Décisions de la CRTESPF

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Résumé :

Selon la plaignante, l’intimé aurait abusé de son pouvoir du fait de la sélectionner aux fins de mise en disponibilité sans l’avoir évaluée. Elle a soutenu que vu que son poste EX-01 était semblable à un autre poste EX-01, l’intimé était tenu de procéder à une évaluation du mérite afin de déterminer qui serait retenu et qui serait mis en disponibilité. Elle a ajouté que la décision de l’intimé de ne pas l’évaluer pour un éventuel maintien en poste était due en partie à sa déficience; elle constituait donc une discrimination. L’intimé a affirmé que le poste de la plaignante était unique et que par conséquent les dispositions relatives à la mise en disponibilité ne s’appliquaient pas. La plaignante n’avait donc pas le droit de porter plainte au Tribunal en ce qui concerne la mise en disponibilité. Pour la Commission de la fonction publique, lorsque l’administrateur général détermine qu’un poste unique est excédentaire, aucune sélection n’est requise et par voie de conséquence aucune plainte ne peut être déposée auprès du Tribunal. Décision Cette affaire reposait sur la question de savoir si l’intimé était tenu d’évaluer la plaignante aux fins de sélection pour une mise en disponibilité. En conséquence, il était nécessaire pour le Tribunal de déterminer si le poste de la plaignante était semblable à un autre poste ou si celle-ci s’acquittait de fonctions similaires à celles d’un autre employé EX-01 de l’organisation. Le Tribunal a estimé que les deux postes EX-01 n’étaient pas semblables, pas plus qu’il n’y avait de similarité entre les fonctions exercées par les titulaires de ces postes. L’intimé n’était pas tenu de mener une évaluation fondée sur le mérite pour sélectionner la plaignante aux fins de mise en disponibilité. En outre, le Tribunal a jugé que les éléments de preuve présentés par la plaignante étaient insuffisants pour établir que celle-ci avait une déficience. L’allégation de la plaignante selon laquelle l’intimé aurait fait preuve de discrimination par la décision de ne pas l’évaluer, cette allégation n’était pas fondée. Plainte rejetée.

Contenu de la décision

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Dossier :
2011-1178
Décision
rendue à :

Ottawa, le 22 août 2012

LISE MACLEAN
Plaignante
ET
LE SECRÉTAIRE DU SECRÉTARIAT DU CONSEIL DU TRÉSOR DU CANADA
Intimé
ET
AUTRES PARTIES

Affaire :
Plainte d’abus de pouvoir en vertu de l’article 65(1) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique
Décision :
La plainte est rejetée
Décision rendue par :
Merri Beattie, membre
Langue de la décision :
Anglais
Répertoriée :
Maclean c. le secrétaire du Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada
Référence neutre :
2012 TDFP 0021

Motifs de décision


Introduction


1 La plaignante, Lise Maclean, affirme que l'intimé, le secrétaire du Conseil du Trésor, a abusé de son pouvoir lorsqu'il l'a sélectionnée aux fins de mise en disponibilité sans l'avoir évaluée. Elle soutient que son poste EX-01 est semblable à un autre poste EX-01 de la Direction du dirigeant principal de l'information (DDPI), qui fait partie du Secrétariat du Conseil du Trésor (SCT). Elle affirme donc que l'intimé était tenu de réaliser une évaluation fondée sur le mérite pour déterminer la personne qui conserverait son poste et celle qui serait mise en disponibilité. La plaignante affirme également que la décision de l'intimé de ne pas l'évaluer aux fins d'un éventuel maintien en poste a été prise sur la base de sa déficience, et constituait donc de la discrimination.

2 L'intimé soutient quant à lui que le poste de la plaignante est unique et que, par conséquent, elle n'a pas été sélectionnée aux termes des dispositions relatives à la mise en disponibilité de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13 (la LEFP) lesquelles ne s'appliquent pas. Il affirme donc que la plaignante n'a pas le droit de présenter de plainte au Tribunal de la dotation de la fonction publique (le Tribunal) et que celui-ci n'a pas compétence pour l'instruire.

3 La Commission de la fonction publique (CFP) souligne que lorsqu'un administrateur général détermine qu'un poste unique est excédentaire, aucune sélection n'est nécessaire et aucune plainte ne peut être déposée au Tribunal. Elle fait valoir que le Tribunal n'a pas le pouvoir de déterminer si un plaignant occupe un poste semblable à un autre poste ou s'il exerce des fonctions semblables à celles d'un autre fonctionnaire. La CFP souligne également que la notion d'abus de pouvoir doit toujours avoir le même sens, que la plainte ait été présentée en vertu de l'article 65 de la LEFP ou de l'article 77 de la LEFP. En outre, en dépit de l'importante jurisprudence du Tribunal et de la jurisprudence récente de la Cour d'appel fédérale, la CFP continue d'affirmer que pour accueillir une plainte d'abus de pouvoir, le Tribunal doit établir que le gestionnaire a agi intentionnellement, exception faite des cas où il y a eu discrimination.

4 Après avoir étudié les éléments de preuve ci-dessous, et pour les motifs ci-après, le Tribunal conclut que l'intimé n'a pas abusé de son pouvoir, puisqu'il n'était pas tenu d'effectuer une évaluation fondée sur le mérite dans la présente situation.

Contexte


5 Le 21 juin 2010, la plaignante a été nommée directrice, Planification stratégique et coordination, un poste des groupe et niveau EX-01. Peu après la nomination de la plaignante, le titre du poste a été modifié pour devenir celui de directeur, Comités, administration et planification (CAP). Au départ, la plaignante relevait de Corinne Charette, dirigeante principale de l'information, et recevait les directives de Pierre Boucher, codirigeant principal de l'information (CDPI). À l'automne 2010, la DDPI a fait l'objet d'une restructuration, et la plaignante relevait désormais de M. Boucher.

6 Le 26 novembre 2010, Mme Charette et M. Boucher ont rencontré la plaignante pour lui dire qu'elle était démise de son poste et qu'elle devait se présenter dans une autre section de la DDPI. La plaignante a refusé et a continué de travailler en tant que directrice, CAP. Après deux autres rencontres avec Mme Charette et M. Boucher, la plaignante a été mise en congé et renvoyée chez elle au début de décembre 2010.

7 Le 14 décembre 2010, la plaignante a présenté un grief dans lequel elle affirmait avoir été congédiée sans motif valable ou mutée sans son consentement. L'intimé a maintenu sa position, à savoir que la plaignante avait été temporairement affectée à d'autres tâches, jusqu'à ce qu'il admette à la Commission des relations de travail dans la fonction publique (CRTFP), le 6 mars 2012, que la plaignante avait été mutée sans son consentement, ce qui va à l'encontre des exigences de la LEFP. Le 26 avril 2012, la CRTFP a ordonné que la plaignante récupère son poste de directeur, CAP.

