Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

D’après le plaignant, l’intimé aurait abusé de son pouvoir par la démonstration d’une attitude discriminatoire à son encontre en raison de sa race et de son origine nationale ou ethnique, par la non-application des exigences organisationnelles par rapport à une dotation équitable, et par la nomination de candidats qui ne remplissaient pas les exigences liées aux études. Décision Une preuve prima facie de discrimination a été établie à la lumière des éléments suivants : le plaignant possédait le niveau de scolarisation requis; sa candidature a été éliminée au motif de non-possession de cette qualification; un candidat a été nommé, qui possédait la même qualification mais sans le trait distinctif à l’origine de la plainte en l’espèce. Néanmoins, l’intimé a fourni une explication raisonnable qui consistait à démontrer avec succès que l’élimination de la candidature du plaignant était imputable au fait qu’il n’avait pas précisé correctement son niveau de scolarisation dans sa lettre d’accompagnement conformément aux instructions clairement indiquées dans l’annonce de possibilité d’emploi. Les gestionnaires d’embauche ont le pouvoir discrétionnaire d’appliquer comme bon leur semble les qualifications constituant un atout, les exigences opérationnelles et les besoins opérationnels. En l’espèce, le gestionnaire aurait tenu compte du besoin opérationnel si deux candidats avaient été jugés qualifiés de façon égale pour une nomination. L’annonce de possibilité d’emploi et l’énoncé des critères de mérite indiquaient clairement que le critère relatif aux besoins organisationnels ne serait pas nécessairement appliqué. La méthode utilisée n’était pas erronée. Enfin, le fait pour comité d’évaluation d’avoir pris des mesures additionnelles pour vérifier ce que les personnes nommées ont rapporté dans leurs lettres d’accompagnement par rapport aux qualifications liées aux études, ce fait n’établit pas l’existence d’une ambiguïté à cet égard, pas plus qu’il ne remet en question la conclusion du comité quant aux qualifications desdites personnes. Plaintes rejetées.

Contenu de la décision

Coat of Arms - Armoiries
Dossier :
2010-0730, 0733, 0734; 2011‑0118, 0119, 0239, 0362, 0363, 0986
Décision
rendue à :

Ottawa, le 28 mars 2012

PAUL ABI-MANSOUR
Plaignant
ET
LE SOUS-MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU COMMERCE INTERNATIONAL DU CANADA
Intimé
ET
AUTRES PARTIES

Affaire :
Plaintes d’abus de pouvoir en vertu de l’article 77(1)a) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique
Décision :
Les plaintes sont rejetées
Décision rendue par :
Joanne B. Archibald, membre
Langue de la décision :
Anglais
Répertoriée :
Abi-Mansour c. le sous-ministre des Affaires étrangères et du Commerce international du Canada
Référence neutre :
2012 TDFP 0008

Motifs de décision


Introduction


1 Le plaignant, Paul Abi-Mansour, a posé sa candidature dans un processus de nomination interne annoncé pour un poste en technologie de l'information (le poste CS-02) au sein du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international du Canada (MAECI) à Ottawa (Ontario). Le plaignant formule à l'encontre de l'intimé des allégations d'abus de pouvoir aux motifs que ce dernier aurait fait preuve de discrimination à son endroit en raison de sa race et/ou de son origine nationale ou ethnique lorsqu'il l'a jugé non qualifié; qu'il n'aurait pas appliqué le critère relatif aux besoins organisationnels et qu'il aurait nommé deux candidats qui ne remplissaient pas les exigences en matière d'études.

2 L'intimé nie ces allégations et affirme que la candidature du plaignant a été éliminée à la présélection parce que celui-ci ne répondait pas aux exigences en matière d'études. Le cas échéant, le critère relatif aux besoins organisationnels a été appliqué aux nominations effectuées. En outre, les deux personnes nommées remplissaient les exigences en matière d'études.

3 La Commission de la fonction publique (CFP) n'était pas représentée à l'audience, mais elle a fourni des observations écrites dans lesquelles il est notamment question des politiques et des lignes directrices de la CFP sur l'évaluation et la sélection ainsi que sur l'équité en matière d'emploi. La CFP ne s'est pas prononcée sur le bien-fondé des plaintes.

4 Pour les motifs décrits ci-après, les plaintes sont rejetées. Le Tribunal de la dotation de la fonction publique (le Tribunal) n'a relevé aucune preuve de discrimination dans la décision d'éliminer la candidature du plaignant du processus de nomination en cause. Le plaignant a établi une preuve prima facie de discrimination, mais l'intimé a fourni une explication raisonnable de sa décision de juger le plaignant non qualifié. Le Tribunal estime que l'intimé n'a pas abusé de son pouvoir dans l'application du critère relatif aux besoins organisationnels et qu'il n'y avait pas de preuve démontrant que les candidats nommés ne possédaient pas les qualifications nécessaires.

Contexte


5 L'intimé a fait paraître une annonce de possibilité d'emploi sur Publiservice pour un processus de nomination à des postes CS-02; la date limite des candidatures était le 15 janvier 2010. Le plaignant faisait partie des 332 postulants. D'après le rapport non-contesté – de présélection de l'intimé, 104 postulants ont indiqué dans leur dossier de candidature qu'ils étaient membres d'un « groupe désigné », aux termes de la Loi sur l'équité en matière d'emploi, L.C. 1995, ch. 44. Ces groupes comprennent les femmes, les Autochtones, les personnes handicapées et les membres des minorités visibles. En tout, 34 candidats ont indiqué faire partie d'un groupe de minorité visible, ce qui constitue 10,2 % de tous les candidats.

