 Lorsque le fonctionnaire est descendu de l’autobus, M. Tse-Chun a haussé les épaules et a souri à Mme Backman. M. Tse-Chun n’a pas défié ou essayé de défier le fonctionnaire lorsque ce dernier lui a demandé les cartes E-311.

107 Le fonctionnaire s’est dirigé vers M. Tse-Chun, a placé brusquement un document sur le volant et a dit à M. Tse-Chun de le lire. Selon Mme Backman, le fonctionnaire n’était pas poli. M. Tse-Chun a regardé le document et a dit qu’il ne pouvait pas le lire. Selon Mme Backman, il parlait d’une voix calme; il semblait effrayé. M. Tse-Chun n’était pas agressif et n’a fait aucun commentaire déplacé. Mme Backman ne se souvenait pas des mots exacts de M. Tse-Chun, mais elle a déclaré que le fonctionnaire criait, semblait fâché et a dit : [traduction] « Que voulez-vous dire, vous ne pouvez pas lire ça? Vous conduisez un autobus plein de passagers et vous n’êtes pas capable de lire? ».

108 Le fonctionnaire s’est alors tourné vers les passagers et a dit : [traduction] « Qu’est-ce que vous pensez de ça, vous? Le chauffeur de l’autobus vous a conduit toute la journée, et il n’est pas capable de lire. Vous devriez demander un remboursement parce que votre chauffeur ne peut pas lire. » Mme Backman a déclaré que le fonctionnaire criait et que son ton était moqueur. Il a répété ces phrases. Selon Mme Backman, le fonctionnaire était agité et fâché. Il criait de plus en plus fort.

109 Selon Mme Backman, le fonctionnaire a harcelé M. Tse-Chun au sujet de sa capacité de lecture pendant quelques minutes. M. Tse-Chun semblait effrayé. Il avait les épaules voûtées, il était silencieux et il ne répondait pas au fonctionnaire. Selon Mme Backman, M. Tse-Chun était intimidé par le fonctionnaire.

110 Le fonctionnaire a ensuite demandé à M. Tse-Chun de le suivre. Mme Backman n’a pas vu M. Tse-Chun se lever, mais elle a vu le fonctionnaire descendre de l’autobus en premier. M. Tse-Chun est ensuite descendu et a quitté l’autobus. M. Tse-Chun ne s’est pas adressé au fonctionnaire avant de descendre de l’autobus. Mme Backman n’a entendu aucune résistance verbale ou autre commentaire de la part de M. Tse-Chun.

111 Mme Backman a déclaré s’être retournée pour regarder, et elle a vu le fonctionnaire mettre sa main sur le derrière du cou de M. Tse-Chun, alors que ce dernier et le fonctionnaire étaient sur le trottoir face aux portes du bureau frontalier terrestre. Selon Mme Backman, elle a vu clairement que les mains du fonctionnaire « agrippaient » le derrière du cou de M. Tse-Chun et que, tout en maintenant cette position, il a ensuite emmener M. Tse-Chun à l’intérieur du bureau. Mme Backman a déclaré que M. Tse-Chun était silencieux et qu’il faisait ce qu’il était censé faire. Mme Backman s’est écriée [traduction] « Oh mon dieu! » lorsqu’elle a vu le fonctionnaire empoigner le cou de M. Tse-Chun. À ce moment, a-t-elle dit, les garçons dans l’autobus se sont agités.

112 Mme Backman a déclaré qu’elle voyait très clairement ce qui se passait. Elle était assise à côté de la fenêtre. Elle s’est retournée pour voir le fonctionnaire et M. Tse-Chun descendre de l’autobus. La porte étant ouverte, elle entendait aussi très clairement.

113 Mme Backman n’a pas vu M. Tse-Chun offrir de résistance ou faire un doigt d’honneur au fonctionnaire et elle ne l’a pas entendu exprimer des commentaires déplacés. M. Tse-Chun n’a pas crié; il est demeuré silencieux. Elle a dit que le bureau était à 15 ou 16 pieds de l’autobus.

114 Mme Backman a dit que tous les passagers sont demeurés dans l’autobus et parlaient de ce qui se passait. Elle-même, les autres parents et les garçons étaient consternés, indignés et effrayés. Elle a dit que le même agent des services frontaliers est remonté dans l’autobus et a demandé qui était la personne responsable. Le fonctionnaire a demandé à Mme Backman si elle savait que M. Tse-Chun n’était pas capable de lire. Mme Backman a répondu qu’elle ne croyait pas que c’était le cas et qu’à son avis, le fonctionnaire avait intimidé M. Tse-Chun. Le fonctionnaire lui a alors dit d’un ton fâché et en criant : [traduction] « Est-ce que vous aussi allez me dire comment faire mon travail? », Mme Backman lui a répondu [traduction] « Non » et n’a rien ajouté. Le fonctionnaire la regardait. Elle a soutenu son regard, puis il est descendu de l’autobus et s’est éloigné. Mme Backman a dit que les passagers ont alors explosé de colère, se demandant quel était le problème du fonctionnaire. Elle a ajouté que ce dernier est ensuite entré dans le bureau, toujours en tenant M. Tse-Chun par le cou.

115 Mme Backman a témoigné que Mme Hellsten lui avait dit que le comportement du fonctionnaire était inacceptable et inutile et qu’il n’avait pas été provoqué, et qu’elle allait voir si elle pourrait parler à un superviseur. Mme Backman ne se souvenait pas de la place exacte qu’occupait Mme Hellsten dans l’autobus, mais elle a pu se retourner et lui parler.

116 Mme Backman est entrée dans le bureau frontalier terrestre pour aller aux toilettes. Elle pouvait voir M. Tse-Chun, qui semblait effrayé. Il avait les épaules basses. Elle ne pouvait pas entendre la conversation. Elle a souligné que Mme Hellsten était dans le bureau et parlait à quelqu’un. Mme Hellsten est revenue vers elle et lui a dit qu’elles devaient remonter dans l’autobus. Un autre agent des services frontaliers est monté dans l’autobus et leur a dit qu’ils pouvaient repartir.

117 Selon Mme Backman, M. Tse-Chun était plus frêle, plus court  et plus petit que le fonctionnaire. Selon elle, le fonctionnaire n’était pas grand, soit environ cinq pieds sept pouces.

118 Mme Backman a dit que lorsque M. Tse-Chun est sorti de l’autobus sur l’ordre du fonctionnaire, les passagers étaient [traduction] « agités » et les parents essayaient de calmer les garçons.

119 Mme Backman a préparé une déclaration au début de novembre 2006 (pièce E-2) à la demande de Mme Hellsten. Cette dernière a dit à Mme Backman que le fonctionnaire faisait l’objet d’une enquête. Mme Backman a confirmé qu’elle n’avait pas discuté de sa déclaration avec Mme Hellsten. Elle n’a pas non plus aidé Mme Hellsten à préparer la sienne (pièce E-1), et Mme Hellsten ne l’a pas aidée pour la sienne. Le surintendant Ashikian a communiqué avec Mme Backman par la suite. Elle lui a fait une déclaration orale par téléphone. Elle ne se souvenait pas du nom du surintendant Ashikian.

120 Mme Backman ne connaissait pas le fonctionnaire avant l’incident.

b. Contre-interrogatoire

121 Mme Backman a confirmé que M. Tse-Chun était descendu de l’autobus avec un sac de déchets et qu’un agent des services frontaliers lui avait dit de remonter dans l’autobus. Durant l’interrogatoire principal, elle a utilisé le nom du fonctionnaire. Elle l’avait appris pendant son entrevue avec le surintendant Ashikian.

122 Mme Backman n’a pas parlé des détails de l’incident avec Mme Hellsten. Elle a indiqué que les parents de certains joueurs de hockey ont commenté les faits, mais qu’il n’y a eu aucune discussion détaillée.

123 Mme Backman ne connaissait pas le contenu des directives sur les déplacements en autobus (pièce E-11), qui visent à faciliter le traitement des autobus présentant un faible risque, car elle ne les avait pas vues. Elle se rappelait avoir entendu M. Tse-Chun dire qu’il n’était pas capable de les lire. De sa place, elle pouvait voir le visage de M. Tse-Chun; la lumière au-dessus de lui était éteinte. Elle ne se souvenait pas de l’heure précise à laquelle l’autobus est arrivé au poste frontalier Pacific Highway, mais il faisait noir et c’était vers l’heure du souper; il ne pleuvait pas. Elle se souvenait que les passagers s’étaient donné rendez-vous à 9 h à un centre commercial, d’où l’autobus était parti. La partie de hockey avait lieu à 13 h. Pendant que les garçons s’échauffaient avant la partie, M. Tse-Chun avait amené les autres passagers à des entrepôts de vente.

124 Mme Backman a été interrogée au sujet de sa déclaration (pièce E-2), selon laquelle les cartes E-311 n’étaient pas nécessaires puisqu’elle avait déjà traversé la frontière plusieurs fois en voiture et qu’on ne lui avait jamais demandé de carte E-311. Il ne lui est jamais venu à l’esprit que ces cartes pouvaient être nécessaires. C’était son premier déplacement transfrontalier en autobus. Elle a dit avoir été dans la même situation malencontreuse que M. Tse-Chun, car elle ne pensait pas que les cartes E-311 étaient nécessaires. Mme Backman croyait que la compagnie d’autobus avait l’expérience des déplacements transfrontaliers. Elle croyait que cela semblait logique lorsque M. Tse-Chun a dit qu’il ne pensait pas que les cartes E-311 étaient nécessaires. Mme Backman a confirmé que M. Tse-Chun n’avait pas fourni de cartes E-311 lorsqu’on les lui a demandées. Elle a déclaré que certains autres passagers avaient peut-être fait quelques petits achats, mais qu’elle-même n’avait rien acheté.

125 Mme Backman a dit que M. Tse-Chun avait répondu aux questions du fonctionnaire, mais qu’il ne l’avait pas défié. M. Tse-Chun a dit que les cartes E-311 n’étaient pas nécessaires. Quelques mots ont été échangés, puis le fonctionnaire et M. Tse-Chun sont descendus de l’autobus. Mme Backman ne savait pas pour quelle raison ils sont descendus de l’autobus, mais elle en a été choquée. Mme Backman ne les a pas vus s’éloigner de l’autobus et elle n’a pas vu le fonctionnaire saisir M. Tse-Chun la première fois. Mme Backman n’a pas entendu ou vu les deux hommes discuter à l’extérieur de l’autobus. Elle a vu que le fonctionnaire tenait le cou de M. Tse-Chun, le dirigeant ainsi vers la porte du bureau frontalier.

126 Mme Backman se rappelle qu’un autre agent des services frontaliers, pas le fonctionnaire, est monté dans l’autobus pour vérifier les pièces d’identité des passagers. Elle n’était pas en mesure de décrire ce deuxième agent. Selon Mme Backman, l’agent a vérifié son identité lorsqu’elle est revenue des toilettes du bureau frontalier terrestre. Lorsque l’autobus a repris la route après l’incident, Mme Backman a dit à M. Tse-Chun que le fonctionnaire avait eu un comportement déplacé; M. Tse-Chun avait encore l’air effrayé. Mme Backman et d’autres lui ont assuré qu’ils se sentaient en sécurité.

127 Mme Backman se souvenait avoir pu parler à Mme Hellsten, mais elle ne se souvenait pas de la place exacte qu’occupait Mme Hellsten dans l’autobus.

128 Mme Hellsten a téléphoné à Mme Backman pour lui demander de fournir une déclaration. Mme Hellsten a dit qu’elles étaient amies par l’entremise de l’équipe de hockey de leurs fils respectifs. Avant l’incident, Mme Backman ne savait pas que Mme Hellsten travaillait pour l’Agence. Selon Mme Backman, M. Tse-Chun mesurait cinq pieds sept pouces et pesait 170 livres.

129 Mme Backman estimait qu’il y avait peut-être entre 40 et 50 personnes dans l’autobus.

130 Mme Hellsten a dit à Mme Backman que l’incident faisait l’objet d’une enquête. Mme Backman croit avoir appris ce fait à la partie suivante ou au téléphone. Mme Hellsten n’a pas parlé des détails de l’enquête.

131 Mme Backman croit avoir préparé sa déclaration écrite (pièce E-2) le 18 novembre 2006. Elle n’a jamais travaillé pour l’Agence ni dans un milieu où il fallait une formation sur le recours à la force, et elle n’a jamais suivi de formation sur le recours à la force. Elle croit cependant savoir ce qui est approprié et ce qui ne l’est pas. Elle n’a pas vu M. Tse-Chun menacer le fonctionnaire du doigt, contrairement à ce que le fonctionnaire a allégué dans sa déclaration (pièce E-9, annexe A) au surintendant Ashikian.

132 Mme Backman n’a discuté de son témoignage avec personne d’autre que la défenderesse et le surintendant Ashikian. Elle n’en a pas discuté avec Mme Hellsten. Mme Backman ne croyait pas avoir déjà rencontré le surintendant Ashikian et ne se souvenait pas d’avoir signé une déclaration. Elle ne se souvenait pas à quel moment elle avait parlé au surintendant Ashikian. Il est possible qu’elle ait signé une déclaration.

133 Mme Backman n’a pas été contre-interrogée sur son témoignage à propos des mots que le fonctionnaire avait dits à M. Tse-Chun ou des mots que le fonctionnaire avait utilisés lorsqu’il s’était adressé à elle.

134 Mme Backman a précisé que l’information qu’elle a fournie sur le poids de M. Tse-Chun et du fonctionnaire était approximative. Elle a estimé que le fonctionnaire pesait 220 livres.

3. Témoignage de M. Tse-Chun

a. Interrogatoire principal

135 M. Tse-Chun a témoigné en mandarin et était accompagné d’un interprète. L’interprète avait une formation du Langara College et de l’Université Simon Fraser en interprétation d’affaires approfondie. Il travaille comme interprète dans des cours de justice et des tribunaux administratifs de la Colombie-Britannique depuis 1993.

136 Au moment de l’audience, M. Tse-Chun travaillait pour la compagnie d’autobus Westcan comme chauffeur d’autobus et guide touristique. Il avait de l’expérience dans la conduite d’autobus de 47 et de 50 passagers. Il a commencé à conduire des autobus commerciaux en 1993. M. Tse-Chun a témoigné à propos de l’incident. Au moment de l’incident, il travaillait pour l’entreprise Ocean Coach Lines Ltd. depuis 2001 ou 2002. Il conduisait des autobus en Colombie-Britannique et dans les États de Washington et de l’Oregon, aux États-Unis. Il travaillait de 100 à 200 jours par année.

137 Le 22 octobre 2006, M. Tse-Chun conduisait de Vancouver à Seattle une trentaine de passagers – des adolescents et des adultes – qui se rendaient à une partie de hockey. L’autobus avait quitté Vancouver vers 8 h, pour revenir au poste frontalier Pacific Highway entre 20 h et 22 h; à l’arrivée au poste frontalier, il faisait noir. Il y avait deux ou trois autobus devant celui de M. Tse-Chun, et quelques-uns derrière. M. Tse-Chun a dit être entré au bureau frontalier terrestre pour déclarer le nombre de passagers qu’il y avait à bord de son autobus. Il est ensuite remonté dans l’autobus pour attendre les instructions d’un agent des services frontaliers et pour la confirmation qu’il pouvait traverser la frontière.

138 M. Tse-Chun a déclaré que le fonctionnaire lui avait demandé les cartes E-311. M. Tse-Chun n’avait pas de cartes E-311, car il ne traversait pas la frontière habituellement avec cet autobus. Selon M. Tse-Chun, le fonctionnaire lui a dit qu’il lui faisait perdre son temps. Le fonctionnaire n’était pas content qu’on lui fasse perdre son temps. M. Tse-Chun a affirmé que le fonctionnaire parlait très fort. M. Tse-Chun se tenait tranquille et était silencieux. Il a dit que si le fonctionnaire lui avait demandé de se mettre au garde-à-vous, il l’aurait fait.

139 M. Tse-Chun n’a pas dit au fonctionnaire qu’il n’avait jamais entendu parler de ce règlement [traduction] « ridicule » (de fournir les cartes E-311), contrairement à ce que le fonctionnaire a allégué dans sa déclaration (pièce E-9, annexe A) au surintendant Ashikian. M. Tse-Chun a souligné que ce sont les passagers qui doivent remplir les cartes E-311, non les chauffeurs.

140 M. Tse-Chun a déclaré que le fonctionnaire l’avait tiré ou traîné dans le bureau frontalier terrestre. Il a ajouté qu’il lui fallait des lunettes pour lire et pour signer des documents, mais pas pour conduire. M. Tse-Chun a dit que le fonctionnaire lui avait demandé de signer un formulaire vierge que ce dernier avait rapporté du bureau frontalier terrestre. Il a dit au fonctionnaire qu’il ne pouvait pas voir parce qu’il faisait noir dans l’autobus. Selon M. Tse-Chun, le fonctionnaire était très mécontent : il a haussé le ton et a entraîné M. Tse-Chun dans le bureau frontalier terrestre. Le fonctionnaire a dit à M. Tse-Chun qu’il pourrait le faire emprisonner, retenir l’autobus et appeler son patron pour le faire licencier. M. Tse-Chun a déclaré que le fonctionnaire criait et que lorsque ce dernier parlait, M. Tse-Chun devait écouter. M. Tse-Chun gardait le silence et ne répondait pas au fonctionnaire. M. Tse-Chun a déclaré que le fonctionnaire l’avait poussé avec son doigt à la porte de l’autobus. M. Tse-Chun voulait que tout cela cesse et ne plus y penser. Il considérait que c’était une mauvaise journée, un jour de malchance.

141 La défenderesse a demandé à M. Tse-Chun s’il pouvait voir ou s’il pouvait lire. M. Tse-Chun a dit que l’écriture était très petite et qu’il faisait noir dans l’autobus.

142 M. Tse-Chun a déclaré que lorsqu’il est descendu de l’autobus avec le fonctionnaire, celui-ci l’a saisi par l’épaule comme on prendrait un chiot. À l’audience, on a demandé à M. Tse-Chun de montrer comment le fonctionnaire l’avait saisi. Il a saisi sa chemise à la hauteur de l’épaule. Il a déclaré n’avoir fait aucun commentaire inapproprié ni avoir dit quoi que ce soit avant que le fonctionnaire le saisisse, sauf qu’il n’avait pas les cartes E-311 et qu’il ne pouvait pas voir.

143 M. Tse-Chun a dit qu’il était à l’extérieur de l’autobus lorsqu’on l’a saisi et tiré par l’épaule. Il a dit qu’il était à environ 1 ou 1,5 mètre de l’autobus lorsque le fonctionnaire a fait usage de la force. Selon M. Tse-Chun, les passagers de l’autobus ont pu voir ce qui se passait. Il a dit que le fonctionnaire a lâché prise à l’entrée du bureau frontalier, à environ 10 à 15 mètres de l’autobus.

144 M. Tse-Chun a déclaré n’avoir rien dit au fonctionnaire, ne pas avoir opposé de résistance et ne pas l’avoir menacé du doigt. Il n’a pas osé, ne sachant ce que le fonctionnaire ferait des passagers.

145 À l’intérieur du bureau frontalier terrestre, le fonctionnaire a dit à M. Tse-Chun qu’il pourrait le détenir, l’emprisonner ou appeler son patron et le faire congédier. M. Tse-Chun a dit qu’il était mort de peur. Il y avait là d’autres agents des services frontaliers. Une superviseure est venue le voir, s’est excusée et lui a dit qu’il pouvait repartir. M. Tse-Chun n’a jamais dit à la surintendante Anderson qu’il avait inventé ses problèmes de vision.

146 Pendant l’enquête, M. Tse-Chun a fourni une déclaration écrite (pièce E-20) au surintendant Ashikian. Selon lui, il a rencontré le surintendant Ashikian quatre ou cinq mois après l’incident. Il n’y avait pas d’interprète lors de sa déclaration, mais sa femme était là et l’aidait. Il existe quelques différences entre la déclaration écrite de M. Tse-Chun et son témoignage.

147 M. Tse-Chun n’a pas déposé de plainte auprès de son employeur, mais son patron lui a demandé de lui parler de l’incident entre sept et dix jours plus tard. On a dit à M. Tse-Chun qu’un agent des services frontaliers à la retraite avait téléphoné pour poser des questions sur lui.

b. Contre-interrogatoire

148 M. Tse-Chun a été fortement interrogé lors du contre-interrogatoire. Il est arrivé en Colombie-Britannique vers 1992. Il a dit avoir fait environ un millier de voyages aux États-Unis avant le voyage dont il est question ici, parfois à titre de chauffeur, parfois comme guide touristique. Il a souligné qu’on lui avait demandé seulement deux fois les cartes E-311 cette année, à titre de conducteur ou de guide touristique. Selon lui, les passagers doivent remplir une déclaration pour les douanes.

149 M. Tse-Chun a souligné que le jour en question, il n’avait fait aucun arrêt autre que pour la partie de hockey. Il ne se souvenait pas d'avoir fait un arrêt à un entrepôt de vente. Habituellement, après les parties de hockey, il revient directement au point de départ. Il fait un arrêt parfois à un autre endroit si un passager le demande, mais il ne se souvenait pas si quelqu’un l’avait demandé durant le trajet en question.

150 M. Tse-Chun a confirmé que l’autobus avait traversé la frontière vers les États-Unis à 8 h environ. Il n’était pas certain de l’heure précise à laquelle il est arrivé au poste frontalier Pacific Highway. Il a dit qu’il était entre 18 h et 20 h. Il faisait noir et il pleuvait à leur arrivée au poste. Il a confirmé être entré dans le bureau frontalier terrestre et avoir déclaré l’arrivée de l’autobus à un agent des services frontaliers. M. Tse-Chun n’était pas certain s’il avait alors un sac de déchets à la main; il se peut qu’il soit allé déclarer l’arrivée de l’autobus, puis qu’il ait apporté le sac plus tard. Il a dit que les chauffeurs d’autobus sont assis plus bas que les passagers.

151 Le fonctionnaire est monté dans l’autobus et a demandé les cartes E-311. M. Tse-Chun a répondu qu’il n’avait pas de cartes parce que cet autobus ne traversait pas régulièrement la frontière pour aller à Seattle. M. Tse-Chun n’avait pas pris de cartes E-311. Le fonctionnaire lui a ordonné d’aller en chercher.

152 M. Tse-Chun a dit qu’il porte des lunettes de lecture dont la force est de 1,25 dioptrie. Il a ajouté qu’il comprenait l’anglais, mais qu’il ne possédait pas une connaissance parfaite de cette langue.

153 On a demandé à M. Tse-Chun s’il savait si le fonctionnaire lui avait fourni une déclaration ou des instructions. M. Tse-Chun a répondu qu’il n’en était pas certain. Il était au courant que des cartes E-311 devaient être remplies. Il a dit qu’on lui avait demandé de signer un document vierge sur lequel il n’y avait rien d’écrit. M. Tse-Chun a dit qu’il n’était pas certain d’avoir déjà vu les directives sur les déplacements en autobus (pièce E-11). Je prends note qu’à l’audience, le fonctionnaire n’a pas montré les directives sur les déplacements en autobus à M. Tse-Chun. Ce dernier a déclaré que lorsqu’il traverse la frontière, il obéit aux instructions des agents des services frontaliers.

154 On a demandé à M. Tse-Chun pourquoi il avait dit qu’il ne pouvait pas voir. Il a répondu que c’était parce qu’il savait bien qu’il ne pouvait pas voir sans ses lunettes. Auparavant, le fonctionnaire avait dit que M. Tse-Chun lui causait des ennuis. M. Tse-Chun a dit que, honnêtement, il ne pouvait pas voir. Plus tard, M. Tse-Chun a déclaré que le fonctionnaire avait dit que M. Tse-Chun avait conduit de manière dangereuse, ce qui est complètement différent.

155 M. Tse-Chun a demandé : [traduction] « Si quelqu’un vous demandait de signer un document vierge, est-ce que vous le signeriez? ». Il a dit que s’il avait de la difficulté à lire ou à voir, un agent de police lui aurait lu le document ligne par ligne.

156 Je fais une pause pour souligner que j’ai compris, d’après le témoignage de M. Tse-Chun, qu’il ne pouvait pas déchiffrer les caractères inscrits sur les directives sur les déplacements en autobus (pièce E-11) sans ses lunettes et qu’il ne signerait jamais un formulaire vierge sans l’avoir lu. Il a dit qu’un agent de police lui lirait à voix haute un document s’il avait de la difficulté à lire ou à voir. Je souligne que cela démontre que M. Tse-Chun ne possède que des connaissances de base en anglais.

157 On a demandé à M. Tse-Chun s’il devrait conduire s’il n’avait pas une bonne vision. Il a répondu qu’il subissait un examen physique chaque année et a ajouté que si sa conduite présentait un danger, son employeur ne l’aurait pas embauché.

158 Le fonctionnaire a demandé de nouveau à M. Tse-Chun s’il devrait conduire un autobus s’il ne pouvait pas voir. M. Tse-Chun a répondu que ce n’était pas qu’il ne pouvait pas voir, mais qu’il ne pouvait pas lire les petits caractères. Il a demandé pourquoi les formulaires de déclaration des douanes sont maintenant écrits en plus gros caractères.

159 Le fonctionnaire a avancé que [traduction] « ne pas pouvoir voir » et [traduction] « ne pas pouvoir lire » sont des choses différentes. M. Tse-Chun a répondu : [traduction] « Est-ce que j’ai dit lire ou voir, et pourquoi ai-je besoin d’un interprète aujourd’hui? ». M. Tse-Chun a souligné qu’il ne voulait pas que le fonctionnaire se méprenne. L’interprète a alors fait remarquer que [traduction] « lire », [traduction] « regarder » et [traduction] « voir » se disent de la même façon en mandarin et qu’il n’y a aucune nuance entre ces trois concepts.

160 Le fonctionnaire a posé la question de nouveau et M. Tse-Chun a confirmé avoir dit au fonctionnaire qu’il ne pouvait pas voir. M. Tse-Chun a expliqué qu’il voulait dire que les caractères étaient trop petits. Il a dit qu’il ne pouvait pas lire sans ses lunettes parce que les caractères des cartes E-311 sont petits et qu’il faisait sombre dans l’autobus.

161 La surintendante Anderson a demandé à M. Tse-Chun de remplir la carte E-311 et de la signer. M. Tse-Chun n’avait pas ses lunettes. Il pouvait lire la carte dans le bureau frontalier terrestre parce que la lumière était plus forte, contrairement à l’éclairage de l’autobus.

162 M. Tse-Chun était dans l’autobus lorsqu’il a dit au fonctionnaire qu’il ne pouvait pas voir. On lui a alors dit de descendre de l’autobus et d’aller dans le bureau frontalier terrestre. Il n’y a pas eu de discussion à l’extérieur de l’autobus. Lorsque M. Tse-Chun a vu un agent des services frontaliers pour la première fois quand il avait un sac de déchets à la main, l’agent a demandé à M. Tse-Chun, en criant, qui lui avait dit qu’il pouvait [traduction] « faire ça ». L’agent a alors dit à M. Tse-Chun de remonter dans l’autobus. M. Tse-Chun ne se rappelait qui était cet agent. M. Tse-Chun ne savait pas à ce moment-là que les agents des services frontaliers ne voulaient pas que les chauffeurs quittent leur autobus, mais il a dit que d’autres chauffeurs sortaient de leur autobus pour fumer.

163 On a demandé à M. Tse-Chun combien de temps il était resté à l’extérieur de l’autobus avant d’entrer dans le bureau frontalier terrestre. Il a répondu qu’il ne s’en souvenait pas. Je prends note que M. Tse-Chun est entré dans le bureau à deux occasions et que le fonctionnaire n’a jamais précisé clairement de quelle occasion il parlait. M. Tse-Chun a dit avoir été traîné dans le bureau frontalier terrestre. Il n’y a eu aucune discussion à l’extérieur de l’autobus. M. Tse-Chun a dit : [traduction] « Je ne pouvais pas lire, et il a pensé que j’étais irrespectueux. [Le fonctionnaire] a dit de descendre de l’autobus et il est allé directement à l’intérieur. Il m’a traîné dans le bureau ».

164 Au moment de l’échange sur la capacité de voir ou de lire, M. Tse-Chun était assis sur le siège du chauffeur.

165 M. Tse-Chun ne savait pas pourquoi le fonctionnaire était contrarié. Il a déclaré : [traduction] « [Le fonctionnaire] m’a donné plusieurs coups avec son doigt et je ne pouvais faire autrement que d’écouter ce qu’il me disait. Il m’a dit que je lui causais des ennuis, que je lui faisais perdre son temps. Moi, j’essayais d’écouter ce qu’il disait ». M. Tse-Chun ne voulait que ramener ses passagers à bon port le plus tôt possible.

166 Le fonctionnaire a agrippé la chemise de M. Tse-Chun et l’a traîné de côté. Tout ce que M. Tse-Chun pouvait faire était de le suivre.

167 M. Tse-Chun pèse 180 livres et mesure 173 cm. Il n’était pas en mesure de comparer sa taille à celle du fonctionnaire. M. Tse-Chun a confirmé qu’il n’avait pas été blessé physiquement et qu’il n’avait pas de marques ou de contusions, mais qu’il avait été très blessé dans son cœur. Il se disait triste en pensant à la manière dont les caucasiens sont traités quand ils traversent la frontière.

168 M. Tse-Chun a témoigné qu’il n’avait eu ni ecchymoses ni marques physiques et qu’il n’avait pas été blessé. C’est plutôt comment il s’est senti. Il a estimé que ce n’était pas si important. Il a admis que le fonctionnaire ne l’avait pas saisi par le cou ou l’oreille, mais qu’il l’avait saisi comme s’il avait été un chien.

169 M. Tse-Chun a dit qu’il ne pouvait voir les caractères sur la carte E-311 et qu’il n’avait aucune intention d’être irrespectueux.

170 M. Tse-Chun a dit qu’il avait peut-être dit, alors qu’il était dans le bureau frontalier terrestre, qu’il ne pouvait pas voir, mais il voulait dire qu’il ne pouvait pas lire les caractères sur la carte E-311.

171 M. Tse-Chun s’est excusé parce que s’il ne l’avait pas fait, il n’aurait pas pu repartir. La surintendante Anderson s’est excusée auprès des passagers de M. Tse-Chun, mais personne ne s’est excusé auprès de M. Tse-Chun. L’expression du visage de la surintendante Anderson a changé, et elle aurait peut-être présenté des excuses à M. Tse-Chun. M. Tse-Chun ne se souvient pas d’avoir serré la main du fonctionnaire à l’intérieur du bureau frontalier terrestre, mais il a dit l’avoir probablement fait. Selon lui, la situation était très tendue.

172 M. Tse-Chun ne se souvenait pas s’il portait une veste, mais il se rappelait que le fonctionnaire l’avait saisi par ses vêtements et entraîné dans le bureau frontalier terrestre. Il a montré comment le fonctionnaire marchait à côté de lui avec une main sur son épaule.

173 M. Tse-Chun participait à l’audience parce qu’il avait été cité à comparaître.

174 M. Tse-Chun n’a pas menacé le fonctionnaire du doigt et n’a pas prononcé de mots vulgaires. Il n’a pas eu de disputes avec le fonctionnaire à l’extérieur de l’autobus. Il a dit qu’il était mort de peur. Il a ajouté que lorsqu’on traverse la frontière, il faut respecter les agents des services frontaliers.

175 Quand M. Tse-Chun est énervé, il hausse la voix et agite les mains. Il n’a pas fait d’histoires quand il était dans le bureau frontalier terrestre. Il s’est assis lorsqu’on lui a demandé de s’asseoir et il s’est levé quand on lui a demandé de se lever. Il n’a pas fait d’histoire parce qu’il voulait rentrer chez lui. Il est resté dans le bureau environ 30 minutes.

176 M. Tse-Chun a déclaré avoir parlé avec la surintendante Anderson seulement une fois. Elle s’est excusée auprès des passagers et a dit que M. Tse-Chun pouvait reprendre la route. La surintendante Anderson n’a pas demandé à M. Tse-Chun s’il avait dit au fonctionnaire qu’il ne pouvait pas voir. M. Tse-Chun n’a pas signalé l’incident à son patron ou à l’Agence, estimant que c’était un jour malchanceux et préférant laisser les choses passer. Il a dit que si on prenait réellement la situation à cœur, on ne pourrait jamais plus traverser la frontière. Il a dit qu’il était mort de peur et que le fonctionnaire n’avait pas le droit de l’entraîner dans le bureau frontalier terrestre pour le questionner.

177 M. Tse-Chun a déclaré que le fonctionnaire lui avait demandé pourquoi il conduisait s’il ne pouvait pas voir. Il lui a également dit qu’il pourrait l’emprisonner. À ce moment, M. Tse-Chun a demandé : [traduction] « Est-ce qu’ils n’ont pas le droit de faire ça? ».

178 On a demandé à M. Tse-Chun s’il avait dit qu’il ne pouvait pas voir ou qu’il ne pouvait pas lire. Il a répondu que la distinction n’était pas importante, puisque les agents des services frontaliers ont le droit d’amener les chauffeurs dans un bureau frontalier terrestre et de saisir leur véhicule.

179 M. Tse-Chun croyait que le fonctionnaire avait le droit de l’amener dans un bureau ou de l’emprisonner. M. Tse-Chun ne se souvenait pas qu’un agent des services frontaliers, à l’intérieur du bureau, lui ait dit de se calmer. Il a dit qu’il n’était pas énervé, mais qu’il était mort de peur.

180 À la suite de l’examen du contre-interrogatoire de M. Tse-Chun, je remarque l’absence de certains points pertinents. En aucun temps le fonctionnaire n’a laissé entendre à M. Tse-Chun que ce dernier se moquait des cartes E-311. Le fonctionnaire n’a pas clairement expliqué à M. Tse-Chun sa version des événements qui se sont déroulés à l’intérieur ou à l’extérieur de l’autobus. En particulier, le fonctionnaire n’a pas interrogé M. Tse-Chun à propos de l’affirmation selon laquelle M. Tse-Chun était devant le fonctionnaire, puis qu’il s’était retourné et avait agité les mains. À aucun moment le fonctionnaire n’a suggéré à M. Tse-Chun que celui-ci s’était comporté de manière menaçante à son endroit à l’extérieur de l’autobus, avant l’entrée dans le bureau frontalier terrestre. Je prends note que ce sont là des points importants de la déclaration du fonctionnaire (pièce E-9, annexe A) au surintendant Ashikian et dans le témoignage du fonctionnaire à l’audience. Je remarque que c’est à partir de ces mêmes questions que l’Agence a déterminé que le fonctionnaire était malhonnête.

c. Réinterrogatoire

181 On a demandé à M. Tse-Chun s’il avait eu une conversation avec le fonctionnaire juste avant que ce dernier ne le saisisse par l’épaule. M. Tse-Chun a répondu qu’il avait eu une conversation avec un agent des services frontaliers à l’intérieur du bureau frontalier terrestre lorsqu’il s’y est présenté et qu’un échange a eu lieu avec le fonctionnaire à l’extérieur de l’autobus lorsque le fonctionnaire a dit à M. Tse-Chun de remonter dans son autobus avec le sac de déchets. M. Tse-Chun a mentionné qu’il y avait eu un échange avec le fonctionnaire et que ce dernier lui avait dit qu’il lui faisait perdre son temps et lui causait des ennuis. L’échange a duré de deux à cinq minutes, puis environ dix secondes à l’extérieur de l’autobus.

182 Je déduis de ce témoignage qu’il y a eu un très court échange à l’extérieur de l’autobus, au cours duquel le fonctionnaire a dit à M. Tse-Chun que ce dernier lui faisait perdre son temps et lui causait des ennuis.

4. Témoignage de la surintendante Anderson

a. Interrogatoire principal

183 La surintendante Anderson travaille pour l’Agence depuis 1995. Au moment de l’audience, elle était coordonnatrice régionale du Programme de gestion du stress à la suite d’un incident critique. Auparavant, elle était la surintendante des déplacements au poste réservé aux camions du poste frontalier Pacific Highway. Ses principales responsabilités étaient d’assurer les fonctions de surintendante de quart, d’établir l’horaire des agents des services frontaliers et d’être de service.

184 Les surintendants gèrent les plaintes, approuvent les mesures d’application de la loi et appuient l’équipe du quart de travail. L’équipe de la surintendante Anderson travaillait en alternance dans deux postes frontaliers, soit deux semaines au poste frontalier Douglas et deux semaines au poste réservé aux camions du poste frontalier Pacific Highway.

185 La surintendante Anderson connaît le fonctionnaire depuis qu’il est revenu d’une formation au Centre de formation de l’Agence à Rigaud. Il a commencé à travailler sous sa supervision au début de 2004, alors qu’elle était la surintendante affectée à l’équipe 7, soit celle du fonctionnaire.

186 La surintendante Anderson était de service le dimanche 22 octobre 2006. Elle a mentionné que le quart de travail avait été chargé du fait qu’un match de football des Seahawks de Seattle avait entraîné une augmentation du nombre de déplacements en autobus. Elle a eu connaissance de l’incident lorsque le fonctionnaire est venu la voir dans son bureau au sujet de M. Tse-Chun, qui avait omis de faire remplir les cartes E-311 à ses passagers et qui avait affirmé qu’il ne pouvait pas voir. Le fonctionnaire a indiqué à la surintendante Anderson que M. Tse-Chun s’était exprimé bruyamment et ne s’était pas montré coopératif lorsqu’il l’avait informé des directives sur les déplacements en autobus (pièce E-11). Le fonctionnaire pensait que M. Tse-Chun avait un problème de santé et de sécurité. La surintendante Anderson a demandé au fonctionnaire de clarifier la situation, puisqu’il n’était pas habituel qu’une personne affirme ne pas pouvoir voir.

187 Le fonctionnaire est allé s’entretenir avec M. Tse-Chun, puis est revenu quelques minutes plus tard. Le fonctionnaire a déclaré qu’il ne pouvait régler la situation et a demandé à la surintendante Anderson d’aller parler à M. Tse-Chun.

188 La surintendante Anderson s’est rendue avec le fonctionnaire dans la zone d’examen secondaire d’immigration. Elle a parlé à M. Tse-Chun après s’être présentée. Elle a demandé à M. Tse-Chun s’il avait un problème de santé ou de vision. Il a répondu par la négative. Il paraissait calme et bien portant. La surintendante Anderson a informé M. Tse-Chun au sujet des directives sur les déplacements en autobus (pièce E-11) et l’a laissé partir. Le fonctionnaire accompagnait la surintendante Anderson. La surintendante Anderson s’est entretenue avec M. Tse-Chun pendant environ une minute. M. Tse-Chun n’était en rien agressif et n’a fait aucun commentaire déplacé ni menace. Il n’a pas crié contre la surintendante Anderson ou le fonctionnaire et ne leur a pas créé de difficulté.

189 La surintendante Anderson a jugé que M. Tse-Chun n’était pas en danger du point de vue de la santé ou de la sécurité. Elle a mentionné qu’il s’était excusé pour tout dérangement qu’il avait pu causer et a précisé qu’elle et lui s’étaient clairement entendus sur le fait qu’il était libre de partir.

190 En revenant à pied au bureau, la surintendante Anderson et le fonctionnaire ont discuté de M. Tse-Chun et des évènements de la soirée. Selon la surintendante Anderson, ils s’étaient exprimés sur leur soirée chargée où ils avaient eu affaire à des gens étranges et sur le fait qu’il était temps que l’équipe 7 termine son quart de travail, lequel tirait à sa fin.

191 Le fonctionnaire n’a pas signalé à la surintendante Anderson qu’il avait fait usage de force contre M. Tse-Chun. La surintendante Anderson a précisé qu’il y avait des procédures à suivre dans les cas de recours à la force; il faut notamment aviser le surintendant et présenter un rapport sur le recours à la force conformément au Manuel d’exécution des douanes. La surintendante Anderson a expliqué que les rapports dressés relativement au recours à la force lui étaient transmis. Elle les fait ensuite parvenir au chef, le chef Clarke à l’époque, et les rapports sont examinés par le personnel de l’Agence chargé d’analyser les cas de recours à la force. La surintendante Anderson a indiqué que le fonctionnaire avait l’obligation de soumettre un rapport sur le recours à la force. Or, il ne l’a pas fait.

192 Le 28 juillet 2006, la surintendante Anderson a pris des mesures disciplinaires à l’égard du fonctionnaire relativement à un incident impliquant un usage excessif de la force survenu le 22 novembre 2005 (pièce E-4).

193 La surintendante Anderson a été mise au courant des allégations faites contre le fonctionnaire en décembre 2006, lorsque le chef Clarke lui a demandé de préparer une déclaration. Elle en a préparé une (pièce E-5) à la mi-décembre 2006. Le surintendant Ashikian a communiqué avec la surintendante Anderson au début de 2007, puis elle l’a rencontré et a répondu à ses questions. Le surintendant Ashikian lui a montré ses notes comportant ses questions et ses réponses, et elle a signé le document.

194 Le 16 septembre 2007, la surintendante Anderson a rédigé et envoyé une autre déclaration au chef Clarke (pièce E-6) en réponse à sa demande de renseignements additionnels à la suite d’une rencontre préalable à l’audience disciplinaire avec le fonctionnaire. Dans cette déclaration, elle affirmait notamment ce qui suit :

[Traduction]

[…]

L’agent des services frontaliers Newman m’a demandé de parler au chauffeur pour tenter de déterminer son état de santé et de sécurité. Je me suis approchée du chauffeur; je me suis présentée comme étant la surintendante de service et lui ai demandé s’il avait de la difficulté à voir. Je ne lui ai pas donné l’occasion de réagir d’une façon ou d’une autre. Je ne me souviens pas qu’il ait été bruyant ou qu’il ait cherché à se disputer avec moi, mais je ne pense pas lui en avoir vraiment laissé la possibilité.

[…]

195 Le chef Clarke a demandé à la surintendante Anderson de fournir d’autres renseignements après avoir tenu une deuxième rencontre préalable à l’audience disciplinaire avec le fonctionnaire. La surintendante Anderson a présenté une déclaration en date du 18 octobre 2007 (pièce E-7). Elle a signalé que parmi les témoins de l’incident, une personne s’était présentée comme étant une employée de l’Agence.

196 Le soir de l’incident, la surintendante Anderson a mentionné au fonctionnaire qu’une des témoins de l’incident s’était présentée comme étant une employée de l’Agence. Le fonctionnaire a exprimé sa crainte qu’une plainte soit déposée. À ce moment-là, la surintendante Anderson ne savait pas que le fonctionnaire avait fait usage de la force dans ses interactions avec M. Tse-Chun. La surintendante Anderson savait que M. Tse-Chun avait affirmé qu’il ne pouvait pas voir, qu’il n’avait pas demandé à ses passagers de remplir les cartes E-311 et qu’il avait eu des difficultés dans ses interactions avec le fonctionnaire.

197 Avant d’être informée qu’il y avait eu recours à la force lors de l’incident, la surintendante Anderson a discuté de l’incident avec le surintendant Brezden. La surintendante Anderson ne se rappelait pas grand-chose de cette conversation. Elle ne se souvenait pas d’avoir dit au surintendant Brezden que M. Tse-Chun avait créé des difficultés ou avait été agité.

198 On a demandé à la surintendante Anderson de considérer le MIGI, qui traite du comportement d’un sujet ou d’un voyageur et des actes d’un agent des services frontaliers.

199 La surintendante Anderson a indiqué qu’en présence d’un voyageur coopératif, un agent des services frontaliers devait se limiter à une intervention verbale. Une personne est coopérative si elle n’oppose pas de résistance et se conforme aux instructions de l’agent des services frontaliers. La personne peut être fâchée ou grossière, mais si elle obéit, elle est considérée comme étant coopérative selon le MIGI.

200 Dans le cas d’un voyageur qui n’est pas coopératif, un agent des services frontaliers peut faire une intervention verbale, combinée à l’effet de sa présence. Si le voyageur n’obtempère pas, la surintendante Anderson a affirmé qu’un agent des services frontaliers pouvait alors légitimement recourir à la force, mais qu’en l’absence de comportement menaçant, cette force devait être seulement [traduction] « un cran plus élevé ».

201 La surintendante Anderson s’est familiarisée avec le MIGI lorsque les agents des services frontaliers se sont vu conférer les pouvoirs des agents de la paix aux alentours de 2000 et lorsqu’ils ont commencé à porter une arme en 2007. Elle a affirmé comprendre son fonctionnement. Elle a déclaré que le recours à la force était justifié lorsqu’un sujet n’était pas coopératif et qu’il ne se conformait pas à une instruction verbale d’un agent des services frontaliers. La surintendante Anderson a mentionné que le fait de poser la main sur le cou d’un voyageur serait considéré comme un recours à la force.

b. Contre-interrogatoire

202 En contre-interrogatoire, la surintendante Anderson a dit ne pas se rappeler s’il pleuvait le soir du 22 octobre 2006. Elle était dans son bureau quand le fonctionnaire s’est adressé à elle au départ. Elle se déplace souvent entre la zone réservée aux autobus et son bureau pendant ses quarts de travail. Selon elle, M. Tse-Chun se trouvait dans la zone réservée aux autobus. Elle se souvenait que c’était en fin d’après-midi, au milieu du quart de travail et après la fin de la partie des Seahawks. Elle ne se rappelait pas de l’heure précise.

203 L’Agence a recours aux cartes E-311 pour identifier les voyageurs et savoir combien de temps ils ont séjourné à l’extérieur du Canada. Les cartes comprennent des questions sur les armes à feu et les visites de fermes. Elles sont utilisées pour faciliter l’identification des voyageurs à faible risque. Les enfants voyageant à bord d’un autobus nolisé sont considérés comme des voyageurs à faible risque, à moins qu’un problème ne soit relevé lors de la conversation avec le chauffeur ou lors de la vérification de l’une des cartes E-311. La surintendante Anderson a indiqué que les cartes E-311 n’étaient pas obligatoires. Les cartes facilitent le passage des autobus à la frontière. Le risque est évalué en fonction des renseignements inscrits sur les cartes E-311. Il est dans l’intérêt des chauffeurs d’autobus et des passagers de les remplir. Ces cartes deviennent obligatoires à partir du moment où un agent des services frontaliers les demande; le chauffeur et les passagers doivent alors les remplir. Les directives sur les déplacements en autobus (pièce E-11) étaient utilisées en 2006 pour le traitement des autobus.

204 Dans le cas où un chauffeur affirmerait qu’il n’a jamais rempli de carte E-311, la surintendante Anderson lui poserait des questions sur la durée de son séjour à l’étranger, le groupe à son bord, ses activités à l’extérieur du Canada et les éventuels arrêts qu’il avait faits. La surintendante Anderson demanderait des précisions, évaluerait le risque et, selon le cas, remettrait au chauffeur des cartes E-311 à remplir. La surintendante Anderson indiquerait au chauffeur les procédures applicables ou lui souhaiterait une bonne journée.

205 Les chauffeurs sont autorisés à sortir de l’autobus avant que leur autobus soit traité, mais ils n’ont pas le droit de se débarrasser de leurs déchets.

206 Le fonctionnaire a dit à la surintendante Anderson que M. Tse-Chun avait affirmé ne pas pouvoir voir, qu’il n’avait pas fait remplir les cartes E-311 à ses passagers et qu’il créait des difficultés.

207 La surintendante Anderson a rencontré M. Tse-Chun dans la zone d’examen secondaire d’immigration. La surintendante Anderson ne se souvenait pas que l’agent Duthie ait été présent. L’allégation du fonctionnaire, selon laquelle le témoignage attendu de l’agent Duthie attesterait que M. Tse-Chun avait été bruyant et non coopératif, n’a pas fait en sorte que d’autres souvenirs refassent surface.

208 La surintendante Anderson a mentionné qu’elle avait été ferme avec M. Tse-Chun, parce que le fonctionnaire lui avait dit que M. Tse-Chun avait créé des difficultés. La surintendante Anderson a déclaré que M. Tse-Chun demandait beaucoup de temps au fonctionnaire et que l’autobus devait être traité afin de dégager la zone réservée aux autobus. La surintendante Anderson a posé à M. Tse-Chun des questions précises exigeant une réponse ou deux pour déterminer son état de santé et de sécurité et ensuite, elle l’a autorisé à partir.

209 Quand la surintendante Anderson a interrogé M. Tse-Chun, il ne créait pas de difficultés et il coopérait. M. Tse-Chun s’est excusé. Il n’a pas dit qu’il plaisantait. Il a affirmé qu’il voyait bien. Dans la zone de contrôle de l’immigration, il s’est excusé d’avoir causé des ennuis. La surintendante Anderson ne se souvenait pas d’avoir vu le fonctionnaire serrer la main de M. Tse-Chun, qui a été accompagné jusqu’à la porte et ensuite relâché. M. Tse-Chun n’a pas signalé à la surintendante Anderson que le fonctionnaire avait fait usage de force à son endroit.

210 La surintendante Anderson a été contre-interrogée sur la Politique (pièce E-3), le MIGI et la force dont un agent des services frontaliers pouvait faire usage. Un sujet coopératif suit les directives et répond aux questions, mais peut être fâché et tenir des propos injurieux. Dans la mesure où il fait ce qui lui est demandé, il est quand même considéré comme étant coopératif. Un sujet devient non coopératif lorsqu’il n’obtempère pas. Quelqu’un qui lève la main sur les autres, refuse de libérer une entrée, se moque d’un agent des services frontaliers ou encourage les autres à désobéir à une demande d’un agent des services frontaliers peut être considéré comme étant non coopératif, même s’il n’adopte aucun comportement menaçant.

211 La surintendante Anderson a été interrogée pour savoir si un sujet qui opposait une résistance de quelque manière que ce soit était un sujet non coopératif. Elle a demandé des précisions. Un sujet est non coopératif lorsqu’il cesse de se conformer aux demandes d’un agent des services frontaliers. Si le sujet fait ce qu’il doit faire, alors il est coopératif. Si le sujet s’arrête, se retourne et exprime un refus de continuer, une intervention verbale est nécessaire. Si un sujet est en train de marcher, puis se met à hésiter, de nombreuses raisons peuvent expliquer son comportement. Aussi, un agent des services frontaliers doit maîtriser la situation, poser des questions et clarifier les choses avant d’avoir recours à la force. Le degré de force utilisée dépend des circonstances. Un agent des services frontaliers peut poser la main sur un sujet dans le cadre d’un contrôle à mains nues.

212 On a demandé à la surintendante Anderson si le fait de poser la main sur les vêtements d’un voyageur représentait le minimum de ce que pouvait faire un agent des services frontaliers. La surintendante Anderson a répondu que cela dépendait des circonstances. On lui a demandé quel était le degré de force le plus faible pouvant être considéré comme un contrôle à mains nues. Elle a répondu que le MIGI était conçu de manière à indiquer qu’un agent des services frontaliers devait utiliser un degré d’intervention d’un cran plus élevé que le degré de résistance opposée. Si un sujet est en train de marcher, puis s’arrête soudainement, un agent des services frontaliers devrait procéder à une intervention verbale. Si un sujet s’arrête, manifeste de la résistance au contrôle et s’apprête à agresser un agent des services frontaliers, alors ce dernier a le droit d’utiliser des techniques de contrôle.

