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Résumé :

La plaignante a formulé une allégation d’abus de pouvoir à l’encontre de l’intimé pour l’avoir sélectionnée aux fins de mise en disponibilité d’un poste de tailleur sur mesure. Selon elle, deux des personnes ayant mené le processus de sélection aux fins de mise en disponibilité auraient eu un parti pris contre elle et l’une de ces personnes n’aurait pas possédé les compétences nécessaires pour évaluer ses qualifications. L’intimé a affirmé avoir mené un processus rigoureux, juste et transparent de sélection d’employés à maintenir en poste ou à mettre en disponibilité (SEMPMD) afin de déterminer qui seraient mis en disponibilité et qui seraient maintenus dans les postes de tailleur sur mesure restants. La Commission de la fonction publique a participé activement au processus SEMPMD. Elle a fait valoir que celui-ci était juste et mené prudemment. Décision S’agissant de l’allégation de parti pris, le Tribunal a estimé que la plaignante n’avait pas établi la preuve d’une crainte raisonnable de partialité de la part des personnes qui avaient mené le processus SEMPMD. Le Tribunal a ajouté que la plaignante n’avait pas démontré que les méthodes d’évaluation choisies étaient inappropriées ni que des irrégularités avaient été commises par rapport à son évaluation. Par ailleurs, pour ce qui concerne la question de compétence, les personnes chargées des évaluations liées aux processus SEMPMD devaient bien connaître les fonctions des postes à conserver. En l’espèce, le Tribunal a jugé que le superviseur d’atelier de confection ayant participé au processus SEMPMD comprenait le fonctionnement de l’atelier de confection et était au fait du travail des tailleurs sur mesure. Enfin, le Tribunal a conclu qu’il y avait insuffisance de preuve pour démontrer que le superviseur n’avait pas les compétences nécessaires pour évaluer les qualifications de la plaignante au regard des fonctions d’un tailleur sur mesure. Plainte rejetée.

Contenu de la décision

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Dossier :
2011-0720
Rendue à :
Ottawa, le 4 décembre 2012

TERESA TRAN
Plaignante
ET
LE COMMISSAIRE DE LA GENDARMERIE ROYALE DU CANADA
Intimé
ET
AUTRES PARTIES

Affaire :
Plainte d'abus de pouvoir en vertu de l'article 65(1) de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique
Décision :
La plainte est rejetée
Décision rendue par :
Merri Beattie, membre
Langue de la décision :
Anglais
Répertoriée :
Tran c. le commissaire de la Gendarmerie royale du Canada
Référence neutre :
2012 TDFP 0033

Motifs de décision


Introduction

1 La plaignante, Teresa Tran, affirme que l'intimé, le commissaire de la Gendarmerie royale du Canada (GRC), a abusé de son pouvoir en la sélectionnant aux fins de mise en disponibilité. Mme Tran, qui occupait un poste de tailleur sur mesure (GS-MPS-07) au sein de l'atelier de confection des Services des cadets, à Régina, en Saskatchewan, soutient que deux des personnes qui ont participé à sa sélection aux fins de mise en disponibilité avaient un parti pris contre elle et que l'une d'entre elles n'avait pas les compétences nécessaires pour évaluer ses qualifications.

2 Pour sa part, l'intimé affirme avoir mené un processus rigoureux, juste et transparent afin de sélectionner les employés qui seraient mis en disponibilité et ceux qui occuperaient les postes de tailleur sur mesure restants. Selon lui, les qualifications qui sont essentielles au travail de tailleur sur mesure dans le contexte actuel ont été évaluées avec impartialité et ouverture d'esprit.

3 La Commission de la fonction publique (CFP) a participé activement au processus de sélection d'employés à maintenir en poste ou à mettre en disponibilité (processus SEMPMD). Elle soutient qu'il s'agissait d'un processus juste, mené avec rigueur.

4 Pour les motifs énoncés ci-après, la plainte est rejetée. Selon les conclusions du Tribunal de la dotation de la fonction publique (le Tribunal), rien ne permet de conclure que le processus SEMPMD était entaché de parti pris ni que les membres du comité d'évaluation ne possédaient pas les compétences nécessaires pour réaliser les évaluations en l'espèce.

