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Résumé :

Le plaignant s’était porté candidat à un processus de nomination interne annoncé pour la dotation d’un poste d’inspecteur des incendies. Il a formulé à l’encontre de l’intimé des allégations d’abus de pouvoir aux motifs suivants : l’intimé n’aurait pas établi des qualifications essentielles correspondant au travail à effectuer; aurait rejeté injustement sa candidature; et aurait nommé une personne qui ne possédait pas les qualifications essentielles. Il a fait valoir d’autre part que le comité d’évaluation comportait un membre non qualifié. Enfin, il aurait fait l’objet d’une discrimination par l’âge et la déficience. L’intimé a nié toutes les allégations. Il a soutenu que la candidature du plaignant avait été rejetée à la présélection parce que ce dernier n’avait pas su démontrer qu’il possédait la qualification de formation requise pour le poste. Décision Le Tribunal a conclu que le plaignant n’avait pas établi la preuve d’un abus de pouvoir de la part de l’intimé dans le processus de nomination en l’espèce pour les raisons suivantes : 1) l’établissement de la qualification essentielle liée à l’accréditation de formation était nécessaire pour le travail à exécuter; 2) les éléments de preuve appuient la position de l’intimé selon laquelle l’élimination de la candidature du plaignant à la présélection était imputable au fait qu’il n’avait pas démontré qu’il possédait l’accréditation de formation requise; 3) l’allégation de favoritisme personnel ou de traitement préférentiel formulée par le plaignant était non fondée; 4) il n’y avait aucune preuve à l’appui de l’allégation du plaignant selon laquelle l’examen écrit était un outil inapproprié pour l’évaluation d’une qualification essentielle; était également non fondée l’allégation du plaignant selon laquelle l’intimé avait nommé une personne qui ne possédait pas les qualifications essentielles pour le poste; 5) il y avait amplement de preuves démontrant que le président du comité d’évaluation était pleinement qualifié pour évaluer les candidats dans le processus en l’espèce. Enfin, bien que le plaignant ait établi une preuve prima facie de discrimination par la déficience (non par l’âge), le Tribunal a estimé que l’intimé avait fourni une explication raisonnable, non discriminatoire, par rapport à la décision d’éliminer la candidature du plaignant à la présélection, à savoir que celui-ci n’avait pas démontré qu’il possédait l’accréditation de formation nécessaire au moment de soumettre son dossier de candidature. Plainte rejetée.

Contenu de la décision

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Dossier :
2011-0046
Décision
rendue à :

Ottawa, le 22 mai 2012

STEPHEN MCALEER
Plaignant
ET
LE SOUS-MINISTRE DE LA DÉFENSE NATIONALE
Intimé
ET
AUTRES PARTIES

Affaire :
Plainte d’abus de pouvoir en vertu de l’article 77(1)a) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique
Décision :
La plainte est rejetée
Décision rendue par :
Maurice Gohier, membre
Langue de la décision :
Anglais
Répertoriée :
McAleer c. le sous-ministre de la Défense nationale
Référence neutre :
2012 TDFP 0013

Motifs de décision


Introduction


1 Le plaignant, Stephen McAleer, a participé à un processus de nomination interne annoncé visant la dotation d'un poste d'inspecteur des incendies, aux groupe et niveau FR-02, au sein du ministère de la Défense nationale (MDN). Dans sa plainte, il formule à l'encontre du sous-ministre du MDN (l'intimé) des allégations d'abus de pouvoir dans le processus de nomination aux motifs suivants : l'intimé n'aurait pas établi des qualifications essentielles correspondant au travail à effectuer; aurait rejeté injustement sa candidature au moment de la présélection; aurait nommé une personne qui ne possédait pas les qualifications essentielles; aurait fait appel à une personne non qualifiée pour siéger au comité d'évaluation; aurait favorisé la personne nommée; aurait fait preuve de discrimination à son endroit en raison de son âge et n'aurait pas pris des mesures d'accommodement par rapport à son état de santé.

2 L'intimé nie avoir abusé de son pouvoir dans le processus de nomination. Il affirme que la candidature du plaignant a été rejetée à la présélection parce que celui-ci n'avait pas su démontrer qu'il possédait l'une des qualifications essentielles. L'intimé affirme en outre que le plaignant a été traité de façon juste, à l'instar de tous les autres candidats, et que la nomination effectuée à l'issue du processus était fondée sur le mérite. Il soutient qu'il n'y a eu aucun abus de pouvoir dans l'établissement des qualifications exigées pour le poste, que le comité d'évaluation était entièrement qualifié pour évaluer les candidats, que la personne nommée n'a bénéficié d'aucun traitement de faveur et que le plaignant n'a pas été victime de discrimination.

3 La Commission de la fonction publique (CFP) n'était pas représentée à l'audience; elle a toutefois présenté des observations écrites dans lesquelles elle explique les lignes directrices et les guides applicables aux processus de nomination. La CFP n'a pas pris position quant au bien-fondé de la plainte.

4 Pour les motifs décrits ci-après, la plainte est rejetée. Selon le Tribunal de la dotation de la fonction publique (le Tribunal), le plaignant n'a pas démontré que l'intimé a pris une décision discriminatoire en éliminant sa candidature du processus de nomination en l'espèce au moment de la présélection. De plus, le plaignant n'a pas établi la preuve d'un abus de pouvoir de la part de l'intimé dans la façon dont celui-ci a mené le processus de nomination ni dans sa manière de déterminer que la personne nommée possédait les qualifications essentielles pour le poste.