6 Les candidatures ont d'abord été présélectionnées en fonction des critères liés aux études et à l'expérience. La candidature du plaignant a été éliminée à ce moment-là parce que celui-ci ne remplissait pas les exigences en matière d'études. Après avoir été informé de la décision, le plaignant a soumis à l'intimé des copies de ses diplômes. La décision de présélection n'a toutefois pas été revue.

7 En tout, 29 candidats ont été jugés qualifiés à l'issue du processus d'évaluation. Le 30 novembre 2010, trois nominations ont été effectuées. Le 10 décembre 2010, le plaignant a déposé des plaintes en vertu de l'article 77 de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13. Neuf autres nominations ont été effectuées ultérieurement, et le plaignant a déposé des plaintes pour six d'entre elles. Les plaintes ont été jointes en l'espèce, conformément à l'article 8 du Règlement du Tribunal de la dotation de la fonction publique, DORS/2006-6, modifié par DORS/2011-116.

8 Conformément à l'article 78 de la LEFP, le plaignant a informé la Commission canadienne des droits de la personne (CCDP) de son intention de soulever une question liée à l'interprétation ou à l'application de la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. 1985, ch. H-6 (LCDP). Avant la tenue de l'audience, la CCDP a indiqué qu'elle ne serait pas présente et qu'elle ne formulerait aucune observation.

Questions en litige


9 Le Tribunal doit trancher les questions suivantes :

  1. L'intimé a-t-il abusé de son pouvoir en agissant de façon discriminatoire à l'égard du plaignant dans le processus de nomination en cause?
  2. L'intimé a-t-il abusé de son pouvoir par non-application des exigences organisationnelles?
  3. L'intimé a-t-il abusé de son pouvoir dans l'application des critères de mérite en nommant des candidats qui ne répondaient pas aux exigences en matière d'études?

Analyse


Question I :  L'intimé a-t-il abusé de son pouvoir en agissant de façon discriminatoire à l'égard du plaignant dans le processus de nomination en cause?

10 En vertu de l'article 80 de la LEFP, le Tribunal peut interpréter et appliquer la LCDP lorsqu'il détermine si la plainte est fondée au regard de l'article 77.

11 L'article 7 de la LCDP stipule qu'il est discriminatoire de refuser d'employer ou de continuer d'employer un individu et de le défavoriser en cours d'emploi, que ce soit par des moyens directs ou indirects, pour des motifs de distinction illicites. L'article 3 de la LCDP dresse la liste des motifs de distinction illicites, dont fait partie la race et l'origine nationale ou ethnique.

12 À l'audience, le plaignant a déclaré qu'il a quitté le Liban pour venir s'installer au Canada et qu'il est originaire du Moyen-Orient. Selon lui, l'intimé a éliminé sa candidature sur la base des études parce qu'il porte un nom à consonance moyen-orientale et que l'intimé ne voulait pas reconnaître ses diplômes étrangers. Le plaignant croit que l'intimé a fondé sa décision sur sa race et/ou son origine nationale ou ethnique.

13 Pour établir que l'intimé a fait preuve de discrimination à son endroit lors de l'examen de sa candidature, le plaignant doit d'abord établir une preuve prima facie (à première vue) de discrimination, comme l'a souligné la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Commission ontarienne des droits de la personne c. Simpsons Sears Ltd., [1985] 2 R.C.S. 536(« arrêt O'Malley »).

14 Du moment qu'il existe des raisons de croire en des allégations appuyées par une preuve prima facie, celle-ci est complète et suffisante pour justifier un verdict en faveur du plaignant, en l'absence d'une réplique de l'intimé. Lorsqu'une telle preuve est établie, il revient alors à l'intimé de réfuter les allégations ou de fournir une autre explication raisonnable. Le Tribunal ne peut prendre en considération la réponse de l'intimé avant que n'ait été établie une preuve prima facie de discrimination. Voir l'arrêt Lincoln c. Bay Ferries Ltd., [2004] C.A.F. 204, para. 22.

15 Pour qu'une plainte soit jugée fondée, il n'est pas nécessaire que les considérations liées à la discrimination soient le seul motif de la conduite reprochée. Le plaignant doit simplement démontrer que la discrimination est l'un des facteurs qui a motivé la décision de l'intimé. Voir la décision Holden c. Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (1991) 14 C.H.R.R. D/12 (C.A.F.), para. 7.

16 Plusieurs décisions servent à illustrer les éléments susceptibles d'établir une preuve prima facie de discrimination. Dans l'affaire Shakes c. Rex Pak Ltd., (1981) 3 C.H.R.R. D/1001, où il était question d'un employeur qui aurait refusé d'engager la plaignante, la Commission d'enquête de l'Ontario a précisé trois facteurs à prendre en compte :

  • le plaignant avait les qualifications pour l'emploi en cause;
  • le plaignant n'a pas été embauché;
  • une personne qui n'était pas plus qualifiée, mais qui n'avait pas le trait distinctif à l'origine de la plainte de discrimination, a obtenu le poste.

