Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le plaignant était placé dans un bassin de candidats. Il a déposé 15 plaintes par rapport à des nominations à partir de ce bassin. Les plaintes pour abus de pouvoir portaient sur trois allégations. Premièrement, il y aurait eu selon lui des irrégularités dans le processus de sélection des postulants à partir du bassin de candidats; deuxièmement, l’un des candidats n’aurait pas possédé les qualifications essentielles pour le poste; enfin, l’un des candidats aurait bénéficié d’un favoritisme personnel par la modification des exigences en matière de langues officielles. Décision Le Tribunal a tranché deux questions préliminaires. Il a accepté en preuve des documents exclus au moment de leur dépôt initial à l’audience; il a rejeté une requête visant à faire récuser un de ses membres. Le Tribunal a conclu que le plaignant n’avait pas réussi à établir la preuve d’un abus de pouvoir de la part de l’intimé. Celui-ci a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon raisonnable dans sa manière d’utiliser différentes méthodes pour sélectionner, à partir du bassin, des candidats possédant les qualifications essentielles. D’autre part, il a été déterminé que le candidat soi-disant non qualifié possédait bel et bien les qualifications essentielles en l’espèce. Enfin, il n’y avait aucune preuve démontrant qu’un quelconque favoritisme personnel avait compromis la décision de modifier les exigences en matière de langues officielles pour le poste auquel un candidat a été nommé. Plaintes rejetées.

Contenu de la décision

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Dossiers :
2010-0033, 0035, 0092, 0096, 0187-0189, 0253, 0310, 0453; 2009-0508, 0522, 0526, 0558, 0740
Rendue à :
Ottawa, le 15 juin 2012

PETER TATICEK
Plaignant
ET
LE PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA
Intimé
ET
AUTRES PARTIES

Affaire :
Plainte d’abus de pouvoir en vertu de l’article 77(1)a) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique
Décision :
Les plaintes sont rejetées
Décision rendue par :
Joanne B. Archibald, membre
Langue de la décision :
Anglais
Répertoriée :
Taticek c. le président de l’Agence des services frontaliers du Canada
Référence neutre :
2012 TDFP 0015

Motifs de la décision

Introduction

1 Le plaignant, Peter Taticek, a participé à un processus de nomination interne annoncé pour le poste de chef d’équipe TI/chef de projet (CS-03) (le poste CS-03) à l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC). Selon lui, le président de l’ASFC (l’intimé) a abusé de son pouvoir dans le processus d’évaluation. D’abord, le plaignant soutient qu’il y a eu des irrégularités lors de la sélection des candidats à partir du bassin de candidats CS‑03 (le bassin CS‑03). Ensuite, il affirme que l’un des candidats sélectionnés ne possédait pas les qualifications essentielles pour le poste. Enfin, il maintient que les exigences en matière de langues officielles d’un poste ont été modifiées pour permettre la nomination d’un candidat et qu’il s’agit là de favoritisme personnel.

2 L’intimé nie avoir abusé de son pouvoir dans le processus de nomination en cause. Il affirme que la sélection des candidats à partir du bassin CS‑03 n’a été entachée d’aucune irrégularité, qu’il n’a pas nommé une personne non qualifiée et que la modification des exigences en matière de langues officielles d’un poste découlait de motifs d’ordre opérationnel et n’avait pas pour but de favoriser personnellement un candidat.

3 La Commission de la fonction publique (CFP) n’était pas représentée à l’audience, mais elle a fourni des observations écrites concernant la loi et les lignes directrices applicables au choix du processus de nomination, à l’évaluation et à la sélection. La CFP ne s’est pas prononcée sur le bien-fondé des plaintes.

4 Après avoir examiné les éléments de preuve décrits ci‑après, le Tribunal de la dotation de la fonction publique (le Tribunal) conclut que le plaignant n’a pas réussi à démontrer que l’intimé a abusé de son pouvoir. Les plaintes sont donc rejetées. L’intimé a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon raisonnable dans sa manière d’utiliser différentes méthodes pour sélectionner, à partir du bassin, des candidats possédant les qualifications essentielles. De plus, il a été déterminé que le candidat soi‑disant non qualifié possédait bel et bien les qualifications essentielles. Enfin, il n’y avait aucune preuve démontrant qu’un quelconque favoritisme personnel avait compromis la décision de modifier les exigences en matière de langues officielles pour le poste auquel un candidat a été nommé.

