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Résumé :

La plaignante a formulé à l’encontre de l’intimé une allégation d’abus de pouvoir dans le choix d’un processus de nomination non annoncé. Selon elle, l’intimé aurait procédé par favoritisme personnel à la nomination intérimaire de la personne retenue. L’intimé a nié tout abus de pouvoir. Décision En l’espèce, le Tribunal a jugé que la plaignante n’avait pas établi la preuve d’un abus de pouvoir dans le choix d’un processus de nomination non annoncé. L’intimé a pris une décision motivée, qui reconnaissait la nécessité de poursuivre le projet en cours au moment du départ d’un employé de l’organisation. En outre, la nomination non annoncée a fait l’objet d’une justification écrite. Le Tribunal a rappelé que, s’agissant d’un processus non annoncé, l’intimé n’est pas tenu de prendre en considération la candidature de plus d’une personne pour que la nomination soit fondée sur le mérite. Par ailleurs, le Tribunal a estimé que la plaignante n’avait pas établi que la personne nommée l’avait été par favoritisme personnel. Ni le fait que la relation entre la personne nommée et la gestionnaire en cause ait été qualifiée de camaraderie, ni la confirmation par celle-ci qu’elle préférait assurer le perfectionnement professionnel des employés de l’unité Infrastructures fixes, rien de tout cela n’était suffisant pour conclure au favoritisme personnel. Plainte rejetée.

Contenu de la décision

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Dossiers :
2012-0864
Décision
rendue à :

Ottawa, le 10 décembre 2012

LISA KITSOS
Plaignante
ET
LE PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA
Intimé
ET
AUTRES PARTIES

Affaire :
Plainte d’abus de pouvoir en vertu des articles 77(1)a) et 77(1)b) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique
Décision :
La plainte est rejetée
Décision rendue par :
Joanne B. Archibald, membre
Langue de la décision :
Anglais
Répertoriée :
Kitsos c. le président de l’Agence des services frontaliers du Canada
Référence neutre :
2012 TDFP 0035

Motifs de décision


Introduction

1 La plaignante, Lisa Kitsos, a déposé une plainte d’abus de pouvoir auprès du Tribunal de la dotation de la fonction publique (le Tribunal) en vertu de l’article 77 de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13 (LEFP), au sujet de la nomination intérimaire de Debbie Dundas au poste d’agente de projet, un poste AS‑04 au sein de l’unité Infrastructures fixes (IF) de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) à Windsor (Ontario). La plaignante estime que l’intimé, le président de l’ASFC, a abusé de son pouvoir en choisissant un processus de nomination non annoncé. Elle ajoute que le favoritisme personnel a influé sur la décision de l’intimé de nommer Mme Dundas à titre intérimaire.

2 L’intimé nie avoir abusé de son pouvoir. Selon lui, le choix d’un processus de nomination non annoncé était approprié et relevait du pouvoir discrétionnaire de la gestionnaire d’embauche, Mary Boone. Mme Dundas a été évaluée, et il a été établi qu’elle possédait les qualifications exigées pour le poste et qu’elle répondait aux besoins opérationnels de l’ASFC au moment de sa nomination.

3 La Commission de la fonction publique (CFP) n’a pas pris position sur le bien‑fondé de l’affaire. La CFP n’a pas assisté à l’audition de la plainte, mais a présenté des observations écrites concernant ses politiques et ses lignes directrices applicables.

4 Pour les motifs énoncés ci‑après, la plainte est rejetée. En effet, il n’a pas été démontré que le choix d’un processus de nomination non annoncé constituait un abus de pouvoir ni que la nomination de Mme Dundas était entachée de favoritisme personnel.

Contexte

5 Mme Dundas a obtenu une première nomination intérimaire au poste AS‑04 le 1er décembre 2010. La plaignante a appris la nomination de Mme Dundas et, le 25 mai 2011, a envoyé son curriculum vitæ à Mme Boone pour lui faire savoir qu’elle serait intéressée par une affectation au sein de l’unité IF. Lorsqu’elle a pris connaissance de l’avis de nomination intérimaire – daté du 24 avril 2012 – de Mme Dundas au poste AS‑04 pour la période du 1er avril au 7 septembre 2012 (la nomination d’avril 2012), la plaignante a déposé sa plainte.

