Décisions de la CRTESPF

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Résumé :

Le plaignant a postulé à un processus de nomination interne annoncé pour la dotation d’un poste de directeur, Services d’aide au droit familial. Il a formulé à l’encontre de l’intimé des allégations d’abus de pouvoir aux motifs suivants : l’intimé n’aurait pas évalué correctement la qualification constituant un atout, ni le besoin organisationnel relatif à l’équité en matière d’emploi; il aurait mal informé les candidats par rapport à l’objet de la discussion informelle; il aurait fait preuve de favoritisme personnel à l’égard de la personne nommée; ni les personnes chargées de la présélection ni les membres du comité d’évaluation n’auraient rempli leur rôle de façon appropriée. L’intimé a nié tout abus de pouvoir. Décision Au début de l’audience, le plaignant a présenté une requête en récusation demandant le remplacement du membre qui instruisait l’affaire par un membre qui n’avait pas lu une décision du Tribunal concernant une plainte qu’il avait déposée antérieurement. Une personne bien renseignée, qui examinerait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique, ne conclurait pas que le membre du Tribunal ne serait pas en mesure de trancher l’affaire de façon équitable pour la simple raison que la jurisprudence du Tribunal lui était familière. Le plaignant n’a pas établi la preuve d’une crainte raisonnable de partialité de la part du membre du Tribunal. Il n’y avait rien d’inapproprié dans la décision de l’intimé d’utiliser une qualification constituant un atout pour la présélection des candidatures. En outre, l’intimé n’était pas tenu d’appliquer le besoin organisationnel établi, ni de modifier l’annonce de possibilité d’emploi aux fins d’élimination de ce critère. Néanmoins, le Tribunal a fait remarquer que le libellé de l’énoncé portant sur l’équité en matière d’emploi aurait pu être plus clair. L’intimé n’avait pas donné de faux renseignements aux candidats par rapport à l’objet de la discussion informelle. D’autre part, il n’y avait aucune preuve à l’appui de l’allégation de favoritisme personnel. Enfin, le plaignant n’est pas parvenu à prouver que les personnes chargées de la présélection et de l’évaluation des candidats n’avaient pas rempli leurs rôles respectifs. Le Tribunal a conclu que le plaignant n’avait pas établi la preuve d’un abus de pouvoir de la part de l’intimé dans le processus de nomination. Plainte rejetée.

Contenu de la décision

Coat of Arms - Armoiries
Dossier :
2011-0233
Rendue à :
Ottawa, le 12 novembre 2012

BARRY PUGH
Plaignant
ET
LE SOUS MINISTRE DE LA JUSTICE
Intimé
ET
AUTRES PARTIES

Affaire :
Plainte d'abus de pouvoir en vertu de l'article 77(1)(a) de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique
Décision :
La plainte est rejetée
Décision rendue par :
John Mooney, vice-président
Langue de la décision :
Anglais
Répertoriée :
Pugh c. le sous ministre de la Justice
Référence neutre :
2012 TDFP 0031

Motifs de décision


Introduction

1 Le plaignant, Barry Pugh, a pris part à un processus de nomination interne annoncé visant à doter le poste de directeur, Services d'aide au droit familial, aux groupe et niveau EX-01 au ministère de la Justice. Il a présenté une plainte au motif qu'il n'avait pas été nommé au poste en raison d'un abus de pouvoir dans l'application du mérite. Plus précisément, ses allégations d'abus de pouvoir à l'encontre de l'intimé sont formulées comme suit : premièrement, l'intimé n'aurait pas utilisé correctement la qualification constituant un atout « expérience de travail dans le domaine du droit de la famille »; deuxièmement, il n'aurait pas appliqué adéquatement le besoin organisationnel concernant l'équité en matière d'emploi; troisièmement, il aurait mal informé les candidats quant à l'objet de la discussion informelle; quatrièmement, ni les personnes chargées de la présélection ni les membres du comité d'évaluation n'auraient rempli leur rôle de façon appropriée; enfin, la gestionnaire d'embauche aurait fait preuve de favoritisme personnel à l'endroit de la personne nommée.

2 L'intimé, le sous ministre de la Justice, nie tout abus de pouvoir dans le processus de nomination. Il affirme qu'il a appliqué tous les critères de mérite de façon appropriée, qu'il n'y a pas eu de favoritisme personnel envers quelque candidat que ce soit, que le plaignant n'a pas bien saisi l'objet de la discussion informelle et que la présélection et l'évaluation des candidats n'avaient rien d'inapproprié.

3 La Commission de la fonction publique (CFP) n'était pas représentée à l'audience, mais elle a soumis des observations écrites dans lesquelles elle explique son interprétation de l'abus de pouvoir et décrit les lignes directrices et guides applicables au processus de nomination susmentionné. La CFP n'a pas pris position sur le bien fondé de la plainte.