[traduction]

17 Si le critère appliqué dans la décision Shakes peut s'avérer utile, il ne doit pas être appliqué de façon rigide ou arbitraire pour chaque affaire comportant une allégation de discrimination dans un processus d'embauche. Il faut examiner les circonstances entourant chaque affaire afin de déterminer si le critère peut s'appliquer sous sa forme originale ou s'il doit plutôt être adapté au contexte. Voir, par exemple, la décision Shanga c. l'Office des terres et des eaux de la Vallée du Mackenzie, 2006 TCDP 9, para. 194 (dans l'arrêt 2007 CF 856, la Cour fédérale a réexaminé les mesures correctives seulement). En définitive, il faut déterminer si une preuve prima facie a été établie au sens de l'arrêt O'Malley. Voir l'arrêt Canada (Commission canadienne des droits de la personne) c. Canada (Procureur général), 2005 C.A.F. 154, paras. 25 à 30 (« arrêt Morris »).

18 En l'espèce, le Tribunal doit se pencher sur l'évaluation des qualifications relatives aux études et qui ont servi à la présélection des candidatures. Il s'agit là d'une seule des nombreuses étapes de l'évaluation des candidats dans le processus de nomination visant des postes CS‑02. Le fait de déterminer si un candidat possède les qualifications nécessaires sur le plan des études ne permet pas de déterminer s'il est bel et bien qualifié pour une nomination à un poste CS‑02. Par conséquent, le Tribunal considère que l'adaptation suivante du critère Shakes est appropriée en l'espèce pour établir une preuve prima facie :

  • le plaignant possède la qualification qui avait été établie pour le processus de nomination en cause;
  • la candidature du plaignant a été éliminée du processus parce qu'il a été établi que celui-ci ne possédait pas cette qualification;
  • il a été jugé qu'une personne qui n'était pas plus qualifiée, mais qui n'avait pas le trait distinctif à l'origine de la plainte de discrimination, possédait cette qualification.

Le plaignant a-t-il établi une preuve prima facie?

19 La candidature du plaignant a été éliminée du processus de nomination parce que celui-ci ne répondait pas aux exigences en matière d'études, à savoir deux années d'un programme acceptable d'études postsecondaires terminées avec succès en science informatique, en technologie de l'information, en gestion de l'information ou dans un autre domaine lié au poste (exigences en matière d'études).

20 Conformément à l'article 31(1) de la LEFP, le Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada, à titre d'employeur, se charge d'établir les normes de qualification pour le travail à accomplir au sein de la fonction publique. Pour ce qui est de la science informatique (groupe CS), les exigences minimales en matière d'études qui sont décrites dans la norme de qualification sont identiques à celles qui figurent dans l'annonce de possibilité d'emploi et l'énoncé des critères de mérite (ECM).

21 Le plaignant conteste la conclusion de l'intimé selon laquelle il ne répond pas aux exigences nécessaires en matière d'études. Pour appuyer ses propos, il a présenté des copies de quatre documents. Le premier, un relevé de notes de l'Université Laval, montre qu'il a été admis dans un programme appelé Diplôme de deuxième cycle en génie logiciel, qu'il a été admis au programme parce qu'il est titulaire d'un diplôme du Liban et qu'il a terminé trois cours à l'Université Laval. Le deuxième document est un certificat de l'Université Libanaise indiquant que le plaignant répond aux exigences du programme de maîtrise ès sciences de quatre ans en mathématiques appliquées (option :science informatique). Le troisième document est un relevé de notes de l'Université d'Ottawa dans lequel il était indiqué que le plaignant a obtenu un baccalauréat en enseignement. Le quatrième document, un certificat de qualification de l'Ordre des enseignantes et des enseignants de l'Ontario, confirme que le plaignant est titulaire des grades susmentionnés de l'Université Libanaise et de l'Université d'Ottawa et précise que ses qualifications en enseignement visent les cycles intermédiaires et supérieurs, la science informatique et les mathématiques.

22 Le plaignant fait remarquer par ailleurs que son grade de l'Université Libanaise lui a permis d'être admis dans des programmes de l'Université Laval et de l'Université d'Ottawa. L'intimé ne conteste pas le fait que l'Université Libanaise est un établissement d'enseignement reconnu au regard des exigences en matière d'études pour le groupe CS.

23 L'intimé ne conteste pas non plus le fait que les diplômes présentés par le plaignant auraient été acceptés.

24 Pour en revenir au critère décrit plus haut, le Tribunal est convaincu que, compte tenu des éléments de preuve présentés, le plaignant possède les qualifications nécessaires en matière d'études pour le poste CS-02.

25 Le deuxième élément du critère est également rempli. Les éléments de preuve dont le Tribunal a été saisi montrent que la candidature du plaignant a été éliminée du processus parce qu'il a été établi que celui-ci ne possédait pas les qualifications nécessaires en matière d'études pour le poste CS-02.

26 Pour ce qui est du troisième élément du critère, le plaignant doit démontrer qu'il a été déterminé qu'une personne qui n'était pas plus qualifiée, mais qui n'avait pas le trait distinctif à l'origine de la plainte de discrimination, possédait ces qualifications. Pour ce faire, le plaignant a fait référence aux qualifications en matière d'études de deux des personnes nommées, à savoir les candidats nos 191 et 279, tels qu'ils étaient désignés dans les documents de l'intimé. Dans son dossier de candidature, le candidat no 191 s'est identifié comme membre d'un groupe de minorité visible et, par conséquent, les éléments de preuve n'ont pas établi qu'il lui manquait le trait distinctif à l'origine de la plainte de discrimination. Toutefois, le candidat no 279 ne s'est pas identifié comme membre d'un groupe désigné; aux fins de l'examen de la preuve prima facie, le Tribunal n'est donc pas parti du principe qu'il est membre d'un groupe de minorité visible. Il s'agit ainsi d'une personne qui ne possède pas le trait distinctif à l'origine de la plainte, mais qui a les mêmes qualifications que le plaignant. Le troisième élément du critère est donc rempli.

