Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

D’après le plaignant, l’intimé aurait abusé de son pouvoir dans le processus de nomination annoncé; la personne nommée ne posséderait pas les qualifications essentielles pour le poste et sa candidature n’aurait pas dû être retenue à l’étape de la présélection; l’intimé aurait modifié les qualifications essentielles relatives à l’expérience après l’annonce du poste et n’aurait pas évalué toutes les qualifications relatives aux connaissances. L’intimé a nié tout abus de pouvoir. Selon lui, la personne nommée avait l’expérience requise. Il a précisé d’autre part qu’il n’avait pas modifié les qualifications essentielles et que celles-ci avaient été entièrement évaluées. Décision Le Tribunal a jugé que le plaignant n’avait pas réussi à établir la preuve d’un abus de pouvoir de la part de l’intimé par rapport à l’évaluation de l’expérience de la personne nommée, pas plus qu’il n’avait démontré que l’intimé avait modifié la définition de l’expérience ni que ce dernier avait omis d’évaluer toutes les qualifications. Le comité d’évaluation avait le pouvoir discrétionnaire de ne pas appliquer à la lettre les directives contenues dans l’annonce de possibilité d’emploi. La Loi sur l’emploi dans la fonction publique confère aux gestionnaires un vaste pouvoir discrétionnaire pour établir les qualifications essentielles pour le poste à doter, choisir et utiliser des méthodes d’évaluation visant à déterminer si la personne évaluée possède les qualifications essentielles, et sélectionner le candidat ou la candidate qui représente la bonne personne pour le poste en plus de posséder les qualifications essentielles. Plainte rejetée.

Contenu de la décision

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Dossier :
2011-0227
Rendue à :
Ottawa, le 9 mai 2012

DARREN COSTAIN
Plaignant
ET
LE PRÉSIDENT DU CONSEIL DE LA RADIODIFFUSION ET DES
TÉLÉCOMMUNICATIONS CANADIENNES

Intimé
ET
AUTRES PARTIES

Affaire :
Plainte d’abus de pouvoir en vertu de l’article 77(1)a) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique
Décision :
La plainte est rejetée
Décision rendue par :
Lyette Babin-MacKay, membre
Langue de la décision :
Anglais
Répertoriée :
Costain c. le président du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes
Référence neutre :
2012 TDFP 0011

Motifs de la décision

Introduction


1Le plaignant, Darren Costain, affirme que l’intimé, le président du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC), a abusé de son pouvoir dans le processus de nomination annoncé qui visait à doter le poste d’agent de sécurité du ministère (ASM), de groupe et niveau AS‑06. Plus précisément, il soutient que le candidat nommé, Jeff Woodruff, ne possède pas les qualifications essentielles relatives à l’expérience pour occuper ce poste et que la candidature n’aurait pas dû être retenue à l’étape de la présélection. Le plaignant soutient également que l’intimé a modifié les qualifications essentielles relatives à l’expérience après l’annonce du poste et qu’il n’a pas évalué toutes les qualifications relatives aux connaissances.

2L’intimé nie toutes ces allégations. Il affirme qu’il était d’avis que le candidat nommé avait l’expérience requise. Il indique également qu’il n’a pas modifié les qualifications essentielles et que celles‑ci ont été entièrement évaluées.

3La Commission de la fonction publique (CFP) n’était pas représentée à l’audience, mais a fourni des observations écrites dans lesquelles elle aborde la notion d’abus de pouvoir et décrit ses politiques et lignes directrices pertinentes concernant l’affichage, l’évaluation, la notification et la sélection. Elle n’a pas pris position quant au bien‑fondé de la plainte.

4Pour les motifs exposés ci‑après, le Tribunal de la dotation de la fonction publique (le Tribunal) juge que le plaignant n’a pas réussi à établir la preuve d’un abus de pouvoir de la part de l’intimé par rapport à l’évaluation des qualifications relatives à l’expérience, pas plus qu’il n’a démontré que ce dernier avait omis d’évaluer toutes les qualifications essentielles.

