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Résumé :

Selon le plaignant, l’intimé aurait abusé de son pouvoir dans l’application du mérite dans la mesure où le comité d’évaluation avait un parti pris contre lui. Il a affirmé d’autre part qu’il y avait des irrégularités dans le processus d’évaluation et que l’intimé a effectué à tort une nomination à un poste CR-04 à partir d’un bassin AS-02 de candidats qualifiés. L’intimé a fait valoir que le plaignant ne possédait pas les qualifications essentielles, que le processus de nomination était fondé sur le mérite et qu’il avait nommé à juste titre un candidat qualifié au poste CR-04 sur la base des résultats du processus de nomination AS-02, étant donné la similarité des deux postes. Décision Le Tribunal a jugé que le plaignant n’avait pas réussi à prouver que le comité d’évaluation avait un parti pris contre lui ni que le processus d’évaluation n’était pas fondé sur le mérite. S’agissant du processus de nomination AS-02, l’avis de possibilité d’emploi indiquait l’intention de créer un bassin de candidats qualifiés à utiliser dans les processus de nomination à des postes semblables. Le Tribunal était convaincu que la nomination au poste CR-04 était conforme au libellé de l’avis de possibilité d’emploi. Plaintes rejetées.

Contenu de la décision

Coat of Arms - Armoiries
Dossiers :
2011-0126, 2011-0129
Décision
rendue à :

Ottawa, le 28 août 2012

MARTIN ROSENTHAL
Plaignant
ET
LE PRÉSIDENT DE L’AGENCE FÉDÉRALE DE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE POUR LE SUD DE L’ONTARIO
Intimé
ET
AUTRES PARTIES

Affaire :
Plaintes d’abus de pouvoir en vertu de l’article 77(1)a) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique
Décision :
Les plaintes sont rejetées
Décision rendue par :
Joanne B. Archibald, membre
Langue de la décision :
Anglais
Répertoriée :
Rosenthal c. le président de l’Agence fédérale de développement économique pour le Sud de l’Ontario
Référence neutre :
2012 TDFP 0022

Motifs de décision


Introduction


1 Le plaignant, Martin Rosenthal, a présenté deux plaintes d'abus de pouvoir en vertu de l'article 77 de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, arts. 12 et 13 (la LEFP). Les plaintes portent sur des nominations effectuées à l'Agence fédérale de développement économique pour le Sud de l'Ontario (FedDev) à Kitchener, en Ontario, aux postes d'agent des services administratifs (AS-02) et de commis des services administratifs (CR-04). Ces deux nominations ont été effectuées à partir d'un bassin de candidats qualifiés établi à la suite du processus annoncé no 2010-ESO-FIN-IA-0110 visant à doter le poste d'agent des services administratifs (AS-02) (le processus de nomination visant le poste AS-02).

2 Le plaignant est d'avis que l'intimé, le président de FedDev, a abusé de son pouvoir dans l'application du mérite, car il croit que le comité d'évaluation pour le processus de nomination visant le poste AS-02 avait un parti pris contre lui. Le plaignant affirme également qu'il y a eu des irrégularités dans ce processus de nomination. Enfin, il estime que l'intimé a eu tort d'effectuer une nomination à un poste CR-04 à partir d'un bassin AS-02 de candidats qualifiés.

3 L'intimé nie avoir abusé de son pouvoir. Il affirme que le plaignant ne possédait pas toutes les qualifications essentielles établies pour le processus de nomination visant le poste AS-02. Il soutient que le processus d'évaluation était fondé sur le mérite. Par ailleurs, étant donné que le poste CR-04 était à son avis semblable au poste AS-02, l'intimé estime qu'il a nommé à juste titre un candidat qualifié au poste CR-04 sur la base des résultats du processus de nomination AS-02.

4 La Commission de la fonction publique (CFP) n'a pas comparu en l'espèce, mais elle a présenté des observations écrites dans lesquelles elle explique ses lignes directrices et politiques pertinentes. Elle n'a pas pris position sur le bien-fondé de la plainte.