213 La surintendante Anderson a été interrogée sur la force minimale qu’on pouvait employer. Elle a répondu que cela dépendait de ce que le sujet avait fait et que cela pouvait comprendre le fait de poser la main sur le sujet. On a demandé à la surintendante Anderson si cette intervention était indiquée si le sujet ne se conformait pas aux directives. Elle a répondu par la négative et a indiqué que l’intervention devait être un cran plus élevé. Elle a convenu que le fait de demander à un chauffeur d’autobus d’aller dans le bureau frontalier terrestre était légal. Elle a déclaré que même si le chauffeur d’autobus avait hésité, son comportement demeurait coopératif. Le fait qu’un sujet agite un doigt devant un agent des services frontaliers n’est pas considéré comme une menace. S’il y a une menace, un agent des services frontaliers peut utiliser une technique de contrôle à mains fermées. Si un agent des services frontaliers pose ses mains sur l’épaule d’un sujet et lui dit d’entrer dans un bureau, il s’agit d’un recours à la force. Les agents des services frontaliers ne mettent pas la main sans raison sur les sujets qui font l’objet d’un contrôle douanier.

214 On a demandé à la surintendante Anderson s’il est justifié de la part des agents des services frontaliers de recourir à la force pour maîtriser les gens. La surintendante Anderson a répondu que cela dépendait de ce que le sujet avait fait. Elle a précisé qu’on ne présente pas de rapport sur le recours à la force pour des interventions verbales. Un agent des services frontaliers n’est pas tenu de soumettre un rapport sur le recours à la force s’il a guidé un sujet qui s’en allait dans la mauvaise direction. La surintendante Anderson a affirmé que le fait de diriger un chauffeur d’autobus mal orienté en le touchant n’était pas considéré comme un recours à la force.

215  Lorsqu’un sujet se montre non coopératif, oppose de la résistance ou ne tient pas compte des interventions verbales d’un agent des services frontaliers et que celui-ci doit utiliser la force pour amener le sujet à s’exécuter, un rapport sur le recours à la force doit être présenté. La surintendante Anderson a mentionné qu’un agent des services frontaliers pouvait faire l’objet d’accusations criminelles pour le recours à une force excessive.

216 La surintendante Anderson n’a pas demandé au fonctionnaire de présenter un rapport sur le recours à la force, puisqu’elle ne savait pas qu’il avait touché M. Tse-Chun au moment où elle a rédigé son rapport. Quand la surintendante Anderson a appris que le fonctionnaire avait fait usage de force, elle n’a pas demandé au fonctionnaire de lui soumettre un rapport sur le recours à la force, étant donné qu’il avait déjà été affecté au Centre de traitement CANPASS et qu’elle n’était plus sa superviseure.

217 La surintendante Anderson examine les rapports sur le recours à la force, puis les fait parvenir au chef, qui les signe. Ils sont ensuite envoyés à l’équipe chargée d’analyser les cas de recours à la force aux fins d’examen. Elle a expliqué qu’une séance de compte rendu pouvait avoir lieu ou non, selon la gravité du cas et de l’examen effectué par l’équipe. Elle ignore si l’équipe chargée d’analyser les cas de recours à la force a été consultée dans l’affaire qui nous occupe. Elle a précisé que cette responsabilité incombait au chef.

218 La surintendante Anderson a signalé qu’il n’était pas obligatoire de tenir une séance de compte rendu après la réception d’une plainte. À sa connaissance, une séance de compte rendu peut être tenue, au besoin, si un rapport sur le recours à la force est présenté et que l’équipe chargée d’analyser l’incident le juge nécessaire.

219 La surintendante Anderson se souvenait d’avoir eu connaissance des allégations portées contre le fonctionnaire à la mi-décembre 2006. La surintendante Anderson n’a pas pris de notes. Elle se rappelait l’incident, parce qu’il était singulier du fait qu’un chauffeur d’autobus avait déclaré qu’il ne pouvait pas voir, alors qu’il était arrivé en autobus en transportant 45 personnes derrière lui. La surintendante Anderson a convenu que cela poserait un réel problème de sécurité si un chauffeur d’autobus ne pouvait pas voir.

220 La surintendante Anderson a été appelée à intervenir dans des incidents liés à la sécurité à la frontière; par exemple, une fois, une voiture roulait à contresens sur une route.

221 La surintendante Anderson ne se rappelait pas avoir parlé au surintendant Brezden au sujet d’un incident impliquant un chauffeur d’autobus.

222 La surintendante Anderson a affirmé que si un sujet se voyait demander d’entrer dans un bureau, mais qu’il s’arrêtait et se retournait, son comportement serait considéré comme non coopératif.

223 La surintendante Anderson a mentionné qu’elle suivait régulièrement des formations de perfectionnement sur le recours à la force. Sa dernière formation a eu lieu un an avant l’audience.

224 La surintendante Anderson se tenait debout lorsqu’elle s’est entretenue avec M. Tse-Chun au sujet des préoccupations sur sa santé et sa sécurité. La surintendante Anderson a parlé à M. Tse-Chun des cartes E-311 ainsi que de sa vision et elle a été ferme. La surintendante Anderson a rapporté qu’il y avait eu beaucoup d’autobus nolisés ce soir-là  et qu’un match de football venait de se terminer. C’était une soirée difficile.

225 La surintendante Anderson ne se souvenait pas si le fonctionnaire travaillait seul dans la zone réservée aux autobus. La surintendante Anderson pense qu’il y avait d’autres agents. Elle ne se souvenait pas qu’il y ait eu des demandes afin que d’autres agents des services frontaliers aident le fonctionnaire, mais cela n’aurait pas été inhabituel. Il arrive souvent que de telles demandes soient faites pendant un quart de travail.

226 La surintendante Anderson a mentionné que le plus grand nombre possible d’agents des services frontaliers étaient affectés au traitement des autobus, mais qu’ils devaient également effectuer les contrôles routiers, les inspections secondaires et les services au comptoir. La surintendante Anderson a précisé que les tâches associées à la zone réservée aux autobus n’étaient pas assignées, et que seules les heures des contrôles routiers l’étaient.

227 Les membres de l’équipe 7 travaillaient bien ensemble. La surintendante Anderson n’avait pas prévu à l’horaire des employés affectés aux autobus; les agents des services frontaliers se rendaient là où il y avait un besoin, selon l’intensité de la circulation.

228 La surintendante Anderson pense que certains agents des services frontaliers avaient passé toute la soirée dans la zone réservée aux autobus, mais elle ne se souvenait pas combien d’agents avaient travaillé dans cette zone le soir de l’incident. La surintendante Anderson ne se rappelait pas qui avait traité l’autobus en question. Ce n’était pas elle, et pour autant qu’elle s’en souvienne, ce n’était pas le fonctionnaire non plus, puisqu’ils sont retournés ensemble au bureau.

229 La surintendante Anderson se rappelait que le fonctionnaire avait demandé à contacter l’équipe chargée d’analyser les cas de recours à la force, mais elle n’était pas certaine si c’était lié à l’incident. La surintendante Anderson a mentionné que les agents des services frontaliers ne pouvaient généralement pas communiquer avec cette équipe. Elle a convenu que le rôle de l’équipe était de tenir des séances de compte rendu. On lui a demandé si cette équipe était disponible pour aider le fonctionnaire. Selon elle, le fonctionnaire devait rédiger un rapport sur le recours à la force, qui serait envoyé au chef et à l’équipe chargée d’analyser les cas de recours à la force. Alors, une séance de compte rendu serait peut-être organisée.

230 Selon la surintendante Anderson, l’équipe chargée d’analyser les cas de recours à  la force doit avoir tous les renseignements en main pour intervenir dans une situation donnée. La surintendante Anderson se souvenait que le fonctionnaire avait déjà envoyé des courriels à l’équipe relativement à une autre plainte sur le recours à la force, mais l’équipe n’avait pas été en mesure d’y répondre, parce qu’elle n’avait pas reçu tous les renseignements. La surintendante Anderson a reconnu que les membres de l’équipe chargée d’analyser les cas de recours à la force étaient les experts en la matière.

231 La surintendante Anderson a indiqué que les résultats de l’enquête lui avaient été communiqués.

c. Réinterrogatoire

232 La surintendante Anderson a suivi un cours de formation intitulé [traduction] « Former les stagiaires sur le recours à la force ». On lui a demandé ce qui pouvait constituer un recours à une force excessive. Elle a déclaré que cela pouvait comprendre l’utilisation d’une force plus grande que nécessaire dans les circonstances. Avec un sujet obéissant, il n’y a pas lieu d’employer la force. Si un agent des services frontaliers saisissait un sujet obéissant par l’arrière du cou, ce serait considéré comme un recours à une force excessive.

233  Un agent des services frontaliers qui utilise la force doit présenter un rapport sur le recours à la force. Le gestionnaire n’a pas à rédiger le rapport à moins qu’il ait lui aussi été impliqué dans le recours à la force. Si d’autres agents des services frontaliers ont été témoins d’un recours à la force le soir de l’incident, ils devaient s’assurer que la surintendante Anderson était au courant, puisqu’elle était la surintendante de service lors de la soirée en question.

5. Témoignage du surintendant Ashikian

a. Interrogatoire principal

234 Le poste d’attache du surintendant Ashikian est un poste de surintendant à l’aéroport international de Vancouver. Le surintendant Ashikian est responsable des opérations spéciales et des activités côté piste. Il est un surintendant de transport aérien. Il supervise une équipe d’agents des services frontaliers qui effectue des fouilles dans les avions. Le surintendant relève du chef des activités côté piste. Il a mené entre 30 et 40 enquêtes des Affaires internes, y compris concernant des fraudes civiles et des infractions commerciales douanières.

235 Le curriculum vitæ du surintendant Ashikian a été versé au dossier (pièce E-8). M. Ashikian est titulaire d’un baccalauréat ès arts en criminologie. Il a 28 années d’expérience à l’Agence, dont 10 en tant qu’agent des services frontaliers, 6 en tant que surintendant et 8,5 en tant qu’enquêteur régional et enquêteur principal à l’administration centrale, à Ottawa. Il a aussi deux années d’expérience en tant qu’agent du renseignement régional. Il a interrogé les témoins, dont Mme Hellsten, Mme Backman, M. Tse-Chun, la surintendante Anderson et le fonctionnaire (pièce E-9). Le surintendant Ashikian a conclu que le fonctionnaire avait fait usage d’une force excessive à l’endroit de M. Tse-Chun.

236 Le surintendant Ashikian a interrogé huit personnes. Le chef Clarke avait été nommé plaignant, car il était directeur du poste frontalier Pacific Highway, mais le surintendant croit que la demande d’enquête a été faite par M. Scoville, également un directeur. Le surintendant Ashikian a déclaré qu’il avait reçu son mandat de l’Agence, ainsi que les déclarations de Mme Hellsten et de Mme Backman (pièces E-1 et E-2).

237 Le surintendant a souligné qu’il n’avait aucun rapport de gestion. Il a donc téléphoné au chef Clarke et lui a demandé des rapports de supervision, des rapports de gestion, des rapports sur l’implication des agents des services frontaliers, des vidéos, des horaires de travail et des notes des agents des services frontaliers et de la direction. Le chef Clarke a informé le surintendant Ashikian qu’il avait uniquement les déclarations de Mme Hellsten et de Mme Backman (pièces E-1 et E-2), et il lui a conseillé de s’adresser au chef intérimaire Bonnett.

238 Le surintendant Ashikian a demandé au chef intérimaire Bonnett la même information qu’il avait demandée au chef Clarke. Le chef intérimaire Bonnett a informé le surintendant Ashikian que la direction du poste frontalier Pacific Highway n’avait pas enquêté sur les faits, et qu’il n’y avait pas de rapports de gestion, de rapports de supervision ou de vidéos. 

239 Comme Noël approchait et que les employés allaient bientôt être en congé, le surintendant Ashikian a demandé au chef intérimaire Bonnett d’obtenir des rapports de la surintendante Anderson et des agents des services frontaliers. Le surintendant Ashikian a interrogé Mme Hellsten le 27 décembre 2006. Il a décrit sa méthode habituelle. Il a examiné la déclaration de Mme Hellsten (pièce E-1), a pris des notes sur les points qu’il voulait discuter et a rédigé des questions sur d’autres points. Il croit qu’il a parlé à Mme Hellsten le 24 décembre pour fixer une date et une heure pour l’entrevue. Il s’est entretenu avec Mme Hellsten dans le bureau de cette dernière. Aucun observateur n’était présent. Le surintendant Ashikian s’est présenté. Il a présenté son mandat et il a demandé à Mme Hellsten de signer un document intitulé [traduction] « introduction à l’enquête de la Division de la sécurité organisationnelle et des affaires internes ». Les points suivants étaient expliqués dans le document :

  • le mandat de l’intervieweur;
  • les motifs de l’entrevue;
  • le droit de demander qu’un observateur soit présent;
  • la nature administrative de l’enquête;
  • l’obligation de coopérer et d’aider;
  • l’information était recueillie pour déterminer s’il y avait eu inconduite;
  • des notes seraient prises et formeraient la base du rapport d’enquête (pièce E-9); 
  • le droit de lire les notes et d’y apporter des modifications aux fins de clarification avant de les signer;
  • le rapport d’enquête (pièce E-9) serait présenté au vice-président compétent et à la direction locale;
  • le droit au respect de la vie privée s’appliquait, mais tout ce qui était dit concernant un tiers serait divulgué à ce tiers sur demande; 
  • l’information fournie pourrait être utilisée par la direction dans le cadre d’un processus disciplinaire. 

Une copie vierge de ce document a été versée au dossier en tant que pièce E-10.

240 Le surintendant Ashikian a examiné la déclaration de Mme Hellsten (pièce E-1) et a confirmé que c’était bien sa déclaration. Il a demandé à Mme Hellsten si elle voulait y apporter des modifications (ce n’était pas le cas), et il lui a posé des questions sur son contenu. Le surintendant Ashikian a posé des questions à Mme Hellsten relativement à certaines des conversations qu’elle avait entendues, sur le fait que le fonctionnaire aurait remis brusquement les directives sur les déplacements en autobus (pièce E-11) à M. Tse-Chun, sur la difficulté que M. Tse-Chun aurait eu à voir, sur la capacité de Mme Hellsten d’entendre et d’observer M. Tse-Chun et le fonctionnaire, sur les actes de M. Tse-Chun et du fonctionnaire, sur la surprise de Mme Hellsten devant l’insistance du fonctionnaire concernant les problèmes de vision de M. Tse-Chun et sur les discussions entre Mme Hellsten et la surintendante Anderson. Le surintendant Ashikian a passé en revue une copie des notes qu’il a prises pendant son entrevue avec Mme Hellsten. Ces notes ont été signées par Mme Hellsten.

241 Le surintendant Ashikian a affirmé avoir tenté à de nombreuses reprises d’obtenir des rapports du poste frontalier Pacific Highway. Il a reçu la déclaration de mi-décembre 2006 de la surintendante Anderson (pièce E-5) par courriel au début de janvier 2007. Le surintendant Ashikian a utilisé cette déclaration pour se préparer à son entrevue avec la surintendante Anderson.

242 Le surintendant Ashikian a ensuite interrogé le chef intérimaire Bonnett pour avoir de l’information sur la politique et la procédure au poste frontalier Pacific Highway et sur la structure et les installations du poste. Le chef intérimaire Bonnett a commenté les déclarations de Mme Hellsten (pièce E-1) et de Mme Backman (pièce E-2) ainsi que l’incident dans lequel le fonctionnaire était impliqué. Le surintendant Ashikian a appliqué sa méthode d’entrevue habituelle. Le chef intérimaire Bonnett a signé les notes dactylographiées du surintendant Ashikian.

243 Le surintendant Ashikian a interrogé la surintendante Anderson le 6 février 2007. Mme Anderson était la surintendante de l’équipe qui travaillait le jour de l’incident, et elle avait raconté ce dont elle se souvenait dans sa déclaration de la mi-décembre 2006 (pièce E-5). Le surintendant Ashikian avait la déclaration de Mme Hellsten (pièce E-1), la déclaration de Mme Backman (pièce E-2) et la déclaration de la mi-décembre 2006 de la surintendante Anderson. Il a obtenu de l’information générale sur la surintendante Anderson et le poste frontalier Pacific Highway, ainsi que de l’information sur la participation de la surintendante Anderson dans la gestion des agents des services frontaliers, sa supervision du fonctionnaire, le processus pour les autobus et sa déclaration de la mi-décembre 2006. Il a interrogé la surintendante Anderson sur certains points, notamment concernant un agent des services frontaliers non identifié. Il lui a demandé l’horaire des quarts. On lui a dit que l’horaire ne se trouvait plus dans le registre journalier et qu’il n’y avait aucun moyen de savoir qui travaillait le soir en question. Il a demandé à la surintendante Anderson quand elle avait eu connaissance des interactions entre le fonctionnaire et M. Tse-Chun, et il lui a demandé de donner des détails sur les frustrations du fonctionnaire. La surintendante Anderson a déclaré que, conformément au plan de travail, le fonctionnaire devait venir la voir s’il se trouvait dans une situation qui le dépassait.

244 Le surintendant Ashikian a passé en revue les déclarations de Mme Hellsten (pièce E-1) et de Mme Backman (pièce E-2) avec la surintendante Anderson. La surintendante Anderson a dit au surintendant Ashikian qu’elle était surprise et qu’elle ne savait pas qu’il y avait eu une intervention physique le soir en question.

245 Le surintendant Ashikian a rencontré le fonctionnaire et son représentant de l’époque, l’agent Sullivan, le 20 février 2007, pour confirmer que le fonctionnaire était l’agent des services frontaliers qui avait été impliqué dans l’incident et pour obtenir les notes du fonctionnaire. Le surintendant Ashikian a dit au fonctionnaire qu’il ne s’agissait pas d’une entrevue d’enquête et qu’il voulait avoir ses notes s’il avait été impliqué dans l’incident. Après discussion, le fonctionnaire a quitté la salle avec l’agent Sullivan et est revenu plus tard avec une déclaration dactylographiée de quatre pages (pièce E-9, annexe A). Le surintendant Ashikian a joint cette déclaration à son rapport (pièce E-9). La rencontre a duré entre 20 et 40 minutes. Le fonctionnaire a essayé d’obtenir de la documentation sur les déclarations des témoins avant de donner son information. Le surintendant Ashikian a demandé au fonctionnaire et à l’agent Sullivan de quitter la salle pour lui donner le temps d’examiner la déclaration du fonctionnaire. Quand le fonctionnaire et l’agent Sullivan sont revenus, le surintendant Ashikian a confirmé que le fonctionnaire semblait impliqué dans l’incident. Il a confirmé qu’il allait poursuivre son enquête et que le fonctionnaire serait le défendeur dans cette affaire. Le surintendant Ashikian a déclaré que la déclaration du fonctionnaire n’avait pas été signée le 20 février 2007, mais que le fonctionnaire l’avait signée le 12 avril 2007. La déclaration a donc été signée le jour de l’entrevue d’enquête. 

246 Le surintendant Ashikian a déclaré qu’il trouvait curieux qu’il ait eu à chercher les documents. Ces documents auraient dû lui être fournis au préalable. Il a noté que le fonctionnaire et l’Agence ne semblaient pas vouloir lui fournir de rapports. Le surintendant Ashikian aurait dû avoir les rapports au début de son enquête.

247 Le surintendant Ashikian a retracé la compagnie d’autobus et M. Tse-Chun. Il a rencontré M. Tse-Chun chez lui le 21 février 2007. La femme de M. Tse-Chun était là. Il a expliqué à M. Tse-Chun en quoi consistait l’enquête, conformément au document [traduction] « introduction à l’enquête de la Division de la sécurité organisationnelle et des affaires internes » (pièce E-10). Il a déclaré que M. Tse-Chun n’avait pas de notes, et que la discussion avait porté sur les souvenirs de M. Tse-Chun relativement à l’incident. Le surintendant Ashikian avait préparé des questions à partir des déclarations de Mme Hellsten (pièce E-1) et de Mme Backman (pièce E-2). Il a noté que M. Tse-Chun parlait un mauvais anglais et employait des phrases incomplètes, mais qu’il comprenait bien. Le surintendant Ashikian a posé ses questions. Après avoir recueilli suffisamment d’information, il rédigerait plus tard une partie du compte rendu de l’entrevue. Il a écrit ses notes à la main, et il a paraphé et signé toutes ses pages de notes et n’y a apporté aucune modification. Il a dactylographié ses notes. M. Tse-Chun n’a pas signé le document dactylographié.

248 Le surintendant Ashikian a interrogé Mme Backman au téléphone le 23 mars 2007; ce moyen était préférable compte tenu que Mme Backman habitait près d’Abbotsford, en Colombie-Britannique. Elle a déclaré que le fonctionnaire s’était montré agressif envers elle et l’avait provoquée. L’information qu’elle a fournie au surintendant Ashikian est consignée aux pages 12 et 13 du rapport d’enquête (pièce E-9). Le surintendant Ashikian lui a demandé de  signer les notes dactylographiées le jour suivant. Elle a apporté quelques changements mineurs aux notes.

249 Le surintendant Ashikian s’est préparé pour son entrevue avec le fonctionnaire en étudiant la déclaration de ce dernier (pièce E-9, annexe A) ainsi que l’information fournie par les témoins. Le surintendant Ashikian a rencontré le fonctionnaire et l’agent Sullivan le 12 avril 2007, à 10 h, dans la salle de conférence du poste frontalier Pacific Highway. Le surintendant Ashikian a passé en revue le document [traduction] « introduction à l’enquête de la Division de la sécurité organisationnelle et des affaires internes » (pièce E-10). Comme c’est la politique des Affaires internes de donner un préavis de 24 heures pour une entrevue, le surintendant a lu le document au fonctionnaire au téléphone le 11 avril 2007.

250 Le fonctionnaire a dit au surintendant Ashikian qu’il avait rédigé sa déclaration à partir de notes qui n’étaient plus en sa possession. Le fonctionnaire n’a pas fourni son carnet de notes. Il a dit qu’il n’y avait pas de notes sur l’incident dans son carnet de travail.

251 Le surintendant Ashikian a clarifié les commentaires du fonctionnaire concernant le comportement difficile et abusif de M. Tse-Chun. Le fonctionnaire a affirmé que M. Tse-Chun se moquait de lui. Le surintendant Ashikian a posé des questions au fonctionnaire sur le fait qu’il aurait empoigné la veste de M. Tse-Chun. Le fonctionnaire a répondu qu’il avait tenu M. Tse-Chun par la veste sur une distance d’environ 25 pieds, soit jusqu’à la porte d’entrée du bureau frontalier terrestre.

252 Le surintendant Ashikian a montré au fonctionnaire la déclaration de mi-décembre 2006 (pièce E-5) de la surintendante Anderson. Le fonctionnaire a indiqué que l’analyse de la surintendante Anderson relativement au rendement du fonctionnaire n’était pas tout à fait juste, mais il a avoué que M. Tse-Chun l’avait contrarié. Le fonctionnaire a agi en fonction de sa perception de M. Tse-Chun, soit qu’il parlait fort, qu’il lui tenait tête et qu’il gesticulait. 

253 Le surintendant Ashikian a affirmé qu’il avait montré au fonctionnaire les déclarations de Mme Hellsten et de Mme Backman (pièces E-1 et E-2), et que le fonctionnaire avait répondu que ces déclarations ne faisaient que refléter la perception des auteurs. Le surintendant Ashikian a demandé au fonctionnaire pourquoi les versions des faits des autres étaient à l’opposé de la sienne, et il a donné au fonctionnaire le temps d’y réfléchir avant de répondre. Le surintendant Ashikian a affirmé que peu de paroles ont été échangées pendant un moment et que le fonctionnaire avait fini par admettre qu’il avait été perturbé par le fait que M. Tse-Chun prétendait être incapable de voir.

254 Le surintendant Ashikian a déclaré que le fonctionnaire avait demandé de réécrire la conclusion de sa déclaration (pièce E-9, annexe A), qui est devenue la dernière page du rapport du surintendant Ashikian (pièce E-9) et a été inscrite à la page 6 de ses notes manuscrites. La nouvelle conclusion se lit comme suit : [traduction] « J’aurais pu gérer la situation d’une manière plus appropriée et obtenir tout de même un résultat satisfaisant pour tous les intervenants ». Les cinq premières pages étaient aussi des notes du surintendant Ashikian.

255 Le surintendant Ashikian a déclaré que le fonctionnaire et l’agent Sullivan ont quitté la salle et ont modifié la conclusion de la déclaration du fonctionnaire (pièce E-9, page 6). La nouvelle conclusion se lit comme suit : [traduction] « J’aurais pu gérer la situation d’une manière plus appropriée et obtenir tout de même un résultat satisfaisant pour tous les intervenants ». Le fonctionnaire a changé quelques mots. Il a eu l’occasion d’examiner les notes du surintendant Ashikian, et il les a paraphées. Le surintendant Ashikian a déclaré que le rapport d’enquête (pièce E-9) reprenait fidèlement ses notes.

256 Le surintendant Ashikian a commenté le MIGI. Il n’est pas un expert du recours à la force, mais il est un agent des services frontaliers et un enquêteur d’expérience. Il a reçu plusieurs formations sur le MIGI, la plus récente en octobre 2008. Pour conserver la certification en tactiques de maîtrise et de défense, les agents doivent suivre tous les trois ans un cours sur l’utilisation d’une arme de poing, d’un vaporisateur de poivre et d’un bâton dans un poste frontalier. Il croit que sa première formation remontait à 1999 ou à 2000, quand le MIGI a été lancé. Il a reçu la formation trois ou quatre fois.

257 Le surintendant Ashikian a déclaré que les agents des services frontaliers et les superviseurs appliquent le MIGI tous les jours aux postes frontaliers quand ils utilisent la force. Le surintendant Ashikian croit que la Gendarmerie royale du Canada (GRC) est la première à avoir adopté le MIGI. 

258 Le poste d’attache du surintendant Ashikian est un poste de surintendant. Il a dû appliquer le MIGI quand il a eu recours à la force ou quand des personnes sous sa supervision ont utilisé la force. Il fournit aussi de la rétroaction aux employés sur leur rendement, y compris en cas de recours à la force.

259 Le surintendant Ashikian a témoigné relativement à sa compréhension du MIGI et de son application. Il a donné des exemples de sujet non coopératif. Il est possible de faire coopérer un sujet dans une impasse, lorsque ce dernier n’obéit pas aux  ordres. Un comportement bagarreur peut surgir instantanément. Le comportement peut osciller entre différents niveaux du MIGI. La bonne tactique à employer lorsque le sujet est coopératif est de parler à ce dernier. Une intervention physique peut être utilisée si le sujet n’est pas coopératif et n’écoute pas les ordres. Le comportement du sujet peut passer de non coopératif à coopératif.

260 Le surintendant Ashikian préférait les versions des faits des témoins à celle du fonctionnaire. En examinant l’information recueillie dans le cadre de l’enquête, le surintendant Ashikian a conclu que M. Tse-Chun était coopératif et que le fonctionnaire n’avait pas besoin d’utiliser la force. Par conséquent, il a conclu que le fonctionnaire avait usé d’une force non nécessaire, non raisonnable et excessive. La force utilisée est jugée excessive quand elle est plus grande que ce qui est nécessaire pour faire obtempérer le sujet.

261 Le surintendant Ashikian a déclaré qu’un agent des services frontaliers pouvait avoir recours à la force seulement si le sujet enfreint la Loi sur les douanes, L.R.C., 1985, ch. 1 (2e suppl.). Dans le rapport d’enquête (pièce E-9), le surintendant Ashikian a conclu que le fonctionnaire avait fait usage d’une force excessive. Le surintendant Ashikian a déclaré que le fonctionnaire ne mettait pas en application une loi ou un règlement de l’Agence quand il a eu recours à la force. Les témoins ont dit que M. Tse-Chun était coopératif.

262 Le surintendant Ashikian a déclaré que légalement, le fonctionnaire n’avait pas besoin d’avoir recours à la force pendant l’incident. Les problèmes de vision ne font pas partie des règlements de l’Agence. Les actes du fonctionnaire étaient tous en réaction aux problèmes de vision. Il n’avait aucunement l’autorité de réagir dans cette situation, que ce soit en ayant recours à la force ou non. Le surintendant Ashikian a jugé que le fonctionnaire n’était pas en droit de saisir M. Tse-Chun par l’épaule ou le derrière du cou.

263 Le surintendant Ashikian a déclaré que les agents des services frontaliers qui sont impliqués dans un incident de recours à la force doivent présenter un rapport sur l’usage de la force dans un délai de 24 heures, et qu’un surintendant doit en être averti dès que possible.

264 Le surintendant Ashikian a pris un certain temps pour étudier l’information recueillie et préparer son rapport (pièce E-9). Il a transmis le rapport à l’administration centrale de l’Agence à Ottawa pour le faire corriger. À la mi-mai, le rapport était terminé et se trouvait entre les mains du gestionnaire du surintendant Ashikian. Le gestionnaire du surintendant Ashikian a transmis le rapport aux gestionnaires locaux et au directeur général en août 2007. Le surintendant Ashikian était satisfait du contenu du rapport quand il l’a signé.

b. Contre-interrogatoire

265 Le contre-interrogatoire du surintendant Ashikian était long et vigoureux. Il a été question de la formation et des antécédents du surintendant Ashikian, de l’emploi des cartes E-311, des discordances présumées entre les versions des faits des témoins, de la collusion entre de ces derniers et de leur capacité d’observer le déroulement de l’incident, du temps qu’il a fallu pour préparer le rapport d’enquête (pièce E-9) après les entrevues avec les témoins, de la disponibilité des notes d’enquête du surintendant Ashikian, de l’application du MIGI, des conclusions et du résumé des faits.

266 Le surintendant Ashikian a commencé sa carrière en tant qu’agent des services frontaliers en juin 1982 à l’aéroport international de Vancouver, puis il s’est joint à l’équipe nationale de lutte contre la drogue de la région du Pacifique, où il est resté jusqu’en 1989. Il a travaillé principalement à l’aéroport international de Vancouver, mais aussi dans d’autres postes frontaliers, comme Pacific Highway et Douglas. Il occupait parfois un poste de surintendant par intérim. En 1990, il est revenu à l’aéroport international de Vancouver en tant qu’agent des douanes. Il faisait partie d’une équipe affectée au traitement de la circulation. Il a été surintendant intérimaire à l’aéroport international de Vancouver pendant presque toute l’année en 1991. En 1992, il a accepté une affectation en tant qu’enquêteur régional qui s’est terminée en 2000. 

267 Le surintendant Ashikian a suivi une formation d’enquêteur. Il a été agent de police de réserve pour la police de Delta de 1981 à 1991, et il a reçu de la formation. Il a reçu une formation de l’[traduction] « Institut de la Justice » ainsi qu’une formation interne sur le recours à la force, y compris une formation sur les armes de poing.

268 Le surintendant Ashikian est devenu le surintendant d’une équipe affectée au traitement de la circulation à l’aéroport international de Vancouver. Il a contribué à la création de l’équipe des opérations spéciales et des activités côté piste à l’aéroport.

269 En 2004, le surintendant Ashikian a accepté une affectation à l’administration centrale de l’Agence, à Ottawa, en tant qu’enquêteur principal pour les enquêtes criminelles. En 2006, il a accepté une affectation de 18 mois aux Affaires internes. Il est présentement surintendant des opérations spéciales et des activités côté piste.

270 On a entre autres demandé au surintendant Ashikian pourquoi il avait écrit le passage suivant dans son rapport d’enquête (pièce E-9, page 15) :

[Traduction]

[…]

e) Le défendeur a eu le temps de digérer l’information et les conclusions obtenues au moyen d’entrevues avec les témoins avant de répondre plus en détail à l’allégation. Le défendeur a déclaré qu’il avait été perturbé par le fait que le chauffeur prétendait qu’il ne pouvait voir, ce qui aurait mené à l’incident, mais qu’il n’avait pas eu l’intention de créer un incident. Le défendeur a demandé de changer la « conclusion » de son rapport écrit de l’incident. Le défendeur a déclaré verbalement et a consigné par écrit dans son rapport modifié qu’il admettait entièrement sa responsabilité pour le rôle qu’il a joué dans l’incident. Il a également admis que les versions des faits des témoins étaient plus exactes que la sienne.

[…]

271 Le surintendant Ashikian a indiqué que le fonctionnaire avait rédigé la page 6 des notes manuscrites jointes au rapport d’enquête (pièce E-9). Dans son rapport, le surintendant Ashikian a déclaré que le fonctionnaire admettait entièrement sa responsabilité pour son rôle dans l’incident. Le surintendant Ashikian a déclaré que les pages 1 à 5, et peut-être la page 7 de ses notes, étaient manquantes.

272 Le surintendant Ashikian a confirmé qu’il posait des questions, prenait une pause et ensuite écrivait les réponses. Il n’a pas de liste de questions types. Il prépare ses questions en fonction des déclarations qu’il reçoit. 

273 Le surintendant Ashikian a déclaré qu’au moment de l’enquête, les Affaires internes n’avaient pas de politique d’enregistrement des entrevues, mais que si le défendeur le souhaitait, l’entrevue pouvait être enregistrée. Le surintendant Ashikian se rappelait que l’agent Sullivan avait demandé si l’entrevue pouvait être enregistrée. Le surintendant Ashikian avait répondu que l’agent Sullivan pouvait enregistrer la rencontre, à la condition que la transcription de l’enregistrement soit fournie à l’Agence. 

274 Le surintendant Ashikian a confirmé que les notes qu’il prenait pendant une enquête n’étaient pas du mot à mot mais bien des paraphrases. Il a précisé qu’il n’était plus en possession de ses notes, car il les avait envoyées aux Affaires internes, à l’administration centrale de l’Agence, à Ottawa. Le surintendant Ashikian croit qu’il est possible que l’administration centrale de l’Agence ait perdu son dossier d’enquête, y compris les comptes rendus des entrevues, après qu’il ait présenté son rapport (pièce E-9).

275 Le surintendant Ashikian s’appuie sur les définitions du Code criminel, L.R.C., 1985, ch. C-46, quand il mène une enquête sur un cas de force excessive. Il s’agissait de la première enquête sur un cas de force excessive qu’il menait en tant qu’enquêteur, mais il avait déjà participé à ce genre d’enquête à titre de gestionnaire. 

276 L’Agence n’a pas d’équipe consacrée aux enquêtes sur les plaintes de force excessive. Elle a la Section des affaires internes, qui mène des enquêtes sur les inconduites des employés.

277 L’Agence a une division responsable de la formation, laquelle se charge de la formation sur les tactiques de contrôle et de défense. Des formateurs de l’Agence offrent de la formation sur place aux agents des services frontaliers. 

278 Le surintendant Ashikian a déclaré que les rapports sur l’usage de la force sont envoyés au surintendant responsable, puis à la division de la formation. Le cas de recours à la force est alors évalué pour déterminer si les techniques approuvées qui ont été apprises en formation ont été appliquées. Le surintendant Ashikian a rarement vu des rapports sur l’usage de la force retournés avec des commentaires.

279 Le surintendant Ashikian savait que Mme Hellsten n’avait pas vu le fonctionnaire empoigner M. Tse-Chun initialement. Il savait qu’elle était assise au centre de l’autobus et qu’elle avait vu le fonctionnaire et M. Tse-Chun se diriger à pied vers la porte du bureau frontalier terrestre. Le surintendant Ashikian n’a pas effectué d’inspection matérielle de l’autobus pour déterminer si Mme Hellsten pouvait voir quoi que ce soit. Il a inspecté le bureau frontalier terrestre et a compris que l’autobus était stationné près de buissons au moment de l’incident.

280 Le surintendant Ashikian n’a pas reçu les photos du bureau frontalier terrestre (pièce G-2) que le fonctionnaire a fournies plus tard dans son témoignage, mais il a inspecté le site avec le chef intérimaire Bonnett et la surintendante Anderson. Le surintendant Ashikian ne se souvenait pas que l’agent Sullivan ou le fonctionnaire lui ait offert de lui montrer le site, mais il n’avait pas besoin de le revoir, car il y était déjà allé. Je note qu’il n’a été mentionné dans aucun témoignage que l’agent Sullivan ou le fonctionnaire avait offert de montrer le site au surintendant Ashikian.

281 Le surintendant Ashikian a cru comprendre que les passagers voyageant en autobus n’étaient pas obligés de remplir une carte E-311. Il a déjà effectué un travail semblable, de 1984 à 1989, lorsqu’il effectuait des examens de drogues. Il a appris au cours de l’enquête que les cartes E-311 pouvaient être utilisées pour le traitement d’un autobus. Il a compris que le fonctionnaire avait demandé à M. Tse-Chun de lui fournir des cartes E-311. Le surintendant Ashikian ne savait pas si on avait demandé aux passagers de l’autobus de les remplir. Le surintendant Ashikian a su, à partir des renseignements fournis par Mme Hellsten que le fonctionnaire avait demandé les cartes E-311 à M. Tse-Chun.

282 Le surintendant Ashikian savait que certains postes frontaliers se servent des cartes E-311, mais il n’avait pas connaissance d’une politique nationale requérant leur utilisation. Il a conclu que les cartes E-311 n’étaient pas obligatoires, et qu’il n’y avait donc pas de fondement légal à les demander. Le surintendant Ashikian a dit que les cartes E-311 étaient mentionnées dans la loi. Il a précisé qu’en 2006, il fallait se présenter à un agent des douanes. Le surintendant Ashikian croyait comprendre que le fait d’exiger la présentation de cartes E-311 était une décision locale visant à accélérer le traitement de la circulation.

283 Le surintendant Ashikian a reçu de l’information du chef intérimaire Bonnett et de la surintendante Anderson. Le surintendant Ashikian a obtenu un exemplaire des directives sur les déplacements en autobus (pièce E-11). Il croyait qu’il y avait une exonération de 50 $ pour les séjours de moins de 24 heures.

284 Le surintendant Ashikian a interrogé chaque personne une seule fois. Il n’a pas fait de suivi sur les discordances quant au nombre de déplacements au-delà de la frontière par M. Tse-Chun; cette discordance n’est apparue qu’à la suite de la déclaration de M. Tse-Chun.

285 Le surintendant Ashikian a précisé avoir confirmé que le fonctionnaire était le défendeur dans le cadre de l’enquête, lors de l’entrevue de février 2007, lorsque le fonctionnaire a fourni sa déclaration (pièce E-9, annexe A), puisque le surintendant Ashikian travaillait sans rapport d’incident, sans enregistrement vidéo et sans horaire de travail. Le surintendant Ashikian s’est demandé pourquoi l’Agence n’avait pas fourni l’information factuelle habituelle.

286 Le surintendant Ashikian a déclaré que le fonctionnaire avait refusé de fournir une déclaration avant de voir les déclarations de Mme Hellsten et de Mme Backman (pièces E-1 et E-2).

287 Le surintendant Ashikian n’a pas précisé au fonctionnaire qu’il avait le droit de faire appel à un avocat, puisqu’il enquêtait sur une allégation de recours à une force excessive dans le cadre d’une procédure administrative, et non d’une enquête criminelle. Si le surintendant Ashikian avait eu l’impression que le fonctionnaire avait commis un acte criminel, il aurait suspendu l’enquête.

288 Le surintendant Ashikian s’est fondé sur la déclaration de Mme Backman (pièce E-2) pour conclure que le fonctionnaire avait empoigné M. Tse-Chun par la nuque.

289 Le surintendant Ashikian a affirmé que les employés de l’Agence avaient l’obligation de participer aux entrevues. Il arrive cependant que des employés refusent; on leur indique alors qu’une décision sera prise sans tenir compte de leur point de vue.

290 On a demandé au surintendant Ashikian s’il avait demandé à Mme Hellsten comment elle avait pu voir à l’extérieur de l’autobus alors qu’elle était assise au milieu de celui-ci. On a aussi demandé au surintendant Ashikian comment Mme Hellsten aurait pu entendre quoi que ce soit en dépit du bruit produit par les jeunes joueurs de hockey. Le surintendant Ashikian a répondu qu’on lui avait dit que les passagers de l’autobus se sont tus lorsque le fonctionnaire est entré dans l’autobus et a attiré l’attention sur lui.

291 Le surintendant Ashikian a indiqué que l’Agence avait omis de conserver l’enregistrement vidéo du 22 octobre 2006. Il a discuté de cette question et a appris, en parlant au chef intérimaire Bonnett et à la surintendante Anderson, que les enregistrements vidéo étaient conservés de sept à dix jours, et que ce délai était expiré longtemps avant que le surintendant Ashikian entame son enquête.

292 Le surintendant Ashikian était incapable d’expliquer pourquoi on ne lui avait pas fourni les rapports de quart alors qu’il les avait demandés. Il a expliqué que personne ne savait où étaient rendus ces rapports de quart, ni quand ils avaient été recueillis. Il a voulu obtenir les horaires de quart pour savoir qui travaillait ce soir-là. Il a cru comprendre qu’une équipe de travail principale était en poste, à laquelle s’étaient ajoutés des employés. L’Agence n’a pas fourni au surintendant Ashikian la liste des agents des services frontaliers en poste le 22 octobre 2006. Ni le fonctionnaire, ni l’agent Sullivan n’ont fourni au surintendant Ashikian les noms des employés en poste ce soir-là.

293 Le surintendant Ashikian n’a pas reçu les carnets des agents des services frontaliers en poste le soir de l’incident.

294 Le surintendant Ashikian a admis que, lorsqu’un voyageur arrive à un poste frontalier, il a l’obligation légale de se présenter à un agent des services frontaliers, qui détermine alors si le voyageur et les biens qu’il transporte sont admissibles. Le surintendant Ashikian a avancé que les voyageurs ont le devoir de coopérer avec les agents des services frontaliers.

295 Le surintendant Ashikian a parlé avec M. Tse-Chun des cartes E-311, mais il n’a pas demandé à M. Tse-Chun si l’on demandait régulièrement aux passagers d’autobus de les remplir.

296 Le surintendant Ashikian croyait savoir que le chef Clarke avait demandé à Mme Hellsten d’obtenir une déclaration de la part de Mme Backman.

297 Contrairement à ce que suggérait le fonctionnaire, le surintendant Ashikian n’a pas conclu que Mme Hellsten n’était pas en mesure de voir ce qui s’était produit lors de l’incident. Le surintendant Ashikian a confirmé que Mme Backman n’avait pas été témoin de la première fois où le fonctionnaire a empoigné M. Tse-Chun. Le surintendant Ashikian n’a pas mentionné que M. Tse-Chun parlait en gesticulant. Le surintendant Ashikian n’a pas non plus conclu que M. Tse-Chun et le fonctionnaire avaient eu une discussion à l’extérieur de l’autobus. Le surintendant Ashikian n’a pas déterminé combien de temps s’était écoulé entre le moment où M. Tse-Chun et le fonctionnaire sont sortis de l’autobus et le moment où les passagers se sont agités parce que le fonctionnaire avait mis les mains sur M. Tse-Chun.

298 Le surintendant Ashikian pensait qu’il avait affaire à un Asiatique de plus petite taille. Si M. Tse-Chun mesurait cinq pieds huit pouces et pesait 180 livres, comme le suggérait le fonctionnaire, cela voulait dire que M. Tse-Chun avait pris du poids. Le surintendant Ashikian n’a pas accepté les allégations du fonctionnaire.

299 Le surintendant Ashikian a déclaré qu’il avait rencontré le fonctionnaire le 20 février 2007 pour déterminer si ce dernier était bien l’agent des services frontaliers impliqué dans l’incident, comme l’avait indiqué le chef Clarke et la surintendante Anderson. Le surintendant Ashikian espérait obtenir une déclaration du fonctionnaire, car il n’avait reçu aucune déclaration de lui, et il avait cru comprendre qu’il ne voulait pas vraiment en donner une. À la rencontre, le surintendant Ashikian n’a pas demandé au fonctionnaire de lui donner sa version des faits. Il voulait les rapports qui avaient été rédigés ou les notes qui avaient été prises le jour de l’incident pour établir l’identité du fonctionnaire. L’Agence n’a pas donné suite à cette demande.

300 Le surintendant Ashikian a questionné Mme Hellsten au sujet du temps qu’elle avait mis à remettre sa déclaration (pièce E-1). Le surintendant Ashikian se rappelait que Mme Hellsten lui avait dit qu’elle savait que la surintendante Anderson l’avait reconnue comme étant une directrice à l’Agence et qu’elle croyait que l’incident faisait l’objet d’une enquête. Apparemment, Mme Hellsten avait communiqué avec le chef Clarke pour lui demander si elle pouvait aider.

301 Le surintendant Ashikian a reçu toutes les formations sur le recours à la force, à l’exception du cours de « formation des formateurs ». Il a aussi reçu une formation additionnelle de gestionnaire, et il a des responsabilités de niveau plus élevé que le niveau de formation du fonctionnaire. 

302 Le surintendant Ashikian croit que le MIGI provient de la GRC et que l’Agence l’a intégré à sa politique d’application de la loi en 2000 environ.

303 Selon le surintendant Ashikian, le fait que le fonctionnaire ait demandé des cartes E-311 ne représentait pas une intervention verbale dans une situation de recours à la force. Le surintendant Ashikian a déclaré que, hypothétiquement, si un chauffeur affirmait qu’il n’avait pas donné une carte E-311 à un passager, il serait tout de même considéré comme étant coopératif. Si le chauffeur ne comprenait pas que les cartes E-311 étaient requises et affirmait qu’elles ne l’étaient pas, il serait alors toujours considéré comme étant coopératif. 

304 Il aurait été plus approprié que le fonctionnaire demande à M. Tse-Chun de descendre de l’autobus pour discuter. Le surintendant Ashikian a expliqué que le fonctionnaire avait demandé à M. Tse-Chun de le suivre au bureau frontalier terrestre à cause du problème de vision ou de lecture et non à cause des cartes E-311. 

305 Le surintendant Ashikian ne pense pas que M. Tse-Chun n’était pas coopératif parce qu’il a dit qu’il ne pouvait pas lire le document qu’on lui montrait. Le surintendant Ashikian a interrogé le chef intérimaire Bonnett à propos des directives sur les déplacements en autobus (pièce E-11), et il a appris qu’elles avaient été produites localement. Le surintendant Ashikian a déclaré que la politique était élaborée à l’administration centrale de l’Agence, à Ottawa. Il n’était au courant d’aucune exception pour ce qui est de l’utilisation des cartes E-311.

306 Le surintendant Ashikian a déclaré que M. Tse-Chun ne voulait pas participer à l’enquête.

307 Le surintendant Ashikian n’était pas au courant de quelque allégation que ce soit de la part de Mme Backman avant la participation de Mme Hellsten. Le chef Clarke a lancé l’enquête par l’entremise de M. Scoville. Mme Hellsten a fait un suivi et a essayé de faire avancer le dossier. Le surintendant Ashikian n’a pas demandé au chef Clarke ce qu’il faisait pour gérer la situation avant qu’il commence l’enquête. Le surintendant Ashikian a déterminé plus tard que des déclarations avaient été recueillies.

308 Le surintendant Ashikian a été contre-interrogé au sujet des directives sur les déplacements en autobus (pièce E-11). Il a répondu qu’il lui semblait que leur libellé laissait entendre que les agents des services frontaliers pouvaient demander les cartes E-311.

309 Le surintendant Ashikian a admis que les voyageurs étaient tenus de répondre aux questions des agents des services frontaliers et de coopérer, dans les limites exigées par la loi. Le surintendant Ashikian considérait qu’il n’était pas légal de la part du fonctionnaire de demander à M. Tse-Chun de descendre de l’autobus; le fonctionnaire ne donnait pas suite à une demande légitime de l’Agence, il essayait de régler la question du problème de vision de M. Tse-Chun. Le premier devoir du fonctionnaire était de procéder au traitement des passagers; ce n’est pas ce qu’il a fait.

310 Les directives sur les déplacements en autobus (pièce E-11) ne concernent pas les agents des services frontaliers; elles s’adressent aux chauffeurs d’autobus.

311 Lorsqu’un chauffeur d’autobus ne distribue pas de cartes E-311 à ses passagers, un agent des services frontaliers doit alors procéder verbalement à une inspection primaire afin de déterminer l’admissibilité des biens rapportés au Canada. Cette étape peut se résumer à demander aux passagers s’ils ont acheté des biens et s’ils sont tous citoyens canadiens. Le surintendant Ashikian a obtenu cette information auprès du chef intérimaire Bonnett et de la surintendante Anderson. Le surintendant Ashikian a dit que les cartes E-311 n’étaient pas exigées aux postes frontaliers terrestres.

312 Le surintendant Ashikian a affirmé qu’un agent des services frontaliers peut légalement demander qu’un voyageur l’accompagne à l’intérieur du bureau frontalier terrestre s’il a une raison valable de le faire et s’il agit conformément aux pouvoirs qui lui sont délégués en vertu de la Loi sur les douanes.

313 Le surintendant Ashikian a convenu que les voyageurs doivent déclarer les biens qu’ils transportent, conformément aux exigences du ministre responsable des douanes.

314 Le surintendant Ashikian a confirmé qu’il avait reçu son mandat le 12 décembre 2006 et que le dossier était achevé le 17 août 2007. Il a terminé son enquête avec la conclusion de l’interrogation du fonctionnaire. Le surintendant Ashikian a alors pris le temps de rédiger son rapport (pièce E-9), qu’il a déposé au début du mois de mai 2007. Son gestionnaire l’a révisé, et il y a peut-être eu quelques modifications avant que le rapport ne soit transmis au directeur. Les modifications apportées étaient d’ordre grammatical ou administratif, et un paragraphe du résumé a été modifié. On n’a pas demandé au surintendant Ashikian de changer la conclusion de son rapport. Une fois le rapport terminé, le surintendant Ashikian a signé la page de signature et l’a renvoyée par télécopieur, et le rapport a été assemblé. Son directeur et lui étaient satisfaits du rapport.

315 Le surintendant Ashikian n’a pas trouvé que le temps consacré à l’enquête était excessif. Il a eu des périodes de congé et il avait d’autres enquêtes à réaliser. Il croit que le temps pris pour effectuer l’enquête était dans la moyenne.

316 Les commentaires suivants, formulés par le surintendant Ashikian à la page 15 de son rapport (pièce E-9), portent sur la déclaration du fonctionnaire (pièce E-9, annexe A) lors de l’entrevue et sur le changement de la conclusion de la déclaration du fonctionnaire (pièce E-9, page 6) :

[Traduction]

[…]

e) Le défendeur a eu le temps de digérer l’information et les conclusions obtenues au moyen d’entrevues avec les témoins avant de répondre plus en détail à l’allégation. Le défendeur a déclaré qu’il avait été perturbé par le fait que le chauffeur prétendait qu’il ne pouvait voir, ce qui aurait mené à l’incident, mais qu’il n’avait pas eu l’intention de créer un incident. Le défendeur a demandé de changer la « conclusion » de son rapport écrit de l’incident. Il a déclaré verbalement et a consigné par écrit dans son rapport modifié qu’il admettait entièrement sa responsabilité pour le rôle qu’il a joué dans l’incident. Il a également admis que les versions des faits des témoins étaient plus exactes que la sienne.

 […]

La conclusion écrite ne fait pas mention de la pleine responsabilité, mais seulement de la responsabilité du fonctionnaire relativement à son rôle dans l’incident.

317 On a demandé au surintendant Ashikian si le fonctionnaire avait modifié spontanément la conclusion de sa déclaration (pièce E-9, page 6), qui s’énonce comme suit : [traduction] « J’aurais pu gérer la situation d’une manière plus appropriée et obtenir tout de même un résultat satisfaisant pour tous les intervenants ». Le surintendant Ashikian a dit qu’il y avait eu des discussions au sujet de la déclaration du fonctionnaire (pièce E-9, annexe A) et qu’il était ressorti de ces discussions que si le fonctionnaire désirait reformuler sa conclusion, il pouvait le faire. Le surintendant Ashikian n’a pas laissé entendre que l’Agence traiterait l’affaire différemment si le fonctionnaire modifiait sa conclusion. Le surintendant Ashikian a nié avoir forcé le fonctionnaire à modifier sa conclusion. Le surintendant Ashikian a dit qu’il ne forçait la main de personne. Il a félicité le fonctionnaire lorsque celui-ci a admis sa responsabilité.