Contexte

5 En 2008, l’ASFC a publié une annonce de possibilité d’emploi sur le site Web Publiservice pour un processus de nomination interne annoncé visant la dotation d’un poste CS-03. L’énoncé des critères de mérite précisait les qualifications essentielles et les qualifications constituant un atout pour le poste et indiquait ce qui suit : « Les candidats doivent démontrer sur leur demande comment ils possèdent les qualifications constituant un atout suivantes [sic], s’il y a lieu. » Les candidats dont l’évaluation permettait de déterminer qu’ils possédaient les qualifications essentielles étaient placés dans le bassin CS-03, ce qui a été le cas du plaignant. À mesure que des postes CS-03 devenaient vacants, des candidats issus du bassin étaient présentés en vue d’une prise en considération. Les gestionnaires pouvaient utiliser un formulaire de demande de présentation de candidatures pour la dotation d’un poste à la suite d’un processus annoncé (le formulaire de présentation de candidatures) afin de prendre en considération des candidatures issues du bassin CS-03.

6 Le plaignant a déposé 15 plaintes en vertu de l’article 77(1)a) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, arts. 12 et 13 (la LEFP) concernant le processus de nomination en cause. Les plaintes ont été jointes en l’espèce, conformément à l’article 8 du Règlement du Tribunal de la dotation de la fonction publique, DORS/2006-6, modifié par DORS/2011-116.

Questions préliminaires

7 Les paragraphes qui suivent portent sur deux questions préliminaires. La première concerne des documents qui ont d’abord été exclus lors de leur dépôt à l’audience et la deuxième, une demande de récusation du membre du Tribunal.

8 Pour les motifs énoncés ci-après, le Tribunal accepte en preuve les deux documents et rejette la demande de récusation du membre.

(i) Admissibilité des documents

9 Au moment de l’audition prévue de la plainte, le plaignant a voulu déposer deux documents. Le premier – un courriel de Marc Labelle, conseiller en ressources humaines à l’ASFC – portait sur la façon dont la candidature de L. Willmott, qui faisait partie du bassin CS-03, avait été présentée au gestionnaire d’embauche (le document Willmott). Le second document consistait en un échange de courriels entre le plaignant et C. Doyon, directrice par intérim, Division de l’équité en matière d’emploi et des langues officielles, ASFC, au sujet de la modification des exigences en matière de langues officielles pour le poste auquel E. Sousae a été nommé (le document Sousae).

10 À l’audience, les parties ne s’entendaient pas sur la question de savoir si ces deux documents avaient été échangés tel qu’il avait été prévu avant l’audience. Le Tribunal a décidé qu’il n’accepterait pas ces documents puisque rien n’indiquait que le plaignant les avait communiqués à l’intimé et qu’il serait préjudiciable de les accepter en preuve à ce stade.

11 Après l’audience, l’avocate de l’intimé a communiqué avec le Tribunal pour dire qu’elle avait commis une erreur et qu’en fait, l’intimé et la CFP avaient bel et bien reçu les documents du plaignant avant la tenue de l’audience.

12 Le 10 janvier 2012, le Tribunal a fait parvenir une lettre de directives aux parties pour les informer qu’il rouvrirait l’audience afin qu’elles puissent lui transmettre leurs observations concernant l’admissibilité des documents. À la demande des parties, le Tribunal a ensuite invité celles-ci à lui présenter des observations écrites.

13 Les observations du plaignant ne portaient ni sur la pertinence des documents, ni sur leur admissibilité. Le plaignant soutenait plutôt qu’une nouvelle audience devrait avoir lieu compte tenu de l’erreur de l’avocate de l’intimé. Il demandait aussi au membre du Tribunal de se récuser en raison de la décision initiale d’exclure les documents en question.

14 L’intimé a fait valoir que le document Willmott n’était pas pertinent en l’espèce, car la nomination de M. Willmott ne faisait l’objet d’aucune plainte. L’intimé a ajouté que le document Sousae n’était pas pertinent non plus, car à aucun moment le plaignant n’avait proposé de faire comparaître C. Doyon comme témoin. L’intimé a précisé que le plaignant ne répondait pas aux exigences établies au départ pour les langues officielles, soit bilingue impératif, et qu’il n’avait donc aucun intérêt personnel en ce qui a trait à la nomination au poste.