8 La plaignante est demeurée en congé du début de décembre 2010 jusqu'au printemps 2011; elle a alors brièvement travaillé à titre de directrice d'un projet pilote de solution d'affaires en matière de ressources humaines à la DDPI. Le 31 mai 2011, la plaignante a de nouveau quitté le travail.

9 Le 23 novembre 2011, l'intimé a avisé la plaignante que le poste qu'elle occupait, soit celui de directeur, CAP, serait déclaré excédentaire à compter du 30 novembre 2011. L'intimé offrait deux possibilités à la plaignante : elle pouvait soit accepter une entente de transition et quitter l'administration publique centrale, soit chercher un autre poste dans la fonction publique, avec l'aide de l'intimé et de la CFP. L'avis précisait également que si elle décidait de demeurer dans la fonction publique mais qu'elle ne parvenait pas à trouver un autre poste, elle serait mise en disponibilité le 30 mai 2012.

10 Le 1er décembre 2011, Mme Maclean a présenté sa plainte au Tribunal en vertu de l'article 65(1) de la LEFP.

Question en litige


11 Le Tribunal doit déterminer si l'intimé a abusé de son pouvoir en mettant la plaignante en disponibilité sans l'avoir évaluée à cette fin.

Analyse


Dispositions sur la mise en disponibilité figurant dans la LEFP et le Règlement sur l'emploi dans la fonction publique, DORS/2005-334 (REFP)

12 L'article 88(2) de la LEFP établit le mandat du Tribunal : « Le Tribunal a pour mission d'instruire les plaintes présentées en vertu du paragraphe 65(1) ou des articles 74, 77 ou 83 et de statuer sur elles ».

13 Les articles 64 et 65 de la LEFP sont pertinents en l'espèce. Voici leur libellé :

64. (1) L'administrateur général peut, conformément aux règlements de la Commission, mettre en disponibilité le fonctionnaire dont les services ne sont plus nécessaires faute de travail, par suite de la suppression d'une fonction ou à cause de la cession du travail ou de la fonction à l'extérieur des secteurs de l'administration publique fédérale figurant aux annexes I, IV ou V de la Loi sur la gestion des finances publiques; le cas échéant, il en informe le fonctionnaire.

(2) Dans les cas où il décide dans le cadre du paragraphe (1) que seulement certains des fonctionnaires d'une partie de l'administration seront mis en disponibilité, la façon de choisir les fonctionnaires qui seront mis en disponibilité est déterminée par les règlements de la Commission.

(3) Le paragraphe (1) ne s'applique pas dans les cas où le fonctionnaire est licencié dans les circonstances prévues à l'alinéa 12(1)f) de la Loi sur la gestion des finances publiques.

(4) Le fonctionnaire mis en disponibilité perd sa qualité de fonctionnaire.

65. (1) Dans les cas où seulement certains des fonctionnaires d'une partie de l'administration sont informés par l'administrateur général qu'ils seront mis en disponibilité, l'un ou l'autre de ces fonctionnaires peut présenter au Tribunal, dans le délai et selon les modalités fixés par règlement de celui-ci, une plainte selon laquelle la décision de le mettre en disponibilité constitue un abus de pouvoir.

(2) Le paragraphe (1) ne permet pas de se plaindre de la décision de procéder par mise en disponibilité, de la détermination de la partie de l'administration au sein de laquelle se fait la mise en disponibilité ni du nombre de fonctionnaires qui sont mis en disponibilité.

(3) Le plaignant, les autres fonctionnaires de la partie de l'administration en cause, l'administrateur général et la Commission, ou leurs représentants, ont le droit de se faire entendre par le Tribunal.

(4) S'il juge la plainte fondée, le Tribunal peut annuler la décision de mettre le plaignant en disponibilité et ordonner à l'administrateur général de prendre les mesures correctives qu'il estime indiquées; il ne peut toutefois ordonner la mise en disponibilité d'un fonctionnaire.

(5) Le plaignant qui soulève une question liée à l'interprétation ou à l'application de la Loi canadienne sur les droits de la personne en donne avis à la Commission canadienne des droits de la personne conformément aux règlements du Tribunal.

(6) Dans les cas où elle est avisée dans le cadre du paragraphe (5), la Commission canadienne des droits de la personne peut présenter ses observations au Tribunal relativement à la question soulevée.

(7) Lorsqu'il décide si la plainte est fondée, le Tribunal peut interpréter et appliquer la Loi canadienne sur les droits de la personne, sauf les dispositions de celle-ci sur le droit à la parité salariale pour l'exécution de fonctions équivalentes.

(8) Les ordonnances prévues à l'alinéa 53(2)e) et au paragraphe 53(3) de la Loi canadienne sur les droits de la personne peuvent faire partie des mesures correctives.

14 L'article 21 du REFP décrit quant à lui comment s'effectue la sélection des fonctionnaires aux fins de mise en disponibilité :

21. (1) Lorsque les services d'un ou de plusieurs fonctionnaires d'un secteur de l'administration ne sont plus nécessaires aux termes de l'article 64 de la Loi, l'administrateur général évalue le mérite des fonctionnaires qui occupent des postes semblables ou exercent des fonctions semblables des mêmes groupe et niveau professionnels dans ce secteur et désigne, en fonction du mérite, lesquels seront conservés pour l'accomplissement des fonctions permanentes de ce secteur de même que ceux des fonctionnaires restants qui seront informés que leurs services ne sont plus nécessaires et qui seront mis en disponibilité.

(2) L'administrateur général consigne les motifs sur lesquels il a fondé son choix.

(3) Malgré le paragraphe (1), la détermination des fonctionnaires à mettre en disponibilité au sein du groupe de réparation des navires du ministère de la Défense nationale est fondée sur une combinaison de facteurs de mérite et d'ancienneté et est faite en collaboration avec les agents négociateurs concernés.

(4) Malgré le paragraphe (1), si un fonctionnaire se propose pour une mise en disponibilité, l'administrateur général peut l'informer que ses services ne sont plus nécessaires et le mettre en disponibilité.

(5) L'administrateur général avise par écrit :

  1. la Commission du nom des fonctionnaires qui seront mis en disponibilité conformément au présent article et de la date prévue de leur mise en disponibilité;
  2. tout fonctionnaire qui est informé que ses services ne sont plus nécessaires de la date prévue de sa mise en disponibilité.

(6) Les paragraphes (1) à (5) ne s'appliquent pas à l'égard des fonctionnaires nommés pour une période déterminée.

[caractères gras ajoutés]

15 Dans la décision Tran c. le commissaire de la Gendarmerie royale du Canada, 2012 TDFP 0003, le Tribunal a établi que l'une des deux conditions pour pouvoir présenter une plainte en vertu de l'article 65(1) de la LEFP est que le plaignant doit avoir été informé de sa mise en disponibilité imminente. En l'espèce, il ne fait aucun doute que la plaignante remplit cette condition. En effet, dans une lettre datée du 23 novembre 2011, elle avait été informée qu'elle serait mise en disponibilité le 30 mai 2012.