318 Le surintendant Ashikian n’a pas discuté de son rapport (pièce E-9) avec M. Delgaty, le chef Clarke ou le fonctionnaire après l’avoir écrit. Il a précisé que lorsqu’un rapport est terminé, toute l’affaire tombe entre les mains de la direction. Les Affaires internes ne sont pas informées du résultat.

319 On n’a pas demandé au surintendant Ashikian si le fonctionnaire avait fait des déclarations mensongères durant l’entrevue. Le surintendant Ashikian a dit que le fonctionnaire avait coopéré, mais qu’il avait fallu un certain temps pour obtenir sa déclaration (pièce E-9, annexe A) et qu’il n’avait pas fourni ses notes, malgré les encouragements du surintendant Ashikian en ce sens. Le surintendant Ashikian ne savait pas si le fonctionnaire était en congé durant l’enquête, ni qu’il était revenu d’un congé parental peu de temps avant l’entrevue.

320 Le surintendant Ashikian a de l’expérience dans le traitement des autobus à la frontière. Selon lui, il est permis de sortir de l’autobus à moins que l’inspection primaire soit en cours. M. Tse-Chun a profité de l’occasion pour sortir les déchets de son autobus. Le surintendant Ashikian a demandé pourquoi on le lui interdirait, alors que l’Agence met des poubelles à la disposition des voyageurs et que l’autobus n’était pas encore dans la voie réservée à l’inspection primaire.

321 Le fonctionnaire a laissé entendre qu’il existait trois versions différentes de l’incident. Il a demandé au surintendant Ashikian comment il avait pu déterminer laquelle était exacte. Le surintendant Ashikian a répondu qu’il avait quatre versions de l’incident et qu’il n’en avait pas choisi l’une ou l’autre, parce que trois d’entre elles étaient très semblables. Il était clair que ni Mme Hellsten ni Mme Backman n’avaient vu le fonctionnaire empoigner M. Tse-Chun par la nuque ou par le collet. Le surintendant Ashikian a précisé que l’un des témoins avait déclaré que M. Tse-Chun avait été empoigné par le cou et que les autres avaient dit que M. Tse-Chun avait été empoigné par l’épaule. Le surintendant Ashikian a tiré ses conclusions en tenant compte des déclarations de tous les témoins et de ses entrevues avec eux.

322 Le surintendant Ashikian a décidé qu’il n’était pas dans l’intérêt de l’Agence d’interroger les enfants qui étaient à bord de l’autobus, puisqu’il avait les déclarations de deux adultes.

323 Le surintendant Ashikian a déclaré qu’il comprenait que Mme Backman avait regardé à l’extérieur parce que les passagers de l’autobus étaient agités.

324 Le surintendant Ashikian n’a pas interrogé de nouveau Mme Hellsten ou Mme Backman après avoir parlé au fonctionnaire des écarts entre sa déclaration (pièce E-9, annexe A) et celles de Mme Hellsten et de Mme Backman (pièces E-1 et E-2).

325 Le surintendant Ashikian a nié avoir dit au fonctionnaire et à l’agent Sullivan qu’il ne remettait pas en question les directeurs. Il a déclaré qu’il ne confrontait jamais un témoin au sujet de sa déclaration. Il pose des questions. La direction a besoin d’entendre les détails de toutes les versions des faits. Il a expliqué que les témoins dans une enquête sont indépendants et que le d défendeur devrait pouvoir répondre à toutes les allégations contre lui.

326 Le surintendant Ashikian s’est rappelé que le fonctionnaire avait mentionné dans sa déclaration (pièce E-9, annexe A) qu’il s’était senti menacé. Le fonctionnaire n’a pas fait ce commentaire quand il a été interrogé. Le surintendant Ashikian a déclaré qu’il n’avait aucune raison de ne pas le croire.

327 On a demandé au surintendant Ashikian si c’était la procédure normale de faire sortir un chauffeur de son autobus et s’il s’agissait d’un repositionnement tactique. Le surintendant Ashikian a déclaré qu’il ne s’agissait pas d’une situation de recours à la force. Le fonctionnaire et M. Tse-Chun se trouvaient dans ce qui aurait dû être une situation d’entrevue primaire. Ils discutaient de questions ne présentant aucun intérêt pour l’Agence. Aucun repositionnement tactique n’était nécessaire.

328 Le surintendant Ashikian ne s’est pas appuyé sur le Manuel d’exécution des douanes, la Loi sur les douanes ou le Code criminel pour déterminer si le fonctionnaire avait fait usage d’une force excessive.

329 On a demandé au surintendant Ashikian si les agents des services frontaliers devaient se préoccuper des questions de santé et de sécurité. Il a répondu que c’était le cas, que les questions de santé et de sécurité n’étaient pas un devoir primaire ou secondaire des agents des services frontaliers, mais qu’il s’agissait d’une responsabilité supplémentaire. 

330 Le surintendant Ashikian s’est fondé sur sa connaissance des politiques et des procédures de l’Agence pour rendre sa décision. Il a déclaré que les passagers s’arrêtent normalement dans une zone d’inspection primaire. Le fonctionnaire avait la charge de l’inspection primaire quand il a demandé les cartes E-311, mais il n’a pas terminé l’inspection. Il en a été détourné et n’a pas effectué le traitement des passagers. Un autre agent des services frontaliers a dû procéder au traitement des passagers. Le surintendant Ashikian n’a pas interrogé la personne qui est venue remplacer le fonctionnaire, car la surintendante Anderson ne se rappelait pas à qui elle avait confié cette tâche.

331 Le surintendant Ashikian a expliqué qu’il était inutile de considérer les définitions du Code criminel, car l’incident était de nature civile. Il a établi qu’il y avait eu recours à la force, et que la force utilisée était excessive, car aucune force n’était nécessaire dans cette situation. Il a indiqué que des termes communs avaient été employés et qu’il n’y avait eu aucune infraction criminelle.  

332 Le surintendant Ashikian a déclaré que les agents des services frontaliers devaient agir de manière professionnelle et objective. Ils ne doivent pas laisser leurs émotions influer sur leur application du MIGI. M. Tse-Chun était coopératif. Si quelque chose est arrivé à l’extérieur, c’était en réponse aux gestes du fonctionnaire.

333 Le surintendant Ashikian a déclaré qu’il n’était pas légitime de demander à M. Tse-Chun de descendre de l’autobus pour régler une question de vision, alors que la responsabilité première du fonctionnaire était de procéder au traitement des passagers. 

334 Le surintendant Ashikian a déclaré que ce n’était pas la politique de l’Agence d’entraîner quelqu’un dans une pièce à part si un problème survient. Il a indiqué qu’un agent des services frontaliers ne doit pas répandre ses propres contrariétés, ni son niveau élevé de stress quand le sujet est coopératif. Le surintendant Ashikian a déclaré que le fait qu’un agent des services frontaliers se soit senti agressé n’entre pas en ligne de compte. Quand il analyse une situation, l’agent des services frontaliers doit être professionnel.

c. Réinterrogatoire

335 On a demandé au surintendant Ashikian si les discordances dans les déclarations des témoins, à savoir si le fonctionnaire avait saisi M. Tse-Chun par le cou ou par l’épaule, avaient pesé lourd dans ses conclusions. Le surintendant Ashikian a répondu qu’il ne les avait pas considérées comme importantes, puisque les témoins s’entendaient sur le fait que le fonctionnaire avait eu recours à la force.

6. Témoignage du chef Clarke

a. Interrogatoire principal

336 Le chef Clarke est actuellement le gestionnaire responsable de la formation et de l’apprentissage dans les régions, poste qu’il occupe depuis novembre 2007. En octobre 2006, il était directeur intérimaire du district Pacific Highway et l’est demeuré jusqu’en avril 2007. Sa principale responsabilité en tant que directeur intérimaire était de superviser l’administration des postes frontaliers du district Pacific Highway ainsi qu’environ 350 employés. Cinq chefs relevaient de lui. Il relevait de M. Delgaty.

337 La surintendante Anderson a porté l’incident à l’attention du chef Clarke. Le chef Clarke a déclaré que la surintendante Anderson n’était pas entrée dans les détails. La surintendante Anderson et son chef, le chef intérimaire Bonnett, se seraient occupés de faire le suivi nécessaire auprès du fonctionnaire. Mme Hellsten a décrit au chef Clarke l’incident relatif au traitement de l’autobus, a mentionné qu’on avait fait descendre M. Tse-Chun de l’autobus et a parlé de la question des cartes E-311. L’agressivité et la conduite professionnelle du fonctionnaire étaient en cause.

338 Le chef Clarke a dit avoir été choqué de cet incident et a demandé à Mme Hellsten de préparer une déclaration écrite. Il a demandé que toute autre personne ayant été témoin de l’incident fournisse aussi une déclaration.

339 Le 20 novembre 2006, le chef Clarke a reçu de Mme Hellsten un courriel auquel elle avait joint sa déclaration (pièce E-1) ainsi que celle de Mme Backman (pièce E-2). Après avoir pris connaissance de ces déclarations, le chef Clarke a été grandement préoccupé par ces allégations. Le fonctionnaire n’était pas nommé dans les déclarations, mais le chef Clarke a conclu qu’il s’agissait probablement de lui, étant donné la conversation que le chef Clarke avait eue avec la surintendante Anderson. Le 22 novembre 2006, le chef Clarke a porté à l’attention de M. Scoville les graves allégations d’inconduite portées contre le fonctionnaire, y compris le recours à la force, et il a demandé qu’une enquête interne soit menée relativement à la conduite du fonctionnaire.

340 Le 24 novembre 2006, le chef Clarke a rencontré le fonctionnaire. Il l’a informé que des allégations avaient été formulées à l’égard de sa conduite, que les Affaires internes feraient un examen de l’incident et qu’à compter de ce jour, le fonctionnaire relèverait du Centre de traitement CANPASS en tant qu’agent des services frontaliers - évaluation du risque (pièce E-12). Le fonctionnaire était vexé par cette nouvelle.

341 Le Centre de traitement CANPASS est situé au poste frontalier Pacific Highway. Les tâches du fonctionnaire ne concernaient pas l’exécution de la loi; le traitement des passagers et des marchandises; il occupait un poste administratif. Au Centre de traitement CANPASS, le fonctionnaire menait des enquêtes pour déterminer si des demandeurs étaient admissibles au programme CANPASS. La plus grande partie de son travail consistait à faire des vérifications dans des bases de données et à avoir quelques conversations avec des personnes, mais les interactions en personne étaient limitées. Le chef Clarke a affecté le fonctionnaire à ce poste en raison des allégations découlant de l’incident. Le chef Clarke était aussi au courant des plaintes déposées antérieurement contre le fonctionnaire.

342 Entre la mi-décembre et la fin décembre 2006, le surintendant Ashikian a communiqué avec le chef Clarke pour l’informer qu’il avait été désigné pour procéder à l’enquête. Le surintendant Ashikian a dit au chef Clarke qu’il aurait besoin que la surintendante Anderson lui fasse parvenir un rapport ou un compte rendu par l’entremise du chef intérimaire Bonnett. L’objectif était d’identifier les employés qui étaient de service le soir de l’incident.

343 Après la nomination du surintendant Ashikian pour l’enquête sur l’incident, le chef Clarke n’a participé à l’enquête que lorsque Mme Stewart lui a transmis le rapport d’enquête (pièce E-9), en septembre 2007. Le chef Clarke a reçu le rapport et son annexe A, qui contenait la note écrite à la main par le fonctionnaire (à la page 6), qui se lit comme suit : [traduction] « J’aurais pu gérer la situation d’une manière plus appropriée et obtenir tout de même un résultat satisfaisant pour tous les intervenants ». Le chef Clarke a pris connaissance du rapport; il a été préoccupé par les conclusions et par l’honnêteté du fonctionnaire durant l’enquête. Le chef Clarke a communiqué avec Bob Hepplewhite, un conseiller en relations de travail de l’Agence, pour discuter des conclusions du rapport et décider des prochaines étapes, étant donné les conclusions du recours abusif à la force par le fonctionnaire et l’écart entre la version du fonctionnaire et celles des témoins.

344 Dans son témoignage, le chef Clarke a parlé de ses préoccupations à propos des différences entre les versions des témoins et du fonctionnaire, et a dit pourquoi il a décidé d’enquêter sur la sincérité du fonctionnaire. Le chef Clarke était préoccupé par les points suivants :

  • la déclaration du fonctionnaire (pièce E-9, annexe A) selon laquelle il était calme et avait agi de façon professionnelle, alors que M. Tse-Chun se montrait difficile;
  • la déclaration de M. Tse-Chun (pièce E-20) selon laquelle le fonctionnaire s’était adressé à lui en criant et l’avait poussé, ainsi que les déclarations de Mme Hellsten et de Mme Backman (pièces E-1 et E-2) selon lesquelles M. Tse-Chun était calme, alors que le fonctionnaire avait haussé le ton, posé des questions rapidement à M. Tse-Chun sans donner à ce dernier le temps de répondre, sermonné M. Tse-Chun d’un ton condescendant, et placé brusquement devant M. Tse-Chun les directives sur les déplacements en autobus (pièce E-11);
  • M. Tse-Chun s’était apparemment disputé avec le fonctionnaire et avait dit n’avoir jamais entendu parler de ce règlement [traduction] « ridicule » (de fournir les cartes E-311), mais les témoins ont déclaré qu’elles-mêmes n’avaient jamais eu à remplir ces cartes avant le jour de l’incident;
  • la déclaration du fonctionnaire selon laquelle M. Tse-Chun argumentait, était irascible et irritable;
  • la question de la vision, à propos de laquelle M. Tse-Chun a déclaré qu’il ne pouvait pas lire, alors que le fonctionnaire a déclaré que M. Tse-Chun ne pouvait pas voir;
  • les témoins ont déclaré que M. Tse-Chun n’avait pas changé de comportement, alors que le fonctionnaire avait agité le doigt et crié; quant à lui, le fonctionnaire a déclaré qu’il avait essayé de calmer M. Tse-Chun;
  • le fonctionnaire a dit que M. Tse-Chun n’était pas coopératif, mais les témoins ne l’ont pas décrit ainsi; la description donnée par le fonctionnaire semblait exagérée;
  • le fonctionnaire a déclaré que M. Tse-Chun tenait des propos injurieux et qu’il parlait fort, ce que les passagers n’ont pas observé;
  • le fonctionnaire a déclaré que M. Tse-Chun était devenu de plus en plus agressif; quant aux témoins, ils ont été choqués de voir le fonctionnaire empoigner M. Tse-Chun par la veste, près du cou, et le pousser vers l’avant;
  • le fonctionnaire s’est décrit comme calme, mais les témoins ont dit qu’il avait un comportement conflictuel et intimidant;
  • le fonctionnaire a qualifié M. Tse-Chun de difficile, et il se demandait comment il se faisait que la surintendante Anderson n’ait pas observé la même chose et qu’elle ait déclaré que M. Tse-Chun ne parlait pas fort et n’argumentait pas.

345 Le chef Clarke a enquêté sur les divergences entre la déclaration qu’avait faite le fonctionnaire (pièce E-9, annexe A) au surintendant Ashikian et les déclarations des témoins. Il a demandé à la surintendante Anderson de lui fournir une déclaration plus détaillée. Il a reçu la déclaration plus détaillée de la surintendante Anderson, datée du 16 septembre 2007 (pièce E-6).

346 Le 20 septembre 2007, le chef Clarke a envoyé un courriel au fonctionnaire (pièce E-13) pour le convoquer à une rencontre préalable à l'audience disciplinaire qui aurait lieu le 24 septembre 2007 et à laquelle le fonctionnaire pourrait être accompagné d’un représentant de son choix de l’agent négociateur. Le courriel contenait le passage suivant :

[Traduction]

[…]

L’objectif de la réunion est de vous donner l’occasion de prendre connaissance des résultats de l’enquête qu’a effectuée les Affaires internes concernant une allégation selon laquelle vous avez eu recours à une force excessive lorsque vous avez escorté un chauffeur d’autobus depuis l’aire de stationnement des autobus nolisés jusqu’au bureau du poste frontalier Pacific Highway le 22 octobre 2006. Durant cette réunion, vous pourrez aussi formuler des commentaires supplémentaires. La présente est aussi pour vous informer qu’à la suite de l’enquête des Affaires internes, on a soulevé une allégation selon laquelle vous n’avez pas dit la vérité au cours de l’enquête. Cette rencontre préalable à l'audience disciplinaire vous permettra également d’exprimer des commentaires à propos de cette allégation.

[…]

347 À la réunion, le chef Clarke et le surintendant Shawn Saran étaient présents au nom de l’Agence, ainsi que le fonctionnaire et l’agent Sullivan. Le fonctionnaire a réitéré qu’il n’avait aucune intention de mentir ou de tromper, et que tout était une question de perception. Il a dit que M. Tse-Chun n’était pas calme ni coopératif pendant l’incident, qu’il était difficile et fâché, et qu’il criait et agitait le bras.

348 Le fonctionnaire a fourni les mêmes renseignements que ceux qu’il avait donnés pendant l’enquête. Il a formulé des réserves à propos de l’enquête et s’est dit préoccupé de l’absence de cinq pages de notes écrites à la main. Le chef Clarke lui a répondu qu’il ferait un suivi à ce sujet.

349 À la suite de la rencontre du 24 septembre 2007 en prévision de l'audience disciplinaire, le chef Clarke a demandé d’autres renseignements à la surintendante Anderson, qui a fourni une autre déclaration le 18 octobre 2007 (pièce E-7).

350 Pour donner suite à la réunion avec le fonctionnaire, le chef Clarke s’est informé auprès du surintendant Ashikian à propos des cinq pages écrites à la main qui n’étaient pas dans le rapport d’enquête (pièce E-9). Le surintendant Ashikian a informé le chef Clarke qu’il s’agissait des notes prises pendant l’entrevue avec le fonctionnaire et que ces notes constituaient la base du rapport d’enquête.

351 Le chef Clarke a rencontré le fonctionnaire et l’agent Sullivan le 16 octobre 2007, après avoir reçu de nouveaux renseignements de la surintendante Anderson et du surintendant Ashikian. Il leur a transmis l’information que lui avait donnée le surintendant Ashikian selon laquelle les pages qui manquaient dans le rapport d’enquête (pièce E-9) faisaient partie intégrante du rapport, ainsi que l’information de la surintendante Anderson selon laquelle M. Tse-Chun n’avait pas eu une attitude de confrontation en sa présence. Le fonctionnaire n’a apporté aucun changement à la déclaration (pièce 9, annexe A) qu’il avait faite au surintendant Ashikian.

352 Après la rencontre, le fonctionnaire a envoyé un courriel (pièce E-14) au chef Clarke, le 16 octobre 2007, pour l’aviser qu’il croyait que le surintendant Brezden avait de l’information à fournir. Le chef Clarke a reçu du surintendant Brezden un courriel daté du 24 octobre 2007 (pièce E-15) ainsi qu’une déclaration non datée (pièce E-16). Cette information indiquait clairement que le surintendant Brezden n’était pas de service et n’avait pas été témoin des événements en cause. L’essentiel de l’information qu’il a fournie était que la surintendante Anderson lui avait dit quelques jours après l’incident que M. Tse-Chun avait été difficile et qu’elle avait dû le calmer. Fait intéressant, le courriel du 24 octobre 2007 et la déclaration non datée du surintendant Brezden ne mentionnent pas l’incident du recours à la force par le fonctionnaire.

353 Le chef Clarke a rencontré de nouveau la surintendante Anderson au sujet de l’information fournie par le fonctionnaire et de celle qu’il avait obtenue du surintendant Brezden. La surintendante Anderson a indiqué au chef Clarke qu’il n’était pas inhabituel, après un incident, de faire des blagues à propos du comportement d’un passager.

354 Le chef Clarke a établi que le fonctionnaire avait menti au cours de l’enquête, puisque la version des faits donnée par le fonctionnaire différait nettement des versions des témoins. Le fonctionnaire avait eu recours à la force et n’avait pas préparé de rapport sur l’incident, contrairement à ce qui est requis. Le chef Clarke a témoigné qu’il était d’avis que le fonctionnaire avait inventé cette histoire voulant que M. Tse-Chun était menaçant, abusif, difficile et agressif pour justifier les actes que le fonctionnaire avait posés à l’égard de M. Tse-Chun.

355 L’information et les documents que le chef Clarke a utilisés pour établir que le fonctionnaire avait menti comprenaient la déclaration du 18 octobre 2007 de la surintendante Anderson (pièce E-7), un courriel du 16 octobre 2007 du fonctionnaire (pièce E-14), le courriel du 24 octobre 2007 du surintendant Brezden (pièce E-15) et la déclaration non datée du surintendant Brezden (pièce E-16), ainsi que d’autres documents. Le chef Clarke a eu des discussions avec M. Hepplewhite et a conclu qu’il y avait lieu d’imposer une sanction disciplinaire pour le recours à une force excessive et pour les déclarations mensongères durant l’enquête.

356 Le chef Clarke a avisé le fonctionnaire, par courriel (pièce E-17), que ce dernier devait se présenter à une réunion disciplinaire qui se tiendrait le 26 octobre 2007 et que cette réunion porterait sur la décision disciplinaire. Le chef Clarke n’était pas présent à cette réunion.

b. Contre-interrogatoire

357 Avant de présenter sa déclaration (pièce E-1) au chef Clarke, Mme Hellsten lui a parlé du problème survenu lors du traitement de l’autobus. Le chef Clarke a déclaré qu’au cours de leur conversation du 3 novembre 2006, il avait dit à Mme Hellsten qu’il était au courant qu’il y avait eu une interaction entre un agent des services frontaliers et un chauffeur d’autobus, mais qu’il ne connaissait pas les détails de l’affaire. Le chef Clarke a demandé à Mme Hellsten de fournir une déclaration. Le chef Clarke a dit qu’il avait été suffisamment choqué lorsqu’il a entendu la version de Mme Hellsten pour lui demander d’écrire une déclaration. Il ne connaissait pas l’ensemble des circonstances avant de lire la déclaration de Mme Hellsten.

358 Après avoir reçu les déclarations de Mme Hellsten et de Mme Backman (pièces E-1 et E-2) et avoir pris conscience de toute l’ampleur des allégations, le chef Clarke a jugé que l’incident était assez grave pour demander l’ouverture d’une enquête. Le chef Clarke a envoyé les déclarations au chef intérimaire Bonnett et à Eva Ann MacIntyre, surintendante administrative au poste frontalier Pacific Highway. Le chef Clarke a aussi parlé à M. Scoville de l’ouverture d’une enquête.

359 Le chef Clarke a laissé les détails de l’enquête entre les mains du surintendant Ashikian — y compris l’interrogatoire de tous les témoins —, car c’est ainsi que les enquêtes sont menées.

360 On a demandé au chef Clarke pourquoi son nom figurait comme plaignant. Il n’a pas déposé de plainte écrite. Il a soulevé la question avec M. Scoville; c’est pourquoi le chef Clarke figure comme plaignant dans le rapport d’enquête (pièce E-9).

361 Le chef Clarke n’était pas surpris que M. Tse-Chun n’ait pas déposé de plainte. Cela ne signifie pas qu’il n’y a pas eu d’incident ou de comportement inacceptable. Le chef Clarke a expliqué que, fondamentalement, les gens sont inquiets et ne veulent pas créer de remous.

362 On a demandé au chef Clarke pourquoi on n’avait pas fait appel à un expert du recours à la force. Il a répondu que le fonctionnaire n’avait pas présenté de rapport sur le recours à la force et que l’Agence devait faire une enquête sur la conduite d’un agent des services frontaliers. Il incombe à l’agent des services frontaliers de soumettre le rapport sur le recours à la force au surintendant responsable, qui le transmet à son chef. La surintendante Anderson n’était pas au courant des allégations de recours à la force avant que le surintendant Ashikian l’en informe.

363 Le chef Clarke a déclaré que le surintendant Ashikian ne lui avait jamais demandé de rapports, d’horaires des quarts de travail ou d’enregistrements vidéo. Il a dit qu’ordinairement, ce genre de demande est présenté au chef du poste frontalier.

364  Le chef Clarke ne savait pas combien de temps on conservait les enregistrements vidéo, car différents systèmes ont été utilisés au fil du temps, et la durée de conservation était différente selon les systèmes. Il n’était pas certain de la capacité de mémoire du système d’enregistrement qui était utilisé au moment de l’incident; il croyait que c’était peut-être 30 jours.

365 Le chef Clarke a parlé à Mme Hellsten et lui a demandé, vers le 3 novembre 2006, de rédiger une déclaration. Il a reçu la déclaration de Mme Hellsten (pièce E-1) le 20 novembre 2006.

366 Le chef Clarke n’avait pas pensé se procurer les bandes vidéo du 22 octobre 2006, qui auraient peut-être encore été disponibles. Il pensait que les horaires des quarts de travail auraient été conservés pendant une longue période. Il ne traite pas les horaires des quarts dans le cadre de son travail. Il a admis que les bandes de surveillance vidéo auraient été utiles si elles avaient été disponibles. Le chef Clarke n’a pris aucune mesure pour se procurer des preuves, que ce soit les bandes vidéo ou les horaires des quarts de travail.

367 Le chef Clarke s’est fié au rapport d’enquête (pièce E-9) pour en arriver à ses conclusions. Il n’a jamais fourni les cinq pages de notes au fonctionnaire, bien que le surintendant Ashikian ait indiqué au chef Clarke que ces pages constituaient le fondement du rapport. Le chef Clarke jugeait raisonnable l’explication du surintendant Ashikian, car il connaît le processus et il sait que les rapports sont rédigés à partir des notes. Toutefois, rien dans l’annexe A du rapport ne correspond au paragraphe 12(e) de la page 15, qui se lit comme suit :

[Traduction]

[…]

e) Le défendeur a eu le temps de digérer l’information et les conclusions obtenues au moyen d’entrevues avec les témoins avant de répondre plus en détail à l’allégation. Il a déclaré qu’il avait été perturbé par le fait que le chauffeur prétendait qu’il ne pouvait voir, ce qui aurait mené à l’incident, mais qu’il n’avait pas eu l’intention de créer un incident. Le défendeur demandé de changer la « conclusion » de son rapport écrit de l’incident. Il a déclaré verbalement et a consigné par écrit dans son rapport modifié qu’il admettait entièrement sa responsabilité pour le rôle qu’il a joué dans l’incident. Il a également admis que les versions des faits des témoins étaient plus exactes que la sienne.

 […]

368 Le chef Clarke n’a pas demandé d’enquête des Affaires internes sur la question de la véracité des déclarations du fonctionnaire, car le rapport d’enquête (pièce E-9) contenait l’information sur le déroulement de l’incident. Il estimait que l’information appuyant une allégation de déclarations mensongères se trouvait dans le rapport d’enquête. Il ne voyait pas la nécessité d’obtenir les notes du surintendant Ashikian sur les entrevues ou de s’entretenir avec les témoins. Le chef Clarke en est arrivé à la conclusion que le fonctionnaire avait menti en se fondant sur l’ensemble de l’information dont il disposait.

369 Le chef Clarke a indiqué que l’Agence était préoccupée par le fait que la force ait été utilisée, et il estimait que la légitimité de cette force ne dépendait pas du fait que le fonctionnaire ait saisi le cou, le collet ou l’épaule de M. Tse-Chun. Le chef Clarke ne considérait pas les différences entre les versions comme étant dramatiques, car les comptes rendus des gens sur la situation choquante auraient été difficiles à traiter. Le chef Clarke jugeait que sur le fond, les déclarations de Mme Backman (pièce E-2), de Mme Hellsten (pièce E-1) et de M. Tse-Chun (pièce E-20) étaient similaires.

370 Le chef Clarke a confirmé qu’il avait rencontré le fonctionnaire le 24 septembre et le 16 octobre 2007, avec le surintendant Saran. Le chef Clarke a donné suite aux préoccupations soulevées par le fonctionnaire à propos de l’information fournie par la surintendante Anderson. Le chef Clarke a parlé à la surintendante Anderson le 1er octobre et a reçu d’elle des renseignements supplémentaires le 18 octobre.

371 Pour ce qui est de la conversation entre le surintendant Brezden et la surintendante Anderson, le chef Clarke a dit qu’en général, les surintendants ne discutent pas avec leurs collègues des détails qui concernent la conduite des agents des services frontaliers, à cause des questions de protection des renseignements personnels. Le chef Clarke a aussi indiqué que c’était apparemment une soirée très chargée, qu’une directrice de l’Agence avait été témoin de l’inconduite d’un agent des services frontaliers et qu’un sentiment de frustration avait découlé d’une interaction prolongée entre le fonctionnaire et M. Tse-Chun à propos des cartes E-311 qui n’avaient pas été remplies. Le chef Clarke a souligné que les commentaires du surintendant Brezden n’ont pas eu d’incidence importante sur la façon dont il a déterminé comment l’incident s’était déroulé.

372 Le chef Clarke a témoigné que lorsqu’un rapport sur le recours à la force est soumis, on le transmet au centre de formation, où il est analysé. Les agents des services frontaliers ne peuvent pas communiquer en tout temps avec les formateurs sur le recours à la force. Si les formateurs du centre ont besoin de renseignements supplémentaires, ils retournent le rapport. La plupart du temps, la communication se fait par les voies normales de la structure administratives.

373 Le chef Clarke a suivi une formation sur le recours à la force. En raison d’une blessure qu’il a subie, son attestation de formation est périmée.

374 Les agents des services frontaliers sont tenus d’utiliser plusieurs méthodes différentes pour évaluer les capacités, l’intention et les moyens lorsqu’ils évaluent le risque à l’aide du MIGI. Il ne s’agit pas simplement du recours à la force. Lorsqu’ils ont affaire à un sujet contrarié et fâché, les agents des services frontaliers peuvent utiliser la communication et des mesures raisonnables pour créer une distance, et ils peuvent prévenir le sujet qu’il peut être mis en état d’arrestation. La force utilisée doit être la force minimale requise pour obtenir que le sujet obéisse. L’Agence s’attend à ce que les agents frontaliers terrestres communiquent avec les sujets et désamorcent les situations. Le chef Clarke a dit que le fait de saisir une veste pourrait entrer dans la catégorie des techniques légères de contrôle à mains nues et être une première étape, si le recours à la force est nécessaire.

375 Le chef Clarke savait que le fonctionnaire avait dit que M. Tse-Chun n’était pas coopératif et que ce dernier s’était tourné vers le fonctionnaire lorsque les deux étaient à l’extérieur de l’autobus. Le chef Clarke n’a pas cru ou accepté la version des faits du fonctionnaire et s’est fié aux versions de Mme Hellsten, Mme Backman et M. Tse-Chun, telles que fournies dans le cadre de l’enquête. Le chef Clarke a dit qu’il avait examiné les déclarations des témoins et qu’il en était arrivé à la même conclusion que le surintendant Ashikian.

376 Le fonctionnaire a suggéré que sa perception de l’incident différait des déclarations des témoins. Le chef Clarke a dit que des différences de perception étaient possibles, mais qu’on avait demandé au fonctionnaire de fournir une déclaration, et le chef Clarke s’attendait à ce que les différences, s’il y en avait, soient légères et peu importantes, si cela revenait à une question d’interprétation.

377 L’Agence s’attend à ce que la version des incidents donnée par ses agents des services frontaliers, en tant qu’agents d’exécution de la loi, soit véridique, honnête et exacte. Il arrive que des agents des services frontaliers prétendent que leur version est la façon dont ils perçoivent les événements qui se sont déroulés, mais que cette version ne soit pas véridique.

378 Dans le présent cas, le fonctionnaire n’a pas produit de rapport sur le recours à la force. Selon son plan de travail, il devait faire rapport sur tout incident survenant pendant une mesure d’exécution, il ne devait pas sermonner ou intimider les gens durant l’exécution, il devait fournir un compte rendu détaillé de tout incident à la surintendante Anderson, et il devait demander de l’aide. L’incident est arrivé pendant le traitement habituel d’un autobus. La surintendante Anderson n’était pas au courant de toutes les circonstances entourant l’incident, et le fonctionnaire aurait dû posséder les compétences et les habiletés pour travailler comme agent des services frontaliers.

379 Le fonctionnaire a laissé entendre qu’il avait porté la situation à l’attention de la surintendante Anderson et que celle-ci n’avait rien fait d’autre que de lui demander de régler le problème lui-même. Le chef Clarke avait compris qu’il y avait eu un dialogue entre la surintendante Anderson et le fonctionnaire.

380 Le chef Clarke a déclaré que l’Agence était préoccupée par le fait que le fonctionnaire pourrait être impliqué dans des situations où il risque de perdre la maîtrise. Une partie de la méthode que le fonctionnaire devait utiliser était de se retirer de la situation, d’en parler avec quelqu’un d’autre et de se calmer.

381 Le chef Clarke voyait une distinction entre l’incapacité de M. Tse-Chun de ne pas voir et celle de ne pas pouvoir lire. Toutefois, considérant l’incident dans son ensemble, le chef Clarke a fait remarquer que M. Tse-Chun avait apparemment conduit l’autobus depuis Seattle sans problème et que le fonctionnaire avait demandé à M. Tse-Chun de lire un document dans l’autobus par une soirée pluvieuse.

382 Le chef Clarke considérait que le document sur les directives sur les déplacements en autobus (pièce E-11) était relativement complexe à lire pour une personne se trouvant dans un contexte d’application de la loi, avec un agent des services frontaliers à côté. Le chef Clarke a dit que l’incident mettait en cause un homme de 50 ans qui avait besoin de lunettes de lecture dans une situation d’intimidation et de stress. Le chef Clarke a dit que le fonctionnaire aurait dû comprendre l’effet qu’il avait sur M. Tse-Chun. La situation devait être une source de stress. Les directives sur les déplacements en autobus ne sont pas écrites en petits caractères, mais elles contiennent de nombreux mots difficiles à comprendre pour une personne qui a de la difficulté à lire, et elles sont en anglais.

383 Le chef Clarke a dit avoir remarqué l’écart entre la déclaration de Mme Hellsten (pièce E-1) et celle de M. Tse-Chun (pièce E-20) en ce qui concerne le nombre de voyages transfrontaliers que M. Tse-Chun avait faits auparavant. Le chef Clarke estime toutefois que cette question n’est pas importante.

384 Les agents des services frontaliers ont le pouvoir discrétionnaire de demander ou non les cartes E-311 aux passagers des autobus nolisés. Le chef Clarke ne croyait pas qu’il s’agissait d’une question importante en l’occurrence. L’agent des services frontaliers a le contrôle du traitement, et non du chauffeur. Un agent des services frontaliers peut demander les cartes E-311. Le fonctionnaire aurait pu demander à M. Tse-Chun de distribuer les cartes et de demander aux passagers de les remplir, puis le fonctionnaire serait revenu les chercher. Si M. Tse-Chun ne savait pas au juste si les cartes E-311 étaient nécessaires, le fonctionnaire aurait pu l’informer qu’elles étaient nécessaires et lui remettre les cartes pour que les passagers les remplissent. Il n’aurait pas été habituel de donner ce genre de directive. Il aurait dû y avoir un dialogue. Le chef Clarke a dit que les chauffeurs ne savent plus à quoi s’en tenir lorsque certains agents des services frontaliers ne leur demandent pas les cartes E-311 et que d’autres les demandent. L’objectif est d’obtenir la coopération des chauffeurs. C’est la manière qu’a utilisée le fonctionnaire pour récupérer les cartes E-311 qui constituait le problème, et non le fait de les demander. Plutôt que de mettre les directives sur les déplacements en autobus (pièce E-11) devant M. Tse-Chun et de lui dire de les lire, le fonctionnaire aurait dû expliquer cette exigence au chauffeur et lui fournir le document pour appuyer sa demande. Le fait de remettre un document à quelqu’un ne constitue pas une communication complète. Pour satisfaire aux attentes, il aurait dû y avoir un dialogue.

385 Les méthodes utilisées par le fonctionnaire n’ont peut-être pas été la meilleure façon de communiquer l’information. Le chef Clarke ne considérait pas qu’il y avait eu un manque de coopération de la part de M. Tse-Chun; il semble y avoir eu confusion quant à la compréhension de M. Tse-Chun. Le pouvoir discrétionnaire permet une certaine latitude; de nombreux agents des services frontaliers n’auraient pas exigé les cartes E-311, mais plutôt une déclaration verbale, étant donné qu’il y avait une grande affluence au poste frontalier, que de nombreux autobus étaient immobilisés et qu’un autobus transportant les joueurs d’une équipe de hockey de niveau bantam et leurs parents représente une situation à faible risque. Les agents des services frontaliers doivent évaluer le risque.

386 Le chef Clarke ne considère pas que le contenu des directives sur les déplacements en autobus (pièce E-11) doit être appliqué intégralement par les agents des services frontaliers. Les agents utilisent leur jugement pour déterminer si des cartes E-311 doivent être remplies. Les directives sur les déplacements en autobus sont un document d’appoint.

387 Le chef Clarke a expliqué que les agents des services frontaliers peuvent demander aux chauffeurs d’autobus de sortir de leur autobus pour discuter. Le fonctionnaire avait aussi le droit de demander à M. Tse-Chun d’entrer dans le bureau frontalier terrestre pour avoir une discussion avec lui. Ces pouvoirs sont précisés dans les dispositions de la Loi sur les douanes sur l’obligation des voyageurs de produire une déclaration.

388 Le chef Clarke a dit que le fait qu’une personne marche devant un agent des services frontaliers et décide de se retourner n’est pas une situation où l’usage de la force est indiqué, sauf si une agression est imminente. Le fait d’être agité ou contrarié n’équivaut pas à un comportement agressif.

389 Le fonctionnaire savait qu’il avait affaire à une personne contrariée, si l’on accepte sa version des faits. Il aurait dû se tenir à une certaine distance afin d’évaluer la situation correctement et éviter tout conflit. Il est normal de s’attendre à ce qu’un agent des services frontaliers formé établisse une certaine distance entre lui et le sujet, puisque cela donne à l’agent des services frontaliers le temps et l’espace requis pour déterminer si un sujet constitue une menace et comment il doit réagir à cette menace.

390 Le chef Clarke ne considère pas qu’il était convenable de la part du fonctionnaire de faire usage de la force à l’endroit de M. Tse-Chun simplement parce que celui-ci s’était retourné. L’Agence s’attend à ce que ses agents des services frontaliers sachent comment réagir en présence de personnes contrariées. Un agent des services frontaliers se doit d’évaluer la situation. M. Tse-Chun n’a pas proféré de menaces ni adopté une position d’attaque, et il y avait une différence de taille entre le fonctionnaire et M. Tse-Chun. La première chose qu’un agent des services frontaliers doit faire est d’établir une distance ou de se positionner de façon tactique et d’ordonner à la personne de continuer à marcher et de ne pas se retourner. Rien ne laisse supposer que ce dialogue a eu lieu.

391 Selon la version des faits donnée par le fonctionnaire, dans laquelle celui-ci affirme qu’il a dû faire usage de la force pour prévenir une agression imminente, le chef Clarke a déclaré que la politique de l’Agence demande que ces incidents soient déclarés à un surintendant et consignés dans un rapport sur l’usage de la force. Le chef Clarke a indiqué que, même si un agent des services croit qu’une agression est imminente, il doit avoir un motif raisonnable de le croire, et l’Agence examinera attentivement ce motif. Le chef Clarke a ajouté que la loi offre des protections dans les cas où un agent des services frontaliers agit raisonnablement.

392 Le chef Clarke a dit qu’il était raisonnable de la part du fonctionnaire de demander à M. Tse-Chun de sortir de l’autobus et d’entrer dans le bureau frontalier terrestre. Le chef Clarke a convenu que, si une personne est malade et qu'elle ne devrait pas voyager, l’agent des services frontaliers devrait emmener le passager pour une inspection secondaire. Le chef Clarke a admis qu’un chauffeur d’autobus qui ne peut pas voir alors qu’il transporte des passagers peut soulever des préoccupations en matière de santé et sécurité. Il est toutefois important de tenir compte du contexte, notamment à savoir s’il y avait des problèmes relativement à la conduite, si les passagers étaient inquiets, s’il s’agissait d’une difficulté à lire ou simplement l’absence de lunettes de lecture, ou encore si le chauffeur titubait.

393 En septembre 2007, le chef Clarke a rencontré le fonctionnaire et l’agent Sullivan pour discuter de l’usage de la force par le fonctionnaire au cours de cet incident et de son manque d’honnêteté durant l’enquête. Le chef Clarke a affirmé avoir reçu le rapport d’enquête (pièce E-9) au cours de la première ou de la deuxième semaine de septembre 2007. Il n’était pas préoccupé par le temps qu’il avait fallu pour préparer le rapport. Le chef Clarke ne se souvenait pas que le fonctionnaire lui ait demandé une rencontre plus tôt.

394 Dans son évaluation de la véracité des propos du fonctionnaire, le chef Clarke n’était pas préoccupé par le fait que Mme Hellsten n’avait pas immédiatement présenté une plainte de recours à une force excessive à la surintendante Anderson. Beaucoup d’employés de l’Agence respectent le processus établi, et Mme Hellsten ne travaillait pas au poste frontalier Pacific Highway. Le chef Clarke n’était pas préoccupé par le fait que Mme Hellsten ait discuté de l’incident avec d’autres personnes.

395 Le chef Clarke a déclaré qu’il avait examiné les différences entre le compte rendu du fonctionnaire et les déclarations des témoins. Le chef Clarke avait l’impression que le compte rendu du fonctionnaire n’était pas raisonnable et comprenait des déclarations mensongères.

396 Le chef Clarke n’a interrogé aucune des personnes présentes le soir de l’incident avant d’en arriver à la conclusion que le fonctionnaire avait fait des déclarations mensongères. Le chef Clarke avait entre les mains le rapport d’enquête (pièce E-9) ainsi que des commentaires de M. Hepplewhite. Le chef Clarke considérait avoir suffisamment de renseignements auxquels le fonctionnaire devait répondre. Le chef Clarke était au courant du fait que le fonctionnaire et l’agent Sullivan considéraient que les cinq pages de notes manquantes dans le rapport du surintendant Ashikian aideraient à déterminer ce que le fonctionnaire avait réellement déclaré durant l’enquête.

397 Le chef Clarke a dit que personne ne lui avait ordonné de lancer l’enquête sur les déclarations mensongères. Il s’agissait simplement de l’étape suivante à suivre. Bien que le fonctionnaire ne relevât pas du chef Clarke à ce moment-là, puisque le fonctionnaire était en affectation au Centre de traitement CANPASS, il revenait au chef Clarke par défaut de prendre les mesures ultérieures, puisque c’est le chef Clarke qui avait été originellement désigné pour renvoyer le dossier aux Affaires internes pour enquête.

398 Le fonctionnaire semblait afficher un bon rendement lors de son affectation à CANPASS.

399 Le chef Clarke n’a pas recommandé le licenciement du fonctionnaire. Il a remis ses notes à M. Hepplewhite. Il n’a pas parlé au surintendant Brezden, mais il a obtenu des courriels de sa part.

400 Le chef Clarke a indiqué qu’il n’avait pas le pouvoir délégué de licencier un agent des services frontaliers, même s’il avait le pouvoir d’en suspendre un. M. Delgaty avait le pouvoir de licencier un employé. Le chef Clarke a parlé avec M. Hepplewhite et M. Scoville, mais ne se souvenait pas d’avoir parlé à M. Delgaty. Il est arrivé à deux occasions auparavant que des employés relevant du chef Clarke soient licenciés. Ces licenciements n’ont pas fait l’objet de discussions à l’avance avec le chef Clarke.

401 Si on inclut les affectations intérimaires, le chef Clarke occupe des postes de gestion au poste frontalier Douglas depuis 1997.

402 Le fonctionnaire a demandé au chef Clarke de faire un suivi avec le surintendant Brezden et la surintendante Anderson lors de la deuxième rencontre préalable à l’audience disciplinaire, en octobre 2007. Le chef Clarke a précisé que le surintendant Brezden n’était pas présent au cours de l’incident et n’avait donc rien vu. Il était clair que le surintendant Brezden n’avait rien à déclarer au sujet de l’incident. Le fonctionnaire n’a donné au chef Clarke aucun autre nom de témoin.

403 Lors du contre-interrogatoire, le chef Clarke a dit que, dans la plupart des cas, les agents des services frontaliers se servaient de leur pouvoir discrétionnaire et effectuaient le traitement des autobus en prenant des déclarations verbales, sans avoir recours aux cartes E-311.

404 Le chef Clarke a indiqué que son travail ne consistait pas à refaire l’enquête. Il n’a pas interrogé Mme Hellsten, Mme Backman ou la surintendante Anderson au moment d’établir les concordances entre les différents récits. Le chef Clarke a examiné les différences, mais il a senti que le fonctionnaire n’avait pas été honnête dans ses réponses. Le chef Clarke n’était pas préoccupé par le fait que la déclaration de Mme Hellsten (pièce E-1) révélait qu’elle avait parlé à d’autres personnes, ni qu’elle n’avait pas mentionné la question de la force excessive à la surintendante Anderson.

405 Le chef Clarke a dit qu’il avait l’impression d’avoir suffisamment d’information sur l’allégation de déclarations mensongères pour y répondre. Il était au courant du fait que le fonctionnaire avait affirmé que le surintendant Ashikian avait demandé que les conclusions dans la déclaration du fonctionnaire soient modifiées (pièce E-9, annexe A). Le chef Clarke comprenait que le fonctionnaire avait apposé ses initiales sur les cinq pages de notes du surintendant Ashikian. Le chef Clarke possédait des explications raisonnables quant au contenu de l’interrogation. Il connaissait les points de vue du fonctionnaire et de l’agent Sullivan, selon qui ces notes permettraient d’obtenir davantage de détails.

406 Le chef Clarke a décidé d’enquêter sur la véracité de la déclaration du fonctionnaire (pièce E-9, annexe A) après avoir rencontré M. Hepplewhite et avoir discuté des différences entre la déclaration du fonctionnaire et celles des témoins.

407 Le chef Clarke a précisé qu’il lui revenait par défaut de régler cette question, puisqu’il avait lancé l’enquête. Il ne supervisait pas le fonctionnaire à cette époque.

408 Le chef Clarke a indiqué que le rendement du fonctionnaire au Centre de traitement CANPASS ne présentait aucun problème.

409 Le chef Clarke a dit qu’il n’avait pas formulé de recommandation concernant le licenciement du fonctionnaire. Il a pris des notes sur la réponse du fonctionnaire et les a envoyées à la direction chargée des relations de travail à l’Agence.

410 Le chef Clarke a déclaré qu’il n’avait pas le pouvoir délégué de licencier l’employé; c’était M. Delgaty qui détenait ce pouvoir. Il a parlé avec M. Hepplewhite et M. Scoville, mais pas avec M. Delgaty. Il n’avait jamais été consulté auparavant lorsque l’Agence décidait de licencier un employé.

411 Le chef Clarke a indiqué qu’il croyait que M. Scoville et le chef Jan Brock étaient présents à la rencontre disciplinaire du 26 octobre 2007. Il n’y était pas.

412 Le chef Clarke a admis que d’autres agents des services frontaliers n’avaient pas été licenciés à la suite d’allégations de déclarations mensongères, mais il n’était pas au courant de tous les détails de ces cas et il n’a aucunement été impliqué dans ces enquêtes ou ces décisions.

413 Le chef Clarke a dit qu’il a commencé à occuper des postes par intérim en 1997 et qu’il le faisait toujours, et qu’il avait été impliqué dans deux autres décisions de licenciement.

c. Réinterrogatoire

414 On a posé une question au chef Clarke concernant la déclaration du fonctionnaire selon laquelle M. Tse-Chun a opposé de la résistance, et que cela expliquerait pourquoi le fonctionnaire a empoigné M. Tse-Chun par l’épaule pour l’entraîner à l’intérieur du bureau frontalier terrestre. Le chef Clarke a précisé que, dans une telle situation, un agent des services frontaliers doit soumettre un rapport sur l’usage de la force, puisque le fonctionnaire s’est servi de la force pour obliger M. Tse-Chun  à suivre ses ordres, a pris des mesures pour prévenir une agression et se trouvait dans une situation où il y avait un potentiel d’arrestation.

415 Le chef Clarke a déclaré que, après la première rencontre préalable à l’audience disciplinaire, le 24 septembre 2007, le fonctionnaire a demandé au chef Clarke de faire un suivi avec le surintendant Brezden et la surintendante Anderson. Le chef Clarke a fait un suivi avec la surintendante Anderson, mais pas avec le surintendant Brezden, puisque le surintendant Brezden n’aurait pu offrir d’information permettant de changer quoi que ce soit, puisqu’il n’était pas présent au moment de l’incident et n’avait donc rien vu.

416 Le chef Clarke a précisé que le fonctionnaire ne lui avait pas donné d’autres noms d’agents des services frontaliers en dehors du surintendant Brezden et de la surintendante Anderson.

7. Témoignage de M. Delgaty

a. Interrogatoire principal

417 M. Delgaty a été directeur général de la région du Pacifique de l’Agence pendant 18 ans jusqu’au 3 juin 2011. Lors de l’audience qui a eu lieu en juillet 2011, il était en congé. Il a accepté une autre affectation à l’automne 2011.

418 M. Delgaty était notamment responsable du programme d’exécution de la loi de l’Agence en Colombie-Britannique et au Yukon pour 70 postes frontaliers et 2 100 employés, dont 1 500 employés en uniforme et 300 agents de la paix. Il rendait compte au vice-président des opérations de l’administration centrale à Ottawa, et le personnel affecté aux 12 unités administratives ou districts suivants relevait directement de lui : Aéroport international de Vancouver, Agglomération de Vancouver, Pacific Highway (5 emplacements), Côte Ouest et Yukon, Okanagan et Kootenay, l’unité du renseignement, l’unité des enquêtes criminelles, l’unité responsable de l’exécution de la loi en matière d’immigration à l’intérieur du pays, la division des services aux programmes et services corporatifs (ressources humaines et finances). La responsabilité de licencier un employé incombe au directeur général régional.

419 M. Delgaty a déclaré avoir été informé de l’incident, quelques jours après qu’il a eu lieu, par un appel du chef Clarke. M. Delgaty a demandé au chef Clarke de recueillir des renseignements préliminaires et lui a recommandé, au cas où les allégations seraient sérieuses, de faire intervenir les Affaires internes. M. Delgaty a précisé que le directeur de district ou le directeur de la division des programmes responsable des plaintes du public, M. Scoville à l’époque, faisait habituellement appel aux Affaires internes.

420 M. Delgaty a signé la lettre de licenciement du fonctionnaire (pièce E-18). M. Delgaty a décidé de mettre fin à l’emploi du fonctionnaire en se fondant sur le rapport d’enquête (pièce E-9), qui l’a amené à conclure que le fonctionnaire avait commis plusieurs infractions dans le cadre de son travail, dont la plus grave était d’avoir fait usage d’une force excessive. M. Delgaty a affirmé que tout recours à la force aurait été excessif dans les circonstances. Il considérait que l’explication du fonctionnaire était fabriquée de toutes pièces et ne la jugeait aucunement crédible. M. Delgaty a jugé que par sa conduite, le fonctionnaire avait rompu un lien fondamental et que l’Agence ne pouvait se fier à la véracité des renseignements qu’il lui fournissait. La malhonnêteté du fonctionnaire a été le facteur déterminant dans la décision de le licencier.

