Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé a été licencié pour rendement insuffisant - l’employeur a demandé que plusieurs documents soient scellés parce qu'ils contenaient de l'information sur les affaires des institutions financières et de leurs employés - l’arbitre de grief a conclu que le critère Dagenais/Mentuck avait été respecté et a donné des directives concernant la manipulation des documents - le fonctionnaire s’estimant lésé a commencé à travailler pour l'employeur en mars2009 et faisait l’objet d’un stage d’une année - il a reçu sept séances de formation et n’a jamais demandé plus de formation - son rendement n’était pas suivi de près au début, mais en juin, des préoccupations ont été soulevées à l’égard de son rendement, de ses efforts et de sa disponibilité au travail - toutes ces préoccupations ont été portées à son attention pendant les nombreuses réunions avec son employeur - aucune amélioration n’a été notée malgré l’encadrement qu’il recevait, et le fonctionnaire s’estimant lésé a été informé que s’il n’améliorait pas considérablement la qualité de son travail, il pourrait être licencié - le fonctionnaire s’estimant lésé n’a pas été renvoyé en cours de stage, parce que l'employeur n’était pas prêt à renoncer à lui à ce moment-là - cependant, puisque aucune amélioration n’avait été notée jusqu’en juin2010, il a été licencié - le fonctionnaire s’estimant lésé a allégué qu’il avait été victime d’intimidation, mais il ne l’avait jamais signalé avant son licenciement, et son grief ne faisait pas mention d’actes d’intimidation - étant donné que l’employeur est un employeur distinct qui n’est pas désigné en vertu du paragraphe209(3) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la <<Loi>>), un arbitre de grief n’a pas compétence pour entendre le grief d’un employé licencié pour une raison autre qu’un manquement à la discipline ou une inconduite - l’arbitre de grief a conclu que le grief n’avait pas été correctement renvoyé à l’arbitrage, puisqu’il n’avait pas été renvoyé en vertu de l’alinéa209(1)b) de la Loi, qui est la seule disposition que pouvait utiliser le fonctionnaire s’estimant lésé - quoi qu’il en soit, le grief ne tombe pas sous le coup de cet alinéa et les éléments de preuve et les arguments montrent clairement que ce cas concerne un licenciement pour rendement insuffisant - les tentatives du fonctionnaire s’estimant lésé lors de l’audience de requalifier les événements comme disciplinaires n’étaient ni crédibles ni convaincantes - l’arbitre de grief a aussi examiné le grief sur le fond - le rôle d’un arbitre de grief dans un cas portant sur un licenciement pour rendement insuffisant est défini à l’article230 de la Loi - il a conclu qu’il était raisonnable pour l’employeur de juger que le rendement du fonctionnaire s’estimant lésé était insuffisant. Grief rejeté.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2012-09-12
  • Dossier:  566-23-4726
  • Référence:  2012 CRTFP 94

Devant un arbitre de grief


ENTRE

KELLY REDDY

fonctionnaire s'estimant lésé

et

BUREAU DU SURINTENDANT DES INSTITUTIONS FINANCIÈRES

employeur

Répertorié
Reddy c. Bureau du surintendant des institutions financières

Affaire concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Stephan J. Bertrand, arbitre de grief

Pour le fonctionnaire s'estimant lésé:
Lui-même

Pour l'employeur:
Karen L. Clifford, avocate

Affaire entendue à Toronto (Ontario),
Du 24 au 27 janvier 2012.
Arguments additionnels déposés les 5, 13 et 24 juillet 2012.
(Traduction de la CRTFP)

I. Grief individuel renvoyé à l’arbitrage

1 Kelly Reddy, le fonctionnaire s’estimant lésé (le « fonctionnaire »), occupait un emploi d’analyste du marché financier au Bureau du surintendant des institutions financières (l’« employeur » ou BSIF), un poste de groupe et de niveau RE-05. Il a été licencié par son employeur le 3 juin 2010 pour rendement insuffisant.

2 Le 24 juin 2010, le fonctionnaire a déposé un grief alléguant que l’employeur avait été inéquitable et déraisonnable en affirmant que son rendement était insuffisant. Il a demandé à être réintégré dans son poste. Insatisfait de la réponse de l’employeur au dernier palier de la procédure de règlement des griefs, il a renvoyé son grief à l’arbitrage le 2 novembre 2010 en vertu du sous-alinéa 209(1)c)(i) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la « Loi »). Lors de l’audience, l’employeur a indiqué que, puisque le BSIF est un employeur distinct, le grief aurait dû être renvoyé en vertu de l’alinéa 209(1)d). Le fonctionnaire a accepté. Le fonctionnaire semblait très bien comprendre que même si son grief concernait son licenciement pour rendement insuffisant, il concernait aussi un employeur distinct, et qu’ainsi, il ne pouvait pas être renvoyé en vertu du sous-alinéa 209(1)c)(i).

3 À supposer qu’un grief est renvoyé correctement à l’arbitrage à la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la « Commission »), le rôle de l’arbitre de grief dans un cas portant sur un licenciement pour rendement insuffisant est défini à l’article 230 de la Loi, qui s’énonce comme suit :

230. L’arbitre de grief saisi d’un grief individuel portant sur le licenciement ou la rétrogradation pour rendement insuffisant d’un fonctionnaire de l’administration publique centrale ou d’un organisme distinct désigné au titre du paragraphe 209(3) doit décider que le licenciement ou la rétrogradation étaient motivés s’il conclut qu’il était raisonnable que l’administrateur général estime le rendement du fonctionnaire insuffisant.

4 L’employeur a soulevé une objection préliminaire à ma compétence en vertu de l’article 230 de la Loi. Il a affirmé que, si je jugeais raisonnable son avis selon lequel le rendement du fonctionnaire était insuffisant, j’épuiserais ma compétence et je ne serais pas en mesure d’examiner davantage l’affaire.

5 Aucune autre objection à la compétence ou question préliminaire n’a été soulevée par les parties durant l’audience.

II. Confidentialité des documents de preuve

6 Au début de l’audience, l’employeur a fait part de ses préoccupations concernant la confidentialité de la majeure partie des preuves documentaires qu’il avait prévu présenter pour appuyer sa position, puisque ceux-ci contenaient de l’information sur les affaires des institutions financières et de leurs employés. L’employeur a demandé que l’on rende une ordonnance lui permettant de présenter ses preuves documentaires, où le nom des institutions financières et de toute indication permettant de les identifier seraient noircis.L’employeur a aussi demandé que les documents soient mis sous scellés. Pour formuler cette demande, l’employeur s’est appuyé sur l’article 22 de la Loi sur le Bureau du surintendant des institutions financières, L.R.C. (1985), ch. 18 (3e suppl.) (la « LBSIF »), qui est libellée comme suit :

22. (1) Sous réserve du paragraphe (3), sont confidentiels et doivent être traités comme tels les renseignements ci‑après, ainsi que les renseignements qui sont tirés de ceux‑ci :

a) ceux concernant les activités commerciales et les affaires internes d’une institution financière, d’une banque étrangère, d’une société de portefeuille bancaire ou d’une société de portefeuille d’assurances ou concernant une personne faisant affaire avec l’une d’elles, et obtenus par le surintendant ou par toute autre personne exécutant ses directives, dans le cadre de l’application de toute loi fédérale;

[…]

(2) est convaincu que les renseignements seront considérés comme confidentiels par leur destinataire, le surintendant peut toutefois les communiquer

[…]

7 Même si le fonctionnaire a indiqué que tout renvoi à des institutions financières ou à leurs affaires serait peu utile aux tierces parties parce que l’information est périmée, il ne s’est néanmoins pas opposé à la demande de l’employeur.

8 L’importance de la confidentialité de l’information financière est bien reconnue. La disposition législative citée précédemment met clairement en évidence l’importance qu’accorde le Parlement à la confidentialité de tels dossiers, en n’excluant pas, évidemment, certains principes relatifs à leur divulgation. Nonobstant la position du fonctionnaire et le fait qu’il n’avait pas demandé une telle divulgation, on reconnaît qu’il revient à la personne ou à l’entité cherchant à refuser l’accès public aux dossiers et aux débats d’une instance judiciaire ou quasi judiciaire et leur publicité, de prouver que des circonstances particulières justifient une dérogation aux principes constitutionnels fondamentaux de la « transparence judiciaire » et de la liberté d’expression.