27 Par conséquent, le Tribunal estime que la preuve présentée par le plaignant est complète et qu'elle justifie une décision en sa faveur, en l'absence d'une réponse de l'intimé. Cela dit, tel qu'il est indiqué ci-après, l'intimé a fourni une explication complète et raisonnable des raisons pour lesquelles la candidature du plaignant a été éliminée du processus de nomination.

L'intimé a-t-il fourni une explication raisonnable des raisons pour lesquelles il a décidé d'éliminer la candidature du plaignant du processus de nomination?

28 L'annonce de possibilité d'emploi affichée par l'intimé contenait des instructions à l'intention des candidats (les instructions), lesquelles sont reproduites ci-après telles qu'elles figuraient dans le texte original :

Les candidats doivent inclure une lettre de couverture. Les candidats doivent démontrer, DANS LA LETTRE DE PRÉSENTATION, qu'ils répondent aux exigences en matière d'études et d'expérience énumérées dans la section des qualifications essentielles et qualifications constituant un atout. Ils doivent utiliser, pour titre, chacun des critères puis rédiger un ou deux paragraphes attestant qu'ils possèdent les qualifications exigées en veillant à la clarté et à la précision des détails. Le curriculum vitae peut constituer une source secondaire pour confirmer l'éducation et l'expérience décrite dans la page de présentation. À DÉFAUT DE RESPECTER LE FORMAT EXIGÉ CONCERNANT CES RENSEIGNEMENTS, VOTRE DEMANDE SERA REJETÉE.

29 Ces instructions figuraient aussi dans l'ECM, que tous les candidats pouvaient consulter.

30 Sergine Daoust, directrice, Direction des opérations SIGNET, MAECI, agissait à titre de gestionnaire délégataire de l'intimé dans le processus de nomination en cause. Le 17 mars 2010, elle a envoyé un courriel aux personnes responsables de la présélection des candidatures pour les prier de terminer leur travail avant le 25 mars 2010. Elle leur a rappelé que les candidats devaient démontrer, dans leur lettre de présentation, en quoi « ils possédaient les qualifications nécessaires en matière d'études et d'expérience, sans quoi leur candidature serait rejetée ».

31 Robert Miron, directeur, Messagerie électronique, MAECI, était membre du comité pour le processus de nomination en cause. Lors de l'audience, il a affirmé avoir participé à l'élaboration de l'ECM et de tous les aspects de l'évaluation. En outre, il a embauché des personnes faisant partie du bassin de candidats qualifiés.

32 M. Miron a décrit la façon dont les candidats ont été présélectionnés. Les dossiers de candidature ont été placés en ordre alphabétique, puis divisés entre neuf équipes (composées chacune de deux membres) chargées d'examiner les études et l'expérience. Il a été décidé de répartir le travail entre différentes équipes en raison du nombre de candidatures et parce qu'il a été jugé efficace, cohérent et équitable que deux personnes passent en revue les dossiers. Au cas où une équipe n'arriverait pas à se décider, elle pouvait présenter le dossier de candidature à tous les membres du comité d'évaluation à l'occasion d'une réunion.

33 M. Miron a déclaré que les instructions données aux équipes étaient très claires. Conformément à l'annonce de possibilité d'emploi, les études et l'expérience des candidats devaient faire l'objet d'une description dans la lettre de présentation. Si une équipe jugeait que ce n'était pas le cas ou que la description fournie ne répondait pas aux exigences en matière d'études ou d'expérience, elle éliminait la candidature de la personne en question. M. Miron a précisé que 35 personnes avaient vu leur candidature éliminée à la présélection parce qu'elles avaient omis de préciser leurs études dans leur lettre de présentation. Il a ajouté que 25 autres personnes avaient vu leur candidature éliminée parce que la description de leurs études ne répondait pas aux exigences du poste.

34 Le plaignant a reconnu que les instructions étaient claires, mais a ajouté qu'il n'en avait pas tenu compte parce qu'il n'avait pas l'habitude de faire allusion à ses études dans sa lettre de présentation. Au lieu de décrire ses études dans sa lettre de présentation, il a inscrit dans son curriculum vitae qu'il possédait un grade en science appliquée, sans toutefois mentionner son option en science informatique. Selon lui, le comité aurait dû déduire son option en science informatique étant donné la nature de son grade.

35 Dans son témoignage, Sue Fata, gestionnaire, Systèmes d'opérations sécuritaires, MAECI, a affirmé qu'elle s'était occupée de la présélection des dossiers de candidature des postulants dont le nom de famille commençait par « A » et « B », ce qui comprend le dossier de candidature du plaignant. Elle a authentifié une note qu'elle avait prise sur la candidature du plaignant au moment de la présélection; cette note mentionnait que le plaignant n'avait pas précisé ses études dans sa lettre de présentation. Conformément au protocole de présélection pour le processus de nomination en cause, elle a rejeté son dossier, éliminant par le fait même sa candidature du processus.

36 Le 4 mai 2010, le plaignant a reçu un courriel de Geneviève Bégin Martineau, conseillère principale en ressources humaines, l'informant qu'il ne répondait pas aux exigences en matière d'études et l'invitant à communiquer avec elle s'il souhaitait obtenir de plus amples renseignements. Dans le courriel, il était également indiqué que le plaignant pouvait communiquer avec Jessica Chénier, adjointe en ressources humaines, s'il souhaitait discuter de la décision de façon informelle. Le plaignant a communiqué immédiatement avec Mme Chénier par courriel pour lui faire savoir qu'il possédait un grade en science informatique. Le lendemain, Mme Chénier lui a écrit pour lui demander une preuve de ses diplômes.