Contexte

5 L'atelier de confection des Services des cadets comprend une section de confection générale et une section de confection sur mesure, et chacune d'elles relève du gestionnaire des Services des cadets par l'entremise d'un superviseur. En novembre 2009, le poste de superviseur de la section de la confection sur mesure était vacant, et les 14 tailleurs sur mesure, dont la plaignante, étaient passés directement sous les ordres de la gestionnaire des Services des cadets, Gail Kuhn. À l'époque, le nombre de troupes qui faisaient appel aux services de l'atelier de confection était passé de 72 à 34 par an. Il a donc été décidé de réduire le nombre de postes de tailleur sur mesure et le ramener à sept.

6 Le processus SEMPMD, qui s'est déroulé au début de 2011, consistait en une entrevue et une évaluation narrative préparée par Mme Kuhn avec l'aide de Karen Runzer, superviseur de la section de la confection générale.

7 Le 11 août 2011, la plaignante a été informée par écrit que, dépendamment de son choix parmi les options offertes, qu'elle serait mise en disponibilité. Elle a par la suite déposé une plainte d'abus de pouvoir auprès du Tribunal en vertu de l'article 65(1) de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, arts. 12 et 13 (la LEFP).

Questions préliminaires

8 Au moment où Mme Tran a formulé ses allégations écrites le 27 mars 2012, elle a indiqué qu'elle n'avait pas pu se soumettre à l'évaluation dans la langue de son choix, qu'elle s'était vu refuser le droit à la liberté d'expression et que l'intimé avait violé la Loi canadienne sur les droits de la personne.

9 Lors des deux téléconférences préparatoires tenues le 24 juillet 2012 et le 27 août 2012, la plaignante a retiré ces trois allégations. Par conséquent, le Tribunal n'en tiendra pas compte dans la présente décision.

Questions en litige

10 Le Tribunal doit trancher les questions suivantes :

  1. Le processus SEMPMD était-il entaché de parti pris contre la plaignante?
  2. La plaignante a-t-elle été évaluée de façon inappropriée?
  3. Mme Runzer possédait-elle les qualifications nécessaires pour évaluer la plaignante?

Analyse

Abus de pouvoir et fardeau de la preuve

11 Le mandat du Tribunal est décrit à l'article 88(2) de la LEFP : « Le Tribunal a pour mission d'instruire les plaintes présentées en vertu du paragraphe 65(1) et des articles 74, 77 ou 83 et de statuer sur elles. »

12 La plainte a été présentée en vertu de l'article 65(1) de la LEFP, qui stipule qu'un fonctionnaire sélectionné aux fins de mise en disponibilité peut déposer auprès du Tribunal une plainte selon laquelle la décision de le mettre en disponibilité constitue un abus de pouvoir. La majorité des décisions rendues jusqu'à présent par le Tribunal concernent des plaintes formulées en vertu de l'article 77 de la LEFP relativement à des processus de nomination internes où il y a eu nomination ou proposition de nomination. Ces plaintes sont elles aussi déposées pour abus de pouvoir.

13 La LEFP ne définit pas l'abus de pouvoir; toutefois, l'article 2(4) stipule ce qui suit : « Il est entendu que, pour l'application de la présente loi, on entend notamment par “abus de pouvoir” la mauvaise foi et le favoritisme personnel. » Dans la LEFP, rien ne donne à penser qu'une plainte d'abus de pouvoir au titre de l'article 65(1) devrait être interprétée différemment d'une plainte déposée en vertu de l'article 77. Dans de nombreuses décisions, à commencer par la décision Tibbs c. Sous-ministre de la Défense nationale, 2006 TDFP 0008, paras. 56 à 74, le Tribunal a examiné ce qui constitue un abus de pouvoir au sens de la LEFP. En outre, le Tribunal a établi que la norme civile constitue la norme de preuve à appliquer. Voir la décision Tibbs, paras. 49 à 55.

14 Par conséquent, la plaignante doit démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que l'intimé a abusé de son pouvoir en la sélectionnant aux fins de mise en disponibilité.

Dispositions de la LEFP et du Règlement sur l'emploi dans la fonction publique, DORS/2005-334 (la REFP), concernant la mise en disponibilité

15 Les articles 64 et 65 de la LEFP sont pertinents au regard de la plainte en l'espèce. Les dispositions pertinentes de ces articles sont les suivantes :

64. (1) L'administrateur général peut, conformément aux règlements de la Commission, mettre en disponibilité le fonctionnaire dont les services ne sont plus nécessaires faute de travail, par suite de la suppression d'une fonction ou à cause de la cession du travail ou de la fonction à l'extérieur des secteurs de l'administration publique fédérale figurant aux annexes I, IV ou V de la Loi sur la gestion des finances publiques; le cas échéant, il en informe le fonctionnaire.