16 Dans la décision Molander c. le commissaire de la Gendarmerie royale du Canada, 2007 TDFP 0042, le Tribunal a examiné les articles 64 et 65 de la LEFP et l'article 21 du REFP. Il a conclu que l'autre condition que doit remplir le plaignant pour présenter une plainte en vertu de l'article 65(1) de la LEFP est que celui-ci doit avoir été sélectionné aux fins de mise en disponibilité.

17 Dans cette décision, le Tribunal a conclu que l'article 21 du REFP vise les situations où au moins deux employés occupent des postes semblables ou exercent des fonctions semblables des mêmes groupe et niveau professionnels dans la partie de l'administration définie par l'administrateur général et où seulement un certain nombre de ces postes sont éliminés. En vertu de cette disposition, l'administrateur général doit désigner les fonctionnaires qui seront maintenus en poste sur la base du mérite. Les fonctionnaires non retenus sont sélectionnés aux fins de mise en disponibilité. Le Tribunal a donc conclu que l'article 21 du REFP porte essentiellement sur des situations où des fonctionnaires sont sélectionnés parmi un groupe. Les personnes sélectionnées aux fins de mise en disponibilité ont ensuite le droit de présenter une plainte au Tribunal à cet égard.

18 La preuve présentée dans la décision Molander a démontré que le poste de la plaignante était unique et que lorsqu'il a été déclaré excédentaire, l'administrateur général n'était pas tenu de sélectionner la plaignante parmi un groupe de plusieurs fonctionnaires. Par conséquent, le Tribunal a déterminé que les circonstances de l'affaire ne permettaient pas à la plaignante de présenter une plainte en vertu de l'article 65(1) de la LEFP. En l'espèce, la plaignante n'a présenté aucune argumentation relative à la conclusion du Tribunal dans la décision Molander ou à son applicabilité.

Le Tribunal a-t-il le pouvoir de déterminer si des fonctionnaires occupent des postes semblables ou s'ils exercent des fonctions semblables à des postes des mêmes groupe et niveau professionnels?

19 L'intimé soutient que le poste de la plaignante était unique. De son côté, la plaignante affirme que le poste de directeur, CAP, était semblable à celui de directeur, Planification et politiques stratégiques (PPS) de la DDPI.

20 La CFP soumet deux observations à cet égard. Premièrement, elle soutient que le Tribunal n'a pas compétence pour étudier des allégations concernant la détermination, par l'administrateur général, de la partie de l'administration au sein de laquelle des fonctionnaires seront mis en disponibilité.

21 En effet, selon l'article 64(2) de la LEFP, seul l'administrateur général a le pouvoir de déterminer la partie de l'administration au sein de laquelle des fonctionnaires seront mis en disponibilité. L'article 65(2), quant à lui, interdit clairement la présentation au Tribunal d'une plainte à ce sujet. D'après la preuve présentée au Tribunal en l'espèce, la partie de l'organisation visée par l'intimé est la DDPI.

22 Deuxièmement, la CFP soutient que le Tribunal n'a pas compétence pour déterminer si des postes ou des fonctions sont semblables. Elle ajoute qu'il s'agit d'une question de classification relevant de la Loi sur la gestion des finances publiques, L.R.C. 1985, ch. F-11+, et que, par conséquent, le Tribunal n'est pas autorisé à trancher ce type de question.

23 La CFP renvoie au paragraphe 35 de la décision de la Cour suprême du Canada ATCO Gas and Pipelines Ltd. c. Alberta (Energy and Utilities Board), [2006] 1 R.C.S. 140, 2006 CSC 4, selon lequel un tribunal administratif, étant une création de la loi, ne peut outrepasser les pouvoirs que lui confère sa loi habilitante.

24 Par ailleurs, le Tribunal a conclu dans plusieurs décisions, notamment la décision Rinn c. Sous-ministre des Transports, de l'Infrastructure et des Collectivités, 2007 TDFP 0027, qu'il n'a pas le pouvoir de trancher les questions de classification. Le processus de classification peut nécessiter la comparaison d'un poste avec d'autres. Cependant, la nature semblable de différents postes n'est pas uniquement une question de classification. En effet, il arrive assez souvent que des annonces de possibilité d'emploi dans la fonction publique précisent que le processus de nomination servira à doter des postes semblables.

25 L'article 22(2)i) de la LEFP stipule que la CFP peut par règlement « prévoir, pour l'application de l'article 64, les modalités relatives aux mises en disponibilité et la façon de choisir les fonctionnaires qui seront mis en disponibilité ». La CFP a introduit la notion de postes semblables et de fonctions semblables en ce qui concerne les mises en disponibilité dans l'article 21 du REFP, qui définit le processus à suivre pour sélectionner des fonctionnaires aux fins de mise en disponibilité dans un secteur de l'administration dirigé par l'administrateur général concerné.

26 Selon l'article 21 du REFP, il est nécessaire d'évaluer les fonctionnaires lorsque ceux-ci occupent des postes semblables ou exercent des fonctions semblables des mêmes groupe et niveau professionnels dans le secteur de l'administration au sein duquel l'administrateur général a déterminé que des mises en disponibilité auraient lieu.

27 Pour statuer sur la présente plainte, il importe d'établir si l'intimé était tenu d'évaluer la plaignante en vue de la sélectionner aux fins de mise en disponibilité. Par conséquent, le Tribunal doit déterminer si le poste de la plaignante était semblable à un autre poste au sein de la DDPI ou si elle exerçait des fonctions semblables à celles d'un autre employé EX-01 au sein de la DDPI.

La plaignante occupait-elle un poste semblable à un autre poste au sein de la DDPI ou exerçait-elle des fonctions semblables à celles d'un autre poste EX-01 au sein de la DDPI?

28 L'article 21 du REFP stipule qu'aux fins de mise en disponibilité, une évaluation est requise lorsque les fonctionnaires visés occupent des postes semblables ou exercent des fonctions semblables des mêmes groupe et niveau professionnels.

29 L'intimé et la CFP soutiennent que pour que des postes soient jugés semblables, ils doivent appartenir aux mêmes groupe et niveau professionnels. De même, pour que des fonctions soient semblables, elles doivent être exercées aux mêmes groupe et niveau professionnels. En l'espèce, les deux postes appartiennent aux mêmes groupe et niveau professionnels, soit EX-01. Le Tribunal n'a donc pas à étudier cet aspect de la question.