9 Une personne ou une entité qui tente de limiter la transparence des procédures judiciaires ou quasi judiciaires doit répondre au critère « Dagenais/Mentuck », décrit dans le jugement de la Cour Suprême du Canada dans Toronto Newspapers Ltd. c. Ontario, 2005 CSC 41, comme suit :

[26] Dans Mentuck, la Cour a réaffirmé, tout en le reformulant dans une certaine mesure, le critère énoncé dans Dagenais. Dans Mentuck, le ministère public demandait une interdiction de publication visant l’identité de policiers banalisés et les techniques d’enquête qu’ils avaient utilisées. La Cour a statué que l’exercice du pouvoir discrétionnaire de restreindre la liberté d’expression relativement à des procédures judiciaires touche divers droits et qu’une ordonnance de non‑publication ne doit être rendue que si :
          a) elle est nécessaire pour écarter un risque sérieux pour la bonne administration de la justice, vu l’absence d’autres mesures raisonnables pouvant écarter ce risque;
          b) ses effets bénéfiques sont plus importants que ses effets préjudiciables sur les droits et les intérêts des parties et du public, notamment ses effets sur le droit à la libre expression, sur le droit de l’accusé à un procès public et équitable, et sur l’efficacité de l’administration de la justice. [par. 32]

[27] S’exprimant au nom de la Cour, le juge Iacobucci a souligné que le « risque » dont il est question dans le premier volet de l’analyse doit être réel et important et qu’il doit s’agir d’un risque dont l’existence est bien appuyée par la preuve : « il faut que ce soit un danger grave que l’on cherche à éviter, et non un important bénéfice ou avantage pour l’administration de la justice que l’on cherche à obtenir » (par. 34).

10 Ces décisions et d’autres qui ont suivi ont suggéré que le critère « Dagenais/Mentuck » devrait s’appliquer aux décisions ou aux mesures discrétionnaires judiciaires ou quasi judiciaires qui pourraient limiter la publicité des débats de toute affaire et à toute étape de celle-ci. Le critère devrait aussi s’appliquer aux demandes d’accès aux pièces, un corollaire du principe de transparence judiciaire.

11 J’ai pris en considération les arguments des parties concernant cette question et j’en suis arrivé à la conclusion que le critère « Dagenais/Mentuck » avait été respecté dans ce cas et que le risque associé à la divulgation d’information confidentielle était réel, important et fondé sur des preuves.

12 Par conséquent, j’ai ordonné que les preuves documentaires de l’employeur soient versées de la façon suivante :

  1. Les noms des institutions financières et de tout indicateur permettant de les identifier peuvent être noircis avant que les documents ne soient présentés.
  2. Les noms des personnes, autres que ceux des employés du BSIF, peuvent être noircis par l’employeur avant que les documents ne soient présentés.
  3.  Un exemplaire non censuré des documents doit être remis au fonctionnaire et à moi-même aux fins de vérification ou par souci d’authenticité et doit être retourné à l’employeur à la fin de l’audience.
  4. Les documents noicis versés comme pièces lors de l’audience doivent être mis sous scellés et retournés à l’employeur à l’expiration du contrôle judiciaire ou de toute procédure de contrôle judiciaire.

III. Résumé de la preuve

13 L’employeur a appelé deux témoins : Mate Glavota et Douglas Sannuto. Le fonctionnaire a témoigné en son propre nom et n’a appelé aucun témoin.

A. M. Glavota

14 M. Glavota est le directeur du marché financier au BSIF, poste qu’il occupe depuis janvier 2010. Auparavant, il était analyse principal du marché financier.

15 M. Glavota a donné un aperçu du mandat du BSIF, qui consiste à 1) surveiller les institutions financières et les régimes de retraite pour veiller à ce qu’ils respectent les exigences minimales de capitalisation et qu’ils se conforment aux lois qui les régissent et aux exigences de surveillance; 2) aviser les institutions financières et les régimes de retraite dont l’actif est jugé insuffisant pour prendre des mesures pour corriger la situation sans tarder, ou obliger la direction, le conseil d’administration ou les administrateurs du régime en cause à le faire; 3) promouvoir et administrer un cadre de réglementation incitant à l’adoption de politiques et de procédures destinées à contrôler et à gérer le risque; 4) surveiller et évaluer les questions systémiques ou sectorielles qui pourraient avoir des répercussions négatives sur les institutions.

16 M. Glavota a ajouté que la mission de l’analyste du marché financier est de protéger les déposants, les souscripteurs et les participants aux régimes de retraite contre les pertes indues et de favoriser la confiance du public au système financier concurrentiel. Par conséquent, les analystes du marché financier sont chargés d’identifier et d’analyser les risques industriels et organisationnels et les facteurs d’atténuation, de rédiger des plans d’approbation et des plans de surveillance connexes qui sont conformes au cadre fondé sur le risque du BSIF, de surveiller les activités des institutions et leur santé financière, de veiller à ce que des examens sur place soient menés de manière efficace, de déterminer les tendances et les pratiques du secteur d’activité, de transmettre des problèmes importants ou critiques qui influencent le mandat du BSIF aux échelons supérieurs, de fournir des recommandations appropriées et à valeur ajoutée aux institutions et de maintenir un processus d’intervention et de suivi efficace.

17 Selon M. Glavota, le travail d’un analyste du marché financier est souvent très sensible au facteur temps, principalement parce que les marchés financiers fluctuent rapidement, tout comme les facteurs de risque connexes. Ainsi, il est très important de respecter les échéances. Il a ajouté que le fait d’agir de façon professionnelle et le fait de fournir des analyses solides sont des éléments essentiels du travail.

18 M. Glavota a indiqué que le fonctionnaire est entré au service du BSIF le 16 mars 2009, sous sa supervision. Sa nomination était assujettie à un stage probatoire d’une année. Puisque le poste exigeait de bonnes capacités de rédaction structurée, on a offert au fonctionnaire de suivre une formation à ce sujet en mai 2009, ce qu’il a fait. Cette formation de deux jours sur la rédaction structurée fournissait aux participants un cadre structuré conçu pour les aider à mettre leurs idées sur papier. Les participants apprenaient comment ordonner leurs idées et rédiger des conclusions valables. On leur donnait aussi des documents imprimés et électroniques pour consultation ultérieure, au besoin.

19 M. Glavota a aussi fait mention d’autres formations comportementales et techniques qui avaient été données au fonctionnaire, notamment un cours de trois jours sur le cadre de surveillance en juin 2009, cours qui donnait aux participants des outils pour évaluer et coter les institutions financières par rapport à leurs facteurs de risque à l’aide d’une matrice des risques conçue pour attribuer une cote globale communément utilisée par le groupe de la Division de l’évaluation des risques liés aux marchés (DÉRM). Une fois de plus, le fonctionnaire a reçu des documents pour consultation ultérieure, au besoin.

20 M. Glavota a affirmé que le groupe de la DÉRM, composé d’environ 15 employés, travaillait sur de nombreux projets à la fois et qu’il favorisait une approche axée sur le travail d’équipe qui exige que chaque personne accomplisse ses tâches à temps, demande l’avis de ses collègues et donne des conseils.

21 M. Glavota, qui travaillait de très près avec le fonctionnaire, lui a d’abord confié un certain nombre de projets et lui a donné des directives générales. Il n’a pas surveillé le rendement du fonctionnaire de très près durant les premiers mois, parce qu’il voulait lui laisser le temps de s’adapter à son nouvel environnement de travail, de suivre des formations et d’apprendre de ses collègues. Cependant, à la fin du mois de juin 2009, M. Sannuto, le directeur de M. Glavota, a demandé à ce dernier d’encadrer davantage le fonctionnaire, puisqu’il s’inquiétait du rythme de son travail. M. Glavota a commencé à assumer un rôle plus actif et à donner plus de rétroaction, de suggestions et de directives au fonctionnaire. Il a parcouru son calendrier personnel pour la période s’échelonnant du 29 juin 2009 au 27 novembre 2009 et a souligné la nature et l’objectif des 56 réunions qu’il avait eues avec le fonctionnaire pendant cette période. Il a expliqué que toutes les fois que le fonctionnaire ne respectait pas une exigence ou qu’il ne remettait pas un travail, un « X » était placé à côté de la réunion en question. Au total, neuf « X » se trouvent sur le calendrier de M. Glavota pour cette période, qu’il a passés en revue lors de son témoignage.