Contexte


5L’intimé a affiché ce processus de nomination sur Publiservice le 8 février 2011.

Un « avis très important » figurant dans l’annonce de possibilité d’emploi (APE) comportait la directive suivante :

Les candidats doivent utiliser les facteurs d’expérience comme en‑tête, puis rédiger un ou deux paragraphes expliquant en quoi ils satisfont aux exigences en matière d’expérience. Les curriculum vitæ pourraient être utilisés comme source secondaire pour valider l’expérience décrite dans la lettre d’accompagnement. Le fait de ne pas fournir ces renseignements […] pourrait entraîner le rejet de votre candidature.

6L’APE et l’énoncé des critères de mérite (ECM) mentionnaient quatre qualifications en matière d’expérience « récente » et « appréciable » :

Expérience récente et appréciable dans le développement, la mise en œuvre et la gestion des politiques et procédures opérationnelles liées à un programme de sécurité ministériel. (E-1)

Expérience récente et appréciable à effectuer des enquêtes administratives en conformité avec les directives du SCT. (E-2)

Expérience récente et appréciable dans la préparation et la présentation de rapports à la haute gestion sur des préoccupations liées à un programme de sécurité ministériel. (E-3)

Expérience récente et appréciable de la gestion de situations d’urgence et de la planification de la continuité des activités. (E-4)

7Les deux documents précisaient le sens des qualificatifs « récente » et « appréciable » de la manière suivante :

On entend par « expérience récente » une expérience acquise au cours des trois (3) dernières années.

On entend par « expérience appréciable » une expérience qui a fait partie intégrante du travail du candidat ou de la candidate pendant au moins cinq (5) ans.

8Dans l’ECM, trois qualifications visaient les connaissances, six visaient les capacités et six visaient les qualités personnelles.

9Des vingt‑quatre personnes ayant présenté leur candidature, sept ont passé l’étape de la présélection sur la base des qualifications en matière d’études et d’expérience; deux candidats se sont ensuite retirés du processus. Les cinq autres ont été évalués à l’aide d’un examen écrit, d’une entrevue et d’une vérification des références.

10Le comité d’évaluation était composé de deux membres : Jennifer Wilson, directrice générale des ressources humaines et gestionnaire délégataire responsable du processus, et l’agent de sécurité du ministère du Patrimoine canadien.

Question en litige

11Le Tribunal doit déterminer si l’intimé a abusé de son pouvoir durant l’évaluation des qualifications relatives à l’expérience et aux connaissances.

Analyse


12La Loi sur l’emploi dans la fonction publique (la LEFP) ne définit pas ce qu’est un abus de pouvoir; toutefois, l’art. 2(4) stipule : « Il est entendu que, pour l’application de la présente loi, on entend notamment par “abus de pouvoir” la mauvaise foi et le favoritisme personnel. »

13Comme l’établit la jurisprudence du Tribunal, c’est le plaignant qui doit prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu’il y a eu abus de pouvoir dans le processus de nomination (voir les décisions Tibbs c. Sous‑ministre de la Défense nationale, 2006 TDFP 0008 et Glasgow c. Sous‑ministre de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, 2008 TDFP 0007).

14Le plaignant soutient que le candidat nommé n’a pas suivi les directives formulées dans l’APE et qu’il n’a pas montré en quoi il satisfaisait aux exigences en matière d’expérience récente et appréciable.

15Dans l’ECM joint à l’avis qui convoquait les candidats à l’examen écrit et à l’entrevue (la convocation), la définition d’expérience récente et appréciable était différente de celle qui apparaissait dans l’ECM original. En effet, elle était formulée de la façon suivante : « expérience qui a fait partie intégrante du travail du candidat ou de la candidate pendant au moins cinq (5) ans au cours des 3 dernières années »[traduction]. Cet ECM comprenait cinq (et non pas trois) qualifications relatives aux connaissances et sept (et non pas six) qualifications relatives aux capacités.