421 M. Delgaty a déclaré qu’il aurait envoyé le rapport du surintendant Ashikian (pièce E-9) au poste frontalier Pacific Highway et aux Ressources humaines. Le rapport incluait les annexes contenant la déclaration du fonctionnaire (pièce E-9, annexe A) et sa conclusion modifiée (pièce E-9, page 6), qui s’énonce comme suit : [traduction] « J’aurais pu gérer la situation d’une manière plus appropriée et obtenir tout de même un résultat satisfaisant pour tous les intervenants ».

422 M. Delgaty a envisagé d’appliquer une sanction moins sévère, comme une suspension. Mais il était d’avis que le licenciement constituait la ligne de conduite à adopter, étant donné l’abus de confiance dont le fonctionnaire s’était rendu coupable. Les agents des services frontaliers sont investis d’immenses pouvoirs et sont tenus de présenter fidèlement les faits lorsqu’ils témoignent devant un tribunal ou qu’ils rapportent des incidents au sein de l’organisation. L’Agence ne peut garder en poste des agents des services frontaliers qui ne sont pas dignes de confiance.

423 M. Delgaty s’est appuyé sur les parties suivantes du Code de conduite de l’ASFC (pièce E-19), que le fonctionnaire a reconnu avoir reçu (pièce E-21) :

[…]

Responsabilisation

Vous avez la responsabilité d'avoir un comportement éthique et de respecter les valeurs et les normes énoncées dans le Code de valeurs et d'éthique de la fonction publique, une des conditions d'emploi à la fonction publique du Canada. Le Code de conduite de l'ASFC est un prolongement du Code de valeurs et d'éthique de la fonction publique. Ces codes s'appliquent à tous les fonctionnaires de l'ASFC.

Valeurs de la fonction publique

  • Valeurs liées à l’éthique: Agir en tout temps de manière à conserver la confiance du public.
  • Valeurs liées aux personnes: Faire preuve de respect, d’équité et de courtoisie dans leurs rapports avec les citoyens et avec les collègues fonctionnaires.

Valeurs de l’ASFC

  • Integrité : Nous exerçons notre autorité de façon motivée, ouverte et équitable. Nous assumons la responsabilité de nos actes afin de nous forger une réputation en tant qu'organisation responsable et digne de confiance.
  • Respect: La dignité, la diversité et la valeur de chacun sont de la plus haute importance pour nous. Ainsi, nous écoutons les autres pour comprendre leur position et nous agissons de manière juste, courtoise et raisonnable. Nous respectons la vie privée des Canadiens et appuyons sans réserve la Charte canadienne des droits et libertés.
  • Professionalisme: Nous établissons des normes élevées de rendement pour tous nos employés et nous nous efforçons d'offrir un service efficace et de qualité. Plus particulièrement, nous sommes innovateurs et maîtrisons la technologie intelligente et moderne nécessaire à la réalisation de notre mission.

[…]

Témoignage ou prestation de renseignements

[…]

Vous êtes tenu de témoigner pour le compte de l'ASFC ou de la Couronne devant les tribunaux et/ou tout tribunal administratif […]

[…]

424 M. Delgaty a indiqué que les agents des services frontaliers étaient souvent appelés à témoigner devant un tribunal dans le cadre de poursuites intentées en vertu de la Loi sur les douanes, du Code criminel et de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27. Les agents des services frontaliers sont des agents de la paix autorisés à faire usage de la force et ils peuvent être tenus de témoigner à propos de leur recours à la force. M. Delgaty a affirmé que bon nombre d’organismes d’application de la loi au Canada s’évertuent actuellement à améliorer la perception du public à leur égard quant à la confiance qu’ils inspirent, et pour les agents des services frontaliers, l’intégrité est une qualité essentielle. Si l’on constate qu’un agent des services frontaliers a menti au cours de procédures judiciaires, le procès peut être perdu. Une telle situation peut ébranler la confiance du public et compromettre des poursuites ultérieures.

425 M. Delgaty a tenté de comprendre pourquoi le fonctionnaire avait raconté des histoires pour se sortir de cette situation, mais il n’a jamais obtenu de réponse satisfaisante. M. Delgaty a tenu compte de la durée de service du fonctionnaire, ce qui constituait un facteur atténuant en un sens, mais également aggravant, puisque le fonctionnaire aurait dû être plus avisé. M. Delgaty a demandé l’avis du chef Clarke, de M. Scoville, qui est devenu directeur du district Pacific Highway en septembre ou en octobre 2007, de M. Hepplewhite et du directeur des Services corporatifs de la région du Pacifique.

b. Contre-interrogatoire

426 M. Delgaty a été contre-interrogé longuement et exhaustivement. Il a maintenu sa position selon laquelle, compte tenu des circonstances, le fonctionnaire n’avait nul besoin de recourir à la force, et toute force dont il a fait usage à l’endroit de M. Tse-Chun était donc déraisonnable et excessive.

427 En contre-interrogatoire, M. Delgaty a affirmé qu’il ne se souvenait pas exactement qui, du chef Clarke ou de M. Scoville, lui avait rapporté l’incident en premier. Des discussions informelles ont pu avoir lieu. M. Delgaty n’a jamais parlé de l’affaire avec le surintendant Ashikian. M. Delgaty s’est entretenu brièvement avec Mme Hellsten en passant. Mme Hellsten a déclaré qu’elle présenterait une déclaration. M. Delgaty ne se souvenait pas des détails, mais Mme Hellsten avait affirmé qu’elle avait vu M. Tse-Chun se faire maltraiter, ce qui était embarrassant, et qu’elle donnerait suite à l’incident en allant voir le directeur de district. M. Delgaty a indiqué qu’il s’agissait d’une conversation visant à le tenir au courant et qu’il ne s’en rappelait pas les détails.

428 M. Delgaty ne savait pas exactement combien de temps les données de surveillance vidéo étaient conservées au moment de l’incident. Il a indiqué que l’Agence éprouvait des difficultés avec la technologie vidéo utilisée et que les périodes de conservation des enregistrements vidéo ne sont pas les mêmes dans tous les postes frontaliers du Canada. À l’époque pertinente, on écrasait automatiquement les enregistrements à mesure qu’on en enregistrait de nouveaux. Aujourd’hui, on utilise une méthode plus normalisée pour filmer et conserver les enregistrements. M. Delgaty a indiqué qu’aucune politique uniforme sur la conservation des enregistrements vidéo n’était en place au moment de l’incident.

429 M. Delgaty n’a pas donné d’instructions précises pour la tenue de l’enquête. Les enquêteurs rendent compte au directeur général de la sécurité à l’administration centrale de l’Agence, à Ottawa, et M. Delgaty n’a pas la responsabilité de superviser les enquêteurs ni leurs enquêtes. M. Delgaty savait qu’un enquêteur avait été désigné et que l’enquête progressait; il n’a pas réexaminé l’affaire avant de recevoir le rapport d’enquête (pièce E-9).

430 M. Delgaty était au courant que l’enquête s’était étirée pendant huit à neuf mois, mais ne savait pas pourquoi elle avait duré si longtemps. Il a mentionné que l’une des raisons était que pour satisfaire aux exigences relatives à l’accès à l’information et à la protection de la vie privée, des renseignements personnels avaient été enlevés du rapport d’enquête (pièce E-9), ce qui avait entraîné des retards.

431 En se fondant sur le rapport d’enquête (pièce E-9), M. Delgaty a conclu que le fonctionnaire avait fabriqué des renseignements.

432 Habituellement, M. Delgaty ne rencontre pas les enquêteurs. Il n’a pas demandé à voir les documents sources, étant donné que l’information présentée et les conclusions tirées dans le rapport d’enquête (pièce E-9) paraissaient évidentes. Il s’est fié à l’enquête et n’a fait aucune recherche de son côté. En tant que cadre supérieur de la direction de l’Agence, il s’en remet à d’autres pour recueillir des renseignements. Ensuite, il prend les décisions. Il a affirmé qu’il aurait été inopportun et déplacé qu’il participe à l’enquête.

433 M. Delgaty estimait avoir reçu 40 à 80 rapports d’enquête dans sa carrière.

434 M. Delgaty a affirmé avoir réévalué l’information se rapportant à la présente affaire, et ce, jusqu’au moment de la signature de la lettre de licenciement (pièce E-18). Il a reçu des conseils quant aux prochaines étapes à suivre. Il a indiqué qu’il est d’usage courant pour un représentant de l’Agence de tenir une ou plusieurs rencontres préalables à l’audience disciplinaire avec un employé pour connaître sa réaction à un rapport d’enquête. Le chef Clarke ou M. Scoville ont tenu M. Delgaty au courant des rencontres préalables à l’audience disciplinaire.

435 M. Delgaty n’a pas compris pourquoi le fonctionnaire avait inventé une explication. Il a déclaré avoir été quelque peu surpris que le fonctionnaire ait changé la conclusion de sa déclaration (pièce E-9, annexe A) au cours de l’enquête. Il a affirmé que les enquêteurs utilisaient un éventail de techniques pour établir la vérité, et qu’il serait raisonnable de la part d’un enquêteur de conseiller à un employé de dire la vérité.

436 Selon les circonstances, on peut faire appel à des experts en matière de recours à la force pour effectuer des analyses. La politique sur le recours à la force de l’Agence a changé après que les agents des services frontaliers ont été dotés d’armes à feu de service. Dans une situation où une plainte sur le recours à la force a été déposée, il ne s’agit pas de choisir entre les Affaires internes ou des experts en matière de recours à la force; une enquête des Affaires internes peut faire intervenir un expert en matière de recours à la force. Il est normal qu’un enquêteur obtienne des renseignements de la part d’experts en matière de recours à la force. Le directeur général de la sécurité est tenu de désigner des enquêteurs. M. Delgaty se fie à ce directeur général pour contrôler la qualité du travail des enquêteurs. Les directeurs de district ont le pouvoir de suspendre un employé, mais non de le licencier. Dans l’affaire qui nous occupe, il n’a pas été nécessaire de faire appel à un expert en matière de recours à la force pour expliquer si une prise, un coup ou une autre technique était raisonnable. D’après les faits, aucune force n’était requise. Par conséquent, tout recours à la force était déraisonnable et abusif.

437 M. Delgaty a expliqué que lorsqu’il licenciait un employé, il ne tenait pas d’audience et ne rencontrait pas l’employé avant qu’il soit licencié. Il a pris part au licenciement de plus de 100 employés. Les sanctions disciplinaires et les licenciements peuvent faire l’objet d’un grief. Il ne rencontrait jamais un employé lorsqu’il exerçait son pouvoir délégué de licencier un employé. Il peut discuter du licenciement avec un directeur de district. Les directeurs le consultent pour toutes les décisions importantes.

438 M. Delgaty ne se souvient pas d’avoir été mis au courant d’un quelconque élément de la situation personnelle du fonctionnaire qui aurait influencé sa décision de le licencier. En réponse aux allégations du fonctionnaire, M. Delgaty a affirmé que même s’il revêtait une importance sur le plan personnel, le fait que le fonctionnaire était le seul soutien de famille et qu’il venait d’avoir un enfant n’entrait pas en ligne de compte au regard du manquement professionnel. M. Delgaty savait que le dossier du fonctionnaire n’était pas irréprochable tout en n’étant pas épouvantable non plus. M. Delgaty n’a pas cherché à déterminer si le licenciement causerait des difficultés économiques particulières au fonctionnaire. Il n’a pas examiné le dossier personnel du fonctionnaire. Il ne s’est pas demandé si le fonctionnaire avait agi de manière raciste, étant donné qu’il n’y avait pas d’indication en ce sens. M. Delgaty ne connaissait pas les tailles relatives du fonctionnaire et de M. Tse-Chun.

439 M. Delgaty a affirmé que la lettre de licenciement (pièce E-18) contenait environ quatre renvois à un recours à la force. Le fonctionnaire a saisi M. Tse-Chun par le cou ou la veste, l’a poussé et l’a amené au bureau frontalier terrestre. M. Delgaty jugeait ces interventions inutiles et excessives, puisque tout emploi de la force était abusif dans les circonstances.

440 M. Delgaty est un agent de la paix, mais il n’a pas suivi de formation sur le recours à la force. Il a indiqué que les agents des services frontaliers devaient communiquer clairement leurs attentes.

441 M. Delgaty a été interrogé au sujet des directives sur les déplacements en autobus (pièce E-11). Il a relevé qu’elles étaient apparemment imprimées en caractères de 12 points. M. Delgaty estimait qu’elles étaient parfaitement lisibles. Quant à savoir si un chauffeur d’autobus parviendrait effectivement à les lire, cela dépendait de l’éclairage, du stress provoqué par la situation et du niveau d’alphabétisation de la personne.

442 M. Delgaty a indiqué qu’il avait commencé à prendre part à la décision de licencier le fonctionnaire lorsque M. Scoville, un agent des relations de travail et le directeur des Services corporatifs avaient recommandé de mettre fin à son emploi. M. Delgaty ne pouvait citer une date précise, mais il pense avoir commencé à intervenir quelques semaines avant la signature de la lettre de licenciement.

443 M. Delgaty estime raisonnable que les enquêtes soient menées le plus tôt possible après la survenue d’un incident. On lui a demandé pourquoi on avait mis quatre mois pour interroger le fonctionnaire et il a répondu que le processus pouvait être long.

444 On a demandé à M. Delgaty s’il serait surpris que les souvenirs du fonctionnaire concernant les évènements aient changé, étant donné le temps qui s’était écoulé depuis l’incident. Il a répondu que les souvenirs pouvaient s’estomper, mais que l’Agence s’attendait à ce que ses agents des services frontaliers consignent les incidents dans leur carnet immédiatement après qu’ils ont eu lieu.

445 M. Delgaty a convenu qu’il aurait été injuste et inéquitable de la part du surintendant Ashikian de ne pas clarifier le témoignage de Mme Hellsten au motif qu’elle est directrice à l’Agence. Il a déclaré qu’il appartenait au surintendant Ashikian de décider qui interroger et comment mener les interrogatoires.

446 On a demandé à M. Delgaty comment il conciliait ses conclusions avec la déclaration du fonctionnaire (pièce E-9, annexe A). M. Delgaty a pris en considération le changement que le fonctionnaire a apporté à sa conclusion (pièce E-9, page 6), qui s’énonce comme suit : [traduction] « J’aurais pu gérer la situation d’une manière plus appropriée et obtenir tout de même un résultat satisfaisant pour tous les intervenants ». Le paragraphe 12(e) de la page 15 du rapport d’enquête (pièce E-9) a aidé M. Delgaty à conclure que le fonctionnaire avait inventé son explication de l’incident. Le paragraphe s’énonce ainsi :

[Traduction]

[…]

e) Le défendeur a eu le temps de digérer l’information et les conclusions obtenues au moyen d’entrevues avec les témoins avant de répondre plus en détail à l’allégation. Il a déclaré qu’il avait été perturbé par le fait que le chauffeur prétendait qu’il ne pouvait voir, ce qui aurait mené à l’incident, mais qu’il n’avait pas eu l’intention de créer un incident. Le défendeur demandé de changer la « conclusion » de son rapport écrit de l’incident. Il a déclaré verbalement et a consigné par écrit dans son rapport modifié qu’il admettait entièrement sa responsabilité pour le rôle qu’il a joué dans l’incident. Il a également admis que les versions des faits des témoins étaient plus exactes que la sienne.

 […]

M. Delgaty a reconnu que le fonctionnaire n’avait pas admis que les renseignements présentés par les témoins étaient plus fiables que ceux qu’il avait fournis. M. Delgaty a jugé que l’ensemble de la déclaration ainsi que la conclusion du fonctionnaire étaient fabriquées de toutes pièces, parce qu’elles entraient en contradiction avec l’information fournie par les témoins.

447 M. Delgaty a déclaré qu’à son avis, les parties suivantes de la déclaration du fonctionnaire (pièce E-9, annexe A) au surintendant Ashikian étaient mensongères :

  • toute déclaration dans laquelle le fonctionnaire a décrit M. Tse-Chun comme récalcitrant ou agressif;
  • l’attitude du fonctionnaire était calme et professionnelle;
  • M. Tse-Chun a continué à critiquer vivement le fonctionnaire devant les passagers;
  • M. Tse-Chun a crié contre le fonctionnaire, l’a critiqué vivement et lui a agité un doigt devant le visage;
  • M. Tse-Chun était grossier et bruyant lorsqu’il marchait à côté du fonctionnaire;
  • M. Tse-Chun s’est retourné vers le fonctionnaire, est devenu de plus en plus agressif et a agité les mains;
  • les nombreuses références du fonctionnaire au comportement agressif de M. Tse-Chun dans le bureau frontalier terrestre;
  • le fonctionnaire a tenté de calmer le jeu;
  • M. Tse-Chun créait des difficultés et a perturbé les activités.

448 M. Delgaty a affirmé que la manière avec laquelle le fonctionnaire avait communiqué avec M. Tse-Chun était déplacée. Le fonctionnaire aurait fait preuve de professionnalisme s’il avait sollicité l’aide de la surintendante Anderson. Il aurait été raisonnable de la part du fonctionnaire de demander à M. Tse-Chun de sortir de l’autobus pour faire des vérifications plus approfondies, loin du public.

449 M. Delgaty a déclaré que la décision de licencier le fonctionnaire avait été difficile à prendre. Il a tenu compte du fait que le licenciement aurait une incidence négative importante sur le fonctionnaire et sa famille. Il n’a pas prêté une attention particulière à la situation financière ou personnelle du fonctionnaire et n’était pas au fait de ces détails.

450 M. Delgaty savait que le fonctionnaire avait fait l’objet d’autres plaintes sur le recours à la force. Il était au courant qu’une sanction disciplinaire légère avait été imposée relativement à l’une des plaintes sur le recours à la force. Il savait que la surintendante Anderson avait fait suivre au fonctionnaire un plan d’action afin qu’il travaille son approche dans ses rapports avec le public, ce qui était indiqué dans le rapport d’enquête (pièce E-9). M. Delgaty n’a eu connaissance d’aucune mention élogieuse se rapportant au recours à la force. Le rapport d’enquête n’a jamais eu pour objet d’examiner le rendement du fonctionnaire.

c. Réinterrogatoire

451 En réinterrogatoire, M. Delgaty a mentionné qu’il avait eu connaissance d’autres plaintes et sanctions disciplinaires concernant le fonctionnaire par l’intermédiaire des Services aux programmes de la région du Pacifique. Un rapport présentant les tendances et indiquant si les plaintes étaient fondées ou non a été préparé. M. Delgaty a appris l’existence du plan d’action en lisant le rapport du surintendant Ashikian (pièce E-9). Un rapport d’analyse des plaintes aurait fait mention de l’imposition d’une sanction disciplinaire mineure.

8. Témoignage de l’agent Sullivan

a. Interrogatoire principal

452 Depuis 1989, l’agent Sullivan est au service de l’Agence et des entités qu’elle a remplacées. Il travaille au poste frontalier Douglas, près du poste frontalier Pacific Highway. Il est président de la section B.C. Southern du Syndicat des douanes et de l’immigration. Jusqu’à il y a cinq ans, il travaillait en alternance, une semaine au poste frontalier Douglas et l’autre au poste frontalier Pacific Highway. Au moment de l’incident, il était délégué syndical à l’exécutif de la succursale (ou section locale) Pacific Highway.

453 L’agent Sullivan a expliqué que les employés du poste frontalier Pacific Highway travaillent dans deux sections, contrôle routier et contrôle commercial. L’agent Sullivan travaillait à la section du contrôle routier, qui s’occupe des voyageurs ordinaires. Les agents des services frontaliers qui sont affectés à l’inspection primaire des autobus montent à bord des autobus. L’agent Sullivan a dit que pendant une journée tranquille, il passe 30 autobus à la frontière. Certains jours, il en a vu 17 à 25 de plus; par exemple, les jours où il y a un événement sportif, ce volume additionnel peut être entièrement attribuable à cet événement.

454 L’agent Sullivan a dit que la pratique habituelle est que le chauffeur d’un autobus nolisé s’arrête au bureau frontalier terrestre, coupe le moteur, entre dans le bureau et remet les cartes E-311. L’agent Sullivan a déclaré que chaque chauffeur d’autobus nolisé a une expérience différente du système et que le poste frontalier Pacific Highway avait publié des directives écrites semblables aux directives sur les déplacements en autobus (pièce E-11). Il a dit que certains chauffeurs d’autobus faisaient semblant de ne pas connaître les directives sur les déplacements en autobus.

455 L’agent Sullivan a dit que les cartes E-311, qui sont utilisées par les personnes qui se déplacent en avion, sont aussi utilisées pour les voyageurs des autobus qui se présentent au poste frontalier Pacific Highway. Ces cartes sont utilisées pour les autobus nolisés depuis que l’agent Sullivan a commencé à travailler pour l’Agence. Depuis le 11 septembre 2001, tous les passagers qui entrent au Canada doivent remplir ces cartes. Les cartes sont recueillies et envoyées à l’administration centrale de l’Agence, à Ottawa, à des fins de statistique et pour les besoins du renseignement. L’agent Sullivan a déclaré que les cartes E-311 sont utilisées au poste frontalier Pacific Highway depuis 2001.

456 Les passagers d’un autobus qui reviennent d’un voyage d’une journée ne sont pas obligés de descendre de l’autobus, à moins qu’un agent des services frontaliers ne le leur demande. Ils doivent remplir des cartes E-311. L’agent Sullivan a expliqué que les passagers des automobiles font souvent des déclarations verbales à l’agent des services frontaliers qui se trouve dans le poste de contrôle dans la voie d’inspection primaire. L’agent Sullivan a souligné que les déclarations verbales ne sont pas censées être utilisées dans l’aire des autobus, sauf lorsqu’il s’agit d’autobus scolaires conduits par un adulte et transportant des enfants.

457 L’agent Sullivan a déjà demandé à des chauffeurs de descendre de leur autobus pour leur parler. Il a dit que les autobus sont des espaces clos et bruyants, qui ne donnent aucune possibilité de parler en privé, et qu’il est parfois préférable d’avoir une conversation à l’extérieur de l’autobus ou à l’intérieur du bureau frontalier terrestre.

458 L’agent Sullivan a déclaré qu’indépendamment de la façon dont les cartes E-311 sont formulées, son travail consistait entre autres à veiller à ce qu’une carte E-311 soit remplie pour chaque famille ou individu. Selon lui, s’il rencontrait un chauffeur d’autobus qui n’avait pas fait remplir les cartes à ses passagers, il l’informerait que le traitement serait plus long, car il faudrait faire remplir les cartes aux passagers.

459 Les soirs de grande affluence, un ou plusieurs agents des services frontaliers peuvent être postés dans l’aire des autobus. Les agents des services frontaliers montent dans les autobus au moment où ces derniers se présentent au poste. L’agent Sullivan a dit que les mêmes exigences s’appliquent aux autobus et aux automobiles. Il a dit que la zone réservée aux autobus fait deux voies de largeur et qu’elle est parfois bruyante.

460 L’agent Sullivan a déclaré qu’il y a des caméras vidéo dans l’aire des autobus et à l’intérieur du bureau frontalier terrestre. Il y a une ou deux caméras dans la section de l’immigration. Il a montré l’emplacement des caméras sur des photographies montrant le bureau frontalier terrestre (pièce G-2). L’agent Sullivan a déclaré qu’il ne croyait pas que les enregistrements vidéo étaient des enregistrements numériques à la période pertinente. Selon lui, chaque enregistrement durait 24 heures et était conservé pendant 30 jours.

461 À la réunion du 20 février 2007, le surintendant Ashikian a dit qu’il n’était pas prêt à commencer l’entrevue, mais qu’il voulait que le fonctionnaire fournisse une déclaration à propos de l’incident. L’agent Sullivan l’a informé que deux personnes avaient présenté des allégations de recours à une force excessive. Il a dit qu’il était évident que le surintendant Ashikian n’allait pas répondre à des questions. L’agent Sullivan a dit que les Affaires internes considéraient que l’enquête était une question administrative, et que l’agent Sullivan était présent comme témoin, et non en tant que représentant de l’agent négociateur.

462 L’agent Sullivan a déclaré que dans le cadre d’une enquête, il ne pouvait pas poser de questions, proposer des domaines d’enquête ou faire des observations. Les enquêteurs des Affaires internes précisent habituellement que le rôle du représentant d’un agent négociateur est d’assister aux réunions en tant que témoin. L’agent Sullivan a aussi dit qu’aucun enquêteur des Affaires internes ne lui a jamais dit qu’il ne pouvait pas poser de questions, mais les enquêteurs, en général, ne divulguent pas d’information.

463 À ce moment-là, le fonctionnaire a remis une déclaration (pièce E-9, annexe A) qu’il avait préparée à l’avance. La réunion s’est terminée. Le surintendant Ashikian a dit à l’agent Sullivan et au fonctionnaire que la prochaine réunion n’aurait pas lieu bientôt, car le surintendant Ashikian devait lire la déclaration et s’entretenir avec d’autres personnes, puis il serait en vacances.

464 À la réunion d’avril 2007, le surintendant Ashikian a expliqué la nature de l’enquête. Il a dit que Mme Hellsten avait donné une version des faits et que le fonctionnaire en avait donné une autre. Il a demandé au fonctionnaire qui, selon lui, le surintendant Ashikian croirait. L’agent Sullivan a informé le surintendant Ashikian que Mme Hellsten n’était pas une agente des services frontaliers en uniforme, mais une directrice administrative, et que le fait qu’elle soit une directrice ne signifiait pas que sa parole devait l’emporter automatiquement sur celle du fonctionnaire. .

465 Le surintendant Ashikian a expliqué que les déclarations de deux témoins indépendants appuyaient la version de M. Tse-Chun. L’agent Sullivan a dit qu’il était difficile de croire que les deux témoins étaient complètement indépendants, étant donné que Mme Hellsten avait dit que tous les passagers de l’autobus étaient agités et que l’incident était devenu un sujet de conversation.

466  L’agent Sullivan a dit que le surintendant Ashikian ne lui a pas fourni la déclaration de Mme Hellsten (pièce E-1) ni celle de Mme Backman (pièce E-2). L’agent Sullivan a demandé qu’on lui remette ces déclarations et s’est vu répondre qu’on ne pourrait les lui remettre à la réunion, mais qu’il pourrait les obtenir en faisant une demande d’accès à l’information. L’agent Sullivan a dit que le fonctionnaire avait fourni sa version des faits. L’agent Sullivan a dit que s’il avait été dans l’autobus et s’il avait observé ce qui s’était passé, sa déclaration aurait été différente de celle du fonctionnaire sur certains détails.

467 L’agent Sullivan a dit que la réunion du 12 avril 2007 avait été relativement courte, qu’on avait jugé que le fonctionnaire était en défaut, que la conclusion de sa déclaration (pièce E-9, annexe A) ne servait pas ses intérêts et que s’il souhaitait modifier cette partie de sa déclaration et admettre qu’il avait mal agi et qu’il était responsable de l’incident, il pouvait le faire. Le surintendant Ashikian a offert de quitter la pièce, puis est sorti. Le surintendant Ashikian au fonctionnaire que s’il désirait modifier la conclusion de sa déclaration, il devait le faire avant la fin de la réunion. Le surintendant Ashikian a dit que la conclusion ne servait pas les intérêts du fonctionnaire et que le surintendant Ashikian était disposé à permettre au fonctionnaire de la réécrire.

468 L’agent Sullivan n’a pas pris de notes détaillées, mais le surintendant Ashikian a pris beaucoup de notes, et le fonctionnaire a pu les lire et apporter des corrections et des ajouts lorsque les notes ne correspondaient pas à ce que le fonctionnaire avait voulu dire. L’agent Sullivan a demandé une copie des notes. Le surintendant Ashikian a dit à l’agent Sullivan qu’il y avait un moyen d’obtenir les notes, mais que l’agent Sullivan ne pourrait pas les obtenir ce jour-là. C’était là une pratique normale, et pas inhabituelle. On informe les gens qu’ils peuvent présenter une demande d’accès à l’information.

469 L’agent Sullivan a témoigné qu’il n’avait pas reçu de copie des notes. Il croit que le fonctionnaire a présenté une demande d’accès à l’information pour en obtenir une copie, ce que l’agent Sullivan ne pouvait pas faire, car ce droit appartenait au fonctionnaire et non à l’agent Sullivan.

470 L’agent Sullivan a dit que, techniquement, on n’avait pas demandé au fonctionnaire de modifier la conclusion de sa déclaration (pièce E-9, annexe A), mais qu’on lui avait donné la possibilité de le faire. Le fonctionnaire a réécrit la conclusion (pièce E-9, page 6), qui s’énonce comme suit : [traduction] « J’aurais pu gérer la situation d’une manière plus appropriée et obtenir tout de même un résultat satisfaisant pour tous les intervenants […] », à la fin de la réunion du 12 avril 2007.

471 L’agent Sullivan n’est intervenu ensuite qu’en septembre 2007, lorsque le fonctionnaire a été convoqué à une réunion avec le chef Clarke et le surintendant Saran. C’était la première rencontre préalable à l’audience disciplinaire, le 24 septembre 2007, durant laquelle le fonctionnaire aurait la possibilité d’examiner le rapport du surintendant Ashikian (pièce E-9) et d’y ajouter ce qu’il voulait que l’on prenne en considération. Certains points ont été avancés, notamment :

  • l’incident s’était déroulé par une soirée pluvieuse où il faisait noir;
  • un passager aurait eu de la difficulté à voir ce qui se passait tout juste à l’extérieur de l’autobus;
  • il ne fallait pas accorder à la déclaration de Mme Hellsten (pièce E-1) une plus grande importance simplement parce qu’elle était une directrice de l’Agence;
  • les déclarations des passagères étaient suspectes et n’étaient pas indépendantes, car il était probable que des discussions aient eu lieu avant que les déclarations soient faites.

472 L’agent Sullivan a déclaré que la page 6 du [traduction] « Compte rendu de l’entrevue des Affaires internes » était une note que le surintendant Ashikian avait prise durant l’entrevue avec le fonctionnaire. C’était la dernière page des notes du surintendant Ashikian. L’agent Sullivan a déclaré avoir vu une copie révisée du rapport d’enquête (pièce E-9), qui contenait aussi cette page. Les sections contenant des renseignements personnels avaient été noircies. L’agent Sullivan ne se rappelait pas s’il avait vu, à la première rencontre préalable à l’audience disciplinaire du 24 septembre 2007, la version du rapport révisée des noms pour les besoins de la protection des renseignements personnels ou une version intégrale.

473 L’agent Sullivan et le fonctionnaire ont rencontré le chef Clarke et le surintendant Saran en octobre 2007. L’agent Sullivan a décrit cette deuxième rencontre préalable à l’audience disciplinaire comme une [traduction] « réédition plus officielle de la rencontre précédente ». L’agent Sullivan ne se rappelait pas si le rapport d’enquête (pièce E-9) lui avait été fourni à ce moment-là. Il a dit que pendant cette réunion, les points énumérés auparavant avaient été répétés et qu’elle avait été de courte durée.

474 L’agent Sullivan a parlé d’une réunion finale avec M. Scoville en octobre 2007, durant laquelle le fonctionnaire a été licencié. M. Scoville a lu la lettre de licenciement (pièce E-18) au fonctionnaire. On a demandé au fonctionnaire de rendre les objets qui appartiennent à l’Agence. Quelques jours plus tard, l’agent Sullivan a demandé à parler à M. Delgaty; on lui a dit de passer par la procédure de règlement des griefs. L’agent Sullivan a rencontré M. Delgaty au cours du processus de règlement des griefs. Le grief a été rejeté, et l’agent Sullivan a renvoyé le grief à l’arbitrage.

475 L’agent Sullivan n’a parlé à aucun des agents des services frontaliers qui étaient de service au poste frontalier Pacific Highway le soir de l’incident, sauf au fonctionnaire.

476 L’agent Sullivan a dit que la durée de l’enquête n’était pas inhabituelle. Selon son expérience, les enquêtes des Affaires internes durent en moyenne de six à huit mois. En général, la première entrevue se fait peu après la date de l’incident. L’agent Sullivan a trouvé étrange que le surintendant Ashikian rencontre le fonctionnaire seulement en avril 2007. L’agent Sullivan a dit que, selon son expérience, il n’est pas courant que les enquêteurs demandent une déclaration à une personne, puis qu’ils aient une entrevue avec cette personne deux mois plus tard.

477 L’agent Sullivan n’était pas capable de dire à quel moment il a obtenu une copie révisée du rapport d’enquête (pièce E-9). Il n’était pas certain s’il l’avait obtenue à la suite de la demande d’accès à l’information présentée par le fonctionnaire ou si elle lui avait été remise à la première rencontre préalable à l’audience disciplinaire, le 24 septembre 2007. L’agent Sullivan a compris que le surintendant Brezden avait parlé avec la surintendante Anderson au sujet de l’incident.

478 L’agent Sullivan a déclaré que l’effectif complet d’agents des services frontaliers lors d’un quart de travail comptait environ 20 agents. Il a dit que des tableaux de service sont créés pour les quarts de travail. Il a mentionné qu’au poste frontalier Pacific Highway, les horaires pour les quarts de travail sont conservés et rangés pendant plusieurs années dans le bureau du surintendant.

b. Contre-interrogatoire

479 L’agent Sullivan n’était pas en service lorsque l’incident s’est produit et n’avait aucun renseignement personnel à propos de l’incident. Il a dit que la plupart des chauffeurs d’autobus, mais pas tous, étaient au courant de la procédure des cartes E-311 et que certains chauffeurs mentaient lorsqu’ils disaient ne pas la connaître.

480 L’agent Sullivan a déclaré que la loi exige qu’une carte E-311 soit remplie lorsqu’on entre au Canada en avion. Il ne connaît pas de disposition légale qui exige que les personnes qui voyagent en autobus en remplissent une, mais ces personnes doivent se présenter devant un agent, en vertu de la Loi sur les douanes. Un agent des services frontaliers peut demander à un passager de remplir une carte E-311, mais au poste frontalier Pacific Highway, les gestionnaires exigeaient que les agents des services frontaliers demandent une carte E-311 pour chaque adulte voyageant en autobus. Certains agents des services frontaliers acceptent des déclarations verbales des personnes qui reviennent d’un voyage d’une journée aux États-Unis, ce qui, selon l’agent Sullivan, ne contrevient à aucune loi du Parlement.

481 L’agent Sullivan a confirmé qu’il informerait les chauffeurs d’autobus de la bonne procédure et qu’il leur remettrait les directives sur les déplacements en autobus (pièce E-11). Il a dit qu’il espérait avoir toujours le temps d’expliquer les directives sur les déplacements en autobus, mais qu’il se pourrait qu’il doive les laisser au chauffeur pour que celui-ci les lise. L’agent Sullivan a déclaré que si un chauffeur d’autobus lui disait qu’il ne pensait pas que les cartes E-311 étaient nécessaires, l’agent Sullivan lui expliquerait que ces cartes sont nécessaires et lui remettrait les directives sur les déplacements en autobus, s’il les avait à sa disposition. L’agent Sullivan a dit qu’il ne crierait pas contre le chauffeur. Selon le niveau du bruit de fond, l’agent Sullivan pourrait hausser le ton. Il pourrait demander au chauffeur de descendre de l’autobus afin de parler avec lui, si cela s’avérait pertinent. Si le chauffeur était coopératif et que tout était tranquille, l’agent Sullivan n’aurait pas à hausser le ton. L’agent Sullivan ne dirait jamais à un chauffeur d’autobus que ce dernier lui dit comment faire son travail; cela ne serait pas nécessaire.

482 L’agent Sullivan est conscient que l’intensité de l’éclairage dans un autobus peut varier. Si un chauffeur d’autobus lui disait qu’il ne peut pas lire, l’agent Sullivan lui dirait d’ouvrir toutes les lumières. L’agent Sullivan ne crierait pas contre le chauffeur s’il pouvait se faire entendre sans élever le ton

483 L’agent Sullivan n’était pas certain si, au moment de l’incident, les enregistrements se faisaient sur bandes vidéo ou s’il s’agissait d’enregistrements numériques. Il a reconnu qu’à une époque, on écrasait les bandes vidéo par enregistrement après environ une semaine. Le système numérique permet aujourd’hui de garder l’information jusqu’à ce que le disque dur soit saturé, puis on enregistre en écrasant l’information.

484 L’agent Sullivan a déclaré qu’il ferait descendre le chauffeur de l’autobus, pour l’éloigner des passagers, si les passagers étaient turbulents, si c’était bruyant dans l’autobus, si l’agent Sullivan voulait parler de quelque chose au chauffeur en privé ou si l’agent Sullivan n’arrivait pas à se faire comprendre par le chauffeur. L’agent Sullivan a déclaré qu’il pourrait demander au chauffeur d’aller dans le bureau frontalier terrestre si cette façon de procéder lui semblait plus utile, par exemple s’il pleuvait, si l’agent Sullivan avait besoin de parler à un superviseur, ou s’il avait besoin de documents ou d’autres renseignements.

485 L’agent Sullivan ne permettrait jamais que la personne marche derrière lui; il ferait marcher la personne devant lui. Il ne serait pas nécessaire de tirer ou de pousser un chauffeur d’autobus si ce dernier était calme ou coopératif. L’agent Sullivan a dit qu’il ne pourrait pas distinguer les concepts de force excessive et de force déraisonnable sans examiner le Code criminel.

486 L’agent Sullivan a admis qu’il ne serait pas nécessaire et qu’il serait inapproprié de menacer un chauffeur d’autobus de l’emprisonner.

487 L’agent Sullivan a déclaré que lorsqu’un agent des services frontaliers fait usage de la force, il doit le signaler à l’Agence dans les 24 heures qui suivent l’incident. L’agent Sullivan a dit que le fait de saisir un passager par l’épaule ou le veston constitue un usage de la force qui doit être signalé au moyen d’un rapport sur le recours à la force. Il considérait que si un agent des services frontaliers touchait au col ou au veston d’une personne pour la guider, il ne s’agirait pas d’une situation d’usage de la force.

488 L’agent Sullivan ne se souvenait pas que le surintendant Ashikian lui ait donné une copie des déclarations des témoins, mais il a convenu qu’on avait fourni au fonctionnaire des extraits des déclarations des témoins pendant l’entrevue et qu’on avait donné au fonctionnaire la possibilité d’assimiler l’information et les constatations.

489 L’agent Sullivan convenait qu’il y avait de grands écarts ou différences entre la déclaration du fonctionnaire (pièce E-9, annexe A) et les déclarations des témoins.

490 L’agent Sullivan a déclaré qu’en général, un enquêteur pose des questions, prend des notes et donne à la personne qu’il interroge la possibilité de lire la déclaration qu’elle a faite. L’enquêteur apporte des changements s’il y a lieu et demande à la personne interrogée d’apposer ses initiales au bas de chaque page, comme dans la déclaration de M. Tse-Chun (pièce E-20). Il n’y avait rien d’inhabituel au fait qu’on n’ait pas fourni au fonctionnaire les notes du surintendant Ashikian lorsque l’agent Sullivan et le fonctionnaire ont rencontré le surintendant Ashikian, car c’est la norme.

491 L’agent Sullivan a déclaré qu’il fallait environ six semaines pour qu’un gestionnaire reçoive le rapport d’un enquêteur lorsque le rapport est terminé.

492 L’agent Sullivan a dit qu’il n’était pas complètement certain de ce qui s’était passé à chaque rencontre préalable à l’audience disciplinaire avec le chef Clarke. Il a admis qu’il y avait eu une longue pause durant la première rencontre préalable à l’audience disciplinaire, le 24 septembre 2007, durant laquelle l’agent Sullivan et le fonctionnaire ont reçu et examiné une copie révisée du rapport du surintendant Ashikian (pièce E-9). La réunion a duré une heure et demie. L’agent Sullivan a dit qu’elle aurait pu durer plus longtemps si cela avait été nécessaire. À la réunion du 12 avril 2007, le surintendant Ashikian avait donné au fonctionnaire la possibilité de commenter ses notes.

493 L’agent Sullivan a dit qu’une personne assise à l’avant d’un autobus pourrait être capable d’observer des événements se déroulant à l’extérieur si elle se penchait au-dessus de la barre de sécurité et si la porte était ouverte vers l’extérieur.

494 L’agent Sullivan a dit que le fait de témoigner devant un tribunal était l’une des tâches normales du fonctionnaire, car ce dernier travaillait en tant qu’agent d’application de la loi.

c. Réinterrogatoire

495 Alors qu’il a été interrogé de nouveau, l’agent Sullivan a déclaré qu’il arrivait souvent que les chauffeurs ne coupent pas le moteur de leur autobus et qu’on ne puisse pas avoir une conversation à voix normale dans l’autobus. Je ne considère pas que ce témoignage est utile, simplement parce que l’agent Sullivan n’était pas présent pendant l’incident et qu’il ne peut pas faire de commentaire sur le niveau de bruit qu’il y avait à l’intérieur de l’autobus à ce moment-là.

496 L’agent Sullivan a confirmé que les paragraphes 14 et 15 du rapport d’enquête (pièce E-9) énonçaient essentiellement ce que le fonctionnaire avait dit au surintendant Ashikian.

9. Témoignage du surintendant Brezden

a. Interrogatoire principal

497 Le surintendant Brezden est un agent des services frontaliers depuis 1990. Il est surintendant depuis deux ans. Il a été affecté aux postes frontaliers Pacific Highway et Douglas pendant une bonne partie de sa carrière. Il connaît bien les responsabilités des agents des services frontaliers, et il a parlé de la nature du milieu de travail.

498 Le surintendant Brezden a parlé du processus de traitement des autobus. Son témoignage concordait avec celui des autres témoins. Il a déclaré que les agents des services frontaliers demandaient des cartes E-311 aux chauffeurs. Il a indiqué que les agents des services frontaliers ne demandaient habituellement pas aux chauffeurs de descendre de leur autobus, car ils inspectaient les compartiments à bagages.

499 Le surintendant Brezden a déclaré que, si l’autobus avait été garé devant la porte du bureau frontalier terrestre, il se serait trouvé à environ 10 ou 11 pieds de l’entrée. Cependant, je note que l’autobus n’était pas arrêté directement devant la porte. Le surintendant Brezden a déclaré qu’il lui arrivait de toucher un voyageur ou de saisir le vêtement d’un voyageur et qu’il savait que d’autres agents des services frontaliers le faisaient aussi. Il a indiqué qu’il connaissait la politique (pièce E-3). Il a déjà rédigé un rapport sur l’usage de la force. Il n’a jamais préparé un tel rapport pour avoir saisi le vêtement d’un voyageur. Il n’avait pas connaissance d’une occasion où un autre agent des services frontaliers en aurait rédigé un pour cette raison.

500 Le surintendant Brezden connaît le fonctionnaire depuis que ce dernier a été embauché par l’Agence, en 2000. Il n’aurait aucune objection à travailler avec lui si ce dernier était réintégré dans ses fonctions.

501 Quelques jours après l’incident, le fonctionnaire a parlé de ce qui s’était passé avec le surintendant Brezden, son représentant de la section locale de l’agent négociateur. Le fonctionnaire craignait que des plaintes soient déposées. Il a demandé au surintendant de demander à la surintendante Anderson ce qu’elle en pensait.

502 Je constate que le témoignage du surintendant est constitué en bonne partie de preuves par ouï-dire, car il n’a pas été témoin de l’incident; il a simplement discuté avec le fonctionnaire et la surintendante Anderson. J’ai accepté le témoignage du surintendant Brezden en partie parce que l’Agence accusait le fonctionnaire d’avoir fabriqué des preuves. Si le fonctionnaire a donné sa version des faits peu après l’incident, cela pourrait nous permettre de faire la lumière sur cette question.

503 Le surintendant Brezden a déclaré que le fonctionnaire lui avait expliqué que M. Tse-Chun ne lui avait pas donné les cartes E-311. Le fonctionnaire a montré les directives sur les déplacements en autobus (pièce E-11) à M. Tse-Chun, et ce dernier a affirmé qu’il ne pouvait pas les lire. M. Tse-Chun n’était pas coopératif. Le fonctionnaire a empoigné la veste de M. Tse-Chun et l’a conduit à l’intérieur du bureau frontalier terrestre. Le fonctionnaire a essayé de parler avec M. Tse-Chun dans la zone d’inspection secondaire des autobus. Il a communiqué avec la surintendante Anderson, puis il est revenu parler à M. Tse-Chun. La surintendante Anderson a dû élever la voix pour calmer M. Tse-Chun. M. Tse-Chun s’est excusé de son comportement difficile.

504 Le surintendant Brezden a déclaré que les récits qu’il a entendus de la surintendante Anderson et du fonctionnaire se ressemblaient. Il a ajouté que la surintendante Anderson avant répondu ainsi lorsqu’il lui a demandé comment M. Tse-Chun s’était comporté : [traduction] « Comme un fichu de con ». Le surintendant Brezden a dit au fonctionnaire qu’il croyait qu’il n’avait rien à craindre et que la surintendante Anderson avait donné la même version des faits que lui, c’est-à-dire qu’elle avait dit que M. Tse-Chun avait été difficile.

505 Un an plus tard, M. Scoville a demandé une déclaration au surintendant Brezden. Cette demande a été faite en réponse à l’information contenue dans un courriel envoyé par le fonctionnaire à M. Scoville le 16 octobre 2007 (pièce E-14). Le surintendant Brezden a fourni une déclaration non datée (pièce E-16) ainsi qu’un courriel daté du 24 octobre 2007 (pièce E-15). Je note que, bien que la déclaration du surintendant Brezden ne soit pas datée, elle aurait été insérée en pièce jointe dans le courriel du 24 octobre 2007 à M. Scoville. Il est également possible que le surintendant Brezden ait donné sa déclaration en main propre à M. Scoville. L’expression [traduction] « Comme un fichu de con » ne se trouvaient pas dans le courriel ou la déclaration du surintendant Brezden. Je note également que la surintendante Anderson n’a pas été interrogée à ce sujet.

506 Le surintendant Brezden a indiqué qu’il a préparé sa déclaration et qu’il l’a ensuite montré (pièce E-16) à la surintendante Anderson avant de la remettre à M. Scoville. Le surintendant Brezden voulait montrer à la surintendante Anderson la déclaration qu’il avait préparée pour M. Scoville.

507 Le surintendant Brezden a lu ses notes du 24 octobre 2007. Il a rédigé ces notes après avoir parlé à la surintendante Anderson, après avoir préparé sa déclaration (pièce E-16) et avant de la donner à M. Scoville. Selon le surintendant Brezden, la surintendante Anderson a déclaré qu’elle ne se rappelait pas cette conversation, mais que la conversation en question était sans conséquence à ce moment-là. Elle n’avait pas vraiment de raison de s’en souvenir; elle se rappelait que le fonctionnaire lui avait demandé de l’aide au sujet de M. Tse-Chun. Elle lui avait alors dit de s’en occuper lui-même. Le fonctionnaire est revenu un peu plus tard. La surintendante Anderson a déclaré avoir été de mauvaise humeur, car il s'était produit beaucoup de choses ce soir-là, et elle n’était pas contente de devoir intervenir pour le fonctionnaire. Elle a déclaré qu’elle a dû élever la voix pour faire entendre raison à M. Tse-Chun et le convaincre de cesser de créer des difficultés. Elle a expliqué que le manque de coopération de M. Tse-Chun n’était pas rendu au point où il criait contre elle la menaçait; il était simplement [traduction] « casse-pieds ». La surintendante Anderson a dit au surintendant Brezden de ne pas s’inquiéter et de présenter les faits comme il se les rappelait dans sa déclaration. Elle lui a assuré qu’elle s’occuperait elle-même de ce qui la concerne.

508 Le courriel de M. Brezden du 24 octobre 2007 (pièce E-15) s’énonce comme suit :

[Traduction]

[…]

Je ne me rappelle pas exactement quand c’est arrivé. Je crois que c’était quelques jours après l’incident. Andy s’inquiétait au sujet d’une autre plainte, et il m’a demandé mon avis. J’ai donc parlé de l’incident à Toni. Toni m’a raconté l’histoire du début à la fin. C’était pas mal la même chose que ce que m’avait raconté Andy. Le chauffeur n’avait pas demandé aux passagers de remplir les cartes E-311. Andy a essayé de donner au chauffeur un document expliquant ses responsabilités quand il traversait la frontière avec des passagers. Le chauffeur a dit qu’il ne pouvait pas lire le document. Andy lui a demandé d’aller à l’intérieur. Andy est venu et a demandé à Toni de parler au chauffeur. Toni a parlé au chauffeur, qui s’est excusé plus tard pour son comportement.

[…]

509 Aucun membre de la direction n’a posé des questions au surintendant Brezden concernant sa déclaration (pièce E-16).

510 Le surintendant Brezden a déclaré qu’il lui arrivait de toucher un voyageur ou de saisir le vêtement d’un voyageur et qu’il savait que d’autres agents des services frontaliers le faisaient aussi. Il a déjà préparé quatre ou cinq rapports sur l’usage de la force. Il n’a jamais produit un tel rapport après avoir touché un voyageur ou saisi le vêtement d’un voyageur. Il n’avait pas connaissance d’occasions où d’autres agents des services frontaliers auraient rédigé un rapport pour cette raison.

b. Contre-interrogatoire

511 Le surintendant Brezden a admis que le récit de la surintendante Anderson concernant ce qui s’est passé à l’intérieur et à l’extérieur de l’autobus avant que le fonctionnaire et M. Tse-Chun entrent dans le bureau frontalier terrestre était basé sur ce que le fonctionnaire avait dit à la surintendante Anderson. Tout ce que le surintendant Brezden connaît de l’incident provient du fonctionnaire.

512 Le surintendant Brezden a indiqué dans son courriel du 24 octobre 2007 (pièce E-15) que le fonctionnaire s’inquiétait au sujet d’une autre plainte quand il lui a parlé de l’incident impliquant M. Tse-Chun. La défenderesse a tenté de contre-interroger le surintendant Brezden sur le fond des plaintes précédentes. J’avais rendu une décision auparavant qui interdisait de présenter des preuves liées à des plaintes non inscrites au dossier disciplinaire du fonctionnaire. Par conséquent, je n’ai pas permis à la défenderesse de poser des questions à ce sujet.

513 Le surintendant Brezden a déclaré qu’étant donné la nature du travail, des plaintes peuvent être déposées même si on respecte les procédures à la lettre.

514 Le surintendant Brezden a déclaré que la procédure opérationnelle normale était de demander au chauffeur d’autobus les cartes E-311 de ses passagers. Il a expliqué que les cartes E-311 contenaient toute l’information obligatoire et que, en comparant l’information des passeports, on pouvait traiter les passagers plus rapidement que s’ils étaient traités un par un. Il a admis que les passagers ne sont tenus par aucune terminologie légale de remplir les cartes E-311. Le surintendant Brezden a déclaré qu’une période de grâce était en cours pour les cartes E-311 et que les chauffeurs d’autobus recevraient un avis lorsque les cartes deviendraient obligatoires. Le surintendant Brezden a indiqué que les agents des services frontaliers avaient reçu la directive de demander les cartes E-311. Il a ajouté que cette directive ne leur a pas été transmise par l’intermédiaire d’un document de politique, mais que la pratique était en vigueur au moment de l’incident. Le surintendant Brezden a déclaré que certains chauffeurs ne connaissaient pas les directives concernant les cartes E-311. Il a précisé qu’il ne savait pas que des déclarations verbales étaient utilisées au moment de l’incident. Il a indiqué que la nouvelle politique avait été mise en œuvre aux environs du mois de juin 2006.