22 M. Glavota a précisé qu’il avait de nombreuses préoccupations à l’égard de la qualité du travail du fonctionnaire, de ses efforts et de sa disponibilité au travail. Toutes ces préoccupations ont été portées à l’attention du fonctionnaire pendant les réunions. M. Glavota a ajouté que le fonctionnaire a remis un travail incomplet qui ne répondait pas du tout aux exigences; M. Glavota a ainsi passé plus de temps à encadrer le fonctionnaire. Parfois, il devait faire le travail lui-même. M. Glavota a indiqué que les travaux ultérieurs du fonctionnaire ne démontraient aucune amélioration, même s’il lui avait fait part de ses faiblesses et des moyens de s’améliorer. Le fonctionnaire continuait de ne pas respecter les échéances et de remettre des travaux de piètre qualité. De plus, il était souvent absent de son poste de travail. M. Glavota a déclaré qu’il a averti le fonctionnaire à plusieurs reprises qu’il devait améliorer la qualité de ses analyses, condenser ses résultats et présenter ses conclusions de manière concise; néanmoins, sa rétroaction et son encadrement semblaient tomber dans l’oreille d’un sourd. Selon M. Glavota, le fonctionnaire avait reçu les outils nécessaires pour répondre aux exigences de l’employeur et pour remettre des travaux satisfaisants, mais il n’a pas mis ces outils en pratique. À ce sujet, M. Glavota m’a renvoyé au cours de rédaction structurée, aux documents fournis et à son propre encadrement.

23 À la fin du mois d’octobre 2009, M. Glavota est devenu extrêmement frustré en raison du manque d’amélioration et d’efforts de la part du fonctionnaire. Il a organisé une réunion avec son directeur, M. Sannuto, pour l’informer de la situation et lui demander des conseils. M. Sannuto a indiqué à M. Glavota de continuer de travailler étroitement avec le fonctionnaire tout en veillant à ce que les projets de la DÉRM soient achevés à temps. M. Sannuto lui a aussi dit qu’il s’occuperait personnellement du fonctionnaire, et qu’il commencerait bientôt à le rencontrer régulièrement. À cette date-là, M. Glavota se fiait de moins en moins au travail du fonctionnaire; il se fiait à d’autres sources ou faisait le travail lui-même.

24 Selon M. Glavota, le fonctionnaire a continué sur la même voie en novembre 2009 et ni la qualité de son travail ni son attitude ne se sont améliorées. Le fonctionnaire n’était pas réceptif à la rétroaction de M. Glavota et se mettait sur la défensive pour lui répondre, tant verbalement que par courriel. Le fonctionnaire a refusé de travailler avec ses collègues et refusait que ces derniers révisent ses travaux avant de les envoyer à la distribution, chose que tous ses collègues faisaient communément, selon M. Glavota. Le problème se posait toujours en mars 2010; M. Glavota a rappelé par écrit au fonctionnaire que son travail devait être vérifié au préalable. Il a indiqué qu’il n’avait pas l’habitude de documenter ce type de situation et qu’il préférait discuter face à face avec ses collègues et ses subalternes.

25 M. Glavota a ajouté qu’il espérait toujours que le fonctionnaire s’améliorerait et qu’il deviendrait un membre productif de son groupe, mais que, malgré les formations adéquates qu’il avait reçues, l’encadrement excessif et les nombreuses possibilités qu’il avait eues d’améliorer la qualité de son travail, le fonctionnaire ne s’était jamais amélioré de manière significative.

26 Lors de son contre-interrogatoire, M. Glavota a précisé que, même s’il n’était pas chargé de l’examen semestriel du rendement du fonctionnaire qui a été signé le 8 octobre 2009, il aurait dû informer M. Sannuto, qui était chargé de réaliser l’examen, des nombreuses lacunes en matière de rendement qu’il avait détectées au cours des trois mois précédents.

B. M. Sannuto

27 M. Sannuto est le directeur principal de la DÉRM au BSIF, poste qu’il occupe depuis janvier 2010. Auparavant, il était le directeur du marché financier, poste qu’occupe aujourd’hui M. Glavota.

28 M. Sannuto a directement participé à l’embauchage du fonctionnaire. Il présidait le comité de sélection du processus de dotation auquel a participé le fonctionnaire; il était donc le gestionnaire chargé de son embauchage. Ce qui a d’abord attiré l’attention de M. Sannuto était l’expérience du fonctionnaire des vérifications internes, ses études et le fait qu’il avait suivi un cours pour analyste financier. M. Sannuto était persuadé que le fonctionnaire conviendrait bien au groupe de la DÉRM.

29 Selon M. Sannuto, la compétence la plus importante pour le poste d’analyste du fonctionnaire était le raisonnement analytique.

30 Le 8 juin 2009, M. Sannuto a rencontré le fonctionnaire et lui a remis le formulaire d’engagement du BSIF, qui énonçait les objectifs du fonctionnaire pour la période d’examen de 2009-2010. M. Sannuto a examiné le document en détail et a répondu aux questions du fonctionnaire. Le fonctionnaire n’a exprimé aucune préoccupation. On lui a expliqué que le document serait utilisé à la fin de l’exercice pour évaluer ses réalisations et ses compétences. Durant cette réunion, on lui a clairement indiqué qu’il devait rendre des comptes à M. Glavota quotidiennement, mais qu’il relevait directement de M. Sannuto. Lorsqu’on a demandé à M. Sannuto si, à ce moment, son supérieur, Chris Elgar, avait participé d’une manière ou d’une autre à l’établissement des objectifs du fonctionnaire, à l'évaluation de son rendement ou à la surveillance de son travail, il a répondu par la négative. Il a ajouté que ces responsabilités étaient exclusivement les siennes, sauf celle de superviser le fonctionnaire, qu’il partageait avec M. Glavota.

31 De sérieuses préoccupations concernant le rendement du fonctionnaire ont été portées à l’attention de M. Sannuto seulement à la fin du mois d’octobre 2009, lorsque M. Glavota l’a rencontré pour l’informer d’importantes faiblesses. M. Sannuto a indiqué qu’il n’avait pas été mis au courant de ces faiblesses, surtout pas en juin 2009, quand on a expliqué le formulaire d’engagement au fonctionnaire, ni au début du mois d’octobre, quand l’examen semestriel du rendement a été fait.

32 Lorsqu’on l’a informé des faiblesses du fonctionnaire, M. Sannuto s’est engagé à l’encadrer, ce qu’il avait souvent fait pour d’autres employés. Il a commencé à rencontrer le fonctionnaire à la fin de l’automne 2009.

33 Au début, M. Sannuto rencontrait le fonctionnaire de manière informelle et ne conservait aucune note de leurs discussions. Cependant, il a commencé à s’inquiéter du manque d’amélioration du fonctionnaire et à prendre des notes de leurs réunions quotidiennes en janvier 2010. Son objectif était d’améliorer le rendement et l’attitude au travail du fonctionnaire, puisque ce qu’il observait concordait avec les préoccupations qu’avait soulevées M. Glavota à la fin du mois d’octobre 2009.

34 Même si M. Sannuto donnait quotidiennement de la rétroaction et un encadrement au fonctionnaire, il devenait de plus en plus clair que le fonctionnaire n’atteignait pas les objectifs décrits dans son formulaire d’engagement. Son travail était toujours mal structuré, il n’arrivait pas à synthétiser les données pertinentes et il présentait peu ou pas de conclusions et de recommandations.

35 M. Sannuto a passé en revue les notes qu’il avait prises durant ses réunions avec le fonctionnaire du 25 janvier 2010 au 10 février 2010, précisant la nature et l’objectif de ces réunions. Au cours de cette période, il avait rencontré le fonctionnaire à 12 reprises, parfois plus d’une fois par jour.

36 Le 2 février 2010, pendant une réunion avec le fonctionnaire, M. Sannuto a averti le fonctionnaire que s’il n’améliorait pas considérablement la qualité de son travail et s’il ne répondait pas aux attentes, il pourrait être licencié. Selon M. Sannuto, le fonctionnaire s’est mis sur la défensive par réaction, en tentant de faire valoir la qualité de son travail.