16Alain‑Denis Bastien, chef des opérations en ressources humaines et des relations de travail et chef de la dotation, a expliqué qu’un employé avait commis une erreur et joint par inadvertance une version préliminaire de l’ECM à la convocation et, par après, à la notification de candidature retenue. Cette version de l’ECM comprenait une définition différente de l’expérience, soit « expérience qui a fait partie intégrante du travail du candidat ou de la candidate pendant au moins cinq (5) ans au cours des 3 dernières années ». Elle comprenait également deux qualifications supplémentaires relatives aux connaissances et une qualification supplémentaire relative aux capacités. M. Bastien a affirmé que ces qualifications n’ont jamais été évaluées et que l’ECM joint à l’APE était le seul utilisé pour chaque étape du processus de nomination. Mme Wilson a confirmé le témoignage de M. Bastien.

17Au terme du processus d’évaluation, trois candidats ont été jugés qualifiés, dont le plaignant et M. Woodruff.

18Le 1er avril 2011, une notification de candidature retenue a été publiée, indiquant que M. Woodruff avait été nommé au poste d’ASM. Le jour même, le plaignant a envoyé à l’intimé un courriel dans lequel il a soulevé ses préoccupations quant au fait qu’une erreur avait peut‑être été commise lors de la présélection de M. Woodruff et a indiqué qu’il était personnellement au courant que ce candidat ne possédait pas les qualifications essentielles en matière d’expérience.

19Après vérification, Mme Wilson et André Chartrand, qui était alors ASM au CRTC, ont confirmé que M. Woodruff avait l’expérience requise. Ils ont consigné leurs conclusions dans un rapport sur la présélection au regard de l’expérience rédigé après la présentation de la plainte (rapport sur la présélection), qu’ils ont ensuite signé.

20Le 11 avril 2011, une notification de nomination ou de proposition de nomination a été publiée pour annoncer la nomination de M. Woodruff à ce poste pour une période indéterminée.

21Le jour même, le plaignant a présenté une plainte d’abus de pouvoir en vertu de l’art. 77(1)a)de la LEFP.

22Dans son témoignage, le plaignant a examiné en profondeur la lettre de présentation et le curriculum vitæ de M. Woodruff, et il a commenté les conclusions du rapport sur la présélection, les jugeant inappropriées et inexactes.

23Plus particulièrement, il a affirmé que le candidat nommé n’avait pas été ASM/gestionnaire, Santé et sécurité au travail, au Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie (CRSNG) entre août 2008 et le moment de sa nomination, comme l’indiquait son curriculum vitæ. En fait, il avait occupé d’autres postes durant cette période, notamment celui d’agent de formation et de sensibilisation au CRSNG, de juillet 2009 à mai 2010.

24Le plaignant a également affirmé que dans le rapport sur la présélection, le comité avait indiqué que M. Woodruff avait travaillé au ministère des Pêches et Océans (MPO) de janvier 2008 à juillet 2009, ce qui n’était pas le cas. En effet, ce n’était pas possible puisqu’il avait lui‑même embauché le candidat nommé pour un poste à la CFP en juillet 2008, alors que M. Woodruff ne faisait pas partie de la fonction publique. Il avait en outre été le superviseur immédiat du candidat nommé jusqu’en novembre 2008. Il savait que l’expérience indiquée par M. Woodruff ne correspondait pas à son expérience réelle.