Contexte


5 Une annonce de possibilité d'emploi a été affichée sur Publiservice pour un processus de nomination visant la dotation d'un poste FR-02. Le plaignant a soumis sa candidature par télécopieur le jour de la clôture du processus, soit le 10 septembre 2010. La présélection des candidatures a été effectuée à partir des qualifications essentielles en matière d'études, d'expérience et d'accréditation/certification qui avaient été établies pour le poste.

6 La candidature du plaignant a été éliminée à la présélection au motif qu'il n'avait pas démontré qu'il remplissait les exigences en matière d'accréditation/certification (réussite du cours NQ 5B [Cours de prévention des incendies et sécurité des personnes] ou certificat équivalent d'inspecteur des incendies [norme 1031 de la NFPA]).

7 À l'issue du processus, l'intimé a publié une notification de nomination ou de proposition de nomination dans laquelle était annoncée la nomination de Sharlene Bourque (la personne nommée) au poste d'inspecteur des incendies (FR-02). Le 25 janvier 2011, le plaignant a déposé une plainte en vertu de l'article 77 de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, arts. 12 et 13 (la LEFP).

8 Le 28 mai 2011, conformément à l'article 78 de la LEFP, le plaignant a informé la Commission canadienne des droits de la personne (la CCDP) de son intention de soulever une question liée à l'interprétation ou à l'application de la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. 1985, ch. H-6 (la LCDP). Avant l'audience, la CCDP a informé le Tribunal qu'elle ne présenterait aucune observation en l'espèce.

Questions en litige


9 Le Tribunal doit trancher les questions suivantes :

  1. L'intimé a-t-il abusé de son pouvoir dans l'établissement des qualifications essentielles pour le poste?
  2. L'intimé a-t-il abusé de son pouvoir en rejetant la candidature du plaignant au moment de la présélection?
  3. L'intimé a-t-il abusé de son pouvoir dans l'application du mérite par un traitement de faveur pour la personne nommée?
  4. L'intimé a-t-il abusé de son pouvoir dans l'application du mérite par la nomination d'un candidat qui ne possédait pas les qualifications essentielles?
  5. L'intimé a-t-il abusé de son pouvoir dans la composition du comité d'évaluation qui comportait une personne non qualifiée?
  6. L'intimé a-t-il abusé de son pouvoir par une attitude discriminatoire envers le plaignant?

Analyse


10 Dans la décision Tibbs c. Sous-ministre de la Défense nationale, 2006 TDFP 0008, para. 62, le Tribunal rappelle que le préambule de la LEFP offre aux gestionnaires la marge de manœuvre dont ils ont besoin pour doter des postes. Au paragraphe 66 de cette même décision, le Tribunal précise que l'abus de pouvoir comprend toujours une conduite irrégulière, mais que la mesure dans laquelle la conduite est irrégulière peut déterminer si elle constitue un abus de pouvoir ou non. C'est au plaignant qu'il incombe d'établir la preuve d'un abus de pouvoir selon la prépondérance des probabilités.

Question 1 :  L'intimé a-t-il abusé de son pouvoir dans l'établissement des qualifications essentielles pour le poste?

11 Selon le plaignant, l'intimé n'aurait pas dû exiger des candidats la « réussite du cours NQ 5B (Cours de prévention des incendies et sécurité des personnes) ou [la possession d'un] certificat équivalent d'inspecteur/inspectrice des incendies (norme 1031 de la NFPA) ». Selon lui, l'intimé aurait dû exiger des candidats éventuels qu'ils aient déjà exercé les tâches d'un inspecteur des incendies et qu'ils aient suivi les cours de formation de niveaux I et II de la NFPA destinés aux inspecteurs des incendies (norme 1031).

12 L'intimé soutient quant à lui que l'article 30(2) de la LEFP lui confère un vaste pouvoir en ce qui concerne l'établissement des qualifications exigées pour le travail à accomplir. Ainsi, la décision qu'il a prise d'exiger des candidats qu'ils possèdent une certaine accréditation respecte la directive ministérielle, à savoir la Directive du Directeur – Service des incendies (Forces canadiennes) (la FMD 1004).

13 En ce qui concerne l'affirmation du plaignant selon laquelle une expérience de l'exercice des fonctions d'un inspecteur des incendies (FR-02) aurait dû figurer parmi les exigences du poste, l'intimé a reconnu qu'il arrivait à l'occasion qu'un pompier (FR-01) prête assistance à un inspecteur des incendies (FR-02) dans l'exercice de ses tâches d'inspection, et ce, à des fins de formation continue en cours d'emploi. L'intimé a toutefois ajouté qu'il ne voyait pas la nécessité d'exiger une telle expérience étant donné que, selon les qualifications établies, les candidats devaient posséder une accréditation de formation.

14 L'intimé a fait remarquer que la FMD 1004 précise la formation et l'expérience requises des pompiers en vue de leur avancement professionnel au sein du MDN. Cette directive précise que pour être admissible à un poste d'inspecteur des incendies, un candidat doit posséder au moins l'un des niveaux de formation ci-après :

  1. Technicien De Lutte Contre Les Incendies Et En Sauvetage Du Service Des Incendies Du Mdn Et Des FC

    58. Les candidats doivent avoir suivi toutes les formations requises pour le niveau Technicien de lutte contre les incendies et en sauvetage.

  2. Inspecteur Des Incendies De Niveau I – NFPA 1031

    59. Les candidats doivent obtenir une accréditation d'inspecteur des incendies de niveau I au sens de la norme NFPA 1031.

  3. Pompier De Niveau I – NFPA 1001

    60. Les candidats doivent avoir suivi la formation Pompier de niveau I au sens de la norme NFPA 1001 dans un établissement reconnu par l'IFSAC/Pro-board.