37 Dans son témoignage, Mme Chénier a précisé qu'elle ne faisait pas partie du comité d'évaluation. Dans le cadre de ses fonctions régulières à titre d'adjointe en ressources humaines, elle recevait souvent de l'information de la part de candidats. Elle a affirmé se rappeler son échange de courriels avec le plaignant. Lorsqu'elle a reçu des copies de ses diplômes, elle les a placées dans son dossier de candidature qu'elle a ensuite transmis à Mme Bégin Martineau. Mme Chénier a confirmé qu'il s'agissait de sa façon de faire habituelle.

38Mme Bégin Martineau a précisé qu'elle était conseillère principale en ressources humaines depuis janvier 2009 et qu'elle s'était occupée en tout d'une cinquantaine de processus de dotation. Elle a déclaré qu'elle ne faisait pas partie du comité d'évaluation pour le poste CS-02 et qu'elle ne se rappelait pas avoir reçu des copies des diplômes du plaignant de la part de Mme Chénier.

39 Dans son témoignage, Mme Fata a authentifié les courriels que le plaignant et elle s'étaient échangés les 20 et 21 septembre 2010. Le 20 septembre 2010, au retour d'un congé prolongé qui avait débuté en mars 2010, Mme Fata a écrit au plaignant pour planifier une discussion informelle avec lui. Selon les lignes directrices de la CFP en la matière, une discussion informelle constitue une occasion pour les personnes dont la candidature a été éliminée d'un processus de nomination de discuter de la décision.

40 Le dossier montre que le plaignant a répondu à Mme Fata le jour même pour lui faire savoir qu'il pourrait la rencontrer la semaine suivante et lui poser deux questions. Dans la réponse qu'elle lui a envoyée le 21 septembre 2010, Mme Fata a répondu aux deux questions du plaignant et lui a offert de tenir une discussion informelle par courriel s'il le préférait.

41 Aucune discussion informelle n'a eu lieu. Le plaignant a déclaré qu'il n'avait pas demandé la tenue d'une discussion informelle et qu'il n'était pas important pour lui de rencontrer Mme Fata. Le 13 octobre 2010, il a écrit à cette dernière pour lui dire qu'il la nommerait personnellement dans sa plainte au Tribunal, car il considérait qu'elle avait contrevenu à la LCDP en éliminant sa candidature du processus de nomination.

42 Une copie du courriel que Mme Fata a envoyé à Mmes Daoust et Bégin Martineau ainsi qu'à d'autres personnes le 13 octobre 2010 confirme que Mme Fata a rencontré Mme Bégin  Martineau ce jour-là pour revoir le dossier de candidature du plaignant. À l'issue de la rencontre, Mme Fata est restée d'avis que le plaignant n'avait pas précisé en quoi il répondait aux exigences du poste en matière d'études.

43 Le plaignant a affirmé qu'il avait parlé avec Mme Bégin Martineau à deux reprises au cours de cette période et que celle-ci lui avait d'abord expliqué que sa candidature avait été éliminée parce qu'il avait omis de préciser ses études dans sa lettre de présentation. Toujours selon lui, Mme Bégin Martineau lui a ensuite laissé un message téléphonique le 5 novembre 2010 pour l'informer qu'elle s'était entretenue avec les membres du comité d'évaluation, lesquels lui avaient précisé que sa candidature n'avait pas été éliminée en raison de sa lettre de présentation, mais plutôt parce qu'il ne répondait pas aux exigences en matière d'études.

44 Mme Bégin Martineau a déclaré qu'elle ne se rappelait pas l'appel téléphonique du plaignant. Quand des cas pareils se présentaient, elle avait toutefois l'habitude de réexaminer le dossier avant de parler au candidat. En présumant qu'elle ait procédé comme à l'habitude, elle croit qu'elle a d'abord dit au plaignant qu'il ne possédait pas les qualifications nécessaires en matière d'études parce que sa lettre de présentation n'en faisait pas mention. Mme Bégin Martineau se rappelait qu'elle avait examiné le dossier de candidature du plaignant en compagnie de Mme Fata et que celle-ci était d'avis que le plaignant ne répondait pas aux exigences en matière d'études parce qu'il n'en avait fait mention ni dans sa lettre de présentation, ni dans son curriculum vitae. Après sa rencontre avec Mme Fata, Mme Bégin Martineau a laissé un message téléphonique en français au plaignant. À l'audience, elle a examiné une transcription dactylographiée de son message que le plaignant avait préparée. Elle a affirmé qu'elle avait laissé de nombreux messages tout au long de sa carrière, mais qu'elle croyait que la transcription en question traduisait le contenu de son message. Le plaignant a offert au Tribunal d'écouter sa boîte vocale pour confirmer le contenu de la transcription. Toutefois, l'intimé n'a pas contesté la transcription étant donné que Mme Bégin Martineau l'estimait fidèle.

45 Selon la partie pertinente de la transcription, Mme Bégin Martineau a parlé à l'évaluateur, lequel lui a dit que la candidature du plaignant n'avait pas été éliminée en raison de sa lettre de présentation, mais bien parce que le comité avait jugé qu'il ne répondait pas aux exigences minimales en matière d'études. Mme Bégin Martineau aurait invité le plaignant à communiquer avec Mme Daoust s'il souhaitait en discuter davantage.