15 La CFP n’a pas pris position sur l’admissibilité des documents, mais a fait remarquer que les observations du plaignant n’indiquaient pas en quoi ces documents avaient un lien avec les allégations qu’il avait formulées.

16 L’article 99(1)d) de la LEFP permet au Tribunal d’accepter des éléments de preuve, qu’ils soient admissibles ou non en justice. Le document Willmott a un lien avec l’allégation du plaignant en ce qui concerne la méthode de sélection des candidats issus du bassin CS‑03. Le plaignant n’a pas fait valoir la pertinence du document et n’a pas insisté sur son admissibilité, mais, à première vue, le document concerne la sélection d’un candidat dans un bassin CS‑03.

17 Le Tribunal accepte également le document Sousae, car il concerne les exigences en matière de langues officielles pour le poste auquel M. Sousae a été nommé. Le plaignant, qui conteste cette nomination, a affirmé que la modification des exigences en matière de langues officielles pour le poste en question constituait un acte de favoritisme personnel.

(ii) Demande de récusation

18 Le plaignant a demandé « la tenue d’une nouvelle audience et l’affectation d’un nouvel arbitre pour l’instruction de l’affaire comme prévu, de façon équitable et impartiale » [traduction]. Selon le Tribunal, une telle requête revient à demander que le membre du Tribunal se récuse au motif qu’il aurait fait preuve de parti pris en acceptant les observations de l’avocate de l’intimé au sujet de l’admissibilité des documents contestés.

19 Par rapport à cette demande du plaignant, l’intimé a indiqué que le membre du Tribunal avait été saisi de l’affaire et qu’il n’y avait aucune raison qu’il se récuse. La CFP n’a pas pris position à cet égard.

20 Dans la décision Arthur c. Canada (Procureur général), 2001 CAF 223, para. 8, la Cour a déclaré ce qui suit :

[8] […] Une allégation de partialité, surtout la partialité actuelle [sic] et non simplement appréhendée, portée à l’encontre d’un tribunal, est une allégation sérieuse. Elle met en doute l’intégrité du tribunal et des membres qui ont participé à la décision attaquée. Elle ne peut être faite à la légère. Elle ne peut reposer sur de simples soupçons, de pures conjectures, des insinuations ou encore de simples impressions d’un demandeur ou de son procureur. Elle doit être étayée par des preuves concrètes qui font ressortir un comportement dérogatoire à la norme.

21 Dans la décision Murray c. Commission canadienne des droits de la personne, 2004 CF 1541, para. 22, la Cour a conclu ce qui suit : « Pour prouver l’existence d’un parti-pris [sic], il est nécessaire d’établir une preuve directe de partialité, comme une déclaration claire qui confirme celle-ci. » En l’espèce, il n’existe aucune preuve de parti pris de la part du membre du Tribunal.

22 Le critère de la crainte raisonnable de partialité est bien établi. Dans la décision Committee for Justice and Liberty c. Canada (Office national de l’énergie) [1978] 1 R.C.S. 369, p. 394, le juge de Grandpré, dissident, affirmait ce qui suit :

[…] la crainte de partialité doit être raisonnable et le fait d’une personne sensée et raisonnable qui se poserait elle-même la question et prendrait les renseignements nécessaires à ce sujet. Selon les termes de la Cour d’appel, ce critère consiste à se demander « à quelle conclusion en arriverait une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique. Croirait-elle que, selon toute vraisemblance, [le décideur], consciemment ou non, ne rendra pas une décision juste?

23 Le Tribunal doit se demander si une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pragmatique, conclurait que, selon toute vraisemblance, le membre du Tribunal ne rendrait pas une décision juste.

24 Le plaignant n’a pas démontré que la décision initiale du Tribunal avait été influencée par des considérations inappropriées. La décision initiale du Tribunal se basait sur les observations fournies par les parties à ce moment-là. L’avocate de l’intimé a communiqué avec le Tribunal une fois l’audience terminée pour l’informer que ses observations étaient fondées sur une erreur, et le Tribunal a ensuite rouvert le dossier, puis réexaminé et infirmé la décision initiale. Le membre du Tribunal n’a pas à se récuser parce que le plaignant conteste sa décision initiale. Selon le Tribunal, le plaignant n’a fourni aucun élément de preuve démontrant l’existence d’une crainte raisonnable de partialité. Le plaignant n’a pas non plus démontré que le membre du Tribunal, consciemment ou non, ne rendrait pas une décision équitable. Par conséquent, la demande est rejetée.