37 Le 4 février 2010, M. Sannuto a demandé au fonctionnaire s’il avait reçu des directives claires, de l’encadrement et de la rétroaction. Le fonctionnaire a répondu par l’affirmative. M. Sannuto a offert au fonctionnaire de diminuer sa charge de travail, en espérant que cela permettrait au fonctionnaire de s’améliorer quelque peu, mais ce dernier a refusé.

38 Le 9 février 2010, M. Sannuto a rencontré le fonctionnaire afin de passer en revue le contenu de son évaluation du rendement. Certains des points clés sur lesquels a porté la discussion incluaient le fait que le fonctionnaire remettait des travaux incomplets ou incorrects, manquait des réunions sans préavis, ne respectait pas les échéances, rendait nécessaires un nombre inhabituel de révisions de ses travaux qui ne figuraient pas toujours dans les versions définitives, et était régulièrement absent de son bureau pour de longues périodes. Même si le fonctionnaire avait pris des notes (lesquelles ont été déposées comme pièce au cours de l’audience) durant la réunion, il n’avait pas, selon les dires de M. Sannuto, contesté les observations et les critiques formulées dans son évaluation du rendement. Le fonctionnaire a même refusé de conserver un exemplaire de l’évaluation de rendement. Ainsi, M. Sannuto a par la suite envoyé une copie électronique de l’évaluation au fonctionnaire.

39 Le 10 février 2010, M. Sannuto a encore une fois rencontré le fonctionnaire et rempli un formulaire de liste de contrôle de stage, que le fonctionnaire a signé durant cette réunion. La liste de contrôle de stage permettait de conclure que le fonctionnaire avait échoué à son stage. Même si le fonctionnaire avait eu du temps pour réfléchir à son évaluation du rendement du jour précédent ainsi qu’aux observations et aux critiques de M. Sannuto, une fois de plus, il ne les a pas contestés.

40 Le 19 mars 2010, M. Sannuto a envoyé une copie électronique de son évaluation du rendement définitive au fonctionnaire. Lorsqu’on lui a demandé pourquoi il n’avait pas licencié le fonctionnaire pendant son stage, c’est‑à-dire avant le 16 mars 2010, M. Sannuto a répondu qu’à ce moment-là, il n’était pas prêt à renoncer à lui, qu’il souhaitait lui donner une autre chance de s’améliorer.

41 Malgré le fait que M. Sannuto a continué de rencontrer et d’encadrer le fonctionnaire après la fin de son stage, il a observé les mêmes insuffisances de rendement chez le fonctionnaire et n’a remarqué aucune amélioration notable. Le travail du fonctionnaire était toujours mal structuré et continuait d’être remis en retard. Le fonctionnaire est devenu non réceptif et passait moins de temps à son bureau. M. Sannuto a rencontré le fonctionnaire 10 fois en avril 2010 et 5 fois en mai 2010. Selon lui, aucune amélioration notable n’a été enregistrée durant cette période, malgré la rétroaction et l’encadrement. Il est clair que le fonctionnaire ne progressait pas selon la norme acceptable, estime M. Sannuto.

42 Le 3 juin 2010, M. Sannuto a mis fin à l’emploi du fonctionnaire au BSIF pour rendement insuffisant.

C. Le fonctionnaire s’estimant lésé

43 Le fonctionnaire, qui possède une expérience solide en matière de finances, s’est joint au BSIF le 16 mars 2009. Lors de l’audience, il s’est fortement opposé aux insuffisances de rendement observées par MM. Glavota et Sannuto et a déposé une liste de projets sur lesquels il avait travaillé pendant qu’il occupait son poste au BSIF. Cependant, aucun élément de preuve concernant la nature ou les résultats de ces projets ne m’a été présenté. Le fonctionnaire estimait qu’il avait apporté une valeur ajoutée au groupe de la DÉRM et qu’il avait contribué à sa réussite.

44 La majeure partie du témoignage du fonctionnaire était axée sur ce qu’il appelait « l’intimidation » de M. Glavota et la conduite de mauvaise foi de M. Sannuto. Le premier cas d’intimidation aurait eu lieu lors d’une réunion au mois de mai ou juin 2009, au cours de laquelle M. Glavota aurait crié contre le fonctionnaire et se serait lancé dans une diatribe contre lui pendant plusieurs minutes, et ce, devant neuf autres collègues. Lors de son témoignage, M. Glavota a nié avoir agi ainsi. M. Sannuto a indiqué qu’il n’avait jamais eu connaissance de telles actions. Aucun témoin indépendant n’a été appelé par le fonctionnaire pour étayer ce fait.

45 Le deuxième acte d’intimidation aurait eu lieu pendant une pause du cours de rédaction structurée en mai 2009; M. Glavota aurait inopinément lancé au fonctionnaire : [traduction] « Tu es viré […] mais non, je rigole. » Lors de son témoignage, M. Glavota a nié avoir passé cette remarque. M. Sannuto a indiqué qu’il n’avait jamais eu connaissance de cette remarque. Aucun témoin indépendant n’a été appelé par le fonctionnaire pour appuyer cet événement.

46 Le troisième cas d’intimidation aurait eu lieu lors d’une réunion à la fin du mois de juin 2009; M. Glavota aurait demandé au fonctionnaire de se lever de sa chaise, et se serait ensuite assis dessus en se frottant le derrière sur celle-ci à plusieurs reprises. Une fois de plus, M. Glavota a nié ce fait durant son témoignage, M. Sannuto a indiqué qu’il n’en avait jamais eu connaissance et le fonctionnaire n’a appelé aucun témoin indépendant pour étayer ce fait.

47 Lors de son contre-interrogatoire, le fonctionnaire a admis qu’il n’avait jamais dénoncé ces cas d’intimidation à quiconque au BSIF avant le mois de septembre 2010, des mois après son licenciement et après avoir déposé son grief. Il a aussi admis que son grief ne faisait pas mention des cas d’intimidation.

48  Selon le fonctionnaire, M. Glavota n’a jamais soulevé de préoccupations relativement à son rendement et n’a jamais identifié des faiblesses pendant sa période d’emploi au BSIF. Il a ajouté que M. Sannuto n’a noté aucune insuffisance de rendement dans son évaluation semestrielle du rendement, signée le 8 octobre 2009.

49 Le fonctionnaire a affirmé qu’il a commencé à rencontrer M. Sannuto seulement en novembre 2009 et qu’il l’avait rencontré une seule fois en novembre 2009 et une autre fois en décembre 2009. Le fonctionnaire a déclaré que sa relation avec M. Sannuto avait changé après qu’il s’était présenté à une entrevue d’embauchage dans un autre ministère en décembre 2009, ce qui aurait fâché M. Sannuto. M. Sannuto a tout nié lors de son témoignage, et a affirmé qu’il avait toujours encouragé ses employés à chercher des possibilités d’avancement. Un autre changement important dans le milieu de travail, selon le fonctionnaire, était le départ de M. Elgar, qui a entraîné la nomination de M. Sannuto au poste de directeur principal et celle de M. Glavota au poste de directeur. Toutefois, le fonctionnaire n’a pas démontré de quelle manière ces changements organisationnels ont contribué au changement de comportement de MM. Glavota et Sannuto. De plus, les éléments de preuve ont permis de déterminer que M. Elgar a quitté son poste au BSIF dès juin 2009.

50 Le fonctionnaire a affirmé que, à la fin du mois de janvier 2010, M. Sannuto était devenu très critique à l’égard de son travail durant les réunions et que celui-ci lui avait demandé de rendre compte de ses heures de travail quotidiennes, ce que le fonctionnaire avait trouvé contraignant. L’une des critiques de M. Sannuto concernait le manque de participation du fonctionnaire aux discussions de groupe. Lors de son témoignage, le fonctionnaire a indiqué que l’intimidation de M. Glavota à son égard était la cause de son faible taux de participation, parce qu’il avait peur de faire quoi que ce soit en la présence de M. Glavota. Il a néanmoins admis lors de son contre‑interrogatoire qu’il n’avait jamais dénoncé la conduite alléguée de M. Glavota à M. Sannuto.