4 Pour les motifs décrits ci après, le Tribunal de la dotation de la fonction publique (le Tribunal) estime que le plaignant n'a pas réussi à établir la preuve d'un abus de pouvoir de la part de l'intimé dans ce processus de nomination.

Contexte

5 Le 14 octobre 2010, l'intimé a publié une annonce de possibilité d'emploi sur le site Publiservice du gouvernement fédéral afin de doter le poste susmentionné.

6 La présélection des candidats a été réalisée par la gestionnaire d'embauche, Elissa Lieff, avocate générale principale, Section de la famille, des enfants et des adolescents (SFEA), Secteur des politiques. Elle a été assistée par Michelle Smith, avocate conseil et gestionnaire, Unité de mise en œuvre de la politique d'appui à l'exécution, SFEA, pour les étapes subséquentes du processus de nomination. Adam Seaby, conseiller principal en ressources humaines, Services au groupe de la direction et des membres de l'effectif supérieur, ministère de la Justice, était le conseiller en ressources humaines attitré pour le processus. Il a également participé au processus de présélection en vérifiant si les candidats avaient indiqué dans leurs dossiers de candidature s'ils possédaient les qualifications en matière d'études et le profil linguistique requis.

7 En tout, 42 personnes ont postulé. L'intimé a présélectionné les candidatures en fonction des qualifications liées aux études et à l'expérience, et six candidats ont été retenus. Ceux ci ont ensuite été évalués de façon plus approfondie au moyen d'une entrevue et d'une vérification des références. Deux candidats ont été jugés qualifiés.

8 Au départ, la candidature du plaignant avait été rejetée à la présélection, car Mme Lieff avait jugé qu'il ne possédait pas d'expérience du travail dans le domaine du droit de la famille, la seule qualification constituant un atout. Il a cependant réintégré le processus à la suite d'une discussion informelle pendant laquelle il a fourni à l'intimé des renseignements supplémentaires qui démontraient qu'il possédait bel et bien cette expérience.

9 La candidature du plaignant a été éliminée plus tard dans le processus parce qu'il ne possédait pas les qualifications essentielles évaluées à l'entrevue, soit la connaissance des politiques du gouvernement fédéral et des questions fédérales provinciales-territoriales en matière de droit de la famille, la connaissance des questions sociales, politiques et législatives pertinentes dans le domaine du droit de la famille et la connaissance du rôle et des responsabilités du ministère de la Justice dans le domaine du droit de la famille. De plus, le comité d'évaluation a jugé qu'il ne possédait pas la qualification essentielle « Réflexion stratégique ».

10 Le 29 mars 2011, l'intimé a publié une notification de nomination ou de proposition de nomination au sujet de la nomination de Carole Millett.

11 Le 12 avril 2011, le plaignant a présenté une plainte d'abus de pouvoir au Tribunal en vertu de l'article 77(1)a) de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, arts. 12 et 13 (la LEFP).

Question préliminaire

12 Au début de l'audience, le plaignant a demandé si le membre du Tribunal était au courant de la décision Pugh c. le Sous ministre de la Justice, 2008 TDFP 0023, laquelle avait été rendue antérieurement. Quand il a été informé que le membre du Tribunal avait peut être lu cette décision, il a présenté une requête en récusation.

13 Selon le plaignant, la décision Pugh susmentionnée contient des commentaires négatifs à son endroit. La requête est donc fondée sur le fait que le membre du Tribunal pourrait avoir un parti pris contre le plaignant en raison de ces commentaires. Le plaignant n'a pas présenté d'éléments de preuve à l'appui de sa requête. Il a demandé que le membre du Tribunal soit remplacé par un autre qui n'a pas lu la décision Pugh, et qui n'est pas au courant des commentaires le concernant qui s'y trouvent.

14 L'intimé s'est opposé à la requête. Il a avancé que le plaignant n'avait donné aucune raison valable pour que le membre du Tribunal renonce à instruire la plainte.

15 La requête en récusation présentée par le plaignant a été rejetée.

16 En l'espèce, il n'existe aucune preuve de partialité de la part du membre du Tribunal. Celui ci s'est donc demandé si les circonstances soulevées par le plaignant suscitaient une crainte raisonnable de partialité. Il incombe à la personne qui affirme qu'il y a crainte raisonnable de partialité de démontrer que celle ci existe. Le critère de la crainte raisonnable de partialité est bien établi. Dans la décision Committee for Justice and Liberty c. Canada (Office national de l'énergie), [1978] 1 R.C.S. 369, [1976] A.C.S. no 118 (QL), la Cour suprême du Canada énonce le critère de la crainte raisonnable de partialité à la page 394 (R.C.S.) :

La crainte de partialité doit être raisonnable et le fait d'une personne sensée et raisonnable qui se poserait elle même la question et prendrait les renseignements nécessaires à ce sujet.