Questions en litige

6 Le Tribunal doit trancher les questions suivantes :

  1. L’intimé a‑t‑il abusé de son pouvoir en choisissant un processus non annoncé pour la nomination d’avril 2012?
  2. Y a-t-il eu favoritisme personnel par rapport au choix de Mme Dundas pour la nomination d’avril 2012?

Analyse

Question I :   L’intimé a‑t‑il abusé de son pouvoir en choisissant un processus non annoncé pour la nomination d’avril 2012?

7 L’article 33 de la LEFP est formulé comme suit : « La Commission peut, en vue d’une nomination, avoir recours à un processus de nomination annoncé ou à un processus de nomination non annoncé. »

8 L’article 77(1)b) prévoit un droit de recours lorsque le choix du processus de nomination est en cause :

77. (1) Lorsque la Commission a fait une proposition de nomination ou une nomination dans le cadre d’un processus de nomination interne, la personne qui est dans la zone de recours visée au paragraphe (2) peut, selon les modalités et dans le délai fixés par règlement du Tribunal, présenter à celui‑ci une plainte selon laquelle elle n’a pas été nommée ou fait l’objet d’une proposition de nomination pour l’une ou l’autre des raisons suivantes :

[…]

b) abus de pouvoir de la part de la Commission du fait qu’elle a choisi un processus de nomination interne annoncé ou non annoncé, selon le cas;

9 Mme Boone a décrit les circonstances ayant mené à la nomination d’avril 2012. Cheryl Baker a occupé le poste d’agente de projet AS‑04, un poste à durée indéterminée, au sein de l’unité IF à Windsor jusqu’à son départ à la retraite en avril 2012. Les rapports de congés du 1er avril 2010 au 31 mars 2012 indiquent que Mme Baker était souvent absente du travail et qu’elle a utilisé des crédits de congé totalisant plus de 1 500 heures au cours de cette période. Mme Boone a précisé que l’administration centrale de l’ASFC avait décidé en 2010 de financer temporairement un poste AS‑04 supplémentaire à Windsor (le poste AS‑04 temporaire) en raison des absences de Mme Baker et de la nécessité pour l’ASFC de pouvoir compter en tout temps sur une personne en mesure de poursuivre le travail assigné au poste AS‑04. Le poste AS‑04 temporaire a été créé de façon à ce que des ressources suffisantes soient disponibles pour plusieurs projets d’envergure en cours, notamment le réaménagement du tunnel Detroit‑Windsor et du pont Ambassador, et la correction des défauts de construction dans le cadre du projet du pont Blue Water. Mme Dundas a été choisie en décembre 2010 pour occuper à titre intérimaire le poste AS‑04 temporaire parce qu’elle travaillait au sein de l’unité IF depuis plus de cinq ans, qu’elle connaissait l’unité et son rôle et qu’elle avait acquis un certain bagage d’expérience en travaillant à des projets et à des dossiers de l’unité qui relevaient de son poste d’attache AS‑02.

10 Mme Boone a affirmé qu’en novembre 2011, elle avait demandé à Mme Baker de travailler au dossier du réaménagement du pont Ambassador. Dans un courriel daté du 3 février 2012, Mme Baker a informé Mme Boone qu’elle serait absente pour une période prolongée et qu’elle prendrait sa retraite le 28 avril 2012.

11 Mme Boone a affirmé qu’elle avait dû remplacer Mme Baker afin de respecter l’échéancier du projet de réaménagement du pont Ambassador. Comme la nomination de Mme Dundas au poste AS‑04 temporaire devait se terminer sous peu, Mme Boone a décidé de la prolonger jusqu’au 7 septembre 2012 au moyen d’un processus de nomination non annoncé. Plusieurs facteurs l’ont amenée à choisir un processus non annoncé pour la nomination d’avril 2012, à savoir l’envergure du projet du pont Ambassador et son échéancier de même que le fait que le pont Ambassador constitue un poste frontalier important qui ne pouvait être obstrué en raison d’un retard.

12 Mme Boone a affirmé qu’elle n’avait pas pris en considération la candidature de la plaignante pour la nomination d’avril 2012. Le curriculum vitæ de la plaignante indiquait qu’elle possédait surtout une expérience du travail de bureau, tandis que le poste AS‑04 exigeait de connaître les besoins et les exigences liés aux infrastructures.

13 Selon la plaignante, la décision d’utiliser un processus non annoncé pour la nomination d’avril 2012 constituait un abus de pouvoir. Toujours selon elle, l’existence de projets d’envergure à long terme n’aurait pas dû influer sur le choix d’un processus non annoncé. La plaignante a affirmé qu’il était fréquent que le responsable d’un projet change, mais n’a présenté aucun élément de preuve à cet égard.