(2) Dans les cas où il décide dans le cadre du paragraphe (1) que seulement certains des fonctionnaires d'une partie de l'administration seront mis en disponibilité, la façon de choisir les fonctionnaires qui seront mis en disponibilité est déterminée par les règlements de la Commission.

65. (1) Dans les cas où seulement certains des fonctionnaires d'une partie de l'administration sont informés par l'administrateur général qu'ils seront mis en disponibilité, l'un ou l'autre de ces fonctionnaires peut présenter au Tribunal, dans le délai et selon les modalités fixés par règlement de celui-ci, une plainte selon laquelle la décision de le mettre en disponibilité constitue un abus de pouvoir.

16 L'article 64(2) de la LEFP s'applique en l'espèce. L'intimé a déterminé qu'une partie, mais non l'ensemble, des employés des Services des cadets seraient mis en disponibilité. Ainsi, il devait sélectionner les employés qui seraient mis en disponibilité conformément au REFP.

17 L'article 21(1) du REFP stipule que lorsque les fonctionnaires d'un secteur de l'administration où des mises en disponibilité seront effectuées occupent des postes semblables ou exercent des fonctions semblables des mêmes groupe et niveau professionnels, ces fonctionnaires doivent être évalués, et la sélection de ceux qui seront maintenus en poste et de ceux qui seront mis en disponibilité doit être effectuée en fonction du mérite. L'article est libellé comme suit :

21. (1) Lorsque les services d'un ou de plusieurs fonctionnaires d'un secteur de l'administration ne sont plus nécessaires aux termes de l'article 64 de la Loi, l'administrateur général évalue le mérite des fonctionnaires qui occupent des postes semblables ou exercent des fonctions semblables des mêmes groupe et niveau professionnels dans ce secteur et désigne, en fonction du mérite, lesquels seront conservés pour l'accomplissement des fonctions permanentes de ce secteur de même que ceux des fonctionnaires restants qui seront informés que leurs services ne sont plus nécessaires et qui seront mis en disponibilité.

18En l'espèce, l'intimé a décidé d'évaluer en fonction du mérite les employés qui occupaient un poste de tailleur sur mesure afin de sélectionner ceux qui seraient maintenus en poste et ceux qui seraient mis en disponibilité. Mme Kuhn a décrit brièvement les différences entre les postes de tailleur sur mesure, qui sont des postes GS-MPS-07, et les postes de tailleur, qui sont des postes GS-MPS-06.

19Au cours de son témoignage, la plaignante a affirmé ne pas comprendre pourquoi sept tailleurs sur mesure compétents étaient mis en disponibilité alors que des tailleurs moins expérimentés étaient maintenus en poste. Toutefois, à aucun moment la plaignante n'a fait allusion à la portée du processus SEMPMD, qui se limitait aux employés occupant un poste de tailleur sur mesure. Selon la plaignante, l'intimé aurait abusé de son pouvoir lors de l'évaluation de ses qualifications.

Question I : Le processus SEMPMD était-il entaché de parti pris contre la plaignante?

20 Dans la décision Gignac c. le sous-ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux, 2010 TDFP 0010, paras. 60 à 74, le Tribunal a déterminé que la partialité, y compris la crainte raisonnable de partialité, peut constituer un abus de pouvoir dans le cas des décisions d'évaluation et de nomination effectuées en vertu de la LEFP. Le Tribunal a adopté le critère objectif de la crainte raisonnable de partialité, décrit dans la décision Committee for Justice and Liberty c. L'Office national de l'énergie, [1978] 1 R.C.S. 369 à la p. 394, de la cour Suprême.

21 Ce critère, reformulé aux fins de la présente, consiste à déterminer si un observateur relativement bien renseigné pourrait raisonnablement percevoir de la partialité chez un ou plusieurs membres du comité d'évaluation chargé(s) du processus SEMPMD.

22 La plaignante soutient que Mmes Kuhn et Runzer ne pouvaient l'évaluer de façon impartiale, car elle a déjà eu des conflits avec elles. Comme aucune preuve de parti pris n'a été présentée, le Tribunal doit examiner les éléments de preuve afin de déterminer s'ils justifient une crainte raisonnable de partialité en l'espèce.

23 Dans son témoignage, la plaignante a affirmé qu'il y avait des problèmes personnels entre Mmes Kuhn et Runzer et elle-même. Toutefois, elle a précisé qu'elle n'avait eu de problème ou de conflit d'ordre professionnel avec aucune des deux.