  4. Technicien En Génie De La Protection Contre L'incendie

    61. Les candidats doivent obtenir une accréditation de technicien en génie de la protection contre l'incendie.

  5. Attestation d'Études Collégiales (AEC) en Prévention en Sécurité Incendie

    62. Les candidats doivent avoir obtenu une AEC en Prévention en sécurité incendie.

    [majuscules et caractères gras dans le document original]

15 Selon l'intimé, il est expliqué dans la FMD 1004 que si un candidat est embauché sur la foi d'une accréditation d'inspecteur des incendies de niveau I au sens de la norme NFPA 1031, il dispose de 18 mois pour acquérir les autres qualifications, ce qui comprend l'accréditation d'inspecteur des incendies de niveau II (NFPA 1031).

16 Comme le Tribunal l'a indiqué dans la décision Visca c. Sous-ministre de la Justice, 2007 TDFP 0024, para. 42, la LEFP accorde aux gestionnaires un pouvoir discrétionnaire considérable pour établir les qualifications liées au poste qu'ils souhaitent doter. En l'espèce, la FMD 1004 précise les niveaux de formation nécessaires pour qu'un candidat puisse être nommé à un poste d'inspecteur des incendies. Elle énonce clairement qu'un candidat n'est pas tenu de posséder une accréditation à la fois de niveau I et de niveau II au sens de la norme NFPA 1031 (inspecteur des incendies) pour pouvoir être nommé à un poste d'inspecteur des incendies (FR-02). Au contraire, la Directive précise qu'une accréditation d'inspecteur des incendies de niveau I (NFPA 1031) suffit. Outre son opinion personnelle, le plaignant n'a fourni aucune explication rationnelle pour montrer qu'en exigeant une accréditation d'inspecteur des incendies de niveau I (NFPA 1031), l'intimé n'avait pas exercé de façon raisonnable et appropriée le pouvoir que lui confère l'article 30(2) de la LEFP au regard de l'établissement des qualifications pour le poste. Le plaignant n'a présenté aucun élément de preuve qui remet en question la position de l'intimé selon laquelle la qualification essentielle liée à l'accréditation était nécessaire pour le travail à exécuter. Par conséquent, le Tribunal estime que l'intimé a exercé de façon appropriée le pouvoir discrétionnaire dont il dispose à cet égard. Voir aussi la décision Neil c. Sous-ministre d'Environnement Canada, 2008 TDFP 0004, paras. 45 et 46.

17 Pour les motifs énoncés ci-dessus, le Tribunal conclut que le plaignant n'a pas démontré que l'intimé a abusé de son pouvoir dans l'établissement des qualifications essentielles pour le poste d'inspecteur des incendies (FR-02).

Question II :  L'intimé a-t-il abusé de son pouvoir en rejetant la candidature du plaignant au moment de la présélection?

18 Le plaignant a vu sa candidature éliminée du processus de nomination au moment de la présélection au motif qu'il n'a pas démontré qu'il avait réussi au cours NQ 5B (Cours de prévention des incendies et sécurité des personnes) ni qu'il possédait un certificat équivalent d'inspecteur des incendies (norme 1031 de la NFPA).

19 Dans son témoignage, le plaignant a précisé qu'il avait 56 ans et qu'il occupait le poste de pompier (FR-01) depuis 1983. Il a soumis sa candidature pour le poste d'inspecteur des incendies (FR-02) par télécopieur à environ 13 h le jour de la clôture du processus, c'est-à-dire le vendredi 10 septembre 2010.

20 Le plaignant a ensuite appelé le Bureau du personnel civil (BPC) pour faire confirmer la réception de son dossier de candidature. Comme il était incapable de joindre quiconque au sein du BPC, il a fait 1,5 heures de route jusqu'à la BFC Gagetown (N.-B). Dans son témoignage, il a précisé y avoir rencontré l'agent des ressources humaines Gary Vautour, qui se trouvait toujours à son bureau en fin de journée ce vendredi-là. M. Vautour a vérifié que le dossier de candidature envoyé par télécopieur avait bel et bien été reçu. Le plaignant a alors remis à M. Vautour une autre copie de son dossier de candidature en plus d'une copie d'un certificat attestant qu'il avait suivi le cours de pompier de niveau V (89-01) à la BFC Borden, en 1989. Lorsque M. Vautour lui a fait remarquer qu'il ne semblait pas s'agir du même cours, le plaignant a expliqué que le cours pour les inspecteurs des incendies s'appelait ainsi en 1989.

21 Il est admis que le plaignant n'a pas fourni de copie de ce certificat lorsqu'il a envoyé son dossier de candidature par télécopieur. À la question de savoir pourquoi il ne l'avait pas fait, le plaignant a répondu à l'audience qu'il devait l'avoir oublié et qu'il ne s'en était pas rendu compte à ce moment-là.

22 Au cours de l'audience, le plaignant a présenté ses notes d'études pour le cours qu'il avait suivi en 1989 ainsi qu'une photographie de la promotion dont il faisait partie; son nom figurait parmi ceux des participants. Ces documents ne faisaient toutefois pas partie du dossier de candidature qu'il avait envoyé. Les objectifs de rendement (modules d'études) du cours 89-01 étaient sensiblement les mêmes que ceux du cours 90-01 (compagnon pompier – NQ 5), lequel avait été offert l'année suivante.

23 Les éléments de preuve fournis par l'intimé vont tout à fait dans le sens contraire. En effet, selon l'intimé, le plaignant n'a pas rencontré M. Vautour le jour de la clôture du processus de nomination, et il ne lui a remis une copie de son certificat pour le cours 89-01 que lors d'une rencontre tenue dix mois plus tard, c'est-à-dire en juillet 2011, longtemps après avoir déposé sa plainte.