Questions en litige

25 Le Tribunal doit trancher les questions suivantes :

  1. L’intimé a-t-il abusé de son pouvoir dans la manière de sélectionner des candidats dans le bassin CS-03 en vue de leur présentation?
  2. L’intimé a-t-il abusé de son pouvoir par la nomination d’un candidat qui n’aurait pas possédé les qualifications essentielles pour le poste?
  3. L’intimé a-t-il abusé de son pouvoir par favoritisme personnel en modifiant les exigences en matière de langues officielles d’un poste CS-03 au profit d’un candidat?

Analyse

26 L’article 77(1)a) de la LEFP stipule ce qui suit :

Lorsque la Commission a fait une proposition de nomination ou une nomination dans le cadre d’un processus de nomination interne, la personne qui est dans la zone de recours visée au paragraphe (2) peut, selon les modalités et dans le délai fixés par règlement du Tribunal, présenter à celui-ci une plainte selon laquelle elle n’a pas été nommée ou fait l’objet d’une proposition de nomination pour l’une ou l’autre des raisons suivantes :

  1. abus de pouvoir de la part de la Commission ou de l’administrateur général dans l’exercice de leurs attributions respectives au titre du paragraphe 30(2);

27 L’abus de pouvoir n’est pas défini dans la LEFP, mais l’article 2(4) précise qu’il englobe la mauvaise foi et le favoritisme personnel.

Question I : L’intimé a-t-il abusé de son pouvoir dans la manière de sélectionner des candidats dans le bassin CS-03 en vue de leur présentation?

28 Le plaignant soutient que la méthode employée pour sélectionner des candidats dans le bassin CS-03 était inadéquate. Tel qu’il est indiqué précédemment, les gestionnaires devaient remplir un formulaire de présentation de candidatures pour que leur soient présentées des candidatures tirées du bassin CS-03. M. Labelle a examiné le formulaire et a expliqué qu’il se divisait en cinq sections. Les sections C, D et E permettaient au gestionnaire d’embauche d’inscrire les trois qualifications essentielles les plus importantes pour le poste à doter, de dresser la liste des qualifications constituant un atout qui seraient utilisées et d’indiquer le nombre de candidatures qui devaient lui être présentées. Selon M. Labelle, il est fréquent que l’ASFC mène des processus de dotation collective comme celui-ci et utilise ensuite un formulaire pour sélectionner des candidats dans le bassin en vue d’une prise en considération.

29 M. Labelle a ensuite décrit le processus entourant la sélection de candidats aux fins de présentation. Les candidats sont d’abord évalués en fonction des qualifications constituant un atout inscrites à la section D. Seuls les candidats ayant indiqué qu’ils les possèdent passent à l’étape suivante. Les candidats retenus font alors l’objet d’une présélection en fonction d’une méthode descendante, selon les notes qu’ils ont obtenues pour les qualifications essentielles indiquées comme les plus importantes à la section C. Des candidats sont ensuite présentés au gestionnaire d’embauche, lequel complète le processus d’évaluation et choisit celle ou celui qui sera nommé.

30 Le plaignant s’est dit préoccupé par le fait qu’un gestionnaire pourrait contourner l’utilisation du formulaire de présentation et obtenir que le candidat de son choix lui soit présenté en le demandant directement. Le plaignant a soumis le document Willmott pour prouver qu’une telle pratique avait cours. Le document Willmott montre clairement qu’un gestionnaire d’embauche a demandé que M. Willmott fasse partie des candidats qui lui seraient présentés, et ce, même si ce dernier n’avait pas été sélectionné au moment de l’application de la méthode descendante précisée dans le formulaire de présentation de candidatures. Cela dit, le document en question montre effectivement que M. Willmott a été sélectionné pour une nomination intérimaire après la présentation de sa candidature, mais aucune plainte n’a été formulée à l’encontre de sa nomination. Les préoccupations du plaignant portent exclusivement sur la méthode employée pour présenter la candidature de M. Willmott.