46 Dans son témoignage, Mme Bégin Martineau a affirmé qu'elle ne voulait pas donner l'impression que le contenu de la lettre de présentation du plaignant n'était pas pertinent; ce qu'elle voulait dire, c'est que la candidature du plaignant avait été éliminée en raison de sa lettre de présentation et du fait qu'il ne répondait pas aux exigences minimales en matière d'études.

47 Pour renforcer son explication selon laquelle la décision d'éliminer la candidature du plaignant n'était pas discriminatoire, l'intimé a fait référence à la composition du bassin de candidats dans le processus, un élément de preuve qui n'a pas été contesté. En effet, 29 candidats ont été jugés qualifiés à l'issue du processus, et 16 d'entre eux (55 %) avaient indiqué être membres d'un groupe de minorité visible. Trois (10,3 %) des candidats qualifiés possédaient des diplômes d'universités situées en Égypte, dans les Antilles et en Chine. En tout, 12 nominations ont été effectuées à partir du bassin de candidats qualifiés. Parmi les personnes nommées, six (50 %) avaient indiqué être membres d'un groupe de minorités visibles et, de ce nombre, trois (25 % des personnes nommées) sont nées à l'étranger, c'est-à-dire en Somalie, au Liban et dans les Philippines. Selon les données présentées en preuve, la disponibilité des membres des groupes de minorités visibles au MAECI au moment où les nominations ont été effectuées était de 10,3 %, ce qui indique que le pourcentage des nominations à l'issue du processus dépassait le pourcentage de disponibilité. Le plaignant n'a accordé que peu de crédit à ces chiffres, mais il ne les a contestés d'aucune façon, si ce n'est qu'en exprimant sa propre opinion.

48 Le plaignant estime qu'il répondait aux exigences en matière d'études. Selon lui, comme Mme Chénier lui a demandé ses diplômes lorsqu'il a communiqué avec elle après l'annonce des résultats, ses études devaient être réévaluées et le comité d'évaluation était tenu de prendre en compte ses diplômes. Le MAECI maintient qu'au moment de la présélection, la candidature du plaignant a été évaluée conformément aux instructions figurant dans l'annonce de possibilité d'emploi et l'ECM, lesquelles ont été appliquées de la même façon pour tous les candidats. Le plaignant n'a fourni aucune information sur ses études dans sa lettre de présentation, et le comité d'évaluation a pris la décision qui s'imposait lorsqu'il a décidé d'éliminer sa candidature.

49 Le Tribunal estime que l'intimé a fourni une explication complète et raisonnable des circonstances entourant l'élimination de la candidature du plaignant dans le processus de nomination en cause. L'article 36 de la LEFP confère à la CFP ou, comme c'est le cas en l'espèce, à son délégué, à savoir l'intimé, le pouvoir exclusif d'établir les méthodes d'évaluation. La méthode choisie pour évaluer les exigences en matière d'études était indiquée dans les instructions; en effet, les candidats étaient informés que leurs études et leur expérience seraient évaluées à partir de leur lettre de présentation. Étant donné que 332 candidatures ont été reçues, il s'agissait effectivement d'une méthode rapide et efficace pour traiter un tel volume.

50 Le plaignant a reconnu ne pas s'être conformé aux instructions. Le Tribunal a établi dans plusieurs décisions qu'il incombe aux candidats de démontrer clairement dans leur dossier de candidature qu'ils possèdent toutes les qualifications essentielles. (Voir, par exemple, Edwards c. le sous-ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, 2011 TDFP 0010; Walker-McTaggart c. le président-directeur général de Passeport Canada, 2011 TDFP 0039). En outre, comme le Tribunal l'a indiqué précédemment, les postulants sont tenus de s'assurer que leur dossier de candidature est complet et conforme aux exigences de l'annonce de possibilité d'emploi et de l'ECM. (Voir Charter c. Sous-ministre de la Défense nationale, 2007 TDFP 0048). Le comité d'évaluation n'est nullement tenu d'assurer un suivi auprès des candidats ou de faire des déductions lorsqu'il a été demandé clairement aux candidats de démontrer dans leur dossier de candidature quelles sont leurs qualifications. Voir Henry c. l'administrateur général de Service Canada, 2008 TDFP 0010.

51 D'autre part, le fait de soumettre ses diplômes n'a pas conféré au plaignant le droit d'être réévalué. Au moment où le plaignant a soumis une preuve de ses études, la décision de présélection avait déjà été prise en fonction du contenu de sa lettre de présentation, et le plaignant en avait été informé. En fournissant de l'information une fois sa candidature éliminée, le plaignant ne pouvait ni modifier le résultat de la présélection, ni contraindre l'intimé à réévaluer ses études.

52 Le Tribunal ne relève aucun prétexte dans l'explication de l'intimé. À la lumière des éléments de preuve présentés par Mmes Fata et Bégin Martineau, ainsi que du courriel que Mme Daoust a envoyé le 17 mars 2010 afin de préciser le processus à suivre pour la présélection, le Tribunal est convaincu que l'intimé a éliminé la candidature du plaignant parce que celui-ci avait omis de mentionner ses études dans sa lettre de présentation. S'il avait fait une entorse à l'instruction afin d'admettre une exception pour le plaignant, l'intimé se serait montré injuste envers les autres postulants dont la candidature avait été éliminée pour la même raison, et il se serait exposé à des plaintes d'abus de pouvoir pour des motifs de traitement inéquitable.

53 À la lumière des éléments de preuve présentés, le Tribunal conclut que l'intimé a fourni une explication plus que raisonnable pour réfuter la preuve prima facie.