24 M. Vautour est l'agent des ressources humaines qui était chargé de conseiller et d'orienter les membres de la direction au cours du processus de nomination. Il faisait également partie du comité d'évaluation. M. Vautour a affirmé qu'il travaille selon un horaire comprimé depuis 2008. Il travaille du lundi au jeudi, et est en congé tous les vendredis. M. Vautour a travaillé à deux ou trois reprises le vendredi depuis 2008 parce qu'il devait assister à un atelier ou à une séance de formation. Toutefois, il n'était pas à son bureau le vendredi 10 septembre 2010, et il n'a ni rencontré le plaignant ni parlé avec lui ce jour-là. Le plaignant a indiqué dans sa lettre de candidature qu'il possédait le certificat en question, mais celui-ci n'était pas joint aux autres documents.

25 Le 27 septembre 2010, le plaignant a été informé que sa candidature avait été éliminée du processus de nomination au moment de la présélection. M. Vautour a affirmé qu'il se rappelait que le plaignant s'était présenté au BPC quelques jours plus tard et avait indiqué qu'une copie de son certificat devait figurer dans les dossiers du personnel ou dans ceux du service des incendies. Des mesures avaient été prises afin que les dossiers en question soient vérifiés, mais aucune copie du certificat n'avait été trouvée. M. Vautour a informé le plaignant des résultats des recherches dans une lettre datée du 14 octobre 2010, dont voici un extrait :

Cheryl Bulmer, conseillère en rémunération, a consulté votre dossier personnel, et il n'y figure aucune copie d'un certificat pour une formation suivie en 1989, année à laquelle vous nous avez indiqué avoir suivi cette formation. Nous avons également vérifié auprès du service local des incendies, et aucun certificat du genre n'y figure non plus. En outre, le service des incendies a effectué une vérification auprès de l'école de formation de Borden, mais toujours en vain.

Au cours du processus de dotation, il revient aux candidats de fournir des preuves de leurs attestations d'études relativement à l'Énoncé des critères de mérite. Par conséquent, la décision d'éliminer votre candidature du processus de nomination est maintenue.

[traduction]

26 M. Vautour a déclaré qu'il avait vu le certificat du plaignant pour le cours 89-01 pour la toute première fois lors d'une rencontre tenue la première semaine de juillet 2011.

27 Josée Gauthier est l'adjointe en ressources humaines qui était chargée d'offrir un soutien administratif dans le cadre du processus de nomination pour le poste d'inspecteur des incendies (FR-02). Elle a travaillé en étroite collaboration avec M. Vautour, a siégé au comité d'évaluation au moment des entrevues et a effectué la vérification des références. Mme Gauthier s'est occupée du dossier de dotation et a donc recueilli les dossiers de candidature des cinq postulants, les a imprimés et agrafés, puis les a classés. Dans son témoignage, Mme Gauthier a confirmé n'avoir reçu du plaignant que le dossier de candidature qu'il avait envoyé par télécopieur. Le 10 septembre 2010, Mme Gauthier a quitté le bureau vers 15 h 30. Elle n'a pas vu le plaignant au bureau ce jour-là. Une fois sa journée de travail terminée, elle place les dossiers de dotation dans un classeur verrouillé, et tous les documents qu'elle reçoit sont placés dans son pigeonnier lorsqu'elle est absente. Mme Gauthier n'a jamais reçu de deuxième copie du dossier de candidature du plaignant, et M. Vautour ne lui a jamais mentionné avoir rencontré le plaignant ou avoir reçu d'autres documents de sa part. Mme Gauthier a remis le dossier de dotation à Eugene Mahoney, chef de la prévention des incendies à la BFC Gagetown, qui était le gestionnaire responsable du processus de nomination. M. Mahoney a examiné les cinq candidatures figurant dans le dossier de dotation et a effectué une présélection de celles-ci en fonction des qualifications en matière d'études et d'expérience. Les résultats ont été consignés dans un rapport du comité de présélection daté du 23 septembre 2010.

28 Mme Gauthier a envoyé au plaignant une lettre datée du 27 septembre 2010, afin de l'informer que sa candidature avait été éliminée du processus de nomination. Dans son témoignage, elle a affirmé qu'elle se rappelait que des efforts avaient ensuite été déployés pour trouver une copie du certificat mentionné dans le dossier de candidature du plaignant, mais que ces efforts étaient restés vains. Elle a mentionné qu'elle n'avait jamais vu le certificat du plaignant pour le cours 89-01 avant le jour de l'audience.

29 M. Mahoney était président du comité d'évaluation pour le processus de nomination visant à doter le poste d'inspecteur des incendies (FR-02). C'est lui qui a établi les critères de mérite, qui a choisi le type de processus et qui a effectué la présélection des candidatures reçues. M. Vautour et Mme Gauthier lui ont prêté assistance à titre de membres du comité d'évaluation lors des entrevues. Lorsque Mme Gauthier a remis le dossier de dotation à M. Mahoney afin qu'il puisse examiner les candidatures, le dossier ne contenait qu'un seul document relatif au plaignant, à savoir le dossier de candidature original que celui-ci avait soumis par télécopieur. M. Mahoney a affirmé avoir vu pour la première fois le certificat du plaignant pour le cours 89-01 lors d'une rencontre en juillet 2011, c'est-à-dire bien après la clôture du processus d'évaluation.

30 Deux versions des faits s'opposent en ce qui concerne le moment auquel le plaignant a soumis son certificat. Le plaignant affirme en avoir fourni une copie lors de sa visite au BPC le 10 septembre 2010, date limite pour la présentation des candidatures, tandis que l'intimé soutient que le plaignant a présenté son certificat de formation dix mois plus tard, plus précisément lors d'une rencontre tenue en juillet 2011.