5 Avant la tenue de l'audience relativement aux plaintes susmentionnées, le plaignant, conformément à l'article 78 de la LEFP, a informé la Commission canadienne des droits de la personne de son intention de soulever une question liée à l'interprétation ou à l'application de la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. 1985, ch. H-6. Toutefois, au début de l'audience, le plaignant a avisé le Tribunal qu'il souhaitait retirer son allégation de discrimination. Par conséquent, le Tribunal n'en a pas tenu compte pour la suite du processus.

6 Pour les motifs énoncés ci-après, les plaintes sont rejetées. En effet, il n'a pas été établi que le comité d'évaluation avait un parti pris contre le plaignant ni que le processus d'évaluation n'était pas fondé sur le mérite. De plus, s'agissant du processus de nomination AS-02, l'annonce de possibilité d'emploi indiquait l'intention de créer un bassin de candidats qualifiés à utiliser dans les processus de nomination à des postes semblables. En l'espèce, il n'a pas été démontré que la nomination au poste CR-04 était contraire à l'intention exprimée dans l'annonce de possibilité d'emploi.

Questions en litige


7 Le Tribunal doit trancher les questions suivantes :

  1. L'intimé a-t-il abusé de son pouvoir par parti pris contre le plaignant dans le processus de nomination visant le poste AS-02?
  2. L'intimé a-t-il abusé de son pouvoir dans l'évaluation des candidats?
  3. L'intimé a-t-il abusé de son pouvoir en effectuant une nomination à un poste CR-04 à partir d'un bassin AS-02 de candidats qualifiés?

Analyse


Question I :  L'intimé a-t-il abusé de son pouvoir par parti pris contre le plaignant dans le processus de nomination visant le poste AS-02?

8 Linda Cousineau, dirigeante principale des finances pour FedDev, assumait le rôle de gestionnaire délégataire pour les nominations aux postes AS-02 et CR-04. Elle a expliqué qu'à son arrivée à FedDev en mars 2010, l'organisme fédéral en était à ses débuts, et elle s'est donc concentrée sur l'embauche d'une équipe de gestion et la dotation des postes clés. Le poste AS-02 était essentiel à la prestation des services administratifs dans un contexte où l'organisme gagnait en importance. Par conséquent, Mme Cousineau a préparé une description de travail et lancé le processus de nomination. Elle a désigné Chris Bates et David Schwindt pour faire partie du comité d'évaluation, auquel siégeait également Karen Falat, conseillère en ressources humaines par intérim.

9 Le plaignant a posé sa candidature pour le processus de nomination visant le poste AS-02. Après avoir franchi avec succès les étapes de la présélection et de l'examen écrit, le plaignant a été convoqué à une entrevue (l'entrevue pour le poste AS-02), laquelle était fixée au 13 janvier 2011. Le 8 janvier 2011, le plaignant a demandé à obtenir le nom des membres du comité d'évaluation, ce que Mme Falat lui a fourni le 10 janvier 2011. Le plaignant a déclaré qu'il n'avait exprimé aucune réserve au sujet de la composition du comité d'évaluation à ce moment-là.

10 À l'entrevue pour le poste AS-02, le plaignant a reconnu Mme Bates et M. Schwindt, puisque ceux-ci l'avaient reçu en entrevue pour une possibilité de mutation à FedDev (l'entrevue relative à la mutation) quelques mois auparavant. Le plaignant affirme que Mme Bates avait fait preuve d'hostilité envers lui pendant l'entrevue relative à la mutation en lui demandant s'il était en mesure de soulever 25 livres et s'il avait été en mesure de trouver un emploi ailleurs. Néanmoins, quand le plaignant a reconnu Mme Bates et M. Schwindt à l'entrevue pour le poste AS-02, il a choisi de poursuivre et n'a pas fait de commentaires sur leur présence ni ne s'est opposé au déroulement de l'entrevue. Le plaignant a expliqué dans son témoignage qu'il croyait que les deux membres avaient l'obligation de se récuser en raison de leur participation à l'autre entrevue et qu'il ne croyait pas que c'était à lui qu'il incombait d'agir. De plus, le plaignant croyait que s'il avait souhaité exprimer une préoccupation, c'est à Mme Bates qu'il aurait fallu qu'il s'adresse, car il avait compris qu'elle était la gestionnaire d'embauche.