[…]

Ce critère consiste à se demander « à quelle conclusion en arriverait une personne bien renseignée qui étudierait la question… de façon réaliste et pratique? […] Croirait elle que, selon toute vraisemblance, M. Crowe, consciemment ou non, ne rendra pas une décision juste? »

17 Plus récemment, dans la décision Newfoundland Telephone Co. c. Terre Neuve (Board of Commissioners of Public Utilities), [1992] 1 R.C.S. 623; [1992] A.C.S no 21 (QL), para. 22 (QL), la Cour suprême a défini ce même critère en ces termes : « Ce critère consiste à se demander si un observateur relativement bien renseigné pourrait raisonnablement percevoir de la partialité chez un décideur. »

18 Les décisions du Tribunal sont des documents publics, et le fait de se familiariser avec la jurisprudence du Tribunal fait partie intégrante des fonctions des membres. Il est donc tout à fait normal que le membre du Tribunal ait pu lire la décision concernant la plainte précédente du plaignant. Une personne bien renseignée, qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique, ne conclurait pas que le membre du Tribunal ne serait pas en mesure de trancher l'affaire de façon équitable au motif que la jurisprudence du Tribunal lui était familière. Le plaignant n'a donc pas établi la preuve d'une crainte raisonnable de partialité de la part du membre du Tribunal. Sa position se fonde sur de pures conjectures. Voir la décision Arthur c. Canada (Procureur général), 2011 CAF 223, para. 8.

19 Comme il n'a pas été démontré que le membre du Tribunal, consciemment ou inconsciemment, ne rendrait pas une décision juste, la requête en récusation a été rejetée.

Questions en litige

20 Le Tribunal doit déterminer si l'intimé a abusé de son pouvoir dans l'application du mérite. Plus précisément, il doit trancher les questions suivantes :

  1. L'intimé a-t-il abusé de son pouvoir quand il a utilisé la qualification constituant un atout pour effectuer la présélection des candidats?
  2. L'intimé a-t-il abusé de son pouvoir en ce qui concerne le besoin organisationnel établi?
  3. L'intimé a-t-il mal renseigné les candidats quant à l'objet de la discussion informelle?
  4. Les personnes qui ont effectué la présélection ou les membres du comité d'évaluation ont ils rempli leurs rôles de façon appropriée?
  5. La gestionnaire d'embauche a t elle fait preuve de favoritisme personnel à l'endroit de la personne nommée?

Analyse

21 Aux termes de l'article 77(1) de la LEFP), toute personne qui est dans la zone de recours peut présenter au Tribunal une plainte selon laquelle elle n'a pas été nommée ou n'a pas fait l'objet d'une proposition de nomination en raison d'un abus de pouvoir de la part de la (CFP) ou de l'administrateur général dans le cadre du processus de nomination. L'abus de pouvoir n'est pas défini dans la LEFP); cependant, l'article 2(4) précise qu'« [i]l est entendu que, pour l'application de la présente loi, on entend notamment par "abus de pouvoir" la mauvaise foi et le favoritisme personnel ».

22 Tel qu'il est établi dans la jurisprudence du Tribunal, cette formulation inclusive indique que l'abus de pouvoir comprend, sans toutefois s'y limiter, la mauvaise foi et le favoritisme personnel.

23 Dans la décision Kane c. le procureur général du Canada et la Commission de la fonction publique, 2011 CAF 19, para. 64, la Cour d'appel fédérale a conclu qu'une erreur peut aussi constituer un abus de pouvoir. C'est la nature et la gravité de l'erreur qui déterminent s'il s'agit d'un abus de pouvoir.

24 L'abus de pouvoir peut également comprendre la conduite irrégulière et les omissions. Le fait qu'une conduite irrégulière ou une omission constitue ou non un abus de pouvoir dépend de la nature et de la gravité de celle ci. Voir, par exemple, la décision Tibbs c. Sous ministre de la Défense nationale, 2006 TDFP 0008.

25 Comme l'a établi la jurisprudence du Tribunal, il incombe au plaignant d'établir, selon la prépondérance des probabilités, la preuve d'un abus de pouvoir dans un processus de nomination (voir, par exemple, la décision Tibbs, para. 49).

Question I : L'intimé a-t-il abusé de son pouvoir quand il a utilisé la qualification constituant un atout pour effectuer la présélection des candidats?

