Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Les plaignants ont déposé leurs plaintes au motif que l’intimé aurait abusé de son pouvoir dans l’application du mérite dans le cadre d’un processus de nomination annoncé. Les candidats convoqués en entrevue avaient été informés que, pour les besoins de l’évaluation, ils pouvaient consulter les définitions des compétences en leadership sur une page Web spécifique du Secrétariat du Conseil du Trésor. Outre ces définitions, la page Web en question dresse la liste des comportements efficaces ou des critères susceptibles de démontrer qu’une personne possède lesdites compétences à divers niveaux de direction. Les plaignants s’en sont servis pour se préparer à l’entrevue. Toutefois, l’intimé a évalué ces derniers sur la base de ses propres critères de compétences. Les plaignants ont donc fait valoir que l’intimé les avait induits en erreur. Par ailleurs, les plaignants ont formulé une autre allégation selon laquelle les critères d’évaluation seraient inadéquats et que les membres des sous-comités chargés des entrevues seraient incompétents, manqueraient de cohérence, et auraient évalué les qualifications des plaignants d’une manière incorrecte. Décision Le Tribunal a jugé que l’intimé n’avait pas induit les plaignants en erreur dans la mesure où il a seulement renvoyé les candidats à un site Web pour consulter les définitions des compétences en leadership. Il ne leur a pas demandé de se reporter aux comportements efficaces ni aux critères. Le Tribunal a conclu d’autre part que les éléments de preuve des plaignants n’étaient pas suffisants pour établir que les critères d’évaluation utilisés par l’intimé étaient inadéquats ou inappropriés pour les postes à doter. Les plaignants n’ont pas établi que les méthodes utilisées étaient inappropriées ni que leur application manquait de cohérence. Enfin, il n’a pas été démontré que les membres des sous-comités chargés des entrevues n’étaient pas en mesure d’évaluer les compétences en leadership des plaignants. Plaintes rejetées.

Contenu de la décision

Coat of Arms - Armoiries
Dossiers :
2011-0134, 2011-0156 et 2011-0158
Décision
rendue à :

Ottawa, le 16 octobre 2012

MARCUS DAVIES, KARRA-LEE GERRITS ET ROBERT BURLEY
Plaignants
ET
LE SOUS-MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU COMMERCE INTERNATIONAL DU CANADA
Intimé
ET
AUTRES PARTIES

Affaire :
Plaintes d’abus de pouvoir en vertu de l'article 77(1)a) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique
Décision :
Les plaintes sont rejetées
Décision rendue par :
Merri Beattie, membre
Langue de la décision :
Anglais
Répertoriée :
Davies c. le sous-ministre des Affaires étrangères et du Commerce international du Canada
Référence neutre :
2012 TDFP 0026

Motifs de décision


Introduction

1 Les plaignants, Marcus Davies, Karra-Lee Gerrits et Robert Burley, ont posé leur candidature dans un processus de nomination interne annoncé qui avait pour but de doter des postes d’agent du service extérieur aux groupe et niveau FS‑04 au sein du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international du Canada (MAECI). Les plaignants soutiennent que l’intimé, le sous-ministre du MAECI, a communiqué les critères d’évaluation aux candidats, mais les a ensuite changés sans les en informer. Ils ajoutent que certains des critères évalués n’étaient pas appropriés pour des postes FS‑04, et Mme Gerrits conteste les critères employés pour son évaluation. Selon les trois plaignants, les évaluations effectuées pour le processus de nomination en cause présenteraient des irrégularités.

2 MM. Davies et Burley mettent en doute l’expertise des membres du sous‑comité qui les ont rencontrés en entrevue, et Mme Gerrits estime préoccupant le fait que l’un des membres du sous‑comité ait participé à son entrevue par téléphone.

3 L’intimé affirme que les critères d’évaluation ont été établis en fonction des exigences des postes de groupe et niveau FS‑04 et ont servi de fondement à toutes les évaluations. Il nie avoir induit les candidats en erreur. Selon lui, les membres des sous‑comités chargés des entrevues possédaient les compétences nécessaires, comprenaient la méthode d’évaluation des questions d’entrevue et avaient fait preuve de cohérence dans l’application de la méthode retenue.

4 La Commission de la fonction publique (CFP) n’était pas représentée à l’audience. Elle a formulé des observations écrites concernant ses lignes directrices applicables, mais n’a pas pris position sur le bien-fondé des plaintes.

