Décisions de la CRTESPF

Informations sur la décision

Résumé :

Le fonctionnaire s’estimant lésé était un employé de l’Agence du revenu du Canada et le vice-président de son agent négociateur - dans son grief, il a allégué que l'employeur avait violé la clause 43.01 (Discrimination) de la convention collective en faisant preuve de discrimination à son égard en raison de ses activités syndicales - selon sa politique, l’employeur rayait de l’effectif tous les employés qui prenaient plus de six jours consécutifs de congé non payé - l’application de cette politique a déconcerté le fonctionnaire s’estimant lésé et l’a rendu nerveux; l’application de cette politique a aussi entraîné l’émission de plusieurs feuillets T4, ce qui a obligé le fonctionnaire s’estimant lésé à présenter une nouvelle déclaration de revenus à chaque fois - la politique de l’employeur découle de l’application du Règlement sur l’assurance-emploi - le fonctionnaire s’estimant lésé a soutenu qu’il avait été lésé en raison de ses activités syndicales et a cité l’article 5 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique - l’arbitre de grief a indiqué que le fonctionnaire s’estimant lésé n’avait pas démontré que les conséquences négatives qu’il avait subies en raison de l'application de la politique sur la paye découlaient de ses activités syndicales - il n’y avait pas de lien entre l’application de la politique et les activités syndicales du fonctionnaire s’estimant lésé, et ce dernier n’a pas été traité différemment de tout autre employé prenant des congés non payés. Plainte de pratique déloyale de travail - Allégation de représailles - Objection préliminaire à la compétence - Une preuve prima facie a-t-elle été établie - Aucun lien entre l’application de la politique sur la paye et les activités syndicales Le plaignant a déposé une plainte de pratique déloyale de travail en vertu de l’alinéa 190(1)g) de la Loi, alléguant que l’Agence du revenu du Canada (la <<défenderesse>>) a contrevenu à la Loi en appliquant sa politique de rayer temporairement de l’effectif tous les employés qui prennent plus de six jours consécutifs de congé non payé - il a allégué que cela constituait une forme de représailles contrevenant au sous-alinéa 186(2)a)(iv) - la politique de la défenderesse découle de l’application du Règlement sur l’assurance-emploi - le plaignant a soutenu qu’il avait subi des conséquences négatives en raison de ses activités syndicales et a cité l’article5 de la Loi, alléguant que la défenderesse avait tenté d’entraver l’exercice de la liberté de participer aux activités licites de son syndicat - la défenderesse s’est opposée à la compétence de la Commission d’entendre la plainte sous prétexte qu’une preuve prima facie n’avait pas été établie par le plaignant - une formation de la Commission a indiqué que le plaignant n’avait pas démontré que la défenderesse avait pris des mesures de représailles à son endroit parce qu’il avait déposé un grief, puisque les problèmes avancés dans son grief étaient présents longtemps avant la présentation de ce grief - en ce qui concerne l’allégation selon laquelle l’employeur a exercé des représailles envers lui en raison de ses activités syndicales, aucun lien entre ses activités syndicales et l’application de la politique de l’employeur à son endroit n’a été présenté en preuve - la politique était appliquée à tous les employés qui prenaient plus de six jours consécutifs de congé non payé - ses difficultés découlaient de l’application de la politique et non de son statut de représentant syndical - il n’y a pas eu de discrimination. Grief rejeté. Plainte rejetée.

Contenu de la décision



Loi sur les relations de travail 
dans la fonction publique

Coat of Arms - Armoiries
  • Date:  2013-02-06
  • Dossier:  566-34-5754 et 561-34-464
  • Référence:  2013 CRTFP 11

Devant un arbitre de grief et une formation
de la Commission des relations de travail
dans la fonction publique


ENTRE

DAVID GRAY

fonctionnaire s’estimant lésé et plaignant

et

INSTITUT PROFESSIONNEL DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA

plaignant

et

AGENCE DU REVENU DU CANADA

employeur et défenderesse

Répertorié
Gray et Institut professionnel de la fonction publique du Canada c. Agence du revenu du Canada

Affaires concernant un grief individuel renvoyé à l’arbitrage et une plainte visée à l’article 190 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique

MOTIFS DE DÉCISION

Devant:
Steven B. Katkin, arbitre de grief, et une formation de la Commission des relations de travail dans la fonction publique

Pour le fonctionnaire s'estimant lésée et les plaignants:
Harinder Mahil, Institut professionnel de la fonction publique du Canada

Pour l'employeur et la défenderesse:
Pierre Marc Champagne, avocat

Affaire entendue à Victoria (Colombie‑Britannique),
les 7 et 8 mars 2012.
(Traduction de la CRTFP)

I. Grief renvoyé à l’arbitrage et plainte déposée devant la Commission

1 David Gray était, à la période visée, employé à l’Agence du revenu du Canada (ARC ou l’« employeur »), à Victoria (Colombie-Britannique), à titre de vérificateur de l’évitement fiscal (AU-03), pour la Division de la planification fiscale abusive de la Direction du secteur international et des grandes entreprises. Le 30 mars 2010, il a déposé un grief dans lequel il soutenait que l’employeur avait enfreint la clause 43.01 de la convention collective conclue entre l’ARC et l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada (le « syndicat ») pour l’unité de négociation Vérification, finances et sciences, ayant comme date d’expiration le 21 décembre 2011 (la « convention collective »). M. Gray a soutenu avoir été victime de discrimination par l’employeur en raison de ses activités syndicales. Le grief a été renvoyé à l’arbitrage le 24 août 2011 (dossier de la CRTFP 566-34-5754).

2 Voici les détails du grief fournis sur la formule de grief :

[Traduction]

Le 19 mars 2010, j’ai découvert que j’avais été, encore une fois, rayé temporairement de l’effectif parce que j’avais pris plus de six jours consécutifs de congé non payé pour activités syndicales, ce qui a eu comme conséquence que cette période de service n’a pas été prise en compte dans le calcul de mes retenues au titre du régime de pension de retraite et que mon feuillet T4 a été modifié à tort. Je prends des congés pour activités syndicales afin de justifier mes absences du lieu de travail pendant que j’exécute les fonctions qui sont attendues de moi à titre de vice-président de l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada, qui est l’agent négociateur dûment accrédité de mon unité de négociation, entre autres. Les gestes de l’ARC ont porté préjudice à ma pension et sont une forme de discrimination et de représailles contre moi en raison de mes activités légales à titre de représentant de mon syndicat.

Les gestes de l’ARC qui ont été posés à mon égard ont violé mes droits établis dans ma convention collective en général, et de façon spécifique ceux de la clause 43.01 de l’article 43.

[…]

3 Voici la clause 43.01 de la convention collective :

43.01 Il n’y a aucune discrimination, ingérence, restriction, coercition, harcèlement, intimidation, ni aucune mesure disciplinaire exercée ou appliquée à l’égard d’un employé du fait de son âge, sa race, ses croyances, sa couleur, son origine ethnique ou nationale, sa confession religieuse, son sexe, son orientation sexuelle, sa situation familiale, son état matrimonial, son incapacité mentale ou physique, une condamnation pour laquelle l’employé a été gracié ou son adhésion au syndicat, ou son activité dans l’Institut.

4 Le 12 mai 2010, M. Gray et l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada ont déposé une plainte de pratique déloyale de travail en vertu de l’alinéa 190(1)g) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la « Loi »), dans laquelle ils nommaient l’ARC et sa commissaire, Linda Lizotte-Macpherson, à titre de défenderesses (dossier de la CRTFP 561-34-464). Parmi les mesures correctives demandées, mentionnons des déclarations selon lesquelles l’ARC a contrevenu à l’alinéa 186(1)b) et au sous-alinéa 186(2)a)(iv) de la Loi.

5 Voici un extrait de la plainte :

[Traduction]

[…]

[…] L’Agence du revenu du Canada (ARC) exerce des représailles contre moi et d’autres représentants syndicaux, lorsque nous prenons plus de six jours consécutifs de congé non payé pour activités syndicales, en nous rayant temporairement de l’effectif. Je ne m’attends pas à être rémunéré par l’ARC lorsque je suis en congé non payé pour activités syndicales, mais je m’attends à ce que ces périodes soient comptées comme ouvrant droit à pension aux termes des dispositions de la Loi sur la pension de la fonction publique. Or, la cessation d’emploi que l’ARC m’impose durant ces périodes de congé non payé pour activités syndicales fait en sorte que ces périodes ne peuvent être reconnues comme des périodes de service dans le calcul de ma pension, ce qui porte préjudice à ma future retraite. En outre, mon feuillet T4 a été modifié à tort et de façon rétroactive d’une façon qui va à l’encontre des politiques de l’ARC. L’ARC a refusé de modifier cette pratique discriminatoire qui est une forme de représailles.

[…]

6 Avec l’accord des parties, la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la « Commission ») a regroupé ces deux affaires en vue de l’audience. La preuve présentée par les parties se rapportait aussi bien au grief qu’à la plainte.

7 Au début de l’audience, M. Gray et le syndicat ont retiré la plainte de pratique déloyale de travail contre Mme Lizotte-Macpherson, ce qui a laissé seulement l’ARC à titre de défenderesse.

8 En somme, M. Gray contestait l’application à son endroit, par l’employeur, de la politique de ce dernier sur les congés non payés, alléguant qu’elle lui avait causé plusieurs désagréments.

II. Résumé de la preuve

A. Pour M. Gray

9 M. Gray est un employé de l’ARC depuis 1985. Il porte le titre professionnel de comptable général accrédité. Il a agi à titre d’activiste syndical pendant plusieurs périodes depuis 1992 et, depuis 2008, il exerce la charge de vice-président à temps partiel du syndicat. Il a déclaré qu’il faisait partie d’un groupe de quatre vice-présidents : deux à temps plein et deux (dont M. Gray) à temps partiel. Il a expliqué que, étant vice-président à temps partiel, il n’avait pas besoin de déménager à Ottawa, où est situé le bureau principal du syndicat. M. Gray a précisé qu’il consacrait environ 50 % de ses heures de travail à des activités syndicales.