26 L'intimé a eu recours à la qualification constituant un atout liée à l'expérience du travail dans le domaine du droit de la famille pour présélectionner les candidatures. Le plaignant soutient que l'intimé ne pouvait pas procéder ainsi, car la qualification constituant un atout devenait par le fait même une qualification essentielle utilisée pour éliminer à l'étape de la présélection les candidatures des postulants qui ne possédaient pas cette expérience. Selon le plaignant, l'intimé a induit les candidats et les candidats potentiels en erreur en indiquant que l'expérience dans le domaine du droit de la famille n'était qu'un atout. Le plaignant affirme que l'intimé a agi ainsi afin d'éviter d'avoir à consacrer du temps et des efforts à interviewer beaucoup de candidats.

27 Mme Lieff a déclaré qu'elle occupait son poste actuel depuis 2004, d'abord par intérim, puis pour une période indéterminée. Elle était la gestionnaire d'embauche responsable du processus de nomination et était investie des pouvoirs délégués en matière de dotation. Elle a établi les critères de mérite et utilisé les qualifications essentielles et une qualification constituant un atout liées à l'expérience pour effectuer la présélection des candidatures. Bien qu'elle n'ait pas indiqué l'expérience de travail dans le domaine du droit de la famille comme qualification essentielle, elle jugeait qu'il s'agissait d'une qualification importante. Elle a consulté les Ressources humaines, qui lui ont répondu qu'elle pouvait utiliser à la fois des qualifications essentielles et des qualifications constituant un atout pour effectuer la présélection des candidatures.

28 M. Seaby a également présenté un témoignage à cet égard. Il a confirmé avoir indiqué à Mme Lieff qu'elle pouvait utiliser une qualification constituant un atout à l'étape de la présélection. Selon M. Seaby, il s'agissait d'une façon efficace de mener un processus de nomination, dans la mesure où il restait suffisamment de candidats à évaluer de façon plus approfondie après la présélection. En l'espèce, il restait six candidats à la suite de la présélection, et ce nombre était suffisant.

29 Le Tribunal souligne que les candidats ont été informés dès le départ que des qualifications constituant un atout pourraient être évaluées. L'annonce de possibilité d'emploi stipule clairement ce qui suit sous la rubrique « Autre information (Remarques) » : « Les candidats peuvent être tenus de satisfaire aux qualifications constituant un atout ou aux besoins organisationnels selon les exigences du poste spécifique à doter. »

30 La CFP, dans sa Série d'orientation – évaluation, sélection et nomination, à laquelle l'intimé s'est référé, précise que les critères de mérite peuvent être appliqués dans n'importe quel ordre.

1.4 Application des critères de mérite

Les critères de mérite peuvent être appliqués dans n'importe quel ordre (consultez la section 2.6 – Exemples d'options pour la sélection). Afin d'accroître l'efficacité, une exigence opérationnelle pourrait être appliquée en premier et les qualifications essentielles seraient ensuite évaluées uniquement chez les personnes qui répondent à l'exigence opérationnelle. Cela signifie que la nomination pourrait être fondée sur le fait qu'une personne réponde à une qualification qui constitue un atout, à un besoin organisationnel ou à une exigence opérationnelle et que les critères de mérite, autres que les qualifications essentielles, pourraient être utilisés afin de restreindre le processus de nomination aux candidats qui répondent à ces critères.

31 En outre, ni la LEFP ni le Règlement sur l'emploi dans la fonction publique, DORS/2005 334 (le REFP), ne contiennent de disposition qui précise l'étape du processus de nomination à laquelle les qualifications constituant un atout peuvent être utilisées, ou qui indique que celles ci ne peuvent pas être utilisées à l'étape de la présélection. Cela est conforme à la valeur clé de dotation qu'est la « marge de manœuvre », énoncée dans le préambule de la LEFP. Quand il y a beaucoup de candidats, le recours à une qualification constituant un atout est une méthode efficace pour réduire le bassin de candidats aux premières étapes du processus. En l'espèce, 42 personnes ont postulé, et la candidature de six d'entre elles a été retenue à la présélection. Dans ces circonstances, il n'y avait rien d'inapproprié dans la décision de l'intimé d'utiliser une qualification constituant un atout pour effectuer la présélection des candidatures.

32 Le Tribunal fait remarquer que de toute façon, le recours à une qualification constituant un atout pour la présélection des candidatures n'a pas nui au plaignant, puisqu'en fin de compte il a été jugé qu'il répondait aux critères de présélection, y compris celui de l'expérience dans le domaine du droit de la famille.

33 Par conséquent, le Tribunal conclut que le plaignant n'a pas été en mesure d'établir la preuve d'un abus de pouvoir de la part de l'intimé pour avoir eu recours à la qualification constituant un atout liée à l'expérience pour effectuer la présélection des candidatures.

Question II : L'intimé a t il abusé de son pouvoir en ce qui concerne le besoin organisationnel établi?