5 Pour les motifs énoncés ci‑après, les plaintes sont rejetées. Le Tribunal de la dotation de la fonction publique (le Tribunal) juge que les éléments de preuve ne démontrent pas que les critères d’évaluation étaient inadéquats, ni que l’intimé a induit les candidats en erreur au sujet des critères évalués. Il n’est pas démontré non plus que les membres des sous‑comités chargés des entrevues étaient incompétents, qu’ils manquaient de cohérence dans leur approche ou qu’ils ont évalué de façon inadéquate les qualifications des plaignants.

Contexte

6 Le processus de nomination en cause a été mené en trois étapes. Les qualifications relatives aux études et à l’expérience ont été évaluées à partir des demandes des candidats et plusieurs autres qualifications, d’après un examen écrit. Les plaignants ont passé avec succès les deux premières étapes du processus. Trois compétences clés en leadership ont été évaluées au cours d’une entrevue, et c’est à cette étape que la candidature des plaignants a été éliminée du processus.

7 Suite à la Notification de nomination ou de proposition de nomination en février 2011, les plaignants ont déposé des plaintes d’abus de pouvoir auprès du Tribunal en vertu de l’article 77(1)a) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, arts. 12 et 13 (LEFP).

Questions en litige

8 Le Tribunal doit trancher les questions suivantes :

  1. L’intimé a‑t‑il induit les plaignants en erreur au sujet des critères qui seraient évalués à l’entrevue?
  2. Les critères d’évaluation étaient‑ils appropriés pour les postes à doter?
  3. La méthode employée pour évaluer les compétences clés en leadership était‑elle appropriée et a‑t‑elle été appliquée de façon uniforme?
  4. Les membres des sous‑comités chargés des entrevues étaient‑ils à même d’évaluer les compétences clés en leadership des plaignants?

Analyse

Question I : L’intimé a‑t‑il induit les plaignants en erreur au sujet des critères qui seraient évalués à l’entrevue?

9 Les trois compétences clés en leadership qui ont été évaluées au cours de l’entrevue étaient la réflexion stratégique, l’engagement, et les valeurs et l’éthique. Ces compétences figuraient dans l’annonce de possibilité d’emploi, l’énoncé des critères de mérite et la convocation en entrevue envoyée par l’intimé. En l’espèce, les plaintes ne portent pas sur les compétences elles‑mêmes; l’allégation d’abus de pouvoir repose plutôt sur les critères ou les indicateurs utilisés pour évaluer chacune des compétences.

10 Dans la convocation en entrevue, les candidats étaient informés qu’ils « [...] pouvaient consulter la définition des compétences clés en leadership en suivant le lien ci‑après » [traduction], lien qui menait à l’adresse électronique du Profil des compétences clés en leadership (profil des CCL) du Secrétariat du Conseil du Trésor (SCT). Une copie du profil des CCL a été soumise en preuve avec le consentement des parties. Outre ces définitions, le profil des CCL précise les comportements efficaces ou les critères pouvant démontrer qu’une personne possède les compétences au niveau de sous‑ministre, de sous‑ministre adjoint, de directeur général, de directeur, de gestionnaire et de superviseur.

11 Nancy Guy, directrice, Dotation de poste permutant, a expliqué que les compétences définies dans le profil des CCL s’appliquent aux fonctions associées aux postes FS‑04; toutefois, aucun des niveaux pour lesquels le SCT a établi des critères ne correspond directement aux postes FS‑04. Elle a fait référence à une note dans le profil des CCL qui indique aux ministères qu’ils peuvent utiliser le profil tel quel ou l’adapter en fonction de leurs besoins particuliers. Pour le processus de nomination en cause, l’intimé a établi ses propres critères pour l’évaluation des compétences.

12 D’après les plaignants, l’intimé les a induits en erreur en leur disant de se préparer à l’aide du site Web du SCT, mais en omettant de leur faire savoir que les critères d’évaluation des compétences avaient été modifiés. Pour se préparer à l’entrevue, chacun des plaignants a consulté le site Web du SCT et a passé en revue les définitions des compétences. Les plaignants ont aussi étudié les critères qui figurent dans le profil des CCL. Seul M. Burley a demandé conseil aux responsables du processus de nomination. Il a envoyé un courriel à l’adresse électronique indiquée pour le processus FS‑04 afin de demander quel niveau serait évalué. Le message qu’il a reçu ne répondait pas directement à sa question, mais ne l’induisait pas en erreur non plus. Il lui a été conseillé de se préparer pour passer l’étape de l’entrevue, laquelle se rapporterait à des postes FS‑04. À l’instar de M. Davies, M. Burley a décidé d’étudier les critères du niveau de gestionnaire. Mme Gerrits a quant à elle étudié les critères applicables aux gestionnaires et aux directeurs.