51 Bien que le fonctionnaire se rappelle avoir rencontré M. Sannuto le 9 février 2010 afin de discuter de son évaluation de rendement et s’être fait dire qu’il n’avait pas atteint de nombreux objectifs, il a déclaré qu’on ne lui avait jamais remis un exemplaire de l’évaluation. Le témoignage de M. Sannuto à ce sujet nous apprend que le fonctionnaire a refusé de prendre un exemplaire de son évaluation de rendement lors de la réunion du 9 février, raison pour laquelle M. Sannuto a par la suite envoyé une copie électronique de l’évaluation au fonctionnaire. Même si le fonctionnaire a pris des notes durant la réunion et rencontré M. Sannuto le lendemain, il a admis qu’il n’avait pas demandé qu’on lui fournisse un exemplaire de son évaluation du rendement et qu’il n’avait pas formulé de commentaires sur son contenu, qu’il a confirmé connaître.

52 Le fonctionnaire a aussi fait allusion à trois autres événements impliquant M. Sannuto qui, selon lui, témoignaient de la mauvaise foi de M. Sannuto. Le premier événement concernait des housses d’ordinateurs manquantes dans le cubicule du fonctionnaire et qui auraient disparu peu après que M. Sannuto est entré dans le cubicule du fonctionnaire pour le nettoyer. Le témoignage de M. Sannuto révèle que M. Sannuto avait demandé au fonctionnaire à plusieurs reprises de ranger son cubicule et qu’il a finalement décidé de le faire lui-même. Il a nié avoir déplacé, volé ou jeté les housses d’ordinateur du fonctionnaire et a ajouté qu’il avait encouragé le fonctionnaire à se rendre à la salle des fournitures pour demander autant de housses d’ordinateur qu’il lui en fallait. Le fonctionnaire n’a appelé aucun témoin indépendant pour appuyer toute partie de cet événement.

53 Le deuxième événement s’est produit lorsqu’on a dit au fonctionnaire qu’il devait s’installer dans un bureau fermé loin de ses collègues pour quelque temps en mai 2009. Lors de son témoignage, M. Sannuto a indiqué que le fonctionnaire était malade et qu’il toussait très bruyamment, ce qui dérangeait ses collègues des cubicules voisins. Il a dit au fonctionnaire de rentrer chez lui, mais il a refusé. Il a ensuite demandé au fonctionnaire de s’installer temporairement dans un bureau fermé vacant situé à environ 10 pieds du cubicule du fonctionnaire, toujours à proximité de ses collègues, mais dans un environnement fermé, espérant minimiser le bruit causé par la toux du fonctionnaire. Après deux semaines, le fonctionnaire est retourné à son cubicule. La version des faits de M. Sannuto a été corroborée par M. Glavota durant son témoignage.

54 Le troisième événement s’est produit quand M. Sannuto a refusé de payer les honoraires professionnels du fonctionnaire, soumis à la mi-mai 2010. Lors de son témoignage, M. Sannuto a affirmé que bien qu’il ait remboursé ces honoraires au fonctionnaire l’an dernier, il avait entrepris, au moment de la demande, un processus de réévaluation du rendement du fonctionnaire. Puisque la décision de le licencier avait été prise peu après ce moment, il a décidé de ne pas autoriser le paiement des honoraires pour l’année suivante, étant donné que le fonctionnaire n’était plus un employé du BSIF.

55 Lors de son contre-interrogatoire, le fonctionnaire a fait les déclarations suivantes :

  • il a reçu la formation présentée dans son formulaire de perfectionnement et de planification de carrière (pièce E-1, onglet 29) et il n’a jamais demandé d’autre formation pendant qu’il travaillait au BSIF;
  • il a reçu le document d’engagement du BSIF, qui présente ses objectifs et ses responsabilités en date du 8 juin 2009, document que M. Sannuto a examiné avec lui;
  • il n’était pas en mesure de contester les notes relatives aux réunions du calendrier de M. Glavota, ni de les contredire;
  • même s’il n’était pas convaincu que certaines réunions avec M. Glavota avaient réellement eu lieu, il était certain qu’il avait rencontré M. Glavota au moins 35 fois entre le 29 juin 2009 et le 27 novembre 2009;
  • M. Glavota a discuté avec lui des attentes relatives aux livrables de plusieurs projets pendant ces réunions et lui a imposé des échéances relativement à ceux‑ci;
  • son travail n’était pas parfait et il nécessitait certaines améliorations;
  • il a examiné son évaluation du rendement avec M. Sannuto le 9 février 2010 et il en connaissait la teneur;
  • il n’a jamais demandé de précisions à M. Sannuto concernant le contenu de son évaluation du rendement;
  • on lui a donné une occasion de présenter son point de vue concernant le contenu de son évaluation du rendement, mais il ne l’a jamais fait;
  • il n’a jamais demandé un exemplaire de l’évaluation;
  • il n’a jamais signalé les actes d’intimidation ou de mauvaise foi à quiconque avant son licenciement;
  • il n’a jamais déposé une plainte de harcèlement contre M. Glavota ou M. Sannuto.

IV. Résumé de l’argumentation

A. Pour l’employeur

56 L’employeur a allégué que son pouvoir de licencier un employé dont le rendement est jugé insuffisant est prévu à l’article 13 de la LBSIF et à l’article 12 de la Loi sur la gestion des finances publiques, L.R.C. (1985), ch. F-11.

57  L’employeur a affirmé que, même si ce grief aurait pu être renvoyé à l’arbitrage en vertu de l’alinéa 209(1)d) de la Loi, l’article 230 impose un cadre d’intervention stricte à l’arbitre de grief saisi d’un tel grief et que, si son avis selon lequel le rendement de l’employé est insuffisant est jugé raisonnable, l’arbitre de grief doit en conclure que le licenciement était justifié et ne peut pas intervenir.

58 Selon l’employeur, les preuves indiquent clairement que :

  • les exigences en matière de rendement ont été clairement communiquées au fonctionnaire;
  • les exigences en matière de rendement qui s’appliquaient au fonctionnaire étaient appropriées;
  • le fonctionnaire a reçu suffisamment d’outils, de formation et d’encadrement pour lui permettre de répondre aux exigences en matière de rendement dans une période raisonnable;
  • les gestionnaires principaux et les superviseurs qui ont évalué le rendement du fonctionnaire l’ont fait de bonne foi.

59 L’employeur a affirmé que le fonctionnaire n’avait pas réussi à démontrer sa capacité d’appliquer le raisonnement analytique et le jugement qu’on exigeait de lui. Ces compétences étaient essentielles à son poste, et l’évaluation selon laquelle le rendement du fonctionnaire était insuffisant était raisonnable.

60 L’employeur a indiqué que le fonctionnaire ne s’était pas acquitté du fardeau qui lui incombe d’établir la mauvaise foi. Il a affirmé que rien ne prouve la partialité de MM. Glavota et Sannuto à l’égard du fonctionnaire ou que leur évaluation du rendement ait été inéquitable. De plus, l’employeur a soumis que de nombreux indicateurs de bonne foi, laquelle doit être présumée, ressortent des éléments de preuve, notamment le fait que M. Sannuto a embauché le fonctionnaire, que MM. Glavota et Sannuto étaient motivés à le voir réussir, et que le rendement du fonctionnaire a été mesuré à partir d’objectifs concrets qui lui avaient été communiqués un an avant son licenciement.

61 L’employeur a affirmé que, même si le fonctionnaire ne pouvait se faire d’illusions que l’employeur était satisfait de son rendement au mois de novembre 2009, le fonctionnaire n’a fait aucun effort pour pallier les nombreuses insuffisances en matière de rendement qui avait été portées à son attention, particulièrement à la suite de l’évaluation du rendement de la fin de l’exercice, à laquelle il ne s’était jamais donné la peine de répondre de manière sérieuse.

62  Selon l’employeur, le fonctionnaire a reçu amplement de formation technique et de formation informelle continue grâce à l’encadrement et au mentorat de MM. Glavota et Sannuto. Le fonctionnaire n’a jamais soulevé de préoccupations à l’égard de sa formation ou d’un manque de formation; de plus, il n’a jamais demandé plus de formation.