34 Aux fins du processus de nomination, le ministère de la Justice a décidé que le fait d'appartenir à un des groupes désignés aux termes de la Loi sur l'équité en matière d'emploi, L.C. 1995, ch. 44, constituait un besoin organisationnel (le besoin organisationnel lié à l'équité en matière d'emploi) :

Les candidats doivent démontrer sur leur demande qu'ils répondent aux critères suivants.

Besoins de l'organisation

Le ministère de la Justice s'engage à établir et à maintenir un effectif représentatif. Les candidats qualifiés qui déclarent appartenir à l'un des groupes d'équité en emploi (minorités visibles, autochtones, personnes handicapées et femmes) pourraient être sélectionnés en vue d'une nomination afin de combler un besoin organisationnel.

35 L'intimé n'a pas eu recours au besoin organisationnel lié à l'équité en matière d'emploi pour doter le poste. Le plaignant soutient que l'intimé était tenu d'appliquer ce critère ou de modifier l'annonce de possibilité d'emploi en le supprimant.

36 Ivan Sicard est directeur général par intérim, Direction de l'administration, au ministère de la Justice. Il a déclaré que l'équité en matière d'emploi peut constituer un besoin organisationnel et peut être prise en considération pour choisir un candidat. Il n'a pas participé au processus de nomination.

37 M. Seaby a déclaré que l'intimé avait établi que toutes les annonces de possibilité d'emploi contiendraient un énoncé indiquant que le fait d'appartenir à un groupe désigné constituait un besoin organisationnel pouvant être pris en compte dans un processus de nomination.

38 L'article 30 de la LEFP contient les dispositions pertinentes suivantes :

    30.(1) Les nominations — internes ou externes — à la fonction publique faites par la Commission sont fondées sur le mérite et sont indépendantes de toute influence politique.

    (2) Une nomination est fondée sur le mérite lorsque les conditions suivantes sont réunies :

    (a) selon la Commission, la personne à nommer possède les qualifications essentielles — notamment la compétence dans les langues officielles — établies par l'administrateur général pour le travail à accomplir;

    (b) la Commission prend en compte :

    […]

    (iii) tout besoin actuel ou futur de l'administration précisé par l'administrateur général.

    […]

    [caractères gras ajoutés]

39 Il ressort clairement du libellé de l'article 30(2) de la LEFP que le gestionnaire délégataire peut choisir d'utiliser ou non le besoin organisationnel identifié pour effectuer une nomination. Bien que toutes les qualifications essentielles doivent être évaluées, le gestionnaire délégataire dispose d'un pouvoir discrétionnaire à l'égard des besoins organisationnels. Voir les décisions Guimond c. Sous ministre de la Défense nationale 2009 TDFP 0023, et Steeves et Sveinson c. le sous ministre de la Défense nationale, 2011 TDFP 0009. Dans la décision Steeves, para. 57, le Tribunal explique la distinction à faire entre les articles 30(2)(a) and (b) :

[…] l'expression « prend en compte » à l'art. 30(2)(b) indique que les critères établis dans cet alinéa doivent être pris en compte; ils doivent être examinés avec attention, mais il n'est pas nécessaire de les évaluer ou de les utiliser. S'il était nécessaire d'évaluer et d'utiliser les qualifications constituant un atout, les exigences opérationnelles et les besoins organisationnels, il n'y aurait aucune distinction entre ces critères et les qualifications essentielles.

40 L'intimé pouvait donc décider d'appliquer ou non le besoin organisationnel lié à l'équité en matière d'emploi. Il n'a pas été démontré en preuve que l'intimé avait abusé de son pouvoir discrétionnaire. Mme Lieff et M. Seaby ont fourni des raisons valables pour ne pas avoir utilisé le besoin organisationnel comme critère. Ils ont tous deux fait référence à un document intitulé « Estimations de la représentation de l'effectif et de la disponibilité au sein de la population active au ministère de la Justice en date du 31 mars 2010 », lequel précise qu'il n'existe aucun écart quant à la représentation des groupes désignés dans les postes du groupe EX au sein du Secteur des politiques, où se trouve le poste visé en l'espèce. Il n'était donc pas nécessaire d'appliquer le besoin organisationnel lié à l'équité en matière d'emploi dans le processus de nomination.

41 En outre, Mme Lieff a expliqué que les besoins organisationnels ne peuvent être appliqués qu'aux candidats qualifiés. En l'espèce, les deux candidates qualifiées font partie d'un groupe désigné aux fins de l'équité en matière d'emploi (c'est à dire celui des femmes), mais aucune d'entre elles n'est membre d'un autre de ces groupes. Autrement dit, il n'était pas nécessaire d'appliquer le besoin organisationnel, car cette mesure n'aurait pas permis d'établir une distinction entre les deux candidates qualifiées.

42 Le Tribunal conclut donc que le plaignant n'a pas été en mesure de prouver que l'intimé était tenu d'appliquer le besoin organisationnel établi ou de modifier l'annonce de possibilité d'emploi en supprimant ce critère.