24 La plaignante a fait appel à deux autres tailleuses sur mesure comme témoins. La première femme a indiqué qu'elle ne prêtait pas attention aux conflits en milieu de travail. Elle a affirmé avoir remarqué que la plaignante et la direction ne s'entendaient pas bien et qu'il y avait un peu de tension entre les deux, mais a ajouté n'avoir aucune connaissance directe du problème. Le deuxième témoin a affirmé avoir vu la plaignante en colère après une discussion en privé dans le « bureau », mais a précisé qu'elle n'était au courant d'aucun conflit. Elle a précisé qu'elle ignorait s'il y avait eu des altercations entre la plaignante et la direction, ajoutant que tout se passait bien dans l'équipe.

25La plaignante a affirmé que Mmes Kuhn et Runzer ne la traitaient pas de la même façon que les autres; elle n'a toutefois pas précisé sa pensée et n'a fourni aucune explication à cet égard. En outre, l'un des témoins a affirmé avoir observé le langage corporel de Mme Runzer à la suite d'un échange avec la plaignante, sans toutefois décrire ce qu'elle avait vu ni comment elle l'avait interprété. Le témoin a affirmé ne pas avoir entendu ce que la plaignante et Mme Runzer se disaient.

26 Selon le Tribunal, les éléments de preuve présentés par la plaignante ne contiennent ni les détails ni les précisions nécessaires pour appuyer son allégation de parti pris. La plaignante n'a décrit aucun événement ou incident démontrant clairement l'existence d'un conflit et, dans la plupart des cas, les personnes concernées ne sont pas identifiées clairement dans les éléments de preuve. Par ailleurs, la plaignante a contredit elle-même ses allégations en affirmant qu'elle n'avait aucun problème ni conflit d'ordre professionnel avec Mmes Kuhn et Runzer. Enfin, rien ne prouve que Mmes Kuhn et Runzer aient influencé négativement l'évaluation de la plaignante dans le processus SEMPMD.

27 En conclusion, à la lumière des éléments de preuve fournis en l'espèce, un observateur raisonnablement bien renseigné ne pourrait vraisemblablement pas percevoir de parti pris de la part de Mmes Kuhn et Runzer.

Question II : La plaignante a-t-elle été évaluée de façon inappropriée?

28 Conformément à l'article 21(1) du REFP, lorsque les circonstances l'exigent, les employés doivent se soumettre à une évaluation et c'est alors le mérite qui détermine lesquels seront maintenus en poste et lesquels seront mis en disponibilité. Cette disposition du REFP s'apparente beaucoup à l'article 30 de la LEFP, selon lequel toute nomination doit se fonder sur le mérite.

29 Comme le Tribunal l'a affirmé dans plusieurs décisions, l'article 36 de la LEFP confère aux personnes chargées de la dotation un vaste pouvoir discrétionnaire qui leur permet de choisir et d'utiliser les méthodes d'évaluation visant à déterminer si les candidats possèdent les qualifications établies. Voir, par exemple, la décision Jolin c. Administrateur général de Service Canada, 2007 TDFP 0011. Étant donné les similitudes claires entre les deux types de processus et l'absence de toute disposition contraire dans la LEFP et le REFP, le Tribunal conclut que les personnes autorisées à mener un processus SEMPMD ont le même pouvoir discrétionnaire pour ce qui est de choisir et d'utiliser les méthodes et les outils d'évaluation.

30 Le Tribunal a entendu les témoignages de Mme Kuhn, de Lindsay Pearce, conseillère en ressources humaines, GRC, et de Jennifer Cuffley, qui était conseillère en ressources humaines à la CFP au moment du processus SEMPMD, au sujet de l'approche employée en l'espèce.

31 Mme Pearce a déclaré que c'est en 2010 qu'elle avait rencontré pour la première fois Mme Kuhn pour discuter du processus SEMPMD. Au départ, l'intimé croyait pouvoir offrir une garantie d'offre d'emploi raisonnable aux sept tailleurs sur mesure qui ne pourraient être maintenus en poste. À ce moment-là, il a été décidé que le processus SEMPMD ne reposerait que sur une évaluation écrite que Mme Kuhn préparerait pour chacun des 14 tailleurs sur mesure en fonction des qualifications établies (évaluations narratives). Mme Kuhn a commencé à préparer les évaluations narratives écrites avec l'aide de Mme Runzer. Par la suite, l'intimé en est arrivé à la conclusion qu'il ne pourrait offrir de garantie d'offre raisonnable d'emploi et a consulté la CFP pour savoir quelle serait la meilleure façon de procéder.