11 Le plaignant estime qu'il s'est surpassé à l'entrevue pour le poste AS-02. La présence de Mme Bates et de M. Schwindt n'a pas influé sur son rendement. Il a par ailleurs remarqué le langage corporel positif et les signes d'acquiescement des membres du comité d'évaluation pendant l'entrevue.

12 Le 20 janvier 2011, FedDev a informé le plaignant que sa candidature ne serait pas prise en considération pour la suite du processus, car il n'avait pas obtenu la note de passage pour la qualification essentielle « jugement ». Le 25 janvier 2011, le plaignant a demandé à participer à une discussion informelle, qui s'est déroulée le 26 janvier 2011 avec Mme Falat. Pendant la discussion informelle et dans un courriel envoyé le même jour à Mme Falat, le plaignant a expliqué qu'il estimait qu'il lui était impossible d'obtenir une évaluation juste de la part de Mme Bates et de M. Schwindt.

Le plaignant a écrit ce qui suit :

Étant donné que les deux membres étaient au fait de ma rencontre précédente avec eux, je me serais attendu à ce qu'ils se récusent. Je n'ai pas l'impression d'avoir obtenu une évaluation juste et impartiale de la part de votre comité d'évaluation. [traduction]

13 Mme Falat a confirmé que le plaignant lui avait fait part de ses préoccupations concernant Mme Bates et M. Schwindt le 26 janvier 2011, pendant la discussion informelle et dans un courriel, mais elle a indiqué que le plaignant ne lui avait pas fourni de précisions, outre son inquiétude par rapport au fait que ces deux personnes l'avaient déjà reçu en entrevue auparavant. Mme Falat a expliqué que, FedDev étant un organisme de petite taille, il était courant que les gestionnaires fassent partie de plusieurs comités d'évaluation. Lorsque le plaignant a exprimé son malaise quant au fait que Mme Bates et M. Schwindt avaient déjà participé à l'entrevue relative à la mutation, Mme Falat n'a pas estimé qu'il s'agissait là d'un motif justifiant leur retrait de l'entrevue.

14 Dans son témoignage, Mme Bates a expliqué qu'elle travaillait à la base pour Industrie Canada, mais qu'elle fournissait des services à temps partiel à FedDev au cours des premières années d'existence de l'organisme. Elle se rappelle avoir rencontré le plaignant pour la première fois à l'entrevue relative à la mutation à un poste CR-04 (acheminement du courrier). Elle a confirmé qu'à l'entrevue pour le poste AS-02, le plaignant n'avait exprimé aucune préoccupation par rapport à sa présence ni à la composition du comité d'évaluation. Mme Bates a affirmé que, de son point de vue, l'entrevue relative à la mutation qui avait eu lieu précédemment n'a eu aucune incidence sur l'évaluation qu'elle a faite du plaignant pour le poste AS-02.

15 M. Schwindt a également témoigné au sujet de l'entrevue relative à la mutation. Il a reconnu avoir participé à cette entrevue ainsi qu'à la décision de ne pas offrir de poste au plaignant à ce moment-là.

16 Dans la décision Tibbs c. Sous-ministre de la Défense nationale, 2006 TDFP 0008, le Tribunal a déterminé que c'est au plaignant qu'incombe en définitive le fardeau de la preuve dans le contexte d'une plainte présentée en vertu de l'article 77 (voir paras. 49, 50 et 55). Pour s'acquitter de ce fardeau, le plaignant est tenu de présenter une preuve suffisante pour permettre au Tribunal de déterminer, selon la prépondérance des probabilités, s'il y a lieu de conclure à un abus de pouvoir.

17 Le Tribunal ne relève aucune preuve de parti pris de la part du comité d'évaluation. Il doit donc déterminer si la preuve présentée est suffisante pour établir une crainte raisonnable de partialité.