31 Selon le Tribunal, le plaignant n’a pas établi la preuve d’un abus de pouvoir dans l’utilisation de différentes méthodes pour sélectionner des candidats à partir du bassin CS‑03 en vue d’une prise en considération. Le Tribunal a déjà établi qu’aux termes de l’article 36 de la LEFP, les gestionnaires disposent d’un pouvoir discrétionnaire considérable dans la sélection et l’utilisation des méthodes d’évaluation pour déterminer si un candidat possède les qualifications établies pour un poste donné. (Voir Visca c. Sous-ministre de la Justice, 2007 TDFP 0024, para. 51.) Il n’a pas été démontré que l’utilisation du formulaire de présentation de candidatures était la seule méthode que les gestionnaires pouvaient utiliser s’ils souhaitaient que des candidatures leur soient présentées en vue d’une prise en considération. Le fait que la candidature de M. Willmott, qui faisait partie du bassin CS‑03, ait été présentée au gestionnaire à la demande de celui-ci plutôt que par la méthode décrite ci-dessus ne constitue pas en soi un abus de pouvoir.

Question II : L’intimé a-t-il abusé de son pouvoir par la nomination d’un candidat qui n’aurait pas possédé les qualifications essentielles pour le poste?

32 D’après le plaignant, Parveneh Hashemi ne possédait pas la qualification essentielle «leadership», parce qu’elle a reçu une note de 2 sur 10 pour la partie de l’entrevue qui portait sur l’évaluation du leadership. Toujours d’après le plaignant, Mme Hashemi n’aurait pas dû être inscrite dans le bassin et sa candidature n’aurait pas dû être présentée à un gestionnaire en vue d’une prise en considération.

33 Le président du comité d’évaluation, Greg Cameron, a abordé l’évaluation du leadership dans son témoignage. Il a précisé que le leadership était évalué au moyen de l’entrevue et de la vérification des références, qui comptaient respectivement pour 30 % et 70 %. Selon lui, un répondant qui décrit le rendement antérieur d’un candidat est un meilleur indicateur du leadership de cette personne qu’une réponse fournie par cette même personne à une question d’entrevue. Une note sur 10 était attribuée pour le leadership tant à l’entrevue qu’à la vérification des références, et la note de passage globale pour le leadership était de 60 %. M. Cameron a souligné que Mme Hashemi s’était vu accorder 2 points lors de l’entrevue et 8 points lors de la vérification des références. Après pondération de ces résultats, la note finale de Mme Hashemi était de 6,2 sur 10 (62 %), ce qui est supérieur à la note de passage. Le plaignant n’a pas remis en question l’explication fournie par M. Cameron.

34 Le Tribunal estime que la nomination de Mme Hashemi ne constituait pas un abus de pouvoir. L’évaluation du leadership ne repose pas uniquement sur la note obtenue à l’entrevue. Selon les éléments de preuve fournis par M. Cameron, lesquels n’ont pas été contestés, la note obtenue par Mme Hashemi dépassait la note de passage établie pour le leadership après la pondération de ses résultats au regard des deux outils d’évaluation. Sa nomination ne contrevient pas à l’article 30 de la LEFP, en vertu duquel les nominations doivent être fondées sur le mérite. Le Tribunal juge donc cette allégation non fondée.

Question III : L’intimé a-t-il abusé de son pouvoir par favoritisme personnel en modifiant les exigences en matière de langues officielles d’un poste CS-03 au profit d’un candidat?

35 M. Sousae a présenté sa candidature dans le cadre du processus de nomination en cause et a été nommé à un poste CS‑03. Selon le plaignant, l’intimé a modifié les exigences en matière de langues officielles pour le poste auquel M. Sousae a été nommé de façon à favoriser personnellement celui-ci.

36 Au moment de la nomination de M. Sousae, Diane Billey était directrice, Soutien aux produits commerciaux. Wilson Seto, le gestionnaire d’embauche de M. Sousae, relevait d’elle. Mme Billey a affirmé que M. Seto et elle avaient signé un formulaire afin que soient modifiées les exigences en matière de langues officielles du poste en question, car tous deux souhaitaient inscrire « anglais essentiel » plutôt que « bilingue impératif ». Selon Mme Billey, au moment de la demande, qu’elle a signée le 15 avril 2010, les exigences linguistiques de tous les postes relevant de ce poste CS‑03 étaient « anglais essentiel », et le titulaire ne devait pas être appelé à travailler directement avec le public. La modification a été approuvée sur la foi de cette justification.