25Le plaignant a ajouté que dans sa lettre de présentation et son curriculum vitæ, M. Woodruff n’a pas indiqué qu’il possédait la qualification en matière d’expérience E‑1. En effet, M. Woodruff a indiqué qu’il avait assuré la gestion de « procédures et de lignes directrices » [traduction], et non pas de « politiques » [traduction], et il n’a pas indiqué qu’il avait « élaboré des politiques » [traduction]. En ce qui concerne le critère E‑2, il n’a pas mentionné qu’il avait effectué des enquêtes administratives en conformité avec les directives du Secrétariat du Conseil du Trésor (SCT). M. Woodruff avait réalisé des projets de vérification, mais la vérification et la sécurité sont deux domaines différents, et le plaignant estime que l’intimé a élargi la définition du critère d’expérience pour y inclure les vérifications. M. Woodruff n’a pas indiqué qu’il possédait la qualification E‑3. Selon le plaignant, le comité a indûment conclu que M. Woodruff, du fait qu’il relevait du vice‑président, Services administratifs, et du comité de la haute direction du CRSNG, avait préparé et présenté des rapports à la haute direction sur des préoccupations liées à un programme de sécurité ministériel. De même, pour son emploi à Santé Canada (SC), M. Woodruff n’a pas indiqué qu’il avait acquis une expérience dans la présentation de rapports à la haute direction par rapport à un programme de sécurité ministériel. Enfin, le fait de formuler des recommandations à la haute direction au sujet de la sécurité au MPO ne signifiait pas qu’il avait préparé et présenté des rapports. Pour ce qui est de son expérience en tant que membre du personnel de soutien aux opérations spéciales/à la police antiterroriste des Forces canadiennes, M. Woodruff a indiqué qu’il avait assuré une planification axée sur les risques pour des missions opérationnelles à l’aide de divers rapports de renseignement, ce qui ne voulait pas dire qu’il avait présenté des rapports à la haute direction. Ce ne sont pas tous les membres de cette organisation qui rédigeaient des politiques et des procédures et qui relevaient de la haute direction.

26Selon le plaignant, compte tenu de tous les faits exposés, le comité a indûment présumé que M. Woodruff possédait l’expérience requise en raison des postes qu’il avait occupés.

27Dans son témoignage, Mme Wilson a décrit les qualifications essentielles relatives à l’expérience et expliqué les définitions des qualificatifs « récente » et « appréciable ». L’expérience requise devait être récente, c’est‑à‑dire qu’elle devait avoir été acquise au cours des trois dernières années. Elle devait également être appréciable, c’est‑à‑dire qu’elle devait avoir fait partie intégrante du travail de la personne pendant au moins cinq ans.

28La présélection a été effectuée par un agent des ressources humaines, qui a consulté Mme Wilson à propos de la pertinence de l’expérience de M. Woodruff dans le domaine militaire. À la lumière des conseils de M. Chartrand, selon lequel l’expérience de M. Woodruff dans la police militaire était liée à la sécurité, Mme Wilson a retenu sa candidature à l’étape de la présélection.

29Elle a expliqué que lorsqu’elle a pris connaissance des préoccupations du plaignant à propos de la présélection, elle a ordonné que l’expérience des candidats retenus à la présélection soit examinée. De plus, elle a elle‑même communiqué avec M. Woodruff pour l’aviser des allégations soulevées contre lui, et elle l’a par la suite rencontré. M. Woodruff lui a fourni des renseignements supplémentaires ainsi que le nom de deux personnes qui pouvaient confirmer qu’il possédait l’expérience requise. Elle a ensuite communiqué avec un autre représentant du ministère de la Défense nationale (MDN), vers qui l’avaient aiguillée M. Woodruff et un de ses répondants au MDN. Enfin, elle a communiqué avec le superviseur de M. Woodruff au CRSNG, où M. Woodruff était alors ASM.

30À la suite de ces démarches, Mme Wilson a conclu qu’elle avait eu raison de retenir la candidature de M. Woodruff à l’étape de la présélection.

31Dans son témoignage, Mme Wilson a mentionné des passages de la lettre de présentation et du curriculum vitæ de M. Woodruff que le comité avait examinés par rapport aux critères E-1 et E-3. Elle a reconnu que M. Woodruff n’avait pas indiqué avoir effectué des enquêtes administratives en conformité avec les directives du SCT (E-2) lorsqu’il faisait partie des Forces canadiennes, mais d’autres éléments du curriculum vitæ de M. Woodruff ont amené le comité à conclure qu’il était implicite qu’il possédait l’expérience requise. Mme Wilson estime que les renseignements que M. Woodruff lui a fournis par la suite confirmaient cette supposition.