30 La plaignante soutient quant à elle que le Tribunal devrait donner au mot « semblable » un sens large, car une interprétation trop étroite retirerait aux fonctionnaires leur droit d'être évalués. De son côté, l'intimé affirme que le Tribunal devrait fortement se fier aux administrateurs généraux, qui sont les mieux placés pour déterminer si des postes ou des fonctions sont semblables.

31 Ni la LEFP ni le REFP ne renferment de définition du mot « semblable ». Ainsi, pour chaque décision qu'il rend, le Tribunal doit se fonder sur la preuve qui lui est présentée pour déterminer si des postes sont semblables ou si des fonctionnaires des mêmes groupe et niveau professionnels exercent des fonctions semblables.

32 En l'espèce, aucune des parties n'a présenté d'observations sur la différence entre la notion de « postes semblables » et la notion de « fonctions semblables ». Cependant, puisque les deux termes sont utilisés dans l'article 21 du REFP, le Tribunal conclut qu'il existe une distinction de sens.

33 La description de travail, l'évaluation de la classification et l'énoncé des critères de mérite (ECM) relatifs à chaque poste ont été admis en preuve. Le Tribunal a par ailleurs entendu le témoignage de la plaignante, de M. Boucher et de Michael Smith, un ancien conseiller principal en politiques en matière de classification des postes EX au sein du Bureau du dirigeant principal des ressources humaines (BDPRH), au SCT.

34 En l'espèce, les postes en question sont deux postes de directeur des groupe et niveau EX-01 qui relèvent du CDPI, au sein de la DDPI. Comme il a déjà été mentionné, la plaignante occupait le poste de directeur, CAP, tandis que l'autre poste EX-01 est celui de directeur, PPS. Bien qu'il existe certaines similitudes entre les deux postes, le Tribunal conclut, d'après la preuve présentée et pour les motifs énoncés ci-après, qu'ils sont considérablement différents : les deux postes ne sont pas semblables, pas plus que ne le sont les fonctions s'y rapportant.

(i) Les fonctions rattachées aux deux postes EX-01 sont-elles semblables?

35 La plaignante affirme qu'à titre de directrice, CAP, elle devait notamment assurer la coordination et l'harmonisation des politiques. Elle ajoute que ces fonctions ont été éliminées de la liste des tâches du poste de directeur, CAP, et que la création du poste de directeur, PPS, reposait essentiellement sur ce rôle. La plaignante déclare qu'elle a transmis ses dossiers au titulaire du poste de directeur, PPS, lorsque celui-ci a été nommé. Elle a mentionné que son rôle consistait notamment à coordonner les activités du Comité des politiques et de la surveillance (CPS). La plaignante a reconnu, en réponse à d'autres questions, que son travail pour le CPS consistait à communiquer avec les conférenciers, à préparer des dossiers de présentation et à fournir de l'information au CDPI.

36 Lorsque la description de travail relative au poste de directeur, CAP, a été rédigée en 2005, il était prévu que le titulaire devrait fournir un soutien administratif à plusieurs comités interministériels et présenter à titre d'expert des renseignements sur des questions de politiques et de planification. Cependant, M. Boucher a expliqué que Mme Charette étudiait la structure des postes EX depuis son arrivée à la DDPI, au début de 2009. Il a affirmé qu'en mars 2010, il avait été décidé que la gestion des activités internes et la coordination des politiques pangouvernementales ne pouvaient s'inscrire dans les fonctions d'un seul poste. Bien que la description de travail du poste de directeur, CAP, n'ait pas été modifiée, M. Boucher a déclaré que lorsqu'il a réalisé le processus de nomination à l'issue duquel la plaignante a été nommée directrice, CAP, en juin 2010, l'évaluation portait principalement sur l'administration des activités ministérielles internes. En ce qui concerne le CPS, M. Boucher a affirmé qu'en 2010, le titulaire du poste de directeur, CAP, était appelé à coordonner les documents et à fournir de l'information, mais pas à formuler de conseils stratégiques.

37 M. Boucher a expliqué que le SCT a pour rôle d'établir des politiques pangouvernementales et de surveiller leur application au nom du Conseil du Trésor, qui est formé d'un comité de ministres. La DDPI est responsable des politiques en matière de gestion de l'information et de technologie de l'information (GI/TI). Ce rôle n'est pas nouveau pour la DDPI, mais les importants changements découlant de l'examen des services administratifs et du budget fédéral de 2010 ont influé sur la prestation de services de GI/TI dans la fonction publique. Par conséquent, un examen complet des politiques de GI/TI était nécessaire.

38 M. Boucher a affirmé que lorsque la plaignante a été nommée au poste de directeur, CAP, la création du nouveau poste de directeur, PPS, dont le titulaire serait chargé de coordonner et d'élaborer les stratégies des politiques de la DDPI, était déjà en cours.

39 Le 30 août 2010, Mme Charette a proposé une nouvelle structure organisationnelle de la DDPI au Comité principal des ressources humaines (CPRH). Cette structure comprenait le poste de directeur, PPS. Le CPRH craignait toutefois qu'il y ait chevauchement entre les tâches du nouveau poste de directeur, PPS, et celles des titulaires de deux autres postes EX-01 de la DDPI, dont celui de directeur, CAP. Le CPRH a donc décidé que le poste de directeur, PPS, serait établi pour une durée déterminée, soit une année, dans l'attente d'un examen des trois postes.

40 M. Boucher a souligné que la crainte qu'entretenait le CPRH à l'égard d'un éventuel chevauchement des tâches était attribuable au titre des postes et qu'elle ne reposait pas sur la pleine connaissance des fonctions liées aux postes. Néanmoins, M. Boucher a affirmé qu'il croyait qu'il était possible que le poste de directeur, CAP, ne demeure pas au groupe et au niveau EX-01, et qu'après la réunion avec le CPRH, il avait rencontré la plaignante pour l'aviser que son poste ferait l'objet d'un examen.

41 Il se peut qu'un examen ait été réalisé, mais les résultats n'ont pas été présentés en preuve à l'audience. Par la fin du mois d'octobre 2010, le poste de directeur, PPS, avait été créé, classifié et doté. En juin 2011, Mme Charette a de nouveau rencontré le CPRH pour lui demander d'approuver la conversion du poste de directeur, PPS, en un poste à durée indéterminée, ainsi que l'élimination du poste de directeur, CAP, et d'un autre poste vacant des groupe et niveau EX-01.

42 Comme il a déjà été mentionné, Michael Smith est un ancien conseiller principal en politiques en matière de classification des postes EX au sein du BDPRH, au SCT. M. Smith travaille dans le domaine de la classification depuis 1977. En 1980, il a été l'un des premiers à recevoir une formation sur l'utilisation du plan Hay, qui sert à évaluer les postes EX. Il faisait partie du comité de classification qui a intégré les postes de cadres de la fonction publique au groupe EX. M. Smith est actuellement affecté, dans le cadre d'un programme de préretraite, à un poste de soutien aux projets du programme de classification du BDPRH. L'intimé a présenté M. Smith comme témoin expert en classification des postes EX. L'avocat de la plaignante n'a pas remis en question l'expertise de M. Smith, mais il a demandé au Tribunal de tenir compte de sa relation professionnelle avec le SCT au moment d'examiner son témoignage.