18 Au paragraphe 25 de la décision Denny c. le sous-ministre de la Défense nationale, 2009 TDFP 0029, le Tribunal a fait référence à la décision Committee for Justice and Liberty c. Canada (Office national de l'énergie), [1978] 1 R.C.S. 369, [1976] A.C.S. no 118 (QL), dans laquelle est énoncé le critère de la crainte raisonnable de partialité, à la page 394 (A.C.S.) :

La crainte de partialité doit être raisonnable et le fait d'une personne sensée et raisonnable qui se poserait elle-même la question et prendrait les renseignements nécessaires à ce sujet. […] Ce critère consiste à se demander « à quelle conclusion en arriverait une personne bien renseignée qui étudierait la question… de façon réaliste et pratique? […] Croirait-elle que, selon toute vraisemblance, M. Crowe, consciemment ou non, ne rendra pas une décision juste?

19 Dans la décision Denny, le Tribunal a également fait référence à une formulation plus récente de ce critère, évoqué dans la décision Newfoundland Telephone Company c. Terre-Neuve (Board of Commissioners of Public Utilities), [1992] 1 R.C.S. 623, [1992] A.C.S. n21  (QL), au paragraphe 22 (QL), et a appliqué ce critère aux circonstances de la plainte. Selon la jurisprudence établie, le critère de la crainte raisonnable de partialité dans le contexte d'une plainte relative à la dotation peut être formulé comme suit : 

En examinant le processus, un observateur relativement bien renseigné pourrait-il raisonnablement percevoir de la partialité de la part d'une ou de plusieurs personnes ayant pris part à l'évaluation du plaignant?

20 S'il applique ce critère aux circonstances en l'espèce, le Tribunal constate qu'un observateur relativement bien renseigné ne percevrait pas de parti pris de la part de Mme Bates ni de M. Schwindt contre le plaignant. Le fait que le plaignant n'ait pas été choisi pour la mutation précédente n'établit pas en soi une apparence de partialité, et ce, même en dépit de l'affirmation du plaignant selon laquelle Mme Bates a adopté un ton agressif à l'entrevue relative à la mutation. De plus, si le plaignant estimait que la présence des deux membres l'empêchait d'être évalué de façon appropriée à l'entrevue, il aurait pu soulever la question en temps opportun, c'est-à-dire lorsqu'il a vu leurs noms pour la première fois ou avant de passer l'entrevue. Le plaignant reconnaît n'avoir pris aucune mesure en ce sens à ce moment-là. Il a plutôt attendu que les résultats de l'entrevue pour le poste AS-02 soient connus, et c'est uniquement à cette étape qu'il s'est opposé à la présence de Mme Bates et de M. Schwindt pour la seule raison qu'ils avaient mené l'entrevue relative à la mutation. À aucun moment le plaignant n'a indiqué à l'intimé que les deux membres du comité d'évaluation affichaient une attitude hostile à son égard. Au contraire, le plaignant a évoqué au Tribunal son excellente prestation à l'entrevue et les réactions positives qu'il avait perçues de la part du comité d'évaluation. Si le plaignant estimait qu'il ne pouvait pas être traité de façon juste, il avait l'occasion de soulever cette préoccupation avant d'effectuer l'entrevue. Le plaignant a indiqué qu'il était réticent à faire part de ses préoccupations à Mme Bates en raison de l'entrevue relative à la mutation; or, il n'était pas tenu de s'adresser à Mme Bates, que celle-ci ait occupé ou non la fonction de gestionnaire d'embauche. Par exemple, l'annonce de possibilité d'emploi comprenait les coordonnées d'une personne des Ressources humaines.

21 Le Tribunal estime que ces éléments de preuve, considérés dans leur ensemble, n'établissent pas de crainte raisonnable de partialité. En effet, il est impossible de conclure que, selon toute vraisemblance, Mme Bates et M. Schwindt, consciemment ou non, n'ont pas évalué le plaignant de façon équitable dans le cadre du processus de nomination visant le poste AS-02.

Question II :  L'intimé a-t-il abusé de son pouvoir dans l'évaluation des candidats?

22 Le plaignant est d'avis que des erreurs ont été commises dans l'évaluation des candidats pour le poste AS-02. Il a affirmé avoir appris l'existence de deux lacunes pendant la discussion informelle : premièrement, aucune note de passage globale n'était fixée pour l'entrevue visant le poste AS-02, et deuxièmement, il n'y avait aucune bonne réponse déterminée à l'avance pour la question portant sur le jugement. Selon le plaignant, ces erreurs constituent un abus de pouvoir.