63 L’employeur a affirmé que les 15 réunions de M. Sannuto avec le fonctionnaire en avril et en mai 2010 lui ont donné l’occasion d’évaluer de manière éclairée si le fonctionnaire serait ou non en mesure d’atteindre un niveau de rendement acceptable, et que sa conclusion qu’il ne le serait pas était raisonnable dans les circonstances.

64 L’employeur a insisté pour que je suive et que j’applique les critères et les principes des décisions suivantes de la Commission des relations de travail dans la fonction publique : Raymond c. Conseil du Trésor, 2010 CRTFP 23; Plamondon c. Administrateur général (ministère des Affaires étrangères et du Commerce international), 2011 CRTFP 90; Mazerolle c. Administrateur général (ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CRTFP 6.

B. Pour le fonctionnaire s’estimant lésé

65 Les arguments du fonctionnaire étaient succincts. Essentiellement, il a affirmé que les observations de MM. Glavota et Sannuto étaient arbitraires, non objectives et illogiques, et qu’elles étaient basées sur des facteurs qui n’avaient aucun rapport avec les responsabilités liées à son travail. Selon le fonctionnaire, le dernier point a été clairement démontré par l’intimidation de M. Glavota et par la conduite empreinte de mauvaise foi de M. Sannuto. Il a ajouté que les deux hommes étaient partiaux et qu’ils avaient comploté pour qu’il échoue.

66 Le fonctionnaire a affirmé que, puisque l’évaluation de rendement de fin d’exercice du mois de février 2010 différait beaucoup de l’évaluation semestrielle d’octobre 2009, l’évaluation de février devait être jugée arbitraire et illogique, vu le peu de temps qui les sépare.

67 Le fonctionnaire a insisté pour que je ne suive pas les principes énoncés dans Raymond, Plamondon et Mazerolle, alléguant que les arbitres de grief qui ont jugé ces cas ont clairement mal interprété la signification réelle de l’article 230 de la Loi.

68 Le fonctionnaire a aussi indiqué que puisqu’il n’avait reçu aucun avertissement écrit l’informant qu’il pouvait être licencié s’il ne s’améliorait pas, le licenciement n’était pas justifié.

69 Le fonctionnaire s’est appuyé sur Byfield c. Agence du revenu du Canada, 2006 CRTFP 119, et Morissette c. Conseil du Trésor (ministère de la Justice), 2006 CRTFP 10.

V. Arguments présentés après l’audience

70 Quelque mois après l’audience, j’ai ciblé un autre problème potentiel relatif à la compétence au paragraphe 209(3) de la Loi, qui pourrait influencer ma décision. Pour faciliter la consultation, je reproduirai l’article 209 dans son ensemble. L’article se lit comme suit :

209. (1) Après l’avoir porté jusqu’au dernier palier de la procédure applicable sans avoir obtenu satisfaction, le fonctionnaire peut renvoyer à l’arbitrage tout grief individuel portant sur :

a) soit l’interprétation ou l’application, à son égard, de toute disposition d’une convention collective ou d’une décision arbitrale;

b) soit une mesure disciplinaire entraînant le licenciement, la rétrogradation, la suspension ou une sanction pécuniaire;

c) soit, s’il est un fonctionnaire de l’administration publique centrale :

(i) la rétrogradation ou le licenciement imposé sous le régime soit de l’alinéa 12(1)d) de la Loi sur la gestion des finances publiques pour rendement insuffisant, soit de l’alinéa 12(1)e) de cette loi pour toute raison autre que l’insuffisance du rendement, un manquement à la discipline ou une inconduite,

(ii) la mutation sous le régime de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique sans son consentement alors que celui-ci était nécessaire;

d) soit la rétrogradation ou le licenciement imposé pour toute raison autre qu’un manquement à la discipline ou une inconduite, s’il est un fonctionnaire d’un organisme distinct désigné au titre du paragraphe (3).

Application de l’alinéa (1)a)

(2) Pour que le fonctionnaire puisse renvoyer à l’arbitrage un grief individuel du type visé à l’alinéa (1)a), il faut que son agent négociateur accepte de le représenter dans la procédure d’arbitrage.

Désignation

(3) Le gouverneur en conseil peut par décret désigner, pour l’application de l’alinéa (1)d), tout organisme distinct.

[Je souligne]

71 J’ai par la suite cherché à obtenir d’autres arguments écrits de la part des parties concernant les deux questions suivantes :

1) À la connaissance des parties, le Bureau du surintendant des institutions financières a-t-il été désigné, par décret du gouverneur en conseil, pour l’application de l’alinéa 209(1)d)?

2) Dans le cas contraire, un employé d’un organisme distinct qui n’est pas désigné en vertu du paragraphe 209(3) peut-il renvoyer à l’arbitrage de la Commission des relations de travail dans la fonction publique un grief individuel si ce dernier concerne un licenciement pour toute autre raison qu’un manque à la discipline ou une inconduite?

A. Pour l’employeur

72 Les arguments de l’employeur étaient succincts. En ce qui concerne ma première question, il a répondu que le BSIF n’avait pas été désigné par un décret du gouverneur en conseil pour l’application de l’alinéa 209(1)d) de la Loi.

73 En ce qui concerne ma seconde question, l’employeur a soutenu que je n’avais pas compétence, parce que les preuves verbales et écrites présentées lors de l’audience établissaient clairement que le motif de licenciement ne concernait pas le manque de discipline ou l’inconduite, et que le fonctionnaire n’a pas su montrer ou établir que le licenciement constituait un subterfuge ou un camouflage. Selon l’employeur, cela signifie que l’alinéa 209(1)d) de la Loi ne peut s’appliquer et que, par conséquent, je n’ai pas compétence en vertu de cet alinéa. Il a aussi noté qu’une jurisprudence antérieure avait étudié une formulation semblable sous l’ancienne législation de la Commission et était arrivé à la conclusion que, dans le cas d’un employeur distinct, la compétence d’un arbitre de grief s’applique uniquement si les mesures dont il est question sont de nature disciplinaire.

B. Pour le fonctionnaire s’estimant lésé

74 Les arguments du fonctionnaire étaient très longs et contenaient de nombreux faits qui n’avaient pas été présentés ou débattus lors de l’audience.

75 En ce qui concerne ma première question, le fonctionnaire a confirmé qu’il n’était pas en mesure de trouver des pièces qui prouvent que le BSIF avait été désigné par décret du gouverneur en conseil pour l’application de l’alinéa 209(1)d) de la Loi.

76 En ce qui concerne ma seconde question, le fonctionnaire a affirmé que sa formule de grief, déposée en vertu du sous-alinéa 209(1)c)(i) de la Loi, pourrait avoir été mal remplie. Il a fourni des éléments de preuve non sollicités à l’appui d’une nouvelle position selon laquelle il aurait initialement voulu fonder sa formule de grief sur l’alinéa 209(1)b).

77 Essentiellement, le fonctionnaire a allégué que puisque l’alinéa 209(1)b) de la Loi était appliqué dans ce cas, il importait peu de savoir si le BSIF était désigné par décret du gouverneur en conseil. Il a présenté de nouveaux éléments de preuve qui n’avaient pas été débattus par les parties lors de l’audience et a cité une nouvelle jurisprudence axée exclusivement sur les mesures disciplinaires déguisées dans le contexte des renvois en cours de stage. Selon le fonctionnaire, l’intimidation et la conduite empreinte de mauvaise foi, ainsi que d’autres actions de l’employeur qui n’avaient pas déjà été soumises comme élément de preuve, appuyaient l’allégation de mesures disciplinaires déguisées de la part de l’employeur.

C. Réplique de l’employeur

78 L’employeur a affirmé que la proposition qu’avait faite le fonctionnaire voulant que l’affaire soit renvoyée à l’arbitrage en vertu de l’alinéa 209(1)b) de la Loi ne s’applique pas dans ce cas, puisque les éléments de preuve montrent clairement qu’aucune mesure disciplinaire n’a été prise, déguisée ou autre.

79 Selon l’employeur, le fonctionnaire ne s’était pas acquitté du fardeau d’établir que la lettre de licenciement de l’employeur constituait une sanction disciplinaire. L’employeur a ajouté que, lors de l’audience, les parties n’ont présenté aucun élément de preuve laissant entendre que le fonctionnaire avait fait preuve d’une inconduite qui aurait justifié une sanction disciplinaire ou qu’il existait un autre motif, autre que les motifs de renvoi énoncés, pour licencier le fonctionnaire.