14 Le Tribunal conclut que la plaignante n’a pas établi que le choix d’utiliser un processus non annoncé constituait un abus de pouvoir en l’espèce. Conformément à l’article 33 de la LEFP, « [l]a Commission peut, en vue d’une nomination, avoir recours à un processus de nomination annoncé ou à un processus de nomination non annoncé. » Le libellé de la LEFP offre aux gestionnaires une certaine marge de manœuvre sans établir de préférence quant au choix du processus. Dans la décision Jarvo c. le sous‑ministre de la Défense nationale, 2011 TDFP 0006, au paragraphe 7, le Tribunal a déclaré ce qui suit :

L’article 33 de la LEFP autorise explicitement l’utilisation de processus de nomination non annoncés. Cependant, l’art. 77(1)b) de la LEFP stipule qu’il est possible de porter plainte relativement au choix discrétionnaire d’utiliser un processus annoncé ou non annoncé, au motif qu’il y a eu abus de pouvoir. Le Tribunal a établi que le simple fait de recourir à un processus non annoncé ne constitue pas un abus de pouvoir en soi. Pour qu’une plainte en vertu de l’art. 77(1)b) de la LEFP soit accueillie, le plaignant doit montrer, selon la prépondérance des probabilités, que le choix d’utiliser un processus non annoncé constituait un abus de pouvoir.

15 Selon le Tribunal, les éléments de preuve fournis par Mme Boone appuient la décision de recourir à un processus de nomination non annoncé. Son témoignage fait état d’une décision réfléchie, prise en fonction de l’importance de la poursuite du projet de réaménagement du pont Ambassador lors du départ de Mme Baker. La justification écrite que Mme Boone a préparée au moment de la nomination montre que l’expérience et les connaissances de Mme Dundas constituaient des facteurs importants dans la décision d’utiliser un processus de nomination non annoncé.

16 La plaignante estime que d’autres personnes auraient dû avoir la possibilité d’occuper le poste AS‑04 à titre intérimaire et déplore le fait que son curriculum vitæ n’ait pas été pris en considération avant la nomination de Mme Dundas. Les éléments de preuve révèlent que Mme Boone n’a pas pris en considération la candidature de la plaignante ni de personne d’autre que Mme Dundas pour la nomination d’avril 2012. En vertu de l’article 30(4) de la LEFP, Mme Boone n’était pas tenue d’examiner la candidature de plus d’une personne pour que la nomination soit fondée sur le mérite.

17 Les Lignes directrices en matière de nomination de la CFP précisent que l’équité, la transparence, l’accessibilité et la représentativité sont les valeurs directrices que doivent appliquer les gestionnaires investis des pouvoirs délégués en matière de nomination. Comme le Tribunal l’a affirmé dans la décision Jarvo, au paragraphe 32, « [n]i la LEFP ni les Lignes directrices en matière de nomination de la CFP ne garantissent à un employé le droit d’accès à toutes les possibilités d’emploi. » De par leur nature, les processus de nomination non annoncés ne sont pas annoncés aux employés avant qu’une personne ne soit nommée. Il ne s’agit donc pas de possibilités d’emploi pour lesquelles une personne peut poser sa candidature.

18 À la lumière des éléments de preuve présentés, le Tribunal conclut que la plaignante n’a pas établi que l’intimé avait abusé de son pouvoir en décidant de mener un processus de nomination non annoncé après avoir examiné la candidature d’une seule personne.

Question II :  Y a-t-il eu favoritisme personnel par rapport au choix de Mme Dundas pour la nomination d’avril 2012?

19 L’article 2(4) de la LEFP est libellé comme suit : « Il est entendu que, pour l’application de la présente loi, on entend notamment par “abus de pouvoir” la mauvaise foi et le favoritisme personnel. »

20 La plaignante estime que la décision de Mme Boone de choisir Mme Dundas pour la nomination d’avril 2012 était entachée de favoritisme personnel. La plaignante, qui ne travaille pas au sein de l’unité IF, a affirmé avoir posé des questions à Mme Boone au sujet du choix de Mme Dundas pour la nomination d’avril 2012. Mme Boone lui aurait répondu que Mme Dundas travaillait au sein de l’unité IF et aurait précisé qu’elle voulait offrir des possibilités seulement aux employés de l’unité.