31 Étant donné les éléments de preuve contradictoires, le Tribunal doit évaluer la crédibilité de chacune de ces versions des faits et déterminer laquelle il retiendra. Lorsque la crédibilité est en cause, le critère à appliquer est bien établi. En effet, le Tribunal doit déterminer, selon la prépondérance des probabilités, quelle version une personne informée et douée de sens pratique reconnaîtrait d'emblée comme raisonnable dans les circonstances. Voir la décision Faryna c. Chorny, [1952] 2 D.L.R. 354 (C.A. C.-B.), à la page 357, et la décision Glasgow c. Sous-ministre de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, 2008 TDFP 0007, paras. 45 et 46.

32 Pour les motifs énoncés ci-après, le Tribunal conclut que les témoignages et les éléments de preuve documentaires présentés n'appuient pas l'affirmation du plaignant selon laquelle il s'est rendu au BPC de la BFC Gagetown le vendredi 10 septembre 2010 pour soumettre une deuxième copie de son dossier de candidature ainsi qu'une copie de son certificat de formation.

33 M. Vautour a présenté un témoignage convaincant, affirmant qu'il a congé tous les vendredis en raison de son horaire de travail comprimé et qu'il ne se rend au bureau le vendredi qu'en de très rares occasions. Plus précisément, M. Vautour a affirmé qu'il se rappelait qu'il n'était pas au bureau le vendredi 10 septembre 2010, mais que le plaignant s'y était rendu quelques jours plus tard et avait mentionné qu'une copie de son certificat se trouvait peut-être dans les dossiers du personnel ou dans ceux du service des incendies. Une personne informée et douée de sens pratique constaterait que la version des faits de M. Vautour est conforme au contenu de la correspondance échangée au moment des faits, notamment les lettres du 27 septembre 2010 et du 14 octobre 2010, dans lesquelles sont résumés les principaux efforts déployés pour trouver le certificat de formation du plaignant. En outre, l'intimé n'aurait sans doute pas déployé d'importants efforts pour trouver le certificat, notamment par des recherches dans les dossiers du personnel, ceux du service local des incendies et ceux de l'école de formation de Borden, s'il avait déjà eu le certificat en sa possession. Selon le témoignage de deux personnes qui ont traité le dossier de dotation, à savoir Mme Gauthier et M. Mahoney, celui-ci ne contenait ni la deuxième copie du dossier de candidature du plaignant, ni le certificat de formation. Enfin, M. Vautour et M. Mahoney ont tous deux affirmé qu'ils n'avaient vu ce certificat que lors d'une rencontre tenue en juillet 2011, dix mois après la date limite de réception des candidatures, et Mme Gauthier a déclaré n'avoir jamais vu de copie du certificat de formation du plaignant avant le jour de l'audience.

34 Selon le Tribunal, une personne informée et douée de sens pratique conclurait, selon la prépondérance des probabilités, que le plaignant n'a pas fourni de copie de son certificat de formation au moment de présenter sa candidature pour le poste d'inspecteur des incendies (FR-02) et qu'il y a simplement fait référence dans sa lettre de candidature. Une telle personne conclurait également que les efforts déployés pour trouver une copie de ce certificat sont restés vains et que le plaignant a fourni une copie du certificat beaucoup plus tard, une fois le processus de nomination terminé.

35 Dans ses décisions antérieures, le Tribunal a toujours établi qu'il incombe au candidat de s'assurer que son dossier de candidature est complet et de démontrer qu'il possède les qualifications essentielles en y incluant tous les renseignements nécessaires. Voir les décisions Charter c. Sous-ministre de la Défense nationale, 2007 TDFP 0048, para. 37; et Henry c. Administrateur général de Service Canada, 2008 TDFP 0010, para. 56.

36 Pour tous les motifs susmentionnés, le Tribunal conclut que l'intimé n'a pas abusé de son pouvoir lorsqu'il a décidé d'éliminer la candidature du plaignant pour avoir omis de démontrer qu'il possédait l'accréditation de formation requise.

Question III :  L'intimé a-t-il abusé de son pouvoir dans l'application du mérite par un traitement de faveur pour la personne nommée?

37 Selon le plaignant, l'intimé a fait preuve de favoritisme personnel à l'endroit de la personne nommée et lui a réservé un traitement préférentiel à deux occasions. D'abord, l'intimé a refusé d'alléger les tâches du plaignant dans un contexte où celui-ci s'était blessé, alors qu'il avait accepté de le faire pour la personne nommée pendant sa grossesse. Ensuite, la personne nommée a profité d'un traitement de faveur parce que M. Mahoney a été son instructeur et l'a évaluée au service des incendies lors d'un cours de formation antérieur.

38 En ce qui concerne la première situation, le plaignant a expliqué qu'il s'était absenté du travail pendant 17 mois, soit de décembre 2009 à avril 2011, parce qu'il s'était blessé au bas du dos. Selon le plaignant, au milieu de son congé et avant la tenue du processus de nomination en cause, un conseiller en sécurité au travail du Nouveau-Brunswick a demandé à l'intimé de le nommer à un poste d'inspecteur des incendies (FR-02) parce qu'il s'agit d'un poste moins exigeant. Les fonctions associées au poste FR-02 incluent du travail de bureau, tandis que celles qui sont associées au poste FR-01 comprennent surtout des tâches physiques, comme grimper à des échelles, transporter des gens et de l'équipement, monter à bord de camions de pompier et en redescendre. À ce moment-là, l'intimé avait aussi refusé de lui confier des tâches allégées dans la centrale d'alarme du service des incendies où travaillaient des commissionnaires. M. Mahoney a affirmé que ces événements s'étaient déroulés avant la tenue du processus de nomination et n'avaient aucun lien avec son évaluation de l'un ou l'autre des candidats.