23 Dans son témoignage, M. Schwindt a fait référence au guide de cotation, selon lequel l'entrevue visait à évaluer six critères de mérite distincts, dont le jugement. Pour la question visant à évaluer le jugement, le guide de cotation énumère 13 critères d'évaluation plutôt qu'une seule bonne réponse. M. Schwindt a indiqué que le plaignant n'avait pas satisfait aux exigences minimales pour le jugement étant donné que sa réponse était trop restrictive. Le plaignant a porté des jugements et indiqué qu'il n'était pas en mesure d'effectuer les tâches voulues. Au sujet des critères d'évaluation, M. Schwindt a expliqué que, contrairement à ce qui était attendu, la réponse du plaignant ne correspondait pas à la nature et à la portée du problème, pas plus qu'elle ne traitait d'établissement des priorités, de délégation ni de recherche d'aide. La réponse fournie par le plaignant indiquait plutôt que ce dernier attendait une autorisation avant de prendre des mesures.

24 Mme Bates a également témoigné au sujet de la réponse fournie par le plaignant à la question sur le jugement. Elle a expliqué que le comité d'évaluation souhaitait obtenir une réponse indiquant que le candidat prenait des mesures en établissant des priorités, en discutant avec les personnes concernées et en effectuant les tâches demandées. Dans la réponse qu'il a fournie, le plaignant indiquait plutôt qu'il attendrait d'obtenir l'approbation avant d'agir, ce qui n'était pas la réponse recherchée.

25 Pour ce qui est de la question portant sur le jugement, le Tribunal souligne que le guide de cotation définissait les critères d'évaluation à appliquer aux réponses des candidats. Rien n'indique que ces critères étaient incorrects ou qu'ils n'ont pas été appliqués de façon appropriée. M. Schwindt et Mme Bates ont expliqué les lacunes relevées dans la réponse fournie par le plaignant, en faisant référence à ces mêmes critères. La preuve qu'ont présentée les deux membres du comité d'évaluation n'a pas été contestée.

26 Le Tribunal juge en outre que les préoccupations soulevées par le plaignant quant à l'établissement d'une note de passage globale ne permettent pas de conclure à un abus de pouvoir. Comme l'a établi le Tribunal au paragraphe 35 de la décision Rinn c. Sous-ministre des Transports, de l'Infrastructure et des Collectivités, 2007 TDFP 0044, pour que le mérite soit respecté, le candidat doit satisfaire à chacun des critères de mérite établis dans l'énoncé des critères de mérite (ECM). En l'espèce, l'entrevue visait à évaluer six critères de mérite distincts. Par conséquent, dans le cas présent, si le comité d'évaluation avait utilisé un résultat global à l'entrevue, il n'aurait pas été en mesure d'établir si les candidats avaient obtenu la note de passage pour chacun des critères de mérite. Or, étant donné qu'une note de passage avait été établie pour chaque critère de mérite, il était possible de déterminer si les candidats dans le processus de nomination visant le poste AS-02 avaient obtenu la note de passage pour chacun des critères de mérite avant de pouvoir être jugés qualifiés. Voir, par exemple, la décision Rochon c. le sous-ministre des Pêches et des Océans, 2011 TDFP 0007, para. 62.

Question III :  L'intimé a-t-il abusé de son pouvoir en effectuant une nomination à un poste CR-04 à partir d'un bassin AS-02 de candidats qualifiés?

27 Le plaignant fait valoir que les postes CR-04 et AS-02 ne sont pas semblables. Par conséquent, l'ECM relatif au processus de nomination visant la dotation du poste AS-02 ne peut être utilisé pour établir le mérite en vue d'une nomination au poste CR-04. De plus, le plaignant soutient que la personne nommée, Caroline Marion, n'a jamais officiellement fait l'objet d'un réaménagement des effectifs et que, par conséquent, sa nomination au poste CR-04 à partir du bassin AS-02 de candidats qualifiés constituait un abus de pouvoir.