Question II :  L'intimé a-t-il abusé de son pouvoir par non-application des exigences organisationnelles?

54 L'annonce de possibilité d'emploi et l'ECM publiés pour le processus en cause contenaient le passage suivant :

Besoins organisationnels

Améliorer la représentativité des membres des groupes d'équité en emploi.

55 Le passage reproduit ci-après sous sa forme originale figurait dans la section intitulée « Autre information (remarques) » :

Parvenir à une main-d'œuvre représentative a été identifié comme un besoin de l'organisation dans les critères de mérite et peut être appliqué dans ce processus de nomination.

56 De l'avis du plaignant, lorsqu'il était déterminé qu'un candidat possédait les qualifications essentielles, l'intimé était tenu d'appliquer les critères d'équité en matière d'emploi. Selon lui, l'annonce de possibilité d'emploi avait pour but d'accroître la représentation des groupes désignés au sein de l'effectif de l'intimé.

57 Dans son témoignage, M. Miron a parlé de son obligation en tant que gestionnaire d'embauche. M. Miron a expliqué que les critères d'équité en matière d'emploi auraient été pris en compte au moment de l'embauche s'il avait été déterminé précédemment que deux candidats étaient aussi compétents l'un que l'autre pour le poste à doter. Si l'un des deux candidats avait indiqué être membre d'un groupe désigné de l'équité en matière d'emploi, alors le critère relatif aux besoins organisationnels aurait été appliqué et le candidat en question aurait été nommé.

58 Paul Hendriks, directeur adjoint, Direction des services d'administration, MAECI, a abordé le même point dans son témoignage, affirmant qu'il avait effectué trois nominations à partir du bassin de candidats qualifiés. Il ne lui est jamais arrivé que deux candidats possèdent exactement les mêmes qualifications pour une nomination, mais, si une telle situation s'était produite, il aurait sélectionné le candidat faisant partie d'un groupe désigné de l'équité en matière d'emploi.

59 Mme Bégin Martineau a affirmé que le critère relatif aux besoins organisationnels avait été ajouté à l'annonce de possibilité d'emploi et à l'ECM afin d'accroître la représentation. Un gestionnaire qui souhaitait remédier à une lacune sur le plan de l'équité en matière d'emploi pouvait s'en servir. Elle a fait savoir aux gestionnaires qu'ils n'étaient pas tenus d'utiliser ce critère, mais que celui-ci leur offrait de la souplesse pour l'embauche.

60 Le Tribunal conclut que l'intimé n'a pas abusé de son pouvoir en appliquant comme il l'a fait le critère relatif aux besoins organisationnels. En effet, l'article 30(2) de la LEFP stipule ce qui suit :

30. (2) Une nomination est fondée sur le mérite lorsque les conditions suivantes sont réunies :

  1. selon la Commission, la personne à nommer possède les qualifications essentielles — notamment la compétence dans les langues officielles — établies par l'administrateur général pour le travail à accomplir;
  2. la Commission prend en compte :
    1. toute qualification supplémentaire que l'administrateur général considère comme un atout pour le travail à accomplir ou pour l'administration, pour le présent ou l'avenir,
    2. toute exigence opérationnelle actuelle ou future de l'administration précisée par l'administrateur général,
    3. tout besoin actuel ou futur de l'administration précisé par l'administrateur général.

61 Le Tribunal a déjà établi que le pouvoir discrétionnaire que l'article 30(2)b) de la LEFP confère aux gestionnaires permet à ceux-ci d'utiliser des qualifications constituant un atout, des exigences opérationnelles et des besoins organisationnels selon ce qu'ils jugent approprié. (Voir Glasgow c. Sous-ministre de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, 2008 TDFP 0007, para. 60; Guimond c. Sous-ministre de la Défense nationale, 2009 TDFP 0023, para. 34). Il ne s'agit toutefois pas d'une obligation.

62 En l'espèce, un gestionnaire se serait reporté aux besoins organisationnels seulement s'il avait été jugé que deux candidats étaient tout aussi qualifiés l'un que l'autre pour une nomination. En outre, l'annonce de possibilité d'emploi et l'ECM indiquaient clairement que le critère relatif aux besoins organisationnels pourrait être appliqué, ce qui, en langage clair, signifie qu'il ne le serait pas nécessairement. Le Tribunal ne considère pas comme fautive une approche qui permet à un gestionnaire d'user de son pouvoir discrétionnaire et d'appliquer un critère relatif aux besoins organisationnels s'il s'avère approprié de le faire.

Question III :  L'intimé a-t-il abusé de son pouvoir dans l'application des critères de mérite en nommant des candidats qui ne répondaient pas aux exigences en matière d'études?

63 Le plaignant affirme que deux des candidats nommés, soit les candidats nos 191 et 279, ne répondaient pas aux exigences en matière d'études qui étaient indiquées dans l'ECM. Il estime par conséquent que leur nomination à des postes CS-02 constitue un abus de pouvoir.

64 M. Hendriks a déclaré s'être occupé de la présélection des postulants dont le nom de famille commençait par « M » et avoir été le gestionnaire d'embauche pour le candidat no 191. Ce dernier a décrit ses études dans sa lettre de présentation, précisant qu'il était titulaire d'un diplôme en sécurité Internet et sécurité des réseaux du Collège CDI ainsi que d'un certificat en programmation en langage Visual Basic du Collège Algonquin. M. Hendriks a affirmé que le curriculum vitae avait été utilisé comme source d'information secondaire au moment de la présélection afin de confirmer cette description. Selon lui, sa façon de faire respectait les instructions selon lesquelles il devait s'assurer que les études et l'expérience étaient décrites dans la lettre de présentation et devait utiliser le curriculum vitae seulement pour confirmer l'information.