13 Dans la décision Poirier c. le sous-ministre des Anciens Combattants, 2011 TDFP 0003, le Tribunal a conclu que la façon dont le plaignant avait interprété les instructions relatives aux demandes différait du sens prévu des instructions, mais qu’elle était raisonnable compte tenu du libellé de celles‑ci. Il a ajouté que l’ambiguïté des instructions constituait une erreur et que c’était l’un des facteurs permettant de conclure à l’abus de pouvoir.

14 Cela dit, les plaintes en l’espèce ne portent pas sur les instructions, mais plutôt sur un renvoi à des renseignements que les candidats avaient la possibilité d’utiliser. Selon le Tribunal, l’intimé a renvoyé les candidats aux définitions dans le profil des CCL, mais ne les a pas renvoyés aux comportements efficaces ni aux critères. Le profil des CCL ne comprend aucun comportement efficace pour les postes d’agents du service extérieur des groupe et niveau FS‑04, mais les plaignants ont décidé d’étudier les comportements efficaces dans le profil des CCL et chacun d’eux a choisi le niveau qu’il considérait approprié.

15 Les plaignants n’ont pas établi que l’intimé avait induit les candidats en erreur en ce qui concerne les critères d’évaluation pour les compétences clés en leadership.

16 M. Davies soutient également que les membres du comité d’évaluation ont eux‑mêmes été induits en erreur par le changement de critères. Il croit en effet que les membres du comité d’évaluation connaissaient bien les comportements efficaces figurant dans le profil des CCL ou que ces comportements leur avaient été communiqués. Toutefois, le Tribunal estime que cette position ne repose sur aucun fait. Les éléments de preuve montrent clairement que les membres du comité ont reçu pour chaque candidat un cahier d’évaluation contenant les critères établis par l’intimé pour les compétences à évaluer. Il s’agit là des seuls critères qui ont été remis aux membres du comité pour le processus de nomination en cause.

Question II : Les critères d’évaluation étaient‑ils appropriés pour les postes à doter?

17 Les plaignants affirment que certains des critères évalués en l’espèce conviennent à des postes de cadres de très haut niveau, mais non à des postes FS‑04. Les plaignants se sont référés au profil des CCL et au résumé des sources des indicateurs (résumé des sources) pour étayer leur position.

18 Comme son nom l’indique, le résumé des sources renferme la définition des trois compétences clés en leadership, énumère les indicateurs ou les critères d’évaluation pour chaque compétence et précise la source de chacun des critères. L’intimé a préparé ce document une fois le processus de nomination terminé afin de fournir de l’information aux candidats. Parmi les 27 critères figurant dans le résumé des sources, 19 étaient tirés du profil des CCL pour des postes du niveau de directeur, de gestionnaire et/ou de superviseur. La source des huit autres critères était indiquée comme étant « autre ».

19 M. Davies affirme que le fait de présenter le contexte d’un projet ou d’une initiative et d’en donner un aperçu clair et concis constitue un critère pour la réflexion stratégique qui n’est requis qu’au niveau de sous-ministre adjoint ou à un niveau supérieur, selon le profil des CCL. Il affirme également que dans le profil des CCL, la communication d’une vision, d’un but ou d’un objectif constitue un critère pour l’engagement, et non la réflexion stratégique.

20 D’après le Tribunal, ces deux critères se rapportent à la réflexion stratégique pour chacun des six niveaux du profil des CCL. Au niveau de gestionnaire, par exemple, il est indiqué que la personne doit être en mesure d’élaborer l’orientation de l’unité en se fondant sur une compréhension approfondie du domaine fonctionnel et d’assurer le suivi de l’évolution des priorités, ce qui, dans les deux cas, se rapporte au contexte. Quant à la nécessité de favoriser et d’incorporer des initiatives et des points de vue diversifiés et créatifs ainsi que de formuler des recommandations efficaces au niveau de la gestion, elle englobe la communication d’une vision, d’un but ou d’un objectif.

21 D’autre part, M. Davies n’a pas démontré que ces deux critères n’avaient aucun rapport avec la réflexion stratégique au niveau FS‑04.

22 Mme Gerrits soutient qu’il n’était pas raisonnable de la part des membres du comité d’évaluation de s’attendre à ce qu’elle démontre une réflexion stratégique au niveau de directeur général lors de son entrevue. Selon elle, les postes du niveau de gestionnaire et de directeur dans le profil des CCL nécessitent que leurs titulaires fournissent de la rétroaction à un superviseur immédiat.