43 Par ailleurs, le plaignant avance que l'intimé a induit les employés de la fonction publique en erreur, car des personnes qui ne font partie d'aucun groupe de minorités visibles auraient peut être présenté leur candidature si elles avaient su que l'intimé n'appliquerait pas ce critère de mérite.

44 L'argumentation du plaignant n'est que supposition. Le plaignant n'a présenté aucun élément de preuve démontrant que des candidats ont été induits en erreur par ce libellé. Le Tribunal tient également à souligner que l'article 77(1) de la LEFP précise clairement que la plainte doit se rapporter au plaignant. Cet article stipule qu'une personne peut présenter « […] une plainte selon laquelle elle n'a pas été nommée ou n'a pas fait l'objet d'une proposition de nomination […] ». Comme le Tribunal l'a conclu dans la décision Visca c. le sous ministre de la Justice, 2006 TDFP 0016, une personne ne peut pas présenter une plainte au motif que d'autres personnes n'ont pas été nommées.

45 Néanmoins, le Tribunal fait remarquer que le libellé de l'énoncé portant sur l'équité en emploi aurait pu être plus clair. La rubrique Besoins de l'organisation est précédée de la phrase « Les candidats doivent démontrer sur leur demande qu'ils répondent aux critères suivants. » Cet énoncé aurait pu donner l'impression qu'il fallait être membre d'un groupe désigné pour poser sa candidature. Il aurait été préférable de retirer cette phrase ou d'en changer le libellé afin d'éviter toute confusion possible. Le Tribunal estime que l'inclusion de cette phrase était une erreur; toutefois, celle ci n'était pas suffisamment grave pour constituer un abus de pouvoir. Il aurait été préférable d'indiquer que les candidats membres de groupes désignés pouvaient mentionner cette information dans leur dossier de candidature, car ce critère pourrait être utilisé dans le choix de la personne à nommer. Or, l'énoncé sur l'équité en matière d'emploi en tant que tel n'empêche pas les personnes qui ne sont pas membres de groupes désignés de postuler puisqu'il indique clairement que les membres de groupes désignés « pourraient » être sélectionnés en vue d'une nomination afin de combler les besoins liés à l'équité en matière d'emploi. De plus, si les candidats estimaient que cet énoncé n'était pas clair, ils pouvaient obtenir des éclaircissements auprès de la personne ressource indiquée dans l'annonce.

46 Par ailleurs, le plaignant avance que, malgré le fait que l'annonce de possibilité d'emploi indiquait que l'intimé s'engageait à établir et à maintenir un effectif représentatif, il n'avait aucune intention de le faire. Selon le plaignant, l'intimé voulait savoir quels candidats étaient membres de groupes de minorités visibles et utiliser ces renseignements à d'autres fins. Le plaignant n'a présenté aucun élément de preuve à l'appui de cette affirmation et n'a pas précisé de quelles autres fins il pourrait s'agir.

47 Le Tribunal conclut donc que le plaignant n'est pas parvenu à prouver que l'intimé avait abusé de son pouvoir en ce qui a trait au besoin organisationnel établi.

Question III : L'intimé a t il mal renseigné les candidats quant à l'objet de la discussion informelle?

48 L'objet de la discussion informelle a été expliqué à plusieurs reprises par le Tribunal. Par exemple, dans la décision Rozka c. Sous ministre de Citoyenneté et Immigration Canada, 2007 TDFP 0046, para. 76, le Tribunal a indiqué ce qui suit :

La discussion informelle est un moyen de communication qui vise principalement à permettre à un candidat de discuter des raisons du rejet de sa candidature dans le cadre d'un processus. Si l'on découvre qu'une erreur a été faite, par exemple si le comité d'évaluation a omis de tenir compte de certains renseignements figurant dans la demande d'emploi du candidat, la discussion informelle donne l'occasion au gestionnaire de corriger son erreur. Toutefois, la discussion informelle ne doit pas constituer un mécanisme permettant de demander que le comité d'évaluation réévalue les qualifications d'un candidat.

49 Après que la candidature du plaignant a été éliminée du processus de nomination pour la première fois, celui ci a reçu une lettre indiquant ce qui suit : « […] si vous souhaitez discuter de cette question de façon informelle, nous vous prions d'écrire à […] » [traduction]. Le plaignant fait valoir que le fait de « discuter de quelque chose de façon informelle » [traduction] n'équivaut pas à avoir une « discussion informelle », qui, selon lui, constitue une étape officielle du processus de nomination. Il avance que les candidats dont la candidature a été éliminée à la présélection auraient dû être informés qu'ils avaient la possibilité de réintégrer le processus, comme cela a été le cas pour lui, à la suite d'une discussion informelle. Ils auraient dû être informés que la discussion informelle constituait un « dernier niveau d'appel » [traduction] dans le processus de nomination.