32 La CFP a appelé Mme Cuffley à témoigner afin qu'elle décrive le processus SEMPMD et explique le rôle qu'elle y jouait. Mme Cuffley a présenté à l'intimé les différentes options disponibles et lui a donné des conseils en fonction de son expérience et de sa formation. Dans son témoignage, elle a expliqué que l'intimé avait des réserves au sujet des entrevues parce que la langue maternelle de bon nombre de tailleurs sur mesure n'était ni l'anglais, ni le français. Après mûre réflexion, et à la suite de plusieurs discussions à ce sujet, il a été décidé que les employés devraient avoir un rôle à jouer dans leur évaluation et devraient pouvoir démontrer à l'aide d'exemples, en répondant aux questions d'entrevue, qu'ils possédaient les qualifications évaluées. Comme Mme Kuhn n'était pas disponible à ce moment-là, Mmes Pearce, Cuffley et Runzer (les membres du comité d'entrevue) ont mené les entrevues.

33 Mme Cuffley a affirmé que des mesures avaient été prises pour réduire le stress chez les participants; en effet, ceux-ci disposaient de 30 minutes avant l'entrevue pour examiner les questions et se préparer, et aucun temps limite n'était fixé pour les entrevues. De façon à intimider le moins possible les participants, les entrevues étaient réalisées dans une petite salle et les chaises étaient disposées autour d'une petite table. Les membres du comité avaient convenu de poser des questions supplémentaires aux participants pour les amener à décrire en détail leurs exemples. En outre, Mme Cuffley souhaitait la bienvenue à chacun des participants et se présentait afin de les mettre à l'aise.

34 Le guide et l'échelle de cotation, qui ont été présentés en preuve, indiquent que la capacité de communiquer efficacement de vive voix et l'esprit d'équipe étaient d'abord évalués à partir de l'entrevue. Une cote (« besoin d'amélioration », « satisfaisant », « très bon » ou « excellent » [traduction]) était attribuée aux participants en fonction des critères établis pour chaque qualification. Après s'être entendus sur la cote à attribuer à un participant pour l'entrevue, les membres du comité examinaient l'évaluation narrative et convenaient de la cote finale du participant pour chaque qualification. Il avait été déterminé au préalable que l'évaluation narrative ne pouvait changer la cote obtenue par un participant à l'entrevue de plus d'un niveau dans l'échelle. Les quatre membres du comité d'évaluation ont signé le rapport sur les résultats finals du processus SEMPMD en janvier 2011.

35 Il n'a pas été démontré en preuve que les méthodes d'évaluation choisies ne permettaient pas d'évaluer adéquatement les qualifications essentielles établies pour les postes restants de tailleur sur mesure.

36 Ont également été présentés en preuve les documents relatifs à l'évaluation de la plaignante, à savoir les notes d'entrevue de Mmes Pearce et Cuffley, l'évaluation narrative de même que la cote et l'évaluation finales du comité.

37 La plaignante soutient que l'évaluation narrative contient des commentaires qui ne se rapportent en rien aux capacités et aux compétences nécessaires à un tailleur sur mesure. Selon elle, le comité d'évaluation a conclu à tort qu'elle n'avait pas de bonnes aptitudes en communication et qu'elle n'avait pas d'esprit d'équipe.

38 La plaignante n'a pas précisé quels commentaires sur ses compétences en communication orale ne se rapportaient en rien à la qualification en question. D'après les éléments de preuve présentés au Tribunal, Mmes Pearce et Cuffley ont indiqué que les compétences de la plaignante en communication orale étaient satisfaisantes, compte tenu des résultats de l'entrevue. Après examen de l'évaluation narrative, les membres du comité ont haussé la cote de la plaignante au regard de cette qualification pour lui attribuer la cote « satisfaisant-élevé » [traduction].

39 L'évaluation narrative de la plaignante contient en effet certains commentaires négatifs pour ce qui est de l'esprit d'équipe. Là encore, la plaignante n'a présenté aucun élément de preuve pour appuyer son affirmation selon laquelle les commentaires formulés ne se rapportaient en rien à la qualification en question. Elle a affirmé que Mme Kuhn lui avait remis des évaluations de rendement « parfaites », sans aucune mention d'une telle faiblesse avant le processus SEMPMD. Au cours de l'audience, toutefois, des éléments de preuve ont montré que Mme Kuhn avait au contraire parlé à la plaignante de son refus d'assurer l'encadrement de nouveaux tailleurs sur mesure et consigné l'information à ce sujet. Mme Kuhn avait discuté de la question avec la plaignante lors d'une rencontre avec celle-ci et en avait fait mention dans son rapport d'évaluation du rendement pour l'exercice 2009-2010.