23 Les articles 47 et 48 de la LEFP permettent aux candidats d’obtenir une rétroaction au sujet du processus de nomination et de leurs résultats à celui‑ci. Mme Gerrits a indiqué que lors de sa discussion informelle avec Luc Santerre, directeur, Relations commerciales avec l’Asie du Sud, l’Asie du Sud‑Est, l’Australie, la Nouvelle‑Zélande et le Pacifique, ce dernier lui a dit qu’elle n’avait pas démontré avoir fourni une orientation stratégique à des cadres supérieurs de l’administration centrale dans son exemple pour la réflexion stratégique. Comme un cadre supérieur de l’administration centrale serait un sous-ministre adjoint, Mme Gerrits a conclu que le critère utilisé pour l’évaluation concernait les postes du niveau de directeur général.

24 M. Santerre était membre du sous‑comité chargé de l’évaluation de Mme Gerrits. Il a expliqué que Mme Gerrits avait décrit sa participation aux activités d’un groupe de travail sur l’énergie dont la création découlait d’un engagement entre le premier ministre du Canada et le président du Mexique. Il a ajouté que Mme Gerrits avait mentionné que certains experts s’opposaient à l’initiative, mais avait omis d’expliquer pourquoi ou comment cette résistance s’était manifestée. Mme Gerrits avait aussi omis de préciser si les cadres supérieurs du MAECI, les organismes centraux, le Bureau du Conseil privé ou le Cabinet du premier ministre avaient été informés de la situation ou avaient participé aux efforts visant à convaincre ces experts.

25 L’évaluation du critère relatif à la réflexion stratégique exigeait des candidats qu’ils sachent communiquer, intégrer de l’information issue de différentes sources, chercher des précisions et formuler des recommandations, mais le niveau auquel ces activités devaient être réalisées n’était pas précisé. À la lumière des critères établis et du témoignage de M. Santerre, le Tribunal conclut que les personnes qui ont évalué Mme Gerrits ne s’attendaient pas à ce qu’elle exerce des fonctions à un niveau donné, mais plutôt qu’elle démontre qu’elle avait réalisé des activités au niveau approprié, selon l’exemple choisi.

26 Mme Guy a expliqué que les postes FS‑04 sont notamment occupés par des gestionnaires de projet travaillant généralement à l’étranger, des directeurs adjoints qui travaillent surtout à l’administration centrale, et des experts. Elle a ajouté que les membres de la collectivité du service extérieur, et les titulaires de postes FS‑04 en particulier, doivent répondre à des exigences précises, et qu’aucun ensemble de critères du profil des CCL ne correspond au large éventail des fonctions d’un employé FS‑04. Mme Guy a également expliqué que les critères choisis pour le processus en cause avaient été tirés du profil des CCL, puis modifiés en fonction des descriptions de travail des postes FS‑04. Les critères proposés et les questions d’entrevue provisoires ont par la suite été envoyés aux gestionnaires qui comprennent bien le travail associé aux postes FS‑04. Enfin, des employés FS‑04 actuels ont été conviés à des simulations d’entrevue, et tant les questions que les critères ont été établis de façon définitive. Dans le résumé des sources, les critères pour lesquels il est indiqué que la source est « autre » ont été établis au moyen de cette procédure.

27 Le Tribunal conclut que les éléments de preuve des plaignants ne permettent pas d’établir que les critères d’évaluation étaient inadéquats ou inappropriés pour les postes FS‑04 à doter.

Question III : La méthode employée pour évaluer les compétences clés en leadership était-elle appropriée et a-t-elle été appliquée de façon uniforme?

28 Dans le processus de nomination en cause, l’intimé a décidé que chaque question d’entrevue ne serait utilisée que pour évaluer une seule compétence. Selon les plaignants, l’intimé n’a pas respecté la valeur qu’est la transparence en omettant d’informer les candidats de la méthode retenue. Toujours selon eux, il s’agit d’une méthode rigide qui n’a pas été appliquée de façon uniforme pour tous les candidats.

29 Mme Gerrits affirme que l’une des questions d’entrevue favorisait les personnes possédant de l’expérience dans le domaine des politiques, et soutient avoir été évaluée au regard de critères ne faisant pas partie des critères établis. De plus, elle estime préoccupant le fait que l’un des membres du comité ait participé à son entrevue par téléphone. D’après M. Burley, l’échelle de cotation présentait des lacunes.

30 Avant l’entrevue, les trois questions ont été remises à chacun des candidats, qui disposaient alors de 20 minutes pour en prendre connaissance et se préparer. Les candidats ignoraient que chaque question ne servait à évaluer qu’une seule compétence et ne savaient pas non plus quelle question permettrait d’évaluer quelle compétence; il s’agit là d’un fait qui n’est pas contesté.