32Afin de vérifier plus en profondeur l’expérience de M. Woodruff, Mme Wilson a communiqué avec M. Chartrand, l’ancien ASM. Elle a déclaré que M. Chartrand, se fondant sur sa propre expérience, lui a dit être convaincu que M. Woodruff avait travaillé dans le domaine de la sécurité et acquis l’expérience nécessaire.

33Le Tribunal a examiné le rapport sur la présélection, dans lequel les conclusions tirées au terme de ces démarches ont été consignées. Il est à noter que ledit rapport précise que pour les besoins de la présélection durant le processus, l’avis très important qui figurait dans l’APE n’a pas été utilisé pour rejeter quelque candidature que ce soit, car une telle mesure aurait entraîné la présélection de seulement deux candidatures. Le comité avait le pouvoir discrétionnaire de ne pas appliquer à la lettre les directives présentées dans l’APE. Cet avis indiquait simplement que le fait de ne pas fournir les renseignements sur l’expérience sous la forme demandée pourrait entraîner le rejet de la candidature.

34Comme le Tribunal l’a établi au para. 42 de la décision Visca c. Sous‑ministre de la Justice, 2007 TDFP 0024, aux termes de l’art. 30(2) de la LEFP, les gestionnaires disposent d’un pouvoir discrétionnaire considérable pour établir les qualifications liées au poste qu’ils souhaitent doter et pour choisir la personne qui non seulement satisfait aux qualifications essentielles mais représente la bonne personne pour occuper le poste visé. Un pouvoir discrétionnaire semblable est prévu à l’art. 36 de la LEFP à l’intention des personnes qui détiennent les pouvoirs de dotation pour choisir et utiliser les méthodes d’évaluation qui permettront de déterminer si la personne satisfait aux qualifications essentielles. Compte tenu de ce pouvoir discrétionnaire, le Tribunal estime que l’intimé n’a pas abusé de son pouvoir par le fait de présélectionner M. Woodruff. Il convient toutefois de souligner que ce pouvoir discrétionnaire n’est pas absolu et qu’un abus de pouvoir peut être établi si le plaignant prouve que la méthode d’évaluation était déraisonnable ou qu’elle ne permettait pas d’évaluer les qualifications indiquées dans l’ECM (voir la décision Jogarajah c. Administrateur en chef de la santé publique de l’Agence de la santé publique du Canada, 2008 TDFP 0015).

35Le plaignant affirme également que la nomination n’était pas fondée sur le mérite parce que le candidat nommé ne possédait pas les qualifications en matière d’expérience requises pour le poste. L’intimé a été insouciant et inconsidéré durant l’évaluation, et il a fondé son évaluation sur des documents inadéquats et sur des suppositions. En outre, il a fait preuve de mauvaise foi en omettant de corriger ses erreurs.

36En l’espèce, Mme Wilson a décidé que les candidats devaient avoir une expérience récente et appréciable dans quatre domaines. Il n’était pas nécessaire que l’expérience « récente » totalise trois ans. Il fallait plutôt qu’elle ait été acquise au cours des trois dernières années. En outre, une expérience était jugée « appréciable » si les tâches mentionnées avaient fait partie intégrante du travail de la personne pendant au moins cinq ans.

37Durant la présélection, Mme Wilson a jugé que le candidat nommé possédait les qualifications essentielles en matière d’expérience. Après avoir pris connaissance des préoccupations du plaignant, elle a vérifié l’expérience qu’avait indiquée le candidat nommé. Pour ce faire, elle a parlé à M. Woodruff lui‑même ainsi qu’à son ancien superviseur et à son superviseur actuel. Elle a également examiné les lettres de clarification fournies par le candidat nommé et ses répondants.