VI. Motifs

A. Question de la compétence

80 Après avoir étudié les éléments de preuve et les arguments présentés par les parties, de même que les arguments écrits supplémentaires, je conclus que je n’ai pas compétence dans cette affaire, puisqu’elle n’a pas été correctement renvoyée à la Commission en vertu de l’article 209 de la Loi.

81 Ainsi qu’il a été mentionné, le fonctionnaire a renvoyé son grief à l’arbitrage en novembre 2010 en vertu du sous-alinéa 209(1)c)(i) de la Loi. Cette disposition concerne la rétrogradation ou le licenciement d’un employé de l’administration publique centrale pour tout motif autre que le manquement à la discipline ou l’inconduite. Au début de l’audience, le fonctionnaire convenait avec l’employeur que, puisque le BSIF était un employé distinct et que le fonctionnaire ne faisait pas partie de l’administration publique centrale, le grief aurait dû être renvoyé correctement à l’arbitrage en vertu de l’alinéa 209(1)d). L’affirmation la plus récente du fonctionnaire selon laquelle il voulait en réalité renvoyer son grief en vertu de l’alinéa 209(1)b) est peu sincère et ne correspond pas aux éléments de preuve et aux arguments présentés durant l’audience.

82 Quoi qu’il en soit, l’alinéa 209(1)b) de la Loi ne s’applique pas dans ces circonstances, étant donné que le grief concerne le licenciement d’un employé pour des motifs autres qu’un manquement à la discipline ou une inconduite. La lettre de licenciement rédigée par l’employeur et datée du 3 juin 2010 indiquait clairement que le rendement du fonctionnaire était insuffisant pour le poste qu’il occupait. De plus, les éléments de preuve et les arguments présentés par les parties lors de l’audience montrent clairement que cette affaire concerne un licenciement pour rendement insuffisant. Aucune preuve de mesure de discipline déguisée, de subterfuge ou de camouflage n’a été présentée.

83 Les tentatives du fonctionnaire de fournir des éléments de preuve non sollicités dans ses arguments écrits supplémentaires étaient déplacées, et ces éléments de preuve ne pouvaient pas être pris en considération. De plus, son affirmation selon laquelle il pourrait avoir mal rempli sa formule de grief ne correspond pas aux déclarations préliminaires qu’il a faites à ce sujet lors de l’audience, dans lesquelles il convenait avec l’employeur qu’il aurait dû déposer son grief en vertu de l’alinéa 209(1)d) de la Loi. Son affirmation contredisait les éléments de preuve qu’il a présentés lors de l’audience. Le fonctionnaire n’a pas fait mention d’un manquement à la disciplinaire ou d’une inconduite durant l’audience. Sa récente tentative visant à requalifier les actes d’intimidation allégués et la conduite alléguée de mauvaise foi de MM. Glavota et Sannuto comme une mesure disciplinaire déguisée n’était ni convaincante ni crédible. Même si le fonctionnaire avait fait des allégations concernant des mesures disciplinaires déguisées dans sa formule de grief ou durant l’audience, ce qu’il n’a pas fait, les éléments de preuve présentés par les parties lors de l’audience n’appuyaient tout simplement pas les allégations de mesures disciplinaires déguisées.

84 Cela signifie que le grief pourrait être renvoyé à l’arbitrage uniquement en vertu des alinéas 209(1)c) ou d) de la Loi. Puisque le BSIF est un employeur distinct, seul l’alinéa 209(1)d) pourrait s’appliquer. Cependant, étant donné qu’aucun élément de preuve n’a été présenté laissant supposer que le BSIF avait été désigné par un décret du gouverneur en conseil en vertu du paragraphe 209(3), l’alinéa 209(1)d) ne pourrait pas s’appliquer dans ces circonstances, et le grief du fonctionnaire n’aurait pas pu être renvoyé à l’arbitrage devant la Commission. Je conclus que ce grief n’a pas été correctement renvoyé à l’arbitrage et que je ne suis pas habilité à le trancher.

85 Dans l’éventualité où l’on estimerait que je me suis trompé en concluant que le grief n’a pas été correctement renvoyé à l’arbitrage, je vais examiner le bien-fondé du grief, comme le souhaitait initialement le fonctionnaire.

B. Bien-fondé du grief

86 Lorsqu’un arbitre de grief examine un licenciement pour rendement insuffisant, sa compétence est restreinte par l’article 230 de la Loi. Cette disposition impose un cadre d’intervention stricte à l’arbitre de grief chargé d’un grief qui remet en question la décision d’un employeur de licencier un employé dans telles circonstances. Pour faciliter la consultation, je reproduirai encore une fois l’article 230, qui s’énonce comme suit :

230. L’arbitre de grief saisi d’un grief individuel portant sur le licenciement ou la rétrogradation pour rendement insuffisant d’un fonctionnaire de l’administration publique centrale ou d’un organisme distinct désigné au titre du paragraphe 209(3) doit décider que le licenciement ou la rétrogradation étaient motivés s’il conclut qu’il était raisonnable que l’administrateur général estime le rendement du fonctionnaire insuffisant.

87 Puisque la Loi est entrée en vigueur en 2005, l’article 230 a été pris en considération dans Raymond, Plamondon et Mazerolle. Les trois décisions en sont venues à la même conclusion concernant la portée de l’intervention de l’arbitre de grief. Le rôle de l’arbitre de grief est de déterminer s’il était raisonnable que l’employeur juge que le rendement de l’employé était insuffisant, pas si le licenciement était raisonnable. Si l’évaluation de l’employeur selon laquelle le rendement de l’employé était insuffisant est raisonnable, je dois conclure que le licenciement qui en résulte est justifié, et je ne peux pas intervenir dans cette décision, puisque ma compétence est épuisée. Le licenciement ne peut être annulé que si l’évaluation de l’employeur selon laquelle le rendement était insuffisant est déraisonnable. Aucune autre conclusion n’est possible. Par exemple, je ne peux substituer mon avis à celui de l’employeur en ce qui a trait à l’évaluation du rendement de l’employé. Comme l’a reconnu l’arbitre de grief dans Raymond, au paragraphe 123, « […] l’employeur est dans une meilleure position qu’un arbitre de grief pour apprécier la qualité du rendement d’un fonctionnaire qu’il voit fonctionner au quotidien ». De la même façon, je ne peux substituer mon avis à celui de l’employeur en ce qui concerne l’évaluation des mesures ayant entraîné le licenciement et imposer une sanction que j’estime plus appropriée.

88 Ainsi, la portée de mon intervention se limite à répondre à une seule question : « Était-il raisonnable, selon les éléments de preuve présentés par les parties, pour l’employeur de juger que le rendement de l’employé en question était insuffisant? »

89 Pour répondre à cette question, je dois d’abord déterminer la façon dont le terme « raisonnable » devrait être défini dans le contexte. Je suis guidé par les commentaires de l’arbitre de grief aux paragraphes 49 et 51 de Plamondon :

49 Comme l’employeur l’avait argumenté dans Raymond, le rôle de l’arbitre de grief est comparable à celui d’un tribunal supérieur qui siège en révision judiciaire et qui examine le caractère raisonnable de la décision qui lui est soumise. En vertu de l’article 230 de la Loi, un arbitre de grief ne devrait donc intervenir que si l’estimation du rendement faite par l’employeur est déraisonnable au sens où ce concept s’entend en matière de révision judiciaire. Sur le sens du caractère raisonnable d’une décision, la Cour suprême du Canada, au paragraphe 47 de Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, s’exprime ainsi :

[…]

[47] La norme déférente du caractère raisonnable procède du principe à l’origine des deux normes antérieures de raisonnabilité : certaines questions soumises aux tribunaux administratifs n’appellent pas une seule solution précise, mais peuvent plutôt donner lieu à un certain nombre de conclusions raisonnables. Il est loisible au tribunal administratif d’opter pour l’une ou l’autre des différentes solutions rationnelles acceptables. La cour de révision se demande dès lors si la décision et sa justification possèdent les attributs de la raisonnabilité. Le caractère raisonnable tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit […]

50 À la lumière de ce qui précède, je dois donc déterminer si, sur la base de la preuve soumise, la conclusion de l’employeur voulant que le rendement de M. Plamondon était insuffisant, était une des conclusions possibles acceptables à laquelle il pouvait arriver. Cela ne veut pas dire qu’il ne pouvait pas arriver à une conclusion différente, mais plutôt que cette conclusion était une conclusion possible. Pour déterminer qu’il s’agissait d’une conclusion ou d’une décision raisonnable, il faut que la décision soit justifiée et qu’elle ait été prise de façon transparente et intelligible.