10 M. Gray a affirmé que, de 2001 à 2008, il n’a jamais été rayé de l’effectif lorsqu’il consacrait plus de six jours de travail en congé non payé pour activités syndicales. Il a déclaré que la première fois qu’on a eu recours à cette pratique est en février 2010 et que c’était en lien avec des congés non payés pris en novembre 2009. M. Gray a dit qu’il était à Ottawa pour des activités syndicales, en février 2010, lorsqu’il a reçu un appel de Susan Clozza, directrice adjointe, Vérifications, du Bureau des services fiscaux (BSF) de l’île de Vancouver. Mme Clozza a alors dit à M. Gray qu’il serait immédiatement rayé de l’effectif de façon temporaire et que le trop-payé serait recouvré par l’ARC. Selon M. Gray, lorsqu’il a demandé une explication à Mme Clozza, elle n’a pas donné de réponse claire et lui a dit qu’elle communiquerait de nouveau avec lui. Il a dit qu’elle lui avait envoyé un courriel environ une semaine plus tard, mais que ce courriel ne lui a été d’aucune utilité. M. Gray a mentionné les Lignes directrices sur le recouvrement de salaire payé en trop de l’ARC, qui portent la date du 4 août 2010 (pièce G-10).

11 M. Gray a déclaré que le fait d’être rayé de l’effectif par l’employeur sans même recevoir d’explications suffisantes lui a causé des problèmes [traduction] « énormes » de même que beaucoup de stress. Lorsqu’on lui a fourni quelques explications, il a reçu un feuillet T4 modifié. M. Gray a indiqué que pour 2009, il a reçu sept feuillets T4, ce qui l’a obligé à présenter sept déclarations de revenus pour une seule année. Cette situation lui a causé des problèmes lorsqu’il a voulu réhypothéquer sa maison, puisque la banque lui a demandé ses feuillets T4 et ses avis de cotisation. M. Gray a communiqué avec Mme Clozza et lui a demandé de s’organiser pour qu’un représentant du groupe de la rémunération lui fournisse une explication. Les 16 et 17 mars 2010, M. Gray a discuté au téléphone et échangé par courriel avec Christian Welch, du Centre de service à la clientèle pour la rémunération (CSCR), à Winnipeg (pièce G-1). M. Gray a affirmé que cela ne l’avait pas aidé, puisqu’on ne lui a pas donné d’explications sur les politiques ayant mené à ce qu’on le raye de l’effectif.

12 M. Gray a ensuite parlé de la réponse au premier palier de la procédure de règlement des griefs de l’employeur (pièce G-2). Il n’y a pas eu d’audience officielle, mais il a tout de même expliqué la situation à sa gestionnaire, Jan Williams. M. Gray n’approuvait pas le passage suivant de la réponse, qui portait sur son feuillet T4 :

[Traduction]

[…]

En ce qui concerne votre feuillet T4 modifié, le CSCR a constaté qu’il y avait eu un trop-payé en 2009 et, appliquant les dispositions du Guide de l’employeur de l’ARC, il a produit la version correctement modifiée du feuillet T4. Je suis convaincu que les procédures appropriées ont été suivies et que votre feuillet T4 est correct.

[…]

13 M. Gray a déclaré qu’à la suite de cette réponse, il a reçu trois ou quatre autres feuillets T4 modifiés. Il a ensuite renvoyé à l’édition 2009 du Guide de l’employeur – Comment établir le feuillet T4 et le Sommaire de l’ARC (pièce G-3), plus précisément à la section « Remboursement de salaire ou de traitement par un employé » (page 25), ainsi qu’à la section « Salaire payé par erreur » (page 25). Dans cette dernière section, dans l’exemple fourni, on précise que si on a versé une rémunération en trop à un employé, on peut modifier le feuillet T4 afin de réduire du montant versé en trop le revenu d’emploi total et les gains obtenus du Régime de pensions du Canada (RPC) et de l’assurance-emploi (AE). L’exemple précise également que les retenues pour l’impôt, le RPC et l’AE ne devraient pas être modifiées.

14 Du 6 mai au 15 mai 2010, des courriels ont été échangés entre M. Gray, son représentant syndical et un représentant des relations de travail de l’employeur en préparation à l’audience au troisième palier de la procédure de règlement des griefs (pièce G-4). En réponse à une demande d’explication du représentant de l’employeur, M. Gray a précisé, dans un courriel daté du 15 mai 2010, les erreurs qui, selon lui, ont été commises en lien avec sa rémunération. Le 12 juillet 2010, à la suite d’un examen par un spécialiste en rémunération, M. Gray a reçu un courriel présentant les conclusions du spécialiste (pièce G-5). M. Gray a affirmé qu’il s’agissait de la première explication qu’on lui ait donnée depuis qu’il avait soulevé les problèmes concernant sa rémunération.

15 En préparation à l’audience au dernier palier de la procédure de règlement des griefs, M. Gray a résumé, dans un courriel envoyé le 14 avril 2011 à son représentant syndical, les problèmes auxquels il était confronté (pièce G-6). Le 2 mai 2011, son représentant syndical a retransmis le courriel au commissaire adjoint de la Direction des ressources humaines de l’ARC. Il convient de reproduire ici des extraits de ce courriel. Ils sont plutôt longs, mais ils présentent bien les difficultés auxquelles M. Gray affirme avoir été confronté en lien avec sa rémunération.

[Traduction]

[…]

En septembre, octobre, novembre et décembre 2009 et à ce jour, j’ai déclaré des congés non payés pour activités syndicales, comme je l’ai fait de façon intermittente au cours des dix-sept (17) dernières années, car c’est ce qu’on m’avait dit de faire. Pour une raison ou une autre, cette fois-ci, le congé excédant 6 jours consécutifs a entraîné de la part du bureau de paye une réaction qui ne s’était jamais produite au cours des 17 années précédentes (même s’il y a eu chaque année un certain nombre de congés non payés excédant 6 jours consécutifs). Ils ont communiqué avec mon superviseur en décembre 2009 au moment où il s’apprêtait à partir en vacances, et il leur a dit qu’il allait s’occuper de cette question à son retour. À son retour, il ne savait pas trop comment régler la question et il n’a pas reçu d’aide du CSCR, qui a finalement décidé de le contourner, de contourner son superviseur et de s’adresser directement à ma directrice adjointe des appels (fraîchement installée dans son poste), à qui ils ont dit qu’il s’agissait d’une urgence qui devait être réglée immédiatement. C’est à ce moment-là qu’elle a communiqué avec moi; c’était mon premier contact. Elle m’a indiqué qu’ils me rayeraient de l’effectif et qu’ils recouvreraient tout l’argent payé en trop, puis elle m’a transmis quelques renseignements. Ceux-ci se sont toutefois avérés d’une utilité limitée, puisqu’il s’agissait de renseignements provenant du CSCR (transmis par un tiers) et de ses propres recherches.

Pendant ce temps, en janvier 2010, les responsables du dossier ont aggravé la situation en omettant de tenir compte des congés non payés dans les chèques de paye pour les mois de janvier et février 2010.

Je vous renvoie maintenant au bulletin mentionné par le CSCR dans son courriel. Ce bulletin portait le titre [traduction] « Lignes directrices pour le recouvrement de salaire payé en trop » et portait la date du 2 avril 2009. Dans ce bulletin, on indique que le salaire doit être recouvré à partir de la rémunération ou des avantages sociaux à payer, ou encore d’une tierce partie à la suite d’une affectation. Cela ne donne pas au CSCR le pouvoir de recouvrer des montants payés en mon nom en guise de cotisations au titre du régime de pension de retraite, au RPC, en impôts ou pour l’AE, ce qu’ils ont pourtant fait. En outre, ce bulletin précise que le recouvrement de salaire payé en trop ne doit pas entraîner des versements nuls ou négatifs pour l’employé (ce qui s’est produit de mars à août 2010). Les limites sur le recouvrement peuvent être dépassées si la mesure est approuvée par l’employé ou s’il est établi que l’employé était fautif, ce qui n’est clairement pas mon cas, puisque j’ai rempli mes feuilles de temps comme on m’avait dit de le faire.

Le CSCR a procédé à un premier rajustement le 10 mars 2010, ce qui a renversé des cotisations au titre du régime de pension de retraite, en impôts, au RPC et à l’AE en 2009 et en 2010 et m’a remis ces sommes, compensées des dettes que j’avais à son égard. Cette mesure a entraîné des problèmes pour le régime de pension de retraite, sur lesquels je reviendrai plus loin. Elle a aussi entraîné une modification de mon feuillet T4; dans ce cas, si la modification de mon salaire peut être justifiée, ce n’est pas le cas des modifications apportées aux cotisations au RPC, à l’AE, au titre du régime de pension de retraite ou en impôts, surtout que le guide de l’employeur indique clairement qu’il ne faut PAS modifier ces montants.

Le 17 mars 2010, le CSCR a effectué une deuxième modification qui, cette fois, ne changeait pas les cotisations au titre du régime de pension de retraite pour 2009, mais modifiait tout de même le salaire, le RPC, l’AE et les impôts. On m’a donc envoyé une deuxième version modifiée du feuillet T4 […]

Le 17 juin, il a encore modifié le T4, cette fois pour remettre le montant du facteur d’équivalence à celui qui était sur le feuillet T4 original, reconnaissant ainsi que le premier rajustement avait été fait à tort, mais il n’a pas rectifié les retenues aux fins de la pension.

Le 30 juin, le CSCR a remboursé mes cotisations à l’assurance médicale et au syndicat pour novembre 2009 (sans donner d’explication avant le courriel du 12 juillet 2010 dont il est question plus loin).

Le 15 juillet, on a encore une fois modifié mon feuillet T4 pour les rajustements aux cotisations syndicales et à l’assurance maladie.

Dans une lettre du 6 juillet 2010, on a indiqué que je devais 1 226,75 $ en guise de cotisations au titre du régime de pension de retraite et que je devais rembourser ce montant, ce qui serait fait en 10 versements à moins que je communique avec eux pour leur donner des directives différentes. Or, ces directives se seraient révélées inutiles, puisque les retenues ont été programmées avant que la lettre soit envoyée et elles figurent sur le chèque de paye du 21 juillet. Il convient de souligner que le recouvrement des cotisations au titre du régime de pension de retraite est le résultat direct des erreurs commises, à ma plus grande inquiétude, les 10 et 17 mars, que l’on avait démenties à l’époque, et on prétend maintenant que je suis responsable de ces erreurs.

En septembre 2010, ma déclaration de revenus a été réévaluée pour tenir compte des trois premières modifications au feuillet T4. La déclaration originale que j’avais présentée en mars 2010 s’appuyait sur le feuillet T4 que j’avais à ce moment-là.

[…]

En ce qui concerne le paiement du jour férié, effectué le 11 novembre 2009, il a finalement été payé le 3 décembre 2010, après avoir été ordonné par le commissaire adjoint du Pacifique en octobre 2010. Il n’y a pas eu de nouvelle version du feuillet T4 pour cette modification, la raison officielle étant que le paiement a été fait en 2010 […] En plus, en effectuant ce paiement, on a déduit par erreur la cotisation au titre du régime de pension de retraite, même si j’avais payé la totalité des cotisations au titre du régime de pension de retraite pour 2009, ce qui incluait ce montant.