38Mme Wilson était assistée dans sa tâche par M. Chartrand. Ils ont consigné leurs conclusions dans le rapport sur la présélection, qu’ils ont tous deux signé. Ils ont confirmé leur constatation initiale, selon laquelle le candidat nommé possédait l’expérience requise.

39Il n’est pas du ressort du Tribunal d’établir les qualifications essentielles ou de réévaluer les qualifications d’un candidat. Le rôle du Tribunal est de déterminer s’il y a eu abus de pouvoir dans le processus de nomination (voir la décision Lavigne c. Canada (Justice), 2009 CF 684, para. 70).

40Le Tribunal a examiné les lettres de clarification que le candidat nommé et ses répondants ont fournies. Ces lettres font référence à la rédaction de politiques, à la préparation et à la présentation de rapports à l’intention de la haute direction, et à la réalisation d’enquêtes administratives. Mme Wilson a indiqué qu’elle avait également communiqué avec le superviseur du candidat nommé au CRSNG et un autre gestionnaire au MDN, mais il n’existe aucune preuve écrite de ces interventions. Mme Wilson aurait dû clairement consigner les renseignements fournis par ces personnes.

41Dans le rapport sur la présélection, le nombre de mois durant lesquels le candidat nommé a travaillé pour les différents employeurs (CRSNG, SC, MPO, Forces canadiennes) est indiqué en deux colonnes, faisant respectivement référence à l’expérience récente et à l’expérience appréciable. Or, le Tribunal a constaté certaines anomalies dans les chiffres compilés. Alors que la colonne traitant de l’expérience récente indique que le candidat nommé a travaillé au MPO pendant dix‑huit mois, la preuve démontre plutôt qu’il y a travaillé seulement pendant huit mois.

42Le plaignant n’a pas spécifiquement questionné Mme Wilson à l’égard de cette anomalie. Cependant, étant donné que l’intimé avait défini l’expérience récente comme une expérience acquise au cours des trois dernières années, et non pas comme une expérience totalisant trois ans, le Tribunal estime que les paramètres établis par l’intimé ont été respectés. Le plaignant n’a pas réussi à démontrer qu’il s’agissait d’une erreur grave au point de constituer un abus de pouvoir.

43Par ailleurs, pour chaque qualification relative à l’expérience, le rapport sur la présélection comprend un bref énoncé indiquant la nature de l’expérience et l’endroit où elle a été acquise. En ce qui concerne l’expérience militaire de M. Woodruff, M. Chartrand affirme, à titre d’expert en matière de sécurité, que sa propre expérience générale ou du domaine de la sécurité lui permet de conclure que M. Woodruff aurait assumé diverses fonctions pertinentes. M. Chartrand n’a pas présenté de témoignage et le rapport n’explique pas davantage comment il en est venu à cette conclusion. Les lettres de clarification fournies par le candidat nommé et ses répondants font référence à la rédaction de politiques, à la lecture et à la préparation de rapports à l’intention de la haute direction, et à la réalisation d’enquêtes administratives.

44En ce qui concerne l’expérience du candidat nommé dans le domaine militaire, le comité a estimé qu’elle était liée au poste visé. Dans son témoignage, Mme Wilson a indiqué que cette expérience avait fait partie intégrante du travail du candidat pendant au moins cinq ans et que, par conséquent, elle pouvait être qualifiée d’« appréciable ».

45C’est pourquoi le Tribunal juge que le plaignant n’a pas réussi à établir que l’intimé avait abusé de son pouvoir dans l’évaluation de l’expérience du candidat nommé.

46Pour ce qui est de la façon différente dont l’expérience avait été définie dans l’ECM joint à la convocation et dans la notification de candidature retenue, le plaignant a affirmé que pour être récente et appréciable, une expérience devait avoir fait partie intégrante du travail d’un candidat pendant au moins trois ans au cours des cinq dernières années. Il soutient que l’intimé a changé la définition durant le processus de nomination, pour justifier le fait que le candidat nommé avait été retenu à l’étape de la présélection, même s’il ne respectait pas les exigences en matière d’expérience selon cette définition en particulier.