515 Si un chauffeur affirmait qu’il ne savait pas qu’il fallait fournir des cartes E-311, le surintendant Brezden serait allé chercher les directives sur les déplacements en autobus (pièce E-11) ainsi que les cartes. Si le chauffeur écoutait et coopérait, il n’y avait aucune raison de devenir agressif.

516 Le surintendant Brezden a déclaré qu’il ne savait pas où l’autobus était immobilisé le soir de l’incident. Il a expliqué que s’il s’était immobilisé à la ligne d’arrêt, il aurait été à 10 ou 11 pieds du bureau frontalier terrestre.

517 Le surintendant Brezden a déclaré qu’il saisirait le vêtement d’un voyageur si ce dernier n’écoutait pas bien. Il prendrait une personne par le coude pour la diriger si elle demandait par où elle devait aller. Si la personne n’oppose pas de résistance, il n’y a aucune raison de la saisir par le vêtement. Le surintendant Brezden a déclaré qu’il empoignerait un vêtement et tirerait la personne si cette personne était retenue par quelqu’un ou quelque chose et essayait de s'en aller du mauvais côté. Si une personne opposait de la résistance, le surintendant Brezden pourrait empoigner le vêtement de cette personne et relâcher la personne une fois qu’elle reprend la bonne direction. Si une personne opposait de la résistance et posait un danger pour lui ou le public, le surintendant Brezden pourrait l’entraîner jusqu’au bureau frontalier terrestre. Si le surintendant Brezden retenait une personne présentant une menace pour lui ou un autre agent des services frontaliers, il garderait ses mains sur cette personne. Il préparerait un rapport sur l’usage de la force s’il avait dirigé ou forcé une personne.

518 Le surintendant Brezden a déclaré que la surintendante Anderson lui avait dit que M. Tse-Chun avait été difficile, ce qui est en contradiction avec l’information qu’elle a fournie dans les déclarations qu’elle a faites dans le cadre de l’enquête (pièces E-6 et E-9) et dans son témoignage à l’audience.

10. Témoignage de l’agent Duthie

a. Interrogatoire principal

519 L’agent Duthie fait partie de l’équipe chargée de traquer les personnes visées par un mandat d’arrêt pancanadien. L’Agence l’a embauché en mai 2006. Il travaillait alors comme agent des services frontaliers aux postes frontaliers Pacific Highway et Douglas. Il a travaillé avec le fonctionnaire, et il était en poste le soir de l’incident. En 2006, l’agent Duthie était affecté principalement au secteur de l’immigration. Il ne travaillait pas directement avec le fonctionnaire.

520 Le 22 octobre 2006, l’agent Duthie travaillait du côté de l’immigration du comptoir du bureau frontalier terrestre, près des portes donnant sur l’entrée des autobus. Il s’occupait des renvois aux examens secondaires d’immigration, et il déterminait l’admissibilité des voyageurs au Canada. Tard dans la soirée, il a entendu un message radio demandant de l’aide dans la zone des autobus. Il ne s’agissait pas d’un message d’urgence, et la personne ne semblait pas paniquer. Il ne se rappelait pas qui avait lancé le message.

521 L’agent Duthie a déclaré que les situations difficiles avaient tendance à inciter d’autres agents des services frontaliers à venir en aide. Il a suivi d’autres agents des services frontaliers dans la zone d’inspection secondaire des autobus. Le fonctionnaire était avec M. Tse-Chun, qui était assis sur une des boîtes en acier inoxydable utilisées par les agents des services frontaliers pour l’inspection secondaire des bagages. Le fonctionnaire parlait à M. Tse-Chun. D’autres agents des services frontaliers étaient présents. L’agent Duthie a noté que M. Tse-Chun semblait agité, que le fonctionnaire dirigeait M. Tse-Chun d’une manière contrôlante et que M. Tse-Chun n’était pas coopératif. L’agent Duthie a déclaré que M. Tse-Chun était fâché, que le ton de sa voix était élevé, qu’il opposait de la résistance et qu’il avait une attitude conflictuelle. L’agent Duthie observait la scène à une quinzaine de pieds de distance. Il ne savait pas ce qui avait mené à la situation.

522 Le fonctionnaire a dirigé M. Tse-Chun dans la zone d’examen secondaire d’immigration, derrière une porte vitrée coulissante, et il lui a demandé de s’asseoir. L’agent Duthie et les autres agents des services frontaliers se sont déplacés dans la zone en question de façon à éloigner M. Tse-Chun du public et à rendre la situation plus sécuritaire. Le fonctionnaire n’a pas demandé à l’agent Duthie de lui porter assistance. L’intervention de l’agent Duthie n’était pas requise, et la situation semblait maîtrisée. L’agent Duthie a déclaré que M. Tse-Chun était agité et affichait une attitude cavalière. Il a entendu le fonctionnaire et la surintendante Anderson discuter avec M. Tse-Chun, qui résistait passivement, affichait une attitude désinvolte et était fâché.

523 L’agent Duthie a déclaré qu’il avait compris que M. Tse-Chun n’avait pas fait une déclaration conforme et que la surintendante Anderson et le fonctionnaire lui expliquaient que la procédure à suivre était de présenter des cartes E-311. M. Tse-Chun gesticulait et balayait leur propos du revers de la main en disant : [traduction] « Oui, oui, je sais ». M. Tse-Chun ne semblait pas écouter et ne semblait pas être coopératif. L’agent Duthie a expliqué que [traduction] « toute personne affichant un comportement agité n’est pas coopérative, car elle fait monter le niveau de risque ». M. Tse-Chun obtempérait, mais il ne semblait pas vouloir suivre les ordres.

524 Une bonne partie de l’information fournie par l’agent Duthie lui a été soutirée de manière indirecte, et la défenderesse s’est opposée à l’utilisation de questions suggestives.

525 L’agent Duthie a déclaré que M. Tse-Chun était agité, non coopératif et fâché, et qu’il faisait fi de ce qu’on lui disait en gesticulant. M. Tse-Chun ne semblait pas vouloir suivre les ordres qu’on lui donnait. L’agent Duthie a noté qu’il avait observé M. Tse-Chun pendant une demi-heure.

526 L’agent Duthie a déclaré qu’à un certain moment tout le monde a dû élever la voix pour se faire comprendre. M. Tse-Chun répliquait à la surintendante Anderson et au fonctionnaire. Il ne coopérait pas, ne suivait pas les ordres et argumentait. M. Tse-Chun s’est calmé après un certain temps.

527 L’agent Duthie a déclaré qu’il a alors été assigné à une autre tâche. Il a expliqué qu’il avait agi à titre d’observateur et qu’il était normal et courant de voir des gens agités ou argumentatifs dans un poste frontalier.

528 L’agent Duthie a reçu une formation en août 2006. Il a suivi une formation sur le recours à la force. Il avait déjà été impliqué dans des incidents de recours à la force.

529 Selon les observations de l’agent Duthie, M. Tse-Chun se trouvait quelque part entre coopératif et non coopératif. Une telle caractérisation pourrait dériver vers la résistance si la personne se levait avec réticence pour bouger, ce qui pourrait indiquer un changement vers un comportement présentant un risque plus élevé.

530 L’agent Duthie a déclaré que des caméras filmaient toute l’aire des comptoirs et toutes les entrées des zones d’examen secondaire d’immigration et des autobus. Généralement, il y avait une caméra filmant tous les endroits où un agent des services frontaliers pourrait interagir avec un membre du public. L’agent Duthie ne savait pas combien de temps les bandes vidéo étaient conservées. Il n’a vu aucun passager descendre de l’autobus.

531 L’agent Duthie n’a pas fait de déclaration à la direction relativement à ses observations, car il ne croyait pas qu’il y avait quoi que ce soit à rapporter. Il a fait connaître sa version des faits immédiatement après le licenciement du fonctionnaire. Le fonctionnaire était une connaissance amicale, et il ne croyait pas que l’incident était grave ou que le fonctionnaire serait licencié. Personne n’a informé l’agent Duthie que le fonctionnaire risquait d’être licencié. L’agent Duthie a communiqué avec le fonctionnaire pour lui offrir son soutien. Il trouvait curieux qu’on ne l’ait pas interrogé dans le cadre d’une enquête ayant mené au licenciement d’un employé en raison d’un incident critique et d’un cas de recours à la force, car il avait observé une partie de l’incident.

b. Contre-interrogatoire

532 Pendant le contre-interrogatoire, l’agent Duthie a reconnu qu’il n’avait pas été témoin des premières interactions entre le fonctionnaire et M. Tse-Chun. L’agent Duthie ne se rappelait avoir vu la surintendante Anderson que dans la zone d’examen secondaire d’immigration. Il a confirmé que M. Tse-Chun était fâché, agité et non coopératif. On a demandé à l’agent Duthie de prendre en compte la déclaration de mi-décembre 2006 de la surintendante Anderson (pièce E-5), dans laquelle elle disait que M. Tse-Chun n’était pas agité. L’agent Duthie a indiqué que la surintendante Anderson n’avait décrit aucun type de comportement. Il a expliqué qu’une personne pouvait être réticente et non coopérative sans nécessairement opposer de résistance. L’agent Duthie a déclaré qu’un témoin pouvait avoir un langage corporel et démontrer des signes menaçants. Il a admis que dans sa déclaration de mi-décembre 2006 (pièce E-5), la surintendante Anderson ne décrivait pas ce qu’il avait observé.

533 On a demandé à l’agent Duthie de prendre en compte la déclaration du 16 septembre 2007 de la surintendante Anderson (pièce E-6). L’agent Duthie a déclaré que, alors qu’il se tenait à la gauche de la surintendante Anderson, il l’avait entendue dire à M. Tse-Chun de s’assoir, de rester calme et tranquille et de bien se conduire. La surintendante Anderson parlait alors à M. Tse-Chun. L’agent Duthie a déclaré que, selon son expérience et sa formation, le niveau d’agressivité de la surintendante Anderson correspondait au niveau d’agressivité de M. Tse-Chun.

534 Durant le contre-interrogatoire, l’agent Duthie a ajouté qu’il n’avait pas informé l’Agence parce que la surintendante Anderson avait été témoin de l’incident. Il n’avait rien à ajouter, car l’Agence avait déjà l’information de la surintendante Anderson, qui était plus impliquée que lui dans l’incident.

535 Quand le fonctionnaire a été affecté au Centre de traitement CANPASS, il est devenu clair pour l’agent Duthie que l’incident était grave. L’agent Duthie pensait que quelqu’un viendrait lui parler. Il n’a pas pris l’initiative d’aller parler à la direction de ce qu’il avait vu. Il se disait que le fonctionnaire aurait vu qu’il était dans le bureau frontalier terrestre le soir de l’incident. L’agent Duthie n’était pas étonné que le fonctionnaire n’ait pas donné son nom.

536 L’agent Duthie croit que le fonctionnaire a été interrogé plus d’un an après l’incident. Il lui aurait été difficile de se rappeler qui était en service le soir de l’incident. L’agent Duthie a déclaré que ce n’était pas au fonctionnaire de fournir le tableau de service au surintendant Ashikian. L’agent Duthie a déjà fait le travail d’enquêteur dans le passé et il recueillait lui-même ses preuves.

11. Témoignage du fonctionnaire

a. Interrogatoire principal

537 Le fonctionnaire a obtenu un diplôme de deux ans en criminologie et il a trois années d’études à son actif en vue de l’obtention d’un baccalauréat ès arts en sociologie à l’Université de Victoria.

538 Le fonctionnaire a décrit son expérience de travail. Il a fait partie des Forces armées canadiennes de 1985 à 1995. Il a été gendarme auxiliaire pendant six ans. Il a été superviseur de sécurité auprès de l’entreprise Intercon Security. Il a occupé le poste d’agent d’immigration durant trois périodes déterminées à Citoyenneté et Immigration Canada, à l’aéroport international de Vancouver et au port de Victoria. Il a travaillé pendant quelques années comme examinateur de passeports pour Passeport Canada. Il a eu un emploi d’été auprès de l’Agence à titre d’étudiant. Il a été agent des services frontaliers pour l’Agence de 2000 à 2006.

539 Depuis son licenciement, le fonctionnaire a occupé un poste pour une période déterminée auprès de la Garde côtière canadienne et un poste d’agent de sécurité publique à l’aéroport international de Vancouver, où il travaillait pour l’entreprise de sécurité Garda. Le fonctionnaire occupe maintenant un poste de gestionnaire de la sécurité pour les Hôtels Fairmont, ainsi qu’un poste à temps partiel sur appel pour la Garde côtière, à titre de capitaine d’embarcation de sauvetage.

540 Le fonctionnaire a expliqué que son mandat à titre d’agent des services frontaliers aux postes frontaliers Pacific Highway et Douglas consistait à faciliter le passage des gens et des marchandises à la frontière dans le but de protéger l’économie et la société canadienne. Il a confirmé qu’au moment de son licenciement, il était agent d’évaluation du risque à CANPASS.

541 Lorsqu’il était agent des services frontaliers, le fonctionnaire travaillait des quarts de travail sur la voie d’inspection primaire de la circulation des véhicules et des piétons. Il lui arrivait de s’occuper du trafic maritime au quai douanier de White Rock. Il effectuait aussi des inspections secondaires de personnes et de marchandises.

542 En 2002 ou en 2003, le fonctionnaire est devenu agent des douanes désigné aux termes de l’article 163 de la Loi sur les douanes, qui octroie des pouvoirs supplémentaires en vertu du Code criminel à des agents des services frontaliers pour leur permettre de mener des enquêtes et de faire respecter la loi. Il a reçu, au poste frontalier Huntingdon, de la formation sur les tactiques de défense et d’usage de la force ainsi que sur le MIGI. Il a suivi ce cours à deux ou trois reprises. Au moment de sa formation initiale au Centre de formation de l’Agence à Rigaud, la formation sur le recours à la force ne faisait pas partie du programme. En 1989, il a aussi suivi auprès de la GRC une formation sur le recours à la force, qui comprenait une composante sur les armes à feu. Il a dit que l’approche de la GRC était semblable à celle du MIGI de l’Agence. Il recevait annuellement une formation et une certification sur l’utilisation des armes à feu, du bâton et du vaporisateur de poivre.

543 Le fonctionnaire a expliqué le processus normalement utilisé pour le traitement d’un autobus. Lorsqu’un autobus traverse la frontière pour venir au Canada, il se rend dans la zone d’inspection des autobus au poste frontalier Pacific Highway. Il n’y a normalement pas d’agent des services frontaliers affecté à cette zone, sauf lorsqu’il y a une grande affluence d’autobus.

544 D’habitude, le chauffeur se rend à l’intérieur du bureau frontalier terrestre pour remettre sa déclaration au comptoir secondaire. Le chauffeur indique alors qu’il conduit un autobus et précise le nom de la compagnie pour laquelle il travaille, le nombre de passagers qu’il transporte et la durée du séjour aux États-Unis. Les chauffeurs d’autobus à horaire fixe font des déclarations moins détaillées, puisqu’ils ont moins de renseignements sur leurs passagers.

545 Dans le cas d’un autobus à horaire fixe, les bagages sont déchargés sur un carrousel. Un agent des services frontaliers met le tapis transporteur du carrousel en marche et fait venir les bagages à l’intérieur. Le chauffeur d’autobus fait entrer les passagers, qui se mettent en file à un poste d’inspection pour être traités. Les gens qui doivent obtenir une autorisation d’immigration sont dirigés vers une zone d’examen secondaire d’immigration et on leur remet une carte E-311 codée pour un examen d’immigration. Des passagers peuvent être redirigés pour subir une inspection secondaire. Un agent des services frontaliers inspecte l’autobus pour vérifier qu’il ne reste aucun bagage ou article de contrebande.

546 Certains autobus sont examinés plus en profondeur s’il y a présence de certains indicateurs. Depuis 2000, les autobus ont commencé à être inspectés de façon plus détaillées en raison de problèmes de trafic de drogue. Les passagers traités sont envoyés dans une zone à accès restreint en attendant de remonter dans l’autobus.

547 Dans le cas d’un autobus nolisé, le chauffeur remet sa déclaration de la même façon, mais il remet généralement des cartes E-311 que lui et ses passagers ont remplies.

548 Un agent des services frontaliers qui travaille dans la zone réservée aux autobus peut monter dans un autobus pour effectuer un traitement plus rapide et il peut demander au chauffeur les renseignements que celui-ci devrait normalement déclarer au comptoir, incluant les cartes E-311. L’agent des services frontaliers examine les cartes qui lui sont remises et vérifie la citoyenneté et le statut de résident des passagers afin de déterminer s’il est nécessaire de faire passer des gens par l’immigration. L’agent des services frontaliers examine également les réponses aux questions apparaissant sur la carte, notamment la valeur des biens achetés et les déclarations sur les armes, l’alcool et le tabac, les animaux, les plantes, les viandes et si un passager prévoit visiter une ferme dans les 14 jours ou s’il transporte plus de 10 000 $ en argent liquide. En présence de certains indicateurs, l’agent des services frontaliers peut demander que les bagages soient déchargés de l’autobus. Le fonctionnaire a précisé que la même politique, la même procédure et la même méthodologie s’appliquent pour le traitement d’un autobus nolisé effectuant un séjour d’une journée.

549 Le fonctionnaire a déclaré que le nombre d’agents des services frontaliers présents dans la zone réservée aux autobus dépend du nombre d’autobus. Généralement, pour les autobus à horaire fixe, le fait d’avoir moins de trois agents des services frontaliers en poste peut entraîner des retards dans le traitement de la circulation. Normalement, quand il y a un événement sportif ou un concert, deux agents des services frontaliers travaillent dans la zone réservée aux autobus afin de faciliter la circulation des autobus et assurer la sécurité des agents travaillant au poste frontalier Pacific Highway.

550 Le fonctionnaire préparait régulièrement des statistiques. Il y a normalement entre 30 et 35 autobus traités au poste frontalier Pacific Highway par période de 24 heures. La proportion d’autobus nolisés et d’autobus suivant un horaire fixe varie, mais il y en a peut-être 50 % qui sont des autobus nolisés. Le fonctionnaire a déclaré que lors d’occasions spéciales, comme des événements sportifs, des concerts, des festivals, des fêtes, des parades ou des jours fériés, il faut s’attendre à un plus grand nombre de voyageurs.

551 Les voies réservées aux autobus sont utilisées pour les traitements spéciaux, pour lesquels des permissions et des rendez-vous sont fixés à l’avance. Par exemple lorsqu’un agent de la police de Seattle a été tué dans l’exercice de ses fonctions ou pour le passage d’un autobus pour enfants malades de l’organisme Shriners.

552 Le fonctionnaire a indiqué que les matchs de football des Seahawks de Seattle  augmentaient considérablement le nombre de voyageurs passant par le poste frontalier Pacific Highway, bien souvent à raison de 25 à 30 autobus de plus que le nombre habituel. Il y a normalement plus d’employés en poste afin de compenser le volume de travail additionnel. Souvent, les passagers dans ces autobus sont ivres, ce qui rend le traitement plus difficile.

553 Le fonctionnaire a travaillé tous les jours dans les voies réservées aux autobus, mais il a aussi travaillé dans les voies réservées aux automobiles et au comptoir d’inspection secondaire à l’intérieur du bureau frontalier terrestre. Les directives sur les déplacements en autobus (pièce E-11) étaient affichées à l’extérieur du bureau frontalier terrestre.

554 La politique du poste frontalier Pacific Highway sur l’utilisation des cartes E-311 n’était pas consignée dans un manuel. Les employés devaient apprendre et comprendre la politique du poste frontalier Pacific Highway, qui précisait les procédures énoncées dans la Loi sur les douanes pour leur application locale. Il n’existait pas de publication énonçant les procédures opérationnelles normales. Il y avait un Manuel d’exécution des douanes, un manuel sur la procédure de traitement aux douanes, et des notes de service ou des aide-mémoire sur des sujets tels que le recours à la force et la conduite avec facultés affaiblies. Le Manuel sur le traitement des voyageurs (pièce G-3) était considéré comme « la Bible ».

555 Le fonctionnaire a eu une formation sur le traitement des voyageurs au Centre de formation de l’Agence à Rigaud. On lui a appris que les cartes E-311 pouvaient être utilisées pour tous les moyens de transport. Des cartes E-311 sont mises à la disposition des passagers et des chauffeurs au poste frontalier Pacific Highway.

556 Le fonctionnaire a identifié six photographies de la voie réservée aux autobus et de l’intérieur du bureau frontalier terrestre (pièce G-2). Il a indiqué que deux voies pour les autobus se trouvaient devant le bureau frontalier terrestre, et deux autres voies étaient situées derrière pour les camions à usage commercial.

557 Le fonctionnaire a précisé qu’au moment de l’incident, l’autobus de M. Tse-Chun était garé six à huit pieds avant la ligne d’arrêt dans la voie réservée aux autobus. Durant le contre-interrogatoire, il a fait un dessin sur la photographie 2 montrant le bureau frontalier terrestre (pièce G-2) et a ainsi indiqué que l’autobus de M. Tse-Chun était à environ un autobus de distance derrière l’autobus qui le précédait et qui, lui, était probablement immobilisé à la ligne d’arrêt.

558 Le fonctionnaire savait qu’un système de surveillance vidéo était installé pour filmer la zone réservée aux autobus et l’intérieur du bureau frontalier terrestre. L’une des tâches des agents des services frontaliers travaillant de nuit consistait à retirer les bandes vidéo de surveillance pour les remplacer par de nouvelles bandes en vue du quart de travail suivant. Le fonctionnaire a dit que les bandes vidéo étaient remplacées en suivant un cycle de 30 jours. Il se souvenait avoir vu des photographies claires prises lors d’une arrestation à l’intérieur du bureau frontalier terrestre, et que ces photographies avaient été tirées du système de surveillance vidéo.

559 Le fonctionnaire a renvoyé à certaines parties du Manuel sur le traitement des voyageurs (pièce G-3) qui traitent de ses pouvoirs et de sa formation. Les trois premières pages portaient sur les techniques de [traduction] « désamorçage » (partie 1, chapitre 3), notamment des indicateurs verbaux et non verbaux concernant les voyageurs difficiles ou qui montrent des signes de niveau élevé d’anxiété, ainsi que les méthodes pour désamorcer ou gérer ces situations.

560 L’extrait du Manuel sur le traitement des voyageurs (pièce G-3) contenait également de l’information sur le traitement primaire et sur le renvoi à l’immigration des voyageurs. Il parlait aussi du devoir d’un voyageur de se présenter à un agent conformément à l’article 11 de la Loi sur les douanes et de répondre honnêtement aux questions que lui pose un agent des services frontaliers dans l’exercice de ses fonctions. Le fonctionnaire a précisé que le manuel souligne l’importance de reconnaître rapidement les comportements difficiles. Il a mentionné plus particulièrement l’influence que peut avoir les spectateurs. À la page 2, partie I, chapitre 3, du manuel, on peut y lire :

[Traduction]

[…]

Un autre facteur est l’influence des spectateurs. Si les spectateurs semblent appuyer un voyageur agité, cela peut augmenter le risque que la confrontation perdure ou empire. À l’inverse, si les spectateurs tentent d’ignorer l’individu ou expriment leur désaccord, cela peut contribuer à réduire la gravité de la situation parce que le voyageur sera humilié et gêné d’avoir perdu son sang-froid en public.

[…]

561 Le fonctionnaire a expliqué les techniques de désamorçage, qui sont des méthodes visant à calmer un voyageur ou à maîtriser une situation qui allait en s’aggravant. Le fonctionnaire a dit que ces méthodes étaient composées de plusieurs éléments différents, comme être à l’écoute, attendre les pointes et les creux, permettre de ventiler, écouter activement, éloigner le sujet de l’assistance, expliquer ou éduquer le sujet, démontrer les avantages, les conséquences ou les limites d’une situation.

562 Le fonctionnaire a dit que l’embarras ou le besoin de sauver la face est souvent un facteur important pour désamorcer une situation. Le fonctionnaire a expliqué l’importance de poser des questions et d’être attentif aux indicateurs présents. Il a souligné l’importance de l’inspection primaire, et qu’en l’absence d’explication raisonnable, une inspection plus approfondie peut être nécessaire.

563 Le fonctionnaire a souligné la question des renvois pour des raisons médicales. Le fonctionnaire a dit que si un agent des services frontaliers ne peut prendre une décision définitive au cours de l’inspection primaire, le voyageur peut être amené à subir une inspection secondaire.

564 Le fonctionnaire a été renvoyé à sa déclaration (pièce E-9, annexe A). Il a expliqué que le surintendant Ashikian avait communiqué avec le fonctionnaire entre octobre 2006 et février 2007 pour lui demander de soumettre une déclaration. L’information que le fonctionnaire a reçue était vague, et il ne savait pas si l’affaire portait sur un incident ou sur l’examen d’un voyageur. Le fonctionnaire a dit qu’il a géré de nombreux incidents. Il croit avoir eu une conversation avec le chef Clarke dans le bureau de ce dernier au sujet du traitement d’un autobus, et le fonctionnaire croyait qu’il s’agissait de [traduction] « l’incident » en question. Le fonctionnaire a affirmé que les détails sur le nom, l’endroit et l’incident étaient vagues. Il se souvenait d’avoir demandé des renseignements supplémentaires pour savoir de quoi le surintendant Ashikian parlait au juste. Le fonctionnaire a dit que, normalement, on lui transmettrait une allégation à laquelle il répondait.

565 Le fonctionnaire s’est souvenu d’un après-midi au cours duquel le chef Clarke lui a demandé de se présenter à son bureau du poste frontalier Pacific Highway. Le chef Clarke a soulevé la question des allégations de Mme Hellsten et de Mme Backman. Le fonctionnaire n’était pas certain si le chef Clarke avait précisé une date pour le prétendu [traduction] « incident ». Le fonctionnaire s’est souvenu que le chef Clarke avait déclaré que [traduction] « l’incident » ferait l’objet d’une enquête et que le fonctionnaire serait affecté au Centre de traitement CANPASS. Le fonctionnaire ne se rappelait pas ce qu’on lui avait dit au sujet des allégations.

566 Le fonctionnaire n’avait pas de contacts professionnels ou sociaux avec d’autres collègues de travail, puisque le Centre de traitement CANPASS était situé dans des bâtiments mobiles dans un secteur distinct du poste frontalier Pacific Highway, et qu’il était accessible à partir d’un endroit différent. Il a dit qu’il s’agissait d’une période embarrassante pour lui et qu’il tentait de se concentrer sur ce qu’on lui disait de faire.

567 Le fonctionnaire ne se souvenait pas tellement de son contact initial avec le surintendant Ashikian — le fonctionnaire ne sait pas quand il a eu lieu, s’il s’agissait d’une réunion en personne ou par téléphone et où cette réunion aurait eu lieu, et il ne se rappelait pas avoir remis une déclaration au surintendant Ashikian (pièce 9, annexe A). Le fonctionnaire se souvenait d’avoir discuté de sa déclaration avec le surintendant Ashikian lors d’une rencontre ultérieure. Le fonctionnaire s’était fait dire que le surintendant Ashikian voulait discuter avec lui de l’incident. Le fonctionnaire s’était fait dire qu’il avait le droit d’inviter un observateur à assister à la rencontre. Il a demandé à l’agent Sullivan de venir avec lui. La rencontre a eu lieu dans la salle de conférence du poste frontalier Pacific Highway. Le surintendant Ashikian a passé en revue les directives sur l’entrevue, y compris le droit du fonctionnaire d’être accompagné d’un observateur. Le surintendant Ashikian a mentionné que les questions et les réponses seraient consignées. Le fonctionnaire se souvenait d’avoir demandé une copie de tout ce qui serait mis sur papier, ce qui lui a été refusé. L’agent Sullivan avait exprimé ses inquiétudes. Le fonctionnaire était préoccupé, car il s’agissait de renseignements qu’il avait donnés et signés.

568 Le fonctionnaire se souvenait qu’il avait de la difficulté à se rappeler les événements, puisque quatre mois s’étaient écoulés. Il se souvenait d’avoir demandé au surintendant Ashikian, par l’entremise de ses gestionnaires au poste frontalier Pacific Highway, que l’entrevue se tienne plus tôt, ce à quoi le surintendant Ashikian avait répondu qu’il partait en vacances et qu’il faudrait un certain temps pour que l’entrevue puisse avoir lieu.

569 Le fonctionnaire a affirmé qu’il avait transmis ses préoccupations concernant ce délai à la direction, notamment au chef Clark et au chef intérimaire Bonnett. Le fonctionnaire pensait qu’il s’était écoulé un temps déraisonnable, et ses souvenirs s’estompaient pendant ce temps. Il ne voyait pas pourquoi on ne lui donnait pas l’occasion de discuter de l’incident plus tôt. Il se rappelait également avoir demandé à parler à un formateur du recours à la force. Il a affirmé qu’on lui avait dit, lors de la formation, que selon la politique en vigueur, un agent des services frontaliers impliqué dans une situation de recours à la force avait le droit de discuter de la situation avec un formateur technique, afin d’aider l’agent des services frontaliers à expliquer et à comprendre ce qui s’est produit.

570 Le fonctionnaire se rappelait qu’au début de l’entrevue, le surintendant Ashikian lui avait dit qu’il aurait l’occasion de revoir, de modifier, de parapher et de signer le compte rendu de l’entrevue. Le fonctionnaire a dit que le surintendant Ashikian avait pris 6 pages de notes manuscrites, lesquelles étaient inscrites sur des pages portant l’entête [traduction] « Enquête des Affaires internes – Compte rendu de l’entrevue ». Le fonctionnaire a lu et passé en revue les questions qui lui ont été posées ainsi que les réponses qui ont été consignées. Il a dit qu’il se sentait mal à l’aise en signant chaque page, car il avait l’impression de ne pas avoir donné suffisamment de précisions sur l’incident. Il a signé les pages sur la base qu’elles rendaient bien compte de ce qui était ressorti de l’entrevue. Il a trouvé inhabituel qu’on ne lui en remette pas une copie.

571 À la suite de son licenciement, le fonctionnaire a présenté une demande d’accès à l’information dans laquelle il demandait qu’on lui remette tout ce qui concernait l’incident et l’enquête. Il a indiqué qu’une longue période s’est écoulée avant qu’il ne reçoive une réponse, et qu’on ne lui a pas remis le compte rendu de son entrevue. Il a reçu des versions révisées des déclarations des témoins. Il n’a pas jugé l’information reçue comme étant d’une grande utilité.

572 Le fonctionnaire se souvenait que le 22 octobre 2006 était une soirée chargée, que beaucoup de voitures et d’autobus revenaient au Canada et qu’un match des Seahawks de Seattle avait eu lieu le soir même. Il a indiqué qu’il s’attendait à un grand nombre d’autobus et à des voyageurs ivres et difficiles. Il se souvenait d’une discussion sur le manque de personnel dans l’équipe 7 ce soir-là. Il se rappelait qu’il s’agissait d’une situation préoccupante, puisqu’il est difficile dans ces conditions de traiter la circulation et de s’occuper des inspections secondaires, des saisies et des arrestations.

573 Le fonctionnaire s’est rendu au bureau frontalier terrestre pour aider au traitement des autobus, qui faisaient la file. Avec l’aide d’un autre agent des services frontaliers, Robert Reeve, il a procédé au traitement d’une file d’autobus. Il a expliqué que chaque agent des services frontaliers choisissait un autobus, montait à bord et procédait au traitement avec le chauffeur d’autobus et ses passagers. Il se souvenait que l’agent Reeve avait dû s'absenter pour s’occuper des automobiles. Il se souvenait aussi d’avoir demandé par radio qu’un autre agent des services frontaliers vienne l’aider au traitement des autobus, car il y en avait beaucoup. Le traitement des autobus représente beaucoup de travail pour un seul agent des services frontaliers, alors que l’objectif est de ne pas dépasser 20 minutes d’attente. Personne n’a répondu à l’appel. Il s’agissait d’une situation typique, puisque les agents des services frontaliers vont dans la zone réservée aux autobus lorsqu’ils ont du temps libre.

574 Le fonctionnaire est monté dans l’autobus et a demandé à M. Tse-Chun de lui remettre les cartes E-311. Le fonctionnaire a précisé qu’il avait été bref et était allé droit au but. Il n’a pas dit : [traduction] « Bonsoir et bienvenue au Canada. Comment allez-vous? ». Il a simplement dit : [traduction] « Cartes de déclaration » en tendant la main. Il se souvenait que M. Tse-Chun l’avait regardé d’un air déconcerté, en fronçant les sourcils, et qu’il a répondu : [traduction] « Cartes de déclaration? ». Le fonctionnaire a répondu : [traduction] « Oui ». M. Tse-Chun a alors déclaré : [traduction] « Je n’en ai pas besoin » ou quelque chose de ce genre. Le fonctionnaire a dit qu’il a regardé M. Tse-Chun et qu’il a pris un moment pour réfléchir à ce que M. Tse-Chun venait de dire et pour évaluer les intentions de M. Tse-Chun, à savoir s’il ne comprenait sincèrement pas, s’il posait une question ou s’il affichait de l’entêtement. Dès le départ, il a semblé au fonctionnaire que M. Tse-Chun créait des difficultés. Ila ajouté que certains chauffeurs font semblant de ne pas connaître le règlement ou qu’ils protestent contre l’exigence de se conformer aux directives des agents des services frontaliers en raison de la quantité de travail requise pour en accomplir les formalités.

575 Les chauffeurs d’autobus se plaignent souvent du fait qu’il n’y a pas suffisamment de stylos pour tous les passagers, qu’il n’y a pas de cartes E-311, que les passagers ne veulent pas remplir les cartes ou ne les remplissent pas correctement, ou encore que les chauffeurs d’autobus ont de la difficulté à expliquer comment remplir les cartes correctement. Le fonctionnaire a dit que certains chauffeurs d’autobus ne veulent pas se plier à ces formalités. Le fonctionnaire a déjà eu affaire à des chauffeurs d’autobus qui lui disaient que c’était la première fois qu’ils passaient par là, et il les a aidés lorsque leur comportement révélait un désir d’apprendre comment faire, de coopérer et de satisfaire aux exigences.

576 Dans le cas de M. Tse-Chun, le fonctionnaire a jugé que M. Tse-Chun ne voulait pas coopérer parce qu’il ne voulait pas faire d’efforts. Plutôt que de se disputer avec M. Tse-Chun, ce que ce dernier semblait prêt à faire, le fonctionnaire est sorti de l’autobus et s’est rendu jusqu’au mur, situé à proximité, pour prendre les directives sur les déplacements en autobus (pièce E-11) afin de l’aider à clarifier ce qu’il demandait. M. Tse-Chun a déclaré que le fonctionnaire était le seul à lui avoir demandé des cartes E-311, ce qui était une réponse couramment donnée par les chauffeurs passant par le processus de traitement chaque jour. Le fonctionnaire voulait montrer les directives sur les déplacements en autobus à M. Tse-Chun pour lui montrer que cela faisait partie d’une formalité établie, qu’il ne s’agissait pas d’une demande arbitraire, que le fonctionnaire ne ciblait pas M. Tse-Chun en particulier, et qu’il s’agissait d’une demande raisonnable et sensée.

577 Le fonctionnaire est remonté dans l’autobus et a présenté les directives sur les déplacements en autobus (pièce E-11) à M. Tse-Chun. Le fonctionnaire a dit qu’il les a présentées à la hauteur de sa taille, ce qui correspondait à la hauteur de la tête de M. Tse-Chun, et qu’il les a penchées vers M. Tse-Chun. La lumière du chauffeur était allumée, et le fonctionnaire a dit : [traduction] « Voilà ». Il a donné à M. Tse-Chun suffisamment de temps pour examiner les directives sur les déplacements en autobus et pour les commenter. Le fonctionnaire a dit avoir fait une pause. Il a dit que M. Tse-Chun a regardé les directives sur les déplacements en autobus et a demandé quelque chose du genre : « Qu’est-ce que c’est? ». Le fonctionnaire a répondu qu’il s’agissait de la procédure à suivre pour le traitement des autobus. Le fonctionnaire a dit que M. Tse-Chun a redemandé : [traduction] « Qu’est-ce que c’est? ». Le fonctionnaire a répondu qu’il s’agissait des directives sur les déplacements en autobus.

578 Le fonctionnaire a dit que la situation a alors pris une nouvelle tournure parce que M. Tse-Chun a déclaré qu’il ne pouvait pas voir les directives sur les déplacements en autobus (pièce E-11). Le fonctionnaire a dit qu’il a approfondi la question en demandant à M. Tse-Chun de s’expliquer. Le fonctionnaire a demandé : [traduction] « Monsieur, que voulez-vous dire, vous ne pouvez pas les voir? Comment se fait-il que vous ne puissiez pas les voir? ». M. Tse-Chun a froncé les sourcils, mais n’a pas répondu. Soit que M. Tse-Chun avait un problème, soit qu’il prétendait en avoir un. Il affichait un air déconcerté, presque comme s’il n’arrivait pas non plus à comprendre ce qui se passait. Le fonctionnaire a demandé à M. Tse-Chun si celui-ci avait un problème de vision et lui a demandé : [traduction] « Qu’est-ce qui ne va pas avec vos yeux? Avez-vous un problème? ». Le fonctionnaire a expliqué qu’il était un secouriste en service et qu’il y avait une salle de premiers soins à l’intérieur du bureau frontalier terrestre. Si quelqu’un subissait un malaise, on pouvait appeler une ambulance, ce qui était déjà arrivé à l’occasion. Le fonctionnaire se demandait si M. Tse-Chun avait un problème médical ou s’il était victime d’un AVC ou de tout autre trouble pouvant expliquer le comportement de M. Tse-Chun. Le fonctionnaire voulait, dans la mesure du possible, écarter les options les plus évidentes.

579 Le fonctionnaire a dit : [traduction] « On était à l’autobus ensemble pendant un court moment ». Il a expliqué que M. Tse-Chun [traduction] « agitait » les mains devant son propre visage, plus ou moins à la hauteur de ses yeux, que M. Tse-Chun fronçait les sourcils d’un air déconcerté et contrarié et qu’il n’offrait aucune information. Le fonctionnaire espérait que M. Tse-Chun lui donne une explication. Il a noté que les mouvements de M. Tse-Chun étaient rapides. Il a expliqué que M. Tse-Chun était anxieux, et que son niveau d’anxiété avait augmenté. Les réponses de M. Tse-Chun étaient courtes et brusques. Il ne donnait pas de détails, ne collaborait pas et parlait fort. M. Tse-Chun parlait trop fort pour les circonstances; le volume de sa voix ne cadrait pas. Le fonctionnaire a expliqué qu’il a continué d’observer ce qui se passait. Il a demandé plusieurs fois à M. Tse-Chun : [traduction] « Pourquoi vous ne pouvez pas voir? », et M. Tse-Chun répondait [traduction] « Je ne comprends pas pourquoi vous me demandez ça. Je n’ai jamais eu à faire ça avant. Vous êtes le seul. » Le fonctionnaire a noté que la communication n’était pas très bonne entre M. Tse-Chun et lui à ce point dans la discussion.

580 Le fonctionnaire a déclaré qu’il se rappelait qu’une femme derrière lui a dit que M. Tse-Chun allait bien. Le fonctionnaire se rappelait s’être tourné pour parler à la femme, se disant qu’elle pourrait peut-être lui expliquer ce qui se passait. Elle lui a dit que M. Tse-Chun avait conduit toute la journée et qu’elle ne croyait pas qu’il avait un problème, ou quelque chose comme ça. Le fonctionnaire se rappelait avoir dit à la femme que M. Tse-Chun disait qu’il ne pouvait pas voir. La femme a répété que M. Tse-Chun allait bien. Le fonctionnaire se rappelait avoir demandé à la femme comment elle savait que M. Tse-Chun allait bien et si elle avait des préoccupations. La femme a répondu par la négative.

581 Le fonctionnaire a expliqué que les passagers d’autobus peuvent avoir une mentalité de [traduction] « nous contre eux » et être sur la défensive. Il a ajouté que les gens perçoivent souvent la relation avec les agents des services frontaliers comme antagoniste et comme une relation d’opposition, ce qui n’est pas l’objectif des agents des services frontaliers ou du processus de traitement des voyageurs. Il a déclaré que bien de gens interprètent mal les intentions de ceux qu’ils appellent les [traduction] « gardes de la frontière ».

582 Le fonctionnaire a déclaré qu’il a admis la valeur des commentaires de la passagère. Il se rappelait que M. Tse-Chun fouillait dans des papiers plutôt que de lui parler, qu’il fronçait les sourcils d’un air déconcerté et contrarié, qu’il faisait des gestes brusques et qu’il lui répondait d’une voix forte sans toutefois lui expliquer quoi que ce soit.

583 Le fonctionnaire a déclaré qu’il réévaluait constamment la situation. Il a conclu que M. Tse-Chun se sentait embarrassé et avait un problème personnel dont il ne voulait pas parler devant d’autres personnes. Le fonctionnaire a pensé que ce serait une bonne chose d’amener M. Tse-Chun à un endroit où les autres ne pourraient pas s’immiscer dans leur conversation, car il trouvait que ces interventions les empêchaient de se concentrer. Le fonctionnaire s’est dit que si le niveau d’anxiété de M. Tse-Chun augmentait à cause des passagers, ce dernier se détendrait peut-être dans un endroit plus privé. Le fonctionnaire a noté que M. Tse-Chun marmonnait ou parlait fort, et qu’il répétait : [traduction] « Pourquoi moi? Vous êtes le seul que je ne vois pas ». Le fonctionnaire a répondu : [traduction] « Monsieur, descendez de l’autobus. Suivez-moi. »

584 Le fonctionnaire a déclaré que la lumière directement au-dessus de M. Tse-Chun ainsi que la lumière près du panneau de contrôle étaient allumées. Il a ajouté que les lumières tout le long de l’autobus étaient également allumées et que l’intérieur était très bien éclairé.

585 Le fonctionnaire a dit qu’il a fait sortir M. Tse-Chun de l’autobus, et que M. Tse-Chun l’a suivi. Une fois sur le trottoir, le fonctionnaire a marché six ou huit pieds, puis il s’est retourné. M. Tse-Chun suivait le fonctionnaire. M. Tse-Chun s’est arrêté. Le fonctionnaire se rappelait que le niveau d’anxiété de M. Tse-Chun était passé de moyen à élevé; il augmentait.

586 Le fonctionnaire a expliqué qu’il a alors décidé de désamorcer la situation, car M. Tse-Chun était devenu plus anxieux et agressif. Le fonctionnaire a déclaré que ce qui avait dérangé M. Tse-Chun dans l’autobus lui causait maintenant de la frustration et de la colère, car il avait été retardé. Le fait de sortir de l’autobus signifiait que l’autobus allait être retardé. Le fonctionnaire a déclaré qu’il lui semblait que M. Tse-Chun était embarrassé et qu’il allait le lui faire savoir.

587 Le fonctionnaire a déclaré que M. Tse-Chun avait commencé à parler en premier et qu’il parlait plus fort que lui. Il a expliqué que le froncement de sourcils de M. Tse-Chun ainsi que son air mécontent et fâché étaient évidents. M. Tse-Chun était concentré. Il parlait en gesticulant. Ses mains étaient levées et bougeaient. Le fonctionnaire a déclaré que M. Tse-Chun le critiquait en disant [traduction] « Vous êtes le seul. Pourquoi vous faites ça? ». Le fonctionnaire a déclaré que M. Tse-Chun avait la main agitée. M. Tse-Chun a levé sa main directement vers le visage du fonctionnaire. M. Tse-Chun s’est penché en avant, puis il a levé la main, ce qui a diminué la distance entre lui et le fonctionnaire. Pour quelqu’un de formé qui est à l’affût de tout indice annonçant une agression imminente, ce mouvement est un indicateur supplémentaire. Le fonctionnaire a déclaré que son instinct lutte/fuite était maintenant bien alerte. Il a commencé à ressentir des changements physiologiques, car il se sentait intimidé et sentait que le contrôle de la situation était en train de lui échapper.

588 Le fonctionnaire a élevé la voix et a demandé à M. Tse-Chun de l’écouter. Le fonctionnaire a déclaré que M. Tse-Chun s’est un peu calmé. Le fonctionnaire a dit à M. Tse-Chun de cesser de crier et de gesticuler, et il l’a averti que s’il ne se calmait pas, il pourrait être mis en état d’arrestation. M. Tse-Chun a hoché la tête et a continué à froncer les sourcils. M. Tse-Chun semblait confus. Il était fâché, mais il semblait confus. Le fonctionnaire a déclaré qu’il était incapable d’interpréter ou de comprendre le comportement de M. Tse-Chun. Selon lui, soit M. Tse-Chun dressait des barrières, soit c’était sa façon de créer des difficultés.

589 Le fonctionnaire a déclaré qu’il avait besoin de réponses et qu’il était inacceptable de simplement tout lâcher et de laisser M. Tse-Chun partir sans procéder au traitement des passagers ou régler les questions de sécurité.

590 Le fonctionnaire a dit : [traduction] « Allons à l’intérieur ». Il s’est exprimé clairement et de façon sérieuse; il ne s’agissait pas d’une demande. Le fonctionnaire lui a montré la porte du doigt en disant : [traduction] « Allons-y ». Le fonctionnaire a déclaré que, par moments, M. Tse-Chun s’arrêtait et fixait du regard, fronçant les sourcils pendant tout ce temps. Le fonctionnaire se disait que M. Tse-Chun semblait mécontent. Il se demandait comment les choses allaient tourner. Le fonctionnaire a fait signe à M. Tse-Chun de marcher, en lui indiquant la direction. M. Tse-Chun a commencé à marcher lentement en gardant la tête baissée. Il a regardé derrière lui une ou deux fois. Le fonctionnaire se rappelait que M. Tse-Chun continuait de faire des commentaires. Il disait des choses qui exprimaient son incrédulité et se demandait si le fonctionnaire n’était pas en train de lui faire une mauvaise blague. M. Tse-Chun disait qu’il n’avait rien fait de mal. Le fonctionnaire a expliqué que M. Tse-Chun parlait fort, en phrases courtes et sur un ton brusque. Il fixait du regard et fronçait les sourcils. Il était maintenant fâché, mais il ne l’avait pas été dans l’autobus. Le fonctionnaire était incapable de décrire le niveau de colère de M. Tse-Chun.

591 Il y avait seulement dix pieds à franchir pour arriver au bureau frontalier terrestre. Après que le fonctionnaire et M. Tse-Chun ont parcouru peut-être trois ou quatre pieds, M. Tse-Chun a dit quelque chose sur un ton fâché et s’est retourné vers le fonctionnaire. Le fonctionnaire voulait faire entrer M. Tse-Chun, le renvoyer à la surintendante Anderson et obtenir l’assistance d’autres agents des services frontaliers.

592 Le fonctionnaire a déclaré qu’il se sentait mal à l’aise. Il a saisi M. Tse-Chun par l’épaule, a empoigné sa veste et l’a empêché de se retourner. Il a tourné M. Tse-Chun du bon côté et lui a ordonné de continuer à marcher. Le fonctionnaire a déclaré qu’il a tenu la veste de M. Tse-Chun pendant une seconde ou deux, le temps d’arriver à la porte du bureau frontalier terrestre, puis il l’a lâché.

593 Le fonctionnaire a déclaré que, une fois à l’intérieur, il a marché à côté de M. Tse-Chun et lui a dit de le suivre. Il a expliqué que le comportement de M. Tse-Chun était le même, sauf qu’il avait l’air moins anxieux. Le fonctionnaire a conduit M. Tse-Chun dans la zone d’inspection secondaire des douanes et lui a demandé de s’asseoir sur l’une des chaises.

594 Le fonctionnaire a déclaré que, au moment de leur arrivée, les comptoirs d’inspection primaire étaient occupés par d’autres agents des services frontaliers et le comptoir central était occupé par la surintendante Anderson. On se préparait à procéder au traitement d’un autobus à horaire fixe. Le fonctionnaire supposait que les agents des services frontaliers étaient venus à cause de son appel à l’aide.

595 Le fonctionnaire est allé voir la surintendante Anderson et lui a dit qu’il avait besoin de son aide. Il a expliqué qu’il avait quelqu’un qui créait des difficultés et ne pouvait pas voir. La surintendante a regardé le fonctionnaire d’un air contrarié et déconcerté et lui a demandé [traduction] « Qu’est-ce que tu veux dire par “il ne peut pas voir?” ». Le fonctionnaire lui a répondu : [traduction] « Exactement cela ». La surintendante Anderson et le fonctionnaire ont parlé de faire appel à des agents locaux de la GRC, car la GRC s’occupait des chauffeurs commerciaux. La surintendante Anderson et le fonctionnaire ne voulaient pas entrer dans la question du type de permis de conduire requis.

596 La surintendante Anderson a dit au fonctionnaire de retourner parler à M. Tse-Chun. Le fonctionnaire lui a dit que M. Tse-Chun créait des difficultés. Le fonctionnaire croit que la surintendante Anderson est arrivée après qu’il a amené M. Tse-Chun dans la zone d’inspection secondaire. Le fonctionnaire a déclaré que M. Tse-Chun était fâché. M. Tse-Chun a fait une série de déclarations non fondées. Il semblait chercher des excuses et il essayait de mettre des bâtons dans les roues du fonctionnaire. Le fonctionnaire a déclaré que M. Tse-Chun parlait fort et sur un ton sec. Il parlait toujours en gesticulant et ne répondait pas à ses questions. M. Tse-Chun était agité et ne se calmait pas.

597 Le fonctionnaire a déclaré que des passagers d’autobus réguliers s’approchaient du comptoir pour regarder ce qui se passait et qu’au moins un agent des services frontaliers s’est retourné. Le fonctionnaire a constaté que la situation perturbait les autres et que la zone de l’immigration était vide, qu’elle était plus calme. Il a demandé à M. Tse-Chun d’aller s’asseoir dans cette zone. Le fonctionnaire a indiqué qu’il y avait normalement des agents des services frontaliers dans cette zone. Il a dit qu’il n’a pas remarqué si des agents des services frontaliers s’y trouvaient à ce moment-là. Le fonctionnaire a dit que M. Tse-Chun était contrarié et parlait toujours avec ses mains. Le fonctionnaire est retourné voir la surintendante Anderson pour lui demander son aide, car M. Tse-Chun créait des difficultés. La surintendante Anderson a fermé son ordinateur, hoché la tête et soupiré. Elle semblait contrariée, et elle a marché avec le fonctionnaire d’un pas rapide et déterminé. En entrant dans la zone, la surintendante Anderson a déclaré qu’elle était la surintendante et a demandé quel était le problème. Le fonctionnaire a dit que M. Tse-Chun s’est levé d’un coup et a répété ce que le fonctionnaire avait dit. Le fonctionnaire avait l’impression que le problème était accentué par les différences de langue et de culture, et qu’il avait de la difficulté à déchiffrer le comportement de M. Tse-Chun. La surintendante Anderson a montré les directives sur les déplacements en autobus (pièce E-11), et elle a expliqué ce qu’elles signifiaient. Elle a dit que le fonctionnaire faisait son travail et que M. Tse-Chun devait se conformer aux directives du fonctionnaire. La surintendante Anderson a coupé la parole à M. Tse-Chun en parlant plus fort que lui. La surintendante Anderson a dû répéter à deux reprises. M. Tse-Chun a répondu : [traduction] « Entendu, d’accord ». La surintendante Anderson a dit : [traduction] « Que se passe-t-il? Vous ne pouvez pas voir? ». Le fonctionnaire a dit que M. Tse-Chun avait parlé du traitement de son autobus et de sa frustration et qu’il avait dit : [traduction] « Pourquoi moi? Ce n’est pas juste ». La surintendante Anderson a demandé à M. Tse-Chun s’il pouvait voir. M. Tse-Chun a répondu que oui. Elle a demandé à M. Tse-Chun pourquoi il avait dit au fonctionnaire qu’il ne pouvait pas voir. M. Tse-Chun a souri et haussé les épaules. La surintendante a alors dit : [traduction] « Bon, alors, c’est assez. Faites ce que l’agent des services frontaliers vous dit et poursuivez votre chemin », ce à quoi M. Tse-Chun a répondu : [traduction] « D’accord ».