Le 19 janvier et le 2 février 2011, les retenues syndicales et pour l’assurance médicale qui m’avaient été remboursées à tort le 30 juin 2010 ont été de nouveau retenues.

En février 2011, on m’a envoyé un autre feuillet T4 modifié pour l’année 2009 afin d’y inclure de nouveau les retenues mentionnées ci-dessus, mais le montant indiqué dans la case 14, pour le salaire, n’a pas été corrigé.

En mars 2011, j’ai fait un suivi concernant ma demande de congé non payé pour juillet 2011, et on m’a de nouveau proposé de prendre un congé avec étalement de revenu ou de prendre mon année de congé non payé pour raisons d’ordre personnel. J’ai répondu que j’avais d’autres projets pour mon année de congé non payé, que j’avais déjà utilisé mon congé non payé de trois mois, et que je demandais un congé non payé plutôt qu’un congé avec étalement de revenu pour que ce soit plus facile à gérer. Je leur ai proposé de communiquer avec la Rémunération pour étudier la possibilité de m’offrir un congé avec étalement de revenu. Selon le rapport de la Rémunération, ce type de congé n’était pas une option pour moi, puisqu’on m’exclurait du système dès que je prendrais un congé non payé de plus de six jours pour activités syndicales.

En avril 2011, on m’a envoyé une autre version modifiée du feuillet T4 pour 2009 (7e version), qui indiquait les montants corrigés selon leur méthode erronée (voir les références à la Loi de l’impôt sur le revenu, dans la déclaration d’introduction).

En avril 2011, le montant des cotisations au titre du régime de pension de retraite qui avaient été retenues à tort en décembre 2010 lors du paiement du jour férié, effectué le 11 novembre 2009, m’a été remboursé.

Nous sommes maintenant rendus à 19 mois et 7 modifications au T4 après que le CSCR a constaté qu’il y avait un problème, pour parvenir à appliquer leur méthode erronée servant à régler les cas où des montants payés une année doivent être remboursés l’année suivante. Il convient de préciser que cette question se réglait d’elle-même les 17 années précédentes, et qu’elle n’est devenue un problème que lorsqu’on en a fait un problème.

[…]

Le 13 avril 2011, j’ai finalement reçu un appel d’un responsable de la rémunération, et nous avons eu une agréable conversation sur la situation à ce jour. Je leur ai donné la permission d’augmenter le montant retenu sur mon salaire (au-delà du maximum de 50 %) pour les aider à rester plus à jour. Pour procéder ainsi, ils devront apporter manuellement des modifications tous les quelques mois, puisque le maximum de 50 % est la valeur par défaut. Il convient de souligner que je ne suis pas responsable des retards de recouvrement (je remplis mes feuilles de temps à l’intérieur des délais impartis); la faute revient plutôt à leur système et à leur omission de communiquer avec moi, jusqu’à ce jour, pour obtenir mon autorisation d’augmenter les retenues. Je les ai avertis de s’assurer de laisser suffisamment de salaire pour payer les cotisations au titre du régime de pension de retraite, à l’assurance médicale, au syndicat et aux prestations de décès et d’invalidité et de veiller à ce que ce soit fait correctement cette fois-ci.

On m’a informé que je recevrais une version modifiée de mon feuillet T4 pour 2010 et qu’on tiendra compte des montants recouvrés en 2011, ce qui entraînera une modification de ma déclaration de revenus pour 2010, puisqu’elle a été envoyée en mars (le feuillet T4 modifié ne sera pas produit avant mai 2011).

[…]

16 M. Gray a renvoyé à la réponse de l’employeur au dernier palier de la procédure de règlement des griefs (pièce G-8), qui dit en partie ce qui suit :

[Traduction]

[…]

La pratique qui consiste à rayer temporairement de l’effectif les employés qui sont en congé non payé pendant plus de six jours consécutifs est une exigence du manuel sur la rémunération de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, conformément aux exigences de Service Canada sur la production d’un relevé d’emploi, ce qui est assujetti au Règlement sur l’assurance-emploi. L’ARC a l’obligation de respecter cette exigence.

[…]

17 M. Gray a précisé que l’ARC ne lui a jamais remis de relevé d’emploi.

18 Au cours de l’audience, l’employeur a convenu que M. Gray avait reçu sept feuillets T4 modifiés entre le 1er janvier 2010 et le milieu de 2011. M. Gray a affirmé qu’il y avait un manque de communication de la part de l’employeur et que quelqu’un qui comprenait sa situation aurait dû communiquer avec lui, plutôt que d’adopter une approche composée d’un ensemble de mesures disparates pour régler sa situation. Comme il est mentionné dans le courriel, M. Gray a indiqué que ce n’est qu’en avril 2011 qu’il a reçu un appel d’un agent de rémunération qui lui a expliqué ce qui s’était passé et comment les problèmes seraient réglés.

19 À la demande de Mme Clozza, en février 2010, M. Gray a préparé un document énumérant les fois où il avait été en congé non payé pour des périodes de plus de six jours consécutifs entre 2008 et janvier 2010 (pièce G-9). Il a dit qu’il avait été rayé temporairement de l’effectif à cinq occasions en 2010 et à trois ou quatre occasions en 2011. Il a reçu deux feuillets T4 en 2010 et deux autres en 2011, de même qu’un feuillet T4A en 2011.

20 M. Gray a déclaré qu’il avait des préoccupations concernant le nombre de congés non payés qu’il avait pris par rapport à la quantité permise relativement au service ouvrant droit à pension. Il a expliqué qu’en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. (1985), ch. 1 (5e suppl.), le maximum de congés non payés pouvant être comptés dans le service ouvrant droit à pension (excluant certains types de congés comme les congés pour soins d’enfants et les congés de maladie sans solde) était de cinq ans. En réponse à une demande qu’il avait formulée en 2008, M. Gray a reçu une lettre du CSCR en date du 25 janvier 2008 (pièce G-11) pour l’informer qu’il lui restait 3 ans et 177 jours sur le maximum de 5 ans permis. En avril 2011, M. Gray a présenté une demande pour connaître le nouveau solde de congés permis. Dans une réponse en date du 27 mai 2011 (pièce G-11), le CSCR lui a indiqué que, puisque les congés non payés qu’il avait pris étaient à titre de représentant syndical rémunéré à temps plein, ces congés n’étaient pas pris en compte dans le maximum de 5 ans permis aux fins du calcul du service ouvrant droit à pension. M. Gray a déclaré que le CSCR ne s’était pas rendu compte qu’il n’était pas un représentant syndical à temps plein. À ce moment de l’audience, l’avocat de l’employeur a déclaré que l’employeur ne contestait pas le fait qu’il y avait des problèmes continus avec la rémunération de M. Gray et ses congés non payés.

21 M. Gray a déclaré qu’on lui a donné un document intitulé [traduction] « Liste de vérification à l’intention des employés – le début d’un congé non payé de plus de six jours » (pièce G-13) après avoir essayé d’obtenir une explication auprès du CSCR. Il a indiqué que c’était la première fois qu’il voyait une telle liste de vérification. Il a renvoyé au deuxième point de la liste, où il est indiqué que le CSCR doit être avisé au moins quatre semaines avant le premier jour d’un congé non payé. M. Gray a dit qu’il lui arrivait souvent d’être incapable de satisfaire à cette exigence, car on ne lui donnait habituellement pas quatre semaines de préavis pour ses activités syndicales.

22 M. Gray a déclaré que, depuis février 2010, il a consacré une centaine d’heures de son temps personnel à essayer de trouver les erreurs de rémunération de l’employeur et à les corriger. Il a expliqué qu’il souffrait de stress et d’anxiété à cause de ses difficultés. Il a indiqué que chaque feuillet T4 modifié équivalait à une revérification, et que les changements apportés n’étaient jamais complètement expliqués par l’employeur. Il devait examiner tous ses bordereaux de paye pour vérifier s’ils contenaient des erreurs. Il a fourni comme exemples trois bordereaux de paye datés du 10 mars 2010, du 19 mars 2010 et du 9 novembre 2011 (pièce G-12). Il a déclaré que lorsqu’il remettait en question ses bordereaux de paye, l’employeur lui disait d’abord que les bordereaux étaient corrects, puis il les modifiait quand M. Gray lui montrait les erreurs. À la date d’audience, en 2012, il avait reçu trois feuillets T4.

23 Pendant le contre-interrogatoire, M. Gray a reconnu qu’il n’était pas un spécialiste en paye et en rémunération, mais il a indiqué qu’il comprenait mieux les feuillets T4 qu’un spécialiste en rémunération.

24 Quand on lui a demandé s’il avait une expertise pour ce qui est d’appliquer les politiques sur la paye et la rémunération à ses circonstances, M. Gray n’a pas répondu directement. Il a seulement dit qu’il ne faisait que ce que l’employeur lui demandait de faire et que ce dernier était dans le tort.

25 Lors du réinterrogatoire, M. Gray a déclaré avoir acquis son expertise des feuillets T4 dans le cadre d’une expérience précédente en tant que vérificateur des feuilles de paye.

B. Pour l’employeur

1. Témoignage de Mme Williams

26 Mme Williams était gestionnaire de l’impôt sur le revenu pour l’ARC au BSF de l’île de Vancouver, à Victoria, depuis le début de 2007, et elle avait été chef d’équipe pour l’impôt sur le revenu depuis 2002 avant d’occuper ce poste. Elle a indiqué que les chefs d’équipe de M. Gray relevaient d’elle.

27 Mme Williams a déclaré qu’elle connaissait M. Gray depuis 1988 ou 1989 et qu’elle entretenait une bonne relation de travail avec lui. Elle a précisé que M. Gray n’a jamais relevé d’elle directement.

28 Mme Williams a expliqué qu’elle a pris connaissance du grief de M. Gray quand elle a entendu un commentaire selon lequel M. Gray ne voulait pas présenter son grief au premier palier, car il pensait qu’elle ne pouvait pas le régler. Elle a demandé à M. Gray de la laisser essayer. Elle savait que M. Gray avait des problèmes avec les feuillets T4, et elle lui a dit qu’elle n’était pas une spécialiste en la matière. Mme Williams a affirmé avoir préparé la réponse au premier palier.