28 L'annonce de possibilité d'emploi pour le processus de nomination visant le poste AS-02 précise qu'un bassin pourrait être établi en vue de la dotation de postes semblables. Le plaignant est d'avis que le poste CR-04 est un poste de commis qui fait partie d'un groupe professionnel distinct et qui ne peut donc pas être considéré comme semblable au poste d'agent des groupe et niveau AS-02. À l'appui de son argumentation, le plaignant se fonde sur une annonce de possibilité d'emploi visant un autre poste (EN ENG-05) et qui indique que le bassin de candidats qualifiés établi à la suite du processus pourrait être utilisé pour doter des postes semblables de même niveau ou de niveau inférieur (EN ENG-04). Le plaignant en déduit que pour être considérés comme semblables, des postes doivent faire partie du même groupe professionnel.

29 Lesley Hoffman, conseillère principale en ressources humaines pour FedDev, a indiqué qu'elle avait recommandé à Mme Cousineau de nommer Caroline Marion au poste CR-04. Mme Hoffman savait que Mme Marion occupait un poste CR-03 susceptible d'être éliminé dans le cadre d'une restructuration imminente de FedDev. Compte tenu de la situation de Mme Marion et du fait qu'il s'agissait d'une candidate qualifiée dans le bassin AS-02, Mme Hoffman a recommandé qu'elle soit nommée pour les raisons suivantes : l'annonce de possibilité d'emploi visant le poste AS-02 indiquait que le bassin pouvait servir à la dotation de postes semblables, les deux descriptions de travail comprenaient le même type de fonctions et, à son avis, les deux postes nécessitaient des qualifications comparables.

30 Mme Cousineau a déclaré qu'au moment où elle a appris que le poste CR-04 deviendrait bientôt vacant, elle se devait de le doter en toute urgence, puisque le titulaire de ce poste fournissait des services d'acheminement du courrier pour FedDev. Lorsque le personnel des ressources humaines lui a expliqué la situation de Mme Marion et la possibilité de nommer celle-ci au poste CR-04 à partir de la liste d'admissibilité du bassin AS-02, Mme Cousineau a jugé qu'il s'agissait d'une solution efficiente et efficace pour doter le poste et éviter une situation de réaménagement des effectifs.

31 Dans son témoignage, Mme Cousineau a abordé la question des descriptions de travail pour les postes AS-02 et CR-04. Elle a souligné les similitudes des deux postes sur le plan des résultats axés sur le service à la clientèle, qui comprenaient les domaines des locaux, des acquisitions, de la gestion des biens et du matériel, de la sécurité et de la santé et de la sécurité au travail. Les deux postes relevaient directement du gestionnaire, Services administratifs. Mme Cousineau a indiqué que même si le poste AS-02 nécessitait des connaissances plus approfondies et plus pointues que le poste CR-04, l'expérience requise pour les deux postes était très semblable, et les titulaires des postes travaillent en étroite collaboration.

32 M. Schwindt a affirmé qu'il était également au courant de la situation de Mme Marion et de la recommandation de la nommer au poste CR-04. M. Schwindt a avancé que même si les deux postes n'avaient pas le même niveau de responsabilité, les qualifications qu'ils exigeaient étaient semblables, voire identiques. À son avis, une personne qui était jugée qualifiée dans le processus de nomination visant le poste AS-02 se trouvait « nécessairement » [traduction] qualifiée pour le poste CR-04.

33 Mme Cousineau a donc signé un formulaire de demande de services de ressources humaines pour la nomination de Mme Marion au poste CR-04. Dans la justification connexe, il est expliqué que Mme Marion occupait un poste CR-03 pour lequel il n'existait plus de besoin opérationnel. Il est également expliqué que Mme Marion figurait parmi les candidats qualifiés pour un poste AS-02, soit un poste de niveau supérieur, et que l'annonce de possibilité d'emploi pour le processus de nomination visant le poste AS-02 faisait état de l'intention d'établir un bassin en vue de la dotation de postes semblables. La justification indique en outre que les postes CR-04 et AS-02 sont semblables, même s'ils appartiennent à des groupes professionnels différents, et que l'ECM pour le processus visant le poste AS-02 peut convenir pour la nomination au poste CR-04. Enfin, la justification indique que les valeurs de dotation en vigueur à la fonction publique que sont le mérite, l'impartialité, la transparence et l'équité ont été prises en considération aux fins de la nomination; de plus, le recours au bassin établi pour le processus AS-02 était une mesure efficiente et efficace, qui permettait d'éviter une éventuelle situation de réaménagement des effectifs.