31 Dans leur témoignage, les plaignants ont parlé des compétences visées, selon eux, par chacune des questions. À la fin, ils ont tous conclu que chacune des questions permettrait d’évaluer les trois compétences, et ils ont préparé leurs réponses en conséquence.

32 Lors des discussions informelles ainsi que durant l’échange d’information entre l’intimé et les plaignants dans le cadre du processus de plainte auprès du Tribunal, les plaignants ont appris que chaque question ne servait à évaluer qu’une seule compétence. Au cours de ces échanges, les plaignants ont tous obtenu de l’information qui, selon eux, s’avère contradictoire en ce qui concerne la souplesse avec laquelle les personnes chargées de l’évaluation pouvaient appliquer la méthode retenue.

33 M. Burley a affirmé que M. Weichert lui avait dit que le sous‑comité d’évaluation ne cherchait à trouver des indicateurs d’une compétence donnée dans les réponses du candidat aux autres questions que lorsque celui‑ci avait répondu à la question relative à cette compétence sans satisfaire tout à fait aux critères. Mme Gerrits a affirmé qu’elle aussi s’était fait dire que les responsables de l’évaluation disposaient d’une telle marge de manœuvre, tandis que M. Davies a déclaré que Mme Guy lui avait dit qu’aucun sous‑comité d’évaluation n’utilisait les réponses globales des candidats à l’entrevue pour évaluer une compétence donnée.

34 Les plaignants soutiennent que la méthode d’évaluation était rigide et injuste, d’autant plus que les candidats n’étaient pas informés de la méthode employée. Selon eux, dans une entrevue visant à évaluer trois compétences, le moment où ces compétences sont démontrées ne devrait pas avoir d’importance. Ils estiment également que les instructions données aux membres des sous‑comités d’évaluation ne les empêchaient pas d’évaluer les compétences à partir de toutes les questions d’entrevue.

35 Mme Guy a déclaré que, dès le début, chaque question d’entrevue avait été conçue pour évaluer l’une des trois compétences. Elle a précisé qu’elle était convaincue que les membres du comité connaissaient la méthode d’évaluation. Mme Guy a expliqué qu’une fois les questions d’entrevue élaborées, des gestionnaires principaux du service extérieur les ont examinées et les ont testées à l’aide de simulations d’entrevues. Mme Guy a précisé que la plupart des membres du comité d’évaluation avaient aidé à élaborer et à tester les critères et les questions d’entrevue. En outre, les Ressources humaines ont organisé une séance d’information pour les responsables de l’évaluation et leur ont remis une trousse d’information avant les entrevues.

36 Néanmoins, les membres du comité d’évaluation ont rencontré Mme Guy après la première journée d’entrevues pour lui demander s’ils pouvaient tenir compte de la réponse d’un candidat à une autre question lorsqu’ils évaluaient une compétence donnée. Le même sujet a aussi fait l’objet de discussions parmi les différents sous‑comités d’évaluation.

37 Lors de la réunion, Mme Guy a confirmé l’instruction qui avait été donnée au départ aux membres du comité d’évaluation, c’est‑à‑dire que les candidats devaient démontrer une compétence donnée dans leur réponse à la question appropriée. Mme Guy a précisé que l’entrevue dans son ensemble était conçue pour évaluer si les candidats avaient démontré deux des compétences dans leur expérience de travail et s’ils étaient en mesure de démontrer la troisième compétence dans une mise en situation. Les candidats ne disposaient que de 20 minutes pour se préparer et de 30 minutes pour répondre aux questions, ce qui avait pour but de susciter des réponses plutôt spontanées, qui révélaient les pensées ou impressions immédiates des candidats. Toujours lors de la réunion, Mme Guy a dit aux membres du comité que des lacunes dans la réponse d’un candidat étaient un indicateur important de la mesure dans laquelle cette personne possédait la compétence visée, et qu’il fallait en tenir compte dans l’application de l’échelle de cotation. Mme Guy leur a également dit qu’en tant que cadres, ils devaient faire preuve de jugement. Si un candidat par ailleurs entièrement qualifié ne présentait qu’une lacune mineure dans une compétence qui avait été clairement démontrée à une autre question, les responsables de l’évaluation pouvaient utiliser leur jugement pour déterminer si le candidat possédait en fait cette compétence. Les responsables de l’évaluation ne pouvaient toutefois pas changer l’entrevue en outil d’évaluation global.

38 Le Tribunal a aussi entendu le témoignage à ce sujet d’un membre de chacun des sous‑comités chargés de l’évaluation des plaignants. M. Santerre faisait partie du sous‑comité responsable de l’évaluation de Mme Gerrits; Nadia Ahmad, directrice, Partenariats et opérations en Amérique du Nord, a participé à l’évaluation de M. Davies; Andreas Weichert, qui au moment du processus était directeur, Direction de la mesure du rendement et de la planification commerciale stratégique, faisait partie du sous‑comité chargé d’évaluer M. Burley.