29 Pour ce qui est d’être rayé de l’effectif pour des congés non payés de plus de six jours, Mme Williams a dit que sa superviseure, Ann Wellman, directrice adjointe de la vérification, avait appris du CSCR que M. Gray aurait dû être rayé de l’effectif pendant ces absences pour éviter qu’un salaire lui soit payé en trop. Quand Mme Williams a appris que le chef d’équipe de M. Gray ne soumettait pas au CSCR les documents appropriés à l’aide d’un formulaire en ligne comme pour toutes les interventions qui touchent la paye, elle lui a dit de le faire. Elle a indiqué que, dans le cadre de ses fonctions, un chef d’équipe devait remplir le formulaire dès qu’il savait que le congé non payé durerait plus de six jours. Mme Williams a précisé que la politique s’appliquait à tous les employés, y compris aux représentants syndicaux.

30 Mme Williams a ensuite parlé d’un courriel que Richard Lafrance, directeur adjoint de la rémunération, à Winnipeg, a envoyé à Mme Wellman le 18 janvier 2010. Dans ce courriel, que Mme Wellman a réacheminé à Mme Williams le jour même (pièce E-1), il était question de M. Gray. Mme Williams a déclaré qu’elle a appris dans ce courriel que le chef d’équipe de M. Gray ne soumettait pas les formulaires en ligne pour les congés non payés. Le passage suivant du courriel expose la question :

[Traduction]

[…]

La question ici est que l’employé était absent pour des activités syndicales du 30 octobre au 12 décembre. Toute période de congé non payé de plus de six jours (pour quelque raison que ce soit) doit être signalée aux responsables de la rémunération le 7e jour. Comme aucun document n’a été soumis jusqu’à maintenant, David a reçu un trop-payé de l’ARC pendant toute la période. Tant que nous n’avons pas reçu le document pour un employé temporairement rayé de l’effectif, nous ne pouvons entamer aucune procédure de recouvrement. Par ailleurs, si l’employé a pris d’autres congés non payés de plus de six jours depuis, son trop-payé aura augmenté.

[…]

31 Quand on lui a demandé s’il y avait des problèmes entre la direction de l’ARC et le syndicat à l’automne 2009, Mme Williams a répondu qu’elle ne se souvenait d’aucun grief qui aurait été présenté. Elle croyait que le syndicat était en négociation à ce moment-là et qu’il appliquait un moyen de pression au travail qui consistait à ce que ses membres ne remplissent pas leurs feuilles de temps, sauf pour les demandes de congé. En 2010, il n’y avait aucun problème majeur avec le syndicat. Mme Williams a eu des discussions avec M. Gray, mais elle n’a jamais eu le sentiment qu’il y avait de l’animosité.

32 Pendant le contre-interrogatoire, Mme Williams a déclaré qu’elle avait pris connaissance du problème avec M. Gray le 18 janvier 2010. Elle n’a pas parlé du problème avec M. Gray à ce moment-là et, à sa connaissance, Mme Wellman ne lui en a pas parlé non plus. Elle n’avait jamais eu affaire à ce problème avant que M. Gray présente son grief.

33 Lors du réinterrogatoire, Mme Williams a déclaré avoir dit au chef d’équipe de M. Gray de soumettre les formulaires en ligne au CSCR après avoir reçu le courriel du 18 janvier 2010.

2. Témoignage de Sarahdelle Galera

34 Sarahdelle Galera est une spécialiste de la rémunération qui, depuis septembre 2009, occupe le poste de gestionnaire de la rémunération et supervise de 10 à 15 employés. Auparavant, elle était chef d’équipe au CSCR.

35 Mme Galera a expliqué comment se fait le traitement des congés non payés de plus de six jours consécutifs. Elle a dit que les employés remplissent des feuilles de temps au moyen d’une application informatique appelée Système administratif d’entreprise (SAE). Les employés remplissent aussi des feuilles de temps pour les congés non payés. Comme les agents de rémunération sont branchés au SAE, ils reçoivent des rapports sur les feuilles de temps remplies par les employés. Ils examinent ces rapports une fois par semaine et acheminent au groupe de Mme Galera les cas de congés non payés de plus de six jours. Une fois que le groupe a confirmé qu’un congé non payé de plus de six jours a été pris par un employé, le superviseur immédiat de l’employé est informé que ce congé non payé doit être déclaré dans un formulaire Web plutôt que sur une feuille de temps. Mme Galera a déclaré que seuls les chefs d’équipe ou les agents administratifs peuvent soumettre un formulaire Web de congé non payé concernant un employé. Elle a ajouté que les instructions concernant le traitement d’un congé non payé de plus de six jours proviennent de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada (TPSGC), qui gère la paye et les avantages sociaux pour l’ARC et les autres organismes du gouvernement. Les agents qui font partie de son groupe sont spécialisés dans ces questions. Mme Galera a parlé d’un document de formation de 20 pages de la Direction des relations en milieu de travail et de la rémunération de l’ARC, daté du 6 mars 2009, intitulé [traduction] « Temporairement rayés de l’effectif (TRE) » (pièce E-2). Elle a dit que les congés non payés de plus de six jours pour activités syndicales ne sont pas traités différemment des congés non payés pris pour une autre raison.

36 Mme Galera a dit que la pratique consistant à rayer des employés de l’effectif était déjà en vigueur lorsqu’elle s’est jointe au groupe de la rémunération en 2005. Elle a mentionné une note de service datée du 22 octobre 1997 (pièce E-6), qui concernait les congés non payés de plus de cinq jours et qui avait été envoyée par le groupe de la rémunération de l’employeur aux sous-ministres adjoints, aux directeurs généraux et aux directeurs. Mme Galera a dit que la mesure consistant à rayer un employé de l’effectif découle de la partie 1 du Règlement sur l’assurance-emploi, DORS/96-332, dont le paragraphe 14(1) prévoit ce qui suit à propos de l’arrêt de rémunération :

14. (1) Sous réserve des paragraphes (2) à (7), un arrêt de rémunération se produit lorsque, après une période d’emploi, l’assuré est licencié ou cesse d’être au service de son employeur et se trouve à ne pas travailler pour cet employeur durant une période d’au moins sept jours consécutifs à l’égard de laquelle aucune rémunération provenant de cet emploi, autre que celle visée au paragraphe 36(13), ne lui est payable ni attribuée.

37 Mme Galera a aussi mentionné le paragraphe 19(2) du Règlement sur l’assurance-emploi, qui est énoncé de la façon suivante : « L’employeur établit un relevé d’emploi, sur le formulaire fourni par la Commission, lorsque la personne qui exerce un emploi assurable […] subit un arrêt de rémunération. » Mme Galera a ensuite fait mention de la Directive sur la rémunération 2007-008 de TPSGC datée du 4 avril 2007 (pièce E-4), dont l’objet est l’introduction d’un processus électronique automatisé pour les relevés d’emploi sur le Web. À la section 3.1 de cette directive, il est fait mention de cette exigence établie par la Loi sur l’assurance-emploi, L.C. 1996, ch. 23, et de son règlement concernant les relevés d’emploi.

38 Mme Galera a déclaré que l’ARC a envoyé par courriel des bulletins d’information sur la rémunération à tous ses employés. Elle a mentionné trois de ces bulletins : le deuxième numéro, paru en février 2006, le cinquième numéro, paru en mai 2006, et le neuvième numéro, paru en avril 2007 (pièce E-5). Le deuxième numéro portait sur le processus devant être utilisé pour le recouvrement de fonds liés à des congés non payés, c’est-à-dire les recouvrements en fonction de la durée. Le cinquième numéro contenait le passage suivant :

[Traduction]

[…]

En décembre, les employés qui auront déclaré plus de six jours consécutifs complets de congé non payé sur leur feuille de temps recevront le message suivant :

« Les entrées excèdent le nombre maximal admissible de congés non payés; communiquez avec votre gestionnaire. »

Les gestionnaires doivent veiller à ce que ces employés soient temporairement rayés de l’effectif (TRE) […]

[…]

39 Le neuvième numéro du bulletin (avril 2007) envoyé aux employés contenait les passages suivants, sous la rubrique [traduction] « Rappel! Congés non payés en cours » :

[Traduction]

[…]

N’oubliez pas qu’il faut déclarer le plus tôt possible tous les congés non payés afin d’éviter les trop-payés. Si vous êtes absent pour une période de plus de six jours consécutifs, votre gestionnaire doit en informer le Centre de service à la clientèle pour la rémunération (CSCR) afin que l’on suspende votre compte.

Notez qu’il ne faut pas remplir de feuilles de temps pour les périodes excédant six jours consécutifs de congé non payé, car cela occasionnerait des retards, des trop-payés, et le CSCR ne serait pas informé. Le formulaire Web sur les congés non payés doit être rempli le plus tôt possible et acheminé au CSCR […]

Les trop-payés seront recouvrés, conformément aux lignes directrices de l’ARC régissant le recouvrement des paiements de salaire en trop, à votre retour au travail ou, si vous avez pris les dispositions nécessaires, pendant votre congé non payé.

[…]

40 Mme Galera a ensuite parlé d’un document de l’ARC daté du 17 juillet 2009 portant sur une procédure du CSCR et intitulé [traduction] « Services de traitement – Employés temporairement rayés de l’effectif (TRE) » (pièce E-7). Il s’agit de la version 16.0 de la procédure. Selon l’historique du document, qui fait partie de la pièce, la version 1.0 a été publiée le 8 juillet 2005. Mme Galera a déclaré que les agents en rémunération se servent de ce document comme référence. Bien que le document renvoie à une liste de vérification comme étant l’une des étapes de la procédure, Mme Galera a dit qu’il ne s’agissait pas du document qui a été présenté comme la pièce G-13. Elle a dit que la pièce G-13 est le document que l’employé doit remplir avant de partir en congé non payé.

41 En ce qui concerne le problème qu’a connu M. Gray à l’automne 2009, Mme Galera a dit que les dates du congé non payé étaient du 30 octobre au 6 décembre 2009. Elle a dit que M. Gray avait déclaré ce congé non payé de plus de six jours sur une feuille de temps. Un agent du CSCR a établi que le congé était de plus de six jours et a acheminé le cas à l’équipe de Mme Galera. Un de ses employés a ensuite envoyé un courriel au chef d’équipe de M. Gray, le 14 ou le 15 décembre 2009, pour l’informer que le gestionnaire d’un employé qui prend ce genre de congé non payé a la responsabilité de soumettre un formulaire Web et que le congé non payé ne peut être déclaré sur une feuille de temps. L’équipe de Mme Galera a attendu de recevoir le formulaire Web, mais elle n’a rien reçu. M. Lafrance est donc entré en jeu et a communiqué avec Mme Wellman. Ce n’est que vers la fin de février que le groupe de Mme Galera a pu traiter le congé non payé de M. Gray.