65 Une note incluse dans la norme de qualification précise que c'est l'établissement d'enseignement reconnu qui détermine si les cours suivis par un candidat correspondent à deux années d'un programme postsecondaire au sein de l'établissement. M. Hendriks a affirmé se rappeler les réunions préparatoires dans le cadre desquelles les autres membres du comité et lui ont discuté des différents diplômes et grades. Il a précisé que le Collège CDI était l'un des établissements accrédités dont il a été question, et il était à l'aise avec la description fournie par le candidat no 191. M. Hendriks a ajouté qu'il avait téléphoné à un représentant du Collège CDI et que celui-ci avait confirmé que le diplôme du candidat no 191 équivalait à un programme de deux ans à deux ans et demi.

66 D'après le plaignant, le candidat no 191 a profité d'une approche d'ouverture dans l'examen de son dossier. Le plaignant croit que le comité d'évaluation a présumé que le candidat no 191 avait suivi un programme de deux ans et que c'est pourquoi il l'a retenu à la présélection. Il croit aussi que la norme de qualification ne confère qu'à un établissement d'enseignement reconnu le pouvoir de prendre une telle décision. Le plaignant maintient que l'intimé aurait dû fournir des éléments de preuve plus clairs en ce qui concerne ce que M. Hendriks a dit quand il a téléphoné au Collège CDI, et il estime qu'une conclusion défavorable devrait être tirée à cet égard.

67 M. Miron était le gestionnaire d'embauche pour le candidat no 279, mais il n'a pas participé à la présélection de sa candidature. M. Miron a vu le dossier du candidat no 279 pour la première fois alors qu'il passait en revue le dossier des candidats qualifiés qu'on lui a fait parvenir parce qu'il voulait embaucher une personne faisant partie du bassin. Dans sa lettre de présentation, le candidat no 279 a décrit ses études en mentionnant qu'il était titulaire d'un baccalauréat en administration des affaires, avec concentration en systèmes d'information organisationnels. Une copie du grade universitaire du candidat indique ce qui suit : « Baccalauréat en administration des affaires (concentration en systèmes d'information organisationnels) ». M. Miron a effectué une recherche sur le programme et a confirmé que les systèmes d'information organisationnels constituaient un domaine d'études important et que le programme suivi équivalait à un programme de deux ans. Ainsi, il a jugé que le candidat no 279 répondait aux exigences en matière d'études et qu'il devait bel et bien être retenu à la présélection.

68 Selon le plaignant, le comité d'évaluation n'avait pas le pouvoir de déterminer que le candidat no 279 répondait aux exigences en matière d'études. Le candidat no 279 aurait dû voir sa candidature éliminée à la présélection parce qu'il n'avait pas décrit ses études clairement. En outre, le plaignant estime que l'intimé aurait dû soumettre un relevé de notes pour étayer les éléments de preuve présentés par M. Miron.

69 Le Tribunal conclut qu'il n'y a pas eu abus de pouvoir dans la nomination des candidats nos 191 et 279. En effet, c'est au plaignant qu'il incombe d'établir le bien-fondé de sa plainte selon la prépondérance des probabilités. (Voir Tibbs c. Sous-ministre de la Défense nationale, 2006 TDFP 0008.) Comme le Tribunal l'a affirmé dans la décision Broughton c. Sous-ministre de Travaux publics et Services gouvernementaux, 2007 TDFP 0020, para. 50 :

Il ne suffit pas à un plaignant de lancer des affirmations générales et d'avancer des allégations d'abus de pouvoir sans les appuyer par des témoignages, des faits et/ou des documents.

70 Outre les affirmations qu'il a avancées au cours de son témoignage, le plaignant n'a présenté aucun élément de preuve pour appuyer son allégation selon laquelle les candidats nos 191 et 279 ne remplissaient pas les exigences en matière d'études. Il n'a pas démontré que le comité de présélection avait exercé de façon inappropriée le pouvoir qui lui était conféré en ce qui concerne l'évaluation des études des candidats. Au contraire, les éléments de preuve montrent que le comité a effectué des vérifications directement auprès de l'établissement et a examiné le contenu des programmes pour éviter de faire des suppositions. Le fait de prendre ces mesures supplémentaires pour vérifier les études que les candidats avaient décrites dans leur lettre de présentation ne signifie pas qu'il y avait ambiguïté à cet égard. Le plaignant n'a présenté aucun élément de preuve remettant en question la décision du comité d'évaluation ou contredisant la preuve présentée par les témoins de l'intimé en ce qui concerne les qualifications des candidats. Par conséquent, l'allégation du plaignant n'a aucun fondement.

Décision


71 Les plaintes sont rejetées.

Joanne B. Archibald
Membre

Parties au dossier


Dossier du Tribunal :
2010-0730, 0733, 0734; 2011-0118, 0119, 0239, 0362, 0363, 0986
Intitulé de la cause :
Paul Abi-Mansour et le sous-ministre des Affaires étrangères et du Commerce international du Canada
Audience :
Les 17 et 18 janvier 2012
Ottawa (Ontario)
Date des motifs :
Le 28 mars 2012

COMPARUTIONS

Pour le plaignant :
Paul Abi-Mansour
Pour l'intimé :
Neida Gonzales
Pour la Commission
de la fonction publique :
John Unrau (observations écrites)
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