598 Le fonctionnaire a dit s’être dirigé vers la salle d’attente du bureau frontalier terrestre. Au cours de ce parcours de 15 pieds aux côtés de M. Tse-Chun, le fonctionnaire a mentionné qu’il cherchait seulement à faire son travail. Le fonctionnaire a tendu la main et demandé : [traduction] « Sans rancune? » M. Tse-Chun a répondu : [traduction] « Non ». Le fonctionnaire et M. Tse-Chun se sont séparés près des toilettes de la salle d’attente. M. Tse-Chun est retourné à son autobus.

599 Le fonctionnaire a précisé avoir remarqué que la surintendante s’était arrêtée pour parler à deux femmes qui se tenaient à l’extérieur des toilettes du bureau frontalier terrestre. Le fonctionnaire a indiqué à la surintendante Anderson qu’il retournait au bureau de la circulation. C’est ce qu’il a fait, et il est passé à sa tâche suivante.

600 Selon le fonctionnaire, les expressions faciales de M. Tse-Chun, ses froncements de sourcils et son regard fixe, ses lèvres serrées et ses narines dilatées, sa façon de se tenir sur ses pieds, les gestes qu’il faisait, ainsi que l’adoption d’une position agressive lorsqu’il s’est avancé et qu’il a levé les mains l’ont conduit à croire que M. Tse-Chun s’apprêtait à l’attaquer. Le fonctionnaire a précisé que M. Tse-Chun affichait un niveau élevé de stress. Grâce à sa formation, le fonctionnaire a constaté que la situation s’aggravait et représentait un risque, puisque M. Tse-Chun avait levé les mains, le fixait du regard et semblait anxieux.

601 Le fonctionnaire a affirmé avoir appliqué des techniques de désamorçage la première fois que M. Tse-Chun lui a dit que les cartes E-311 n’étaient pas nécessaires. Le fonctionnaire a dit s’être servi de la méthode consistant à [traduction] « prendre du recul et établir une distance » et être allé chercher les directives sur les déplacements en autobus (pièce E-11) pour montrer à M. Tse-Chun qu’il s’agissait d’une pratique courante.

602 Le fonctionnaire a dit qu’il a de nouveau tenté d’informer M. Tse-Chun et que, quand ce dernier a dit qu’il ne pouvait pas voir, il a essayé d’approfondir verbalement la question. Quand il a vu qu’il n’arrivait à rien, le fonctionnaire a éloigné M. Tse-Chun du groupe pour éviter de l’exposer au public et pour inciter M. Tse-Chun à obtempérer. Il n’a pas obtenu le résultat désiré. Le fonctionnaire a déclaré qu’il a donné à M. Tse-Chun une occasion de répondre à ses questions et de s’expliquer et qu’il a utilisé des questions ouvertes pour permettre à M. Tse-Chun d’expliquer ce qui le troublait.

603 Le fonctionnaire a reçu une formation de premiers soins au travail. Il n’avait jamais auparavant, à un poste frontalier, entendu un chauffeur dire qu’il ne pouvait pas voir. Le fonctionnaire avait déjà vu un autobus arriver en catastrophe dans un poste frontalier car le chauffeur avait subi un accident vasculaire cérébral, un choc diabétique, un essoufflement ou une crise cardiaque. Le fonctionnaire prend en considération les troubles de vision ainsi que la taille et la dilatation des pupilles quand il fait une évaluation de premiers soins.

604 Le fonctionnaire a déclaré qu’’il avait été informé, lors de l’enquête, qu’on l’accusait entre autres d’avoir fait usage d’une force excessive à l’endroit de M. Tse-Chun. Le fonctionnaire a expliqué que sa compréhension de recours à la force va dans le sens des articles suivants du Code criminel : les articles 24 et 25, qui autorisent un agent de la paix à avoir recours à la force; l’article 2, où les agents des services frontaliers sont définis comme étant des agents de la paix; les articles 25 et 26, qui décrivent les concepts de recours à la force et de force excessive; la force utilisée doit être raisonnable, compte tenu des circonstances – une force plus grande que raisonnable devient excessive; il y a des sanctions.

605 Le fonctionnaire a dit que le terme « force excessive » est souvent employé à tort. Il a expliqué que seuls les avocats de la Couronne et les formateurs techniques de la section du recours à la force peuvent déterminer si la force utilisée était excessive, car ils sont qualifiés. Un avocat de la Couronne examinerait les éléments de l’infraction et déciderait si le critère permettant de déterminer si la force utilisée était excessive a été rempli. Le fonctionnaire a admis qu’il n’était pas un expert en recours à la force. L’Agence emploie des termes comme [traduction] « injustifié » ou [traduction] « déraisonnable » pour qualifier une force excessive. Le fonctionnaire a mentionné que le terme [traduction] « force non nécessaire » n’a pas été employé pendant l’enquête.

606 On a interrogé le fonctionnaire au sujet de la conclusion modifiée de sa déclaration (pièce E-9, page 6). Cette conclusion se lit comme suit : [traduction] « J’aurais pu gérer la situation d’une manière plus appropriée et obtenir tout de même un résultat satisfaisant pour tous les intervenants. » Selon le fonctionnaire, l’article 37 du Code criminel énonce son droit de se protéger d’une attaque et qu’il n’a pas à attendre d’indicateurs. Il peut prendre des mesures pour se protéger. Le fonctionnaire a expliqué qu’il arrivait souvent qu’un agent des services frontaliers ait le choix d’arrêter ou de détenir un sujet, mais l’agent des services frontaliers n’est pas tenu d’arrêter ou de détenir qui que ce soit. Tant que la technique d’autoprotection utilisée est raisonnable aux yeux de l’agent des services frontaliers, il importe peu que la technique soit une technique apprise en formation.

607 Le fonctionnaire a déclaré qu’il n’avait utilisé que très peu de force, sinon pas. Il n’a pas poussé ou tiré M. Tse-Chun. Le fonctionnaire a expliqué qu’il avait saisi le vêtement de M. Tse-Chun pour l’empêcher de se tourner vers lui. Il a bloqué son coude pour empêcher M. Tse-Chun de réduire la distance qui les séparait. Le fonctionnaire a déclaré que c’était presque comme s’il avait tendu le bras pour bloquer M. Tse-Chun, et que ce dernier était venu de lui-même se buter contre le fonctionnaire. Le fonctionnaire a indiqué que M. Tse-Chun n’avait pas mentionné la question d’usage de la force dans le bureau frontalier terrestre. L’Agence a informé le fonctionnaire que M. Tse-Chun n’avait pas déposé de plainte. Le surintendant Ashikian lui a dit la même chose. Le fonctionnaire a ajouté que la surintendante Anderson n’avait reçu aucune plainte d’usage de force excessive la nuit de l’incident.

608 Le fonctionnaire a expliqué que, selon le MIGI, M. Tse-Chun était coopératif quand le fonctionnaire est monté dans l’autobus pour lui parler. Le fonctionnaire était alors à l’étape de la présence d’un agent; il est ensuite passé à l’étape de l’intervention verbale. Par moments, M. Tse-Chun devenait non coopératif. Plusieurs fois, M. Tse-Chun a opposé une résistance ou était sur le point de résister. Il a donné des indices annonçant une attaque imminente quand le fonctionnaire l’escortait au bureau frontalier terrestre.

609 Le fonctionnaire a appris en formation à ne pas laisser une personne montrant des signes d’anxiété ou de stress élevé se tourner vers lui, parce que l’espace devant le visage est appelé la zone [traduction] « dangereuse » ou [traduction] « létale ». Il a appris qu’il devait utiliser des mesures défensives si cette situation se produisait. Le fonctionnaire a expliqué que saisir la veste de M. Tse-Chun était le geste le moins agressif qu’il pouvait poser pour prévenir une attaque. La technique de « contrôle à mains nues » consiste à saisir un bras, un poignet ou un coude, ou à manipuler les articulations du sujet pour le maîtriser. Saisir une veste est le geste le moins agressif de toutes ces actions.

610 Le fonctionnaire a déclaré qu’il n’avait pas préparé de rapport sur l’usage de la force. Il a expliqué qu’il produisait un rapport s’il arrêtait ou détenait une personne, ou s’il considérait qu’il avait eu recours à la force, par exemple s’il avait maîtrisé physiquement un membre et infligé de la douleur en effectuant une prise ou un blocage. Il a ajouté qu’il ne préparerait un rapport que s’il avait arrêté ou détenu une personne et que la situation avait mené à une confrontation physique.

611 Le fonctionnaire a déclaré qu’il avait sursauté quand il a tendu la main pour saisir la veste de M. Tse-Chun. Il a tenu M. Tse-Chun parce que ce dernier se tournait. Il a réagi rapidement. Le fonctionnaire a indiqué qu’il ne savait pas ce que M. Tse-Chun allait faire. Le fonctionnaire n’avait pas été impliqué dans beaucoup d’altercations au travail ou en général. Il a indiqué que les agents des services frontaliers apprennent en formation à ne pas attendre d’être agressés. Il a expliqué que si on ne réagit pas rapidement et qu’on est agressé, on considère que l’agent s’est lui-même exposé à un risque. Cette situation n’est pas souhaitable.

612 On a demandé au fonctionnaire d’expliquer les deux conclusions de sa déclaration (pièce E-9, annexe A). Une des deux conclusions, qui se lit comme suit : [traduction] « J’aurais pu gérer la situation d’une manière plus appropriée et obtenir tout de même un résultat satisfaisant pour tous les intervenants », a été écrite à la main le jour de son entrevue d’enquête (pièce E-9, page 6). La première conclusion a été écrite avant que le fonctionnaire donne sa déclaration au surintendant Ashikian. Cette conclusion a été écrite à la main le 12 avril 2007, lors de l’entrevue du surintendant Ashikian avec le fonctionnaire, alors que l’agent Sullivan était présent.

613 Pendant l’entrevue, le surintendant Ashikian a dit au fonctionnaire qu’une directrice lui avait raconté ce qui s’était passé, qu’il acceptait entièrement cette version des faits sans la contester et que le fonctionnaire serait probablement jugé coupable des allégations qui pesaient sur lui. Le surintendant Ashikian a dit qu’il avait lu la déclaration du fonctionnaire (pièce E-9, annexe A), et que la conclusion ne l’aidait pas. Le fonctionnaire était surpris, et il lui a demandé de clarifier ce point. Le surintendant Ashikian a expliqué au fonctionnaire qu’il défendait ses actes et qu’il n’admettait pas sa responsabilité. Il a offert au fonctionnaire de changer la conclusion de sa déclaration. Il a laissé entendre que s’il admettait une certaine responsabilité, l’Agence serait probablement portée à réduire la sévérité des mesures disciplinaires qu’elle allait prendre à son égard. Le fonctionnaire a déclaré qu’il était stupéfait et qu’il a regardé l’agent Sullivan d’un air incrédule. Le fonctionnaire a indiqué que, quand il faisait un travail d’enquêteur, il fournissait toujours un avertissement fondé sur la Charte canadienne des droits et libertés (partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, édictée comme étant l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.), et qu’il lisait toujours un deuxième avertissement concernant les promesses ou les faveurs, les craintes ou les menaces touchant une déclaration. Le fonctionnaire considérait que ces pratiques étaient injustes et inéquitables. Le fonctionnaire a déclaré que le surintendant Ashikian ne s’est pas conduit de manière impartiale pendant l’entrevue. On a exercé beaucoup de pression sur lui pendant l’entrevue. Le fonctionnaire a précisé que le surintendant Ashikian ne lui a rien dit d’autre, seulement qu’il allait être jugé fautif, car le récit de M. Hellsten était plus exact que le sien. Le fonctionnaire voulait parler à l’agent Sullivan en privé pour obtenir des conseils. On lui a donné l’occasion de parler à l’agent Sullivan.

614 Le fonctionnaire et l’agent Sullivan sont allés dans une autre pièce du bureau frontalier terrestre. Le fonctionnaire ne pouvait pas se rappeler ce que lui a dit l’agent Sullivan, mais essentiellement, il a compris que la décision lui revenait, mais que le fait d’admettre qu’il aurait pu gérer la situation différemment pouvait avoir du sens. Le fonctionnaire a déclaré qu’il croyait qu’il y avait de meilleures façons de faire les choses. Il a suggéré avec humilité qu’il existait de meilleures façons de faire et a donc écrit le passage suivant à la page 6 des notes du surintendant Ashikian : [traduction] « J’aurais pu gérer la situation d’une manière plus appropriée et obtenir tout de même un résultat satisfaisant pour tous les intervenants. »

615 Le fonctionnaire a dit qu’il avait le sentiment que le surintendant Ashikian mettait trop l’accent sur le fait que l’équipe de hockey était constituée d’enfants et que les passagers avaient été traumatisés par l’incident, ce qui jouait sur ses émotions. Le fonctionnaire avait l’intention de prendre une partie de la responsabilité en reconnaissant qu’il aurait pu mieux gérer la situation et en tirer des leçons. Il a mentionné qu’il n’avait pas beaucoup de temps et qu’il était soumis à une pression immense.

616 On a demandé au fonctionnaire si, avec le recul, il aurait agi différemment pendant l’incident. Il a répondu par l’affirmative. Au moment de l’incident, il a agi du mieux qu’il pouvait. Le fonctionnaire a déclaré que, quand le surintendant Ashikian a repris sa déclaration (pièce E-9, annexe A), il lui a fait changer sa conclusion concernant sa conduite (pièce E-9, page 6). La nouvelle conclusion se lit comme suit : [traduction] « J’aurais pu gérer la situation d’une manière plus appropriée et obtenir tout de même un résultat satisfaisant pour tous les intervenants ». Sur le coup, le fonctionnaire n’a pas pensé que la nouvelle conclusion changeait bien des choses, mais c’était peut-être le cas.

617 Le fonctionnaire a déclaré qu’il ne se rappelait pas avoir vu, lors de l’entrevue, d’autres documents que les notes manuscrites du surintendant Ashikian. Le surintendant Ashikian renvoyait parfois à des documents, mais le fonctionnaire ne se rappelait pas avoir vu ces documents. Le surintendant Ashikian lui a dit qu’un observateur pouvait assister à l’entrevue.

618 Le fonctionnaire a déclaré que rien ne s’est produit pendant des mois, puis il a été convoqué à une première rencontre préalable à l’audience disciplinaire avec le chef Clarke. Il ne se rappelait pas la date de la rencontre. On lui a demandé par courriel ou par téléphone de se présenter à une rencontre. Il se souvenait d’avoir discuté des allégations et d’avoir tenté d’expliquer les problèmes et les discordances. Il  a demandé s’il pouvait avoir les six pages de notes d’entrevue. Il croyait que ces notes l’aideraient à répondre aux questions. Le chef Clarke lui a dit qu’il essaierait d’en obtenir une copie.

619 Le fonctionnaire se rappelait que le chef Clarke lui avait expliqué ce qu’il en était des conclusions de l’enquête. Le chef Clarke lui a dit que M. Tse-Chun avait été coopératif. Le fonctionnaire a indiqué qu’il avait été étonné d’entendre ça, parce que la surintendante Anderson était là le 22 octobre 2006 quand il se trouvait avec le chauffeur au bureau frontalier terrestre. Le fonctionnaire était contrarié, en état de choc et déconcerté. Il a dit au chef Clarke qu’il devrait interroger la surintendante Anderson, car elle lui avait donné son appui dans le passé.

620 Le fonctionnaire se rappelait que, lors d’une rencontre, on lui avait permis d’examiner une version révisée du rapport d’enquête (pièce E-9). Il se rappelait que le chef Clarke lui a demandé ce qu’il en pensait. Il se sentait anxieux, nerveux et submergé, car le document était épais et les questions très vastes. Le fonctionnaire ne croyait pas qu’il pouvait bien étudier le rapport dans le temps qui lui était donné. Il se disait que l’enquête devait avoir mis en lumière tous les faits, et il jugeait que le rapport décrivait avec exactitude comment les choses s’étaient passées. Il ne sentait pas qu’il avait un choix ou qu’il pouvait influer sur le processus. Il se rappelait avoir dit que les discordances étaient probablement dues en grande partie aux différences de points de vue. Il a déclaré qu’il avait formulé des hypothèses et des suggestions, et qu’il ne se sentait pas en mesure de donner une réponse détaillée. Il n’avait pas de réponse à ce moment-là, car il n’avait pas mené l’enquête et n’avait pas eu le temps d’assimiler l’information dans le rapport. Le fonctionnaire n’était pas certain si cela s’était produit à la première ou à la deuxième rencontre préalable à l’audience disciplinaire, ou aux deux.

621 On lui a demandé de se présenter à une deuxième rencontre préalable à l’audience disciplinaire avec le chef Clarke. Cette rencontre se voulait un suivi de ce que le chef Clarke avait dit à la première rencontre. Le chef Clarke a dit que le compte rendu de l’entrevue ne serait pas fourni. Ce refus préoccupait le fonctionnaire, car les notes représentaient exactement ce qu’il avait dit au surintendant Ashikian. Il a dit que le surintendant Brezden était allé voir la surintendante Anderson et avait exprimé ses préoccupations. Le fonctionnaire croit que la surintendante Anderson a changé certaines de ses déclarations à elle, mais pas toutes, pour qu’elles concordent avec ce qu’il se rappelait. Il s’est demandé pourquoi la surintendante Anderson avait changé seulement certaines de ses déclarations. Il a dit qu’il avait formulé des hypothèses, mais il les a gardées pour lui.

622 Le fonctionnaire se rappelait que, pendant une des rencontres avec le chef Clarke, il a été question d’une allégation de déclarations mensongères, et le chef Clarke a posé des questions. Le fonctionnaire a affirmé que l’allégation était due au fait que son récit ne concordait pas avec celui des témoins.

623 Le fonctionnaire a soutenu qu’il avait dit la vérité. Lorsqu’on lui a demandé pourquoi il y avait différentes versions des faits, il a répondu qu’il devait bien y avoir un meilleur moyen que de lui demander une explication. Il a indiqué qu’il travaillait avec toute une équipe à l’Agence. Le fonctionnaire a déclaré qu’il ne se souvenait pas de différences en particulier. Il a mentionné que le chef Clarke lui avait montré une version révisée du rapport d’enquête (pièce E-9) et de formuler des commentaires. Tout ce que le fonctionnaire pouvait dire était qu’il s’agissait d’une question de perspective. Il a dit qu’il n’avait accusé personne d’avoir menti, mais il a souligné que des personnes différentes qui observent un même incident le raconteront différemment. Il a déclaré qu’il se sentait abattu et coincé après la rencontre.

624 Le fonctionnaire a déclaré qu’il avait été licencié à la rencontre suivante et qu’on ne lui avait pas dit quelles étaient les différences entre la déclaration qu’il a faite dans le cadre de l’enquête (pièce E-9, annexe A) et les déclarations des témoins. On ne lui a fourni aucune des déclarations originales des témoins, mais on lui a remis le rapport du surintendant Ashikian (pièce E-9) ainsi que les comptes rendus des entrevues du surintendant Ashikian.

625 Le fonctionnaire s’est plaint auprès de la direction de l’accès à l’information de l’Agence au sujet du retard quant à la divulgation des documents qu’il avait demandés. Il a déclaré qu’il n’avait obtenu la déclaration de la mi-décembre 2006 (pièce E-5) de la surintendante Anderson que lorsqu’il a reçu les documents qu’il avait exigés dans sa demande d’accès à l’information. Le fonctionnaire a soutenu que le chef Clarke lui a donné verbalement certains renseignements, mais ne lui a rien dit concernant les discordances. Il a déclaré que le surintendant Ashikian ne lui avait donné aucun document en février 2007. Le fonctionnaire a dit que le seul document qu’on lui avait fourni contenait les notes sur son entrevue. Il a précisé qu’il avait demandé le compte rendu de l’entrevue. Il a indiqué que le surintendant Ashikian ne lui avait donné aucun document à la rencontre d’avril 2007. Il ne se rappelait pas qu’on lui ait donné des documents pour qu’il les examine, mais il se rappelait que le surintendant Ashikian avait lu des passages dans des documents. Il a dit qu’il avait besoin des notes du surintendant Ashikian pour avancer dans ses discussions avec le chef Clarke. Le fonctionnaire a noté que le surintendant Ashikian avait pris six pages de notes, y compris sa conclusion modifiée (pièce E-9, page 6), qui se lisait comme suit : [traduction] « J’aurais pu gérer la situation d’une manière plus appropriée et obtenir tout de même un résultat satisfaisant pour tous les intervenants ».

626 Le fonctionnaire a admis que, avec le recul, il y aurait eu d’autres moyens de gérer la situation, compte tenu des déclarations des témoins. Il a déclaré que c’est ce qu’il voulait préciser quand il a choisi de suivre le conseil du surintendant Ashikian. Il n’a jamais laissé entendre que la déclaration d’un autre témoin était plus exacte que la sienne. Il a dit depuis le premier jour que tout le monde avait droit à sa propre opinion et à sa perspective, en fonction de son expérience, de son cadre de référence, de ses préjugés, de sa carrière et de ses points de vue. Il n’a jamais dit qu’une autre déclaration était plus authentique que la sienne.

627 Le fonctionnaire a contesté la note suivante du surintendant Ashikian : [traduction] « La défenderesse a déclaré qu’il avait été distrait par le fait que le chauffeur prétendait qu’il ne pouvait voir, ce qui aurait mené à l’incident; toutefois,  ce n’était pas son intention ». Le fonctionnaire a dit qu’il n’avait été distrait à aucun moment. Il a considéré tous les facteurs et traité les questions. Il a déclaré qu’il n’avait pas le choix de clarifier le problème de vision et de suspendre le processus des douanes quand le problème a été soulevé pendant son entretien avec M. Tse-Chun. Le fonctionnaire a déclaré que les agents des services frontaliers n’ont pas d’intention précise lors d’une inspection. Ils gèrent les faits du mieux qu’ils peuvent, en fonction de ce qu’ils ont appris en formation et en gardant à l’esprit qu’ils veulent obtenir un résultat positif à chaque inspection.

628 Le fonctionnaire a contesté la note indiquant qu’il aurait demandé de réécrire sa conclusion. Il a déclaré que le surintendant Ashikian lui avait dit que sa conclusion n’était pas à son avantage et qu’il serait préférable pour lui d’accepter la responsabilité de ses actes. Le fonctionnaire a expliqué qu’il acceptait sa responsabilité pour toutes les choses qu’il pouvait améliorer, ce qui est complètement différent de ce que le surintendant Ashikian a inscrit dans son rapport (pièce E-9). Le fonctionnaire a affirmé que le rapport ne reproduisait pas ce qu’il avait vraiment dit et paraphrasait quelque chose qu’il n’avait pas dit. Il a nié avoir dit ce qui est inscrit à la page 15 du rapport, paragraphe 12e) :

[Traduction]

[…]

e) Le défendeur a eu le temps de digérer l’information et les conclusions obtenues au moyen d’entrevues avec les témoins avant de répondre plus en détail à l’allégation. Il a déclaré qu’il avait été perturbé par le fait que le chauffeur prétendait qu’il ne pouvait voir, ce qui aurait mené à l’incident, mais qu’il n’avait pas eu l’intention de créer un incident. Le défendeur demandé de changer la « conclusion » de son rapport écrit de l’incident. Il a déclaré verbalement et a consigné par écrit dans son rapport modifié qu’il admettait entièrement sa responsabilité pour le rôle qu’il a joué dans l’incident. Il a également admis que les versions des faits des témoins étaient plus exactes que la sienne.

[…]

629 Le fonctionnaire a examiné la page 14 du rapport du surintendant Ashikian (pièce E-9). Il ne se rappelait pas lui avoir dit que M. Tse-Chun riait, contrairement à ce qui est indiqué au paragraphe 12b). Le fonctionnaire a expliqué qu’il a décrit les indices annonçant une attaque imminente au surintendant Ashikian. Le fonctionnaire ne se rappelait pas avoir dit ce qui est inscrit au paragraphe 12b) du rapport du surintendant Ashikian, soit : [traduction] « Il a déclaré qu’il avait agrippé le chauffeur d’autobus par la veste à partir de l’extérieur de l’autobus jusqu’à la porte d’entrée pour les chauffeurs d’autobus, qui était à une distance d’environ 25 pieds ».

630 Le fonctionnaire ne se rappelait pas avoir reçu quelque document que ce soit, mais il se rappelait que le surintendant Ashikian avait lu à haute voix des passages de certains documents. Quand on lui a demandé de commenter des déclarations, le fonctionnaire a répondu que les déclarations traduisaient la perception de leurs auteurs. On a demandé au fonctionnaire si Mme Hellsten avait menti. Il a répondu que « non », et que Mme Hellsten avait raconté les faits comme elle se les rappelait, comme elle les avait perçus. Le fonctionnaire a tenté d’expliquer au surintendant Ashikian que les gens perçoivent les choses différemment. Certaines personnes se concentrent sur les actes plutôt que les descriptions. Il a déclaré que le surintendant Ashikian avait accepté la version des événements de Mme Hellsten. Le fonctionnaire trouvait cela pénible et accablant.

631 Le fonctionnaire a lu le paragraphe d) de la page 15 du rapport du surintendant Ashikian (pièce E-9). Le fonctionnaire a déclaré n’avoir jamais reçu de lettre de plainte signée par M. Tse-Chun.

632 Le fonctionnaire a dit qu’il a appris qu’une enquête sur l’usage d’une force excessive était en cours au début de l’entrevue d’avril 2007.

633 Le fonctionnaire a déclaré qu’il a discuté de l’incident avec le surintendant Brezden une première fois après une de ses rencontres avec le chef Clarke. Il a indiqué qu’un membre de confiance de son équipe avait décidé d’omettre de l’information essentielle qui appuyait les faits. Le fonctionnaire a parlé au surintendant Brezden, qui lui a demandé comment s’était passée l’entrevue. Le fonctionnaire a dit qu’il avait exprimé sa frustration à propos du défaut de mentionner un incident. Le fonctionnaire avait espéré que les récits des témoins seraient meilleurs.

634 Le fonctionnaire a déclaré que, manifestement, l’information du surintendant Brezden était très importante. Le surintendant Brezden ne voulait pas que quelque chose d’injuste survienne. Il a déclaré que le surintendant Brezden avait l’intention de parler à la surintendante Anderson pour l'aider à se souvenir des faits, car il se rappelait très bien que la surintendante Anderson avait parlé de l’incident et mentionné que M. Tse-Chun avait créé des difficultés.

635 Le fonctionnaire croyait qu’il était possible de témoigner indépendamment, et il était stupéfait que, bien qu’il fasse partie de l’équipe 7, personne ne soit venu lui parler. Le fonctionnaire a tenté de trouver quelqu’un qui avait entendu ou vu quelque chose la nuit de l’incident. Il a parlé avec un autre agent des services frontaliers la nuit de l’incident, mais il était certain que la surintendante Anderson l’avait fait, et qu’elle prendrait les mesures qui s’imposaient. Le surintendant Brezden a pris des notes et a parlé avec des gens, y compris le chef Clarke et M. Scoville. Le fonctionnaire a dit qu’il a été licencié le jour suivant, avant qu’on ait pu faire quoi que ce soit avec les preuves mises au jour par le surintendant Brezden.

636 Le fonctionnaire a dit qu’il était stupéfait que les preuves appuyant sa version des faits n’aient pas été jugées suffisantes pour arrêter la procédure de son licenciement. Il a dit avoir été convoqué à une audience disciplinaire, sans aucun suivi, après un processus d’un an dont on a précipité la fin.

637 Le fonctionnaire a déclaré qu’il a pris connaissance de l’intervention de l’agent Duthie au moins plusieurs semaines après son licenciement. Il ne savait pas si l’agent Duthie l’avait appelé, envoyé un courriel ou a communiqué avec lui au moyen de Facebook, car il a reçu des démonstrations d’appui d’autres agents des services frontaliers du poste frontalier Pacific Highway. Le fonctionnaire a indiqué que l’agent Duthie était un nouvel employé affecté à l’immigration. Le fonctionnaire et lui se parlaient parfois au travail, mais ils n’étaient pas des amis.

638 On a demandé au fonctionnaire de commenter le passage suivant de la lettre de licenciement (pièce E-18) : [traduction] « Dans votre rapport écrit de l’incident, vous dites que ‘‘vous étiez demeuré calme et aviez agi de manière professionnelle avec le chauffeur’’. Vous dites également que le chauffeur ‘‘cherchait à se disputer’’, était ‘‘irascible’’ et vous ‘‘critiquait vivement devant les passagers’’. » Le fonctionnaire a confirmé que M. Tse-Chun cherchait à se disputer, car il n’a pas cessé de remettre en question tout ce qu’il lui disait concernant les directives sur les déplacements en autobus (pièce E-11). Il a arrêté de tout remettre en question quand la surintendante Anderson lui a parlé. Le fonctionnaire a déclaré que M. Tse-Chun était irritable et violent. Il a précisé que M. Tse-Chun avait été violent surtout à l’extérieur de l’autobus et dans le bureau frontalier terrestre. Le fonctionnaire a décrit M. Tse-Chun comme semblant vouloir faire le difficile ou créer des difficultés, tout en étant gêné, alors qu’il était dans l’autobus, et que la situation s’était dégradée quand M. Tse-Chun est sorti de l’autobus, car il s’est emporté et fâché.

639 Le fonctionnaire a expliqué que, par [traduction] « critiquait vivement », il voulait dire que M. Tse-Chun lui avait dit [traduction] « Pourquoi vous faites ça? Vous êtes le seul. Je n’ai pas à faire ça, c’est ridicule ». Le fonctionnaire a expliqué que ce type de déclarations ne favorisait pas la coopération au cours du processus de traitement, car la procédure de même que la compétence et l’autorité de l’agent des services frontaliers sont remises en question.

640 Le fonctionnaire a confirmé que M. Tse-Chun avait agité les mains à l’extérieur de l’autobus et avait parlé en gesticulant dans l’autobus. À un moment donné, M. Tse-Chun a levé la main vers le fonctionnaire et l’a secouée. Le fonctionnaire a déclaré qu’il ne se rappelait pas si la main de M. Tse-Chun était ouverte ou fermée. Il a expliqué que, dans la formation sur le recours à la force, il n’était pas question de savoir si la main était ouverte ou fermée; il s’agissait plutôt d’une question de proximité.

641 Je note que l’audience a été ajournée en juillet 2011 lors de l’interrogatoire principal du fonctionnaire. On m’a laissé entendre que l’interrogatoire du fonctionnaire n’était pas terminé. Quand l’audience a repris, en février 2012, on m’a avisé que l’interrogatoire principal était terminé.

b. Contre-interrogatoire

642 Le fonctionnaire a admis avoir suivi plusieurs fois la formation sur le recours à la force, qui portait également sur le MIGI. Il a appris comment interagir avec des personnes agitées, anxieuses ou récalcitrantes.

643 Le fonctionnaire a confirmé avoir écrit la déclaration (pièce E-9, annexe A), qui était jointe au rapport du surintendant Ashikian (pièce E-9). Le fonctionnaire a écrit sa déclaration sans se référer aux photographies montrant le bureau frontalier terrestre (pièce G-2). L’autobus était garé loin de la bordure de trottoir, à côté de quelques arbustes.

644 Le fonctionnaire ne savait pas s’il existait une obligation juridique de remplir les cartes E-311. Toutefois, à partir du moment où un agent des services frontaliers les exige, les passagers d’un autobus doivent les présenter. Les passagers sont tenus de répondre aux questions et de faire les déclarations requises selon les modalités fixées par le ministre. Le fonctionnaire a affirmé que les agents des services frontaliers avaient reçu instruction de recueillir les cartes E-311 au poste frontalier Pacific Highway.

645 Le fonctionnaire ne pensait pas qu’il pouvait, à sa discrétion, traiter un autobus sur la base de déclarations verbales. Cette affirmation est en contradiction avec les témoignages des témoins, dont le témoignage de l’agent Sullivan et avec la façon dont l’autobus a été traité par un autre agent des services frontaliers. Le fonctionnaire ne se souvenait pas s’il avait traité l’autobus. Il a mentionné qu’il ne serait pas surpris si un autre agent des services frontaliers avait traité l’autobus en recourant à des déclarations verbales plutôt qu’aux cartes E-311.

646 Lors de l’incident, le fonctionnaire ne savait pas si M. Tse-Chun avait voyagé au-delà de la frontière entre le 26 juin et le 22 octobre 2006. Le fonctionnaire a convenu que le fait de remettre les directives sur les déplacements en autobus (pièce E-11) à un chauffeur d’autobus qui ne les connaît pas constituerait une approche appropriée, si les cartes E-311 n’étaient pas disponibles. Le fonctionnaire a indiqué que cette procédure était en vigueur depuis 2000. Les directives sur les déplacements en autobus (pièce E-11) portent leur date d’impression.

647 La défenderesse a souligné au fonctionnaire toutes les différences importantes qui ressortaient entre son témoignage et ceux des témoins, dont de Mme Hellsten, Mme Backman et M. Tse-Chun.

648 Le fonctionnaire a affirmé que M. Tse-Chun avait dit ne pas avoir besoin des cartes E-311, parce qu’il traversait la frontière [traduction] « tout le temps ». Le fonctionnaire a nié avoir été agressif à l’endroit de M. Tse-Chun, ou l’être devenu, quand celui-ci a déclaré au fonctionnaire qu’il n’avait pas les cartes E-311.

649 Le fonctionnaire a été contre-interrogé relativement au contenu de la déclaration de Mme Backman (pièce E-2) et il a nié s’être montré agressif.

650 Le fonctionnaire a été contre-interrogé sur le contenu de la déclaration que M. Tse-Chun a fournie au surintendant Ashikian (pièce E-20), dans laquelle M. Tse-Chun a affirmé que le fonctionnaire avait crié contre lui et lui avait dit qu’il lui faisait perdre son temps.

651 Le fonctionnaire a été contre-interrogé sur le contenu de la déclaration de Mme Hellsten (pièce E-1). Le fonctionnaire a nié avoir fait la leçon à M. Tse-Chun sur un ton condescendant et s’est défendu d’avoir utilisé un ton déplacé lors de leur conversation.

652 Le fonctionnaire a admis avoir dit en entrant dans l’autobus : [traduction] « Cartes de déclaration ». Il a indiqué qu’au lieu d’amorcer une conversation, il est sorti de l’autobus, a pris les directives sur les déplacements en autobus (pièce E-11) qui se trouvaient sur le mur du bureau frontalier terrestre, puis est remonté dans l’autobus et a dit à M Tse-Chun : [traduction] « Voilà ». Le fonctionnaire a nié avoir été agressif envers M. Tse-Chun. Le fonctionnaire a été confronté à la déclaration de Mme Backman (pièce E-2), selon laquelle le fonctionnaire affichait une attitude agressive et intimidante lorsqu’il est remonté dans l’autobus. Le fonctionnaire a nié s’être montré agressif, mais il a affirmé avoir [traduction] « été bref » et être [traduction] « allé droit au but ».

653 Le fonctionnaire a nié avoir été agressif et déplacé lorsqu’il a remis à M. Tse-Chun les directives sur les déplacements en autobus (pièce E-11). Le fonctionnaire a affirmé avoir discuté avec M. Tse-Chun de son incapacité à voir.

654 Le fonctionnaire a été confronté à la déclaration de Mme Hellsten (pièce E-1), selon laquelle il s’est tourné vers les passagers et leur a demandé s’ils étaient inquiets pour leur sécurité. Le fonctionnaire a nié avoir affiché une attitude déplacée à l’endroit de M. Tse-Chun et a nié l’avoir embarrassé devant les passagers. Le fonctionnaire a déclaré avoir entamé une conversation à ce sujet et avoir fait sortir M. Tse-Chun de l’autobus pour atténuer l’embarras du chauffeur. Le fonctionnaire a nié avoir embarrassé M. Tse-Chun à dessein. Il a plutôt affirmé avoir simplement répondu à un commentaire émis par une femme qui était à l’avant de l’autobus (probablement Mme Backman).

655 Le fonctionnaire a été confronté à la déclaration de Mme Backman (pièce E-2) et à son témoignage, selon lesquels le fonctionnaire a demandé : [traduction] « Qu’est-ce que vous pensez du chauffeur d’autobus, vous? ». Ila admis que s’il avait prononcé ces mots, cela aurait été déplacé, mais il a nié l’avoir fait. Il a affirmé avoir répondu à une voix de femme qu’il avait entendue derrière lui. Il a déclaré qu’il était facile de comprendre d’où venait la confusion; les autres personnes pouvaient ne pas avoir entendu le commentaire de la femme. Il a supposé que d’autres passagers ont peut-être pensé qu’il s’était retourné et avait amorcé une discussion alors qu’en fait, il répondait à une passagère.

656 Le fonctionnaire a admis, conformément à ce que Mme Hellsten a rapporté dans sa déclaration (pièce E-1), s’être tourné vers les passagers et leur avoir demandé s’ils étaient inquiets pour leur sécurité. Il a reconnu avoir dit cela plus tard dans la conversation. Par contre, le fonctionnaire a démenti l’allégation de M. Tse-Chun, selon laquelle il a crié contre M. Tse-Chun, l’a intimidé ou l’a embarrassé.

657 Le fonctionnaire a expliqué qu’habituellement, les agents des services frontaliers ne font pas sortir les chauffeurs de leur autobus. Toutefois, à un moment, le fonctionnaire a demandé aux passagers s’ils étaient en sécurité, puisqu’ils s’exprimaient sur leur sentiment de sécurité, étant donné qu’il était question du fait que M. Tse-Chun ne pouvait pas voir. Le fonctionnaire a insisté sur le bien-fondé de s’interroger sur la sécurité. Il était temps de sortir de l’autobus, étant donné que le fonctionnaire était dans une impasse et que la situation se détériorait; le fonctionnaire a donc décidé de faire appel à la surintendante Anderson.

658 Le fonctionnaire a été interrogé sur les témoignages de trois témoins qui différaient du sien. Le fonctionnaire a affirmé que M. Tse-Chun se frottait les yeux, n’était pas concentré, a tenu les directives sur les déplacements en autobus (pièce E-11) à différentes distances et a affirmé qu’il ne pouvait pas les lire. Le fonctionnaire a demandé à M. Tse-Chun pourquoi il ne pouvait pas lire les directives sur les déplacements en autobus. Le fonctionnaire a approfondi la question, mais n’a pas reçu d’explication disant, par exemple, que les caractères étaient trop petits, que M. Tse-Chun n’avait pas ses lunettes ou qu’il n’arrivait pas à lire les directives sur les déplacements en autobus. M. Tse-Chun a seulement déclaré qu’il ne pouvait pas voir. Le fonctionnaire a mentionné que M. Tse-Chun avait l’air surpris de ne pas pouvoir voir, ce qui a attiré l’attention du fonctionnaire. Le fonctionnaire a déclaré que le comportement de M. Tse-Chun empirait sans explication. Le fonctionnaire a affirmé que M. Tse-Chun s’est levé et a fait face au fonctionnaire. Le fonctionnaire et M. Tse-Chun ont discuté du problème de vision. Le fonctionnaire a dit qu’il comprenait qu’un témoin puisse percevoir cet échange comme du harcèlement. Le fonctionnaire a précisé qu’il ne souriait pas, qu’il faisait dos aux passagers et donnait sans doute l’impression d’être empressé. Il devait s’assurer que M. Tse-Chun pouvait poursuivre sa route en toute sécurité.

659 Le fonctionnaire a été interrogé au sujet de la déclaration de Mme Backman (pièce E-2) et de son témoignage, selon lequel le fonctionnaire s’était tourné vers les passagers et a dit : [traduction] « Qu’est-ce que vous pensez d’un chauffeur d’autobus qui ne peut pas lire? Vous devriez tous demander de vous faire rembourser ». Le fonctionnaire a nié avoir fait cette déclaration.

660 On a souligné au fonctionnaire les différences entre les témoignages des témoins au sujet de la conduite de M. Tse-Chun dans l’autobus et le témoignage du fonctionnaire, selon lequel M. Tse-Chun était irascible et agressif et critiquait vivement le fonctionnaire.

661 Le fonctionnaire a admis que M. Tse-Chun n’a pas opposé de résistance lorsqu’il lui a demandé de sortir de l’autobus et de le suivre.

662 Le fonctionnaire a été interrogé sur la différence entre sa version de ce qui s’est passé à l’intérieur et à l’extérieur de l’autobus et celle de M. Tse-Chun. Le fonctionnaire nie avoir empoigné M. Tse-Chun à environ un mètre de l’autobus. Le fonctionnaire a affirmé que M. Tse-Chun était animé, qu’il agitait les mains, qu’il ne se calmait pas et que son niveau d’agressivité augmentait. Le fonctionnaire a mentionné avoir prévenu M. Tse-Chun qu’il pouvait être arrêté. Il a déclaré avoir gardé une distance d’un bras entre lui et M. Tse-Chun et ne pas l’avoir dirigé. Le fonctionnaire était totalement en désaccord avec la version des évènements de M. Tse-Chun. Le fonctionnaire a prétendu qu’il se trouvait à quelques mètres de la porte lorsqu’il a saisi la veste de M. Tse-Chun.

663 Le fonctionnaire a été contre-interrogé au sujet des témoignages de Mme Hellsten et de Mme Backman sur le comportement de M. Tse-Chun dans l’autobus, qui disaient essentiellement que M. Tse-Chun était calme et coopératif. Il a contesté les témoignages voulant que M. Tse-Chun ait été calme.

664 Le fonctionnaire a été contre-interrogé relativement à la déclaration de la surintendante Anderson du 16 septembre 2007 (pièce E-6) et à son témoignage. Il a affirmé que la surintendante Anderson avait déclaré que M. Tse-Chun était agité et agressif au cours de ses interactions avec elle à l’intérieur du bureau frontalier terrestre. Il a déclaré qu’il s’agissait d’une description juste du comportement qu’avait adopté M. Tse-Chun à la fin de son échange avec la surintendante Anderson.

665 Le fonctionnaire a admis que si le témoignage de M. Tse-Chun était considéré comme vrai, il n’y aurait pas eu lieu de recourir à la force et que la force dont il a fait usage serait jugée excessive.

666 Le fonctionnaire a mentionné avoir parlé à M. Tse-Chun, à l’intérieur du bureau frontalier terrestre, de le faire remplacer par un autre chauffeur d’autobus. Le fonctionnaire a expliqué qu’il était arrivé dans d’autres situations que des chauffeurs d’autobus se soient mal comportés, aient été impliqués dans des activités criminelles ou aient été interdits de territoire au Canada. Il n’a pas admis avoir menacé d’emprisonner M. Tse-Chun.

667 Le fonctionnaire a été contre-interrogé au sujet des déclarations de la mi-décembre 2006 et du 16 septembre 2007 de la surintendante Anderson (pièces E-5 et E-6) et de son témoignage, selon lesquels M. Tse-Chun était réceptif. La surintendante Anderson n’a pas mentionné dans ses déclarations ou son témoignage que M. Tse-Chun avait manifesté quelque comportement problématique que ce soit. Le fonctionnaire était en désaccord avec cette affirmation.

668 Le fonctionnaire a affirmé que le fait de toucher la veste ou l’épaule de M. Tse-Chun était loin de constituer un recours à la force, étant donné qu’il ne s’agissait pas d’un blocage articulaire. Le fonctionnaire a avoué avoir empoigné la veste de M. Tse-Chun pour assurer sa propre protection. Le fonctionnaire a déclaré qu’il n’a pas eu à observer une bonne distance derrière M. Tse-Chun pour éviter d’aggraver la situation de son propre fait. Le fonctionnaire a déclaré qu’il aurait été en mesure d’augmenter le degré de force à partir de là si cela s’était avéré nécessaire. Le fonctionnaire a décrit son intervention comme une contre-mesure légère.

669  Le fonctionnaire a déclaré qu’il ne connaissait pas la section 58 du Manuel d’exécution des douanes, qui se lit comme suit : [traduction] « 58.Les agents doivent, dès que possible après un incident d’usage de la force, en consigner les détails dans leur carnet douanier (CE1) ».

670 Le fonctionnaire a été contre-interrogé sur le fait qu’il n’a pas présenté de rapport sur le recours à la force comme l’exige la section 59 du Manuel d’exécution des douanes, qui se lit comme suit : [traduction] « 59. Un rapport sur l’usage de la force (E642) doit être dressé dans les 24 heures, ou dès que possible en pratique, et remis au surintendant du quart de travail après chaque situation ou incident où la force a été utilisée ». Le fonctionnaire a indiqué qu’on préparait un rapport sur le recours à la force conjointement à un [traduction] « rapport d’arrestation E-350 ». Le fonctionnaire a affirmé que la section 59 du Manuel d’exécution des douanes est [traduction] « floue » et que tout dépend de la façon dont on définit la « force ». Le fonctionnaire a d’abord déclaré qu’un rapport sur le recours à la force était requis lorsqu’on faisait usage de la force dans le cadre d’une arrestation.

671 Le fonctionnaire ne se souvenait pas de la façon dont M. Tse-Chun avait décrit, dans son témoignage, la force utilisée par le fonctionnaire. La défenderesse a rappelé au fonctionnaire que M. Tse-Chun avait eu l’impression de se faire prendre comme on aurait pris un chien. Le fonctionnaire a concédé que, si les évènements s’étaient passés comme M. Tse-Chun les décrit, un rapport sur le recours à la force aurait été requis, mais le fonctionnaire a ajouté que M. Tse-Chun aurait été arrêté. Le fonctionnaire a affirmé qu’il n’a pas préparé de rapport sur le recours à la force parce qu’il n’a pas arrêté M. Tse-Chun; les choses ne sont pas allées si loin. La défenderesse a fait remarquer que la section 59 du Manuel d’exécution des douanes ne se rapporte pas aux arrestations, mais à [traduction] « […] chaque situation ou incident où la force a été utilisée ». Le fonctionnaire a indiqué qu’un agent des services frontaliers ne ferait pas usage de la force à l’endroit d’une personne, à moins de vouloir procéder à son arrestation. Le fonctionnaire n’a pas admis avoir eu recours à la force.

672 Le fonctionnaire n’a pas signalé à la surintendante Anderson avoir saisi la veste de M. Tse-Chun. Le fonctionnaire a déclaré que cela ne lui était même pas venu à l’esprit. Il a affirmé avoir eu une conversation explicite avec la surintendante Anderson sur le comportement difficile de M. Tse-Chun. Il a déclaré que la surintendante Anderson avait dû crier contre M. Tse-Chun, parce que celui-ci tentait de parler plus fort qu’elle et qu’elle était frustrée. Il a dit que la surintendante Anderson lui avait raconté l’épisode en présence du surintendant Brezden. Il a indiqué que la surintendante Anderson avait omis de le signaler dans sa déclaration de la mi-décembre 2006 (pièce E-5) au chef Clarke. Il s’est dit stupéfait que la surintendante Anderson n’ait pas appuyé sa version des faits à lui. Je constate que la preuve du fonctionnaire diffère du témoignage de la surintendante Anderson à l’audience et de ses déclarations de la mi-décembre 2006, du 16 septembre 2007 et du 18 octobre 2007 (pièces E-5, E-6 et E-7).

673 Le fonctionnaire a été contre-interrogé sur les techniques de [traduction] « désamorçage » décrites au paragraphe 8 du chapitre 3 du Manuel sur le traitement des voyageurs (pièce G-3), qui se lit ainsi :

[Traduction]

8. Les mesures qui suivent doivent être évitées lorsqu’un agentdoit gérer des voyageurs contrariés

  • Ne pas toucher la personne ou la pointer du doigt
  • Ne pas menacer la personne

[Le passage en évidence l’est dans l’original]

Le fonctionnaire a affirmé qu’un agent des services frontaliers peut toucher une personne pour prévenir une agression. Le fonctionnaire n’a jamais dit qu’il jetterait M. Tse-Chun en prison. Le fonctionnaire a prévenu M. Tse-Chun qu’il serait mis en état d’arrestation s’il ne maîtrisait pas son comportement; le fonctionnaire a précisé qu’il doit donner cet avertissement lorsqu’il raisonne une personne dans une situation de recours à la force. Il s’agit d’une technique de désescalade et non d’une menace.

674 Le fonctionnaire a été contre-interrogé sur le paragraphe 10 du Manuel sur le traitement des voyageurs (pièce G-3), qui se lit comme suit :

[Traduction]

10. Les situations de violence verbale et de menaces accompagnées d’un potentiel de violence devraient être immédiatement portées à l’attention du surintendant en poste, qui surveillera la situation et interviendra au besoin. L’agent des douanes devrait mettre à profit ses compétences en communication pour éviter toute confrontation. L’agent des douanes devrait prendre en note les détails de l’incident dans son carnet.

Le fonctionnaire a déclaré qu’il a commencé à utiliser des techniques verbales de désamorçage à partir du moment où il est entré dans l’autobus et qu’il a parlé avec M. Tse-Chun. Le fonctionnaire a affirmé que le dialogue s’est poursuivi pendant toute la durée de son intervention. Selon le fonctionnaire, le fait d’empoigner M. Tse-Chun n’a pas été abusif.

675 On a demandé au fonctionnaire s’il considérait que la façon dont il a agi avec M. Tse-Chun était appropriée. Le fonctionnaire a répondu qu’elle était raisonnable dans les circonstances, mais il n’était pas prêt à dire qu’il n’y aurait pas eu de meilleures façons de gérer la situation.

676 Le fonctionnaire a été contre-interrogé sur le fait qu’il a été contrarié par une plainte déposée par une gestionnaire. On a demandé au fonctionnaire pourquoi il a été contrarié s’il pensait avoir agi de façon raisonnable. Il a répondu que le fait d’agir de façon raisonnable n’empêche pas les gens de porter plainte et que le processus de traitement des plaintes est ardu et stressant.

677 Le fonctionnaire a déclaré qu’il craignait que Mme Hellsten dépose une plainte. Le fonctionnaire a affirmé que les gens perçoivent des choses, expriment leurs avis et remplissent les blancs. Il a ajouté que le processus d’examen des plaintes est stressant. Le fonctionnaire a mentionné avoir fait l’objet de plaintes ultérieurement, qui s’étaient avérées non fondées; ce processus est une source de contrariétés.

678 Le fonctionnaire a admis avoir dit au surintendant Brezden être inquiet au sujet d’une autre plainte, comme l’indique le courriel du surintendant Brezden du 24 octobre 2007 (pièce E-15). Pour les raisons énoncées au début de la présente décision, je n’ai pas autorisé la défenderesse à soumettre en preuve le contenu des plaintes précédentes qui préoccupaient le fonctionnaire ni à souligner le nombre de plaintes ultérieures déposées contre le fonctionnaire.