42 Mme Galera a ensuite expliqué pourquoi, dans le passé, M. Gray avait pu prendre de nombreux congés non payés de plus de six jours sans que cela cause de problème. Elle a expliqué que le CSCR a été constitué en 2005 et que le BSF de Victoria relevait de son groupe depuis juin 2006. À cette période, plusieurs problèmes sont passés inaperçus à cause du SAE. En guise d’exemple, Mme Galera a dit qu’en février 2009, M. Gray a pris 12 ou 13 jours de congé non payé, qu’il a inscrit toutes ces dates en même temps sur sa feuille de temps et que son gestionnaire les a approuvés le même jour. Ces 12 ou 13 jours ont été retenus dans le SAE parce que le système ne permettait au groupe de Mme Galera de voir que 5 jours à la fois. Comme le rapport du SAE ne couvrait que cinq jours ouvrables, aucun problème n’a été signalé. Mme Galera a dit que le SAE a été modifié par la suite de sorte que si un rapport fait état de cinq jours de congé, l’agent doit faire une recherche plus poussée pour déterminer si d’autres jours de congé non payé ont été accordés. Elle a ajouté que d’autres employés que M. Gray ont été touchés par le problème. On a donc modifié le système, car il y avait des incohérences, certains congés non payés de plus de six jours étaient constatés alors que d’autres ne l’étaient pas. Mme Galera a dit que, pour l’exercice 2011-2012, l’équipe qui renvoie les cas de congés non payés à son groupe a déclaré 114 congés non payés de plus de 6 jours, alors que seulement 102 des employés touchés ont été temporairement rayés de l’effectif.

43 Pour clarifier les problèmes que M. Gray a connus avec ses bordereaux de paye, Mme Galera a expliqué que les chèques de paye des employés sont préparés par le bureau de paye deux semaines à l’avance, afin qu’ils couvrent le travail effectué jusqu’à la date de réception. Ainsi, un chèque de paye daté du 14 mars a été préparé deux semaines plus tôt. Par conséquent, si un employé prend un congé non payé le 7 mars, son chèque comprend déjà un trop-payé parce qu’il a déjà été préparé.

44 Lorsqu’on lui a demandé pourquoi M. Gray n’avait reçu aucun feuillet T4 correct pendant 18 mois, Mme Galera a dit qu’il y avait plusieurs facteurs en cause. Les résultats du SAE sont acheminés au bureau de paye de TPSGC, qui prépare les feuillets T4 pour tous les employés travaillant en Colombie-Britannique. C’est ce bureau qui prend les décisions sur la modification des feuillets T4.

45 Lorsqu’on lui a demandé si la situation touchait l’accumulation du temps ouvrant droit à pension pour M. Gray, Mme Galera a répondu que tous les congés non payés pris par M. Gray pour une période de moins de trois mois sont automatiquement pris en compte dans le calcul du service ouvrant droit à pension. Elle a dit que depuis 2009 et jusqu’à la date de l’audience, tous les congés non payés de M. Gray n’avaient eu aucun effet sur sa pension, et que le fait d’être temporairement rayé de l’effectif pour des activités syndicales n’est pas pris en compte dans le maximum de 5 ans. Mme Galera a dit que l’employé qui veut préciser que le congé non payé se rapporte à des activités syndicales doit indiquer [traduction] « Congé syndical » dans la section [traduction] « Autre raison » du formulaire Web.

46 Pendant le contre-interrogatoire, Mme Galera a dit que M. Gray avait utilisé la bonne procédure lorsqu’il a rempli sa feuille de temps. L’étape suivante était que son gestionnaire devait remplir un formulaire Web pour le congé non payé. Si un congé non payé de moins de six jours est déclaré, le trop-payé est recouvré manuellement. Au besoin, le SAE informe TPSGC et précise à combien de jours s’applique le recouvrement de salaire. TPSGC procède à un recouvrement seulement lorsqu’un employé est temporairement rayé de l’effectif.

47 On a renvoyé Mme Galera à la pièce G-10, [traduction] Lignes directrices pour le recouvrement de salaire payé en trop. Elle a dit que le document avait été modifié depuis sa publication le 4 août 2010. On l’a ensuite renvoyée à une section de la page 2 du document intitulé [traduction] « Recouvrement sur une période prolongée pour les employés actifs » qui prévoit entre autres ce qui suit :

[Traduction]

[…]

Lorsqu’un employé doit de l’argent à l’ARC parce qu’on lui a versé trop de salaire, que ce soit à cause d’une erreur administrative ou d’un autre genre d’erreur, il faut communiquer avec lui, par téléphone ou par courriel, pour l’informer du recouvrement avant que toute déduction soit prise sur son salaire […]

[…]

48 Le document contient aussi un tableau qui indique les pourcentages du salaire net à recouvrer et les périodes de recouvrement. Mme Galera a précisé que cette section ne s’appliquait pas à la situation de M. Gray, car aucune erreur n’avait été commise. Le CSCR a suivi la procédure lorsqu’il a communiqué avec le gestionnaire de M. Gray en décembre 2009 pour lui demander de soumettre le formulaire Web. Le CSCR a traité le formulaire lorsqu’il l’a reçu en février 2010.

49 Pour ce qui est des relevés d’emploi, Mme Galera a dit que des relevés sont émis pour tous les arrêts de rémunération. Elle a ajouté que, comme il est énoncé dans la Directive sur la rémunération 2007-008 (pièce E-4), les formulaires papier des relevés d’emploi ne sont plus nécessaires depuis la date d’entrée en vigueur de la Directive, le 4 avril 2007.

50 Lorsqu’on l’a renvoyée au document de formation (pièce E-2), Mme Galera a convenu que, comme il est énoncé à la diapositive 52 de cette pièce, une lettre doit être envoyée aux employés qui vont prendre un congé non payé afin de les informer de leurs droits et de leurs avantages. Elle a dit que M. Gray n’a pas reçu ce genre de lettre parce qu’au moment où le formulaire Web permettant de le rayer temporairement de l’effectif a été traité, il n’était plus en congé non payé.

51 Mme Galera a reconnu que pour émettre les feuillets T4, TPSGC se fonde sur les entrées dans le SAE générées par l’ARC. Elle a dit que le bordereau de paye de M. Gray daté du 19 mars 2010 (pièce G-12) n’est pas un bordereau de paye régulier, mais bien un bordereau de trop-payé.

III. Résumé de l’argumentation

52 Dans ce résumé de l’argumentation des parties, je n’ai mentionné que la jurisprudence citée par les parties que j’ai jugée pertinente pour ce qui est de trancher les questions dont je suis saisi.

A. Pour M. Gray

53 D’entrée de jeu, M. Gray et le syndicat ont admis qu’ils n’avaient aucune jurisprudence à citer pour appuyer leur position en vertu de l’alinéa 186(1)b) de la Loi.

54 M. Gray a déclaré qu’il a pris des congés non payés pour remplir ses fonctions en tant que représentant syndical depuis 1992 et vice-président à temps partiel depuis 2008, et que certains de ces congés étaient d’une durée de plus de six jours. Il remplissait ses feuilles de temps et était payé pendant ses absences. Les montants étaient recouvrés plus tard. Il a expliqué qu’il n’avait rencontré aucune difficulté avant 2010. La politique de l’employeur était en vigueur depuis plusieurs années, mais elle n’avait pas été appliquée dans son cas. Ses problèmes ont commencé quand il a pris un congé non payé en novembre 2009. Il a consigné le congé dans sa feuille de temps, et en février 2010, il a été rayé temporairement de l’effectif de manière rétroactive à la période de congé. M. Gray a déclaré que la direction ne savait pas comment régler son problème, et il a cité le courriel de M. Lafrance à Mme Wellman (pièce E-1).

55 M. Gray a souligné qu’il n’avait pas été contre-interrogé concernant son allégation qu’il avait consacré 100 heures de son propre temps à ses problèmes de paye, qui perduraient. Il a fait référence à la page 3 de la pièce G-6, où il est indiqué ce qui suit : [traduction] « […] je ne mentionnerai même pas tout le temps que j’ai passé, seul ou avec d’autres, à essayer de comprendre ce qui se passait tandis qu’un petit effort de communication aurait rendu la chose infiniment moins frustrante et plus rapide ».

56 Concernant les six feuillets T4 et le feuillet T4A qu’il a reçus de TPSGC, M. Gray a indiqué que le problème était dû à la façon dont la politique de l’employeur avait été appliquée dans son cas. En tant qu’employeur, l’ARC était responsable de régler ses problèmes. Il a précisé qu’il n’aurait pas eu ces problèmes s’il n’avait pas été membre de la direction du syndicat. Il a ajouté qu’il devait décider s’il voulait continuer son travail au syndicat en raison de ces problèmes et de l’incertitude entourant son service ouvrant droit à pension.

57 M. Gray a mentionné que l’employeur ne lui avait pas donné de relevé d’emploi. Il a souligné que, contrairement à ce qui est indiqué dans la réponse au dernier palier de la procédure de règlement des griefs (pièce G-8), on ne lui a jamais fourni de relevé d’emploi. Lors de son témoignage, l’employeur a expliqué pourquoi il n’avait pas donné ce document au fonctionnaire. Cette question semblait avoir de l’importance pour M. Gray, mais il n’a pas démontré que ces faits étaient liés de quelque façon que ce soit à son allégation que l’employeur ne se serait pas conformé à la Loi ou à la convention collective.

58 Pour appuyer son argument, M. Gray a cité Lamarche c. Marceau, 2004 CRTFP 29 (Lamarche 2004) – demande de contrôle judiciaire accueillie : Lamarche c. Canada (Procureur général), 2005 CAF 92. Dans Lamarche 2004, le plaignant soutenait que l’employeur avait refusé de considérer sa candidature à un poste de chef d’équipe pour un motif de manque de disponibilité, parce qu’il occupait un poste de niveau national au sein du syndicat.

59 La Cour d’appel fédérale a renvoyé l’affaire à la Commission pour qu’elle soit réexaminée par une formation différente. M. Gray a cité le paragraphe 67 de la décision de cette formation dans Lamarche c. Marceau, 2007 CRTFP 18 (Lamarche 2007) :

[67] La Commission a adopté depuis longtemps, par la voix de son président de l’époque, M. Finkelman, un test pour obtenir gain de cause dans une telle affaire (Gennings et Milani (dossier de la CRTFP 161-2-87) (QL)). Ainsi, le plaignant doit prouver :

i) qu’on a pris une mesure discriminatoire à son égard en ce qui concerne son emploi ou une de ses conditions de travail;

ii) que la mesure discriminatoire a été prise parce qu’(il) était membre d’une association d’employés ou qu’(il) exerçait un droit en vertu de la Loi; et

iii) que la mesure discriminatoire a été prise par la personne nommée dans la plainte comme défendeur.