39 Mme Ahmad a affirmé qu’elle savait que l’exercice du pouvoir discrétionnaire était justifié lorsqu’un candidat avait très bien démontré deux compétences et qu’il avait obtenu un résultat ne satisfaisant pas tout à fait aux critères pour la troisième. Pour revenir sur l’évaluation de M. Davies, elle a expliqué que ses résultats ne justifiaient pas l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire de la part de membres du comité d’évaluation puisqu’il n’avait pas démontré deux des trois compétences.

40 M. Weichert a affirmé que selon ce qu’il avait compris, si un candidat obtenait un résultat ne satisfaisant pas tout à fait aux critères pour une compétence, mais qu’il avait obtenu de très bons résultats par ailleurs, le sous‑comité devait exercer son pouvoir discrétionnaire afin de déterminer si le candidat avait démontré cette compétence dans sa réponse à une autre question. M. Weichert a précisé que le sous‑comité dont il faisait partie n’avait pas exercé un tel pouvoir discrétionnaire dans les entrevues qu’il avait réalisées. M. Weichert a indiqué que la réponse de M. Burley à la question relative à la réflexion stratégique était très solide, mais que ses réponses aux questions relatives à l’engagement ainsi qu’aux valeurs et à l’éthique étaient faibles. Selon lui, de tels résultats ne justifiaient pas l’exercice du pouvoir discrétionnaire conféré aux responsables de l’évaluation.

41 M. Santerre a déclaré qu’il avait une tendance naturelle à chercher ailleurs que dans la réponse à une question propre à une compétence donnée pour trouver des indicateurs de cette compétence, même si l’entrevue n’était pas conçue de telle sorte. Il a expliqué pourquoi la réponse de Mme Gerrits à la question relative à la réflexion stratégique lui avait valu la cote narrative « bon », mais non la cote « très bon », qui était requise pour satisfaire aux critères. Mme Gerrits satisfaisait aux critères pour l’engagement ainsi que pour les valeurs et l’éthique. M. Santerre a précisé que le sous‑comité avait examiné ses réponses aux deux autres questions et avait trouvé des éléments d’une réflexion stratégique, mais que ces éléments étaient insuffisants pour l’attribution d’une cote plus élevée pour cette compétence.

42 Le Tribunal estime que l’intimé s’est montré suffisamment clair au sujet des qualifications à évaluer dans le processus de nomination en cause. L’intimé a informé les candidats des qualifications qui seraient évaluées à l’entrevue (les trois compétences clés en leadership) et leur a donné accès aux définitions des compétences en question. Le Tribunal ne partage pas l’avis des plaignants en ce qui concerne la responsabilité qu’avait l’intimé d’informer les candidats des détails de la méthode employée pour évaluer les compétences clés en leadership. D’après le témoignage de Mme Guy, les entrevues étaient conçues de telle sorte que les candidats devaient fournir des réponses à la fois réfléchies et spontanées, qui témoignaient de la mesure dans laquelle ils possédaient réellement les compétences.

43 Les plaignants n’ont pas établi que cette méthode était inappropriée pour évaluer un candidat à un poste de groupe et niveau FS‑04. Le fait que les plaignants se soient trompés par rapport à l’objet des questions ne suffit pas à démontrer que la méthode employée par l’intimé était inadéquate.

44 Chacun des plaignants a précisé en quoi ses réponses satisfaisaient aux critères établis dans le profil des CCL, mais ces critères ne sont pas ceux qui ont été utilisés pour le processus de nomination en cause. Chacun des plaignants a aussi donné des exemples de la façon dont il a démontré une compétence dans le contexte global de l’entrevue. En outre, M. Davies a affirmé que lors de sa discussion informelle, Jeffrey Marder, l’un des membres du sous‑comité chargé de son entrevue, lui a affirmé qu’il avait abordé tous les points que le comité souhaitait trouver dans les réponses des candidats, mais qu’il ne l’avait pas fait aux questions appropriées. La méthode employée pour le processus de nomination en cause, toutefois, nécessitait des candidats qu’ils démontrent chacune des compétences dans leur réponse à la question appropriée. En outre, un membre du sous‑comité chargé de l’évaluation de chacun des plaignants a expliqué pourquoi l’usage de la souplesse n’était pas justifié en l’espèce.