39 En ce qui concerne l'allégation du plaignant selon laquelle la personne nommée a bénéficié d'un traitement de faveur en recevant du tutorat, M. Mahoney a confirmé qu'il avait effectivement évalué la condition physique des candidats dans le processus FR-01 à l'issue duquel la personne nommée avait été embauchée à l'origine, en 2007. Chaque pompier de niveau FR-01 doit répondre à des exigences précises en matière de formation. M. Mahoney s'est remémoré un exercice qu'il avait supervisé il y a plusieurs années; dans le cadre de cet exercice, la personne nommée devait démontrer qu'elle était capable de réinitialiser un tableau d'alarme-incendie et quelques personnes (dont la personne nommée) devaient interroger un inspecteur des incendies (FR-02). M. Mahoney a affirmé n'entretenir aucun lien personnel et n'avoir aucun contact social avec la personne nommée à l'extérieur du travail. Il a ajouté que le plaignant et lui avaient travaillé selon le même quart et au sein de la même équipe pendant de nombreuses années, et qu'ils avaient toujours entretenu une bonne relation de travail.

40 L'« abus de pouvoir » n'est pas défini dans la LEFP, mais l'article 2(4) précise ce qui suit : « Il est entendu que, pour l'application de la présente loi, on entend notamment par "abus de pouvoir" la mauvaise foi et le favoritisme personnel. » Le Tribunal a fait remarquer ce qui suit dans la décision Glasgow, para. 41 :

[…] La sélection ne doit jamais être teintée de favoritisme personnel. Des intérêts personnels indus, comme une relation personnelle entre la personne chargée de la sélection et la personne nommée, ne devraient jamais constituer le motif d'une nomination. De la même façon, la sélection d'une personne à titre de faveur personnelle ou pour obtenir la faveur de quelqu'un serait un autre exemple de favoritisme personnel.

41 Le plaignant n'a pas démontré l'existence d'une quelconque relation personnelle entre M. Mahoney et la personne nommée. D'après le Tribunal, les exemples que le plaignant a présentés sont typiques de toute relation professionnelle normale susceptible d'exister dans un contexte de formation en milieu de travail. Pour ce qui est de la formation et de l'avancement professionnel, le plaignant n'a présenté aucun élément de preuve démontrant que M. Mahoney avait traité la personne nommée différemment des autres pompiers. Le fait qu'un gestionnaire offre du tutorat à un employé durant des exercices de formation ne peut être interprété en soi comme une preuve de favoritisme personnel de la part de ce gestionnaire à l'endroit de l'employé en question. Le plaignant a aussi fait référence à des mesures d'accommodement, mais il s'agit d'une situation qui s'est produite avant le début du processus de nomination. Le plaignant n'a pas démontré en quoi cette situation avait un lien avec la façon dont l'intimé l'avait traité ou avait traité la personne nommée lors de la présélection des candidatures ou l'évaluation des candidats dans le processus de nomination en cause. Par conséquent, le Tribunal conclut que le plaignant n'a pas démontré qu'il y avait eu favoritisme personnel.

42 Pour les motifs énoncés ci-dessus, le Tribunal juge non fondée l'allégation de favoritisme personnel ou de traitement préférentiel formulée par le plaignant.

Question IV :  L'intimé a-t-il abusé de son pouvoir dans l'application du mérite par la nomination d'un candidat qui ne possédait pas les qualifications essentielles?

43 Le plaignant soutient que l'intimé a abusé de son pouvoir en nommant une candidate qui ne possédait pas les qualifications essentielles pour le poste. Selon lui, la personne nommée n'avait pas suivi les deux cours de formation à l'intention des inspecteurs des incendies (niveaux I et II) et ne possédait pas la qualification essentielle suivante : « Capacité d'appliquer les codes et les normes associés au génie de protection contre les incendies lors de l'examen de devis et de dessins ayant trait à des travaux de construction ou de rénovation de l'infrastructure ».

44 En ce qui concerne les cours de formation, le Tribunal a déjà établi que la décision de l'intimé d'inclure une accréditation d'inspecteur des incendies de niveau I dans les qualifications essentielles pour le poste d'inspecteur des incendies (FR-02) est conforme à la FMD 1004, laquelle précise la formation et l'expérience requises des pompiers en vue de leur avancement professionnel au sein du MDN. Le fait que la personne nommée possédait une accréditation d'inspecteur des incendies de niveau I de la NFPA au moment où elle a présenté sa candidature n'est nullement contesté. Le Tribunal est donc convaincu que l'intimé a démontré que la personne nommée possédait cette qualification essentielle.

45 Un examen écrit de deux heures a été administré afin d'évaluer la capacité des candidats d'appliquer les codes et les normes associés au génie de protection contre les incendies lors de l'examen de devis et de dessins ayant trait à des travaux de construction ou de rénovation de l'infrastructure. À titre de chef de la prévention des incendies, M. Mahoney a rédigé les questions d'examen et a choisi le modèle à utiliser pour l'exercice. Dans son témoignage, M. Mahoney a expliqué que, pour effectuer l'examen, les candidats se sont vu remettre plusieurs codes, notamment le Code national du bâtiment du Canada, le Code national de prévention des incendies du Canada, les codes et les normes de la National Fire Protection Association, le Natural Gas and Propane Code, le Code canadien de l'électricité et les normes de l'Underwriters' Laboratory of Canada. Au cours de l'examen, les candidats devaient répondre à dix questions en fournissant la référence appropriée; chaque question valait deux points. La note de passage était de 12/20, et la personne nommée a obtenu une note de 16/20.