60 Lamarche 2004 a été annulée en contrôle judiciaire, mais le « test Finkelman », dont il est question dans l’affaire, n’a pas été invalidé.

61 M. Gray a soutenu qu’il a subi des conséquences négatives en raison de ses activités syndicales. Il a cité l’article 5 de la Loi : « Le fonctionnaire est libre d’adhérer à l’organisation syndicale de son choix et de participer à toute activité licite de celle-ci. » Il a fait valoir que cette disposition était similaire à l’article 6 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P -35, et qu’elle devrait être interprétée d’une manière semblable. Il a cité le paragraphe 47 de Stonehouse c. Canada (Conseil du Trésor), dossier de la CRTFP 161-02-137 (19770524) (QL) :

47. S’il nous faut prendre au sérieux les droits accordés aux employés en vertu de l’article 6, ce qui était, je crois, l’intention du Parlement, la Commission doit veiller scrupuleusement à ce que les interdictions portant sur les violations de ces droits soient respectées […]

62 M. Gray a fait valoir que la façon dont l’employeur avait appliqué la politique sur les congés non payés dans son cas avait eu une incidence néfaste sur lui pendant deux ans malgré le fait qu’il avait porté le problème à l’attention de cadres supérieurs. Il a également cité les décisions suivantes pour appuyer son argument : Hager et al. c. Opérations des enquêtes statistiques (Statistique Canada), 2011 CRTFP 79; Quadrini c. Agence du revenu du Canada et Hillier, 2008 CRTFP 37. M. Gray a mentionné le paragraphe 45 de Quadrini :

45 Il est encore et toujours essentiel, pour assurer l’intégrité des régimes des relations de travail créés par la nouvelle Loi et l’ancienne Loi, que les personnes aient la possibilité d’exercer les droits qui leur ont été accordés par ces lois sans avoir à craindre des représailles. S’il en était autrement, étant donné la possibilité qu’il y ait abus de pouvoir dans le cadre de la relation employeur-employé, l’effet dissuasif qu’aurait la menace de représailles pour qui exerce ses droits acquis découlant de la loi pourrait faire en sorte d’atténuer la force réelle de ces droits.

63 Entre autres mesures de réparation, M. Gray a demandé que sa plainte soit accueillie et que soit rendue une ordonnance intimant l’ARC de cesser et de s’abstenir d’appliquer sa politique sur les congés non payés. Il a aussi demandé que soit émise une déclaration que l’ARC a contrevenu au sous-alinéa 186(2)a)(iv) de la Loi et que soit rendue une ordonnance intimant l’ARC de lui verser des dommages généraux, punitifs et majorés. Pendant son argumentation orale, M. Gray a demandé que lui soit versée une indemnité pour le stress et l’anxiété auxquels il a été soumis et pour les 100 heures qu’il a passées à essayer de régler le problème. Pour ce qui est de son grief, il a demandé que des corrections soient apportées à ses retenues au titre du régime de pension de retraite, que les bons feuillets T4 lui soient fournis et qu’une réparation complète lui soit accordée.

B. Pour l’employeur

64 L’employeur a reconnu qu’il se pouvait que la situation dans laquelle se trouvait M. Gray ait été frustrante. Les employés qui prennent un congé non payé annoncent généralement leur intention le plus tôt possible, mais M. Gray a dit qu’il devait prendre des congés non payés sans grand préavis pour ses activités syndicales. L’employeur a déclaré que M. Gray a indiqué dans son argumentation qu’il voulait une plus grande clarté et fiabilité concernant le traitement de sa paye. L’employeur a indiqué qu’il était question ici d’un problème de communication. Il a fait valoir que, bien que M. Gray ait soutenu que la façon dont il avait appliqué sa politique sur les congés non payés dans son cas pendant deux ans lui avait causé du tort, ce dernier n’a soumis aucune preuve expliquant en quoi la politique lui a causé du tort. Il a ajouté qu’il n’y avait aucun lien entre les problèmes de paye de M. Gray et ses activités syndicales.

65 L’employeur a indiqué que l’alinéa 190(1)g) de la Loi n’est pas un recours passe-partout pour les employés insatisfaits. Il a ajouté que les éléments de preuve de M. Gray ne s’inscrivaient pas dans la portée du sous-alinéa 186(2)a)(iv) de la Loi, car ils ne démontraient pas l’exercice de droits découlant des parties 1 ou 2 de la Loi. L’employeur a expliqué que la plainte a été déposée après le grief et que, puisque les événements ayant donné lieu au grief se sont nécessairement produits avant que le grief soit présenté, il ne peut pas y avoir eu de représailles. Il a ajouté qu’il n’y avait pas de cause défendable, car aucune preuve de représailles contre M. Gray n’avait été produite, et que la plainte devrait être rejetée pour cette raison.

66 L’employeur a déclaré que si je concluais que la plainte de M. Gray était implicitement incluse dans la portée du sous-alinéa 186(2)a)(i) de la Loi, M. Gray serait alors tenu de produire une preuve prima facie pour faire appliquer la disposition sur l’inversion du fardeau de la preuve du paragraphe 191(3). L’employeur a aussi indiqué qu’il n’y avait aucun lien entre le rôle de représentant syndical de M. Gray et ses problèmes de paye, et que l’existence de ce lien n’était appuyée par aucune preuve documentaire ou orale. Par conséquent, la plainte devrait être rejetée, car M. Gray n’a soumis aucune preuve prima facie.

67 L’employeur a fait valoir que la question à trancher n’était pas de savoir si la façon dont il avait traité la paye de M. Gray était correcte. Il a aussi indiqué que, dans la présente affaire, contrairement à dans Lamarche 2007, l’employeur n’a pas utilisé les congés de M. Gray comme prétexte pour prendre une mesure discriminatoire contre lui. L’employeur a fait référence au paragraphe 77 de Lamarche 2004, où l’arbitre de grief a déclaré que, selon le « test de M. Finkelman », il doit y avoir une preuve de lien causal pour conclure à une discrimination. L’employeur a indiqué qu’aucune preuve de lien causal n’a été présentée dans la présente affaire. Il a fait valoir qu’il n’y a aucune preuve que l’employeur a utilisé son système de paye pour prendre une mesure discriminatoire contre M. Gray et que les problèmes de paye de ce dernier étaient une conséquence de ses activités syndicales.

68 L’employeur a cité Hager et al. et a expliqué que ses témoins étaient crédibles et qu’il n’y avait aucune preuve de sentiment antisyndical de sa part. Il a fait valoir que, même si j’acceptais la déclaration de M. Gray qu’il avait été victime du système de paye de l’employeur et qu’il avait donc subi des conséquences néfastes, cela ne suffisait pas à soutenir une plainte de pratique déloyale de travail. Pour appuyer cet argument, l’employeur a cité Kérouack c. Gravel, 2011 CRTFP 109.

69 L’employeur a également déclaré que la question à trancher concernait le traitement de la paye de M. Gray et ses feuillets T4. Il a fait valoir qu’on ne pouvait pas utiliser une plainte de pratique déloyale de travail pour éviter le recours au moyen normal de contester le système de paye, lequel serait selon lui la procédure de règlement des griefs. Pour appuyer cet argument, l’employeur a cité Manella c. Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada et Alliance de la Fonction publique du Canada, 2010 CRTFP 128, et Larocque c. Institut professionnel de la fonction publique du Canada, 2010 CRTFP 77.

70 Au sujet du grief de M. Gray, l’employeur a déclaré que, comme il visait particulièrement la clause d’élimination de la discrimination de la convention collective, il n’était pas complètement différent de sa plainte de pratique déloyale de travail. L’employeur a expliqué que M. Gray devait d’abord produire une preuve prima facie de ses allégations pour que l’employeur soit tenu de démontrer qu’il n’a pas agi de façon discriminatoire. Il a cité Veillette c. Agence du revenu du Canada, 2010 CRTFP 32, pour appuyer son argument. L’employeur a déclaré qu’il n’a pas traité M. Gray différemment des autres employés et que, en fait, M. Gray souhaitait être traité différemment.

71 Pour ce qui est des mesures correctives demandées par M. Gray, l’employeur a déclaré que les 100 heures que le fonctionnaire dit avoir passées à corriger les erreurs de ses feuillets T4, et pour lesquelles il veut être indemnisé, étaient une conséquence du système de paye. Il a soutenu que, à moins que je conclue que M. Gray a subi un traitement discriminatoire, cette indemnité ne devrait pas être accordée. Au sujet du présumé préjudice moral, l’employeur a déclaré qu’aucune preuve n’a été produite pour appuyer cette allégation, et il a indiqué que les mesures de réparation demandées n’étaient fondées sur aucune preuve, et que le grief comme la plainte devraient être rejetés.

C. Réplique de M. Gray

72 M. Gray a insisté sur le fait qu’il n’a pas été contre-interrogé concernant son allégation qu’il a subi un préjudice moral en raison des erreurs dans le système de paye de l’employeur.

73 Pour ce qui est du lien causal entre ses problèmes de paye et ses activités syndicales, M. Gray a fait valoir qu’il a pris des congés non payés pour remplir ses fonctions de représentant syndical. Il a déclaré qu’il ne devrait pas avoir à affronter de telles difficultés en raison de sa charge syndicale, et que l’employeur ne devrait pas essayer de porter atteinte à ses droits découlant de l’article 5 de la Loi.

IV. Motifs

1. Plainte de pratique déloyale de travail (dossier de la CRTFP 561-34-464)

74 M. Gray a soutenu que l’ARC s’est livrée à une pratique déloyale de travail au sens de l’article 185 de la Loi, qui se lit comme suit :

185. Dans la présente section, « pratiques déloyales » s’entend de tout ce qui est interdit par les paragraphes 186(1) et (2), les articles 187 et 188 et le paragraphe 189(1).

75 Dans sa plainte, M. Gray a allégué que l’ARC a fait preuve de discrimination à son endroit en raison de sa charge de représentant syndical. Plus précisément, M. Gray a affirmé dans sa plainte que l’ARC, en appliquant sa politique sur la paye, a fait preuve de discrimination à son endroit en raison de son appartenance au syndicat et de sa participation à ses activités. Il a notamment allégué que l’ARC a exercé des représailles envers lui et d’autres représentants syndicaux qui prennent des congés non payés de plus de six jours pour activités syndicales en les rayant temporairement de l’effectif.