34 Le Tribunal juge que la preuve ne permet pas de conclure à un abus de pouvoir dans la sélection d'une personne à partir d'un bassin établi pour le processus AS-02 en vue d'une nomination au poste CR-04, étant donné que les deux postes sont semblables. Aucune définition du terme « semblable » ne figure dans la LEFP ni dans le Règlement sur l'emploi dans la fonction publique (DORS/2005-334), et il ne fait aucun doute que le poste CR-04 est classifié à un niveau inférieur à celui du poste AS-02. Selon le New Shorter Oxford English Dictionary (1993), l'adjectif « semblable » (« similar » en anglais) se définit comme suit : « Qui a des traits communs ou qui est comparable; de la même nature » [traduction]. Selon cette définition, les postes AS-02 et CR-04 sont semblables à de nombreux égards. Au sein de l'organisation, les deux postes sont apparentés : ils se trouvent dans la même direction générale et relèvent du même gestionnaire. Les résultats axés sur le service à la clientèle établis dans les deux descriptions de travail sont étroitement liés. Le Tribunal accepte donc la preuve présentée par les témoins, qui n'a d'ailleurs pas été contestée, indiquant que les deux postes nécessitent les mêmes qualifications pour produire des résultats axés sur le service à la clientèle, qui se chevauchent grandement, bien que le poste AS-02 exige des connaissances plus approfondies et plus pointues.

35 Le Tribunal n'est pas convaincu par l'affirmation du plaignant selon laquelle les postes d'agent et de commis sont mutuellement exclusifs et n'est pas non plus d'accord lorsque celui-ci affirme que les postes semblables doivent appartenir au même groupe professionnel. En l'espèce, le Tribunal estime que la preuve concernant la structure organisationnelle, les fonctions et les qualifications fournit une indication pertinente de la mesure dans laquelle les postes sont semblables. Cette preuve indique qu'il y a des traits communs entre les deux postes ou que ceux-ci sont comparables. Les postes CR-04 et AS-02 sont effectivement de la même nature. Une annonce de possibilité d'emploi portant sur un tout autre processus de nomination et indiquant qu'un bassin de candidats qualifiés pourrait être utilisé aux fins de nomination à un poste de niveau inférieur au sein du même groupe professionnel ne prouve pas qu'une telle limite doive s'appliquer à tous les processus de nomination. Il s'agit plutôt d'une description de l'utilisation qui peut être faite des résultats pour ce processus précis.

36 Enfin, le Tribunal souligne que la justification relative à la nomination au poste CR-04 indique clairement que la sélection de Mme Marion est fondée sur le fait qu'elle était qualifiée dans le bassin visant le poste AS-02 et ne fait pas mention d'une situation de réaménagement des effectifs. La justification indique que l'élimination de son poste était prévue, mais qu'il s'agit seulement de l'un des facteurs ayant mené à sa nomination. Le Tribunal juge qu'il n'y a rien d'erroné à inclure cette information dans la justification.

37 Le Tribunal conclut qu'il n'y a eu aucun abus de pouvoir dans la nomination au poste CR-04 à partir du bassin AS-02 de candidats qualifiés. Les éléments de preuve démontrent plutôt que cette nomination au poste CR-04 allait de pair avec les renseignements figurant dans l'annonce de possibilités d'emploi.

Décision


38 Pour tous les motifs susmentionnés, les plaintes sont rejetées.


Joanne B. Archibald
Membre

Parties au dossier


Dossiers du Tribunal :
2011-0126, 2011-0129
Intitulé de la cause :
Martin Rosenthal et le président de l’Agence fédérale de développement économique pour le Sud de l’Ontario
Audience :
Les 19 et 20 juillet 2012
Toronto (Ontario)
Date des motifs :
Le 28 août 2012

COMPARUTIONS

Pour le plaignant :
Louis Bisson
Pour l'intimé :
Lesa Brown
Pour la Commission
de la fonction publique :
Trish Heffernan (observations écrites)
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