679 Le fonctionnaire a admis en contre-interrogatoire qu’on lui a expliqué pourquoi il avait été affecté au Centre de traitement CANPASS. Il a indiqué que son taux de salaire n’avait pas été touché, mais qu’il avait perdu la rémunération de jours fériés, la prime d’heures supplémentaires et la prime de poste. De toute évidence, il a subi une perte financière à la suite de son affectation.

680 Le fonctionnaire a affirmé avoir préparé la déclaration (pièce E-9, annexe A) qu’il a remise au surintendant Ashikian peu de temps avant leur première rencontre du 20 février 2007. Le fonctionnaire a déclaré avoir suivi les instructions de la direction. Il a rencontré à nouveau le surintendant Ashikian le 12 avril 2007. Le fonctionnaire ne se souvenait pas si le surintendant Ashikian avait passé en revue le document intitulé [traduction] « Introduction à l’enquête de la Division de la sécurité de l’Agence et des affaires internes » (pièce E-10), mais le fonctionnaire savait que le surintendant Ashikian menait l’enquête. Le fonctionnaire a lu les notes du surintendant Ashikian, y a apporté les modifications nécessaires, puis les a signées. Le fonctionnaire se souvenait que le surintendant Ashikian lui a lu certains des documents. Le fonctionnaire ne se rappelait pas tous les détails de l’enquête, mais il a émis des commentaires sur ceux dont il se souvenait.

681 Je suis convaincu que le surintendant Ashikian a communiqué au fonctionnaire tous les détails importants présentés par les témoins. Le fonctionnaire a admis que le surintendant Ashikian lui avait donné l’occasion d’expliquer pourquoi sa version était différente. Le fonctionnaire a affirmé que le surintendant Ashikian lui avait dit que s’il modifiait la conclusion de sa déclaration (pièce E-9, annexe A), il donnerait une impression nettement plus favorable. Ni l’agent Sullivan ni le surintendant Ashikian n’ont confirmé ce témoignage.

682 Le fonctionnaire a été contre-interrogé au sujet de sa conclusion modifiée (pièce E-9, page 6), qui se lit comme suit : [traduction] « J’aurais pu gérer la situation d’une manière plus appropriée et obtenir tout de même un résultat satisfaisant pour tous les intervenants ». On a demandé au fonctionnaire comment il aurait pu gérer la situation d’une manière plus appropriée. Il a répondu qu’il ne savait pas ce qu’il aurait pu faire autrement, à part se faire aider par un autre agent des services frontaliers; si tel avait été le cas, il n’y aurait pas eu de désaccord sur ce qui s’est passé.

683 Le fonctionnaire a déclaré qu’il s’est senti contraint d’écrire sa nouvelle conclusion (pièce E-9, page 6) pour le surintendant Ashikian, qui se lit comme suit : [traduction] « J’aurais pu gérer la situation d’une manière plus appropriée et obtenir tout de même un résultat satisfaisant pour tous les intervenants ». Le fonctionnaire a affirmé qu’il n’était pas approprié de la part du surintendant Ashikian de lui demander de changer sa conclusion et qu’il avait l’impression que l’enquête n’était pas impartiale. Le fonctionnaire a mentionné que le surintendant Ashikian lui a demandé s’il s’attendait à ce qu’il interroge une directrice de l’Agence et s’il pensait que Mme Hellsten était dans l’erreur. Le surintendant Ashikian a demandé au fonctionnaire comment la directrice pouvait s’être trompée et non le fonctionnaire. Le surintendant Ashikian a demandé au fonctionnaire s’il s’attendait à ce qu’il interroge Mme Hellsten.

684 Le fonctionnaire a affirmé que le surintendant Ashikian avait jugé que le fonctionnaire était en tort, qu’il avait fait usage d’une force excessive et qu’il aurait à en payer le prix. Le surintendant Ashikian a dit au fonctionnaire qu’il serait à l’avantage du fonctionnaire de changer sa conclusion (pièce E-9, annexe A). Le fonctionnaire a ensuite quitté la pièce et a discuté à fond de la question avec l’agent Sullivan, qui lui a dit que la décision lui revenait, mais que si l’Agence s’était déjà fait une opinion, il pourrait être judicieux de modifier sa conclusion.

685 Je remarque que le témoignage du fonctionnaire concernant la modification de sa conclusion (pièce E-9, annexe A) diffère de ceux du surintendant Ashikian et de l’agent Sullivan. La défenderesse a affirmé que le surintendant Ashikian avait donné au fonctionnaire la possibilité de changer sa conclusion, mais qu’il n’avait pas suggéré le contenu de la conclusion. Le fonctionnaire a soutenu que le surintendant Ashikian lui avait dit qu’il tirerait avantage à changer sa conclusion puisque l’Agence serait probablement plus indulgente.

686 Lors des rencontres préalables à l’audience disciplinaire du 24 septembre et du 16 octobre 2007, le fonctionnaire a eu l’occasion d’examiner le rapport d’enquête (pièce E-9) et de formuler des commentaires additionnels sur ce rapport et sur l’allégation supplémentaire selon laquelle il aurait menti durant l’enquête.

687 Le fonctionnaire a reconnu (pièce E-21) avoir reçu un exemplaire du Code de conduite de l’ASFC (pièce E-19), du Code d’éthique et de déontologie (pièce E-22), de la brochure [traduction] Normes de conduite et de la brochure [traduction] Conflits d’intérêts. Il a signé un [traduction] « serment d’allégeance » et un [traduction] « serment d’office et de discrétion » (pièce E-21). Le fonctionnaire a admis qu’il aurait lu la section (f) du Code d’éthique et de déontologie concernant les rapports avec le public avant de signer l’accusé de réception. La section (f) se lit comme suit :

[Traduction]

On ne peut trop insister sur l’importance d’offrir au public, dans l’exercice de vos fonctions officielles, un service courtois, rapide, sensible et professionnel, tout en faisant preuve de sensibilité. Aux yeux de bien des clients, vous ne représentez pas seulement l’ADRC, mais aussi la fonction publique dans son ensemble.

Être sensible aux besoins du public signifie faire preuve de politesse, même dans des circonstances difficiles, dans des périodes de stress personnel et en présence de provocations, dans la mesure où il n’y a pas infraction à la loi. Vous devez vous abstenir de tous commentaires ou gestes abusifs, railleurs, menaçants, insultants, offensants ou provocateurs à l’endroit d’une autre personne.

Si vous occupez un emploi qui nécessitera parfois que vous surmontiez un manque continu de coopération de la part d’un client, c’est-à-dire si vous êtes par exemple un agent des douanes ou du fisc responsable de l’application de la loi, il vous faudra parfois adopter une attitude déterminée, tenace et professionnelle.

Les gestes de personnes ne travaillant pas pour l’ADRC peuvent parfois être abusifs ou menaçants, ou même mener à une agression. L’ADRC vous offrira protection, soutien et assistance. Vous devez rapporter rapidement à votre gestionnaire tous les détails d’un tel incident et collaborer à toute enquête subséquente.

Pour obtenir des renseignements supplémentaires, veuillez consulter la politique de l’ADRC sur les injures, les menaces, le harcèlement et les agressions envers les employés.

688 La défenderesse a fait observer au fonctionnaire qu’il ne s’était pas conformé à l’exigence suivante de la section (f) du Code d’éthique et de déontologie (pièce E-22), puisqu’il n’avait pas rapporté l’incident :

[Traduction]

[…]

Les gestes de personnes ne travaillant pas pour l’ADRC peuvent parfois être abusifs ou menaçants, ou même mener à une agression. L’ADRC vous offrira protection, soutien et assistance. Vous devez rapporter rapidement à votre gestionnaire tous les détails d’un tel incident et collaborer à toute enquête subséquente.

[…]

Le fonctionnaire a déclaré qu’il n’avait pas jugé que l’incident mérite d’être signalé, étant donné qu’il n’avait pas été menacé. Je constate que la plupart des témoins du défendeur, de même que le témoin du fonctionnaire (l’agent Sullivan), ont souligné l’importance de signaler les incidents où il y a eu recours à la force.

689 Le fonctionnaire a été contre-interrogé sur les valeurs de l’Agence — les valeurs professionnelles, les valeurs éthiques, les valeurs liées aux personnes et l’intégrité — énoncées dans le Code de conduite de l’ASFC (pièce E-19). Il connaissait ces valeurs. Le fonctionnaire était en désaccord avec l’affirmation du défendeur selon laquelle il y aurait manqué.

690 Le fonctionnaire savait qu’il était tenu de collaborer à la conduite des enquêtes, incluant celles menées par les Affaires internes. Il savait également qu’il pouvait être appelé à comparaître devant un tribunal et qu’il était important de dire la vérité.

691 Le fonctionnaire connaissait les normes de conduite attendues du personnel et énoncées dans le Code de conduite de l’ASFC (pièce E-19) :

[…]

[Traduction]

En tout temps, vous devez vous montrer courtois et respectueux envers le public et les gens avec qui vous travaillez, et ce, même dans les situations difficiles, notamment à l'occasion de périodes de stress personnel ou à la moindre provocation.

En tout temps, vous devez vous abstenir de tous commentaires ou gestes abusifs, railleurs, menaçants, insultants, offensants ou provocateurs à l’endroit d’une autre personne.

[…]

Le fonctionnaire a nié l’affirmation du défendeur selon laquelle il aurait enfreint cette norme de conduite.

692 Le fonctionnaire savait que, dans des cas graves, un manquement au Code de conduite de l’ASFC(pièce E-19) pouvait mener au licenciement.

c. Réinterrogatoire

693 On a posé un certain nombre de questions qui ne pouvaient à juste titre faire l’objet d’un réinterrogatoire, puisqu’elles avaient déjà été formulées lors de l’interrogatoire principal du fonctionnaire, ou parce qu’elles ne découlaient pas de son contre-interrogatoire.

694 Le fonctionnaire croyait que le témoignage selon lequel il aurait prétendument saisi M. Tse-Chun par le cou était malhonnête. Le fonctionnaire a déclaré avoir saisi M. Tse-Chun par la veste.

695 Le fonctionnaire estimait que le témoignage du surintendant Ashikian, selon lequel les voyageurs bénéficient d’une exonération de 50 $ lorsqu’ils reviennent au Canada après un séjour de moins de 24 h aux États-Unis, n’était pas exact.

696 Le fonctionnaire a indiqué que les autobus étaient traités un par un et qu’au moment de l’incident, il était le seul agent des services frontaliers à travailler dans cette zone. Il a déclaré qu’il avait reçu instruction de recueillir les cartes E-311 et que si elles n’étaient pas recueillies, une note de service serait émise. Il a expliqué que l’équipe du quart de nuit rassemblait les cartes E-311 et les envoyait à l’administration centrale de l’Agence, à Ottawa. Le fonctionnaire pensait que l’information inscrite sur les cartes E-311 était utilisée à des fins de renseignement. Il croyait que les cartes E-311 étaient prescrites par le ministre; il ne savait pas que leur utilisation était discrétionnaire.

697 Le fonctionnaire a fait valoir que la déclaration de Mme Backman (pièce E-2) sur ce qu’il a dit aux passagers dans l’autobus, soit : [traduction] « Que pensez-vous du fait que le chauffeur d’autobus ne peut pas lire? Vous devriez tous demander de vous faire rembourser » ne se trouvait pas dans la déclaration de M. Tse-Chun (pièce E-20) ni dans celle de Mme Hellsten (pièce 1).

698 Le fonctionnaire a affirmé qu’il a vu M. Tse-Chun manifester des signes précurseurs d’une agression à l’extérieur de l’autobus, ce qui a amené le fonctionnaire à penser que M. Tse-Chun pouvait avoir un problème.

699 Le fonctionnaire a indiqué que l’autobus se trouvait à environ 20 pas du bureau frontalier terrestre.

700 Le fonctionnaire a déclaré qu’après l’incident, lui et la surintendante Anderson ont plaisanté au sujet de M. Tse-Chun une fois que ce dernier a quitté le bureau frontalier terrestre. Le fonctionnaire a affirmé que le surintendant Brezden était également présent. Toutefois, le témoignage du surintendant Brezden ne concordait pas avec cette affirmation, puisque le surintendant Brezden a déclaré avoir parlé à la surintendante Anderson seulement deux jours après l’incident, à la demande du fonctionnaire.

701 Le fonctionnaire a soutenu qu’il n’avait employé aucune force en plaçant sa main sur l’épaule de M. Tse-Chun. Le fonctionnaire a affirmé n’avoir ni poussé ni tiré M. Tse-Chun. Le fonctionnaire avait bloqué son coude de sorte que si M. Tse-Chun se retournait, il se serait heurté contre un corps solide (le coude du fonctionnaire).

702 Le fonctionnaire a prétendu qu’il n’avait rien fait pour dissimuler ses actes. Il a affirmé avoir été honnête et avoir dit la vérité lorsqu’il a rapporté l’incident.

703 Le fonctionnaire se rappelait que le surintendant Ashikian avait lu des extraits des déclarations des témoins lors de la réunion du 12 avril 2007.

704 Le fonctionnaire a expliqué pourquoi son témoignage différait de celui des témoins. Il a affirmé que deux personnes pouvaient se trouver dans la même pièce, voir un incident se dérouler et le rapporter différemment. Il en avait eu une démonstration pendant sa formation au Centre de formation de l’Agence à Rigaud. Quand le surintendant Ashikian a interrogé le fonctionnaire sur les différences, la seule explication que le fonctionnaire a fournie est qu’il y a eu une différence de perception. Les gens voient les choses différemment en fonction de leur expérience de vie, de leur capacité de perception et de leur parti pris, selon le rôle qu’ils jouent dans l’incident. Le fonctionnaire a ajouté qu’il suffit que le temps passe pour qu’il y ait discordance.

705 Le fonctionnaire a mentionné que lorsqu’il travaillait à titre d’agent des services frontaliers, il acceptait de faire des quarts de travail en heures supplémentaires quand ils étaient offerts et qu’il recevait alors une rémunération supplémentaire. Au Centre de traitement CANPASS, il travaillait les heures normales de travail. Il estime que son salaire sur son feuillet d’impôts T4 a chuté de 15 000 $ à 20 000 $ par année à la suite de son affectation au Centre de traitement CANPASS, puisqu’il n’a pas reçu de prime d’heures supplémentaires, de prime de poste ni de rémunération de jours fériés. Cette baisse de revenu à eu des répercussions sur sa famille, étant donné qu’il en était le seul soutien.

706 Le fonctionnaire a indiqué que toutes les notes prises lors de son interrogatoire n’ont pas été jointes au rapport du surintendant Ashikian (pièce E-9).

707 Le fonctionnaire a affirmé qu’on ne lui avait pas montré les documents de la pièce E-21 — le serment d’allégeance et le document attestant qu’il avait reçu le Code de conduite de l’ASFC (pièce E-19), le Code d’éthique et de déontologie (pièce E-22), la brochure [traduction] Normes de conduite et la brochure [traduction] Conflits d’intérêts — lors de son interrogatoire. Quoi qu’il en soit, il est clair qu’il a signé un accusé de réception pour ces documents. Il a indiqué qu’aucune allégation qu’il ait manqué à son serment d’allégeance n’a été formulée.

12. Témoignage du sergent Johnston

708 Le sergent Johnston travaille pour le service de police de Vancouver. Il a une vaste expérience en tant que policier et en analyse de l’usage de la force par des policiers, comme le révèlent son curriculum vitae (pièce G-1) et son témoignage. Par l’intermédiaire de son entreprise, Defensive Tactics Institute Inc., il contribue à la formation en usage de la force et à l’élaboration de politiques connexes. Le sergent Johnston était qualifié pour donner un témoignage d’expert sur l’usage de la force. Il a donné un avis écrit (pièce G-4) après avoir examiné le rapport d’enquête (pièce E-9). Il a aussi fait un témoignage lors duquel il a parlé du MIGI et donné des exemples de situations où un agent des services frontaliers peut ou non avoir recours à la force. Il a indiqué ce qui suit à la page 6 de son opinion écrite :

[Traduction]

[…]

Si on accepte la perception et le récit des faits de M. Tse-Chun, on considérera que l’agent des services frontaliers Newman a fait usage d’une force excessive à l’endroit d’un sujet « coopératif », car aucune intervention physique n’était requise dans les circonstances.

Par contre, si on accepte la perception et le récit des faits de l’agent des services frontalier NEWMAN, on considérera que la force utilisée était légale, raisonnable et justifiée – et qu’elle était minimale en fonction des options d’intervention possible. L’agent des services frontaliers NEWMAN aurait été en droit de faire usage d’une force plus grande à l’endroit d’un sujet « résistant » – « combatif ».

[…]

709 Le sergent Johnston a déclaré que, quand on examine un cas d’usage de la force, il est très important de se concentrer sur le comportement pendant l’incident et non avant ou après l’incident, car un comportement peut changer. Le sergent Johnston n’a pas tenu compte des témoignages de Mme Backman et de Mme Hellsten, car leurs perceptions de ce qui s’est produit à l’extérieur de l’autobus étaient influencées par ce qui se passait dans l’autobus. Contrairement au fonctionnaire, Mme Backman et Mme Hellsten ne sont pas des observatrices formées. Je note que ce type de témoignage empiète sur la fonction d’arbitre de grief, car c’est la fonction de l’arbitre de grief de rechercher les faits.

710 Le sergent Johnston a déclaré que de nombreux corps de police, comme la GRC, ne demanderaient pas à un agent de rédiger un rapport parce qu’il a touché un chauffeur d’autobus dans les circonstances décrites par le fonctionnaire dans sa déclaration (pièce E-9, annexe A) au surintendant Ashikian. Le sergent Johnston a confié qu’il lui arrivait souvent de toucher des gens dans le cadre de son travail de policier. Cependant, lors de son contre-interrogatoire, il a admis que, compte tenu de la politique de l’Agence, énoncée à la section 59 du Manuel d’exécution des douanes, le fonctionnaire était tenu de présenter un rapport sur l’usage de la force après l’incident.

D. Résumé des arguments

1. Pour la défenderesse

711 La défenderesse a déclaré que le fonctionnaire avait fait usage d’une force excessive à l’endroit de M. Tse-Chun et qu’il avait fait preuve de malhonnêteté durant l’enquête. Par sa malhonnêteté pendant l’enquête, le fonctionnaire a rompu le lien de confiance nécessaire à la relation du travail; par conséquent, le licenciement devrait être maintenu, conformément à Trenholm c. Personnel des Fonds non publics des Forces canadiennes, 2006 CRTFP 66.

712 La défenderesse a affirmé qu’il faut avant tout déterminer s’il y a eu recours à la force. La preuve présentée ne laisse aucun doute à ce sujet : il y a eu recours à la force.

713 Le témoignage de M. Tse-Chun était clair et crédible. Aucune preuve n’a été produite pour laisser croire qu’il avait inventé ou enjolivé son histoire. Son récit était cohérent, et sa participation à l’audience ne lui apportait aucun avantage personnel. Il n’a jamais déposé de plainte. M. Tse-Chun a témoigné avoir été poussé du doigt par le fonctionnaire, qui l’a également entraîné sur 10 à 15 mètres pour le conduire à l’intérieur du bureau frontalier terrestre. Le fonctionnaire a tiré M. Tse-Chun par l’épaule comme on tirerait un chien.

714 Mme Hellsten a affirmé que le fonctionnaire avait saisi M. Tse-Chun par la chemise, près de la nuque, pour le faire entrer à l’intérieur du bureau frontalier terrestre, ce qui corrobore la preuve selon laquelle le fonctionnaire a fait usage de force. Mme Backman a dit que le fonctionnaire avait empoigné M. Tse-Chun par le cou pour le conduire à l’intérieur du bureau frontalier terrestre. Selon le sergent Johnston, le fonctionnaire a effectivement fait usage de la force, même dans la version des faits présentée par le fonctionnaire. Le fonctionnaire est le seul à nier qu’il a eu recours à la force. Le fonctionnaire continue d’affirmer qu’il n’a pas fait usage de la force.

715 Il ne fait aucun doute que la force utilisée par le fonctionnaire était excessive. Le surintendant Ashikian, le chef Clarke et le sergent Johnston ont confirmé que l’utilisation d’une force non nécessaire constitue un recours à une force excessive. S’il n’était pas nécessaire d’avoir recours à la force, cela signifie que toute force utilisée était automatiquement excessive. Il n’y avait aucune raison de faire usage de la force dans l’incident en question. Dans son témoignage, M. Tse-Chun a affirmé qu’il n’avait fait aucun commentaire, n’avait rien dit, n’avait pas opposé de résistance au fonctionnaire et qu’il ne voulait rien dire au fonctionnaire, car il était mort de peur. Mme Hellsten a affirmé, dans sa déclaration et son témoignage, qu’il n’y avait aucune raison d’avoir recours à une telle force pour conduire M. Tse-Chun à l’intérieur du bureau frontalier terrestre. Mme Backman a indiqué qu’elle pouvait voir et entendre ce qu’il se passait à l’extérieur de l’autobus. Mme Backman a précisé que le fonctionnaire avait empoigné M. Tse-Chun et qu’elle n’a pas vu ni entendu M. Tse-Chun opposer de résistance de quelque façon que ce soit. Il n’était pas nécessaire d’avoir recours à la force; la force utilisée était excessive.

716 Le fonctionnaire a déclaré ne pas avoir eu recours à la force, ce qui est complètement différent de ce que les témoins ont affirmé dans leurs déclarations. Peu après l’incident, il a révélé à la surintendante Anderson son inquiétude qu’une plainte soit déposée — voir la déclaration de la surintendante Anderson, datée du 18 octobre 2007 (pièce E-7) — et il a dit au surintendant Brezden qu’il craignait le dépôt d’une plainte — voir le courriel du 24 octobre 2007 envoyé par le surintendant Brezden au chef Clarke (pièce E-15). Ces preuves révèlent que le fonctionnaire se sentait coupable et craignait qu’une plainte soit déposée.

717 La défenderesse a affirmé que cette affaire repose sur la crédibilité des témoins, qui devrait être évaluée selon les critères énoncés dans Faryna c. Chorny, [1952] 2 D.L.R. 354 (C.A. C.-B.). Le fait que le fonctionnaire nie avoir eu recours à la force et affirme que M. Tse-Chun opposait de la résistance ne va pas dans le sens de la prépondérance des probabilités et ne devrait pas être jugé véridique. La défenderesse a identifié certains passages de la déclaration du fonctionnaire au surintendant Ashikian (pièce E-9, annexe A) qui ont été démentis par les témoignages de Mme Hellsten, de Mme Backman et de M. Tse-Chun. Les voici :

  • lorsqu’il s’est fait demander les cartes E-311, M. Tse-Chun a répondu qu’il n’avait jamais entendu parler de cette règle [traduction] « ridicule »;
  • M. Tse-Chun a tenté de se disputer avec le fonctionnaire en disant que le fonctionnaire [traduction] « était le seul » et qu’il devait être en train de lui faire une mauvaise blague;
  • M. Tse-Chun a continué d’être irascible;
  • M. Tse-Chun a continué de critiquer vivement le fonctionnaire devant les passagers de l’autobus;
  • M. Tse-Chun a continué de crier et de critiquer vivement le fonctionnaire à l’extérieur de l’autobus;
  • M. Tse-Chun a secoué le doigt au visage du fonctionnaire ou lui a fait un doigt d’honneur;
  • M. Tse-Chun s’est à demi retourné vers le fonctionnaire et a agité les bras.

718 La défenderesse a relevé un passage de la déclaration du fonctionnaire au surintendant Ashikian (pièce E-9, annexe A) qui a été démenti par les témoignages de M. Tse-Chun et de la surintendante Anderson, soit : [traduction] « Le chauffeur a continué de crier et de créer des difficultés lorsque le fonctionnaire et la surintendante Anderson sont retournés le voir. »

719 La défenderesse a soutenu que le fonctionnaire n’était pas un témoin crédible et qu’il ne fallait pas croire ce qu’il disait.

720 Le fonctionnaire a dissimulé ses actes :

  • en n’informant pas la surintendante Anderson du fait qu’il avait eu recours à la force;
  • en ne produisant pas un rapport sur le recours à la force, ce qui va à l’encontre des exigences de la section 59 du Manuel d’exécution des douanes, qui indique qu’un rapport doit être rédigé [traduction] « après chaque situation ou incident où la force a été utilisée ». Il savait que s’il avait rédigé un rapport, ses actes feraient l’objet d’une enquête, puisque la force utilisée était inappropriée et excessive.

721 Le fonctionnaire a violé plusieurs dispositions du Code de conduite de l’ASFC (pièce E-19). Il a fait des déclarations mensongères durant l’enquête.

722 Le fonctionnaire a été invité à expliquer les discordances entre son récit et ceux des témoins. Il a maintenu sa version des faits et a soulevé la question des déclarations soumises par la surintendante Anderson à la mi-décembre 2006 (pièce E-5) et le 16 septembre 2007 (pièce E-6). Le chef Clarke a demandé des clarifications à la surintendante Anderson, et les renseignements qu’elle a donnés étaient cohérents.

723 Le fonctionnaire a eu une deuxième occasion de s’expliquer et il a maintenu sa version des faits.

724 Le fonctionnaire a abusé de façon irrémédiable de la confiance de l’Agence, qui est un élément essentiel de la relation entre l’employé et son employeur. Le fait de mentir lors d’une enquête sur un recours à une force excessive, notamment en l’absence de remords, est la preuve qu’une éventuelle réhabilitation n’est pas garantie; voir Roberts c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2007 CRTFP 28, aux paragraphes 317, 320 et 324.

725 Une conduite caractérisée par un manque d’honnêteté peut être aggravée par un manque d’honnêteté au cours de l’enquête. Une telle situation peut constituer un motif valable de licenciement, et ce, malgré l’ancienneté de l’employé et un bon dossier personnel, puisqu’une conduite semblable rompt le lien de confiance; voir Thomson et le Conseil du Trésor (Revenu Canada – Douanes et Accise), dossier de la CRTFP 166-02-27846 (19980402), aux paragraphes 180 et 208;

726 En omettant de reconnaître ses torts au cours de l’enquête et de l’audience et en essayant de blâmer les autres, le fonctionnaire a fait en sorte qu’il est impossible pour l’arbitre de grief d’atténuer la sanction au vu du potentiel de réhabilitation; voir Morrow c. Conseil du Trésor (Service correctionnel du Canada), 2006 CRTFP 43, aux paragraphes 193, 195 et 198.

727 Le fonctionnaire n’a pas fait preuve de franchise durant l’enquête, il a tenté de minimiser sa conduite, il a jeté le blâme sur autrui et il a formulé des allégations non corroborées de problèmes concernant l’enquête. Cela démontre que le fonctionnaire n’admet pas sa responsabilité pour sa conduite; voir Shaver c. Administrateur général (ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences), 2011 CRTFP 43, aux paragraphes 120 à 122, de même que 124 et 140. Au paragraphe 121 de Shaver, l’arbitre de grief a déclaré : « […] Confronté aux allégations dont il était l’objet, le fonctionnaire aurait dû fournir une explication rapide, complète et cohérente pour justifier sa conduite. Il ne l’a pas fait ni durant l’enquête du défendeur ni dans son témoignage dans le présent arbitrage. »

728 Une norme plus élevée est attendue des employés du secteur de l’application de la loi compte tenu de la position de confiance qu’ils occupent. La perte de confiance découlant d’une conduite malhonnête entraînera le licenciement; voir McKenzie c. Administrateur général (Service correctionnel du Canada), 2010 CRTFP 26, au paragraphe 80.

729 De façon générale, en se fondant sur les preuves, le fonctionnaire a manifestement fait usage d’une force excessive durant l’incident. Il était un agent de la paix. Il n’a pas été franc durant l’enquête. Compte tenu de sa conduite, il n’a aucune crédibilité, et l’Agence ne lui ferait pas confiance pour le citer comme témoin dans une autre procédure.

730 La défenderesse a déclaré que le surintendant Brezden n’était pas présent au cours de l’incident. Le surintendant Brezden a parlé à la surintendante Anderson, mais la surintendante Anderson ne pouvait donner comme information au surintendant Brezden que ce que le fonctionnaire lui avait dit de l’incident.

2. Pour le fonctionnaire

731 Le fonctionnaire a soutenu qu’il fallait déterminer s’il a bel et bien fait ce que l’on prétend qu’il a fait, et si la sanction était appropriée dans les circonstances. J’ai tenté de résumer les principaux éléments de son argumentation. Je remarque qu’une bonne partie de son argumentation n’était pas appuyée par des preuves.

732 Le fonctionnaire a affirmé que cette affaire portait sur la crédibilité des témoins, ce qui devrait être évalué selon les critères avancés dans Faryna. Le fonctionnaire a déclaré que son témoignage était le plus crédible et qu’il devrait être accepté. Il a indiqué que l’important n’est pas qui est le meilleur acteur, le meilleur orateur ou celui qui occupe le poste le plus élevé. Le fonctionnaire a souligné que les contradictions entre les témoignages des témoins prouvaient que son récit était plus convaincant en ce qui concerne la prépondérance des probabilités.

733 Le fonctionnaire a soutenu que ni Mme Hellsten ni Mme Backman n’ont vu le fonctionnaire mettre ses mains sur l’épaule de M. Tse-Chun, qu’elles ne l’ont pas vu faire usage de la force et qu’elles n’ont pas vu l’incident qui est survenu à l’extérieur de l’autobus. La version du fonctionnaire est demeurée la même depuis six ans.

734 Le fonctionnaire a contesté le témoignage de M. Tse-Chun en s’appuyant sur les points suivants :

  • M. Tse-Chun a donné trois différentes versions de l’incident, notamment en ce qui concerne le fait que le fonctionnaire a placé ses mains sur la veste de M. Tse-Chun, l’a tiré, l’a poussé ou a marché à ses côtés; la version du fonctionnaire est demeurée la même pendant plus de six ans;
  • le témoignage de M. Tse-Chun et sa déclaration au surintendant Ashikian (pièce E-20) étaient à tel point différents que l’on peut se demander si M. Tse-Chun se remémorait le même incident;
  • M. Tse-Chun a dit au surintendant Ashikian que M. Tse-Chun avait été poussé par la veste, mais à l’audience, M. Tse-Chun a dit qu’il avait été tiré à l’intérieur du bureau frontalier terrestre;
  • M. Tse-Chun a déclaré qu’il ne pouvait voir les directives sur les déplacements en autobus (pièce E-11), qui étaient pourtant tout à fait lisibles;
  • M. Tse-Chun a allégué que le fonctionnaire avait demandé à M. Tse-Chun de signer un exemplaire vierge des directives sur les déplacements en autobus (pièce E-11), mais il n’y a aucun endroit où apposer une signature sur ce document;
  • M. Tse-Chun a fourni des informations contradictoires dans sa déclaration au surintendant Ashikian (pièce E-20) et il a affirmé avoir effectué de nombreux voyages au cours desquels il a fourni des cartes E-311, mais lors des interactions entre le fonctionnaire et M. Tse-Chun, ce dernier a déclaré le contraire;
  • M. Tse-Chun n’a pas pris de notes à la suite de l’incident;
  • le surintendant Ashikian a précisé que M. Tse-Chun réfléchissait à voix haute lorsqu’il a fait sa déclaration (pièce E-20), mais M. Tse-Chun avait besoin d’un interprète pour témoigner.

735 Le fonctionnaire a appuyé son argumentation sur le témoignage de M. Tse-Chun :

  • M. Tse-Chun ne pensait pas que l’incident était grave;
  • l’interaction de M. Tse-Chun avec le fonctionnaire se limitait à dix phrases;
  • en contre-interrogatoire, lorsque M. Tse-Chun est devenu agité, il a aussi devenu plus argumentatif, il a élevé la voix et il s’est mis à gesticuler, ce qui correspond au comportement que le fonctionnaire et l’agent Duthie ont constaté chez M. Tse-Chun;
  • M. Tse-Chun s’est excusé avant de sortir du bureau frontalier terrestre.

736 Le fonctionnaire a contesté par les points suivants la capacité de Mme Hellsten de percevoir ce qui est survenu :

  • Mme Hellsten était assise trop à l’arrière de l’autobus;
  • Mme Hellsten a décrit M. Tse-Chun comme un homme de petite taille, mais si Mme Hellsten avait vu M. Tse-Chun aux côtés du fonctionnaire, elle aurait remarqué que les deux étaient sensiblement du même poids, à cinq livres près, ce qui indique que Mme Hellsten a cherché à induire en erreur lors de l’audience quant à la taille de M. Tse-Chun;
  • Mme Hellsten a vu le fonctionnaire pousser M. Tse-Chun par le cou, mais le fonctionnaire et M. Tse-Chun ont tous deux dit que c’était sur l’épaule;
  • Mme Hellsten a dit que le même agent des services frontaliers est remonté dans l’autobus pour procéder au traitement des passagers, mais selon les autres témoignages, ce n’est pas le fonctionnaire, mais plutôt un autre agent des services frontaliers qui a traité l’autobus;
  • s’il y avait eu recours à la force, Mme Hellsten n’aurait pas attendu dans l’autobus et elle l’aurait immédiatement signalé à la surintendante Anderson;
  • Mme Hellsten a rédigé sa déclaration (pièce E-1) six semaines après l’incident, après en avoir discuté avec Mme Backman et avec d’autres personnes lors d’un match de hockey.

737 Le fonctionnaire s’est appuyé sur le commentaire de Mme Hellsten indiquant que M. Tse-Chun était contrarié lorsqu’il était dans l’autobus.

738 Le fonctionnaire a contesté le témoignage de Mme Backman en soulevant les points suivants :

  • Mme Backman n’a pas vu le fonctionnaire et M. Tse-Chun sortir de l’autobus; elle n’a vu que la main du fonctionnaire sur le cou de M. Tse-Chun;
  • Mme Backman a dit que le même agent des services frontaliers était remonté dans l’autobus;
  • Mme Backman a fait paraître M. Tse-Chun comme étant plus petit que ce qu’il est réellement;
  • Mme Backman a discuté de l’incident lors de matchs de hockey;
  • Mme Backman a émis des hypothèses concernant ce qui est exigé à un poste frontalier, mais elle n’est pas habilité à le faire;
  • Mme Backman n’a pas immédiatement rapporté l’incident de recours à la force à la surintendante Anderson.

739 Le fonctionnaire s’est appuyé sur les éléments suivants du témoignage de Mme Backman :

  • Mme Backman a admis que M. Tse-Chun était agité;
  • Mme Backman a dit que M. Tse-Chun avait affirmé qu’il ne pouvait pas voir;
  • Mme Backman a admis qu’elle s’était immiscée dans la conversation entre le fonctionnaire et M. Tse-Chun.

740 Si M. Tse-Chun était aussi expérimenté que ce qu’il affirmait, il aurait été au courant du fait que les cartes E-311 sont utilisées pour le traitement des autobus au poste frontalier Pacific Highway.

741 Le fonctionnaire a critiqué le témoignage de la surintendante Anderson sur les points suivants :

  • les déclarations que la surintendante Anderson a rédigées à la mi-décembre 2006, le 16 septembre 2007 et le 18 octobre 2007 (pièces E-5, E-6 et E-7) ont été produites longtemps après l’incident;
  • la surintendante Anderson aurait dû demander au fonctionnaire de produire un rapport sur le recours à la force et elle aurait dû faire appel à une équipe chargée d’analyser les cas de recours à la force, et il est trop tard pour juger que le fonctionnaire a manqué à son devoir de fournir un rapport sur le recours à la force;
  • la surintendante Anderson a fait une déclaration contre intérêt au surintendant Brezden.

742 Le fonctionnaire a déclaré que les aspects suivants du témoignage de la surintendante Anderson étaient davantage en accord avec le témoignage du fonctionnaire :

  • la surintendante Anderson a confirmé que les cartes E-311 étaient obligatoires;
  • la surintendante Anderson a élevé la voix pour que M. Tse-Chun obtempère;
  • la surintendante Anderson a dit que M. Tse-Chun s’est excusé;
  • la surintendante Anderson a indiqué que Mme Hellsten n’avait jamais soulevé la question de l’usage d’une force excessive auprès d’elle.

743 Le fonctionnaire a soutenu que, si l’Agence avait voulu qu’il soumette un rapport sur le recours à la force, elle aurait dû lui en demander un. Il n’est pas juste de qualifier le fait qu’il n’a pas produit de rapport de tentative de dissimulation, alors que l’Agence n’a pas fait appel à l’équipe chargée d’analyser les cas de recours à la force. Le fonctionnaire a contesté les points suivants de l’enquête et du rapport (pièce E-9) du surintendant Ashikian:

  • le surintendant Ashikian n’a jamais procédé à une enquête sur le recours à la force et n’est pas un expert du recours à la force;
  • le rapport du surintendant Ashikian (pièce E-9) était fondé sur des ouï-dire;
  • le surintendant Ashikian n’a pas cité les paroles des autres avec exactitude et il a modifié les preuves pour qu’elles appuient ses conclusions;
  • le surintendant Ashikian n’a jamais remis en question les discordances qu’il a relevées et il a admis qu’il ne les remettrait pas en question;
  • le surintendant Ashikian a tiré des conclusions hâtives qui n’étaient pas appuyées par les preuves; p. ex. le fait que le fonctionnaire a saisi M. Tse-Chun par le cou plutôt que d’empoigner sa veste à la hauteur de l’épaule, comme l’ont dit M. Tse-Chun et le fonctionnaire;
  • le surintendant Ashikian n’a pas cherché à parler aux autres employés qui étaient en poste le soir de l’incident;
  • le surintendant Ashikian n’a jamais expliqué pourquoi la surintendante Anderson n’avait pas fourni ses notes, même après qu’il les a demandées;
  • Il manquait les pages 1 à 5 du rapport du surintendant Ashikian (pièce E-9);
  • le surintendant Ashikian a pris beaucoup de temps pour recueillir l’information; pendant ce temps, des détails du récit de M. Tse-Chun ont été perdus;
  • le surintendant Ashikian a retardé le moment de son entrevue avec le fonctionnaire;
  • le surintendant Ashikian a pris beaucoup de temps pour écrire son rapport (pièce E-9), puis il l’a modifié à la demande de l’administration centrale de l’Agence, à Ottawa;
  • le surintendant Ashikian n’a pas discuté avec M. Delgaty du rapport d’enquête (pièce E-9) ni de la façon dont il a tiré ses conclusions;
  • le surintendant Ashikian a contaminé tous les témoins en leur remettant des documents;
  • le surintendant Ashikian n’a jamais expliqué pourquoi les horaires n’étaient pas disponibles;
  • le surintendant Ashikian a décrit M. Tse-Chun comme obéissant lorsque M. Tse-Chun a dit qu’il n’avait pas besoin des cartes E-311;
  • le surintendant Ashikian n’a pas avancé d’explications sur les notes d’entrevue manquantes, ce qui est pourtant la première fois qu’il a perdu des notes, et il manquait des pages de la pièce E-9, annexe A;
  • le surintendant Ashikian a tenu compte de précisions sur l’emplacement de l’autobus qui lui ont été données par des personnes qui ne se trouvaient pas sur place;
  • les agents des services frontaliers avaient l’obligation de demander qu’on leur remette des cartes E-311; il ne s’agissait pas d’une décision discrétionnaire comme l’a prétendu le surintendant Ashikian;
  • le surintendant Ashikian n’a pas obtenu les enregistrements vidéo de surveillance et il a omis d’en expliquer la raison; ces enregistrements auraient appuyé le récit du fonctionnaire;
  • le surintendant Ashikian a indiqué qu’il croyait la version des faits de Mme Hellsten parce qu’elle est directrice à l’Agence;
  • le surintendant Ashikian a omis de mettre à l’épreuve les renseignements fournis dans les déclarations des témoins.

744 Le fonctionnaire a critiqué le témoignage du chef Clarke sur les points suivants :

  • le chef Clarke n’a jamais parlé ni parlé au surintendant Ashikian ou à qui que ce soit à l’exception du fonctionnaire au cours de l’enquête sur la véracité des déclarations;
  • au cours de son enquête et de son analyse de la véracité des déclarations du fonctionnaire, le chef Clarke ne s’est jamais penché sur les discordances qui peuvent être apparues en raison des différences de points de vue;
  • le chef Clarke n’a fait aucun effort pour recueillir des preuves, notamment les bandes vidéo ou les horaires de travail;
  • le chef Clarke n’a jamais produit de rapport ou formulé de recommandations;
  • le chef Clarke n’a pas offert au fonctionnaire une audience équitable;
  • l’enquête du chef Clarke n’était pas raisonnable, elle était capricieuse, arbitraire et de mauvaise foi.

745 Le fonctionnaire a critiqué l’approche de M. Delgaty sur les points suivants :

  • M. Delgaty ne s’est pas préoccupé du délai lors de la réalisation de l’enquête;
  • M. Delgaty n’était pas préoccupé par les preuves manquantes;
  • M. Delgaty ne s’est pas préoccupé des pages manquantes dans le rapport d’enquête (pièce E-9) et il a pris une décision à partir d’un document incomplet;
  • M. Delgaty n’a pas vérifié les renseignements contenus dans le rapport d’enquête (pièce E-9);
  • M. Delgaty n’a jamais vérifié si le dossier personnel du fonctionnaire contenait des facteurs atténuants;
  • M. Delgaty a nié au fonctionnaire le principe de justice naturelle, puisqu’il n’a pas invité le fonctionnaire à une rencontre pour lui parler de son cas ou pour lui donner l’occasion de s’expliquer;
  • au moment de prendre sa décision, M. Delgaty n’a pas tenu compte de l’information fournie par le surintendant Brezden.

746 Les renseignements fournis par M. Tse-Chun n’étaient pas honnêtes; plus précisément :

  • M. Tse-Chun a affirmé avoir remis des cartes E-311 aux passagers;
  • M. Tse-Chun n’a jamais porté plainte jusqu’à ce qu’on lui demande de le faire;
  • M. Tse-Chun n’était pas calme durant l’incident; il était agité dans l’autobus ainsi que dans le bureau frontalier terrestre;
  • M. Tse-Chun a dit qu’il était mort de peur et qu’il ne voulait pas se disputer, ce qui ne concorde pas avec la argumentatif et agressif.

747 L’explication fournie par le fonctionnaire au sujet de l’incident était cohérente et plus claire que les différentes versions données par M. Tse-Chun, Mme Hellsten et Mme Backman. Le fonctionnaire ne cherchait pas la bagarre. En qualifiant M. Tse-Chun d’irascible, le fonctionnaire a employé un terme semblable à celui utilisé par les témoins, qui ont affirmé que M. Tse-Chun était agité dans l’autobus.

748 Le fonctionnaire a demandé qu’on lui remette des cartes E-311, ce qu’il était en droit de faire dans l’exercice de ses fonctions. Comme l’agent Sullivan l’a mentionné, les chauffeurs d’autobus feignent souvent de ne pas être au courant de l’exigence de faire remplir des cartes E-311 par leurs passagers.

749 Le fonctionnaire a admis avoir eu recours à la force. Il a cependant fait usage du minimum de force possible compte tenu de la situation, et il n’a pas causé de douleur ou d’inconfort à M. Tse-Chun. Le fonctionnaire s’est tenu à un bras de distance de M. Tse-Chun. Mme Hellsten et Mme Backman n’ont pas vu les premiers instants du recours à la force ni le problème précédent avec M. Tse-Chun, au moment où il venait de sortir de l’autobus.

750 Le fonctionnaire n’a pas tenté de dissimuler ses gestes; il est directement allé voir la surintendante Anderson. Le témoignage du fonctionnaire sur sa conduite à l’intérieur du bureau frontalier terrestre était appuyé par le témoignage de l’agent Duthie, qui a vu la scène, ainsi que par le témoignage du surintendant Brezden au sujet de l’exposé des faits de la surintendante Anderson.

751 Le fonctionnaire n’a pas produit de rapport sur le recours à la force, ce qui correspond à ce que les autres agents des services frontaliers auraient fait dans des circonstances semblables. Le fonctionnaire est appuyé à cet égard par les témoignages de l’agent Sullivan, du surintendant Brezden et du sergent Johnston, selon lesquels il n’est pas inhabituel pour un agent des services frontaliers de placer ses mains sur les vêtements d’un sujet dans le but de le diriger vers le bureau frontalier terrestre.

752 Le témoignage du fonctionnaire est appuyé par la prépondérance des probabilités; voir Faryna. Il n’a pas cherché à induire l’Agence en erreur au cours de l’enquête et il a admis dès le départ avoir empoigné la veste de M. Tse-Chun.

753 Le fonctionnaire a soutenu que, s’il y a lieu de lui imposer des mesures disciplinaires, le pire que l’on puisse lui reprocher est d’avoir empoigné la veste de M. Tse-Chun. Il s’agissait d’une réaction spontanée à une menace. Le fonctionnaire n’a pas infligé de douleur; il s’agissait d’une technique de défense.

754 Le fonctionnaire a soutenu que le licenciement était une mesure excessive dans les circonstances et qu’il a un potentiel de réhabilitation. Il a agi sur l’impulsion du moment parce qu’il s’est senti menacé. Il a fait usage du minimum de force applicable à la situation. Il a travaillé pendant 13 mois au Centre de traitement CANPASS sans accroc. Il est le seul soutien de sa famille. Il venait d’avoir un enfant et de revenir de son congé de paternité lorsqu’il a fourni sa déclaration (pièce E-19, annexe A) au surintendant Ashikian. Rien ne prouve que le lien de confiance a été rompu, puisque le fonctionnaire a continué à travailler au Centre de traitement CANPASS. Le licenciement était une mesure exagérée. Il conviendrait de substituer à cette sanction une mesure allant de l’avertissement écrit à une suspension d’une durée raisonnable.

755 Le fonctionnaire a affirmé que la défenderesse portait le fardeau de la preuve, selon Canadian Labour Arbitration, paragraphe 7:2300. Le fonctionnaire a soutenu que la décision de licencier un employé doit être raisonnable et qu’elle ne doit pas être arbitraire, discriminatoire ou de mauvaise foi; voir Canadian Labour Arbitration, paragraphe 4:2326. Puisqu’il s’agit d’une affaire portant sur un licenciement, la preuve doit être claire et convaincante. La prépondérance des probabilités devrait s’appliquer en fonction de la gravité des conséquences : plus celles-ci sont graves, plus la norme applicable devrait être élevée.

3. Réplique du défendeur

756 Les observations du fonctionnaire ne correspondaient pas aux éléments de preuve. Le fonctionnaire a souligné qu’il n’avait jamais nié avoir eu recours à la force, mais les éléments de preuve qu’il a présentés à l’audience indiquent qu’il n’aurait pas eu recours à la force, même s’il a saisi le dos de la veste de M. Tse-Chun.

757 Le fonctionnaire a laissé entendre que Mme Backman et Mme Hellsten auraient agi en collusion, mais les éléments de preuve indiquent qu’elles n’auraient pas discuté de l’incident avant de présenter leurs déclarations (pièces E-2 et E-1). Mme Backman et Mme Hellsten ont dit toutes les deux que leur déclaration respective était fondée uniquement sur leur propre souvenir de l’incident.

758 Le fonctionnaire a déclaré que M. Tse-Chun ne s’était jamais plaint de sa conduite et avait dit que l’incident était sans conséquence. Cependant, M. Tse-Chun a déclaré qu’il pensait que le fonctionnaire devait avoir le pouvoir et l’autorité d’agir comme il l’a fait et que ça ne servirait à rien de déposer une plainte.

759 Le surintendant Ashikian a été cité à comparaître pour parler de l’enquête. Il a rencontré toutes les personnes impliquées. Tous les témoins ont été interrogés et contre-interrogés. Les déclarations reçues par le surintendant Ashikian ont été établies en preuve.

760 Pour ce qui est de la prétention du fonctionnaire voulant que l’enquête était incomplète, il faut se rappeler que l’incident n’est vraiment devenu connu que lorsque les déclarations de Mme Hellsten et de Mme Backman (pièces E-1 et E-2) ont été reçues. Le chef Clarke n’a pris connaissance de l’incident qu’un mois après les faits, et il a aussitôt demandé une enquête. Si l’enregistrement vidéo était utilisé à ce moment-là, la bande de surveillance aurait été écrasée après 7 à 10 jours. L’Agence n’a pas détruit les preuves; ces preuves n’existaient simplement pas. Aucune raison satisfaisante n’a été donnée pour expliquer pourquoi l’Agence n’a pas fourni les horaires de travail au surintendant Ashikian.

761 La défenderesse a déclaré que le témoignage de l’agent Duthie devait être examiné avec sérieux, car il contredit le témoignage de la surintendante Anderson et qu’il n’a pas été remis au surintendant Ashikian. Le fonctionnaire aurait dû mentionner au surintendant Ashikian que l’agent Duthie avait de l’information concernant l’incident.

762 Aucun élément de preuve n’a été présenté pour démontrer que le surintendant Ashikian aurait contaminé la preuve en montrant des documents aux témoins.

763 Le témoignage d’un expert sur le recours à la force n’était pas requis dans cette affaire. Il s’agissait ici de déterminer si la force utilisée était nécessaire. Une enquête sur l’usage de la force n’aurait pas pu être lancée, car le fonctionnaire n’a pas présenté de rapport sur l’usage de la force tel qu’il aurait dû le faire.

764 Les éléments de preuve sur l’emploi des cartes E-311 présentent des contradictions. Selon certains témoignages, les cartes n’étaient pas obligatoires en vertu de la loi ou de toute autre exigence légale.

765 Le fonctionnaire a soutenu que M. Delgaty n’avait pas enquêté sur les allégations ou tenu une audience pour obtenir sa version des faits. M. Delgaty a examiné le rapport d’enquête (pièce E-9). Quand le temps est venu pour M. Delgaty de prendre une décision, le fonctionnaire avait eu trois occasions de s’expliquer – une fois avec le surintendant Ashikian, et deux fois avec le chef Clarke. Se fondant sur le paragraphe 133 de Shaver, la défenderesse a fait valoir que si le fonctionnaire avait été traité injustement pendant l’enquête ou le processus décisionnel de l’Agence, la présente procédure d’arbitrage corrigeait cette injustice.

766 La défenderesse a déclaré que si des erreurs avaient été commises au cours de l’enquête, ce qui selon lui n’est pas le cas, les témoins qui ont été interrogés par le surintendant Ashikian et qui ont témoigné à l’audience ont fourni amplement de preuves. La défenderesse a ajouté que la présente audience de novo réparait toutes ces prétendues erreurs (voir Shaver et Tipple). La défenderesse a également rappelé que la norme de preuve est simplement la prépondérance des probabilités.

767 En réaction aux observations du fonctionnaire concernant les cartes E-311, il est clair que le surintendant Brezden et l’agent Sullivan ont aussi déclaré qu’ils ne connaissaient aucune exigence légale concernant l’utilisation de ces cartes.

768 Les motifs du licenciement sont énoncés dans la lettre de licenciement (pièce E-18), qui comprend de nombreux exemples de déclarations jugées mensongères faites par le fonctionnaire pendant l’enquête.

769 En réaction à l’argument du fonctionnaire que d’autres agents n’auraient pas présenté de rapport sur l’usage de la force dans des circonstances semblables, l’agent Sullivan, le surintendant Brezden et le sergent Johnston ont déclaré lors de leur contre-interrogatoire que, compte tenu des faits, ils auraient préparé ce rapport. La défenderesse a fait valoir que ce que pensent les témoins importe peu, car selon la section 59 du Manuel d’exécution des douanes, il est clair qu’un rapport sur l’usage de la force était requis. Le fonctionnaire n’a été impliqué dans aucun incident relatif à l’application de la loi pendant qu’il travaillait au Centre de traitement CANPASS, mais il n’était plus en contact avec le public.