76 En guise de mesure corrective, M. Gray souhaite que l’ARC déclare qu’elle a contrevenu à l’alinéa 186(1)b) et au sous-alinéa 186(2)a)(iv) de la Loi. Comme nous l’avons affirmé plus tôt dans la décision, comme M. Gray a avoué qu’il n’avait pas d’arguments en lien avec le paragraphe 186(1), il ne reste que l’allégation selon laquelle l’ARC a contrevenu au sous-alinéa 186(2)a)(iv), qui se lit comme suit :

186. (2) Il est interdit à l’employeur, à la personne qui agit pour le compte de celui-ci et au titulaire d’un poste de direction ou de confiance, que ce dernier agisse ou non pour le compte de l’employeur :

a) de refuser d’employer ou de continuer à employer une personne donnée, ou encore de la suspendre, de la mettre en disponibilité, ou de faire à son égard des distinctions illicites en matière d’emploi, de salaire ou d’autres conditions d’emploi, de l’intimider, de la menacer ou de prendre d’autres mesures disciplinaires à son égard pour l’un ou l’autre des motifs suivants :

[…]

(iv) elle a exercé tout droit prévu par la présente partie ou la partie 2 […]

77 Dans sa plainte, M. Gray a allégué qu’en le rayant temporairement de l’effectif lorsqu’il prenait des congés non payés de plus de six jours consécutifs pour activités syndicales, on l’empêchait de voir ces journées prises en compte dans le calcul de sa pension. Mme Galera a répondu à cette allégation en affirmant que les congés non payés de moins de trois mois sont automatiquement calculés comme du service ouvrant droit à pension, et ce, pour n’importe quel employé. Elle a ajouté que, depuis 2009, aucun des congés non payés pris par M. Gray n’a eu de conséquence sur l’accumulation de ses années de service ouvrant droit à la pension.

78 Dans une plainte de pratique déloyale de travail aux termes du paragraphe 186(2) de la Loi, le fardeau de la preuve est établi comme suit au paragraphe 191(3) :

191. (3) La présentation par écrit, au titre du paragraphe 190(1), de toute plainte faisant état d’une contravention, par l’employeur ou la personne agissant pour son compte, du paragraphe 186(2), constitue une preuve de la contravention; il incombe dès lors à la partie qui nie celle-ci de prouver le contraire.

79 Selon la jurisprudence de la Commission, un plaignant doit présenter une cause défendable de violation du paragraphe 186(2) de la Loi avant que l’inversion du fardeau de la preuve n’entre en vigueur; voir Quadrini, Manella et Hager et al. Comme la Commission l’a indiqué au paragraphe 32 de Quadrini : « […] la question essentielle à trancher est la suivante : si l’on tient pour acquis que tous les faits allégués dans la plainte sont vrais, y a-t-il une preuve soutenable que les défendeurs ont violé les sous-alinéas 186(2)a)(iii) ou (iv) de la nouvelle Loi? »

80 Dans la présente affaire, l’ARC a contesté la compétence de la Commission à entendre la plainte de M. Gray sous prétexte que, à première vue, le plaignant n’a pas produit une preuve prima facie. L’ARC a aussi soutenu que, quant au bien-fondé de la plainte, M. Gray avait échoué, entre autres choses, à assumer le fardeau qui lui incombait de prouver que l’ARC avait enfreint le sous-alinéa 186(2)a)(iv) de la Loi.

81 Après avoir entendu la preuve, je dois déterminer si la plainte de M. Gray est fondée. Pour les besoins de mon analyse, je vais mettre de côté la question de savoir si M. Gray a produit une preuve prima facie, pour centrer plutôt mes motifs sur les questions de fond avancées dans la plainte.

82 En ce qui concerne l’allégation selon laquelle l’ARC a violé le sous-alinéa 186(2)a)(iv) de la Loi, pour établir qu’il y a bel et bien eu violation de cette disposition, un plaignant doit prouver que des mesures énoncées à l’alinéa 186(2)a) ont été prises parce que le plaignant « […] a exercé tout droit prévu par la présente partie ou la partie 2 […] » (voir le sous-alinéa 186(2)a)(iv)). Autrement dit, un plaignant doit démontrer qu’il a fait l’objet de l’une des mesures de représailles énoncées à l’alinéa 186(2)a) parce qu’il a exercé l’un de ses droits en vertu des parties 1 ou 2 de la Loi.

83 Je me pencherai d’abord sur la partie 2 de la Loi, qui porte sur les griefs. Dans son témoignage, M. Gray n’a pas précisé avoir exercé un droit en vertu de la partie 2 de la Loi, qui porte sur les griefs, au sujet duquel l’ARC aurait appliqué à son endroit l’une des mesures énoncées à l’alinéa 186(2)a). Le 30 mars 2010, M. Gray a en fait exercé son droit de présenter un grief ayant le même objet que sa plainte, qui elle a été déposée deux mois plus tard. Lors de son témoignage, M. Gray n’a mentionné aucun autre grief. Les problèmes qui sont avancés dans le grief et la plainte de M. Gray sont survenus longtemps avant la présentation du grief. Le grief était le résultat, et non la source, de ses problèmes avec l’ARC. Par conséquent, j’en conclus que M. Gray n’a pas su démontrer que l’ARC a pris à son endroit l’une des mesures de représailles énoncées à l’alinéa 186(2)a) parce qu’il avait présenté un grief.

84 Je me pencherai ensuite sur l’allégation que l’ARC a enfreint le sous-alinéa 186(2)a)(iv) de la Loi parce que M. Gray a exercé un droit prévu dans la partie 1. M. Gray a soutenu que, en appliquant la politique sur les congés non payés à son cas, l’ARC a brimé ses libertés protégées par l’article 5 de la Loi, qui dit ce qui suit : « […] Le fonctionnaire est libre d’adhérer à l’organisation syndicale de son choix et de participer à toute activité licite de celle-ci. »

85 Pour appuyer une telle allégation, M. Gray doit préciser quels actes la défenderesse a commis ou quelle conduite elle a adoptée pour limiter ses libertés aux termes de l’article 5 de la Loi.Pour que la prétendue violation soit comprise dans le sous-alinéa 186(2)a)(iv), M. Gray doit démontrer que la défenderesse a fait preuve de discrimination en appliquant sa politique sur les congés non payés à son endroit parce qu’il est un représentant syndical, ce qui constituerait une violation des libertés de M. Gray aux termes de l’article 5.

86 M. Gray était membre de son syndicat depuis longtemps, il était représentant syndical, il a participé aux activités du syndicat et il a été élu à une charge de direction. Comme il a été mentionné plus haut dans la décision, dans sa plainte, M. Gray alléguait que l’application de la politique de l’ARC sur la paye était une forme de discrimination à son égard en raison de sa participation aux activités syndicales. Il a également soutenu que l’ARC a pris des mesures de représailles à son endroit lorsqu’il a pris des congés non payés de plus de six jours consécutifs pour activités syndicales en le rayant temporairement de l’effectif. M. Gray n’a pas soutenu que la défenderesse l’avait empêché de devenir membre du syndicat ou de participer à ses activités, mais il a affirmé que les gestes de l’ARC l’ont fait remettre en question sa volonté d’occuper une charge de dirigeant syndical.

87 M. Gray a soutenu que l’application par la défenderesse de sa politique sur les congés non payés était une conséquence de ses activités à titre de dirigeant syndical. Cependant, la preuve présentée par M. Gray ne révèle aucun lien entre ses problèmes de paye et ses activités syndicales. En outre, la défenderesse ne l’a pas traité différemment de tout autre employé prenant des congés non payés de plus de six jours consécutifs, comme des congés de maternité, des congés parentaux, des congés d’études ou des congés de maladie. Par conséquent, en l’absence de lien causal, je conclus qu’il n’est pas parvenu à démontrer que l’ARC avait violé le sous-alinéa 186(2)a)(iv) de la Loi en limitant ses libertés protégées par l’article 5.

88 La plainte et la preuve de M. Gray étaient fondées sur le fait que ses activités en tant que représentant syndical étaient la raison des mesures de représailles prises par la défenderesse à son endroit. Par conséquent, même si la plainte de M. Gray mentionne le sous-alinéa 186(2)a)(iv) de la Loi, à mon avis, en raison de son libellé, la plainte tombe aussi implicitement sous la portée du sous-alinéa 186(2)a)(i), qui porte sur les motifs liés à la position de l’employé au sein du syndicat ou à son statut de membre. Cette disposition se lit comme suit :

186. (2) Il est interdit à l’employeur, à la personne qui agit pour le compte de celui-ci et au titulaire d’un poste de direction ou de confiance, que ce dernier agisse ou non pour le compte de l’employeur :

a) de refuser d’employer ou de continuer à employer une personne donnée, ou encore de la suspendre, de la mettre en disponibilité, ou de faire à son égard des distinctions illicites en matière d’emploi, de salaire ou d’autres conditions d’emploi, de l’intimider, de la menacer ou de prendre d’autres mesures disciplinaires à son égard pour l’un ou l’autre des motifs suivants :

(i) elle adhère à une organisation syndicale ou en est un dirigeant ou représentant — ou se propose de le faire ou de le devenir, ou incite une autre personne à le faire ou à le devenir —, ou contribue à la formation, la promotion ou l’administration d’une telle organisation […]

[…]

89 Cependant, même aux termes du sous-alinéa 186(2)a)(i) de la Loi, la preuve présentée par M. Gray ne permet pas de conclure à un sentiment antisyndical par l’ARC ni à tout autre motif reposant sur la position de M. Gray en tant que représentant ou dirigeant syndical. En fait, tant dans son argumentation que dans sa réplique, M. Gray a soutenu qu’il n’aurait pas eu de problèmes de paye s’il n’avait pas été un dirigeant syndical. Cela n’équivaut pas à prouver qu’il a eu des problèmes de paye parce qu’il était un dirigeant syndical. Si l’on applique le test Finkelman tel qu’il est décrit dans Lamarche 2004, cité par M. Gray, on constate qu’il n’y avait pas de lien causal entre la position de représentant syndical de M. Gray et l’application à son endroit, par la défenderesse, de la politique de cette dernière sur les congés non payés.