37 M. Seto a précisé qu’il avait entrepris la dotation de ce poste CS-03 le 2 mars 2010. Il a expliqué qu’avant de demander que des candidatures tirées du bassin CS-03 lui soient présentées, il avait cherché à savoir comment s’y prendre pour modifier les exigences en matière de langues officielles, et il s’était fait dire d’attendre qu’une nomination soit effectuée. Selon M. Seto, le titulaire du poste CS‑03 serait appelé à avoir des contacts avec des clients commerciaux sans devoir offrir de services bilingues. Le titulaire n’offrirait pas non plus de services au public, à d’autres organismes ou à d’autres divisions de l’Agence.

38 M. Seto a choisi M. Sousae parmi les dix candidats tirés du bassin CS‑03 qui lui ont été présentés à la suite de sa demande. Avant la tenue des processus de présentation de candidatures et d’évaluation, M. Seto n’avait jamais travaillé avec M. Sousae et, s’il l’a choisi, c’est que M. Sousae se classait au premier rang parmi les candidats présentés. Une notification de nomination ou de proposition de nomination a été affichée pour M. Sousae le 19 mai 2010.

39 Le document Sousae concerne le profil linguistique du poste auquel M. Sousae a été nommé. Il s’agit de courriels que le plaignant a échangés avec différentes personnes du 19 mai au 13 septembre 2010. Le premier courriel est un message dans lequel Mme Billey offre au plaignant de le rencontrer pour discuter des critères ayant servi à sélectionner M. Sousae dans le bassin CS‑03. Le courriel de Mme Billey confirme que le profil linguistique du poste est « anglais ». Une autre communication importante a eu lieu le 12 août 2010. Dans une réponse adressée au plaignant, Mme Doyon précise qu’après avoir examiné les tâches associées au poste et déterminé que celui-ci ne comportait aucune fonction de supervision (d’employés bilingues), les exigences en matière de langues officielles pouvaient être modifiées pour passer de « bilingue » à « anglais essentiel ». Le plaignant a répondu qu’à sa connaissance, certains employés bénéficiant d’une prime de bilinguisme relevaient de ce poste. Le 13 septembre 2010, Mme Doyon a écrit au plaignant pour lui confirmer qu’il avait raison et que cet élément serait examiné de plus près à l’avenir.

40 Selon le Tribunal, le plaignant n’a pas réussi à démontrer que la décision de nommer M. Sousae était empreinte de favoritisme personnel. Dans la décision Glasgow c. Sous-ministre de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, 2008 TDFP 0007, le Tribunal explique que la sélection d’une personne en fonction de relations personnelles, à titre de faveur personnelle ou pour obtenir la faveur de quelqu’un d’autre, sont des exemples de favoritisme personnel. En l’espèce, le plaignant n’a présenté aucun élément de preuve appuyant son allégation selon laquelle la nomination de M. Sousae ou la modification des exigences en matière de langues officielles étaient entachées de favoritisme personnel. En outre, M. Seto a affirmé n’avoir jamais travaillé avec M. Sousae avant de le nommer, une affirmation qui n’a pas été contestée. M. Sousae a été sélectionné parce que c’est lui qui avait obtenu les notes les plus élevées parmi les dix candidats présentés. Par conséquent, le Tribunal juge non fondée l’allégation selon laquelle la nomination de M. Sousae était entachée de favoritisme personnel.

Décision

41 Pour les motifs énoncés ci-dessus, les plaintes sont rejetées.

Joanne B. Archibald
Membre

Parties au dossier


Dossiers du Tribunal :
2010-0033, 0035, 0092, 0096, 0187-0189, 0253, 0310, 0453; 2009-0508, 0522, 0526, 0558, 0740
Intitulé de la cause :
Peter Taticek et le président de l’Agence des services frontaliers du Canada
Audience :
Le 21 novembre 2011
Ottawa (Ontario)
(dernières observations écrites présentées le 22 mars 2012)
Date des motifs :
Le 15 juin 2012

COMPARUTIONS

Pour le plaignant :
Peter Taticek
Pour l'intimé :
Christine Langill
Neida Gonzalez
Alexandra Czyzowska
Pour la Commission
de la fonction publique :
John Unrau
(observations écrites)
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