47Par ailleurs, le plaignant affirme que l’intimé a omis d’évaluer deux des qualifications relatives aux connaissances mentionnées dans l’ECM joint à la convocation.

48Or, la preuve présentée n’appuie pas ces allégations. M. Bastien et Mme Wilson ont affirmé que la bonne définition de l’expérience et les bonnes qualifications étaient celles qui apparaissaient dans l’APE et l’ECM qui y était joint, ce que confirme le rapport du comité de présélection pour ce processus. Ce rapport, qui a été signé le 21 février 2011, contient les mêmes définitions que celles qui avaient été publiées dans l’APE et l’ECM s’y rapportant. Il en va de même pour le rapport du comité d’entrevue et le rapport du comité d’examen écrit, dans lesquels sont inscrits les résultats des candidats pour l’entrevue et l’examen écrit : ils confirment tous deux que l’évaluation portait sur trois qualifications relatives aux connaissances et six qualifications relatives aux capacités, et non pas sur les cinq qualifications relatives aux connaissances et les sept qualifications relatives aux capacités figurant dans l’ECM erroné.

49Il aurait été préférable que l’intimé produise une modification ou avise les candidats de l’erreur lorsqu’il a constaté qu’un ECM erroné avait été joint à la convocation. Étant donné que cet ECM contenait des qualifications supplémentaires en matière de connaissances et de capacités, il est possible que certains candidats se soient préparés davantage sans en avoir besoin. Toutefois, aucun élément de preuve présenté à l’audience ne démontre qu’une telle situation s’est produite.

50De plus, un ECM modifié aurait dû être publié pour corriger l’erreur dans la définition de l’expérience. En effet, l’objectif des lignes directrices de la CFP en matière de notification est « d’assurer la transparence en fournissant aux personnes visées par une notification les renseignements concernant la décision de nomination ». Cet objectif n’a pas été rempli lorsque des renseignements incorrects ont été publiés. Toutefois, cette erreur n’est pas suffisamment grave pour constituer un abus de pouvoir.

51Le Tribunal conclut que le plaignant n’a pas réussi à démontrer que l’intimé a modifié la définition de l’expérience ou qu’il a omis d’évaluer toutes les qualifications.

52Le plaignant soutient également que la vérification réalisée par l’intimé après la publication de la notification de candidature retenue constituait une nouvelle évaluation, ce qui contrevient à l’art. 48 de la LEFP, qui stipule que la notification doit être envoyée lorsque l’évaluation est terminée.

53Cependant, le Guide pour la mise en œuvre des lignes directrices en matière de notification de la CFP précise ce qui suit :

Il peut arriver que, durant la période d’attente entre la notification de candidature retenue et la notification de nomination ou de proposition de nomination, le ou la gestionnaire prenne connaissance de renseignements pouvant l’amener à modifier sa décision.

54Il était tout à fait approprié que l’intimé vérifie l’expérience du candidat nommé lorsque le plaignant lui a fait part de préoccupations, lesquelles auraient pu l’amener à modifier sa décision. Le processus de vérification ne constituait donc pas une nouvelle évaluation (voir la décision Brunet c. le commissaire de la Gendarmerie royale du Canada, 2011 TDFP 0030).

Décision


55Pour tous les motifs susmentionnés, la plainte est rejetée.

Lyette Babin-MacKay
Membre

Parties au dossier


Dossiers du Tribunal :
2011‑0227
Intitulé de la cause :
Darren Costain et le président du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes
Audience :
Les 12 et 13 janvier 2012
Ottawa (Ontario)
Date des motifs :
Le 9 mai 2012

COMPARUTIONS

Pour le plaignant :
Darren Costain
Pour l'intimé :
Pierre Marc Champagne
Pour la Commission
de la fonction publique :
Kimberley J. Lewis
(observations écrites)
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