51 Comme l’arbitre de grief dans Raymond, je suis d’avis qu’une estimation du rendement de l’employé qui aurait été faite de mauvaise foi, de façon arbitraire ou sur la base de considération discriminatoire ou n’ayant aucun lien avec l’emploi, ne saurait être qualifiée de raisonnable […]

90 Ensuite, je dois fixer les critères qui serviront à déterminer si l’évaluation du rendement du fonctionnaire qu’a faite l’employeur était raisonnable. Je suis guidé par les commentaires de l’arbitre de grief au paragraphe 131 de Raymond :

131 […] Ainsi, je ne vois pas comment on pourrait conclure qu’il était raisonnable qu’un administrateur général estime le rendement de l’un de ses fonctionnaires insuffisant, si preuve est faite que :

  • L’administrateur général ou les superviseurs qui ont apprécié le rendement du fonctionnaire se sont livrés à un exercice empreint de mauvaise foi;
  • Le fonctionnaire n’était pas assujetti à des normes de rendement appropriées;
  • L’employeur n’avait pas communiqué clairement au fonctionnaire les normes de rendement qu’il devait satisfaire; ou
  • Le fonctionnaire n’avait pas reçu les outils, la formation et l’encadrement nécessaires pour atteindre les normes de rendement dans un délai jugé raisonnable.

91 Je vais maintenant revenir aux faits du présent cas pour déterminer si l’évaluation de M. Sannuto selon laquelle le rendement du fonctionnaire était insuffisant était raisonnable.

92 Entre le 30 avril 2009 et le 15 juillet 2009, le fonctionnaire a reçu sept séances de formation technique et comportementale différencts, ainsi que des documents connexes. Pendant qu’il travaillait au BSIF, il pouvait aussi consulter ses collègues plus expérimentés pour obtenir du soutien et de l’aide et compter sur l’encadrement et le mentorat de MM. Glavota et Sannuto.

93 Le fonctionnaire n’a pas nié avoir reçu un exemplaire de son formulaire d’engagement en juin 2009, avoir examiné le document avec M. Sannuto et s’être fait dire que ses objectifs seraient évalués de nouveau à la fin de l’exercice. Il ne fait aucun doute que le fonctionnaire avait compris les attentes de l’employeur en matière de rendement et que les engagements étaient liés de près à sa description de travail.

94 Entre le 29 juin 2009 et le 27 novembre 2009, le fonctionnaire a rencontré M. Glavota à 56 reprises. Le but de la plupart de ces réunions, selon M. Glavota, était de porter certaines insuffisances à l’attention du fonctionnaire, de lui donner des conseils et de l’aider, et en fin de compte, d’améliorer la qualité de son travail grâce à l’encadrement et au mentorat. Entre le 25 janvier 2010 et le 10 février 2010, le fonctionnaire a rencontré plusieurs fois M. Sannuto pour les mêmes raisons.

95 Le fonctionnaire a reçu une évaluation du rendement très négative en février 2010, et on l’a informé que s’il n’améliorait pas son rendement, il pourrait être licencié. Pourtant, il a refusé de prendre un exemplaire de son évaluation et de fournir ses commentaires, malgré l’insistance de M. Sannuto. Par la suite, le fonctionnaire s’est éloigné de M. Sannuto et n’a fait aucun effort concret pour améliorer son rendement. Lors de l’audience, le fonctionnaire n’a pas réfuté, dans sa teneur, son évaluation du rendement de manière significative.

96 De plus, le fonctionnaire ne m’a rapporté aucune preuve convaincante suggérant que MM. Glavota et Sannuto étaient partiaux à son égard ou qu’ils avaient mal agi dans le cadre de leur examen de son évaluation de rendement. Aucun document ou témoin indépendant n’a appuyé les allégations d’intimidation de M. Glavota ni la conduite empreinte de mauvaise foi de M. Sannuto. Pas la moindre preuve ne m’a été présentée pour appuyer les allégations de complot entre les deux hommes visant à faire échouer le fonctionnaire, sans compter qu’aucun élément de preuve ne me permet de conclure que MM. Glavota et Sannuto ont fait preuve de mauvaise foi ou d’animosité à l’endroit du fonctionnaire. Au contraire, les éléments de preuve montrent que les deux hommes ont entrepris la tâche d’encadrer le fonctionnaire avec diligence et un désir sincère de l’aider à s’améliorer.

97 Par conséquent, j’appuie la proposition de l’employeur selon laquelle les éléments suivants ont été clairement établis par les preuves :

  • les normes en matière de rendement ont été clairement communiquées au fonctionnaire;
  • les normes en matière de rendement qui s’appliquaient au fonctionnaire étaient appropriées;
  • le fonctionnaire a reçu suffisamment d’outils, de formation et d’encadrement pour lui permettre de répondre aux normes en matière de rendement dans une période raisonnable;
  • M. Glavota et M. Sannuto ont évalué le rendement du fonctionnaire de bonne foi.

98 La prépondérance de la preuve établit que MM. Glavota et Sannuto, qui ont successivement supervisé le fonctionnaire en 2009 et en 2010, ont tous deux constaté des insuffisances dans son rendement. Les éléments de preuve indiquent aussi que les insuffisances observées par les deux hommes étaient de la même nature et tenaient à l’incapacité du fonctionnaire à faire preuve de jugement et d’un raisonnement analytique, des compétences essentielles à son poste. Les éléments de preuve ne me permettent pas de conclure que les observations de MM. Glavota et de Sannuto étaient arbitraires, non objectives et illogiques, ou fondées sur des facteurs qui n’avaient aucun rapport avec les responsabilités du fonctionnaire. Les deux hommes ont clairement exprimé les éléments d’insatisfaction et les insuffisances observées dans le rendement du fonctionnaire en donnant des exemples concrets, avec des preuves documentaires à l’appui.

99 Quant à l’argument du fonctionnaire selon lequel son licenciement ne s’applique pas parce qu’il n’a pas d’abord reçu un avertissement écrit, l’état actuel du droit ne contient aucune disposition dans ce sens, et le fonctionnaire n’a pas fondé par une loi, ou une jurisprudence, son affirmation. Quoi qu’il en soit, je conclus que le fonctionnaire était au courant, après 68 réunions en 8 mois, de toutes les insuffisances de son travail, qu’il savait qu’il risquait de perdre son emploi et que son congédiement était sans surprise pour lui.

100 En me prononçant sur ma compétence, je dois être guidé par le libellé de la Loi, qui est clair. Comme je l’ai mentionné précédemment, l’article 230 stipule que, si j’estime que l’avis de l’employeur relativement au rendement du fonctionnaire était raisonnable, je suis tenu d’en conclure que le licenciement du fonctionnaire était justifié. J’adhère entièrement aux commentaires de l’arbitre de grief au paragraphe 154 de Mazerolle : « Il n’y a aucun autre élément à ajouter à cette équation. »

101 À la lumière des éléments de preuve, j’estime qu’il était raisonnable pour l’employeur de juger que le rendement du fonctionnaire était insuffisant. Il s’agit certainement de l’une des conclusions possibles dans ces circonstances. Par conséquent, je dois en conclure que le licenciement du fonctionnaire était justifié, ce qui signifie aussi que son grief contre son licenciement doit être rejeté.

102 En conclusion, j’estime que je n’ai pas la compétence pour entendre ce grief, puisque celui-ci n’a pas été correctement renvoyé à la Commission en vertu de l’article 209 de la Loi, et que si l’on juge que je me suis trompé en tirant cette conclusion, j’estime que le licenciement du fonctionnaire était justifié et que son grief doit être rejeté.

103 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

VI. Ordonnance

104 Le grief est rejeté.

Le 12 septembre 2012.

Traduction de la CRTFP

Stephan J. Bertrand,
arbitre de grief

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