50 L'allégation du plaignant est intenable. La discussion informelle ne constitue pas un mécanisme d'appel. L'objet de la discussion informelle, tel qu'il est énoncé à l'article 47 de la LEFP, ne consiste pas à réévaluer un candidat, mais à donner aux personnes concernées la possibilité d'expliquer aux candidats non retenus les raisons pour lesquelles leur candidature a été éliminée. La discussion informelle peut également servir à corriger toute erreur commise au cours du processus de nomination. Dans certaines situations, telles que celle ci, le comité d'évaluation peut accepter de nouveaux renseignements et changer d'avis au sujet de l'évaluation d'un candidat.

51Le Tribunal conclut donc que le plaignant n'est pas parvenu à établir que l'intimé a mal renseigné les candidats par rapport à l'objet de la discussion informelle.

Question IV : Les personnes qui ont effectué la présélection ou les membres du comité d'évaluation ont ils rempli leurs rôles de façon appropriée?

52 Le plaignant avance que les membres du comité de présélection et du comité d'évaluation n'ont pas rempli leurs rôles de façon appropriée. Cette allégation concerne les rôles joués dans le processus de nomination par M. Seaby et Mme Smith.

53 Le plaignant soutient qu'il existait une certaine confusion quant au rôle joué par M. Seaby. Bien que M. Seaby ait déclaré qu'il n'était pas membre du comité d'évaluation, il a effectué la présélection des candidatures au regard de la qualification liée aux études et, selon Mme Lieff, a participé aux entrevues des candidats.

54 M. Seaby a déclaré qu'il était conseiller principal en ressources humaines au ministère de la Justice depuis six ans et qu'il avait pris part à une demi douzaine de processus de nomination visant à doter des postes de cadre au sein de ce ministère. Dans le processus de nomination en l'espèce, il a donné des conseils à la gestionnaire, Mme Lieff, concernant l'établissement des critères de mérite, la publication de l'annonce de possibilité d'emploi, le choix des méthodes d'évaluation et l'affichage de la nomination. Sa participation au processus de présélection se limitait à vérifier si les candidats avaient indiqué dans leurs dossiers de candidature qu'ils possédaient la qualification liée à l'éducation et les compétences linguistiques requises pour le poste. Il a accompli cette tâche avec l'aide d'autres employés des Ressources humaines du ministère de la Justice. Le Tribunal juge qu'il n'y avait rien d'inapproprié dans le fait que M. Seaby ou tout autre employé des Ressources humaines effectue cette tâche.

55 Mme Lieff a confirmé qu'elle avait effectué la présélection des candidatures au regard des qualifications liées à l'expérience.

56 En ce qui concerne les entrevues, M. Seaby a déclaré qu'il y avait assisté, qu'il avait pris part aux discussions et qu'il avait noté les réponses des candidats. Il a également consigné les commentaires formulés par Mmes Lieff et Smith. Il a ensuite inscrit les points accordés par celles ci. M. Seaby a déclaré qu'il n'avait pas évalué les candidats, car il ne possède pas suffisamment de connaissances dans le domaine visé.

57 Le seul élément portant à croire que M. Seaby était membre du comité d'évaluation est le fait qu'il a signé le guide de cotation à côté de l'encadré réservé aux signatures des membres du comité d'évaluation. Bien que ce document ait été produit en preuve, M. Seaby n'a pas été questionné quant à la présence de sa signature. Par ailleurs, Mme Lieff et M. Seaby ont tous deux déclaré que ce dernier avait agi à titre de conseiller dans le processus de nomination et qu'il ne faisait pas partie du comité d'évaluation. La seule signature de M. Seaby sur le guide de cotation ne convainc pas le Tribunal que celui ci était membre du comité d'évaluation.

58 Le plaignant affirme en outre que Mme Smith n'aurait pas dû prendre part au processus de nomination parce qu'elle ne comprenait pas la « règle » [traduction] de la bonne personne, étant donné qu'elle n'a pas été en mesure d'expliquer le fonctionnement de cette « règle » [traduction] dans son témoignage.

59 Le Tribunal souligne que, contrairement à ce que le plaignant avance, le terme « bonne personne » ne correspond pas à une règle. Il est toutefois utilisé pour décrire pourquoi on a choisi la personne nommée parmi les personnes qualifiées dans un processus de nomination.