770 La défenderesse a déclaré que la Cour suprême du Canada a récemment rendu une décision concernant le fardeau de la preuve : F.H. c. McDougall. Il est clair que la loi n’est plus libellée comme le soutient le fonctionnaire et que la prépondérance des probabilités dépend de la gravité des allégations. Il n’y a pas d’échelle mobile. On établit la prépondérance des probabilités simplement en prouvant 51 % des arguments d’un côté. La défenderesse s’est acquitté de sa charge en prouvant que le fonctionnaire avait eu recours à la force, que la force utilisée était déraisonnable et que le fonctionnaire a manqué d’honnêteté pendant l’enquête.

4. Autres arguments du fonctionnaire

771 Avant de mettre fin à l’audience, j’ai posé des questions au fonctionnaire concernant trois autres points.

772 Le fonctionnaire n’a pas tenté d’établir une réparation dans sa présentation. Il demande la même réparation que dans son grief : sa réintégration, l’annulation des mesures disciplinaires prises à son égard, le remboursement de son salaire et de ses avantages sociaux avec les intérêts, et toute autre réparation que pourrait lui accorder un arbitre de grief. Le fonctionnaire a aussi demandé que je demeure saisie de l’affaire aux fins de l’application de la décision.

773 J’ai demandé au fonctionnaire de répondre à l’argument du défendeur selon lequel la présente audience annule tout vice de procédure dans l’enquête (voir Shaver, paragraphe 133, et Tipple). Le fonctionnaire a cité les faits suivants comme preuve que l’Agence a commis des actes répréhensibles :

  • des notes du surintendant Ashikian ont été perdues;
  • des preuves n’ont pas été fournies, notamment les bandes de surveillance vidéo;
  • le chef Clarke n’a pas présenté à M. Delgaty un rapport écrit sur la question des déclarations mensongères avant que ce dernier décide de licencier le fonctionnaire.

774 J’ai demandé au fonctionnaire de commenter le fait que l’agent Duthie n’a pas présenté son information plus tôt. Le fonctionnaire a dit que l’agent Duthie pensait que quelqu’un lui parlerait, car il était sur la liste des agents qui devaient être en poste la nuit de l’incident.

III. Motifs

775 Je dois analyser ce cas de licenciement selon l’approche habituelle établie dans William Scott :

  • y a-t-il eu une conduite donnant lieu à une mesure disciplinaire?
  • si oui, le licenciement était-il une mesure excessive dans les circonstances?
  • si oui, quelle autre mesure pourrait être prise à la place?

776 La défenderesse avait le fardeau d’établir les faits selon la prépondérance des probabilités, et ce, en présentant des preuves claires, cohérentes et convaincantes (voir F.H. c. McDougall, paragraphes 45 et 46).

777 Je note que les faits sont contestés dans cette affaire. L’Agence a fondé sa décision de licencier le fonctionnaire sur les déclarations orales des témoins oculaires. D’après l’expérience générale, les gens perçoivent le monde différemment, et deux personnes qui observent le même événement peuvent le voir différemment et en avoir un souvenir différent, particulièrement avec le temps. Malheureusement, les témoins dans cette affaire ont témoigné entre 3,5 et 4,5 ans après les faits. Les témoins ont été contre-interrogés, et toutes les lacunes sur les plans de l’observation, de la mémoire, de la fiabilité et de la crédibilité ont été exposées.

778 Après avoir entendu les témoignages oraux, je crois que le fonctionnaire n’a jamais admis que les témoins se souvenaient mieux que lui de l’incident. Plus précisément, le fonctionnaire a nié le passage suivant, à la page 6 du rapport du surintendant Ashikian (pièce E-9) : [traduction] « La défenderesse a déclaré verbalement et a consigné par écrit dans son rapport modifié qu’il admettait entièrement sa responsabilité pour le rôle qu’il a joué dans l’incident. Il a également admis que les versions des faits des témoins étaient plus exactes que la sienne. »

779 On aurait peut-être pu régler cette question si le compte rendu de l’entrevue du surintendant Ashikian avec le fonctionnaire avait été fourni. Je note que les rapports des enquêteurs sont faits de notes paraphrasées. La conclusion ajoutée par le fonctionnaire à la page 6 du rapport d’enquête (pièce E-9) : [traduction] « J’aurais pu gérer la situation d’une manière plus appropriée et obtenir tout de même un résultat satisfaisant pour tous les intervenants », n’est pas une pleine reconnaissance de conduite répréhensible.

780 Hormis le passage suivant du rapport du surintendant Ashikian (paragraphe 12e), page 15), aucune preuve documentaire n’indique que le fonctionnaire a admis que les versions des faits des témoins étaient plus exactes que la sienne : 

[Traduction]

[…]

e) Le défendeur a eu le temps de digérer l’information et les conclusions obtenues au moyen d’entrevues avec les témoins avant de répondre plus en détail à l’allégation. Il a déclaré qu’il avait été perturbé par le fait que le chauffeur prétendait qu’il ne pouvait voir, ce qui aurait mené à l’incident, mais qu’il n’avait pas eu l’intention de créer un incident. Le défendeur a demandé de changer la « conclusion » de son rapport écrit de l’incident. Il a déclaré verbalement et a consigné par écrit dans son rapport modifié qu’il admettait entièrement sa responsabilité pour le rôle qu’il a joué dans l’incident. Il a également admis que les versions des faits des témoins étaient plus exactes que la sienne.

[…]

Étant donné le déni du fonctionnaire dans son témoignage à l’audience, et en l’absence de preuve documentaire indépendante, c’est-à-dire les notes du surintendant Ashikian, je ne considère pas que le fonctionnaire a modifié la conclusion de sa déclaration (pièce E-9, annexe A) pour admettre que sa conduite était répréhensible ou que les déclarations des témoins étaient plus exactes que la sienne.

781 Dans cette affaire, le fonctionnaire n’a pas reconnu avoir commis une inconduite. De plus, il est en désaccord avec la conclusion du rapport du surintendant Ashikian (pièce E-9) et avec l’interprétation du surintendant Ashikian de la conclusion modifiée du fonctionnaire concernant sa conduite (pièce E-9, page 6) dans la déclaration qu’il a donnée au surintendant Ashikian. La nouvelle conclusion se lit comme suit : [traduction] « J’aurais pu gérer la situation d’une manière plus appropriée et obtenir tout de même un résultat satisfaisant pour tous les intervenants. »

782 Par ailleurs, je note que lorsqu’on a demandé au fonctionnaire de commenter ce point, il a répondu que, selon lui, la seule chose qui aurait aidé était d’avoir des renforts dans la zone de traitement des autobus.

783 J’ai tenté d’établir les preuves contestées de façon plus détaillée que d’habitude, car je crois que le fonctionnaire pense toujours qu’il n’a rien fait de mal et qu’il ne ressent aucun remords.

A. Lacunes présumées de l’enquête

784 Le fonctionnaire a soulevé des préoccupations concernant l’enquête et le rapport du surintendant Ashikian (pièce E-9). Il me semble clair que l’Agence n’a pas enquêté quelque élément que ce soit de la conduite du fonctionnaire le 22 octobre 2006. Ce n’est que lorsque Mme Hellsten a insisté pour faire avancer le dossier que l’enquête a débuté. L’Agence n’a pas recueilli l’information, comme les horaires de travail, les bandes vidéo et les déclarations des agents des services frontaliers qui étaient en poste.

785 Le fonctionnaire a commenté la disparition des bandes vidéo et des horaires de travail. Ni l’Agence ni le surintendant Ashikian n’avaient la responsabilité de conserver les éléments de preuve en l’absence de plainte. Si le fonctionnaire avait déclaré sans tarder son recours à la force, peut-être que les preuves auraient été disponibles. Les preuves indiquent clairement que le fonctionnaire n’a pas informé la surintendante Anderson qu’il avait touché le cou, le dos ou l’épaule de M. Tse-Chun. Le fonctionnaire n’a pas déclaré l’incident dans son carnet de travail, et il n’a pas produit de rapport sur l’usage de la force. Avant que Mme Hellsten et Mme Backman donnent leurs déclarations (pièces E-1 et E-2), l’Agence n’avait pas grand-chose pour faire enquête. Je suis d’avis qu’aucune démarche n’a été entreprise concernant l’incident, car l’Agence n’a vraiment pris connaissance de l’allégation que le fonctionnaire aurait eu recours à la force que lorsqu’elle a reçu les déclarations de Mme Hellsten et Mme Backman (pièces E-1 et E-2), environ un mois après l’incident.

786 L’enquête sur l’usage de la force a été retardée, car le fonctionnaire n’a pas préparé de rapport sur l’usage de la force, contrairement à ce qui est exigé dans les dispositions du le Manuel d’exécution des douanes. Je crois qu’il est probable que, quand le chef Clarke a pris connaissance de l’incident par l’intermédiaire des allégations de Mme Hellsten, et qu’il y avait une opportunité raisonnable d’examiner cette allégation et d’y répondre, toute bande vidéo pertinente avait déjà été écrasée. Les déclarations de Mme Hellsten et de Mme Backman (pièces E-1 et E-2) ont été reçues le 20 novembre 2006, et le fonctionnaire a été déchargé de ses fonctions d’application de la loi et affecté au Centre de traitement CANPASS le 24 novembre 2006. La période de conservation de 30 jours des enregistrements vidéo aurait probablement été expirée, car l’incident est survenu le 22 octobre 2006. La bande vidéo aurait été écrasée bien plus tôt si le système de surveillance comprenait une période de conservation de 7 à 10 jours, comme l’ont suggéré certains témoins. Je ne tire aucune conclusion négative à l’endroit de l’Agence ou du fonctionnaire. Si elle avait été disponible, cette preuve vidéo aurait pu être utile. Je n’ai pas le choix de rendre une décision concernant ce grief en me fondant sur la preuve disponible.

787 Dès que l’Agence a pris connaissance de l’incident, elle a demandé un rapport d’enquête aux Affaires internes et a affecté le fonctionnaire à un poste administratif sans fonction d’application de la loi. Plus tard, en se fondant sur le rapport d’enquête du surintendant Ashikian (pièce E-9), l’Agence a licencié le fonctionnaire pour avoir fait usage d’une force excessive et non nécessaire et pour avoir fait des déclarations mensongères durant l’enquête.

788 Je trouve surprenant qu’on n’ait pas apporté au surintendant Ashikian la coopération qu’il espérait et qu’il n’ait pas reçu les horaires de travail du poste, mais je ne crois pas que ce soit bien important dans cette affaire, puisque l’incident en question est survenu à l’intérieur et à l’extérieur de l’autobus et non dans le bureau frontalier terrestre. Au moment de l’incident, le fonctionnaire était le seul agent des services frontaliers dans la zone réservée aux autobus, car l’autre agent avait été appelé dans la voie d’inspection primaire des voitures.

789 Après avoir entendu les éléments de preuve présentés par le surintendant Ashikian pendant son interrogatoire principal et son contre-interrogatoire, je suis d’avis que le surintendant Ashikian a demandé à tous les témoins, y compris le fonctionnaire, de parapher ses notes, et qu’il leur a donné à tous l’occasion d’apporter des changements à leur déclaration avant de rédiger son rapport d’enquête (pièce E-9). Le surintendant Ashikian a fourni à l’Agence un rapport provisoire, puis il lui a soumis un rapport définitif comprenant des corrections grammaticales et orthographiques. Personne à l’Agence n’a tenté d’influer sur le contenu du rapport. Dans l’ensemble, le rapport du surintendant Ashikian concordait avec les déclarations écrites qui lui ont été données ainsi que les déclarations orales des témoins à l’audience.

790 Les cinq premières pages de notes du surintendant Ashikian portaient sur son entrevue avec le fonctionnaire. Ces pages faisaient partie du rapport d’enquête (pièce E-9), même si elles n’y étaient pas jointes. La page six était une copie complète de la conclusion modifiée du fonctionnaire. Le fonctionnaire a fait grand cas des cinq pages manquantes du rapport du surintendant Ashikian. L’agent Sullivan n’a souligné aucun problème majeur dans le rapport ou dans la façon dont le surintendant Ashikian a relaté l’information qu’il a reçue du fonctionnaire durant l’enquête. Rien ne laisse supposer que le surintendant Ashikian aurait rapporté avec inexactitude les réponses que lui a données le fonctionnaire pendant l’enquête. Je note que le témoignage du fonctionnaire à l’audience ainsi que ceux des témoins concordaient largement avec les faits rapportés dans le rapport du surintendant Ashikian.

791 Il est clair que l’Agence s’est fondée, comme il se doit, sur le rapport d’enquête (pièce E-9) lorsqu’elle a décidé d’enquêter sur ce qu’elle percevait comme de la malhonnêteté de la part du fonctionnaire, puis lorsqu’elle a décidé de le licencier. Il aurait été inutile pour les gestionnaires, comme le chef Clarke, ou pour le décideur, dans le cas présent M. Delgaty, de mener une autre enquête ou de tenir une audience officielle. Rien n’indique que l’Agence aurait agi de mauvaise foi en enquêtant sur l’inconduite présumée du fonctionnaire ou en décidant plus tard de le licencier. Le fonctionnaire a eu amplement l’occasion de participer à l’enquête, et les points pertinents dans les déclarations des témoins ont été soulevés et portés à son attention. Le chef Clarke a offert deux fois au fonctionnaire de commenter le rapport d’enquête et d’expliquer sa conduite, et il a donné suite à toute l’information additionnelle que le fonctionnaire lui a fournie. M. Delgaty a examiné le rapport d’enquête et s’est fondé sur ce rapport pour rendre sa décision. Je suis d’accord avec le raisonnement suivant énoncé dans Shaver (paragraphe 133). Dans ce passage, un argument semblable est présenté :

[133]  […] La première est que je ne partage pas le point de vue du fonctionnaire que les lacunes en question constituent de la mauvaise foi. La défenderesse avait le droit de s’appuyer sur les conclusions du rapport de Mme Heon, daté du 13 août 2008, qui étaient basées sur son interprétation des renseignements qu’elle avait recueillis. Rien ne prouve que Mme Heon ou la personne qui a dirigé l’examen de la cote de sécurité du fonctionnaire avaient un parti pris ou qu’elles ont par ailleurs agi de manière inappropriée. Le risque auquel s’exposait la défenderesse en acceptant les conclusions du rapport du 13 août 2008 était qu’elles fussent erronées à certains égards, ce qui fut le cas, mais cela ne constitue pas de la mauvaise foi. De toute façon, le rapport sur l’examen de la cote de sécurité daté du 6 octobre 2008 renfermait beaucoup de renseignements exacts. La seconde réponse aux préoccupations du fonctionnaire à propos de l’équité procédurale est que l’audition devant l’arbitre de grief dans le présent arbitrage permet de rectifier tout manquement à l’équité dans le cadre du processus (Braun, au paragr. 192, dans un renvoi à Tipple).

Par ailleurs, la Cour d’appel fédéral a déclaré ce qui suit dans Tipple : « En supposant qu’il y ait eu injustice sur le plan de la procédure […] cette injustice a été entièrement réparée par l’audition de novo qui a eu lieu devant l’arbitre [parce que] le requérant a été pleinement informé des allégations qui pesaient contre lui et […] a eu pleinement l’occasion d’y répondre. » La Cour a ajouté que « […] l’arbitre n’a pas erré en droit en accordant la valeur probante qu’il considérait appropriée aux déclarations qu’il a, à bon droit selon nous, jugées recevables en preuve. »

792 Enfin, je ne me suis pas appuyé sur les conclusions du surintendant Ashikian pour tirer mes propres conclusions de fait dans cette affaire. Ma décision est fondée sur mon examen des témoignages que j’ai entendus et des preuves documentaires produites à l’audience. 

B. Y a-t-il eu une conduite donnant lieu à une mesure disciplinaire?

793 Il y a un bon écart entre le témoignage du fonctionnaire et ceux des autres témoins. Les parties s’entendent sur peu de points, mais elles sont d’accord sur le fait qu’il faut évaluer la crédibilité des témoins dans cette affaire. J’ai considéré et appliqué le critère de crédibilité établi dans Faryna, à la page 357 :

[Traduction]

[…]

La crédibilité de témoins intéressés, notamment lorsque la preuve est contradictoire, ne peut être évaluée seulement en se demandant si, par son comportement, le témoin donne l'impression de dire la vérité. Sa version des faits doit faire l'objet d'un examen raisonnable visant à établir si elle concorde avec les probabilités entourant les conditions qui existaient alors. Bref, ce qui permet de vérifier réellement la vérité d’un témoignage en pareil cas, c'est que celui-ci doit être compatible avec la prépondérance des probabilités qu'une personne pratique et bien renseignée reconnaîtrait aisément comme raisonnable dans ce lieu et dans ces conditions. C'est seulement alors qu'un tribunal peut évaluer de façon satisfaisante la crédibilité de témoins expérimentés, confiants et à l'esprit vif et de ceux passés maîtres dans l'art des demi-mensonges et de combiner l'exagération bien calculée avec la suppression partielle de la vérité. Un témoin peut déclarer ce qu'il croit sincèrement être la vérité en pouvant très honnêtement se tromper. Le juge de première instance qui déclare avoir cru le témoin parce qu'il estimait avoir entendu la vérité arrive à une conclusion en ne tenant compte que de la moitié du problème. En réalité, cela peut être un jugement personnel dangereux.

Le juge qui instruit l'affaire devrait aller plus loin en stipulant que les preuves du témoin qu'il croit sont conformes à la prépondérance des probabilités dans l'affaire et, pour que son jugement soit digne de confiance, il doit aussi préciser ses raisons d'arriver à une telle conclusion. La loi ne confère pas aux juges la faculté divine de sonder les esprits et les cœurs des témoins, et la Cour d'appel doit être convaincue que la crédibilité accordée au témoin par le juge de première instance est fondée non pas sur un seul élément à l'exclusion des autres, mais bien sur tous les éléments pouvant attester de la véracité du témoignage en l'occurrence.

[...]

794 Après avoir examiné les témoignages des témoins, je crois qu’ils ont tous témoigné avec la conviction qu’ils disaient la vérité. Je ne peux tirer de conclusions en me fondant uniquement sur la conduite. Dans tous les cas, cela ne m’aiderait pas à concilier les témoignages des témoins du défendeur et de ceux du fonctionnaire. Le fonctionnaire, en particulier, a apparemment témoigné avec franchise, confiance et calme. Il semblait convaincu qu’il disait la vérité. Rien dans son attitude n’indiquait qu’il était en train de fabriquer des preuves; il a répondu patiemment à toutes les questions qu’on lui a posées pendant le contre-interrogatoire. Cependant, je note qu’il y avait une grande différence entre son attitude quand il témoignait à l’audience et le comportement observé par les témoins lors de l’incident.

795 Même si, en apparence, le fonctionnaire semblait sincère, je dois appliquer le critère établi dans Faryna, et je dois conclure que je n’accepte pas les explications que le fonctionnaire a données au surintendant Ashikian lors du processus prédisciplinaire et à l’audience. Je conclus également qu’il n’a pas été franc dès le début au sujet de ses interactions avec la surintendante Anderson.

796 Le fonctionnaire a affirmé que Mme Hellsten et Mme Backman avaient discuté des preuves. Je conclus qu’aucune preuve n’appuie cet argument. Il y a assez de différences et de nuances dans les déclarations écrites (pièces E-1 et E-2) et les témoignages oraux de Mme Hellsten et de Mme Backman pour me permettre de conclure que ces deux témoins n’ont pas fait concorder leurs témoignages et ont raconté de leur mieux leur souvenir personnel de l’incident. Je crois que l’écart entre les récits de Mme Hellsten et de Mme Backman est dû à leur capacité respective d’observer l’incident et de s’en souvenir, car elles étaient assises à deux endroits différents dans l’autobus.

797 Mme Hellsten, Mme Backman et M. Tse-Chun sont vraiment des témoins indépendants qui n’ont aucun intérêt personnel dans le résultat du présent grief. Il se peut qu’ils aient été incommodés par le temps qu’il a fallu à l’autobus pour passer la frontière, et il se peut que Mme Hellsten se soit sentie embarrassée de voir un employé de l’Agence se comporter ainsi, mais il n’y a aucune raison de croire que Mme Hellsten, Mme Backman et M. Tse-Chun ont fabriqué des preuves. Je n’ai aucune raison de ne pas croire Mme Hellsten, Mme Backman et M. Tse-Chun quand ils disent que le fonctionnaire a montré de l’agressivité à l’endroit de M. Tse-Chun. Mme Hellsten en particulier, qui avait une certaine connaissance de la conduite que doit adopter un employé de l’Agence, était choquée de voir le fonctionnaire traiter ainsi M. Tse-Chun. Mme Backman n’avait simplement aucune raison de fabriquer ses preuves très claires concernant le ton du fonctionnaire et les mots qu’il a utilisés quand il lui a parlé et quand il parlait à M. Tse-Chun.

798 Le fonctionnaire a aussi remis sérieusement en question la capacité de Mme Backman et de Mme Hellsten d’observer ce qui s’est passé. Il est évident que Mme Backman et Mme Hellsten étaient capables d’observer la conduite du fonctionnaire à l’intérieur de l’autobus. Mme Backman était assise à l’avant de l’autobus. Il est clair qu’elle pouvait voir et entendre le fonctionnaire et M. Tse-Chun pendant toute la période pertinente. Il est clair que Mme Backman voyait bien ce qui se passait à l’intérieur de l’autobus. Mme Hellsten ne pouvait pas voir aussi bien ce qui se passait, particulièrement juste à l’extérieur des portes de l’autobus.

799 Je note qu’il y avait certaines difficultés relativement au témoignage de M. Tse-Chun. J’avais l’impression qu’il disait la vérité et qu’il faisait de son mieux pour répondre aux questions. Il y avait clairement une barrière linguistique, et je crois qu’il n’a peut-être pas tout à fait compris le ton du contre-interrogatoire et les suggestions du fonctionnaire. Cependant, d’après son témoignage, je conclus que M. Tse-Chun avait perçu que le fonctionnaire était fâché contre lui, mais qu’il ne savait pas vraiment pourquoi il était fâché. Je crois que M. Tse-Chun était effrayé par la façon dont le fonctionnaire le traitait et qu’il n’a opposé aucune résistance physique ou menacé de résister au fonctionnaire. J’admets que M. Tse-Chun ne pouvait lire les directives sur les déplacements en autobus (pièce E-11) quand on les lui a montrées dans l’autobus.

800 Je préfère les témoignages de Mme Hellsten et de Mme Backman pour ce qui est des détails de l’interaction entre M. Tse-Chun et le fonctionnaire dans l’autobus. Mme Hellsten et Mme Backman arrivaient mieux que M. Tse-Chun à expliquer en anglais ce que le fonctionnaire a dit et fait.

801 Quant à ce qui s’est passé entre le fonctionnaire et M. Tse-Chun à l’extérieur de l’autobus, avant qu’ils entrent dans le bureau frontalier terrestre, rien n’appuie la version des faits du fonctionnaire. Par conséquent, je n’accepte pas son témoignage pour cette période.

802 M. Tse-Chun a déclaré que le fonctionnaire l’a saisi par derrière et a marché à côté de lui jusqu’au bureau frontalier terrestre. Mme Backman a déclaré que le fonctionnaire a saisi M. Tse-Chun par la nuque lorsque ce dernier est sorti de l’autobus. Ni M. Tse-Chun, ni Mme Backman n’ont indiqué qu’il y avait eu des discussions ou des interactions à l’extérieur de l’autobus.

803 Bien que Mme Hellsten et Mme Backman n’aient pas vu le premier recours à la force du fonctionnaire, Mme Hellsten a vu le fonctionnaire tenir M. Tse-Chun par ses vêtements et le pousser pour le faire avancer. Lors de son contre-interrogatoire, Mme Hellsten est demeurée inébranlable en ce qui concerne le degré de force utilisé pour pousser M. Tse-Chun jusqu’au bureau frontalier terrestre.

804 Je suis convaincu que Mme Backman avait tout à fait l’occasion d’observer presque tout ce qui se passait à l’intérieur et à l’extérieur de l’autobus. Je préfère son témoignage à celui du fonctionnaire sur ce point.

805 Je crois qu’il importe peu de savoir si le fonctionnaire a saisi M. Tse-Chun dans le haut du dos, par la nuque ou par le collet. Il est clair que le fonctionnaire a saisi M. Tse-Chun dans la région des épaules et du cou, qu’il l’a tenu par son vêtement, qu’il l’a poussé en avant et qu’il a maintenu un contact physique avec lui jusqu’à la porte du bureau frontalier terrestre, ou jusqu’à l’intérieur du bureau. Même si on accepte le témoignage du fonctionnaire, qui soutient qu’il avait la main sur le vêtement de M. Tse-Chun et qu’il a exercé une force minimale, il est clair que le fonctionnaire a eu recours à la force. Il est quelque peu étonnant que le fonctionnaire ne voie pas qu’il a eu recours à la force et qu’il a continué d’affirmer à l’audience qu’il n’a pas eu recours à la force.

806 On ne peut pas dire que le fonctionnaire a touché M. Tse-Chun accidentellement. Je note que le sergent Johnston a dit qu’il était possible que le fonctionnaire ait touché M. Tse-Chun par réflexe. Il est clair que seul l’arbitre de grief peut déterminer si le geste du fonctionnaire était délibéré ou accidentel, et je n’accepte pas l’opinion du sergent Johnston sur ce point. Le fonctionnaire a lui-même admis dans son témoignage qu’il avait pensé à toucher M. Tse-Chun avant de le faire.

807 La question de savoir si le fonctionnaire était en droit d’avoir recours à la force dépend des circonstances. Je n’accepte pas l’allégation du fonctionnaire qu’une fois à l’extérieur, M. Tse-Chun se serait retourné et aurait agité les mains. Ce geste ne concorderait pas avec les observations de Mme Hellsten et de Mme Backman concernant la conduite de M. Tse-Chun peu de temps avant, dans l’autobus, ou à l’extérieur de l’autobus.

808 Je suis conscient que la conduite d’une personne peut changer rapidement, mais je note que le fonctionnaire était plus jeune et plus grand que M. Tse-Chun, qu’il se comportait de manière autoritaire, qu’il était en uniforme et qu’il avait manifestement intimidé M. Tse-Chun. Le récit du fonctionnaire relatant une confrontation physique avec M. Tse-Chun ou la crainte d’une confrontation physique imminente sonne faux et n’est pas en accord avec la prépondérance des probabilités.

809 La surintendante Anderson a déclaré qu’elle n’avait pas vu M. Tse-Chun se comporter de manière non coopérative. Le fonctionnaire a contesté le témoignage de la surintendante Anderson lors du contre-interrogatoire et en faisant témoigner le surintendant Brezden et l’agent Duthie à l’audience. Ces deux témoins ont été cités à comparaître pour récuser le témoignage de la surintendante Anderson concernant ses observations au bureau frontalier terrestre.

810 Selon les éléments de preuve, un élément du témoignage du fonctionnaire à l’audience concernant le surintendant Brezden n’était pas véridique. Lorsqu’il a été interrogé de nouveau, le fonctionnaire a affirmé que le surintendant Brezden était parmi les agents des services frontaliers qui étaient en poste le soir de l’incident et qu’il avait entendu la surintendante Anderson parler de la conduite de M. Tse-Chun. Le fonctionnaire a également affirmé que le récit que la surintendante Anderson a livré le jour de l’incident était différent du récit qu’elle a livré à l’audience et de ses déclarations de la mi-décembre 2006, du 16 septembre 2007 et du 18 octobre 2007 (pièces E-5, E-6 et E-7). Le surintendant Brezden a indiqué clairement qu’il n’était pas en poste au moment de l’incident et qu’il avait parlé à la surintendante Anderson à la demande du fonctionnaire deux jours après l’incident.

811 Le fonctionnaire s’est appuyé sur la déclaration du surintendant Brezden selon laquelle la surintendante Anderson lui aurait dit que M. Tse-Chun avait créé des difficultés. Cependant, il faut se rappeler que la surintendante Anderson n’avait pas vu les échanges précédents entre le fonctionnaire et M. Tse-Chun. Il faut interpréter les allégations du surintendant Brezden concernant ce que la surintendante Anderson lui aurait raconté en gardant à l’esprit que le fonctionnaire n’a pas déclaré qu’il avait eu recours à la force et qu’il a dit à la surintendante Anderson que M. Tse-Chun créait des difficultés.

812 Selon son témoignage, la surintendante Anderson n’a pas donné à M. Tse-Chun la chance de s’exprimer. Il s’agissait d’une approche raisonnablement prudente si on considère ce que le fonctionnaire lui avait dit concernant la conduite présumée de M. Tse-Chun. De plus, je note que le fonctionnaire n’a pas contre-interrogé la surintendante Anderson sur tous les aspects du témoignage du surintendant Brezden. Selon moi, cet aspect invalide l’argument du fonctionnaire que l’information par ouï-dire du surintendant Brezden concernant ce qu’aurait dit la surintendante Anderson devrait être privilégiée par rapport au témoignage oral de la surintendante Anderson à l’audience et à ses déclarations de la mi-décembre 2006, du 16 septembre 2007 et du 18 octobre 2007 (pièces E-5, E-6 et E-7) : Browne v. Dunn (1894), 6 R. 67 (H.L.).

813 Le témoignage de l’agent Duthie est une source de préoccupations, car il s’éloigne de celui de la surintendante Anderson. Le fonctionnaire n’a pas dit au surintendant Ashikian pendant l’audience, ou au chef Clarke pendant les rencontres préalables à l’audience, que l’agent Duthie était un témoin. Au moment de l’incident, l’agent Duthie était un agent des services frontaliers débutant. Il était en poste depuis environ trois mois. Je n’accepte pas les observations de l’agent Duthie sur le niveau d’agressivité de M. Tse-Chun. L’agent Duthie n’a rien vu qui sortait de l’ordinaire, et il n’a rien rapporté à la direction. Cependant, même dans la version des faits de l’agent Duthie, il semble que M. Tse-Chun ait suivi les ordres du fonctionnaire et répondu aux demandes de la surintendante Anderson dans le bureau frontalier terrestre.

814 De plus, le témoignage de l’agent Duthie n’a pas permis de faire la lumière sur les interactions entre le fonctionnaire et M. Tse-Chun, que ce soit dans l’autobus ou à l’extérieur du bureau frontalier terrestre. Je n’ai certainement pas tiré une conclusion différente que celle que j’ai tirée après avoir entendu les témoignages de Mme Hellsten et de Mme Backman.

815 Une de mes préoccupations concernant la façon dont le fonctionnaire a traité M. Tse-Chun est qu’il aurait dû être évident pour lui que la langue maternelle de M. Tse-Chun n’était pas l’anglais. Le fonctionnaire n’a pas vraiment essayé de déterminer si M. Tse-Chun comprenait ce qu’il disait. Il semble avoir conclu hâtivement que M. Tse-Chun désobéissait délibérément aux ordres. Le fonctionnaire a montré les directives sur les déplacements en autobus (pièce E-11) à M. Tse-Chun. Il a supposé que ce dernier ne comprenait pas ce qui était écrit et n’a pas pris le temps d’évaluer sa capacité de lire dans l’obscurité relative de l’autobus. Le fonctionnaire parlait sur un ton intimidant. Il a dénigré M. Tse-Chun devant les passagers. Bien que les directives ne soient pas en petits caractères, elles étaient assez complexes pour qu’une personne en situation de stress, sans ses lunettes de lecture et dont l’anglais était la langue seconde, ait de la difficulté à les lire ou à les comprendre dans l’obscurité relative de l’autobus.

816 J’arrive mal à m’expliquer comment le fonctionnaire a pu arriver à la conclusion que M. Tse-Chun avait un problème de santé ou de sécurité plutôt qu’un problème de langue et de compréhension. Le fonctionnaire n’a pas vraiment essayé de régler la question dans l’autobus. C’est peut-être parce que le fonctionnaire était le seul agent des services frontaliers en poste à la voie des autobus au moment de l’incident, et qu’il y avait beaucoup d’autobus. La surintendante Anderson a facilement réglé la question une fois à l’intérieur du bureau frontalier terrestre. Selon moi, en tant qu’agent des services frontaliers formé, le fonctionnaire aurait dû facilement être capable de régler cette question dans l’autobus s’il s’était conduit avec professionnalisme.

817 Je ne crois pas que ce soit un problème que le fonctionnaire ait demandé à M. Tse-Chun de descendre de l’autobus pour discuter avec lui en privé, mais je ne crois pas que la situation ait empiré comme le dit le fonctionnaire. Il est plus probable que le fonctionnaire voulait amener M. Tse-Chun directement au bureau frontalier terrestre pour régler la question du problème de vision, d'autant plus que le fonctionnaire a indiqué qu’il pleuvait. Le fonctionnaire a immédiatement saisi l’épaule ou le collet de la chemise de M. Tse-Chun, car il était frustré par son interaction avec lui dans l’autobus. Par conséquent, la fonctionnaire a lui-même créé cette situation. Le fonctionnaire a conclu trop vite qu’il y avait un problème de santé et de sécurité, tandis que, selon moi, une personne raisonnable aurait pris en considération l’éclairage dans l’autobus et la capacité de M. Tse-Chun à s’exprimer en anglais et à lire l’anglais dans une situation de stress. Je note que ce n’est pas ce qu’a dit le fonctionnaire à l’audience, mais en examinant tous les éléments de preuve crédibles, je conclus que c’est ce qui est arrivé.

818 Je note que le fonctionnaire n’a pas exposé à M. Tse-Chun la version des faits qu’il a plus tard donnée. Le fonctionnaire n’a pas dit à M. Tse-Chun que ce dernier s’était tourné vers lui et avait secoué les bras ou les mains. Le fonctionnaire n’a pas non plus exposé à M. Tse-Chun sa version des faits pour les points suivants :

  • M. Tse-Chun a délibérément créé des difficultés;
  • M. Tse-Chun a usé de stratégies et a joué la comédie devant les passagers de l’autobus;
  • M. Tse-Chun a dénigré le fonctionnaire devant les passagers.

M. Tse-Chun était un témoin difficile à interroger et à contre-interroger, mais il incombe à la partie qui présente des éléments de preuve contradictoires d’exposer la question ou la défense principale à un témoin qu’elle compte contredire : Browne.

819 La version des faits du fonctionnaire pourrait être vraie. Toutefois, après avoir examiné cette version des faits, et après avoir pris en considération toutes les circonstances, je ne suis pas convaincu que cette version a du sens. Le fonctionnaire n’a pas exposé cette version des faits à la surintendante Anderson dès qu’il en a eu l’occasion, et c’est ce qu’une personne raisonnable aurait fait dans des circonstances similaires, d'autant plus que le fonctionnaire avait un plan de travail selon lequel il devait déclarer les problèmes d’application de la loi et les cas de recours à la force. Le fonctionnaire n’a pas dit à la surintendante Anderson qu’il avait craint pour sa sécurité et avait dû toucher M. Tse-Chun.

820 Le fonctionnaire a confié à la surintendante Anderson qu’il craignait qu’une plainte soit déposée après l’avoir vue discuter avec deux passagères de l’autobus, et après avoir appris que l’une de ces femmes était directrice à l’Agence. Si le fonctionnaire avait agi dans les règles, comme il a dit avoir fait à l’audience, le fonctionnaire n’aurait rien eu à craindre, sinon le stress, l’embarras et le dérangement qui peuvent accompagner une enquête. Cependant, le fonctionnaire n’a pas pris de notes sur l’incident, ce que je trouve surprenant. On penserait qu’un agent des services frontaliers formé aurait consigné l’incident et aurait fait rapport sur l’usage de la force qu’il est tenu de produire en vertu des articles 58 et 59, respectivement, du Manuel d’exécution des douanes. Il est clair que l’incident était important pour le fonctionnaire, car il a touché M. Tse-Chun, a escorté M. Tse-Chun jusqu’à la zone d’examen et a dû demander de l’aide à sa superviseure. De plus, le fonctionnaire savait que tout l’incident avait été observé par une directrice de l’Agence, qu’il a vue parler à la surintendante Anderson. Le fonctionnaire s’inquiétait assez pour raconter l’incident au surintendant Brezden et lui demander de parler à la surintendante Anderson dans les deux jours qui ont suivi l’incident.

821 L’Agence a donné au fonctionnaire de la formation sur le recours à la force, dont une formation sur les politiques qui régissent le recours à la force. Je n’accepte pas la déclaration du fonctionnaire qu’il ne savait pas qu’il devait prendre des notes dans son carnet en cas de situation de recours à la force, comme l’exige l’article 58 du Manuel d’exécution des douanes. Il s’agit d’un élément de base de la formation, et son déni ne semble pas très sincère. De plus, je n’accepte pas la déclaration du fonctionnaire qu’un rapport sur l’usage de la force est présenté uniquement si une arrestation est effectuée. Ce rapport doit être produit dès qu’il y a recours à la force, et le fonctionnaire n’a pas présenté de rapport. Selon le Manuel d’exécution des douanes, il incombe à l’agent des services frontaliers de présenter ce rapport, et non à l’Agence de le demander. Le fait d’affirmer que l’Agence aurait dû demander le rapport ne peut servir de défense.

822 Il est clair que l’Agence ne connaissait pas toute la nature des allégations de Mme Hellsten avant que le chef Clarke reçoive les déclarations de Mme Hellsten et de Mme Backman (pièces E-1 et E-2), environ un mois après l’incident.

823 Je note que, contrairement aux témoins du défendeur qui ont témoigné de ce qui s’est passé à l’intérieur et à l’extérieur de l’autobus et qui n’ont aucun intérêt dans le résultat de la présente procédure, le fonctionnaire a manifestement un intérêt financier et un intérêt lié à sa réputation.

824 Le fonctionnaire ne s’est pas comporté respectueusement envers M. Tse-Chun dans l’autobus. Il n’y a aucune raison de mettre en doute les témoignages de Mme Hellsten, de Mme Backman et de M. Tse-Chun sur ce point.

825 Je crois que Mme Hellsten n’aurait pas présenté ses allégations et que Mme Hellsten et Mme Backman n’auraient pas donné leurs déclarations (pièces E-1 et E-2) au chef Clarke si Mme Hellsten et Mme Backman n’avaient été préoccupées par la façon dont le fonctionnaire avait traité M. Tse-Chun. Le fait que M. Tse-Chun n’ait pas déposé de plainte n’est pas important à mes yeux, car M. Tse-Chun pensait que le fonctionnaire avait l’autorité de le traiter comme il l’a fait.

826 De par sa façon de traiter M. Tse-Chun dans l’autobus, le fonctionnaire a enfreint des valeurs de la fonction publique énoncées dans le Code de conduite de l’ASFC (pièce E-19). Ces valeurs sont les suivantes :

[…]

Valeurs de la fonction publique

  • Valeurs liées à l’éthique: Agir en tout temps de manière à conserver la confiance du public;
  • Valeurs liées aux personnes: Faire preuve de respect, d'équité et de courtoisie dans leurs rapports avec les citoyens et avec les collègues fonctionnaires.

[…]

827 Le fonctionnaire a manifestement enfreint les sections suivantes du Manuel d’exécution des douanes :

[Traduction]

[…]

38. Les agents doivent dresser un rapport sur l’usage de la force (E642) dans les 24 heures, ou dès que possible en pratique, chaque fois qu’ils font usage de la force pour maîtriser une situation.

[…]

58. Les agents doivent, dès que possible après un incident d’usage de la force, en consigner les détails dans leur carnet douanier (CE1).

59. Un rapport sur l’usage de la force (E642) doit être dressé dans les 24 heures, ou dès que possible en pratique, et remis au surintendant du quart de travail après chaque situation ou incident où la force a été utilisée.

[…]

828 J’ai l’impression que, dans sa déclaration remise au surintendant Ashikian (pièce E-9, annexe A) et dans son témoignage à l’audience, le fonctionnaire a exagéré ses préoccupations au sujet du comportement de M. Tse-Chun dans l’autobus. N’importe quel observateur objectif verrait clairement que le fonctionnaire a été perturbé par la question de la capacité de voir de M. Tse-Chun, alors qu’il était évident que le fonctionnaire avait affaire à quelqu’un dont l’anglais était la langue seconde et que cette personne avait de la difficulté à lire dans les conditions de faible luminosité qui prévalaient à l’intérieur de l’autobus. Ce scénario est plus probable que celui avancé par le fonctionnaire.

829 J’admets que les passagers ont réagi à la façon dont le fonctionnaire traitait M. Tse-Chun. Il était justifié pour le fonctionnaire de faire sortir M. Tse-Chun de l’autobus et de l’amener à l’intérieur du bureau frontalier terrestre, mais c’est la conduite déplacée du fonctionnaire qui a créé la situation justifiant le besoin de sortir de l’autobus. En se rendant à l’intérieur du bureau frontalier terrestre, le fonctionnaire allait pouvoir profiter de l’assistance de la surintendante Anderson et être plus à même de déterminer s’il y avait bel et bien un problème de vision, comparativement à s’il était demeuré à l’extérieur de l’autobus, où aucun superviseur n’était présent et où l’éclairage était encore plus faible qu’à l’intérieur de l’autobus.

830 Selon moi, le fonctionnaire n’a pas outrepassé ses fonctions d’agent des services frontaliers lorsqu’il a demandé les cartes E-311. Il en a le pouvoir discrétionnaire. Il est clair que les déclarations verbales peuvent servir à traiter un autobus, que cette méthode était toujours utilisée au poste frontalier Pacific Highway au moment de l’incident, et que cette méthode a été utilisée par un autre agent des services frontaliers pour traiter l’autobus pendant que le fonctionnaire et M. Tse-Chun étaient à l’intérieur du bureau frontalier terrestre. La façon dont le fonctionnaire a demandé les cartes E-311 et la façon dont il a interagi avec M. Tse-Chun étaient inappropriées.

831 Le fonctionnaire avait peut-être le devoir d’approfondir la question du problème de vision, mais selon les valeurs de l’Agence, il aurait dû le faire en privé, plutôt qu’en ridiculisant M. Tse-Chun comme il l’a fait dans l’autobus. J’accepte les témoignages de Mme Backman et de Mme Hellsten lorsqu’elles affirment que le fonctionnaire a dénigré et critiqué M. Tse-Chun devant les passagers parce que M. Tse-Chun ne pouvait pas voir.

832 L’Agence a licencié le fonctionnaire en partie parce qu’il a eu recours à une force excessive ou parce qu’il a fait usage de la force sans justification valable. Je suis d’accord avec le chef Clarke et M. Delgaty lorsqu’ils ont dit qu’aucune force n’était nécessaire dans les circonstances, puisque M. Tse-Chun n’opposait pas de résistance, qu’il coopérait et qu’il répondait au fonctionnaire.

833 Le travail du fonctionnaire était de traiter l’autobus. Il s’est concentré sur la vision de M. Tse-Chun plutôt que de se concentrer sur cette tâche. Je constate que le fonctionnaire a apparemment été détourné de sa principale fonction. Au moment d’escorter M. Tse-Chun à l’intérieur du bureau frontalier terrestre, le fonctionnaire a fait usage d’une force plus grande que nécessaire, puisqu’il n’y avait pas lieu d’avoir recours à la force. Je crois aussi que le fonctionnaire n’a pas fait un compte rendu véridique de ses actes, tant au cours de l’enquête que pendant l’audience.

834 Je constate que la défenderesse a établi que la conduite du fonctionnaire devait faire l’objet de mesures disciplinaires et je considère que cette position était justifiée dans les circonstances.

C. Le licenciement était-il une mesure excessive dans les circonstances?

835 Le fonctionnaire était assujetti à un plan de travail en raison de problèmes dans ses interactions avec le public. Il a fait preuve d’un grave manque de jugement en cherchant à approfondir la question du problème de vision lors d’une inspection primaire de l’autobus conduit par M. Tse-Chun et il a manqué de courtoisie dans ses interactions avec celui-ci. Le fonctionnaire a fait usage d’une force excessive, puisque les circonstances ne justifiaient aucun recours à la force. Si le fonctionnaire avait eu besoin de recourir à la force parce qu’il craignait une agression imminente, selon toute logique, il en aurait informé la surintendante Anderson dès que possible, surtout compte tenu du fait qu’il s’agissait d’une exigence aux termes de son plan de travail.

836 Je précise que, si cette affaire ne portait que sur une mesure disciplinaire pour usage d’une force excessive, le licenciement de l’employé aurait été, selon moi, une mesure exagérée dans les circonstances.

837 L’aspect le plus troublant de cette affaire est le manque de franchise de la part du fonctionnaire au sujet de ses interactions avec M. Tse-Chun, lorsqu’il a parlé à la surintendante Anderson immédiatement après l’incident, au cours de l’enquête et lors des deux rencontres préalables à l’audience disciplinaire. Le fonctionnaire n’a pas présenté de rapport sur le recours à la force. Ce manquement à une exigence claire du Manuel d’exécution des douanes est troublant. De plus, selon moi, le fonctionnaire n’a pas été honnête lorsqu’il a déclaré qu’il ne savait pas qu’il devait consigner cet incident dans son carnet.

838 Le fonctionnaire n’a pas été pleinement coopératif avec le surintendant Ashikian, puisqu’il a d’abord refusé de fournir une déclaration (pièce E-9, annexe A), jusqu’à ce qu’il voit les déclarations des autres personnes. Au bout du compte, le fonctionnaire n’a pas fourni les notes qu’il aurait dû prendre pour consigner l’incident; il a plutôt remis une déclaration. Tout porte à croire que le fonctionnaire a dissimulé ce qui s’est réellement passé au cours de l’incident parce qu’il était inquiet des répercussions de sa conduite alors qu’il était assujetti à un plan de travail en raison du comportement qu’il a adopté dans des situations antérieures d’application de la loi. Il a constaté qu’une gestionnaire de l’Agence se trouvait à bord de l’autobus et avait observé sa conduite.

839 De plus, il semble que le fonctionnaire ait inventé une histoire pour tenter d’expliquer sa conduite plutôt que d’admettre ses torts. Il a raconté cette histoire au surintendant Ashikian et l’a maintenue à l’audience. Le fonctionnaire a soutenu avec vigueur qu’il ne s’était [traduction] « rien passé de grave », que c’était M. Tse-Chun qui était responsable de l’incident, ou que Mme Hellsten et Mme Backman avaient mal interprété l’incident ou se sont entendues sur la déclaration à donner (pièces E-1 et E-2). Je n’accepte pas l’argument du fonctionnaire selon lequel les différences entre son témoignage et ceux des témoins sont des discordances sans intention malhonnête et qu’elles sont simplement le fruit de leurs différentes capacités d’observation.

840 Le fonctionnaire était un agent de la paix, et ses observations sur l’incident auraient dû être consignées dans son carnet. Cette procédure était un aspect de base de ses fonctions et un élément fondamental dans le rôle d’un agent des services frontaliers. Selon moi, l’Agence avait le droit d’être préoccupée par la conduite du fonctionnaire, puisque l’une des exigences fondamentales associées aux fonctions d’un agent des services frontaliers est de témoigner avec franchise et sans détour lorsqu’il est cité comme témoin devant un tribunal. Le meilleur moyen de produire un témoignage sincère, exact et sans détour pour rendre compte d’une conduite ou témoigner lors d’une audience est de prendre des notes au moment de l’incident. Il convient de se poser des questions lorsqu’un agent des services frontaliers assujetti à un plan de travail est impliqué dans une situation d’exécution de la loi, est observé par une directrice de l’Agence et ne prend pas les mesures nécessaires pour consigner l’incident.

841 Dans un environnement de travail, on applique des mesures disciplinaires progressives pour corriger un comportement. La dernière fois qu’une mesure disciplinaire a été imposée au fonctionnaire, il a fait l’objet d’une suspension d’une journée. Il semble que le fonctionnaire ait été franc et qu’il ait des remords pour cet épisode, comme l’indique la lettre disciplinaire du 28 juillet 2006 (pièce E-4) se rapportant à un autre incident survenu le 22 novembre 2005.

842 Je souligne le fait qu’un manque d’honnêteté au cours d’une enquête constitue une faute professionnelle grave. Le manque d’honnêteté dans cette affaire porte sur un aspect fondamental de la relation d’emploi. L’Agence doit placer une grande confiance dans ses agents des services frontaliers pour qu’ils facilitent l’arrivée des personnes et des marchandises au Canada. Les agents des services frontaliers sont appelés à travailler seuls. Des plaintes peuvent être déposées contre leur conduite, et l’Agence s’attend à ce que ses agents des services frontaliers fassent un compte rendu exhaustif et honnête de leurs actes pour l’exécution de la loi. La malhonnêteté n’a pas sa place dans un processus d’enquête. De plus, les agents des services frontaliers et les autres types d’agents occupant des fonctions semblables sont soumis à une norme plus élevée en raison de leur position de confiance; voir McKenzie et Thomson.

843 Le fonctionnaire est un agent des services frontaliers formé qui a une certaine ancienneté. Son licenciement a évidemment eu des répercussions sur sa famille et lui, et je suis sensible à de telles circonstances personnelles. Sans avoir à entendre tous les détails des pertes financières du fonctionnaire, je conviens qu’il a probablement subi d’importantes répercussions financières lorsqu’on l’a relevé de ses fonctions d’application de la loi pour l’affecter au Centre de traitement CANPASS. En outre, le fait d’être relevé de ses fonctions habituelles peut porter un coup dur à l’estime de soi.

844 Il est vrai que le fonctionnaire n’a pas été impliqué dans d’autres incidents, mais il a été relevé de toutes ses fonctions associées à l’application de la loi pendant l’enquête, après que l’Agence a reçu les déclarations de Mme Hellsten et Mme Backman (pièces E-1 et E-2).

845 À en juger par les attaques du fonctionnaire à l’endroit des témoins, notamment les allégations de collusion et de mauvaise foi, de même que par ses attaques à l’endroit du surintendant Ashikian, du chef Clarke et de M. Delgaty, j’ai la forte impression que le fonctionnaire n’admet aucunement ses torts. Le fonctionnaire continue de ne pas voir ce qu’il a fait de mal. Dans le rapport du surintendant Ashikian (pièce E-9), le fonctionnaire a modifié la conclusion de sa déclaration (pièce E-9, page 6) pour écrire ce qui suit : « J’aurais pu gérer la situation d’une manière plus appropriée et obtenir tout de même un résultat satisfaisant pour tous les intervenants. » Or, tout ce qu’il suggère au sujet de sa déclaration selon laquelle une personne peut toujours faire mieux, c’est qu’il aurait dû y avoir plus d’employés ce soir-là. J’en conclus avec regret que le fonctionnaire n’a aucun potentiel de réhabilitation.

846 J’en conclus que le licenciement n’était pas une mesure excessive dans les circonstances de cette affaire, puisque le lien de confiance a manifestement été rompu par la conduite du fonctionnaire. Compte tenu de cette conclusion, je n’ai pas besoin de trouver de mesure de réparation à substituer à celle imposée par l’Agence.

847 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

IV. Ordonnance

848 L’objection du fonctionnaire concernant l’admissibilité des plaintes déposées contre lui antérieurement est accueillie.

849 Les objections du fonctionnaire concernant l’admissibilité des preuves suivantes sont rejetées :

  • la lettre de suspension du 28 juillet 2006 (pièce E-4);
  • le rapport d’enquête (pièce E-9);
  • la déclaration de M. Tse-Chun (pièce E-20);
  • Le témoignage de la surintendante Anderson sur le recours à la force et son caractère raisonnable;

850 La demande du fonctionnaire pour la production en preuve des notes du surintendant Ashikian est rejetée.

851 Le grief est rejeté.

Le 21 août 2012

Traduction de la CRTFP

Paul Love,
arbitre de grief

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