45 Le comité d’évaluation était composé de cadres qui savaient que chacune des questions avait pour but d’évaluer l’une des trois compétences et qu’ils disposaient d’une certaine latitude pour exercer leur jugement dans l’évaluation des candidats. Les plaignants n’ont pas établi qu’il était inapproprié de permettre à des cadres supérieurs d’exercer leur jugement pour évaluer les candidats dans le processus de nomination en cause, et n’ont pas non plus démontré que les membres du comité d’évaluation n’avaient pas exercé leur jugement ou qu’ils l’avaient utilisé de façon inappropriée dans l’évaluation des candidats.

46 Mme Gerrits soutient que la question relative à la réflexion stratégique démontre un parti pris en faveur des activités liées aux politiques plutôt qu’aux activités liées aux missions commerciales. Selon elle, la plupart des exemples fournis dans cette question ne correspondent pas au travail au sein d’une mission commerciale, et encore moins dans le cadre d’une affectation à l’étranger. Elle a choisi d’utiliser un exemple d’une négociation bilatérale à laquelle elle avait participé étant donné que son expérience dans le domaine du commerce ne lui avait pas permis d’acquérir beaucoup d’expérience en matière de politiques. Mme Gerrits a affirmé que, lors de la discussion informelle qu’elle avait eue avec M. Santerre, celui‑ci lui avait dit que son exemple était particulier et difficile à évaluer.

47 M. Santerre a expliqué que les candidats ne devaient pas fournir un type d’exemple précis et que les questions d’entrevue étaient conçues pour évaluer les candidats possédant une expérience variée. Il a affirmé que certains candidats, dont Mme Gerrits, avaient choisi des exemples qui permettaient difficilement d’évaluer une compétence, mais a précisé que le sous‑comité responsable avait pris le temps nécessaire pour évaluer la réponse de Mme Gerrits en fonction de la définition et des critères associés à la réflexion stratégique.

48 Le Tribunal conclut que ni le témoignage de M. Santerre ni les preuves documentaires n’étayent l’affirmation de Mme Gerrits selon laquelle il y aurait eu un parti pris contre les activités liées aux missions commerciales dans le processus de nomination en cause. La question qui permettait d’évaluer la réflexion stratégique exigeait des candidats qu’ils décrivent un projet ou une initiative complexe qu’ils avaient élaborés ou dirigés à l’administration centrale ou à l’étranger. Dans la question, plusieurs types de projets et d’initiatives étaient donnés à titre d’exemples du type de travail que les candidats devaient décrire. Deux des exemples en question portaient précisément sur le travail de nature commerciale, tandis qu’un seul exemple portait sur les politiques.

49 Mme Gerrits affirme en outre que ses qualifications en matière de réflexion stratégique ont été évaluées à partir de critères qui ne se rapportent pas à cette compétence. Dans le formulaire de consensus sur l’entrevue la concernant, il est indiqué qu’elle n’a pas décrit de façon adéquate le contexte général et qu’il y avait une lacune dans le fil conducteur. Pour sa part, le Tribunal estime que ces commentaires concernent directement le premier critère relatif à la réflexion stratégique, « Fournit un contexte et présente le projet ou l’initiative de façon claire et concise » [traduction].

50 De plus, le Tribunal croit que le commentaire du sous‑comité d’évaluation selon lequel Mme Gerrits n’a pas abordé l’engagement du personnel dans sa réponse à la question sur les valeurs et l’éthique est lié au critère suivant : « Favorise un climat de transparence, de confiance et de respect à l’intérieur de l’unité » et « Façonne et préconise […] une unité de travail respectueuse »; il s’agit là de deux critères permettant d’évaluer les valeurs et l’éthique dans le processus de nomination en cause.

51 M. Davies affirme que l’échelle de cotation présente des lacunes parce que les définitions de « bien » et « très bien » se chevauchent. Les compétences clés en leadership ont été évaluées à partir d’une échelle narrative : supérieur, très bien, bien, faible et médiocre. Les responsables de l’évaluation se sont vus remettre une définition de chacune des cotes, lesquelles ont été soumises en preuve. Selon le Tribunal, les deux définitions en cause se distinguent l’une de l’autre. En outre, les trois membres du comité d’évaluation ont précisé au cours de leur témoignage qu’ils comprenaient bien l’échelle de cotation, qu’ils n’avaient eu aucune difficulté à l’utiliser et qu’ils l’avaient appliquée de façon uniforme tout au long des entrevues. Selon le Tribunal, rien ne prouve que l’échelle de cotation présente des lacunes.

52 Dans son témoignage, Mme Gerrits a affirmé qu’elle avait trouvé déconcertant de ne pas pouvoir établir de contact visuel avec l’un des membres du sous‑comité, qui avait participé à l’entrevue par téléphone.