60 Le Tribunal est convaincu que Mme Smith était qualifiée pour être membre du comité d'évaluation. Tel que le Tribunal l'a déjà expliqué dans la décision Sampert c. Sous ministre de la Défense nationale, 2008 TDFP 0009, au paragraphe 54 : « Les personnes qui effectuent l'évaluation doivent bien connaître les fonctions du poste à doter et, dans le cas d'un processus de nomination annoncé, ne doivent avoir aucune idée préconçue quant à la personne qui devrait être nommée. » Mme Smith a déclaré qu'il lui avait été demandé de prendre part au processus de nomination en tant qu'experte en la matière. Le témoignage de Mme Smith quant à son expertise en la matière n'a pas été remis en question à l'audience. De plus, rien ne laissait croire que Mme Smith avait quelque idée préconçue que ce soit quant à la personne à nommer. Par ailleurs, bien que Mme Smith ait participé à l'évaluation des candidats, elle n'a pas établi la justification du choix de la bonne personne. Mme Lieff a confirmé qu'elle s'en était elle même chargée. Comme le Tribunal l'a expliqué dans la décision Guimond au paragraphe 34, « [l]e gestionnaire a le pouvoir discrétionnaire de déterminer qui est la bonne personne pour le poste parmi les candidats qualifiés. » étant donné que Mme Smith n'a pas pris part au choix de la bonne personne parmi les candidats qualifiés, sa compréhension de cette notion n'est pas pertinente en l'espèce.

61 Le Tribunal conclut que le plaignant n'est pas parvenu à prouver que M. Seaby ou Mme Smith n'avaient pas rempli leurs rôles respectifs de façon appropriée dans le processus de nomination.

Question V : La gestionnaire d'embauche a t elle fait preuve de favoritisme personnel à l'endroit de la personne nommée?

62 Le plaignant soutient que l'intimé a fait preuve de favoritisme personnel à l'endroit de Mme Millett, car il a nommé celle ci même s'il avait présenté une plainte concernant sa nomination.

63 Le Tribunal a déjà abordé la question du favoritisme dans de nombreuses décisions. Dans la décision Glasgow c. Sous ministre de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, 2008 TDFP 0007, para. 39, le Tribunal souligne ce qui suit :

    Il convient de noter que le mot « favoritisme » est qualifié par l'adjectif « personnel », ce qui met en évidence l'intention du législateur de faire en sorte que les deux mots soient lus ensemble, et que c'est le favoritisme personnel, non pas tout autre type de favoritisme, qui constitue un abus de pouvoir.

    [caractères gras dans l'original]

64 Au paragraphe 41 de la décision Glasgow, le Tribunal a donné l'explication suivante :

    Lorsqu'il faut choisir parmi plusieurs candidats qualifiés, l'alinéa 30(2)b) de la LEFP prévoit que la sélection peut reposer sur les qualifications constituant un atout, les exigences opérationnelles et les besoins organisationnels. La sélection ne doit jamais être teintée de favoritisme personnel. Des intérêts personnels indus, comme une relation personnelle entre la personne chargée de la sélection et la personne nommée, ne devraient jamais constituer le motif d'une nomination. De la même façon, la sélection d'une personne à titre de faveur personnelle ou pour obtenir la faveur de quelqu'un serait un autre exemple de favoritisme personnel.

65 En l'espèce, le plaignant n'a pas démontré l'existence d'une relation personnelle entre un membre du comité d'évaluation et Mme Millett ou d'intérêts personnels indus qui auraient pu influencer la décision de nommer celle ci au poste.

66 Mme Millett a déclaré n'avoir jamais travaillé avec Mme Lieff avant le processus de nomination. Mme Lieff a affirmé que sa relation avec Mme Millett était d'ordre strictement professionnel. Mme Millett ne relevait pas d'elle. Quant à M. Seaby, il a déclaré n'avoir jamais rencontré la personne nommée avant le processus de nomination.

67 Le plaignant n'a présenté aucun élément de preuve montrant que le favoritisme personnel avait joué un rôle dans la nomination de Mme Millett. Le fait qu'elle ait été nommée malgré le dépôt d'une plainte concernant sa nomination n'établit pas que le favoritisme personnel a été un facteur dans le processus de nomination. Aucune disposition de la LEFP ou du REFP n'empêche un ministère de procéder à une nomination en attendant le résultat d'une plainte présentée au Tribunal. En fait, les ministères ne doivent pas retarder les nominations pour cette raison.

68 Le Tribunal conclut que le plaignant n'est pas parvenu à prouver son allégation de favoritisme personnel.

Decision

69 Pour les motifs susmentionnés, la plainte est rejetée.


John Mooney
Vice-président

Parties au dossier


Dossier du Tribunal :
2011-0233
Intitulé de la cause :
Barry Pugh et le sous ministre de la Justice
Audience :
Du 24 au 26 avril 2012
Ottawa (Ontario)
Date des motifs :
Le 12 novembre 2012

COMPARUTIONS

Pour le plaignant :
Le plaignant
Pour l'intimé :
Lesa Brown
Pour la Commission
de la fonction publique :
Kimberly J. Lewis
(observations écrites)
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