46 Dans la décision Jolin c. Administrateur général de Service Canada, 2007 TDFP 0011, para. 77, le Tribunal a établi ce qui suit :

L'article 36 de la LEFP prévoit que l'administrateur général peut avoir recours à toute méthode d'évaluation indiquée dans un processus de nomination interne. Pour que le Tribunal considère qu'il y ait [sic] abus de pouvoir dans le choix des méthodes d'évaluation, la plaignante doit démontrer que le résultat est inéquitable et que les méthodes d'évaluation sont déraisonnables et ne peuvent évaluer les qualifications prévues à l'énoncé des critères de mérite, qui n'ont aucun lien avec ceux-ci ou qu'elles sont discriminatoires.

47 Le plaignant n'a pas établi que l'intimé avait abusé de son pouvoir en utilisant un examen écrit pour évaluer la qualification susmentionnée. Il n'a présenté aucun élément de preuve qui démontre que l'outil d'évaluation ne permettait pas d'évaluer adéquatement la qualification en question ou qu'il a donné lieu à une évaluation inappropriée.

48 À la lumière des éléments de preuve présentés par les parties, le Tribunal conclut que le plaignant n'a pas démontré, selon la prépondérance des probabilités, que la candidate nommée par l'intimé ne possédait pas les qualifications essentielles pour le poste d'inspecteur des incendies (FR-02).

Question V :  L'intimé a-t-il abusé de son pouvoir dans la composition du comité d'évaluation qui comportait une personne non qualifiée?

49 Le plaignant soutient que le président du comité d'évaluation, M. Mahoney, ne possédait pas les compétences nécessaires en matière de prévention des incendies pour évaluer les qualifications des candidats, car sa nomination au poste de chef de la prévention des incendies découlait d'un processus de nomination interne non annoncé.

50 Pour appuyer son allégation, le plaignant a présenté la notification de nomination ou de proposition de nomination publiée en mars 2008. Le plaignant a aussi fait remarquer que M. Mahoney n'avait jamais suivi le cours NQ 5, mais qu'il avait plutôt suivi le cours NQ 6 destiné aux superviseurs.

51 Pour répondre au plaignant, M. Mahoney a décrit son expérience professionnelle. Il était pompier bénévole au moment où il a été embauché à titre de pompier (FR-01) en 1984. Il a obtenu un poste FR-02 au bureau des inspecteurs des incendies en 1989 ou en 1990, et a par la suite été promu au poste de chef de la prévention des incendies de la BFC Gagetown, aux groupe et niveau FR-03, en 2008. M. Mahoney a suivi plusieurs cours à l'école des pompiers, notamment les cours NQ 3, NQ 5 et NQ 6A. Pendant deux ans, il a également été vice-président et président du comité exécutif de l'Association des chefs de pompiers du Nouveau-Brunswick, une organisation qui élabore des lignes directrices concernant la formation et les tâches administratives liées à la lutte contre les incendies.

52 Le Tribunal conclut que le plaignant n'a pas démontré que M. Mahoney n'avait pas les compétences nécessaires pour siéger au comité d'évaluation. Au contraire, les éléments de preuve présentés démontrent que M. Mahoney était tout à fait qualifié pour présider le comité d'évaluation dans le processus de nomination en cause. Il importe peu que ce soit à l'issue d'un processus non annoncé que M. Mahoney ait été nommé chef de la prévention des incendies (FR-03).

Question VI :  L'intimé a-t-il abusé de son pouvoir par une attitude discriminatoire envers le plaignant?

53 Aux termes de l'article 80 de la LEFP, le Tribunal peut interpréter et appliquer la LCDP afin de déterminer si la plainte est fondée en vertu de l'article 77.

54 En l'espèce, le plaignant affirme avoir été victime de discrimination fondée sur la déficience et l'âge.

55 L'article 7 de la LCDP stipule que le fait de refuser d'employer ou de continuer d'employer un individu ou de le défavoriser en cours d'emploi par des moyens directs ou indirects constitue un acte discriminatoire, s'il est fondé sur un motif de distinction illicite. L'article 3 de la LCDP énumère les motifs de distinction illicite, lesquels comprennent la déficience et l'âge.

56 Lorsqu'il est question des droits de la personne, il incombe au plaignant d'établir une preuve prima facie de discrimination. Dans la décision Ontario (Commission ontarienne des droits de la personne) c. Simpsons-Sears Ltd., [1985] 2 R.C.S. 536 (connue sous le nom de décision O'Malley), la Cour suprême du Canada a énoncé le critère permettant d'établir une preuve prima facie de discrimination :

28 […] Dans les instances devant un tribunal des droits de la personne, le plaignant doit faire une preuve suffisante jusqu'à preuve contraire qu'il y a discrimination. Dans ce contexte, la preuve suffisante jusqu'à preuve contraire est celle qui porte sur les allégations qui ont été faites et qui, si on leur ajoute foi, est complète et suffisante pour justifier un verdict en faveur de la plaignante, en l'absence de réplique de l'employeur intimé. […]

57 Pour établir une preuve prima facie, le plaignant a donc uniquement à prouver que la discrimination faisait partie des facteurs, même si ce n'était pas le principal ni même l'unique facteur, qui ont poussé l'intimé à éliminer sa candidature du processus de nomination. Voir la décision Holden c. Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (1990), 14 C.H.R.R. D/12 (C.A.F.), para. 7.

58 Le Tribunal doit déterminer si l'allégation de discrimination formulée par le plaignant, dans la mesure où elle s'avère fondée, justifie une conclusion en faveur de ce dernier, en l'absence de réponse de l'intimé. À cette étape de l'analyse, le Tribunal doit donc déterminer si une preuve prima facie de discrimination a été établie, sans prendre en compte les explications de l'intimé. Voir la décision Lincoln c. Bay Ferries Ltd., [2004] C.A.F. 204, A.C.F. no 941 (QL), para. 22.