21 La plaignante a sollicité le témoignage de Mme Baker. Celle-ci a affirmé qu’elle était la seule à occuper un poste AS‑04 à Windsor jusqu’à ce que Mme Dundas soit nommée à titre intérimaire en 2010. Elle a précisé que Mme Dundas effectuait un bon travail lorsqu’elle occupait le poste AS‑04. Mme Baker a toutefois ajouté qu’elle avait l’impression d’avoir perdu la responsabilité de certains projets au profit de Mme Dundas. Elle avait l’impression qu’il existait une certaine « camaraderie » entre Mmes Dundas et Boone, lesquelles travaillaient respectivement à Windsor et à Niagara Falls. Mme Baker se sentait exclue du fait qu’elle ne partageait pas avec Mmes Dundas et Boone le même esprit de camaraderie, mais elle n’était au courant d’aucune relation personnelle entre ces dernières en dehors de leurs responsabilités au travail.

22 Mme Boone a confirmé avoir parlé avec la plaignante une fois sa plainte déposée et lui avoir dit qu’elle préférait assurer le perfectionnement de ses propres employés lorsqu’elle offrait des nominations intérimaires en raison des connaissances et de l’expérience qu’ils possédaient déjà au sein de l’unité IF. L’évaluation de Mme Dundas, qui montre que cette dernière répondait aux exigences du poste AS‑04, a été produite en preuve. Les qualifications de Mme Dundas n’ont pas été remises en question.

23 Mme Boone a fait remarquer que dans la période qui avait suivi la nomination d’avril 2012, elle avait obtenu la permission de mener un processus de nomination interne annoncé afin de doter un poste AS‑04 pour une période indéterminée. La plaignante et Mme Dundas ont toutes deux posé leur candidature, mais ni l’une ni l’autre n’ont été jugées qualifiées. La nomination de Mme Dundas au poste AS‑04 temporaire n’a pas été prolongée, et celle‑ci a repris son poste d’attache AS‑02 au terme de la nomination d’avril 2012.

24 Dans la décision Glasgow c. Sous‑ministre de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, 2008 TDFP 0007, le Tribunal a établi qu’il était significatif que la LEFP fasse mention du favoritisme personnel, mettant ainsi en évidence l’intention du législateur de faire en sorte que les deux mots soient lus ensemble. Comme le Tribunal l’a indiqué au paragraphe 41 de la décision Glasgow, la sélection d’une personne seulement en fonction d’une relation personnelle, à titre de faveur personnelle ou pour obtenir la faveur de quelqu’un d’autre sont des exemples de favoritisme personnel.

25 Les éléments de preuve présentés au Tribunal n’ont pas permis de démontrer que la nomination de Mme Dundas était entachée de favoritisme personnel. Ses qualifications n’ont pas été remises en question, et Mme Baker a décrit de façon positive son travail lorsqu’elle occupait le poste AS‑04. Selon le Tribunal, rien ne prouve que des considérations inappropriées, par exemple le favoritisme personnel, ont influencé sa nomination. Ni le fait que Mme Baker ait qualifié de camaraderie la relation entre Mmes Dundas et Boone, ni la confirmation par cette dernière qu’elle préférait assurer le perfectionnement professionnel des employés de l’unité IF, rien de tout cela n’est suffisant pour conclure au favoritisme personnel.

26 Compte tenu de l’ensemble des éléments de preuve présentés au cours de l’audience, de la courte durée de la nomination d’avril 2012, de l’importance des travaux en cours et de la nécessité pour la personne exerçant les fonctions du poste de posséder une expérience et des connaissances pertinentes, le Tribunal conclut que la plaignante n’a pas établi que la nomination de Mme Dundas constituait un abus de pouvoir.

Décision

27 Pour les motifs susmentionnés, la plainte est rejetée.


Joanne B. Archibald
Membre

Parties au dossier


Dossier du Tribunal :
2012-0864
Intitulé de la cause :
Lisa Kitsos et le président de l’Agence des services frontaliers du Canada
Audience :
Le 30 octobre 2012
Windsor (Ontario)
Date des motifs :
Le 10 décembre 2012

COMPARUTIONS

Pour la plaignante :
Mike Fummerton
Pour l'intimé :
Christine Langill
Pour la Commission
de la fonction publique :
Laurence St-Gelais
(observations écrites)
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