43 Le Tribunal a reconnu M. Smith comme expert en classification des postes EX.

44 M. Smith a assumé différents rôles en tant qu'employé du SCT, toujours au sein du BDPRH. Il a expliqué qu'au SCT, les postes EX sont classifiés par des fonctionnaires faisant partie d'une division du secteur des ressources humaines qui fournit au SCT des services internes de ressources humaines et qui ne relève pas du BDPRH. Ce dernier présente quant à lui des directives et des conseils en matière de ressources humaines à tous les ministères de l'administration publique centrale, y compris au secteur des ressources humaines du SCT.

45 M. Smith a examiné les descriptions de travail des postes de directeur, CAP, et de directeur, PPS, avant de témoigner à l'audience. Selon lui, du point de vue de la classification, les deux descriptions ne sont pas semblables. Il estime que le directeur, CAP, est responsable d'une multitude d'activités internes, qu'il gère plusieurs postes subalternes et qu'il dispose d'un budget de 2 M$. De son côté, le directeur, PPS, est responsable de stratégies et d'outils en matière de politiques et doit gérer une petite équipe ainsi qu'un budget de 700 000 $. Selon M. Smith, il n'existe aucun chevauchement entre les fonctions des deux postes.

46 M. Smith a expliqué que, d'après le plan Hay, le spécialiste de la classification doit examiner les tâches d'un poste en fonction de trois facteurs, soit le savoir-faire, la résolution de problèmes et la responsabilité. À chaque facteur est associé un tableau qui en définit les différents aspects et échelons. Le facteur « savoir-faire » porte sur la quantité de connaissances nécessaires pour accomplir les tâches, le nombre et la complexité de ces tâches, la nécessité de gérer des activités directement ou sur le plan fonctionnel, ainsi que la nature des relations à établir et à entretenir. Le facteur « résolution de problèmes » définit dans quelle mesure des directives ou de l'aide sont disponibles et à quel degré les questions abordées sont complexes et pressantes. Enfin, le facteur « responsabilité » permet de déterminer le degré d'autonomie dans la prise de décisions, la taille du budget à gérer et la mesure dans laquelle les décisions influent sur les résultats. Chaque tableau précise les points attribués aux différents échelons pour chacun des facteurs. Pour évaluer une description de travail, on la compare aux définitions que contient le tableau. La somme des points permet de déterminer le niveau du poste au sein du groupe EX.

47 M. Smith a été interrogé sur le fait que selon l'évaluation des postes de directeur, CAP, et de directeur, PPS, les deux postes appartiennent au même échelon pour les deux aspects d'un des facteurs, et qu'ils appartiennent au même échelon pour certains aspects des autres facteurs. D'après le témoignage de M. Smith, qui n'a pas été contesté, cette situation n'est pas inhabituelle et elle ne précise en rien la nature des fonctions exercées.

48 M. Smith affirme que les évaluations de la classification et les points attribués pour les deux postes de directeur (CAP et PPS) font état des mêmes différences entre les fonctions que ce qui avait été constaté lors de l'examen des descriptions de travail.

49 M. Smith reconnaît qu'il n'est pas en mesure de formuler d'avis sur le fait que des changements aient pu être apportés depuis la rédaction des descriptions de travail. Néanmoins, son témoignage appuie l'affirmation de l'intimé selon laquelle les fonctions relatives aux postes de directeur, CAP, et de directeur, PPS, étaient différentes au moment de la création du poste de directeur, PPS.

50 Par ailleurs, le Tribunal estime que la plaignante n'a pas réussi à démontrer que l'attribution d'un nombre inférieur de points prouve que le directeur, PPS, assume une partie des fonctions du directeur, CAP.

51 Il ne fait aucun doute que les activités liées aux politiques ont été retirées de la liste de tâches du directeur, CAP, et attribuées au directeur, PPS. Cependant, il ne s'agit pas là de l'ensemble des tâches du directeur, PPS. Le Tribunal estime que le poste de directeur, PPS, est axé sur les politiques. En effet, le rôle que doit jouer le titulaire de ce poste dans le domaine des politiques est beaucoup plus approfondi et complexe que celui qui apparaissait dans la description de travail du directeur, CAP. Le Tribunal juge par ailleurs que la plaignante n'a pas réussi à démontrer qu'elle assumait le rôle lié aux politiques du directeur, PPS, ni qu'elle était censée l'assumer.

52 La plaignante affirme qu'au fil du temps, la plupart des tâches qu'accomplissaient les fonctionnaires qu'elle dirigeait en tant que directrice, CAP, ont été attribuées au directeur, PPS. Elle a énuméré les fonctions qui avaient été attribuées à ce poste à l'aide d'une liste des responsabilités du directeur, CAP, tirée d'une présentation qu'elle avait préparée en juillet 2010. Elle indique que les activités liées aux ressources humaines, et peut-être la planification des ressources humaines, étaient les seules responsabilités qui n'avaient pas été transférées au directeur, PPS.

53 Le Tribunal remarque que la plaignante a utilisé un exposé qu'elle avait préparé un mois après sa nomination à titre de directrice, CAP, à l'été 2010. Fait plus important, la plaignante a confirmé dans son témoignage qu'elle était à l'extérieur du bureau et qu'elle surveillait par courriel les changements apportés à la structure organisationnelle. Elle n'a toutefois pas présenté de courriel pour appuyer ses allégations quant aux changements organisationnels effectués.

54 Pour sa part, l'intimé a présenté un organigramme décrivant la structure organisationnelle des postes qui relevaient du directeur, CAP. Cet organigramme montre que deux employés AS-07 relevaient directement du directeur, CAP, et que plusieurs autres employés relevaient de chacun de ces employés AS-07. M. Boucher affirme que lorsque le poste de directeur, CAP, a été éliminé en novembre 2011, les deux postes AS-07 lui étaient directement subordonnés. Il affirme que depuis ce temps, il avait réorganisé la structure de sorte que l'un des postes AS-07 relève du directeur, PPS. Un second organigramme, datant du 10 mai 2012, confirme le témoignage de M. Boucher.

55 Le Tribunal constate que toutes les fonctions administratives d'ordre organisationnel qui relevaient auparavant du directeur, CAP, notamment les finances, les marchés, l'approvisionnement, les installations et les ressources humaines, relèvent maintenant de M. Boucher directement. Les tâches qui ont été attribuées au directeur, PPS, comprennent la coordination des comités et des événements; en outre, un poste de responsable du contenu Web et des communications relève du directeur, PPS.