53 Il peut parfois être nécessaire de mener une entrevue par téléphone. Le Tribunal croit qu’une partie importante du travail au MAECI est vraisemblablement réalisée par téléphone étant donné la nature même de l’organisation. Quoi qu’il en soit, deux membres du sous‑comité étaient présents avec Mme Gerrits dans la salle d’entrevue, et il n’a pas été démontré qu’il y a eu des problèmes avec la connexion téléphonique ou qu’il était difficile d’entendre ou de comprendre ce qui était dit. Aucun élément de preuve ne donne à penser qu’une telle façon de faire a nui à l’évaluation de Mme Gerrits d’une manière ou d’une autre.

54 En résumé, le Tribunal conclut que les plaignants n’ont pas démontré que la méthode d’évaluation choisie était inappropriée ni que les entrevues à partir desquelles les compétences clés en leadership ont été évaluées présentaient des irrégularités ou des incohérences.

Question IV : Les membres des sous-comités chargés des entrevues étaient‑ils à même d’évaluer les compétences clés en leadership des plaignants?

55 Le Tribunal a établi dans de nombreuses décisions que les responsables de l’évaluation devaient bien connaître le travail associé aux postes à doter. Voir, par exemple, la décision Sampert c. Sous‑ministre de la Défense nationale, 2008 TDFP 0009, para. 54. Le Tribunal estime qu’il n’a pas été démontré que les membres des sous‑comités chargés de l’évaluation dans le processus de nomination en cause n’étaient pas en mesure d’évaluer les compétences clés en leadership des plaignants.

56 M. Davies soutient qu’une personne possédant de l’expérience dans le domaine juridique aurait été mieux à même d’évaluer sa réponse à la première question d’entrevue. Or, M. Davies ignorait que Mme Ahmad, qui était membre du sous‑comité chargé de son entrevue, possède un doctorat en droit et une maîtrise en droit, et qu’elle est membre du Barreau du district de Columbia. Il n’a pas été démontré que Mme Ahmad ne connaissait pas suffisamment le travail associé aux postes FS‑04 pour évaluer les candidats à cet égard.

57 M. Burley a remis en question le rôle de Mme Guy dans son entrevue, étant donné qu’elle n’est ni agente du service extérieur ni cadre. Mme Guy a affirmé que des conseillers en ressources humaines assistaient aux entrevues afin de s’assurer que la méthode retenue était appliquée de façon uniforme, par exemple dans l’attribution du temps. Ces mêmes conseillers étaient également présents lorsque les membres des sous‑comités discutaient des entrevues des candidats pour en arriver à un consensus sur l’évaluation. Lors de ces discussions, les conseillers en ressources humaines s’assuraient de l’application uniforme des outils d’évaluation, mais ne participaient pas à l’évaluation des candidats. M. Santerre a précisé que des conseillers en ressources humaines avaient assisté à bon nombre d’entrevues à titre d’observateurs. Il a ajouté que ces conseillers prenaient parfois des notes, mais n’évaluaient pas les candidats.

58 Mme Guy a affirmé qu’elle prenait des notes durant les entrevues auxquelles elle assistait, notamment celle de M. Burley, et répondait aux questions des membres des sous‑comités lors des discussions ultérieures. Cela dit, c’étaient les membres des sous‑comités, et non elle, qui évaluaient les candidats. M. Weichert a confirmé que les membres de son sous‑comité demandaient parfois à Mme Guy de se reporter à ses notes durant les discussions en question, mais que celle‑ci n’intervenait pas dans l’évaluation des candidats.

59 Les plaignants n’ont pas établi la preuve d’un abus de pouvoir par rapport à la compétence des membres du comité d’évaluation dans le processus de nomination en cause.

Décision

60 Pour tous les motifs énoncés ci‑dessus, les plaintes sont rejetées.

Merri Beattie
Membre

Parties au dossier


Dossier du Tribunal :
2011-0134, 2011-0156 et 2011-0158
Intitulé de la cause :
Marcus Davies, Karra‑Lee Gerrits et Robert Burley et le sous‑ministre des Affaires étrangères et du Commerce international du Canada
Audience :
Les 1er et 2 mars, et les 19 et 20 juin 2012
Ottawa (Ontario)
Date des motifs :
Le 16 octobre 2012

COMPARUTIONS

Pour les plaignants :
Deborah Cooper, Association professionnelle des agents du Service extérieur
Pour l'intimé :
Joshua Alcock, avocat, ministère de la Justice
Pour la Commission
de la fonction publique :
Marc Séguin, avocat, ministère de la Justice
(observations écrites)
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