59 Si le plaignant réussit à établir une preuve prima facie de discrimination, c'est alors à l'intimé qu'il revient de montrer que sa décision n'était pas discriminatoire en fournissant une explication raisonnable de sa décision d'éliminer la candidature du plaignant du processus de nomination.

a) Discrimination fondée sur la déficience

60 En ce qui concerne son état de santé, le plaignant soutient que l'intimé a refusé d'alléger ses tâches dans un contexte où il s'était blessé. Le fait que le plaignant se soit blessé au bas du dos et qu'il se soit absenté du travail pendant 17 mois, soit de décembre 2009 à avril 2011, n'est pas contesté. Dans son témoignage, le plaignant a précisé que, environ au milieu de son congé, un conseiller en sécurité au travail du Nouveau-Brunswick a demandé à l'intimé de prendre des mesures d'accommodement à son endroit en le nommant à un poste d'inspecteur des incendies (FR-02). Il est clair qu'il s'agit d'un poste moins exigeant puisque les tâches qui y sont associées sont principalement d'ordre administratif, tandis que le poste de pompier (FR-01) comporte des tâches plus physiques, comme grimper à des échelles, transporter des gens et de l'équipement, monter à bord de camions de pompier et en redescendre. À cette époque, l'intimé avait également refusé de confier au plaignant des tâches allégées dans la centrale d'alarme du service des incendies où travaillaient des commissionnaires.

61 La date de clôture du processus de nomination était fixée au 10 septembre 2010. Au moment où il a présenté sa candidature, le plaignant était en congé de maladie. Il a posé sa candidature pour le même poste que celui qui était visé par les mesures d'accommodement demandées antérieurement. M. Mahoney n'a pas nié le fait que de telles mesures aient déjà été demandées par le plaignant avant le début du processus de nomination en cause. De plus, les éléments de preuve présentés par le plaignant montrent que celui-ci a fourni une copie du certificat de formation démontrant qu'il répondait aux critères de présélection en matière d'accréditation au moment où il s'est rendu au BPC.

62 Le Tribunal estime que les éléments de preuve fournis par le plaignant, dans la mesure où l'on y ajoute foi, suffisent à établir une preuve prima facie de discrimination fondée sur la déficience.

63 Ainsi, il revient à l'intimé de montrer que sa décision n'était pas discriminatoire en fournissant une explication raisonnable de sa décision d'éliminer la candidature du plaignant du processus de nomination.

64 Pour les motifs qu'il a énoncés dans son analyse de la question 2, le Tribunal juge que l'intimé a fourni une explication raisonnable de sa décision d'éliminer la candidature du plaignant au moment de la présélection et a ainsi montré que sa décision n'était pas discriminatoire. Selon le Tribunal, l'intimé a décidé d'éliminer la candidature du plaignant parce que celui-ci avait omis de démontrer qu'il possédait l'accréditation nécessaire lorsqu'il a soumis sa candidature, et il s'agit là de la seule raison pour laquelle sa candidature a été éliminée à la présélection.

65 Le Tribunal conclut que, dans le processus de nomination en cause, l'intimé n'a pas démontré avoir été victime de discrimination fondée sur la déficience.

b) Discrimination fondée sur l'âge

66 Le plaignant, qui est âgé de 56 ans, affirme avoir été victime de discrimination en raison de son âge, car l'intimé souhaitait remplacer des employés âgés par d'autres, plus jeunes.

67 Dans la décision Filgueira c. Garfield Container Transport inc., 2005 TCDP 32, le Tribunal canadien des droits de la personne (TCDP) a conclu ce qui suit :

[41] La question qui demeure est la suivante : Le fait qu'un employé croit qu'une personne d'un groupe ethnique différent fait le même travail et reçoit un salaire plus élevé est-il suffisant pour établir une preuve prima facie de discrimination? Je pense qu'il doit y avoir quelque chose de plus. Il doit y avoir quelque chose dans la preuve, indépendamment de ce que le plaignant croit, qui confirme ses soupçons. Je ne dis pas que ce que croit un plaignant n'a aucune force probante. Cela dépend des circonstances. Toutefois, le fait de croire abstraitement qu'une personne fait l'objet de discrimination, sans qu'il existe un certain fait qui le confirme, n'est pas suffisant.

68 Quand elle a rejeté la requête en révision judiciaire, la Cour fédérale a conclu que la constatation du TCDP selon laquelle la preuve était si minimale qu'elle n'avait aucun effet juridique était appropriée au regard du critère de la preuve prima facie (2006 C.F. 785).

69 En l'espèce, l'allégation du plaignant selon laquelle il a été victime de discrimination en raison de son âge n'est pas suffisante pour en arriver à une conclusion en sa faveur. Le plaignant n'a fourni aucun élément de preuve pour étayer ses propos. Outre l'opinion personnelle du plaignant, il n'y a aucune preuve démontrant que l'âge a constitué un facteur dans la décision de l'intimé d'éliminer la candidature du plaignant à la présélection.

70 Le Tribunal conclut que le plaignant n'a pas établi une preuve prima facie de discrimination fondée sur l'âge.

Décision


71 Pour tous les motifs susmentionnés, la plainte est rejetée.


Maurice Gohier
Membre

Parties au dossier


Dossier du Tribunal :
2011-0046
Intitulé de la cause :
Stephen McAleer et le sous-ministre de la Défense nationale
Audience :
Les 6 et 7 mars 2012
Frédéricton (Nouveau-Brunswick)
Le 22 mars 2012
Ottawa (Ontario) (par téléconférence)
Date des motifs :
Le 22 mai 2012

COMPARUTIONS

Pour le plaignant :
Louis Bisson
Pour l'intimé :
Anne-Marie Duquette
Pour la Commission
de la fonction publique :
Marc Séguin (observations écrites)
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