56 Un administrateur général peut éliminer entièrement une fonction ou un programme ainsi que tous les postes qui y sont associés. Cependant, en l'espèce, le Tribunal estime que l'intimé n'a pas éliminé une fonction entière; il a plutôt déterminé que les tâches effectuées par les employés relevant du directeur, CAP, se poursuivraient, mais qu'il n'était plus nécessaire qu'elles soient supervisées par un directeur désigné : elles devaient donc être déplacées. Le fait que certaines de ces tâches relèvent maintenant du directeur, PPS, ne modifie pas la conclusion du Tribunal selon laquelle le directeur, CAP, et le directeur, PPS, exerçaient des fonctions différentes, surtout compte tenu de la nature des tâches qui ont été déplacées qui sont maintenant sous la gouverne du directeur, PPS.

57 En se fondant sur l'examen des deux descriptions de travail et sur la preuve concernant les changements organisationnels effectués au sein de la DDPI, le Tribunal conclut que le directeur, CAP, est responsable de la planification et des fonctions relatives aux activités internes de la DDPI – l'administration centrale de la direction –, tandis que le directeur, PPS, est chargé d'analyser les exigences relatives aux politiques de la DDPI (nouvelles ou actualisées) en fonction de l'évolution de l'environnement de la GI/TI, de créer et de mettre en œuvre des stratégies visant l'élaboration et l'application des politiques de la DDPI, et de veiller à ce que les politiques de la DDPI soient intégrées aux autres politiques du Conseil du Trésor et qu'elles les respectent.

58 En résumé, les descriptions de travail et les déclarations des témoins concernant les changements organisationnels effectués au sein de la DDPI font ressortir que le directeur, CAP, et le directeur, PPS, avaient des rôles différents et n'exerçaient pas des fonctions semblables. Étant donné les antécédents professionnels de M. Smith au SCT, le Tribunal ne s'est pas uniquement fié à son témoignage. Néanmoins, son témoignage d'expert, qui n'a pas été contesté, vient appuyer les conclusions du Tribunal concernant les fonctions relatives aux deux postes.

(ii) Les deux postes EX-01 sont-ils semblables?

59 Comme il a déjà été mentionné dans les présents motifs, il est assez fréquent que les annonces de possibilité d'emploi de la fonction publique comportent une note indiquant que le processus de nomination servira à doter des postes semblables.

60 Conformément à l'article 30(2) de la LEFP, les nominations doivent être fondées sur le mérite. Ayant étudié de nombreuses plaintes en matière de nomination, le Tribunal a établi que l'ECM définit, entre autres, les qualifications essentielles qu'une personne doit posséder pour accomplir le travail exigé. Par exemple, les candidats participant à un processus de nomination annoncé sont tous évalués au regard des qualifications essentielles.

61 De même, lorsqu'une sélection aux fins de mise en disponibilité nécessite une évaluation, l'article 21 du REFP stipule que cette évaluation doit être fondée sur le mérite. Il est donc normal que tous les fonctionnaires visés par un tel processus de sélection doivent être évalués en fonction des qualifications essentielles pour accomplir les tâches qui ne seront pas abolies.

62 En l'espèce, les deux ECM ont été rédigés au cours de la même période. L'ECM relatif au poste de directeur, CAP, a été préparé environ en mars 2010, dans le cadre du processus de nomination au terme duquel la plaignante a été nommée. Le poste de directeur, PPS, a été créé en août 2010 et doté en octobre 2010. Le Tribunal conclut donc que l'ECM relatif au poste de directeur, PPS, a été rédigé à l'automne 2010.

63 Le Tribunal a entendu le témoignage de la plaignante et de M. Boucher sur les qualifications évaluées durant le processus de nomination visant à doter le poste de directeur, CAP. Cependant, le Tribunal estime que les ECM relatifs aux deux postes renferment les éléments d'information les plus pertinents et les plus fiables pour ce qui est de déterminer si les postes de directeur, CAP, et de directeur, PPS, sont semblables et ainsi d'établir si une évaluation fondée sur le mérite était nécessaire.

64 Il existe des similitudes entre les ECM relatifs aux deux postes. Comme la plaignante le souligne, tous les postes EX nécessitent les mêmes compétences. Toutefois, pour déterminer si une évaluation est nécessaire, il serait inapproprié d'examiner les similitudes uniquement sur le plan des compétences, sans tenir compte des autres qualifications essentielles que l'administrateur général a établies pour chaque poste.

65 Le Tribunal estime qu'il existe d'importantes différences entre les qualifications essentielles relatives aux études, à l'expérience et aux connaissances pour les deux postes en question. Par exemple, le poste de directeur, CAP, exige une expérience de la gestion d'activités, de programmes ou de services (internes), tandis que le poste de directeur, PPS, requiert une vaste expérience de l'élaboration et de la gestion de politiques et de programmes pangouvernementaux. En outre, le poste de directeur, CAP, exige une connaissance des politiques de gestion du gouvernement du Canada, alors que le poste de directeur, PPS, requiert une connaissance des politiques, des directives et des règlements connexes du Secrétariat du Conseil du Trésor en ce qui a trait à la GI/TI, à la sécurité, à l'accès à l'information et à la protection des renseignements personnels. Enfin, à la base, le poste de directeur, CAP, exige un diplôme d'études secondaires, comparativement à un grade universitaire pour le poste de directeur, PPS.

66 La plaignante soutient qu'elle est suffisamment qualifiée pour exercer les fonctions de directeur, PPS, et aucune preuve n'indique le contraire. Cependant, là n'est pas la question. L'article 21 du REFP stipule qu'une évaluation en vue de la sélection aux fins de mise en disponibilité est nécessaire lorsque des fonctionnaires occupent des postes semblables ou exercent des fonctions semblables. C'est alors seulement qu'entrent en ligne de compte les qualifications des fonctionnaires.

67 Un examen de l'ECM propre à chaque poste appuie la conclusion selon laquelle les postes de directeur, CAP, et de directeur, PPS, ne sont pas semblables pour les fins d'une évaluation fondée sur le mérite.

68 Le Tribunal a examiné les faits présentés en l'espèce et estime que les postes de directeur, CAP, et de directeur, PPS, ne sont pas semblables et que les titulaires n'exercent pas des fonctions semblables. Par conséquent, le Tribunal conclut que l'intimé n'était pas tenu de réaliser une évaluation fondée sur le mérite pour sélectionner la plaignante aux fins de mise en disponibilité.

Allégation de discrimination

69 L'article 65(7) de la LEFP autorise le Tribunal à interpréter et à appliquer la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C., 1985 ch. H-6 (LCDP), pour déterminer si une plainte relative à une mise en disponibilité est fondée.