90 Il ne fait aucun doute que M. Gray a subi une situation extrêmement frustrante pendant une longue période, situation qui a découlé des congés non payés pour activités syndicales pris du 30 octobre au 6 décembre 2009, et que les difficultés liées à l’application de la politique visant à le rayer temporairement de l’effectif ainsi que les retards découlant, entre autres, de l’omission par son superviseur immédiat de remplir rapidement le formulaire en ligne. Il a passé beaucoup de temps à essayer d’obtenir des clarifications sur les politiques applicables auprès de la défenderesse et il a dû composer avec sept feuillets T4 modifiés. Ces difficultés sont clairement décrites dans le long extrait de la pièce G-6 reproduit plus haut dans cette décision. De plus, Mme Galera a confirmé dans son témoignage que le CSCR avait eu certaines difficultés à appliquer la politique visant à rayer temporairement un employé de l’effectif. Parmi les facteurs ayant contribué à aggraver les difficultés de M. Gray, on peut inclure la nature de ses fonctions syndicales qui, selon ses dires, ne lui permettaient pas toujours de fournir un préavis suffisant de congés non payés de plus de six jours consécutifs, de même que le processus de paye de la défenderesse, dans le cadre duquel les chèques de paye sont préparés deux semaines à l’avance pour que les employés puissent être payés sur une base courante.

91 Il est toutefois clair, à la lumière du témoignage de Mme Galera et des preuves documentaires présentées, que les difficultés de M. Gray découlent du processus associé aux congés non payés, et non de son statut de membre ou de dirigeant du syndicat. Mme Williams et Mme Galera ont toutes deux affirmé que la politique sur les congés non payés de plus de six jours est appliquée de la même façon pour les congés non payés pour activités syndicales et pour n’importe quel autre type de congés non payés, comme les congés de maternité, les congés parentaux, les congés d’invalidité et les congés d’études. Ces témoignages non contestés sont appuyés par les preuves documentaires, par exemple la diapositive 3, à la page 2 de la pièce E-2, qui est un document de formation sur la politique visant à rayer temporairement un employé de l’effectif. On trouve un autre exemple dans le neuvième numéro des bulletins d’information sur la rémunération, qui a été publié en avril 2007 (pièce E-5) et qui, selon Mme Galera, a été envoyé par courriel à tous les employés. Ce bulletin, qui comprenait des rappels sur les congés non payés, incluait le passage suivant :

[Traduction]

[…]

Rappel!

Congés non payés en cours

N’oubliez pas qu’il faut déclarer le plus tôt possible tous les congés non payés afin d’éviter les trop-payés. Si vous êtes absent pour une période de plus de six jours consécutifs, votre gestionnaire doit en informer le Centre de service à la clientèle pour la rémunération (CSCR) afin que l’on suspende votre compte. Notez qu’il ne faut pas remplir de feuilles de temps pour les périodes excédant six jours consécutifs de congé non payé, car cela occasionnerait des retards et des trop-payés, et le CSCR ne serait pas informé. Le formulaire Web sur les congés non payés doit être rempli le plus tôt possible et acheminé au CSCR […]

[…]

[Les passages en évidence le sont dans l’original]

92 M. Gray est parvenu à établir que la politique en question n’avait pas été appliquée auparavant à ses congés pour activités syndicales, mais il n’a présenté aucune preuve de la raison pour laquelle cette politique était maintenant appliquée ni de preuve que son application était motivée par un sentiment antisyndical, ce qu’il aurait dû faire pour appuyer sa plainte adéquatement. En effet, la preuve présentée par la défenderesse, qui n’a pas été contestée par M. Gray, a révélé que les problèmes cernés dans ce cas ont été révélés lorsqu’un agent du CSCR a travaillé sur son dossier de paye. La raison du changement était purement circonstancielle et administrative.

93 Après avoir pris en considération toute la preuve, je conclus que l’ARC a prouvé, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle n’a pas fait preuve de discrimination à l’endroit de M. Gray en appliquant sa politique sur les congés non payés et qu’elle ne l’a pas traité différemment en raison de son appartenance au syndicat, de sa participation aux activités de celui-ci ou de sa charge de dirigeant syndical. Par conséquent, je conclus que la défenderesse ne s’est pas livrée à une pratique déloyale de travail au sens de l’article 185 de la Loi.

2. Grief (dossier de la CRTFP 566-34-5754)

94 Dans son grief, M. Gray a allégué que l’ARC, en le rayant temporairement de l’effectif, a enfreint la clause de la convention collective qui porte sur l’élimination de la discrimination en raison de son appartenance au syndicat ou de ses activités syndicales. Les détails du grief, cités plus haut dans la décision, sont reproduits ici à des fins de commodité :

[Traduction]

Le 19 mars 2010, j’ai découvert que j’avais été, encore une fois, rayé temporairement de l’effectif parce que j’avais pris plus de six jours consécutifs de congé non payé pour activités syndicales, ce qui a eu comme conséquence que cette période de service n’a pas été prise en compte dans le calcul de mes retenues au titre du régime de pension de retraite et que mon feuillet T4 a été modifié à tort. Je prends des congés pour activités syndicales afin de justifier mes absences du lieu de travail pendant que j’exécute les fonctions qui sont attendues de moi à titre de vice-président de l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada, qui est l’agent négociateur dûment accrédité de mon unité de négociation, entre autres. Les gestes de l’ARC ont porté préjudice à ma pension et sont une forme de discrimination et de représailles contre moi en raison de mes activités légales à titre de représentant de mon syndicat.

Les gestes de l’ARC qui ont été posés à mon égard ont violé mes droits établis dans ma convention collective en général, et de façon spécifique ceux de la clause 43.01 de l’article 43.

95 Pour en faciliter la consultation, voici la clause 43.01 de la convention collective :

43.01 Il n’y a aucune discrimination, ingérence, restriction, coercition, harcèlement, intimidation, ni aucune mesure disciplinaire exercée ou appliquée à l’égard d’un employé du fait de son âge, sa race, ses croyances, sa couleur, son origine ethnique ou nationale, sa confession religieuse, son sexe, son orientation sexuelle, sa situation familiale, son état matrimonial, son incapacité mentale ou physique, une condamnation pour laquelle l’employé a été gracié ou son adhésion au syndicat, ou son activité dans l’Institut.

96 Dans Souaker c. Commission canadienne de sûreté nucléaire, 2009 CRTFP 145, l’arbitre de grief s’est penché dans les termes suivants sur le fardeau de la preuve que doit assumer la personne qui affirme avoir été victime de discrimination :

[…]

131 […] Il est bien établi en jurisprudence que la personne qui allègue avoir été victime de discrimination doit faire une preuve prima facie de ses allégations. Lorsque cette personne a satisfait à son fardeau, il incombe alors à la partie défenderesse de fournir une explication pour démontrer qu’elle n’a pas agi de façon discriminatoire ou que sa conduite était autrement justifiée. La Cour d’appel fédérale a rappelé comme suit le concept de la preuve prima facie dans Lincoln c. Bay Ferries Ltd., 2004 CAF 204 :

[…]

[18] Les arrêts Etobicoke et O’Malley, précités, prévoient les règles de base concernant l’établissement, par un plaignant, d’une preuve prima facie de discrimination en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Selon le juge McIntyre, dans l’affaire Etobicoke, à la page 208 : « Lorsqu’un plaignant établit devant une commission d’enquête qu’il est, de prime abord, victime de discrimination, […] il a droit à un redressement en l’absence de justification de la part de l’employeur. » Le juge McIntyre a repris le critère permettant d’établir une preuve prima facie de discrimination dans O’Malley, précité à la page 558:

Dans les instances devant un tribunal des droits de la personne, le plaignant doit faire une preuve suffisante jusqu’à preuve contraire qu’il y a discrimination. Dans ce contexte, la preuve suffisante jusqu’à preuve du contraire est celle qui porte sur les allégations qui ont été faites et qui, si on leur ajoute foi, est complète et suffisante pour justifier un verdict en faveur de la plaignante, en l’absence de réplique de l’employeur intimé.

[…]

133 Enfin, il est reconnu que le fardeau de la preuve applicable en matière de discrimination est celui de la prépondérance des probabilités.

[…]

97 Dans le contexte de la clause 43.01 de la convention collective, M. Gray devait démontrer que l’une des caractéristiques protégées de toute forme de discrimination par cette clause s’appliquait à son cas, qu’il a subi des répercussions négatives en raison d’une condition d’emploi découlant de la convention collective, et que la caractéristique protégée était un facteur ayant contribué à ces répercussions négatives.

98 La caractéristique de M. Gray qui est protégée de toute forme de discrimination par la clause 43.01 de la convention collective est son appartenance au syndicat ou ses activités au sein de celui-ci. Pour ce qui est des répercussions négatives, bien que M. Gray ait eu des difficultés avec le système de paye, la preuve n’a pas révélé que l’application par l’employeur de sa politique sur la paye a été faite différemment pour lui que pour n’importe quel autre employé ayant pris un congé non payé de plus de six jours consécutifs. La preuve de l’employeur selon laquelle la politique s’appliquait à tous les employés en congé non payé pour une période de plus de six jours n’a pas été contestée par le fonctionnaire. Même si l’application de la politique à son cas peut avoir été déclenchée par le fait qu’il a pris des congés non payés, rien ne prouve que ce soit le fait qu’il avait pris des congés non payés pour activités syndicales qui a entraîné l’application de cette politique. Même si j’acceptais le fait que M. Gray a subi des répercussions négatives en raison de l’application de la politique de l’employeur sur la paye, rien ne prouve que ce soit sa participation à des activités syndicales qui a motivé les gestes de l’employeur.

99 À mon avis, l’application par l’employeur de sa politique sur la paye était pleinement justifiée. Même si M. Gray a été affecté par son application, selon la preuve, il ne fait aucun doute que l’employeur n’a pas fait preuve de discrimination à son endroit.

100 Compte tenu de ma conclusion, je n’ai pas besoin de me pencher sur les mesures correctives demandées dans le grief. Néanmoins, je remarque qu’en guise de mesure corrective, M. Gray a notamment demandé à ce que le solde associé à son régime de pension de retraite soit corrigé. Or, M. Gray n’a pas contesté la preuve de l’employeur selon laquelle sa pension n’a pas été affectée par les événements en cause.

101 Pour ces motifs, je rends l’ordonnance qui suit :

V. Ordonnance

102 La plainte dans le dossier de la CRTFP 561-34-464 est rejetée.

103 Le grief dans le dossier de la CRTFP 566-34-5754 est rejeté.

Le 6 février 2013.

Traduction de la CRTFP

Steven B. Katkin,
arbitre de grief et une formation de la
Commission des relations de travail
dans la fonction publique

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