40 Selon les éléments de preuve, Mmes Pearce et Cuffley ont toutes les deux attribué à la plaignante la cote « satisfaisant » pour l'esprit d'équipe, sur la base des résultats de l'entrevue. Malgré les commentaires négatifs, le comité n'a pas changé la cote de la plaignante pour cette qualification après avoir examiné l'évaluation narrative.

41 La plaignante n'a pas démontré que Mmes Kuhn ou Runzer avaient fourni à son sujet des renseignements inexacts ou non pertinents dans leur évaluation narrative écrite.

42 En conclusion, la plaignante n'a pas démontré, selon la prépondérance des probabilités, que les méthodes d'évaluation choisies étaient inappropriées ni que l'intimé avait agi de façon inadéquate en ce qui concerne son évaluation.

Question III : Mme Runzer possédait-elle les qualifications nécessaires pour évaluer la plaignante?

43 La plaignante soutient que Mme Runzer n'avait pas les compétences nécessaires pour évaluer ses qualifications, mais rien n'appuie ses allégations.

44 Selon les témoignages de Mmes Kuhn et Runzer, cette dernière travaillait à l'atelier de confection depuis 2003 et possédait de l'expérience à titre de tailleuse sur mesure. Au moment du processus SEMPMD, le poste de superviseur de la section de la confection sur mesure était vacant. Comme Mme Runzer était superviseur de la section de la confection générale, elle travaillait en étroite collaboration avec les tailleurs sur mesure, y compris la plaignante. À la lumière des témoignages de Mmes Kuhn et Runzer, lesquels n'ont pas été contestés, le Tribunal estime que Mme Runzer comprend le fonctionnement de l'atelier de confection et connaît le travail des tailleurs sur mesure.

45 Pour ce qui est des évaluations narratives, le Tribunal estime que les mêmes considérations s'appliquent aux personnes qui préparent ces évaluations qu'aux répondants qui participent à la vérification des références. Comme le Tribunal l'a indiqué dans la décision Dionne c. le Sous-ministre de la Défense nationale, 2008 TDFP 0011, para. 55, un répondant doit bien connaître le travail accompli par la personne et doit pouvoir fournir suffisamment d'information pour permettre au comité d'évaluer de façon appropriée les qualifications de cette dernière. Les personnes qui fournissent une évaluation narrative dans un processus SEMPMD doivent posséder un niveau de connaissance équivalent.

46 Il n'a pas été démontré en preuve que Mme Runzer ne connaissait pas suffisamment bien le travail de la plaignante pour formuler des commentaires dans une évaluation narrative de ses capacités et de ses compétences. L'évaluation narrative de la plaignante, que Mme Kuhn a préparée avec l'aide de Mme Runzer, n'a nui d'aucune façon au résultat de la plaignante dans le processus SEMPMD.

47 Concernant le rôle de Mme Runzer à titre de membre du comité d'évaluation, le Tribunal a déjà établi les exigences que doivent respecter les personnes chargées des évaluations en vue d'une nomination. Voir, par exemple, la décision Sampert c. Sous-ministre de la Défense nationale, 2008 TDFP 0009. Si les mêmes principes sont appliqués aux processus SEMPMD, les personnes chargées des évaluations doivent bien connaître les fonctions des postes qui seront conservés.

48 Il y a donc insuffisance de preuve pour démontrer que Mme Runzer n'avait pas les compétences nécessaires pour évaluer les qualifications de la plaignante au regard des fonctions d'un tailleur sur mesure.

Décision

49 Pour tous les motifs susmentionnés, la plainte est rejetée.


Merri Beattie
Membre

Parties au dossier


Dossier du Tribunal :
2011-0720
Intitulé de la cause :
Teresa Tran et le commissaire de la Gendarmerie royale du Canada
Audience :
Les 11 et 12 septembre 2012
Régina (Saskatchewan)
Date des motifs :
Le 4 décembre 2012

COMPARUTIONS

Pour la plaignante :
Satinder Bains et Ryan Forsburg
Pour l'intimé :
Lesa Brown
Pour la Commission
de la fonction publique :
John Unrau
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