70 Dans sa plainte, qu'elle a déposée le 1er décembre 2011, la plaignante n'a présenté aucune allégation de discrimination. Dans les allégations écrites qu'elle a déposées le 23 janvier 2012 pour la présente affaire, elle a indiqué qu'elle avait déjà signalé une situation de discrimination en milieu de travail, fondée sur une perception de déficience, et qu'elle se réservait le droit de présenter en l'espèce une allégation de discrimination pour le motif de distinction illicite qu'est la déficience. Le 27 avril 2012, la plaignante a informé la Commission canadienne des droits de la personne (CCDP) qu'elle présentait une plainte en vertu de l'article 65(1) de la LEFP, conformément à l'article 65(5) de la LEFP et à l'article 20 du Règlement du Tribunal de la dotation de la fonction publique, DORS/2006-6, modifié par DORS/2011-116.

71 Dans son avis à la CCDP, la plaignante a indiqué qu'elle avait développé des problèmes de santé en 2011 et que l'intimé n'avait pris aucune mesure à l'égard de ses besoins d'accommodement. Elle soutient que la décision de l'intimé concernant sa mise en disponibilité a été prise, du moins en partie, sur la base de sa déficience.

72 Au début de l'audience, l'avocat de la plaignante a confirmé qu'il n'y avait en l'espèce aucune allégation concernant une perception de déficience. Il a indiqué que son argumentation serait fondée sur une allégation selon laquelle l'intimé avait omis de prendre les mesures d'accommodement nécessaires pour répondre aux besoins liés à la déficience de la plaignante.

73 Durant la présentation des éléments de preuve de la plaignante, l'avocat de celle-ci a indiqué que l'allégation déposée au Tribunal repose sur le fait que la décision de l'intimé de ne pas évaluer la plaignante pour la sélectionner aux fins d'un éventuel maintien en poste a été prise, du moins en partie, sur la base de la déficience de cette dernière.

74 L'intimé soutient que la plaignante n'a pas réussi à démontrer qu'elle souffre d'une déficience. Selon lui, puisque la plaignante n'a pas établi qu'elle faisait l'objet de discrimination pour des motifs de distinction illicites, il n'était pas tenu de prendre des mesures d'accommodement à son égard.

75 Pour que le Tribunal accepte l'allégation de discrimination, la plaignante doit d'abord prouver qu'elle souffre d'une déficience. Pour les motifs ci-après, le Tribunal estime que la plaignante n'a pas démontré qu'elle souffrait d'une déficience au sens de la LCDP au moment où l'intimé l'a informée qu'elle serait mise en disponibilité.

76 La plaignante affirme qu'elle a demandé une mutation à l'extérieur de la DDPI à plusieurs reprises, notamment pour des raisons de santé. Elle a présenté en preuve une correspondance électronique entre elle et M. Boucher, datée du 30 mai et du 1er juin 2011, dans laquelle elle écrivait que son travail actuel mettait de plus en plus en péril sa santé et qu'elle et son professionnel de la santé se demandaient si elle devrait prendre un congé de maladie prolongé. Dans ce courriel, elle indiquait également que le travail correspondait très peu à ses intérêts et à ses CAPacités.

77 La plaignante a présenté en preuve un autre courriel, qu'elle avait envoyé le 31 août 2011 à Mary McLaren, directrice exécutive, Ressources humaines, et dans lequel elle indiquait qu'elle avait pris un congé de maladie, à la lumière des conseils de son médecin, pour éviter d'avoir à travailler à un projet qui lui avait été imposé. Toujours dans ce courriel, elle indiquait qu'il n'était pas « justifié qu'elle gaspille les ressources de Santé Canada pour expliquer qu'il est malsain de consacrer 10 mois à une carrière qui ne mène nulle part, à accomplir un travail inutile qu'elle n'aime pas dans une direction où elle est en conflit ou en situation de litige avec la haute direction » [traduction].

78 La plaignante a subi un examen médical indépendant (EMI) le 14 décembre 2011. Elle affirme que le médecin qui l'a examinée a établi qu'elle était en mesure de travailler à temps plein à un poste semblable à celui de directeur, CAP, et qu'il a recommandé qu'elle change de ministère.

79 En examinant attentivement le rapport d'EMI, on constate que le médecin, un généraliste, décrivait la plaignante comme une personne perspicace, intelligente et éloquente, « qui avait un discours fluide et des idées claires et qui ne démontrait aucun signe de pensées envahissantes » [traduction]. Il explique le fait que la plaignante se soit absentée du travail en décrivant les points de vue et les sentiments de celle-ci, ainsi que sa compréhension de ce qui se passait dans le milieu de travail. Il affirme que la plaignante était en mesure de travailler et possédait les capacités mentales et physiques nécessaires pour accomplir les tâches décrites par l'intimé, tout en soulignant que la plaignante trouvait que l'environnement de la DDPI était malsain pour elle.

80 En ce qui concerne le retour au travail de la plaignante, le médecin affirme qu'elle était « disposée à recommencer à travailler dans un contexte où elle ne se sentirait pas menacée psychologiquement ou émotionnellement » [traduction], et qu'« il semble qu'il lui serait difficile de retourner travailler avec la même équipe de haute direction » [traduction]. En conclusion, il souligne que la plaignante est « en mesure de retourner travailler et souhaite le faire, en espérant qu'un poste semblable lui soit offert d'ici peu dans un autre ministère » [traduction].

81 Le Tribunal estime que le médecin n'est pas arrivé à la conclusion que la plaignante souffrait d'un problème de santé ou d'une déficience. Le témoignage de la plaignante à cet égard se résume à sa déclaration selon laquelle elle avait eu des problèmes de santé.

82 Selon le Tribunal, la preuve présentée par la plaignante est insuffisante pour établir qu'elle souffrait d'une déficience. L'allégation de la plaignante, selon laquelle l'intimé a fait preuve de discrimination en ne l'évaluant pas, n'est donc pas fondée.

83 La preuve montre que l'intimé n'était pas tenu d'évaluer la plaignante en vue d'un éventuel maintien en poste parce que le poste de directeur, CAP, n'était pas semblable à celui de directeur, PPS, et que les fonctions qui y étaient rattachées n'étaient pas semblables à celles que devait exercer le directeur, PPS.

Contexte dans lequel la mise en disponibilité s'est produite

84 La plaignante soutient que la décision de l'intimé de ne pas l'évaluer pour un éventuel maintien en poste n'était pas objective, étant donné les conflits qui existaient entre elle et la haute direction de la DDPI.

85 La plaignante a présenté en preuve des documents liés à sa mutation à un autre poste que celui de directeur, CAP, en novembre 2010, à une plainte de harcèlement qu'elle avait déposée à l'endroit de M. Boucher, à des plaintes qu'elle avait présentées à la CCDP et au commissaire à l'intégrité du secteur public, ainsi qu'à trois plaintes de harcèlement formulées contre elle. Le Tribunal a par ailleurs entendu le témoignage de la plaignante, de M. Boucher, de Mme McLaren et de Serge Jetté, gestionnaire, Services de gestion des conflits, SCT.

86 Le Tribunal remarque que l'intimé a reconnu, comme l'avait conclu la CRTFP, que la plaignante avait été indûment mutée sans son consentement en novembre 2010. La plainte de harcèlement déposée par la plaignante contre M. Boucher a fait l'objet d'une enquête, au terme de laquelle la plainte a été déclarée non fondée, en décembre 2011. La CCDP et le commissaire à l'intégrité du secteur public ont refusé de faire enquête sur les plaintes qui leur avaient été présentées et, en date de la présente audience, les plaintes de harcèlement contre la plaignante n'étaient pas encore réglées.

87 La plaignante s'est également dit préoccupée par le fait qu'elle n'a pas pu profiter des avantages liés à sa situation de fonctionnaire excédentaire. Cependant, la preuve montre que la plaignante a été retirée du système de priorité de la CFP le 8 mars 2012, date à laquelle elle a accepté une offre de mutation à un poste EX-01 au sein de la DDPI. Son nom n'a pas été réintroduit dans le système de priorité parce qu'elle a par la suite refusé la mutation par écrit, le 28 mars 2012.

88 M. Boucher indique qu'il a participé à d'autres situations de mise en disponibilité à la DDPI; certaines nécessitaient une évaluation aux fins de maintien en poste ou de mise en disponibilité, d'autres non. Il ajoute qu'aucune discussion n'a eu lieu au sein de la DDPI ni au SCT quant à savoir si une évaluation était requise dans ce cas, car tous les intervenants touchés savaient que le poste de directeur, CAP, n'était semblable à aucun autre poste à la DDPI. M. Boucher a été interrogé rigoureusement au sujet de la décision de ne pas évaluer la plaignante, et il a répété qu'il n'y avait pas du tout lieu de prendre une décision, étant donné que les circonstances ne justifiaient pas une évaluation.

89 La preuve montre clairement qu'il y avait conflit au sein de la DDPI. Cependant, elle montre tout aussi clairement que l'intimé n'était pas tenu d'évaluer la plaignante dans le cadre de cette mise en disponibilité.

90 Le Tribunal conclut que la preuve présentée est insuffisante pour établir que le conflit entre la plaignante et la haute direction de la DDPI a été un facteur déterminant dans la décision de l'intimé de ne pas évaluer la plaignante aux fins de mise en disponibilité.

Dernière question


91 Bien qu'il ne soit pas nécessaire de le faire aux fins de la présente décision, le Tribunal étudiera l'observation de la CFP concernant l'abus de pouvoir.

92 L'abus de pouvoir n'est pas défini dans la LEFP; cependant, selon l'article 2(4), « [i]l est entendu que, pour l'application de la présente loi, on entend notamment par “abus de pouvoir” la mauvaise foi et le favoritisme personnel ».

93 Ainsi, le Tribunal est d'accord avec la CFP, en ce sens que l'abus de pouvoir doit avoir toujours le même sens, que la plainte ait été présentée en vertu de l'article 65(1) de la LEFP ou de l'article 77 de la LEFP.

94 La première décision qu'a rendue le Tribunal concernant une plainte d'abus de pouvoir est la décision Tibbs c. Sous-ministre de la Défense nationale, 2006 TDFP 0008. Aux paragraphes 56 à 74 de cette décision, le Tribunal a réalisé une analyse exhaustive de la définition d'abus de pouvoir selon la LEFP. Il a conclu qu'« [e]xiger que l'abus de pouvoir soit lié à l'intention entraînerait des situations qui seraient clairement contraires à l'objet de la LEFP ».

95 Néanmoins, la CFP soutient constamment que pour que le Tribunal puisse conclure qu'il y a eu abus de pouvoir (sauf dans les cas de discrimination), il doit être prouvé que des pouvoirs ont délibérément été exercés de façon inadéquate. La CFP tient les mêmes propos en l'espèce.

96 Pour appuyer cette observation, la CFP se fie à la décision rendue par la Cour fédérale dans l'affaire Lavigne c. Canada (Justice), 2009 CF 684, plus particulièrement aux paragraphes 61 et 62 :

[61] Donc, une plainte d'abus de pouvoir sera jugée fondée lorsque la mauvaise foi ou le favoritisme personnel a été établi. Le principe de la mauvaise foi exige un élément d'intention.

[62] L'abus de pouvoir exige plus que l'erreur ou l'omission, ou même une conduite irrégulière.

97 La CFP se fie à la jurisprudence de la Cour fédérale, dont l'analyse demeure superficielle, encore que la Cour d'appel fédérale ait par la suite réalisé une analyse plus exhaustive de la notion d'abus de pouvoir. En effet, elle a notamment cherché à déterminer si la règle des choses du même ordre limite l'abus de pouvoir aux seules conclusions de mauvaise foi ou de favoritisme personnel, comparé les versions anglaise et française des dispositions pertinentes de la LEFP, et analysé les liens entre le concept d'abus de pouvoir et les notions d'erreur, d'omission et de conduite irrégulière. À la lumière de son analyse, la Cour d'appel fédérale, dans la décision Kane c. Canada (Procureur général), 2011 CAF 19, a rejeté l'interprétation étroite de l'abus de pouvoir qui avait été soumise – la même que celle qui a été avancée par la CFP en l'espèce. Par ailleurs, dans cette décision, la Cour d'appel fédérale a déterminé, entre autres, qu'il n'était pas raisonnable de conclure que le législateur avait l'intention d'établir qu'une conclusion selon laquelle un intimé avait pris une décision irrationnelle ou arbitraire ne constituerait pas un abus de pouvoir.

98 Bien que la Cour suprême du Canada ait accordé l'autorisation d'interjeter appel de la décision Kane, la décision rendue par la Cour d'appel fédérale demeure l'état actuel du droit en matière d'abus de pouvoir, comme l'a récemment confirmé la Cour fédérale dans la décision Canada (Procureur général) c. Lahlahi, 2012 CF 601, aux paragraphes 31 à 41.

Décision


99 Pour tous les motifs susmentionnés, la plainte est rejetée.

Merri Beattie
Membre

Parties au dossier


Dossier du Tribunal :
2011-1178
Intitulé de la cause :
Lise Maclean et le secrétaire du Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada
Audience :
Les 9, 10 et 11 mai 2012
Ottawa (Ontario)
Date des motifs :
Le 22 août 2012

COMPARUTIONS

Pour la plaignante :
James Cameron, avocat
Raven, Cameron, Ballantyne et Yazbek
Pour l'intimé :
Lesa Brown
Avocate, ministère de la Justice
Pour la Commission
de la fonction publique :
Marc Séguin
Avocat, ministère de la Justice
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